Language of document : ECLI:EU:C:2016:576

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

20 juillet 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Droit au congé annuel payé – Mise à la retraite à la demande de l’intéressé – Travailleur n’ayant pas épuisé ses droits au congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail – Réglementation nationale excluant l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris – Congé de maladie – Fonctionnaires »

Dans l’affaire C‑341/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche), par décision du 22 juin 2015, parvenue à la Cour le 8 juillet 2015, dans la procédure

Hans Maschek

contre

Magistratsdirektion der Stadt Wien – Personalstelle Wiener Stadtwerke,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet et E. Levits, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. Kellerbauer et M. van Beek, en qualité d’agents,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Hans Maschek à la Magistratsdirektion der Stadt Wien – Personalstelle Wiener Stadtwerke (administration des autorités municipales de la ville de Vienne – Service du personnel des services techniques de la ville de Vienne, Autriche), son employeur, au sujet de l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris par l’intéressé avant la fin de sa relation de travail.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2003/88

3        L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé « Congé annuel », est rédigé comme suit :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2.      La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

 Le droit autrichien

4        La directive 2003/88 a été transposée en droit autrichien et, plus particulièrement, s’agissant des fonctionnaires de la ville de Vienne, par l’article 41a du Gesetz über das Besoldungsrecht der Beamten der Bundeshauptstadt Wien – Besoldungsordnung 1994 (loi relative au régime pécuniaire des fonctionnaires de la capitale fédérale Vienne, Réglementation sur le régime pécuniaire 1994), telle que modifiée en 2014 (ci‑après la « BO ») :

« (1)      À moins d’être repris immédiatement dans un autre service de la ville de Vienne, le fonctionnaire a droit, lorsqu’il quitte le service ou lorsque sa relation de travail prend fin, à une indemnité compensatrice pour la partie de son congé annuel qu’il n’a pas encore utilisée (indemnité [financière pour congé annuel payé non pris]). Il n’a droit à cette indemnité que dans la mesure où il n’a pas, de son propre fait, épuisé ses droits au congé annuel.

(2)      Le fonctionnaire est responsable de n’avoir pas épuisé ses droits au congé annuel en particulier lorsqu’il quitte le service

1.      en cas de licenciement […] dans la mesure où il est licencié pour faute ;

2.      en cas de rupture de la relation de travail conformément à l’article 33, paragraphe 1 [absence injustifiée], à l’article 73 [démission] ou à l’article 74 [révocation] [du Gesetz über das Dienstrecht der Beamten der Bundeshauptstadt Wien – Dienstordnung 1994 (loi portant statut des fonctionnaires de la capitale fédérale de Vienne – Réglementation sur les services 1994) (ci-après la « DO »)] ou

3.      en cas d’admission au bénéfice de la retraite à sa demande en application de l’article 68b, paragraphe 1, point 1), de l’article 68c, paragraphe 1, ou de l’article 115i de la [DO].

(3)      L’indemnité [financière pour congé annuel payé non pris] est calculée séparément pour chaque année civile pour laquelle des droits au congé annuel n’ont pas été épuisés et ne sont pas frappés de déchéance.

(4)      Le fonctionnaire a droit à une indemnité [financière pour congé annuel payé non pris] pour le solde de ses droits récupérables qui demeure après soustraction des jours effectivement utilisés au cours de cette année civile.

[…] »

5        L’article 68c, paragraphe 1, de la DO dispose qu’un fonctionnaire qui a atteint l’âge de 60 ans peut, à sa demande, être admis au bénéfice de la retraite lorsque son départ est compatible avec les intérêts du service.

6        Conformément à l’article 68b, paragraphe 1, de la DO, le fonctionnaire qui en fait la demande doit être admis au bénéfice de la retraite :

« (1)      lorsqu’il a accompli une carrière atteignant une durée de 540 mois imputables […]

(2)      lorsque le fonctionnaire est inapte au travail en raison d’une incapacité de travail au sens de l’article 68a, paragraphe 2, de la DO. […] »

7        L’article 115i, paragraphe 1, de la DO prévoit que le fonctionnaire qui en fait la demande doit être admis au bénéfice de la retraite s’il a atteint un âge compris entre 720 et 776 mois et s’il a accompli, avant son départ à la retraite, un nombre suffisant de périodes à prendre en considération aux fins du calcul de sa pension de retraite.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        M. Maschek, né le 17 janvier 1949, était fonctionnaire de la ville de Vienne depuis le 3 janvier 1978.

9        Entre le 15 novembre 2010 et le 30 juin 2012, date de son départ à la retraite, il ne s’est pas présenté à son poste de travail.

10      La juridiction de renvoi expose qu’il ressort du dossier administratif de M. Maschek que son employeur n’a consigné dans ses registres, en tant qu’absence pour cause de maladie, que la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 2010.

11      L’employeur de M. Maschek ne se serait pas opposé aux autres absences de ce dernier, au cours de la période allant du 1er janvier 2011 au 30 juin 2012, en raison de la conclusion avec celui-ci de deux conventions portant sur ces absences et sur leurs conséquences.

12      La première convention, conclue le 20 octobre 2010, est rédigée comme suit :

« 1.      Généralités

La situation ne permet en aucun cas à la ville de Vienne de continuer à utiliser les services de M. Maschek en qualité de chef d’unité au-delà de la période précisée ci-dessous.

Eu égard au départ à la retraite de M. Maschek prévu pour le 1er octobre 2011, la ville de Vienne est convenue avec lui des dispositions suivantes :

2.      Demande de pension en date du 1er octobre 2011

M. Maschek présentera d’ici la fin de l’année une demande écrite de départ à la retraite avec effet au 1er octobre 2011.

3.      Fonction de chef d’unité

Afin de garantir une transition sans heurt, M. Maschek conservera sa fonction de chef d’unité jusqu’au 31 décembre 2010. Jusqu’à cette date, il fera usage de 5 à 6 semaines de son congé annuel. La répartition du congé sera effectuée d’ici fin octobre en accord avec les Wiener Linien.

Le 1er janvier 2011, M. Maschek sera délié de sa fonction de chef d’unité.

4.      Renonciation à la prestation du service

À partir du 1er janvier 2011, la Magistratsdirektion-Personalstelle Wiener Stadtwerke renonce aux services de M. Maschek, qui conservera son salaire. »

13      La seconde convention, conclue le 21 juillet 2011, qui se substitue à la première, est rédigée en ces termes :

« 1.      Généralités

Les parties signataires de la présente convention conviennent que les services de M. Maschek dans la fonction de chef d’unité ne peuvent plus être utilisés au-delà de la période précisée ci-dessous.

Eu égard au départ à la retraite de M. Maschek prévu pour le 1er juillet 2012, la ville de Vienne est convenue avec lui des dispositions suivantes :

2.      Demande de pension en date du 1er juillet 2012

M. Maschek présentera une demande écrite de départ à la retraite avec effet au 1er juillet 2012. La décision de mise à la retraite de M. Maschek lui sera alors remise personnellement […] M. Maschek déclare par écrit qu’il n’engagera aucun recours contre cette décision.

3.      Fonction de chef d’unité

M. Maschek a exercé la fonction de chef d’unité jusqu’au 31 décembre 2010. Il a été délié de cette fonction avec effet au 1er janvier 2011.

4.      Renonciation à la prestation du service

À partir du 1er janvier 2011, la Magistratsdirektion-Personalstelle Wiener Stadtwerke, en accord avec la Wiener Linien GmbH & Co KG, renonce aux services de M. Maschek, qui conservera son salaire […].

[…]

7.      Condition suspensive

La présente convention est assortie de la condition suspensive que la déclaration de renonciation du 21 juillet 2011 produise ses pleins effets juridiques et que M. Maschek fasse la déclaration juridiquement valable de renonciation à tout recours prévue à l’article 2 de la présente convention. »

14      Au moment de la conclusion de la seconde convention, M. Maschek a également déposé une demande de mise à la retraite. Son employeur a en conséquence adopté, le 21 juillet 2011, une décision par laquelle M. Maschek a été mis à la retraite avec effet au 1er juillet 2012, sur le fondement de l’article 115i, paragraphe 1, de la DO. L’intéressé s’est alors engagé à renoncer à tout recours contre cette décision.

15      Selon la juridiction de renvoi, il est ainsi établi, d’une part, que, du 15 novembre 2010 jusqu’au 31 décembre 2010, l’absence de M. Maschek de son lieu de travail était justifiée en raison d’un congé de maladie et, d’autre part, que, du 1er janvier 2011 au 30 juin 2012, soit jusqu’à la fin de sa relation de travail pour mise à la retraite, M. Maschek était tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail en raison de l’instruction de service, résultant de l’application de la seconde convention.

16      M. Maschek soutient néanmoins qu’il est tombé malade peu avant le 30 juin 2012. Il estime, par conséquent, avoir droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris et a introduit une demande à cet égard auprès de son employeur.

17      Par décision du 1er juillet 2014, ce dernier a rejeté sa demande, sur le fondement de l’article 41a, paragraphe 2, troisième alinéa, de la BO.

18      Saisi d’un recours formé par M. Maschek contre cette décision, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) exprime, en premier lieu, des doutes quant à la compatibilité de l’article 41a, paragraphe 2, de la BO avec l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88.

19      En effet, l’article 41a, paragraphe 2, de la BO priverait le fonctionnaire « responsable de ne pas avoir épuisé ses droits au congé annuel » du droit de percevoir une indemnité financière pour congé annuel payé non pris, notamment, s’il est mis à la retraite sur le fondement de l’article 115i, paragraphe 1, de la DO, comme dans l’affaire au principal.

20      Ainsi, la juridiction de renvoi considère, eu égard à une situation telle que celle de l’affaire au principal, que l’article 41a, paragraphe 2, de la BO est susceptible d’être contraire à la jurisprudence de la Cour relative à l’article 7 de la directive 2003/88, dans la mesure où le fonctionnaire, qui a été mis à la retraite à sa demande, est privé du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris, même lorsque, peu avant son départ à la retraite, ledit fonctionnaire était malade et a présenté un certificat médical à cet égard.

21      En deuxième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conditions auxquelles est subordonné l’octroi d’une indemnité financière pour congé annuel payé non pris à un travailleur qui, comme dans l’affaire au principal, n’aurait pas, en raison d’une maladie, pu épuiser ses droits à congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail. Elle estime, notamment, que l’octroi de cette indemnité devrait être conditionné au fait qu’un tel travailleur doit informer son employeur en temps utile de sa maladie et lui fournir un certificat médical justifiant de celle-ci.

22      En troisième lieu, la juridiction de renvoi se pose la question de savoir si, dans l’hypothèse où la Cour considère que l’article 41a, paragraphes 1 et 2, de la BO est contraire au droit de l’Union, la législation nationale doit, en application de l’article 7 de la directive 2003/88, prévoir, en faveur des travailleurs qui sont illégalement exclus du bénéfice d’une indemnité financière pour congé annuel payé non pris en application de cette disposition, des modalités d’exercice de ce droit plus favorables à celles prévues par ladite directive, notamment en ce qui concerne le montant de l’indemnité qui doit être octroyée à ces travailleurs.

23      Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une disposition nationale telle que l’article 41a, paragraphe 2, [de la BO], qui ne prévoit aucune indemnité [financière pour congé annuel payé non pris] au sens de l’article 7 de la directive 2003/88 en faveur d’un travailleur qui, de son propre chef, met fin à la relation de travail à un moment donné est-elle compatible avec l’article 7 de cette directive ?

Dans la négative, une disposition nationale aux termes de laquelle tout travailleur qui met fin à la relation de travail de son propre chef doit faire tout le nécessaire pour épuiser ses droits en matière de congé annuel avant la fin de cette relation de travail et aux termes de laquelle, lorsqu’il est mis fin à la relation de travail à la demande du travailleur, celui-ci n’a droit à une [indemnité financière pour congé annuel payé non pris] que si, même après avoir introduit une demande de congé annuel débutant le jour où il a demandé à ce qu’il soit mis fin à sa relation de travailleur, ce travailleur n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits en matière de congé à hauteur du solde sur lequel est fondée la demande d’indemnité [est-elle compatible avec l’article 7 de la directive 2003/88] ?

2)      Faut-il considérer que le travailleur n’a droit à une [indemnité financière pour congé annuel payé non pris] au titre de ses droits au congé annuel que, lorsque, en raison d’une incapacité de travail, il n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits au congé annuel immédiatement avant la fin de sa relation de travail, [d’une part,] lorsqu’il a informé son employeur de cette incapacité de travail (résultant, par exemple, d’une maladie) sans retard indu (et donc, en principe avant la fin de la relation de travail) et[, d’autre part,] qu’il a apporté la preuve de cette incapacité de travail (résultant, par exemple, d’une maladie) (notamment au moyen d’une attestation médicale) sans retard indu (et donc, en principe, avant la fin de la relation de travail) ?

Dans la négative, une disposition nationale aux termes de laquelle le travailleur qui, en raison d’une incapacité de travail, n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits au congé annuel immédiatement avant la fin de sa relation de travail, n’a droit à une [indemnité financière pour congé annuel payé non pris] au titre des droits qu’il a acquis à ce titre que[, d’une part,] s’il a informé son employeur de cette incapacité de travail (résultant, par exemple, d’une maladie) sans retard indu (et donc, en principe, avant la fin de la relation de travail) et[, d’autre part,] s’il a apporté la preuve de cette incapacité de travail (résultant, par exemple, d’une maladie) (notamment au moyen d’une attestation médicale) sans retard indu (et donc, en principe, avant la fin de la relation de travail) est-elle compatible avec l’article 7 de la directive 2003/88 ?

3)      Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (voir arrêts du 18 mars 2004, Merino Gomez C‑342/01, EU:C:2004:160, point 31 ; du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, points 47 à 50, ainsi que du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, EU:C:2012:263, point 37), il est loisible aux États membres d’adopter des dispositions légales prévoyant en faveur des travailleurs des droits au congé annuel ou à [indemnité financière pour congé annuel payé non pris] plus généreux que les droits minimum garantis par l’article 7 de la directive 2003/88. Ces droits garantis par l’article 7 de la directive 2003/88 sont d’application directe (voir arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, points 34 à 36, et du 12 juin 2014, Bollacke, C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 28).

Eu égard à cette interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88, le fait que le législateur national ait aménagé pour une certaine catégorie de personnes un droit à une [indemnité financière pour congé annuel payé non pris] nettement plus généreuse que ce que prévoit cette disposition de la directive a-t-il pour conséquence que, en raison de l’applicabilité directe de l’article 7 de la directive 2003/88, les personnes dont, en violation de [cette] directive, la loi nationale a dit qu’elles n’ont pas droit à une [indemnité financière pour congé annuel payé non pris] ont-elles, elles aussi, un droit à pareille indemnité à hauteur du montant nettement supérieur à ce que prévoit cette disposition de [ladite] directive comme les personnes que la réglementation nationale favorise ? »

 Sur les questions préjudicielles

24      Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits au congé annuel payé avant la fin de cette relation de travail. Dans l’affirmative, la juridiction de renvoi demande si la législation nationale doit, en application de l’article 7 de la directive 2003/88, prévoir, en faveur d’un travailleur qui, en violation de cette disposition, n’a pas droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris, des modalités d’exercice de ce droit plus favorables que celles qui résultent de la directive 2003/88, notamment en ce qui concerne le montant de l’indemnité qui doit lui être octroyée.

25      Afin d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il importe, en premier lieu, de rappeler que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, disposition à laquelle cette directive ne permet pas de déroger, tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines. Ce droit au congé annuel payé, qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, est donc accordé à chaque travailleur, quel que soit son état de santé (arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 54, ainsi que du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, EU:C:2012:263, point 28).

26      Lorsque la relation de travail a pris fin et que, partant, la prise effective du congé annuel payé n’est plus possible, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 prévoit que le travailleur a droit à une indemnité financière afin d’éviter que, du fait de cette impossibilité, toute jouissance par le travailleur de ce droit, même sous forme pécuniaire, soit exclue (voir arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 56 ; du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, EU:C:2012:263, point 29, ainsi que du 12 juin 2014, Bollacke, C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 17).

27      Il convient également de relever que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, tel qu’interprété par la Cour, ne pose aucune condition à l’ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d’une part, que la relation de travail a pris fin et, d’autre part, que le travailleur n’a pas pris tous les congés annuels payés auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin (arrêt du 12 juin 2014, Bollacke, C‑118/13, EU:C:2014:1755, point 23).

28      Il s’ensuit, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, qu’un travailleur, qui n’a pas été en mesure de prendre tous ses droits à congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail, a droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris. N’est pas pertinent, à cet égard, le motif pour lequel la relation de travail a pris fin.

29      Dès lors, la circonstance qu’un travailleur mette, de son propre chef, fin à sa relation de travail, n’a aucune incidence sur son droit de percevoir, le cas échéant, une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé qu’il n’a pas pu épuiser avant la fin de sa relation de travail.

30      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits avant la fin de cette relation de travail.

31      S’agissant, en deuxième lieu, d’une situation telle que celle en cause au principal, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que, lors de la fin de la relation de travail, aucune indemnité financière de congé annuel payé non pris n’est versée au travailleur qui a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et/ou d’une période de report, raison pour laquelle il n’a pas pu exercer son droit au congé annuel payé (arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 62, ainsi que du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, EU:C:2012:263, point 30).

32      Par conséquent, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’un travailleur a droit, lors de son départ à la retraite, à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris en raison du fait qu’il n’a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, EU:C:2012:263, point 32).

33      Il s’ensuit que, s’agissant de la période comprise entre le 15 novembre et le 31 décembre 2010, durant laquelle il est établi que M. Maschek était en congé de maladie et qu’il n’a pas pu, pour cette raison, épuiser, au cours de cette période, les droits à congé annuel payé qu’il avait acquis, ce dernier a droit, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, a une indemnité financière pour congé annuel payé non pris.

34      En outre, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel, consacré à l’article 7 de la directive 2003/88, a une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d’une part, et disposer d’une période de détente et de loisirs, d’autre part (arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 25, ainsi que du 22 novembre 2011, KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, point 31).

35      Dans ces conditions, et afin d’assurer l’effet utile de ce droit au congé annuel, il y a lieu de constater qu’un travailleur dont la relation de travail a pris fin et qui, en vertu d’un accord conclu avec son employeur, tout en continuant à percevoir son salaire, était tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail durant une période déterminée qui précédait son départ à la retraite, n’a pas droit à une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé non pris durant cette période, sauf s’il n’a pas pu épuiser ces droits en raison d’une maladie.

36      Par conséquent, il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner si, conformément à la seconde convention conclue entre M. Maschek et son employeur, en date du 21 juillet 2011, telle que reprise au point 13 du présent arrêt, M. Maschek était effectivement tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail durant la période allant du 1er janvier 2011 au 30 juin 2012, et continuait à percevoir son salaire. Dans l’affirmative, M. Maschek n’aura pas droit à une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé qu’il n’a pas pu épuiser durant cette période.

37      En revanche, si, durant cette même période, M. Maschek n’a pas pu épuiser ses droits au congé annuel payé en raison d’une maladie, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, ce dernier aura droit, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, a une indemnité financière pour congé annuel payé non pris.

38      S’agissant, en troisième lieu, de la question de savoir si, en application de l’article 7 de la directive 2003/88, la législation nationale doit prévoir, en faveur d’un travailleur qui, en violation de cette disposition, n’a pas droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris, des modalités d’exercice de ce droit plus favorables que celles qui résultent de la directive 2003/88, notamment en ce qui concerne le montant de l’indemnité qui doit lui être octroyée, il convient de rappeler que, si la directive 2003/88 a pour objet de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail, que les États membres sont tenus de respecter, ces derniers disposent, conformément à l’article 15 de cette directive, de la faculté d’introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs. Ainsi, la directive 2003/88 ne s’oppose pas à des dispositions internes prévoyant un congé annuel payé d’une durée supérieure à la période minimale de quatre semaines garantie par l’article 7 de cette directive, accordé dans les conditions d’obtention et d’octroi fixées par le droit national (voir, notamment, arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 47, ainsi que du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, EU:C:2012:263, points 34 et 35).

39      En conséquence, il appartient, d’une part, aux États membres de décider s’ils octroient aux travailleurs des congés annuels payés supplémentaires s’ajoutant au congé annuel payé minimal de quatre semaines prévu à l’article 7 de la directive 2003/88. Dans cette hypothèse, les États membres peuvent prévoir d’accorder à un travailleur qui, en raison d’une maladie, n’a pu épuiser l’intégralité de son congé annuel payé supplémentaire avant la fin de sa relation de travail, un droit à une indemnité financière correspondant à cette période supplémentaire. Il incombe, d’autre part, aux États membres de fixer les conditions de cet octroi (voir arrêt du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, EU:C:2012:263, point 36).

40      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens que :

–        il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits avant la fin de cette relation de travail ;

–        un travailleur a droit, lors de son départ à la retraite, à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris en raison du fait qu’il n’a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie ;

–        un travailleur dont la relation de travail a pris fin et qui, en vertu d’un accord conclu avec son employeur, tout en continuant à percevoir son salaire, était tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail, durant une période déterminée qui précédait son départ à la retraite, n’a pas droit à une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé non pris durant cette période, sauf s’il n’a pas pu épuiser ces droits en raison d’une maladie ;

–        il appartient, d’une part, aux États membres de décider s’ils octroient aux travailleurs des congés payés supplémentaires s’ajoutant au congé annuel payé minimal de quatre semaines prévu à l’article 7 de la directive 2003/88. Dans cette hypothèse, les États membres peuvent prévoir d’accorder à un travailleur qui, en raison d’une maladie, n’a pu épuiser l’intégralité de son congé annuel payé supplémentaire avant la fin de sa relation de travail, un droit à une indemnité financière correspondant à cette période supplémentaire. Il incombe, d’autre part, aux États membres de fixer les conditions de cet octroi.

 Sur les dépens

41      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens que :

–        il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits avant la fin de cette relation de travail ;

–        un travailleur a droit, lors de son départ à la retraite, à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris en raison du fait qu’il n’a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie ;

–        un travailleur dont la relation de travail a pris fin et qui, en vertu d’un accord conclu avec son employeur, tout en continuant à percevoir son salaire, était tenu de ne pas se présenter sur son lieu de travail, durant une période déterminée qui précédait son départ à la retraite, n’a pas droit à une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé non pris durant cette période, sauf s’il n’a pas pu épuiser ces droits en raison d’une maladie ;

–        il appartient, d’une part, aux États membres de décider s’ils octroient aux travailleurs des congés payés supplémentaires s’ajoutant au congé annuel payé minimal de quatre semaines prévu à l’article 7 de la directive 2003/88. Dans cette hypothèse, les États membres peuvent prévoir d’accorder à un travailleur qui, en raison d’une maladie, n’a pu épuiser l’intégralité de son congé annuel payé supplémentaire avant la fin de sa relation de travail, un droit à une indemnité financière correspondant à cette période supplémentaire. Il incombe, d’autre part, aux États membres de fixer les conditions de cet octroi.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.