Language of document : ECLI:EU:T:2010:297

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

8 juillet 2010 (*)

« Aides d’État – Aides à la formation – Décision déclarant l’aide pour partie compatible et pour partie incompatible avec le marché commun – Nécessité de l’aide – Externalités positives – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑396/08,

Freistaat Sachsen (Allemagne),

Land Sachsen-Anhalt (Allemagne),

représentés par Mes T. Müller-Ibold et T. Graf, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. França, K. Gross et B. Martenczuk, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2008/878/CE de la Commission, du 2 juillet 2008, relative à l’aide d’État que l’Allemagne envisage d’accorder à DHL (JO L 312, p. 31),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 janvier 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le groupe DHL (ci-après « DHL ») est un des principaux groupes opérant dans le secteur des colis express. Il est détenu à 100 % par Deutsche Post AG.

2        Après avoir négocié avec plusieurs aéroports, DHL a décidé, en 2005, de déplacer sa plate-forme européenne de fret aérien de Bruxelles (Belgique) à Leipzig/Halle (Allemagne), à partir de 2008.

3        DHL a ainsi construit à Leipzig/Halle un nouveau centre logistique de colis express et de fret aérien, représentant un investissement global de 250 millions d’euros, qui est exploité intégralement depuis avril 2008. Dans le cadre de cette implantation, DHL s’est vu attribuer une aide régionale d’un montant de 70,855 millions d’euros, à l’égard de laquelle la Commission des Communautés européennes n’a pas soulevé d’objections (décision du 20 avril 2004 concernant l’aide d’État N  608/2003 – Centre logistique aérien pour DHL Airways GmbH à Leipzig/Halle).

4        Le centre logistique est exploité par DHL Hub Leipzig GmbH et par European Air Transport Leipzig GmbH, toutes deux détenues à 100 % par Deutsche Post par le biais d’autres filiales. DHL Hub Leipzig est responsable des services d’assistance en escale pour le fret aérien, tandis que European Air Transport Leipzig est compétente pour le contrôle technique de la flotte aérienne de DHL.

5        Le centre logistique assure les services d’assistance en escale ainsi que les contrôles prévol et de piste à l’arrivée et au départ de tous les avions.

6        Par lettre du 21 décembre 2006, les autorités allemandes ont, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, notifié à la Commission un projet d’aide à la formation en faveur de DHL. Elles ont ainsi fait part de leur intention de subventionner les mesures de formation que DHL entendait mettre en œuvre pour 485 salariés de son centre de logistique, à concurrence de 7 753 307 euros. Cette aide devait être apportée pour moitié par le Freistaat Sachsen et pour moitié par le Land Sachsen-Anhalt.

7        Par lettre du 27 juin 2007, la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision ainsi que l’invitation faite aux intéressés de présenter leurs observations sur l’aide envisagée ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 12 septembre 2007 (JO C 213, p. 28).

8        La République fédérale d’Allemagne, DHL et UPS Deutschland ont présenté leurs observations par lettres, respectivement, du 26 septembre, du 15 et du 26 octobre 2007.

9        Par lettres des 16 et 20 novembre 2007, la Commission a transmis les observations de DHL et de UPS Deutschland aux autorités allemandes en invitant ces dernières à présenter leurs observations. Lesdites autorités ont répondu par lettre du 14 décembre 2007.

10      Par courriers électroniques des 12 février et 5 juin 2008, la Commission a demandé aux autorités allemandes des renseignements complémentaires. Celles-ci ont répondu par lettres du 14 février, du 31 mars et du 17 juin 2008.

 Décision attaquée

11      Le 2 juillet 2008, la Commission a adopté la décision 2008/878/CE relative à l’aide d’État que l’Allemagne envisage d’accorder à DHL (JO L 312, p. 31, ci‑après la « décision attaquée »).

12      Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que l’aide en cause s’appliquait, d’une part, à des coûts, d’un montant de [confidentiel](1) euros, que DHL devrait de toute façon supporter, même sans l’aide, et, d’autre part, à des coûts, d’un montant de [confidentiel] euros, relatifs à des activités de formation allant au-delà de ce qui était imposé par la loi et de ce qui était nécessaire au fonctionnement de l’entreprise.

13      Par conséquent, la Commission a considéré que la tranche de l’aide qui n’était pas nécessaire pour les mesures de formation en cause ne serait pas investie dans des mesures de formation supplémentaires mais couvrirait des charges d’exploitation normales de l’entreprise, permettant ainsi de réduire les coûts que celle-ci devait normalement supporter. Elle a donc estimé que cette tranche de l’aide était de nature à fausser la concurrence et à affecter les conditions des échanges et que, par conséquent, elle ne se justifiait pas sur la base de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Constatant qu’aucune des autres conditions d’exemption prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE, n’était remplie, la Commission a donc considéré que l’aide de 6 175 198 euros, correspondant aux coûts de [confidentiel] euros, ne satisfaisait pas aux critères de compatibilité avec le marché commun.

14      Elle a en revanche estimé que les autres mesures notifiées, relatives aux coûts d’un montant de [confidentiel] euros et correspondant à une aide de 1 578 109 euros, respectaient les critères de compatibilité avec le marché commun établis à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

15      L’article 1er de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

L’aide d’État que [la République fédérale d’Allemagne] entend accorder à DHL n’est pas compatible avec le marché commun à raison d’un montant de 6 175 198 [euros].

Le reste de l’aide d’État, d’un montant de 1 578 109 [euros], que [la République fédérale d’Allemagne] entend accorder à DHL, est compatible avec le marché commun au sens de l’article 87 [CE]. »

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2008, les requérants, le Freistaat Sachsen et le Land Sachsen-Anhalt, ont introduit le présent recours.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 13 janvier 2010.

19      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

21      À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent cinq moyens, tirés, en substance, le premier, de la violation du règlement (CE) nº 68/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides à la formation (JO L 10, p. 20), le deuxième, de la méconnaissance des externalités positives des mesures de formation en cause, le troisième, de la méconnaissance des effets incitatifs de l’aide sur le choix du site, le quatrième, de l’application de critères non pertinents pour apprécier le caractère nécessaire de l’aide et, le cinquième, d’une insuffisance de motivation.

22      Le Tribunal estime opportun en l’espèce d’examiner le premier, le troisième et le quatrième moyen avant de procéder à l’appréciation du deuxième puis du cinquième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du règlement n° 68/2001

 Arguments des parties

23      Les requérants considèrent que l’introduction d’un critère de nécessité comme condition de compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun est contraire aux critères d’appréciation prévus par le règlement n° 68/2001.

24      En premier lieu, les requérants font valoir que ce règlement ne prévoit pas d’appréciation du caractère nécessaire des aides à la formation. En effet, en vertu de son article 4, la compatibilité avec le marché commun d’une aide à la formation s’apprécierait au regard de son intensité et des coûts admissibles. En revanche, l’appréciation du caractère nécessaire de l’aide ne serait prévue ni pour les aides à la formation en dessous du seuil d’exemption fixé par l’article 5 dudit règlement, ni pour celles qui dépassent ce seuil. Quant à l’affirmation selon laquelle le caractère nécessaire des aides à la formation s’apprécie en vertu du règlement n° 68/2001 au motif que ce caractère se présume pour les aides exemptées (considérant 59 de la décision attaquée), elle serait erronée dès lors que, si ce caractère nécessaire se présumait, il n’y aurait pas lieu de l’apprécier.

25      En deuxième lieu, les requérants estiment que les critères du règlement n° 68/2001 sont également obligatoires pour les aides dépassant le seuil d’exemption. En effet, ils relèvent, tout d’abord, qu’il ressort du considérant 4 ainsi que des travaux préparatoires de ce règlement que celui-ci fixe, notamment pour des raisons de sécurité juridique, des critères obligatoires pour l’examen des aides à la formation qui dépassent le seuil d’exemption. Si la Commission pouvait introduire de nouveaux critères d’appréciation pour les aides non exemptées, il n’y aurait plus de sécurité juridique pour celles-ci, empêchant ainsi l’objectif du considérant 4 d’être atteint. Ensuite, les requérants soulignent qu’il ne ressort pas du règlement n° 68/2001, qui a remplacé l’encadrement des aides à la formation (JO 1998, C 343, p. 10, ci-après l’« encadrement de 1998 »), que l’appréciation du caractère nécessaire des aides devait être renforcée par rapport à cet encadrement, lequel ne prévoyait pas une telle appréciation pour les aides à la formation générale et celles dans les régions défavorisées. À cet égard, les requérants estiment que, même s’il n’est plus en vigueur, cet encadrement peut néanmoins aider à l’interprétation en l’espèce. D’ailleurs, la continuité entre ces textes ressortirait de la version allemande du considérant 4 du règlement n° 68/2001, même si d’autres versions linguistiques se réfèrent à un remplacement de l’encadrement de 1998 par ce règlement. Enfin, les requérants relèvent que le règlement n° 68/2001 ne permet pas de traiter différemment, s’agissant du critère de nécessité, les aides à la formation devant être notifiées et celles ne le devant pas, ces deux catégories d’aides se distinguant uniquement par leur montant, mais pas par leur intensité.

26      Quant à l’argument de la Commission selon lequel, en raison de son montant, l’aide devait être examinée sur la base de l’article 87, paragraphe 3, CE, conformément au considérant 16 du règlement n° 68/2001, les requérants rétorquent que ledit règlement n’exclut pas, par ce considérant, son application dans son intégralité, mais uniquement l’exemption de l’obligation de notification préalable, ce qui serait confirmé par l’article 5 du même règlement. À cet égard, ils précisent qu’il n’y a aucune contradiction entre les considérants 4 et 16 de ce règlement. En effet, le considérant 16, combiné à l’article 5, établit qu’une notification est indispensable dans certains cas alors que le considérant 4 fixe les critères matériels sur lesquels la Commission doit s’appuyer aux fins de son examen. Aussi, la différence existant dans le règlement n° 68/2001 entre les aides exemptées et les aides non exemptées résiderait uniquement dans le fait que, dans le cas des premières, le contrôle par la Commission est effectué ex ante. Contrairement à ce que prétend la Commission, les aides non exemptées ne seraient donc pas soumises à un critère d’appréciation plus strict. Les requérants contestent également l’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas de sens à limiter l’examen de la Commission aux conditions techniques du règlement n° 68/2001. En effet, l’examen de ces conditions exigerait l’appréciation de faits économiquement complexes et la limitation de l’exemption aux aides d’un certain montant découlerait d’autres considérations, visant en particulier à ce que la Commission concentre ses moyens sur les cas les plus importants. Ce serait donc à tort que la Commission estime que la base d’appréciation des aides non exemptées est l’article 87, paragraphe 3, CE, l’appréciation matérielle de la compatibilité avec le marché commun devant notamment être effectuée au regard des critères énoncés dans le règlement n° 68/2001. Dans ces conditions, dès lors que la Commission n’a pas contesté le fait que les aides en cause étaient conformes aux critères d’exemption du règlement n° 68/2001, celles-ci devraient être considérées comme compatibles avec le marché commun, conformément au considérant 4 dudit règlement.

27      En troisième lieu, la Commission ne pourrait s’écarter des critères d’appréciation des aides à la formation que lorsque des particularités du cas d’espèce le justifient, tel n’étant en l’occurrence pas le cas. À cet égard, les requérants soulignent tout d’abord que, eu égard à l’article 249, deuxième alinéa, CE, le règlement n° 68/2001, y compris son considérant 4, est obligatoire, de sorte qu’il n’est pas possible de s’écarter des principes qui y sont énoncés. Ils relèvent en outre que, selon la jurisprudence, lorsque le Conseil ou la Commission adoptent des dispositions de portée générale, ils ne peuvent s’en écarter dans des cas particuliers. Or, même si, quod non, le considérant 4 du règlement n° 68/2001 n’était pas considéré comme obligatoire, il relèverait néanmoins des mesures de portée générale, par lesquelles la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et dont le caractère contraignant est affirmé par la jurisprudence.

28      Selon les requérants, la formulation du considérant 4 du règlement n° 68/2001, et en particulier l’utilisation du terme « notamment », ne signifie pas que la Commission peut introduire librement de nouveaux critères pour l’appréciation des aides à la formation non exemptées. Cette formulation signifierait, au contraire, que seuls les critères énoncés par ce règlement constituent la règle aux fins d’apprécier les aides à la formation, ce qui correspondrait d’ailleurs à la pratique de la Commission. En revanche, l’appréciation au regard d’autres critères devrait rester l’exception, celle-ci n’étant permise que lorsque les particularités de l’espèce le justifient. Il ressortirait ainsi du considérant 4 que d’autres critères ne sont pas « notamment » examinés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas toujours examinés, mais le sont seulement par exception. Toutes les versions linguistiques du règlement montreraient qu’il existe un tel rapport de règle exception. Ce serait donc à tort que la Commission prétend que le libellé du règlement n° 68/2001 ne permet pas de considérer que l’appréciation d’autres critères doit être limitée aux cas exceptionnels. Or, en l’espèce, la Commission n’aurait pas motivé le recours au critère de nécessité par les spécificités du cas d’espèce, la décision attaquée se bornant à des considérations d’ordre général.

29      À cet égard, les requérants soulignent qu’une modification du cadre d’examen établi dans le règlement n° 68/2001, par l’introduction de l’appréciation de la nécessité de l’aide, ne peut être justifiée par des décisions individuelles, qui ne sauraient affecter la force contraignante dudit règlement. Ainsi, seul un acte de même portée normative pourrait fonder une dérogation générale au cadre d’appréciation fixé par ce règlement. Partant, le renvoi par la Commission, dans la décision attaquée, à sa décision 2006/938/CE, du 4 juillet 2006, concernant l’aide d’État que la Belgique envisage d’accorder à Ford Genk (JO L 366, p. 32, ci-après la « décision Ford Genk »), et à sa décision 2007/612/CE, du 4 avril 2007, concernant l’aide d’État que la Belgique envisage de mettre à exécution en faveur de General Motors Belgium à Anvers (JO L 243, p. 71, ci-après la « décision GM Anvers »), serait sans pertinence, ces décisions ne pouvant justifier une dérogation générale aux critères d’appréciation du règlement n° 68/2001. D’ailleurs, en adoptant le règlement (CE) n° 800/2008, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 [CE] et 88 [CE] (JO L 214, p. 3), qui remplace, notamment, le règlement n° 68/2001 et qui introduit le critère de nécessité comme condition de la compatibilité d’une aide, la Commission reconnaîtrait que l’introduction de l’appréciation du caractère de nécessité de l’aide ne peut être fondée sur des décisions individuelles mais nécessite un acte de portée générale.

30      Dans leur réplique, les requérants contestent en outre l’argument de la Commission selon lequel elle ne serait pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure. En effet, la jurisprudence mentionnée à cet égard par la Commission ne concerne que l’effet obligatoire d’une pratique décisionnelle par rapport à une règle de droit opposée de rang supérieur, et non le fait d’être lié par un acte de portée générale, comme le règlement n° 68/2001, qui a, conformément à la jurisprudence et au traité CE, un effet obligatoire. De plus, s’agissant du fait que l’examen de la nécessité des aides a été exposé dans le document de la Commission du 7 juin 2005 intitulé « Plan d’action dans le domaine des aides d’État : des aides d’État moins nombreuses et mieux ciblées : une feuille de route pour la réforme des aides d’État 2005‑2009 » [COM (2005) 107  final, points 18 et 20], les requérants relèvent que ce plan d’action annonce une action future mais « ne la remplace cependant pas ». D’ailleurs, dans une série de décisions adoptées après la publication dudit plan, la Commission n’aurait pas examiné la nécessité des aides. Par ailleurs, les requérants soutiennent que les multiples modifications de la pratique décisionnelle de la Commission sont une source d’insécurité juridique. En effet, la Commission n’aurait pas affiné sa pratique décisionnelle une seule fois, mais elle aurait appliqué, dans un laps de temps rapproché, des critères d’appréciation différents. À cet égard, les requérants se réfèrent à la décision de la Commission du 16 mai 2006, concernant l’aide d’État N 653/2005 – Webasto Portugal (JO C 306, p. 12, ci-après la « décision Webasto »), ainsi qu’aux décisions Ford Genk et GM Anvers. Il n’y aurait donc pas d’annonce claire d’un changement général de la pratique de contrôle de la Commission. De même, la pratique récente de la Commission ne serait ni transparente ni cohérente.

31      Les requérants contestent également l’affirmation de la Commission selon laquelle la jurisprudence l’obligerait à apprécier la nécessité des aides à la formation non exemptées. En effet, la jurisprudence ne s’opposerait pas à l’existence de dispositions législatives en vertu desquelles, dans certains cas, le caractère nécessaire ne doit pas être examiné. De telles dispositions seraient en effet légales lorsqu’elles sont basées sur la pratique et les principes qui en découlent. Or, en l’espèce, la renonciation par la Commission à l’examen de la nécessité de l’aide dans le cadre du règlement n° 68/2001 serait conforme à son expérience et à sa pratique décisionnelle antérieure, ainsi qu’au règlement (CE) n° 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [87 CE] et [88 CE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO L 142, p. 1).

32      Aucun des arguments de la Commission ne permettrait donc de justifier l’application de critères non prévus par le règlement n° 68/2001 lors de l’examen des aides à la formation non exemptées.

33      Eu égard à ce qui précède, les requérants estiment que, en introduisant un examen général du caractère de nécessité de l’aide en cause, la Commission se serait illicitement écartée des critères prévus par le règlement n° 68/2001, violant de ce fait ledit règlement ainsi que les principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime.

34      La Commission réfute l’argumentation des requérants et considère que l’examen du critère de nécessité n’est pas contraire au règlement n° 68/2001.

 Appréciation du Tribunal

35      Le règlement n° 994/98 habilite la Commission à déclarer, conformément à l’article 87 CE, que les aides à la formation sont, dans certaines conditions, compatibles avec le marché commun et ne sont pas soumises à l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.

36      Sur son fondement, la Commission a adopté le règlement n° 68/2001. Celui-ci prévoit notamment, en son article 3, paragraphe 1, que les aides individuelles, accordées en dehors de tout régime, qui remplissent toutes les conditions qu’il énonce sont compatibles avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE et sont exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.

37      Selon l’article 5 du règlement n° 68/2001, cette exemption ne s’applique pas si le montant de l’aide accordée à une même entreprise pour un projet individuel de formation est supérieur à 1 million d’euros. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 16 dudit règlement, les aides d’un montant élevé doivent continuer à être évaluées individuellement par la Commission avant d’être attribuées.

38      En l’espèce, il est constant que l’aide en cause est d’un montant supérieur au seuil fixé par l’article 5 du règlement n° 68/2001. Elle ne pouvait donc pas être considérée, sur la base de ce règlement, et notamment de son article 3, paragraphe 1, comme compatible avec le marché commun et exemptée de l’obligation de notification.

39      Partant, ainsi qu’elle l’a indiqué à bon droit au considérant 46 de la décision attaquée, la Commission se devait, conformément au considérant 16 et à l’article 5 du règlement n° 68/2001, de procéder à l’évaluation individuelle de la compatibilité de l’aide en cause avant d’en autoriser l’attribution. Contrairement à ce que les requérants font valoir, cet examen pouvait avoir lieu sur la base de l’article 87, paragraphe 3, CE, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 46 de la décision attaquée. En effet, à l’instar de toute aide notifiée conformément à l’article 88 CE ne pouvant être considérée comme compatible avec le marché commun sur la base d’une disposition de droit dérivé, l’aide en cause ne pouvant être considérée comme compatible avec le marché commun sur le fondement du règlement n° 68/2001 (point 38 ci-dessus), l’évaluation individuelle par la Commission de la compatibilité de cette aide pouvait avoir pour base l’article 87, paragraphe 3, CE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, points 37 et 102).

40      Afin de procéder à cette évaluation individuelle, la Commission a examiné, comme indiqué au considérant 46 de la décision attaquée, si les critères formels d’exemption établis à l’article 4 du règlement n° 68/2001 étaient remplis (considérants 47 à 49 de la décision attaquée), tel étant d’ailleurs le cas en l’espèce, et si l’aide en cause était une incitation nécessaire pour que le bénéficiaire organise la formation (considérants 50 à 96 de la décision attaquée).

41      Il convient donc de vérifier si, aux fins de l’examen de l’aide en cause, la Commission pouvait prendre en considération non seulement les critères énoncés dans le règlement n° 68/2001, mais également le critère de nécessité, ce que contestent les requérants.

42      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’article 87, paragraphe 3, CE, au regard duquel l’aide en cause a été examinée, accorde à la Commission un large pouvoir d’appréciation en vue d’admettre des aides par dérogation à l’interdiction générale du paragraphe 1 dudit article (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 56, et du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, Rec. p. I‑3547, point 36 ; arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 148).

43      Lorsque la Commission procède à l’examen individuel des aides à la formation qui ne bénéficient pas de l’exemption de notification, son appréciation ne saurait être limitée aux critères matériels d’appréciation fixés par le règlement n° 68/2001.

44      Il ressort du considérant 4 du règlement n° 68/2001 que ce dernier n’exclut pas la possibilité pour les États membres de notifier une aide à la formation et que la Commission examinera cette notification notamment à la lumière des critères fixés par ledit règlement ou conformément aux lignes directrices et aux encadrements communautaires applicables, lorsque de tels lignes directrices et encadrements communautaires existent. Force est de constater que l’emploi, dans le libellé de ce considérant, de l’adverbe « notamment » indique clairement que les critères fixés dans le règlement ne sont pas les seuls au regard desquels la Commission peut examiner les projets d’aides à la formation qui lui sont notifiés, ce qui est d’ailleurs confirmé par les versions anglaises (« in particular ») et allemande (« in erster Linie ») de ce considérant. Il ressort donc dudit considérant que la Commission doit certes examiner les projets qui lui sont notifiés au regard des critères fixés par le règlement n° 68/2001, mais que ceux-ci ne sont pas exclusifs. C’est dès lors à tort que, s’agissant des aides non exemptées, les requérants font valoir que la formulation du considérant 4 de ce règlement signifie que les critères fixés par le règlement constituent la règle, l’appréciation au regard d’autres critères constituant l’exception, celle-ci n’étant permise que dans des cas particuliers. Quant à l’argument selon lequel l’objectif de sécurité juridique poursuivi par ce considérant ne saurait être atteint si la Commission pouvait introduire d’autres critères lors de l’examen des aides non exemptées, il doit être écarté dès lors qu’une telle interprétation se heurte au libellé dudit considérant. Il en va de même de l’argument selon lequel, s’agissant des aides non exemptées, le règlement n° 68/2001 n’exclurait pas son application en général, mais seulement l’exemption de l’obligation de notification.

45      Dans ces conditions, force est de constater que la Commission pouvait, à bon droit, examiner la compatibilité de l’aide en cause au regard d’autres critères que ceux énoncés dans le règlement n° 68/2001. C’est donc à tort que les requérants font valoir que toutes les aides à la formation devaient être examinées au regard du règlement n° 68/2001, dont les critères seraient également obligatoires pour les aides dépassant le seuil d’exemption. Doit donc également être écarté l’ensemble de l’argumentation selon laquelle la Commission ne pouvait déroger aux critères établis par le règlement que dans des cas particuliers ou par un acte de même portée normative.

46      En second lieu, il doit être relevé que la Commission ne peut déclarer une aide compatible avec l’article 87, paragraphe 3, CE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs cités, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, afin qu’une aide puisse bénéficier d’une des dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, CE, l’aide doit non seulement être conforme à l’un des objectifs visés par l’article 87, paragraphe 3, sous a), b), c) ou d), CE, mais elle doit également être nécessaire pour atteindre ces objectifs (arrêt du Tribunal du 7 juin 2001, Agrana Zucker und Stärke/Commission, T‑187/99, Rec. p. II‑1587, point 74).

47      En effet, une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre les buts prévus à l’article 87, paragraphe 3, CE ne saurait être considérée comme compatible avec le marché commun (arrêt de la Cour du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 68 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 18, et du 5 octobre 1994, Allemagne/Commission, C‑400/92, Rec. p. I‑4701, points 12, 20 et 21).

48      Dans ce contexte, il convient également de rappeler que les aides au fonctionnement, à savoir les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, faussent en principe les conditions de concurrence (voir arrêt de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 30, et la jurisprudence citée).

49      En l’espèce, la Commission a estimé, au considérant 50 de la décision attaquée, que, dans le cas où l’entreprise aurait de toute façon organisé les mesures de formation subventionnées, même sans aide, l’aide en cause ne saurait être considérée comme destinée à « faciliter » le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE ou à contribuer, conformément au considérant 10 du règlement n° 68/2001, à corriger l’imperfection du marché dont il résulte que les entreprises sous-investissent généralement dans la formation de leurs travailleurs.

50      Cette appréciation doit être entérinée.

51      En effet, il y a lieu de constater que l’objectif des aides à la formation est, ainsi qu’il ressort du considérant 10 du règlement n° 68/2001, de corriger l’imperfection du marché liée au fait que les entreprises de l’Union sous-investissent généralement dans la formation de leurs travailleurs. Il doit également être rappelé que, conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

52      Partant, eu égard à la jurisprudence visée aux points 46 et 47 ci-dessus, une aide qui permet de réaliser une formation qui n’aurait pas été mise en œuvre par une entreprise sans l’octroi de ladite aide, notamment en raison du fait que cette entreprise sous-investit dans la formation, doit être considérée comme « nécessaire », au sens de ladite jurisprudence. En revanche, une aide permettant de réaliser une formation qui aurait de toute façon été mise en œuvre par l’entreprise bénéficiaire, y compris sans l’obtention de ladite aide, ne saurait être considérée comme telle. En effet, dans cette hypothèse, l’aide viserait, en fait, à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, de sorte que, conformément à la jurisprudence visée au point 48 ci-dessus, elle fausserait en principe les conditions de concurrence. C’est donc également à juste titre que la Commission a considéré que l’aide à la formation ne peut être déclarée compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE que si elle n’est pas directement nécessaire aux activités de l’entreprise bénéficiaire.

53      Les références faites par les requérants à l’encadrement de 1998, aux termes duquel la Commission présumait, dans certaines conditions, le caractère nécessaire des aides d’État, ne sont pas pertinentes, dès lors que ledit encadrement n’est pas applicable en l’espèce. En effet, il a été abrogé et remplacé par le règlement n° 68/2001, ainsi qu’il ressort clairement du considérant 4 de ce dernier. À cet égard, il doit certes être constaté que la version allemande dudit considérant se réfère à une reprise de l’encadrement de 1998 par le règlement n° 68/2001. Cependant, un grand nombre de versions linguistiques (en particulier française, anglaise, italienne, néerlandaise ou espagnole) se réfèrent à un remplacement du premier par le second. Or, la nécessité d’une interprétation uniforme du droit de l’Union exclut de considérer un texte déterminé isolément, mais exige, en cas de doute, qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles [voir arrêt de la Cour du 17 octobre 1996, Lubella, C‑64/95, Rec. p. I‑5105, point 17, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 31 janvier 2008, Federación de Cooperativas Agrarias de la Comunidad Valenciana/OCVV ? Nador Cott Protection (Nadorcott), T‑95/06, Rec. p. II‑31, point 33]. Il y a donc lieu de considérer que le règlement n° 68/2001 a abrogé et remplacé l’encadrement de 1998. En tout état de cause, la Commission ne saurait être privée de la possibilité de fixer des conditions de compatibilité plus strictes si l’évolution du marché commun et l’objectif d’une concurrence non faussée dans celui-ci l’exigent (arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec. p. I‑2801, point 73).

54      Quant aux arguments, exposés par les requérants dans leur réplique, relatifs à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission (point 30 ci-dessus), ils doivent être écartés. En effet, selon une jurisprudence constante, c’est dans le seul cadre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide nouvelle ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à supposer celle-ci établie (arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, Rec. p. I‑9975, points 52 et 53 ; arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 177, et du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié au Recueil, point 174). Au demeurant, ainsi qu’il ressort des décisions Webasto, Ford Genk et GM Anvers, la Commission ne s’est pas limitée, dans ses décisions récentes, à examiner, s’agissant d’aides non exemptées, les mesures en cause au regard des seuls critères fixés par le règlement n° 68/2001, mais elle a également apprécié, suivant certes une analyse non homogène, leur caractère nécessaire, comme le reconnaissent d’ailleurs les requérants.

55      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a apprécié l’aide en cause sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, non seulement au regard des critères fixés par le règlement n° 68/2001, mais également au regard du principe de nécessité.

56      Partant, il convient de rejeter le grief selon lequel, en introduisant le critère de nécessité de l’aide dans son appréciation de celle-ci, la Commission aurait violé le règlement n° 68/2001.

57      Il en va de même s’agissant du grief tiré du principe d’égalité de traitement. En effet, il convient de rappeler que ledit principe interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, Rec. p. II‑2823, point 150). Or, en l’espèce, alors que, s’agissant des aides à la formation exemptées de notification, le règlement n° 68/2001 n’impose pas expressément l’examen du critère de nécessité pour que celles-ci puissent être considérées comme compatibles avec le marché commun, la Commission estime, s’agissant des aides non exemptées qui lui sont notifiées, qu’il y a lieu d’examiner notamment si celles-ci remplissent un tel critère. Cela constitue, certes, une différence par rapport aux aides exemptées. Toutefois, cette différence n’est pas constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement étant donnée que les aides non exemptées sont, eu égard à leur montant élevé, dans une situation différente, ledit montant impliquant que ces aides soient évaluées individuellement par la Commission avant d’être attribuées, conformément au considérant 16 du règlement n° 68/2001.

58      Quant au grief tiré d’une violation du principe de confiance légitime, il y a lieu de constater que les requérants ne développent à son soutien aucun argument autonome par rapport à ceux relatifs à la violation du règlement n° 68/2001. Il doit donc également être rejeté.

59      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des effets incitatifs de l’aide sur le choix du site

 Arguments des parties

60      Les requérants soutiennent que la Commission a exclu à tort le caractère nécessaire de l’aide en cause, en ignorant son effet incitatif sur le choix du site de Leipzig/Halle.

61      En premier lieu, ce serait à tort que l’appréciation de la Commission se serait limitée à la situation de DHL après que le choix de ce site a été effectué. En effet, cette appréciation a posteriori méconnaîtrait le fait que l’aide en cause était nécessaire pour que DHL s’y installe et, par conséquent, pour qu’elle y réalise les mesures de formation en cause. La Commission aurait ainsi dû prendre en compte l’effet incitatif résultant du fait que les aides à la formation en cause, tout comme l’aide régionale qui a été autorisée par la Commission le 20 avril 2004, avaient été promises à DHL avant qu’elle ne se décide pour le site de Leipzig/Halle. À cet égard, les requérants soulignent qu’ils avaient indiqué à DHL qu’ils étaient prêts à octroyer des aides à la formation dans la plus large mesure autorisée et que la possibilité d’obtenir de telles aides a joué un rôle déterminant dans le choix du site, ce que les autorités allemandes ont indiqué à la Commission. Ainsi, en réponse à une question de la Commission visant à savoir si DHL comptait sur des aides à la formation avant de prendre sa décision en faveur du site de Leipzig/Halle, lesdites autorités lui auraient indiqué que la possibilité d’obtenir de telles aides constituait pour DHL un critère décisif pour le choix du site et que cette société avait fait dépendre ce choix de cette possibilité. Or, ce serait à tort que la Commission aurait écarté cette considération, au motif que, à la différence des aides régionales à l’investissement, les aides à la formation ne sauraient constituer un critère pour le choix du site.

62      En effet, premièrement, une telle position relèverait d’une confusion entre les objets de ces deux types d’aides, mais aussi entre le but et les effets de celles-ci. Ainsi, d’une part, l’objet d’une aide régionale serait le soutien aux investissements dans les moyens de production, alors que celui d’une aide à la formation serait le soutien aux investissements dans le capital humain. Partant, ces deux formes d’aides pourraient être accordées cumulativement, dès lors qu’elles soutiennent des coûts différents, et ce serait à tort que la Commission suggérerait, dans la décision attaquée, que la décision d’implantation de DHL est liée à des aides à l’investissement. D’autre part, une aide à la formation pourrait avoir pour but et pour effet d’influencer une décision d’implantation. En effet, le caractère défavorable d’un site, résultant de l’insuffisance de travailleurs qualifiés, pourrait être compensé par des aides à la formation, les déficits de formation se rencontrant dans les régions assistées. Cela ressortirait d’ailleurs du règlement n° 68/2001, qui autoriserait des aides d’une intensité élevée dans ces régions, si elles présentent un effet incitatif pour la formation et influencent donc le choix du site. Par ailleurs, lors de l’appréciation des effets incitatifs des aides régionales, il n’y aurait pas lieu d’examiner si l’entreprise envisageant de s’implanter entendait, de toute façon, créer de nouvelles capacités productives, étant donné que le caractère nécessaire serait, en fait, apprécié au regard de l’influence de l’aide sur le choix du site. Or, la Commission ne donnerait aucun motif permettant de s’écarter de cette approche dans le contexte des aides à la formation. En outre, sa position empêcherait des sites défavorisés, situés dans des régions assistées, de créer, par le biais d’aides à la formation, des incitations au choix de ces sites comme lieux de formation, contredisant ainsi, notamment, les objectifs de la stratégie de Lisbonne et de la politique régionale de l’Union.

63      Dans leur réplique, les requérants contestent l’argument de la Commission selon lequel la nécessité de l’aide doit être examinée en considérant que DHL était déjà installée au motif que les conséquences du choix du site relèvent des aides régionales et non des aides à la formation. En effet, lorsqu’elles prennent une décision concernant un investissement « en rase campagne », les entreprises examineraient les différentes options envisageables, cet examen incluant les aides promises, tant régionales qu’à la formation. Le raisonnement de la Commission aurait donc pour conséquence de scinder artificiellement une situation de fait homogène en deux parties à traiter différemment. En effet, suivant l’approche de la Commission, lorsque la décision d’investissement est prise, il suffirait, s’agissant des aides régionales, que lesdites aides aient été demandées, alors que, s’agissant des aides à la formation, l’entreprise devrait prouver qu’aucune activité de formation n’aurait pu être organisée sans les aides. Il y aurait donc un traitement discriminatoire entre les aides régionales et les aides à la formation, alors que rien ne permet de considérer que la nécessité des aides devrait être appréciée différemment en fonction de leur nature. Selon les requérants, il importe en fait d’examiner si le comportement subventionné a été incité par l’aide ou s’il aurait été adopté dans tous les cas. En l’espèce, lors de son choix en faveur du site de Leipzig/Halle, DHL aurait pris en considération tant les aides régionales que les aides à la formation, ces deux types d’aides ayant donc influencé sa décision d’implantation.

64      Les requérants ajoutent, en se référant aux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale de 1998 (JO 1998, C 74, p. 9), que le fait que le site ait déjà été choisi n’a aucune influence dans l’examen des aides, la nécessité de l’aide dépendant au contraire de l’existence d’autres alternatives concernant le choix du site. De plus, pour déterminer si l’aide est nécessaire, il n’importerait pas de connaître quel serait le montant des coûts sur un site alternatif, le montant des coûts éligibles n’étant pas limité au surplus de dépenses engagées en raison du choix d’un site défavorisé. La méthode visant à ne prendre en compte que les coûts résultant de la différence entre le site choisi et un site alternatif situé dans une zone non subventionnée, introduite dans le domaine automobile mais s’étant avérée impraticable, aurait en effet été abandonnée et il n’y aurait pas lieu de la réintroduire. En tout état de cause, cette méthode ne constituerait pas un élément essentiel pour examiner le caractère nécessaire d’une aide.

65      Quant aux prétendus risques de contournement du seuil des aides régionales, les requérants font valoir que les aides régionales et les aides à la formation sont cumulables et concernent des coûts différents. Il serait donc exclu que les plafonds fixés pour les aides régionales puissent être contournés du fait de l’octroi d’aides à la formation.

66      Deuxièmement, l’approche de la Commission serait contradictoire avec sa position antérieure, dans la mesure où, avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, elle avait demandé aux autorités allemandes si l’octroi d’aides à la formation constituait un critère sur lequel DHL entendait fonder sa décision d’implantation. Cela implique, selon les requérants, que la Commission considérait que l’aide pouvait avoir une influence sur le choix du site. Or, rien ne permettrait de justifier le changement opéré par rapport à cette position.

67      Troisièmement, l’approche de la Commission serait contradictoire avec sa pratique décisionnelle antérieure, et notamment avec la décision Webasto, dont il ressortirait que l’influence d’une aide à la formation sur le choix d’un site doit être prise en considération dans l’appréciation du critère de nécessité.

68      Dans ces conditions, au lieu de procéder à une appréciation ex post, la Commission aurait dû prendre en considération la situation et les alternatives qui se présentaient lors du choix du site de Leipzig/Halle, ce qui aurait fait apparaître que les aides à la formation ont incité DHL à opter pour ce site, de sorte qu’elles étaient nécessaires pour que les mesures de formation soient exécutées.

69      En second lieu, l’affirmation selon laquelle il aurait fallu supporter des coûts de formation comparables également à d’autres endroits est erronée. Selon les requérants, la Commission n’aurait pas pu fonder la décision attaquée sur l’affirmation, figurant au considérant 67, selon laquelle DHL aurait dû mettre en place des mesures de formation pour la nouvelle plate-forme en dehors de Bruxelles dans tous les cas, indépendamment du site choisi.

70      Premièrement, cette affirmation ne serait pas démontrée. À cet égard, les requérants indiquent, dans leur réplique, que l’argument concernant les coûts de formation sur les autres sites n’a pas été soulevé lors de la procédure administrative, de sorte que la Commission ne saurait fonder la décision attaquée sur celui-ci. Ainsi, eu égard aux éléments du dossier, la Commission ne pouvait pas procéder à une telle déclaration dans la mesure où elle n’aurait invoqué aucun chiffre concret à titre de comparaison.

71      Deuxièmement, l’analyse de la Commission n’aurait pas dû se limiter aux sites autres que celui de Bruxelles. En effet, Bruxelles figurait également, même après 2003, parmi les sites envisagés par DHL pour l’implantation de son centre logistique. Selon les requérants, les décisions des autorités belges, en particulier s’agissant de l’interdiction des vols de nuit, ont joué contre le choix de ce site. Celui-ci était néanmoins considéré comme un site possible pour l’implantation de sa plate-forme, ses avantages résidant en des coûts d’investissement et des changements des flux de circulation moindres ainsi qu’en la présence sur place du personnel nécessaire. Ce ne serait en fait qu’en septembre 2005 que la décision a été prise en faveur du site de Leipzig/Halle.

72      Troisièmement, rien n’indiquerait que dans d’autres sites, en dehors de Bruxelles, il y aurait eu un déficit de formation comme à Leipzig/Halle. En effet, tout d’abord, eu égard à leurs flux de marchandises, il existerait une différence notable dans l’importance économique des aéroports de Hahn (Allemagne) et de Leipzig/Halle, ce qui se refléterait sur la main-d’œuvre qualifiée disponible. Ensuite, l’aéroport de Hahn serait à proximité immédiate de celui de Francfort-sur-le-Main (Allemagne), où DHL aurait pu trouver du personnel. À cet égard, les requérants contestent que les salariés n’aient pas été prêts à déménager de Francfort-sur-le-Main à Hahn. En effet, pour les nombreuses personnes travaillant à l’aéroport de Francfort-sur-le-Main et habitant à l’ouest de celui-ci, l’aéroport de Hahn pourrait constituer un lieu de travail qui ne nécessiterait pas de déménager. En outre, DHL aurait pu utiliser les capacités découlant de l’abandon de l’exploitation militaire des aéroports de Vatry (France) et de Hahn. En tout état de cause, les travailleurs civils ayant participé à cette exploitation militaire auraient été disponibles et formés à la gestion aéroportuaire. À cet égard, les requérants contestent l’argument de la Commission selon lequel il ne serait pas certain que les employés civils de ces anciens aéroports militaires aient pu être employés sans avoir reçu de formation. En effet, d’une part, ces aéroports seraient utilisés à des fins civiles depuis, respectivement, 1993 et 2000, en tant qu’aéroports de fret, de sorte qu’il serait possible de considérer que leurs employés civils demeuraient à disposition. D’autre part, la Commission n’aurait engagé, dans le cadre de la procédure administrative, aucune enquête pour répondre à cette question.

73      Dans ces conditions, les requérants considèrent que les mesures de formation en cause n’auraient pas dû être mises en place dans tous les cas, indépendamment du site choisi, comme indiqué par la Commission. En tout état de cause, il suffirait que l’aide en cause ait influencé le choix du site et ait, ainsi, été nécessaire pour entreprendre des mesures de formation sur le site de Leipzig/Halle. Une approche empêchant un site de développer son attractivité afin d’être choisi conduirait en effet à une pérennisation de ses désavantages structurels. Quant à l’affirmation selon laquelle l’aide n’entraîne pas de mesure de formation supplémentaire, elle serait en tout état de cause erronée, l’aide ayant suscité des mesures de formation supplémentaires sur le site de Leipzig/Halle, et d’ailleurs plus que cela n’aurait été le cas ailleurs.

74      La Commission conteste l’argumentation des requérants et soutient que c’est à juste titre qu’elle n’a pas pris en considération l’effet incitatif de l’aide en cause sur le choix du site.

 Appréciation du Tribunal

75      Dans le cadre du présent moyen, les requérants prétendent que la Commission a, à tort, apprécié le caractère nécessaire de l’aide sans prendre en compte son effet incitatif sur le choix du site. À cet égard, ils soulèvent, en substance, deux griefs.

76      En ce qui concerne le premier grief, tiré de ce que la Commission aurait à tort limité son appréciation à la situation de DHL après que celle-ci a opté pour le site de Leipzig/Halle, il convient de relever que, au considérant 62 de la décision attaquée, la Commission a notamment estimé que « les aides à la formation, à la différence d’aides régionales à l’investissement, n’ont pas pour objectif d’influencer les décisions d’implantation, mais de compenser, au niveau communautaire, l’insuffisance des investissements dans les activités de formation ».

77      Aucun des arguments avancés par les requérants ne permet de remettre en cause cette appréciation.

78      S’agissant, premièrement, de l’argumentation selon laquelle la position de la Commission relève d’une confusion entre les objets ainsi que le but et les effets des aides à la formation et des aides régionales, force est de constater, d’une part, que l’objectif des aides à la formation n’est pas d’influencer le choix du site d’implantation d’une entreprise mais d’améliorer la qualification des travailleurs. En effet, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 10 du règlement n° 68/2001, les aides à la formation peuvent permettre de corriger l’imperfection du marché liée au fait que les entreprises de l’Union sous-investissent généralement dans la formation de leurs travailleurs.

79      Il y a lieu de constater, d’autre part, que, selon le point 1 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale de 1998, les aides régionales « favorisent l’élargissement, la modernisation et la diversification des activités des établissements localisés dans [l]es régions [défavorisées], ainsi que l’implantation des nouvelles entreprises ».

80      C’est donc dans le contexte des aides à finalités régionales, et non de celui des aides à la formation, que l’examen de l’effet incitatif de l’aide sur le choix du site doit être opéré. Même à supposer que l’octroi de l’aide à la formation promise à DHL par les requérants ait été déterminant dans le choix du site, cette circonstance serait sans influence sur cette conclusion, dès lors que la compatibilité avec le marché commun de l’aide à la formation ne saurait être examinée au regard d’objectifs étrangers à ce type d’aide. Tel serait également le cas, par identité de motif, si, comme le soutiennent les requérants en particulier dans leur réplique, tant l’aide à la formation que l’aide régionale N 608/2003 autorisée le 20 avril 2004 (point 3 ci-dessus) avaient influencé le choix du site.

81      S’agissant, deuxièmement, de l’argument pris de ce que, avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission a demandé aux autorités allemandes si l’octroi d’aides à la formation constituait un critère sur lequel DHL entendait fonder sa décision d’implantation, il ne saurait être inféré de ce fait que le point de vue adopté par la Commission dans la décision attaquée est contradictoire par rapport à celui adopté pendant la procédure formelle d’examen. En effet, cette demande d’information n’impliquait pas que la Commission entendait nécessairement prendre en compte l’influence de l’aide sur le choix du site dans l’appréciation de la compatibilité de l’aide. La décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ne contient d’ailleurs aucune indication en ce sens.

82      S’agissant, troisièmement, de l’argumentation selon laquelle l’approche de la Commission serait contradictoire avec sa pratique décisionnelle antérieure, force est de constater qu’elle doit être écartée, conformément à la jurisprudence constante visée au point 54 ci-dessus.

83      Il résulte de ce qui précède que l’argumentation tirée de ce que l’appréciation a posteriori opérée par la Commission méconnaîtrait le fait que l’aide en cause était nécessaire pour que DHL s’installe sur le site de Leipzig/Halle et, par conséquent, pour qu’elle y réalise des mesures de formation doit être rejetée. C’est donc à tort que les requérants prétendent que la limitation de l’appréciation à la situation de DHL après le choix du site de Leipzig/Halle est illicite.

84      À titre surabondant, il convient de constater que, en tout état de cause, la Commission se devait d’examiner la situation en cause en considérant que le choix du site avait déjà été effectué par DHL. En effet, les requérants affirment que le choix du site a été effectué en septembre 2005. Ce n’est cependant que le 21 décembre 2006 que les autorités allemandes ont notifié à la Commission le projet d’aide à la formation. Il convient donc de considérer que, même si elles en avaient pris auparavant l’engagement auprès de DHL, ce n’est qu’à cette date que les autorités allemandes ont effectivement décidé d’octroyer cette aide.

85      Le premier grief doit donc être rejeté.

86      En ce qui concerne le second grief, tiré de ce que l’affirmation selon laquelle DHL aurait dû affronter des coûts de formation comparables dans d’autres sites en dehors de Bruxelles serait erronée, il convient de relever que, en réponse à l’argument des autorités allemandes selon lequel DHL aurait créé des emplois dans une région assistée de sorte que l’aide en cause serait une aide en faveur d’une nouvelle entreprise qui ne trouve pas de personnel disposant des qualifications adéquates, la Commission a rétorqué, au considérant 67 de la décision attaquée, que « DHL aurait de toute façon dû organiser les activités de formation pour son nouveau centre en dehors de Bruxelles, indépendamment de son nouveau site ».

87      Il doit donc être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission ne s’est référée qu’à la nécessité de procéder à des formations indépendamment du site choisi et non au fait de supporter des coûts de formation comparables sur d’autres sites, comme le laissent entendre certaines affirmations des requérants.

88      Il convient également de relever que, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier grief, la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun devait être appréciée au regard de son objectif, qui a trait à l’amélioration de la formation, et non du site choisi. La question de savoir si DHL aurait également dû procéder à des formations si elle s’était implantée sur d’autres sites n’est donc pas pertinente dans le cadre de l’examen de la compatibilité de l’aide en cause. Aussi, à supposer même que ce soit à tort que la Commission a estimé que DHL aurait de tout façon dû organiser les activités de formation pour son nouveau centre en dehors de Bruxelles, indépendamment du site choisi, cela ne permettrait pas de remettre en cause la légalité de la décision attaquée. Il s’ensuit que le présent grief doit être écarté comme étant inopérant.

89      En tout état de cause, il doit être relevé, à titre surabondant, que ledit grief n’est pas fondé, les requérants n’ayant apporté aucun élément permettant de démontrer que la Commission aurait à tort considéré que DHL aurait dû organiser les activités de formation pour son nouveau centre en dehors de Bruxelles, indépendamment du site choisi.

90      S’agissant, premièrement, de l’argument selon lequel l’analyse n’aurait pas dû se limiter aux sites en dehors de Bruxelles, il y a lieu d’observer que, ainsi que la Commission l’a fait observer, les autorités allemandes lui avaient indiqué, lors de la notification de l’aide régionale en 2003, que ni le périmètre restreint de l’aéroport, ni l’actuelle autorisation des vols de nuit ne permettaient d’envisager une extension du site de l’ampleur requise et que DHL avait donc décidé de construire un centre logistique aérien supplémentaire sur un nouveau site. De plus, d’après un article de presse fourni par la Commission en annexe à son mémoire en défense, les négociations avec les autorités belges avaient été rompues en octobre 2004 et DHL cherchait des sites alternatifs en France et en Allemagne. Aussi, dès cette date, antérieure de deux ans à la notification de l’aide en cause, le site de Bruxelles n’apparaissait plus comme une alternative envisageable. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission n’a pas envisagé le site de Bruxelles comme constituant une alternative possible.

91      S’agissant, deuxièmement, de l’argument selon lequel rien n’indique que, dans d’autres sites, en dehors de Bruxelles, il existerait un déficit de formation comme à Leipzig/Halle, les requérants se réfèrent principalement aux sites de Hahn et de Vatry.

92      À cet égard, en ce qui concerne le fait que les aéroports de Leipzig/Halle et de Hahn se distinguent de façon notable sur le plan de l’importance économique, force est de constater que cette seule circonstance ne permet pas de considérer qu’il existe une réserve de main-d’œuvre, adéquatement formée, qui aurait été disponible et aurait pu être embauchée sans mesure de formation en cas d’implantation de DHL à Hahn. Aucun élément de preuve concret n’a d’ailleurs été avancé à cet égard.

93      En ce qui concerne le fait que l’aéroport de Hahn se situe à proximité de celui de Francfort-sur-le-Main, il doit être souligné que cette circonstance ne saurait impliquer que DHL aurait pu recruter du personnel qualifié travaillant dans ce dernier aéroport sans procéder à des mesures de formation. En effet, comme le fait noter la Commission, ces deux aéroports se situent à plus de 100 kilomètres l’un de l’autre. Aucun élément ne permet donc de considérer, au regard de cette distance, que les employés de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main auraient accepté de travailler à celui de Hahn. Rien ne permet en outre d’expliquer pourquoi ils auraient procédé à un tel choix. Quant à l’argument selon lequel, pour de nombreuses personnes travaillant à l’aéroport de Francfort-sur-le-Main et habitant à l’ouest de celui-ci, l’aéroport de Hahn pourrait constituer un lieu de travail qui ne nécessiterait pas de déménager, les requérants n’apportent aucune preuve afin de l’étayer.

94      En ce qui concerne le fait que les aéroports de Hahn et de Vatry ont été utilisés pour des activités militaires, d’une part, il y a lieu de relever que les requérants ne précisent pas quelles sont les capacités disponibles de ces aéroports découlant de l’abandon de l’exploitation militaire dont aurait pu bénéficier DHL, ni quelle serait leur influence sur la formation qu’elle aurait dû mettre en œuvre. D’autre part, l’argument selon lequel le personnel civil, ayant auparavant participé à l’exploitation militaire des aéroports de Hahn et de Vatry, qui étaient également exploités en tant qu’aéroports civils, aurait été disponible en tant que main-d’œuvre potentielle n’emporte pas la conviction. En effet, ainsi que la Commission le relève, rien n’indique que ce personnel aurait pu être embauché dans un nouveau centre logistique sans formation supplémentaire. D’ailleurs, comme le relève également la Commission, avant l’implantation de DHL, l’aéroport de Leipzig/Halle était, tout comme les aéroports de Vatry et de Hahn, exploité comme aéroport civil. Des mesures de formation ont néanmoins été nécessaires pour le personnel recruté lors de l’implantation de DHL.

95      En ce qui concerne l’argument pris de ce que l’affirmation selon laquelle « l’aide ne sera pas investie dans des mesures de formation supplémentaires » (considérant 100 de la décision attaquée) serait erronée, il doit être écarté. En effet, cette affirmation résume simplement l’ensemble des conclusions de la Commission concernant la partie de l’aide qu’elle juge incompatible avec le marché commun, au motif notamment que DHL devrait de toute façon supporter les coûts de formation en cause, même en l’absence d’aide. Elle ne concerne cependant pas spécifiquement le constat selon lequel DHL aurait dû organiser les activités de formation pour son nouveau centre, en dehors de Bruxelles, indépendamment du nouveau site choisi. En tout état de cause, les requérants n’apportent aucun élément de preuve précis permettant de démontrer que, ainsi qu’ils le prétendent, l’aide en cause a suscité sur le site de Leipzig/Halle des mesures de formation supplémentaires qui n’auraient pas été nécessaires sur d’autres sites.

96      S’agissant, troisièmement, de l’argument tiré de ce que la Commission n’aurait pas démontré que DHL aurait dû organiser les activités de formation pour son nouveau centre en dehors de Bruxelles, indépendamment du site choisi, il y a lieu de constater que la Commission a indiqué, au considérant 65 de la décision attaquée, que DHL n’a pas prouvé qu’elle serait en mesure de recruter, sur le marché de l’emploi local ou européen, le nombre de travailleurs déjà formés nécessaire pour son fonctionnement. Elle a également indiqué qu’il semblait relativement difficile de trouver une main-d’œuvre spécialisée sur le marché européen des services de trafic aérien. Ces motifs suffisent pour considérer que DHL aurait de toute façon dû organiser les activités de formation pour son nouveau centre en dehors de Bruxelles, indépendamment du site choisi, eu égard au déficit de main-d’œuvre existant dans le secteur au niveau européen. L’argument des requérants doit donc être rejeté.

97      Dans ce contexte, il convient également de rejeter l’argument tiré de ce que la question des coûts de formation sur d’autres sites n’aurait pas été abordée lors de la procédure administrative. En effet, il doit être rappelé que, au considérant 67 de la décision attaquée, la Commission ne s’est précisément pas référée auxdits coûts, mais au fait que DHL aurait dû de toute façon organiser les activités de formation pour son nouveau centre en dehors de Bruxelles, indépendamment du site choisi (point 87 ci-dessus). En outre, comme le relève la Commission, en raison du défaut de nécessité, la question des coûts de formation dans d’autres sites n’était pas pertinente. Il ne lui était donc pas nécessaire de l’aborder. Enfin, s’agissant du fait qu’elle n’a pas mené d’enquête sur le sujet, il convient de rappeler qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments d’information qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis (voir arrêt du Tribunal du 23 novembre 2006, Ter Lembeek/Commission, T‑217/02, Rec. p. II‑4483, points 82 et 83, et la jurisprudence citée).

98      Il résulte de ce qui précède que le second grief doit également être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’application de critères non pertinents pour apprécier le caractère nécessaire de l’aide

 Arguments des parties

99      Les requérants soutiennent que la Commission a fondé son appréciation du caractère nécessaire de l’aide en cause sur des critères non pertinents.

100    En premier lieu, la Commission se serait fondée sur des critères subjectifs relatifs à la politique commerciale de DHL (considérants 66, 80 et 84 de la décision attaquée), qui vont au-delà de la nécessité objective et qui, en conséquence, ont conduit à des résultats arbitraires. Cette approche contredirait l’objectif visé par l’octroi d’aides à la formation, qui est de promouvoir un meilleur niveau de formation au niveau européen, en incitant les entreprises à moins investir dans l’importance et la qualité de leurs formations internes, afin d’augmenter leurs chances d’obtenir des aides admissibles. Une entreprise qui investit peu ou pas du tout dans des activités de formation serait ainsi placée dans une meilleure position que celle qui organise régulièrement des sessions de formation, étant donné qu’il ne pourrait pas lui être rétorqué, suivant l’approche de la Commission, qu’elle aurait de toute façon organisé les formations. Une telle situation serait absurde au regard des objectifs du règlement n° 68/2001.

101    Par ailleurs, les requérants contestent que, lorsque des critères objectifs font défaut, la Commission puisse se baser sur des critères subjectifs. En effet, il serait plus facile et plus sûr d’examiner quelles sont les conditions minimales de formation devant être posées pour un projet que d’essayer, comme le fait la Commission, de se mettre dans la situation du bénéficiaire de l’aide et, finalement, de décider à sa place ce qu’un investisseur aurait entrepris de lui-même au titre des mesures de formation. L’appréciation de tels critères subjectifs comporterait d’importants facteurs d’incertitude et ne serait dès lors pas adaptée.

102    Enfin, le caractère erroné de l’approche de la Commission ressortirait également du fait qu’elle s’écarte de celle adoptée dans des affaires récentes, en particulier dans la décision Ford Genk, qui montrerait que la Commission ne peut se fonder sur des standards qualitatifs internes subjectifs d’une entreprise.

103    En second lieu, le fait de s’appuyer sur des dispositions législatives relatives aux mesures de formation pour apprécier la nécessité de l’aide conduirait à une discrimination injustifiée. En effet, cela pénaliserait les États membres ayant un encadrement législatif de la formation interne et entraverait leurs politiques économique et de formation. Cela pénaliserait également les entreprises s’engageant dans la formation interne et favoriserait en revanche celles qui soumettent leur formation à des instituts étatiques et qui, donc, profitent d’un personnel totalement formé, ces dernières entreprises étant plus à même d’être éligibles à des aides à la formation, selon l’approche de la Commission. Enfin, cette approche pénaliserait également les entreprises opérant dans les secteurs plus fortement encadrés. Les États membres qui disposent d’une réglementation moins stricte dans ces secteurs auraient en effet, selon l’approche de la Commission, moins de difficultés à verser une aide à la formation que ceux ayant une réglementation détaillée. Dans ces conditions, le fait de nier le caractère nécessaire de l’aide en cas d’obligation légale d’organiser une activité de formation ne permettrait pas d’augmenter le niveau général de formation dans l’Union. L’approche de la Commission serait ainsi contraire aux objectifs du règlement n° 68/2001.

104    La Commission réfute l’argumentation des requérants et soutient qu’elle n’a pas fondé son examen de la nécessité sur des critères inexacts.

 Appréciation du Tribunal

105    Dans le cadre du présent moyen, les requérants reprochent à la Commission d’avoir appliqué des critères non pertinents pour apprécier le caractère nécessaire de l’aide. Ils soulèvent à cet égard deux griefs.

106    En ce qui concerne le premier grief, tiré de la prise en compte des critères liés à la politique commerciale de DHL, il convient de relever que la Commission a indiqué que certaines des activités de formation en cause étaient nécessaires pour satisfaire aux normes visées par la stratégie de l’entreprise et auraient ainsi été organisées même en l’absence d’aide (considérant 80 de la décision attaquée). Elle a également estimé que certaines mesures étaient conformes à la pratique courante de Deutsche Post et donc obligatoires pour tout le personnel de DHL (considérant 84 de la décision attaquée). Elle a en outre pris en considération le fait que DHL entendait faire assurer tous les services liés au centre logistique par le personnel de l’entreprise, voire proposer ces services à d’autres entreprises concurrentes présentes sur le même aéroport (considérants 66 et 80 de la décision attaquée).

107    En l’espèce, il doit être rappelé que, lorsque la Commission examine la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents (arrêt de la Cour du 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission, C‑294/90, Rec. p. I‑493, point 14, et arrêt du Tribunal du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T‑244/93 et T‑486/93, Rec. p. II‑2265, point 56).

108    Il s’ensuit que, aux fins de l’examen de la compatibilité de l’aide en cause, il était loisible à la Commission de prendre en considération les éléments de faits concrets relatifs au bénéficiaire de l’aide, et notamment sa pratique et sa stratégie commerciale. En effet, contrairement à ce que prétendent les requérants, qui estiment qu’il s’agit d’éléments subjectifs et que leur appréciation, qui comporterait d’importants facteurs d’incertitude, ne serait dès lors pas adaptée, il y a lieu de considérer que ces éléments sont pertinents pour apprécier le caractère nécessaire de ladite aide. Ainsi, si, dans le cadre de l’organisation interne du groupe auquel appartient l’entreprise bénéficiaire, il est décidé, sans que la loi l’impose, d’organiser une formation dans un domaine particulier, ladite entreprise sera contrainte, par les orientations de son groupe, de mettre en œuvre cette formation, y compris en l’absence d’aide. Dès lors, dans le cadre de son appréciation, la Commission a pu à bon droit vérifier, ainsi qu’il ressort du considérant 50 de la décision attaquée, si l’aide était directement nécessaire aux activités de l’entreprise bénéficiaire et si celle-ci aurait par conséquent mis en œuvre la mesure de formation en cause, y compris en l’absence de l’aide.

109    Partant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pris en considération, en particulier aux considérants 60, 80 et 84 de la décision attaquée, des éléments liés à la pratique ou à la stratégie commerciale de DHL afin d’examiner la nécessité de l’aide au regard de certaines mesures de formation envisagées.

110    Il convient d’ailleurs de relever que ces éléments ont été fournis par les autorités allemandes au cours de la procédure administrative et que leur exactitude n’est pas contestée dans le cadre du présent recours.

111    Il s’ensuit que la Commission a pu, à bon droit, estimer que, même si elles n’étaient pas imposées par la loi, certaines des mesures de formation en cause étaient imposées par la stratégie ou la pratique interne de DHL ou par Deutsche Post, de sorte qu’elles auraient été mises en œuvre même sans l’aide y relative. C’est également à bon droit que, s’agissant de certaines formations non imposées par la loi, la Commission a relevé que DHL avait l’intention de fournir elle-même les services liés à l’exploitation de son centre logistique et que les autorités allemandes n’avaient pas apporté la preuve que DHL ne dispenserait pas ces formations en l’absence d’aide.

112    En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel le fait de fonder l’appréciation sur la pratique concrète des affaires inciterait les entreprises à moins investir dans la formation, il doit être rejeté. En effet, l’analyse de la Commission ne dépend pas du niveau auquel les entreprises investissent dans la formation, mais de l’appréciation objective de la compatibilité avec le marché commun des aides à la formation. Au demeurant, l’objectif du règlement n° 68/2001 est de permettre d’autoriser, sous certaines conditions, des aides d’État visant à pallier le fait que certaines entreprises sous-investissent dans la formation, mais pas d’assurer, de manière générale et inconditionnelle, que toutes les mesures de formation mises en œuvre par les entreprises puissent bénéficier d’aides d’État. C’est donc à tort que les requérants font valoir que l’approche de la Commission serait contraire aux objectifs de ce règlement (point 100 ci-dessus).

113    Enfin, les arguments tirés de ce que la décision attaquée s’écarterait de la pratique décisionnelle antérieure concernant les critères utilisés par la Commission doivent être écartés conformément à la jurisprudence visée au point 54 ci‑dessus.

114    Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

115    En ce qui concerne le second grief, tiré de la prise en compte des dispositions légales encadrant le contenu des formations, il convient de relever que la Commission a estimé, au considérant 68 de la décision attaquée, que « la plupart des formations sont imposées par la législation nationale ou communautaire », et que les frais y relatifs n’étaient donc pas admissibles à l’aide. Cela concerne, notamment, des formations prévues pour les mécaniciens et les techniciens de European Air Transport Leipzig (considérants 69 à 76 de la décision attaquée), pour les agents d’assistance en escale (considérant 77 à 81 de la décision attaquée) et pour les agents de sécurité (considérants 82 à 86 de la décision attaquée). En revanche, concernant les activités de formation prévues pour les cadres opérationnels, la Commission a estimé qu’elles n’étaient pas imposées par la loi (considérants 87 à 89 de la décision attaquée).

116    Force est de constater que c’est à bon droit que la Commission a pris en compte, dans le cadre de l’examen du critère de nécessité de l’aide en cause, l’existence d’une législation nationale imposant la formation du personnel.

117    En effet, une aide à la formation ne saurait être considérée comme étant nécessaire dans l’hypothèse où les mesures de formation dont elle vise à couvrir les coûts sont imposées par la loi. Dans une telle hypothèse, il ne serait en effet pas possible pour l’entreprise en cause de sous-investir dans ces mesures ou de ne pas les organiser. La formation devrait donc être mise en œuvre en toute hypothèse, y compris si l’aide n’était pas octroyée. Il s’ensuit que le fait que la formation soit imposée par la loi constitue un critère pertinent que la Commission pouvait prendre en considération. Le fait qu’un État membre dispose d’un encadrement législatif en matière de formation plus ou moins exigeant que celui d’un autre État membre ou le fait qu’une entreprise opère dans un secteur plus ou moins encadré sont en effet des éléments objectifs et pertinents dans le cadre de l’examen de la nécessité de l’aide et, par conséquent, de sa compatibilité avec le marché commun.

118    Il doit enfin être de nouveau rappelé que le règlement n° 68/2001 vise à autoriser, sous certaines conditions, les aides à la formation contribuant à corriger l’imperfection du marché liée au fait que les entreprises sous-investissent généralement dans la formation de leurs travailleurs. Or, dans l’hypothèse où la formation est imposée par la loi, les entreprises sont obligées de mettre en œuvre lesdites mesures de formation et ne peuvent pas sous-investir dans celle-ci. C’est donc à tort que les requérants prétendent que l’approche de la Commission ne vise pas à augmenter le niveau général de formation et serait contradictoire avec l’objectif du règlement n° 68/2001.

119    Dans ces conditions, il convient de rejeter le grief tiré de ce que le fait de se fonder sur les dispositions légales encadrant le contenu des formations conduirait à une discrimination ou à une pénalisation injustifiée.

120    Il résulte de ce qui précède que le second grief doit être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance des externalités positives des mesures de formation en cause

 Arguments des parties

121    Les requérants considèrent que la Commission a méconnu le fait que les mesures de formation en cause étaient créatrices d’externalités positives.

122    En premier lieu, les externalités positives des mesures de formation, qui ne seraient pas contestées par la Commission, justifieraient l’autorisation de l’aide en cause, indépendamment de son caractère nécessaire. En effet, cette aide concernerait des mesures de formation en vue de l’embauche de nouveaux travailleurs, en raison de l’implantation de DHL sur un site caractérisé par un fort taux de chômage et par l’absence de qualifications spécifiques. De plus, ces mesures seraient pour la plupart de nature générale, non spécifiques à DHL, et prévoiraient l’acquisition de qualifications généralement reconnues. L’ensemble de ces caractéristiques garantirait que ces mesures de formation créent des externalités positives, profitant à la société dans son ensemble, et notamment aux concurrents. Elles augmenteraient en effet le réservoir de main-d’œuvre qualifiée disponible et assureraient, de par leur nature générale et l’acquisition d’attestations de formation reconnues, que le personnel formé puisse appliquer les qualifications ainsi acquises au profit d’un autre employeur. Partant, indépendamment de sa nécessité, l’aide en cause ne saurait constituer une distorsion de concurrence ou une entrave aux conditions du marché, en raison de ses externalités positives.

123    Les requérants ajoutent que les externalités positives constituent, depuis de nombreuses années, l’élément le plus important dans l’appréciation de la compatibilité des aides à la formation. À cet égard, ils se réfèrent au considérant 10 du règlement n° 68/2001 et au point 29 de l’encadrement de 1998. Ces actes, ainsi que leur mise en œuvre dans la pratique de la Commission, auraient créé une continuité dans l’analyse économique des aides à la formation, basée sur les externalités positives des mesures en cause. Les requérants estiment donc que la Commission aurait dû prendre en compte les externalités positives desdites mesures, et ce d’autant plus qu’elle avait pris en compte cet aspect dans d’autres décisions. À cet égard, les requérants font valoir que, contrairement à ce qu’indique la décision attaquée, l’approche adoptée en l’espèce n’est ni plus fine, ni différente, étant donné qu’elle met en œuvre de manière mécanique le critère de nécessité sans prendre en compte les caractéristiques des mesures en cause ni leurs effets économiques. De plus, la décision attaquée n’aborderait pas la question de l’analyse économique des aides à la formation qui était systématiquement appliquée auparavant et qui prenait en compte les externalités positives. Ladite décision ne contiendrait donc aucune explication concernant la raison pour laquelle cette analyse ne serait plus valable.

124    En second lieu, les requérants font valoir que la Commission a reconnu, dans sa pratique récente, la pertinence des externalités. À cet égard, ils se réfèrent aux décisions Ford Genk et Webasto. Il ressortirait de cette pratique récente que la question n’est pas de savoir si les mesures de formation ont été prises indépendamment de l’aide, mais si les mesures en question donnent lieu à des externalités positives. Ainsi, dans ces affaires, la Commission n’aurait pris en compte que des critères qui sont remplis en l’espèce. Partant, à la lumière de cette pratique récente, l’aide en cause devrait être considérée comme compatible avec le marché commun. Les requérants ajoutent que, même si, quod non, la Commission n’était pas liée par le règlement n° 68/2001, elle ne pouvait exercer son pouvoir d’appréciation de manière arbitraire, comme en l’espèce, en invoquant un changement de pratique ou une approche plus fine. En effet, elle ne saurait, sous couvert d’un changement de pratique, adopter des approches totalement différentes d’un cas à l’autre. De même, elle ne saurait ignorer des aspects importants de l’aide en cause, tels que le contexte économique et juridique dans lequel elle est octroyée ou la nature des mesures dont elle fait l’objet.

125    La Commission réfute la pertinence de la création d’externalités positives.

 Appréciation du Tribunal

126    Il doit être rappelé que, en l’espèce, la Commission a fondé son examen sur le respect des critères fixés à l’article 4 du règlement n° 68/2001 (considérants 47 à 49 de la décision attaquée) ainsi que sur le caractère nécessaire de l’aide en cause (considérants 50 à 96 de la décision attaquée).

127    Elle n’a en revanche pas examiné si les mesures de formation concernées par ladite aide produisaient des externalités positives, profitant à la société dans son ensemble.

128    Il convient donc de vérifier si, comme le prétendent les requérants, c’est à tort que la Commission n’a pas pris en compte ces externalités positives dans le cadre de l’examen de la compatibilité de l’aide.

129    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence énoncée au point 47 ci-dessus, une aide qui n’est pas nécessaire pour atteindre l’un des buts prévus à l’article 87, paragraphe 3, CE ne saurait être considérée comme compatible avec le marché commun.

130    Or, ainsi que la Commission l’a fait valoir, il ne saurait être exclu que, malgré l’existence d’effets externes positifs, une aide à la formation ne soit pas nécessaire. En effet, s’il incombe à la Commission, dans le cadre de son examen de l’impact d’une aide d’État, de mettre en balance les effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée (voir arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, point 283, et la jurisprudence citée), il n’en demeure pas moins que la circonstance qu’une aide à la formation produit un effet positif sur la société n’implique pas qu’elle est nécessaire pour répondre aux objectifs de l’article 87, paragraphe 3, CE. Or, ainsi qu’il a été indiqué dans le cadre du premier moyen, si tel n’est pas le cas, une aide d’État non exemptée ne saurait être considérée comme compatible avec le marché commun.

131    Il s’ensuit qu’une aide à la formation qui produit des effets positifs externes ne saurait être considérée comme compatible avec le marché commun dans l’hypothèse où elle ne remplirait pas également le critère de nécessité.

132    Or, il ressort de l’examen des premier, troisième et quatrième moyens, qu’aucun élément ne permet de considérer que c’est à tort que la Commission a estimé qu’une partie de l’aide en cause n’était pas nécessaire.

133    Partant, la Commission a pu, à bon droit, ne pas examiner si ladite aide était créatrice d’externalités positives. En effet, le fait que l’aide en cause produise de telles externalités, ce que la Commission ne conteste pas, ne permettrait pas de la considérer comme étant compatible avec le marché commun sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, CE, étant donné que, en tout état de cause, elle ne remplit pas le critère de nécessité, qui est indispensable à cet égard. C’est donc à tort que les requérants prétendent que les externalités positives qui existent en l’espèce suffisent à justifier la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. De même, contrairement à ce que prétendent les requérants, l’existence d’une distorsion de concurrence ou d’une entrave aux conditions du marché ne saurait être exclue du fait de l’existence d’externalités positives.

134    Ces considérations ne sont pas remises en cause par les références faites par les requérants à l’encadrement de 1998 et au règlement n° 68/2001. En effet, d’une part, l’encadrement de 1998 n’est pas applicable en l’espèce, ainsi qu’il a déjà été relevé (point 53 ci-dessus). D’autre part, il ne saurait être inféré du règlement n° 68/2001, dont les principes ont, en l’espèce, été appliqués par analogie par la Commission, que l’existence d’externalités positives impliquerait automatiquement la compatibilité d’une aide à la formation. En effet, le considérant 10 de ce règlement indique que la formation a généralement des effets externes positifs pour la société dans son ensemble et précise que, étant donné que les entreprises de l’Union sous-investissent généralement dans la formation de leurs travailleurs, les aides d’État pourraient contribuer à corriger cette imperfection du marché et peuvent donc être considérées, sous certaines conditions, comme compatibles avec le marché commun et, par conséquent, être exemptées de l’obligation de notification préalable. Il en ressort donc clairement que ce n’est que « sous certaines conditions » que les aides à la formation peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun, l’existence d’externalités positives n’étant pas la seule condition de compatibilité des aides.

135    S’agissant des arguments pris de ce que la Commission, dans sa pratique décisionnelle antérieure, aurait reconnu la pertinence des externalités positives et de ce que l’approche adoptée en l’espèce ne serait ni plus fine, ni différente de la pratique antérieure, ils doivent être rejetés, conformément à la jurisprudence visée au point 54 ci‑dessus.

136    Enfin, dans la mesure où les requérants reprochent une prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée concernant la raison pour laquelle l’analyse opérée dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne serait plus valable, ce grief sera examiné dans le cadre du cinquième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation.

137    Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation

 Arguments des parties

138    Les requérants reprochent à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision.

139    En premier lieu, la décision attaquée n’expliquerait pas pourquoi l’analyse économique des aides à la formation basée sur les externalités positives, qui a été suivie pendant de longues années, ne serait plus valable. Or, le changement par rapport à cette pratique établie nécessiterait d’être motivé. À cet égard, la référence à une approche économique plus fine ne serait pas satisfaisante.

140    En second lieu, la décision attaquée ne fournirait aucune explication concernant l’approche adoptée s’agissant de l’appréciation de la nécessité de l’aide à la formation. En particulier, la Commission n’indiquerait pas pourquoi son approche en l’espèce s’écarte de celle appliquée dans des décisions antérieures, et notamment les décisions Ford Genk et Webasto.

141    Quant à l’affirmation de la Commission selon laquelle un changement de sa pratique décisionnelle ayant déjà eu lieu, il ne devrait pas être justifié, les requérants contestent que tel soit le cas l’espèce. En effet, d’une part, la Commission aurait à plusieurs reprises modifié, en peu de temps, ses critères d’appréciation, de sorte que les destinataires de la décision attaquée, les requérants et DHL ont dû, pour la comprendre, s’appuyer sur l’explication de la Commission indiquant comment elle y était parvenue. D’autre part, la Commission se serait écartée, dans la décision attaquée, d’un acte juridique de portée générale, à savoir le règlement n° 68/2001. Or, même en admettant, quod non, qu’un tel écart soit licite, celui-ci ainsi que les particularités du cas d’espèce permettant de le justifier auraient dû être motivés.

142    La Commission estime que la décision est suffisamment motivée.

 Appréciation du Tribunal

143    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Freistaat Sachsen e.a./Commission, précité, point 76, et la jurisprudence citée).

144    Il ressort également de la jurisprudence que si une décision de la Commission, se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante, peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, lorsqu’elle va sensiblement plus loin que les décisions précédentes, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite (voir arrêt de la Cour 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C‑295/07 P, Rec. p. I‑9363, point 44, et la jurisprudence citée).

145    En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, du grief selon lequel la décision attaquée ne fournirait aucune explication s’agissant de l’appréciation de la nécessité de l’aide à la formation, il doit être relevé que la Commission a rappelé, au considérant 50 de la décision attaquée, que « l’argument principal de la décision d’ouverture de la procédure était qu’une formation ne peut être déclarée compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE que si elle n’est pas directement nécessaire aux activités de l’entreprise bénéficiaire ».

146    Ledit considérant indique ainsi que « la Commission a établi que la nécessité de l’aide était un critère général de compatibilité et a conclu que, si l’aide n’a pas pour effet l’organisation de plus de mesures que sous le seul effet des forces du marché, il n’y a pas lieu d’escompter que l’aide produise des effets positifs compensant la distorsion des échanges, de sorte qu’elle ne saurait être autorisée ». La Commission mentionne également que, « dans le cas où l’entreprise aurait de toute façon organisé les mesures subventionnées, donc même sans aide, l’aide à la formation en cause ne saurait être considérée comme destinée à ‘faciliter’ le développement économique au sens de l’article 87, paragraphe 3, [sous] c), [CE] ou à contribuer, conformément au [considérant 10] du règlement […] n° 68/2001, à corriger l’imperfection du marché dont il résulte que les entreprises sous-investissent généralement dans la formation de leurs travailleurs ».

147    Le considérant 50 de la décision attaquée précise néanmoins que « cela ne concerne pas les aides exemptées de l’obligation de notification en vertu du règlement n° 68/2001, dont il convient de considérer, à première vue, qu’elles sont destinées à faciliter le développement économique ».

148    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la décision attaquée expose, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles la Commission a appliqué le critère de nécessité aux fins d’apprécier la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

149    Dans la mesure où, par ce grief, les requérants prétendent que la décision attaquée n’indique pas pourquoi l’approche de la Commission s’écarte de celle appliquée dans des décisions antérieures, et notamment dans les décisions Ford Genk et Webasto, force est de constater que la décision attaquée est suffisamment motivée à cet égard. En effet, d’une part, la Commission indique, au considérant 60 de ladite décision, que la modification de son approche est intervenue dans le cadre de l’examen approfondi des affaires d’aides Ford Genk et GM Anvers, dans lesquelles elle a explicitement attiré l’attention sur sa nouvelle approche. D’autre part, la Commission a réfuté, au considérant 61, l’argument des autorités allemandes et de DHL tiré de ce que les décisions Ford Genk et GM Anvers ne seraient pas des précédents pertinents, alors que, selon elles, la décision Webasto le serait.

150    Quant à l’argument, exposé au stade de la réplique, selon lequel, en raison du fait que la décision attaquée se serait écartée du règlement n° 68/2001, la Commission aurait dû motiver cet écart et les particularités de l’espèce le justifiant, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, la décision attaquée ne viole pas le règlement n° 68/2001 et ne saurait dès lors être considérée comme s’écartant de celui-ci.

151    Le premier grief n’est donc pas fondé.

152    S’agissant, en second lieu, du grief selon lequel le prétendu changement de pratique de la Commission, en ce qui concerne la prise en compte des externalités positives, aurait dû être motivé, il suffit de relever que, étant donné qu’une partie des aides en cause ne pouvaient être autorisées dans la mesure où le critère de nécessité n’était pas satisfait, la Commission n’avait pas à examiner la question des externalités positives desdites aides, ni par conséquent à justifier un prétendu changement de pratique à cet égard.

153    Le second grief doit donc être écarté.

154    Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

155    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

156    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Freistaat Sachsen et le Land Sachsen-Anhalt supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.


1 – Données confidentielles occultées