Language of document : ECLI:EU:T:2012:497

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 septembre 2012 (*)

« Aides d’État – Secteur des fruits et légumes – ‘Plans de campagne’ visant au soutien du marché des fruits et légumes en France – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun – Notion d’aide d’État – Ressources d’État – Cofinancement par un établissement public et par des contributions volontaires des organisations de producteurs – Arguments contraires aux éléments factuels fournis lors de la procédure administrative – Aides au fonctionnement – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑243/09,

Fédération de l’organisation économique fruits et légumes (Fedecom), établie à Paris (France), représentée par Me C. Galvez, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Stromsky, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 203 final de la Commission, du 28 janvier 2009, concernant les « plans de campagne » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la République française,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Droit de l’Union

1        Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, CE :

« Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

 Législation nationale applicable

 Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture

2        L’article L.621-1 du code rural français, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2002 (ci-après le « code rural »), dispose que, « [a]fin d’atteindre les objectifs définis par le traité instituant la Communauté européenne et de contribuer à la garantie et à l’amélioration des revenus, à la réduction des inégalités, à l’emploi optimum des facteurs de production et à la régularisation des marchés dans l’intérêt des producteurs, des transformateurs, des négociants, des commerçants et des consommateurs, des offices d’intervention par produit ou groupe de produits peuvent être créés dans le secteur agricole et alimentaire par décret en Conseil d’État ».

3        L’article L.621-2 du code rural précise : 

« Ces offices sont des établissements publics à caractère industriel et commercial placés sous la tutelle de l’État et exerçant leur compétence sur l’ensemble des secteurs agricole et alimentaire correspondant aux produits dont ils ont la responsabilité. Ils peuvent se voir confier des missions à caractère administratif liées à l’exercice de leurs attributions. Le personnel de ces offices est régi par un statut commun de droit public défini par décret. »

 Comités économiques agricoles

–       Missions et agrément

4        L’article L.551-1 du code rural prévoit que, « [d]ans une région déterminée, les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, les sociétés d’intérêt collectif agricole, les syndicats agricoles autres que les syndicats à vocation générale régis par les dispositions du livre IV du code du travail, les associations entre producteurs agricoles régies par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901, lorsqu’ils ont pour objet de maîtriser durablement la valorisation de leur production, de renforcer l’organisation commerciale des producteurs, d’organiser et de pérenniser la production sur un territoire déterminé, peuvent être reconnus par l’autorité administrative comme organisations de producteurs ».

5        Aux termes de l’article L.552-1 du code rural :

« Afin d’harmoniser les disciplines de production, de commercialisation, de prix et d’appliquer des règles communes de mise en marché, les organismes reconnus énumérés à l’article précédent et les syndicats agricoles à vocation générale ou spécialisée peuvent se grouper pour constituer, dans une région déterminée, et pour un même secteur de produits tel qu’il est défini au 2° de l’article L.551-1 un comité économique agricole.

Les comités économiques agricoles doivent être soit des syndicats agricoles régis par le livre IV du code du travail, soit des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 [...]

Les comités économiques agricoles édictent des règles communes à leurs membres.

Les comités économiques agricoles contribuent à la mise en oeuvre des politiques économiques nationales et communautaires et peuvent être consultés sur les orientations de la politique de filière les concernant. »

6        L’article L.552-2 du même code précise :

« Les priorités et les avantages particuliers dont bénéficient les groupements de producteurs reconnus peuvent être accordés aux comités économiques agricoles lorsqu’ils sont agréés par l’autorité administrative.

L’agrément est accordé, suspendu ou retiré par l’autorité administrative, après avis du conseil supérieur d’orientation de l’économie agricole et alimentaire prévu à l’article 14 I de la loi modifiée du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole. »

7        L’article L.554-1, premier alinéa, du code rural indique que « [l]es comités économiques agricoles justifiant d’une expérience suffisante de certaines disciplines peuvent demander à l’autorité administrative compétente que les règles acceptées par leurs membres prévues à l’article 15 ter, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1035/72 du Conseil, du 18 mai 1972, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes soient rendues obligatoires pour les producteurs établis, au sein de leur région, dans une ou plusieurs circonscriptions économiques ».

8        L’article R*552-1 du code rural précise que « [l]a demande d’agrément présentée, pour une région ou pour un secteur de produits déterminés, par un comité économique agricole est adressée au ministre de l’[A]griculture par l’intermédiaire du préfet du département du siège social du comité » et l’article R*552-2 dispose que cette demande doit être accompagnée de certaines pièces, dont « les statuts du comité », qui doivent comporter des clauses prévoyant que « [l]es règles édictées par le comité ne soient applicables qu’après approbation du ministre de l’[A]griculture », une « [d]éclaration précisant la nature et les formes de l’aide susceptible d’être apportée, le cas échéant, aux adhérents par le comité » et les « [t]extes des règles édictées par le comité conformément aux dispositions de l’article L.552-1 ». L’article R.552-4 du code rural précise enfin que, « [a]près avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, le ministre de l’[A]griculture, en application de l’article L.552-2, se prononce sur la demande de l’agrément ».

–       Fonctionnement

9        Aux termes de l’article R.552-10, premier alinéa, du code rural, « [u]n comité économique agricole agréé ne peut édicter de nouvelles règles ou modifier des règles déjà approuvées qu’avec l’approbation explicite du ministre de l’[A]griculture, après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire ».

10      L’article R.552-11 du code rural prévoit par ailleurs que « [l]e ministre de l’[A]griculture nomme un délégué auprès de chaque comité économique agricole agréé » et que ce « délégué, qui joue auprès du comité un rôle de conseiller technique, assiste ou peut, dans les conditions fixées par le ministre de l’[A]griculture, se faire représenter aux réunions du conseil d’administration et de l’assemblée générale », qu’il « peut consulter sur place ou se faire communiquer toutes pièces et tous documents concernant l’activité du comité ou des organismes qui en font partie » et qu’il « est tenu régulièrement au courant de toutes les décisions prises par le conseil d’administration et des résolutions adoptées par l’assemblée générale ».

11      Enfin, aux termes de l’article R.552-14 du code rural :

« Le ministre de l’[A]griculture peut à toute époque, après avoir recueilli les observations du comité et pris l’avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, retirer son approbation à des règles en vigueur antérieurement approuvées. Il fixe la date d’effet du retrait de l’approbation. Le comité, s’il entend néanmoins maintenir ces règles, perd la qualité de comité agréé [...] »

–       Droits d’inscription et cotisations

12      Selon l’article L.553-1 du code rural, « [l]es organismes reconnus ou agréés dans les conditions prévues aux articles L.551-1 et L.552-2 peuvent être autorisés par décret après avis du Conseil d’État à percevoir des droits d’inscription et des cotisations assises soit sur la valeur des produits, soit sur les superficies, soit sur ces deux éléments combinés ».

13      L’article R*553-2 du code rural, relatif aux groupements de producteurs reconnus, dispose ainsi que ces derniers « sont habilités à percevoir auprès de chacun de leurs membres un droit d’inscription dont le montant est fixé uniformément par producteur et des cotisations assises sur la valeur de la production commercialisée au titre de laquelle ils ont été reconnus » et que « le montant des droits d’inscription et le taux des cotisations ne peut excéder les maximums fixés par décision du ministre de l’[A]griculture, après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire ».

14      L’article R*553-5 du code rural, relatif aux droits d’inscription et aux cotisations des groupements de producteurs reconnus, prévoit que le « montant des droits d’inscription et le taux des cotisations ainsi que les modalités de leur acquittement sont fixés par l’assemblée générale ordinaire ».

15      L’article R*553-6 du code rural précise de même que les « comités économiques agréés sont habilités à percevoir, auprès de chacun de leurs membres, un droit d’inscription et, à titre de cotisation, auprès de leurs membres qui ont la qualité de groupements agricoles reconnus, une fraction des cotisations perçues par les groupements eux-mêmes » et que « le ministre de l’[A]griculture peut, après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, fixer le montant maximum des cotisations perçues par un comité ».

16      L’article R*553-7, premier alinéa, du code rural indique que, « [l]orsqu’un comité économique agricole agréé, en application de l’article L.552-2, a obtenu l’extension à l’ensemble des producteurs de sa circonscription de l’une ou de plusieurs règles édictées pour les producteurs et groupements relevant de lui, les producteurs pour lesquels cette règle est devenue obligatoire du fait de cette extension sont redevables au comité, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l’[A]griculture, de tout ou partie des cotisations fixées en application de l’article R.553-2 ».

–       Contrôle par l’autorité administrative

17      L’article R*553-10 du code rural prévoit :

« Le contrôle du ministre de l’[A]griculture sur les comités économiques agréés et sur les groupements de producteurs reconnus porte notamment :

–        sur la comptabilité et la régularité des opérations de ces organismes ;

–        sur l’utilisation de l’aide reçue, en particulier de celle qui pourrait être accordée par l’État, les collectivités publiques, les établissements publics et les sociétés d’économie mixte ;

–        sur l’application par les groupements de producteurs, les comités économiques agricoles et les organismes et les producteurs qui en relèvent des règles édictées en application des articles L.551-1 et L.552-1 ainsi que sur l’application des lois et règlements en vigueur, en particulier des lois et règlements intervenus en matière de répression des fraudes et de normalisation ».

18      À cet effet, l’article R*553-13 du code rural prévoit que « [l]es fonctionnaires du ministère de l’[A]griculture, habilités à cet effet par le ministre de l’[A]griculture, ont accès [aux] services des groupements de producteurs reconnus et des comités économiques agricoles agréés » et qu’ils « peuvent y prendre connaissance de toutes pièces, lettres ou documents comptables ou administratifs ». De même, aux termes de l’article R*553-14, « [l]es fonctionnaires et agents du ministère de l’[A]griculture, et notamment ceux du service de la répression des fraudes et du contrôle de la qualité, participent concurremment avec les agents des organismes intéressés au contrôle de l’application par ces organismes et par les producteurs agricoles des règles en vigueur édictées par les groupements et comités économiques agricoles ».

19      Enfin, l’article R*553-16 du code rural précise que « [l]e contrôle à assurer en vue de l’application [de l’article] R.553-7 concernant les droits d’inscription et les cotisations est exercé dans les conditions prévues à l’article R.553-14 ».

 Faits à l’origine du litige

20      L’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture (Oniflhor), établissement public à caractère industriel et commercial placé sous tutelle de l’État français, a notamment pour mission de renforcer l’efficacité économique de la filière des fruits et des légumes.

21      Les comités économiques agricoles rassemblent au niveau régional les organisations de producteurs agricoles, intitulées « groupements de producteurs agricoles» jusqu’en 1999, d’un secteur donné et visent à édicter des règles communes à leurs membres afin d’harmoniser les disciplines de production, de commercialisation, de prix et de mises sur le marché des produits.

22      À la suite d’une plainte, la Commission des Communautés européennes a adressé le 31 juillet 2002 à la République française une demande de renseignements relative à des aides non notifiées dans le secteur des fruits et légumes, versées dans le cadre de plans de campagne aux organisations de producteurs agricoles par un fonds opérationnel géré par les comités économiques agricoles et alimenté par l’Onifhlor et par des contributions des organisations de producteurs (ci-après les « parts professionnelles »). Ces plans de campagne avaient pour objet d’atténuer les effets d’excédents temporaires de l’offre de fruits et légumes, de réguler les cours des marchés par une approche collective coordonnée et de financer des actions structurelles destinées à permettre l’adaptation du secteur au marché.

23      Une réunion a eu lieu le 21 octobre 2002 entre la Commission et les autorités françaises, à la suite de laquelle ces dernières ont fourni, le 26 décembre 2002, des informations confirmant que de telles aides avaient été octroyées à partir de 1992 et jusqu’en 2002. La Commission a sollicité un inventaire complet desdites aides le 16 avril 2003. Les autorités françaises ont répondu à cette demande le 22 juillet 2003.

24      Par lettre du 20 juillet 2005, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (ci-après la « décision d’ouverture »).

25      La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 22 septembre 2005 (JO C 233, p. 21). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures en cause réalisées dans le cadre des plans de campagne (ci-après les « mesures litigieuses »).

26      La Commission a reçu les observations des autorités françaises par lettre du 4 octobre 2005.

27      Elle a par ailleurs reçu un courrier du 20 octobre 2005 de la requérante, en sa qualité de tiers intéressé, décrivant notamment la composition, les modalités de financement ainsi que le rôle des comités économiques agricoles dans l’attribution des aides en cause, qui a été transmis aux autorités françaises le 1er décembre 2005. Ces dernières n’ont pas contesté ces informations dans leur courrier du 28 décembre 2005, par lequel elles ont par ailleurs autorisé la transmission à la requérante de leurs lettres des 26 décembre 2002 et 22 juillet 2003 et apporté une correction relative au montant des aides versées en 2002.

28      Au terme de cette procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision C (2009) 2003 final, du 28 janvier 2009, concernant les « plans de campagne » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France (JO L 127, p. 11, ci-après la « décision attaquée »).

29      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les aides attribuées dans le cadre des plans de campagne, versées aux organisations de producteurs agricoles, étaient constitutives d’une aide d’État et qu’elles étaient illégales et incompatibles avec le marché commun. Elle a donc ordonné leur récupération par la République française, avec intérêts, auprès de leurs bénéficiaires.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juin 2009, la requérante, la Fédération de l’organisation économique fruits et légumes (Fedecom), a introduit le présent recours.

31      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

32      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 23 avril 2012.

33      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la requérante ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

35      Au soutien de son recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens d’annulation tirés, premièrement, d’une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce que la Commission aurait qualifié d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE des mesures financées par des contributions volontaires du secteur concerné, deuxièmement, d’une erreur dans l’appréciation de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun et, troisièmement, d’une violation du principe de confiance légitime.

  Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation en ce que la Commission aurait qualifié d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE des mesures financées par des contributions volontaires du secteur concerné

36      La requérante estime que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation en qualifiant d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE des mesures financées par des contributions volontaires du secteur concerné.

 Recevabilité des arguments contraires aux éléments factuels fournis lors de la phase administrative

37      À titre liminaire, la Commission indique qu’elle a essentiellement fondé sa description du rôle de l’État dans la mise en œuvre des plans de campagne sur les informations fournies par la requérante le 20 octobre 2005, lors de la procédure administrative. La requérante aurait ainsi fourni une description des faits au cours de la procédure administrative, concernant l’absence de rôle des comités économiques agricoles agréés dans la définition et la mise en œuvre des mesures litigieuses, et les autorités françaises n’auraient formulé aucune objection à cet égard lors de la procédure formelle d’examen.

38      La Commission considère qu’il ne saurait lui être fait grief, dans le cadre du contrôle de légalité, d’avoir utilisé ces informations dans la décision attaquée, particulièrement dans un contexte où aucune donnée relative aux plans de campagne n’était accessible.

39      Il ressort en effet de la jurisprudence que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’une décision s’apprécie en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêt de la Cour du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, point 86 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16). Il en ressort en particulier que, dès lors que la notion d’aide d’État répond à une situation objective qui s’apprécie à la date à laquelle la Commission prend sa décision, ce sont les appréciations portées à cette date qui doivent être prises en compte pour opérer ce contrôle juridictionnel (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 144).

40      Par ailleurs, le juge de l’Union considère que, lors de la procédure formelle d’examen, il appartient à l’État membre et au bénéficiaire de l’aide de faire valoir leurs arguments de nature à démontrer que cette aide est compatible avec le marché commun, l’objet de la procédure formelle étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire. Dès lors, un requérant ne saurait se prévaloir devant le juge de l’Union des conséquences de son défaut de coopération lors de la phase administrative (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 février 2009, Iride et Iride Energia/Commission, T‑25/07, Rec. p. II‑245, points 100 à 110). Un requérant qui a participé à la procédure d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait ainsi être recevable à se prévaloir d’arguments factuels inconnus de la Commission et qu’il n’aurait pas signalés à celle-ci au cours de la procédure d’examen. En revanche, rien n’empêche l’intéressé de développer à l’encontre de la décision finale un moyen juridique non soulevé au stade de la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, Rec. p. II‑1579, points 67 et 68).

41      Il ressort de même des dispositions de l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), que, à l’issue de la procédure formelle d’examen relative à une aide illégale, la décision est prise par la Commission sur la base des renseignements disponibles, et notamment de ceux fournis par l’État membre en réponse aux demandes d’informations de la Commission.

42      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la requérante a présenté le 20 octobre 2005 ses observations en qualité de tiers intéressé, en décrivant notamment la composition, les modalités de financement ainsi que le rôle des comités économiques agricoles agréés dans l’attribution des aides en cause. Ces observations ont par ailleurs été transmises le 1er décembre 2005 aux autorités françaises qui ne les ont pas contestées.

43      Or, il résulte des principes précités aux points 39 et 41 ci-dessus que la requérante ne saurait remettre en cause, au stade juridictionnel, la teneur des observations factuelles qu’elle a formulées lors de la procédure administrative. La requérante ne saurait par ailleurs se prévaloir de la seule absence de document écrit relatif aux plans de campagne pour contester ces principes.

44      Il y a donc lieu de rejeter comme irrecevable tout argument par lequel la requérante remettrait en cause des éléments factuels fournis lors de la phase administrative, relatifs aux rôles respectifs des professionnels et de l’Oniflhor dans la définition du montant de la part professionnelle et des mesures litigieuses et dans la mise en œuvre de ces mesures.

 Principes généraux relatifs à la notion de ressources d’État

45      Il convient de rappeler que l’article 87, paragraphe 1, CE déclare incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

46      Pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de cet article, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêts de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, Rec. p. I‑1433, point 11 ; du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec. p. I‑4397, point 24, et du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, Rec. p. I‑13769, point 24).

47      Il ressort par ailleurs du libellé de l’article 87, paragraphe 1, CE que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État sont considérés comme des aides. En effet, la distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (arrêt de la Cour du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 58).

48      Il y a en outre lieu de rappeler qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que l’article 87, paragraphe 1, CE englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des opérateurs économiques, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine desdites autorités publiques. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en possession des autorités publiques, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, Rec. p. I‑3271, point 50, et France/Commission, précité, point 37). De même, la nature initialement privée de ressources n’empêche pas qu’elles soient considérées comme des ressources d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, Rec. p. II‑2109, points 63 à 65).

49      Selon la jurisprudence, le seul fait, pour un régime de subventions bénéficiant à certains opérateurs économiques d’un secteur donné, d’être financé en tout ou en partie par des contributions imposées par l’autorité publique et prélevées sur les opérateurs économiques concernés ne suffit pas pour enlever à ce régime son caractère d’aide accordée par l’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêts de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, Rec. p. 595, point 22, et du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 23 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, points 27 et 35).

50      À l’inverse, la Cour a refusé de qualifier de ressources d’État des fonds collectés par un organisme public au moyen de contributions prélevées uniquement sur les opérateurs économiques bénéficiaires de la mesure en cause, mais qui n’ont jamais été laissés à la disposition des autorités nationales et qui ont servi à financer des actions déterminées par les seuls opérateurs concernés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, Rec. p. I‑7139, points 36 à 39).

51      De plus, si le juge de l’Union a déjà considéré dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Pearle e.a., précité (points 36 à 39), que la seule circonstance selon laquelle la personne chargée de la perception et de l’affectation des ressources destinées au financement d’une mesure constituait un organisme public ne saurait suffire à qualifier les cotisations obligatoires qu’il percevait de ressources d’État, c’était uniquement parce que, dans cette affaire, la mesure en cause n’avait pas été financée par des moyens laissés à la disposition des autorités nationales et n’avait créé aucune charge financière pour l’État et parce que l’initiative de la mesure en cause avait été prise par une personne privée dans un objectif purement commercial.

52      Ainsi, le critère pertinent afin d’apprécier l’existence de ressources publiques, quelle que soit leur origine initiale, est celui du degré d’intervention de l’autorité publique dans la définition des mesures en cause et de leurs modalités de financement.

53      La seule circonstance selon laquelle les contributions des opérateurs économiques concernés, destinées au financement partiel des mesures en cause, n’ont qu’un caractère facultatif, et non obligatoire, ne saurait suffire à remettre en cause ce principe. En effet, le degré d’intervention de l’autorité publique sur ces contributions peut être important, même lorsque ces contributions n’ont pas de caractère obligatoire.

54      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le caractère volontaire ou obligatoire de cotisations étant, en totalité ou partiellement à l’origine d’une mesure, ne constitue pas le critère pertinent pour apprécier la qualité d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE de ladite mesure. La requérante ne saurait se prévaloir à cet égard de la circonstance selon laquelle la Commission aurait reconnu l’importance du caractère volontaire des cotisations dans d’autres décisions, dès lors qu’il ressort de la jurisprudence que c’est dans le seul cadre de l’article 87, paragraphe 1, CE que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (arrêt de la Cour du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, non encore publié au Recueil, point 136 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C‑459/10 P, non publié au Recueil, point 50).

55      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient, afin de déterminer si la Commission a commis une erreur de droit ou une erreur d’appréciation en qualifiant d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE les mesures litigieuses, d’examiner le rôle de l’autorité publique dans la définition de ces mesures et de leurs modalités de financement.

56      En ce qui concerne l’appréciation du rôle de l’autorité publique dans la définition des mesures litigieuses, il appartient au Tribunal d’y procéder de manière globale, sans qu’il soit possible d’opérer une distinction en fonction de leur mode de financement, les contributions publiques et privées ayant été mises en commun de manière fongible dans un fonds opérationnel.

 Examen des modalités du régime des plans de campagne

57      À titre principal, il convient d’examiner les modalités du régime des mesures litigieuses, et notamment la détermination du montant des contributions publiques et privées destinées à leur financement et la définition de leurs conditions d’utilisation.

58      En ce qui concerne, en premier lieu, la détermination du montant des contributions publiques et privées destinées au financement des mesures litigieuses, il ressort du point 72 de la lettre de la requérante du 20 octobre 2005 que l’Oniflhor, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’État, « décidait [...] de manière unilatérale des sommes allouées au plan en cause et décidait également seul du montant des cotisations que devaient apporter les comités économiques [agricoles agréés] aux plans [de campagne] ». Il résulte par ailleurs des points 75 à 78 de ladite lettre que ces cotisations étaient arrêtées par l’Oniflhor, qui fixait un pourcentage de la quantité ou de la valeur des fruits et légumes effectivement commercialisés par les producteurs bénéficiaires, et étaient appelées par les comités économiques agricoles agréés auprès des sections nationales de chaque produit, qui les reversaient ensuite à l’Oniflhor. Celui-ci abondait alors ces sommes d’une aide publique représentant 50 à 70 % de l’aide totale. En cas de non-paiement des parts professionnelles par les producteurs, les aides allouées par l’Oniflhor n’étaient pas versées aux producteurs et restaient bloquées au niveau des comités économiques agricoles agréés, qui étaient tenus de les rembourser à l’Oniflhor.

59      Si la requérante confirme devant le Tribunal que les parts professionnelles étaient appelées par les comités économiques agricoles agréés, elle soutient désormais, en produisant deux documents à l’appui de cette allégation, que l’Oniflhor n’avait à aucun moment disposé de ces sommes. S’agissant d’un argument nouveau purement factuel et non d’un moyen juridique, non soulevé au stade de la procédure administrative, il y a lieu de constater que celui-ci doit être rejeté comme irrecevable, conformément aux principes énoncés au point 39 ci-dessus.

60      Il convient de relever que, en tout état de cause, les deux documents produits par la requérante pour la première fois devant le Tribunal ne permettent pas d’établir que les parts professionnelles n’ont jamais été à la disposition de l’Oniflhor. Il s’agit en effet de deux courriers de l’Oniflhor, adressés en décembre 2000 et en février 2002 aux directeurs de comités économiques agricoles agréés, relatifs au retard de versement de cotisations professionnelles et sollicitant le remboursement de certaines sommes. Ces deux documents ne permettent que de confirmer que, en cas de non-paiement des parts professionnelles par les producteurs, les aides allouées par l’Oniflhor n’étaient pas versées aux producteurs et restaient bloquées au niveau des comités économiques agricoles agréés qui étaient tenus de les rembourser à l’Oniflhor. La simple circonstance selon laquelle les comités économiques agricoles agréés étaient en charge de la gestion du fonds opérationnel destiné au financement des plans de campagne, qui a d’ailleurs été mentionnée au considérant 27 de la décision attaquée, ne saurait suffire à établir que les sommes en cause échappaient au contrôle de l’État.

61      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que c’était l’Oniflhor qui décidait de manière unilatérale du montant des cotisations versées par les comités économiques agricoles agréés ainsi que des sommes totales allouées aux plans de campagne.

62      En ce qui concerne, en second lieu, la définition du contenu des mesures litigieuses et des modalités de leur mise en œuvre, il ressort des informations transmises par la requérante par la lettre du 20 octobre 2005, aux points 65 à 69 de celle-ci, que « les mesures [adoptées] dans le cadre des plans de campagne étaient déterminées par [l’Oniflhor] par le biais de décisions revêtues du cachet du contrôleur d[e l]’État et du directeur de l’Office », que les « comités économiques agricoles n’ont pas eu part à la définition des mesures énoncées par les différents plans édictés par les services du [m]inistère de l’Agriculture », qu’il « leur a été fait l’obligation de les appliquer telles qu’elles étaient définies » et qu’ils « n’avaient aucune latitude dans l’application des plans en cause ».

63      La requérante conteste cependant l’affirmation de la Commission selon laquelle le rôle de l’État était central à tous les stades de la définition et de la mise en œuvre des plans de campagne. Elle affirme désormais que l’Oniflhor définissait ces derniers en concertation avec les professionnels par le biais des comités économiques agricoles agréés, en dehors de tout cadre juridique spécifiquement applicable, et que l’État était représenté au sein de ces comités mais n’y jouait pas un rôle prépondérant. Elle rappelle en outre que la mise en œuvre des plans de campagne n’appartenait qu’aux comités économiques agricoles agréés. La requérante a fourni plusieurs documents destinés à étayer ces allégations factuelles et cherche en outre à s’appuyer sur certaines dispositions du droit national.

64      S’agissant tout d’abord des éléments factuels allégués contraires aux informations fournies par la requérante à la Commission au stade de la procédure administrative, il y a lieu de constater que ceux-ci doivent être rejetés comme irrecevables, conformément aux principes énoncés au point 39 ci-dessus.

65      Il convient de relever que, en tout état de cause, les trois documents produits par la requérante pour la première fois devant le Tribunal ne permettent pas d’établir que l’État ne jouait qu’un rôle secondaire dans la définition du contenu des actions financées par les plans de campagne et dans leur mise en œuvre.

66      Il s’agit en effet, en premier lieu, d’une lettre du président de la « Section nationale Abricot » au directeur de l’Oniflhor, du 19 juin 2000, faisant suite à une réunion commune et à un entretien téléphonique et présentant une répartition budgétaire entre quatre types de dépenses concernant, premièrement, la transformation, deuxièmement, les exportations structurelles, troisièmement, les exportations conjoncturelles et, quatrièmement, une « opération qualité, suivi du marché ». Ce document permet uniquement de conclure que, au moins une fois lors de la période infractionnelle, la section d’un produit d’un comité économique agricole agréé a soumis à l’Oniflhor, à la suite d’une réunion et d’un entretien téléphonique avec ce dernier, une ventilation des actions menées dans le cadre des plans de campagne. En deuxième lieu, il s’agit d’une télécopie de la « Section nationale Tomate » adressée aux sections régionales du même produit, du 3 août 1998, dont une copie a été envoyée à l’Oniflhor, relative à une action de dégagement de marché, indiquant que, à la suite d’une nouvelle négociation avec l’Oniflhor, aucune prolongation de délai ni augmentation de quota n’a été accordée. Ce document permet uniquement de constater que les comités économiques agricoles agréés ne disposaient d’aucune marge de manœuvre dans la mise en œuvre des plans de campagne sans autorisation de l’Oniflhor. En troisième lieu, il s’agit de la première page d’une télécopie en comportant neuf, adressée par l’Oniflhor, le 15 février 2001, à des destinataires dont la fonction n’est pas précisée, mentionnant l’envoi de la « décision d’application ‘Pommes de table’ 2000/2001 » et sollicitant leurs « éventuelles observations avant transmission pour visa au contrôle d’État ». À supposer que ce dernier document ait été adressé à un comité économique agricole agréé, il ne permettrait que de confirmer l’information fournie par la requérante le 20 octobre 2005 à la Commission, selon laquelle les mesures adoptées dans le cadre des plans de campagne étaient déterminées par l’Oniflhor par le biais de décisions revêtues du cachet du contrôleur de l’État, et d’indiquer que l’Oniflhor avait au moins à une reprise sollicité les observations d’un comité économique agricole agréé au sujet de ces mesures.

67      Par ailleurs, il y a lieu de procéder à l’analyse de certaines dispositions du code rural et de l’arrêté du ministre de l’Agriculture du 30 octobre 2000 relatif aux modalités de la représentation de l’État auprès des comités économiques agricoles dans le secteur des fruits et légumes (JORF du 15 novembre 2000, p. 18079, ci-après l’« arrêté du 30 octobre 2000 ») afin d’apprécier le contrôle exercé par l’État sur lesdits comités.

68      Il ressort tout d’abord de l’article R*552-1 du code rural que la demande d’agrément de tout comité économique agricole, qui lui permet de bénéficier d’aides publiques, est adressée au ministre de l’Agriculture et que, en vertu de l’article R*552-2 du même code, elle doit être accompagnée de certaines pièces, dont « les statuts du comité », qui doivent comporter des clauses prévoyant que « [l]es règles édictées par le comité ne soient applicables qu’après approbation du ministre de l’[A]griculture », une « [d]éclaration précisant la nature et les formes de l’aide susceptible d’être apportée, le cas échéant, aux adhérents par le comité », ainsi que les « [t]extes des règles édictées par le comité conformément aux dispositions de l’article L.552-1 ». Par ailleurs, en vertu de l’article R.552-10 du code rural, un comité économique agricole agréé ne peut édicter de nouvelles règles ou modifier des règles déjà approuvées qu’avec l’approbation explicite du ministre de l’Agriculture.

69      Il ressort par ailleurs des dispositions de l’article R.552-11 du code rural que le ministre de l’Agriculture nomme un délégué auprès de chaque comité économique agricole agréé, qui joue auprès dudit comité un rôle de conseiller technique, qui assiste ou peut, dans les conditions fixées par le ministre de l’Agriculture, se faire représenter aux réunions du conseil d’administration et de l’assemblée générale, qui peut consulter sur place ou se faire communiquer toutes pièces et tous documents concernant l’activité du comité ou des organismes qui en font partie et qui est tenu régulièrement au courant de toutes les décisions prises par le conseil d’administration et des résolutions adoptées par l’assemblée générale.

70      Il ressort enfin de plusieurs autres dispositions du code rural que l’autorité administrative disposait d’un pouvoir de contrôle approfondi et constant sur les sommes destinées au financement des mesures litigieuses. En effet, aux termes de l’article R*553-10 du code rural, le contrôle du ministre de l’Agriculture sur les comités économiques agréés porte notamment sur la comptabilité et la régularité des opérations de ces organismes ainsi que sur l’utilisation des aides publiques reçues. À cet effet, l’article R*553-13 prévoit que des fonctionnaires habilités du ministère de l’Agriculture bénéficient d’un accès à tous les services des comités économiques agricoles agréés et qu’ils peuvent y prendre connaissance de toutes pièces, lettres ou documents comptables ou administratifs.

71      Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’État n’avait pas un rôle limité à une simple assistance passive et technique au sein des comités économiques agricoles agréés, mais que ces derniers devaient soumettre à son approbation toute modification des règles communes à leurs membres, notamment en ce qui concerne la nature et les formes des aides accordées à ces derniers, qu’ils devaient tenir le représentant de l’État informé de l’ensemble de leurs activités et des décisions adoptées et que l’État disposait en outre d’un pouvoir de contrôle étendu sur les sommes destinées au financement des mesures litigieuses.

72      En outre, à partir du 15 novembre 2000, l’arrêté du 30 octobre 2000 a confirmé le rôle prépondérant joué par l’État dans les comités économiques agricoles agréés. Son article 1er prévoit ainsi que le préfet de région, ou son représentant, assiste de droit à toutes les réunions décisionnelles des organes dirigeants des comités économiques agricoles agréés et qu’il est destinataire de toutes les délibérations et de tous les procès-verbaux établis dans ce cadre. L’article 2 du même texte confie au représentant de l’État, qui bénéficie, si nécessaire, à cette fin, du concours de l’Oniflhor, la charge de s’assurer que les missions confiées à ces comités sont exercées en conformité avec les orientations fixées par les textes législatifs et réglementaires et prévoit que, pour cela, il vise obligatoirement, afin de les rendre exécutoires, les délibérations des organes dirigeants des comités, à savoir l’assemblée générale ou le conseil d’administration, ainsi que les conventions conclues, lorsqu’elles visent à fixer des obligations aux adhérents du comité ou lorsqu’elles établissent les modalités d’utilisation de financements publics nationaux, en matière de fonctionnement ou d’investissements dans le secteur de la production, ou communautaires.

73      Si la requérante soutient que l’arrêté du 30 octobre 2000 n’a jamais conféré à l’État le pouvoir de disposer des ressources des comités économiques agricoles agréés, il y a cependant lieu de constater qu’il ressort de ces dispositions que les délibérations des organes dirigeants des comités ainsi que les conventions relatives aux modalités d’utilisation de financements publics n’étaient exécutoires que si elles étaient revêtues du visa du préfet de région ou de son représentant.

74      En conclusion, plusieurs dispositions du code rural et de l’arrêté du 30 octobre 2000 permettent de confirmer le rôle déterminant de l’État dans le fonctionnement et l’action de ces comités.

75      Il convient enfin de rappeler que, si, comme le soutient la requérante, les circonstances de l’espèce diffèrent de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission (T‑136/05, Rec. p. II‑4063, points 141 à 165), notamment en ce qui concerne les modalités précises d’intervention de l’État dans le fonctionnement des organismes privés ayant accordé les mesures litigieuses, il ressort des points 62 à 74 ci-dessus que, en l’espèce, l’État jouait néanmoins un rôle déterminant dans le fonctionnement des comités économiques agricoles agréés.

76      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que c’était l’Oniflhor qui décidait de manière unilatérale des mesures financées par les plans de campagne ainsi que des modalités de leur mise en œuvre et que, si les comités économiques agricoles agréés étaient chargés de gérer le fonds opérationnel destiné au financement de ces mesures, ils ne disposaient cependant d’aucune marge de manoeuvre dans leur application.

77      En conclusion, il y a lieu de constater que la définition des mesures litigieuses et de leurs modalités de financement appartenait à l’Oniflhor, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’État. Les bénéficiaires des mesures ne disposaient en revanche que du seul pouvoir de participer ou non au système ainsi défini par l’Oniflhor, en acceptant ou en refusant de verser les parts professionnelles fixées par cette dernière. Il convient dès lors de considérer que les mesures litigieuses étaient constitutives d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

78      Il y a dès lors lieu de rejeter le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation concernant la notion de ressources d’État.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur dans l’appréciation de la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun

79      La requérante reproche à la Commission d’avoir refusé de faire application des dispositions de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE sans avoir mené une analyse approfondie de chaque plan de campagne.

80      Il importe de rappeler, à titre liminaire, que, lors de la procédure formelle d’examen, il appartient à l’État membre et au bénéficiaire de l’aide de faire valoir leurs arguments de nature à démontrer que cette aide est compatible avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt Iride et Iride Energia/Commission, précité, points 100 à 110).

81      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que ni la requérante ni l’État français n’ont avancé d’argument tendant à démontrer la compatibilité des aides avec le marché commun lors de la procédure formelle d’examen.

82      La Commission a dès lors procédé à un examen de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun à partir des informations relatives au contenu des plans de campagne dont elle disposait. La légalité d’une telle décision s’appréciant en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir point 39 ci-dessus), il ne saurait dès lors lui être fait grief de ne pas avoir procédé à une analyse approfondie de chaque plan de campagne.

83      Si la requérante soutient à cet égard que la Commission a eu une connaissance détaillée de certaines des actions menées dans le cadre des plans de campagne, elle ne fournit cependant aucun élément permettant d’étayer cette affirmation. La requérante se borne en effet à soumettre au Tribunal la décision 88/109/CEE de l’article [81 CE] sur le marché de la pomme de terre (JO 1988, L 59, p. 25), qui conclut à l’inapplicabilité dudit article à des accords conclus par certains comités économiques agricoles agréés. Cette décision est sans pertinence en l’espèce, dès lors qu’elle est antérieure à la période infractionnelle et ne concerne pas le domaine des aides d’État.

84      Par ailleurs, la requérante a mentionné pour la première fois devant le Tribunal des arguments relatifs à la compatibilité de certaines mesures adoptées dans le cadre des plans de campagne avec le marché commun. La requérante s’est cependant bornée à procéder à des affirmations générales, et le seul document qu’elle a produit à leur appui consiste en un extrait du rapport annuel de 1996 de l’Interprofession de la filière des fruits et légumes frais, association qui rassemble les professionnels du secteur des fruits et légumes frais, relatif à la pomme de terre primeur, qui procède à une description du marché de ce produit et indique que le solde déficitaire du commerce extérieur de ce produit s’est nettement amélioré en 1996. En tout état de cause, conformément aux principes rappelés au point 82 ci-dessus, ces éléments ne sauraient être pris en compte dans l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.

85      À titre principal, il convient de constater que l’appréciation de la Commission formulée aux considérants 71 à 76 de la décision attaquée, qui est d’ailleurs conforme au paragraphe 3.5 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole (JO 2000, C 28, p. 2), n’est pas contraire à la lettre et à l’esprit de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et n’est donc pas entachée d’erreur de droit.

86      En effet, c’est à juste titre que la Commission a considéré, premièrement, que les aides en cause, qui visaient à subventionner des prix de vente ainsi que le stockage ou la destruction d’une partie des récoltes et étaient octroyées sur la base des prix et des quantités produites, constituaient des aides au fonctionnement qui sont en principe interdites. La jurisprudence qualifie ainsi d’aides au fonctionnement les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle-même aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec. p. II‑1675, point 48). Or, selon la jurisprudence, ces aides, en principe, faussent les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées sans pour autant être capables, par leur nature même, d’atteindre un des buts fixés par les dispositions dérogatoires de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, Rec. p. I‑307, point 50, et du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C‑86/89, Rec. p. I‑3891, points 14 et 18).

87      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’aides intervenant sur des marchés réglementés par le biais d’organisations communes de marché, toute intervention d’un État membre autre que celles prévues par un règlement communautaire est interdite (arrêt de la Cour du 6 novembre 1990, Italie/Commission, précité, point 19 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 mai 2005, Kuipers, C‑283/03, Rec. p. I‑4255, points 42, 49 et 53). La Commission a précisé à juste titre au considérant 76 de la décision attaquée que ce principe s’appliquait également aux aides destinées à favoriser l’exportation des produits nationaux vers les États tiers, dès lors que ce domaine était également couvert par les règlements communautaires.

88      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le deuxième moyen tiré d’une erreur dans l’appréciation de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de confiance légitime

89      La requérante soutient en troisième lieu que la décision attaquée méconnaît le principe de confiance légitime dès lors que la Commission, alors même qu’elle avait nécessairement été informée de l’existence des plans de campagne, en raison des mécanismes de contrôles des organisations communes de marché du secteur des fruits et légumes, et de la mention de l’existence de ces plans de campagne dans plusieurs articles de la presse française, n’avait entrepris aucune action à leur égard, faisant ainsi naître la confiance des producteurs en la régularité desdits plans.

90      Conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable dans le chef duquel une institution communautaire a fait naître chez lui des espérances fondées [arrêt de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec. p. I‑1155, point 44, et la jurisprudence citée].

91      Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose néanmoins la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec. p. II‑2555, point 102, et la jurisprudence citée ; du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, point 77, et du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, Rec. p. II‑2121, point 126).

92      Il y a par ailleurs lieu de rappeler que l’obligation de notification constitue l’un des éléments fondamentaux du système de contrôle mis en place par le traité dans le domaine des aides d’État. Dans le cadre de ce système, les États membres ont l’obligation, d’une part, de notifier à la Commission chaque mesure tendant à instituer ou à modifier une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et, d’autre part, de ne pas mettre en œuvre une telle mesure, conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, aussi longtemps que ladite institution n’a pas pris une décision finale concernant ladite mesure.

93      Par conséquent, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides d’État opéré par la Commission, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (arrêts de la Cour du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C‑183/02 P et C‑187/02 P, Rec. p. I‑10609, points 44 et 45, et du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, non encore publié au Recueil, point 59). En outre, la Cour a jugé que, lorsqu’une aide n’a pas été notifiée à la Commission, l’inaction de celle-ci à l’égard de cette mesure était dépourvue de signification (arrêt Demesa et Territorio Histόrico de Álava/Commission, précité, point 52).

94      En l’espèce, il n’est pas contesté que les aides litigieuses ont, contrairement aux obligations imposées aux États membres par l’article 88, paragraphe 3, CE, été octroyées sans avoir été préalablement notifiées. De plus, il ressort de la décision attaquée, en particulier de son considérant 23, et cela n’est pas contesté par la requérante, que les autorités françaises avaient conscience du caractère « largement anti communautaire » des aides en cause et avaient en conséquence rappelé, au moins à partir de l’année 2000, aux comités économiques agricoles agréés, « le caractère confidentiel des plans stratégiques et le besoin de discrétion nécessaire ».

95      Force est donc de conclure que, en principe, la requérante ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour faire échec à la décision de récupération, à moins de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles qui ont pu fonder sa confiance légitime dans le caractère régulier des aides en cause.

96      La requérante n’a cependant fait état d’aucune circonstance exceptionnelle qui permettrait de déroger au principe rappelé au point 93 ci-dessus. Il convient de souligner à cet égard que les contrôles effectués par la Commission dans le cadre du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO L 297, p. 1), ne concernaient que les financements communautaires et n’ont donc pas pu permettre à la Commission d’avoir connaissance des aides en cause. De même, la seule mention d’aides accordées aux producteurs de certains fruits et légumes dans des articles de la presse régionale française en 1989, en 1998 et en 2000 ne saurait être considérée comme constituant une preuve de la connaissance par la Commission de l’existence des aides en cause, qui aurait pu fonder la confiance légitime de la requérante dans le caractère régulier desdites aides.

97      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la requérante ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime dans la régularité des aides en cause.

98      Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, dès lors, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

100    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Fédération de l’organisation économique fruits et légumes (Fedecom) est condamnée aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le français.