Language of document : ECLI:EU:C:2014:302

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

8 mai 2014 (*)

«Directive 2004/83/CE – Normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire – Directive 2005/85/CE – Normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres – Règle de procédure nationale subordonnant l’examen d’une demande de protection subsidiaire au rejet préalable d’une demande visant à obtenir le statut de réfugié – Admissibilité – Autonomie procédurale des États membres – Principe d’effectivité – Droit à une bonne administration – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 41 – Impartialité et célérité de la procédure»

Dans l’affaire C‑604/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court (Irlande), par décision du 19 décembre 2012, parvenue à la Cour le 27 décembre 2012, dans la procédure

H. N.

contre

Minister for Justice, Equality and Law Reform,

Ireland,

Attorney General,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la quatrième chambre, MM. M. Safjan, J. Malenovský et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 octobre 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour H. N., par M. T. Coughlan, solicitor, M. J. O’Reilly, SC, et M. M. McGrath, BL,

–        pour le Minister for Justice, Equality and Law Reform, par Mme E. Creedon, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement belge, par M. T. Materne et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12, et rectificatif JO 2005, L 204, p. 24), ainsi que de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. N., ressortissant pakistanais, au Minister for Justice, Equality and Law Reform (ci-après le «Minister»), à l’Ireland et à l’Attorney General au sujet du refus du Minister d’examiner la demande du requérant tendant au bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire en l’absence d’une demande préalable visant à obtenir le statut de réfugié.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2004/83

3        Aux termes des considérants 5, 6 et 24 de la directive 2004/83:

«(5)      Les conclusions du Conseil européen de Tampere précisent également que les règles relatives au statut de réfugié devraient aussi être complétées par des mesures relatives à des formes subsidiaires de protection offrant un statut approprié à toute personne nécessitant une telle protection.

(6)      L’objectif principal de la présente directive est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.

[...]

(24)      Il convient d’arrêter aussi des normes minimales relatives à la définition et au contenu du statut conféré par la protection subsidiaire. La protection subsidiaire devrait compléter la protection des réfugiés consacrée par la [convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], entrée en vigueur le 22 avril 1954 (ci-après la ‘convention de Genève’)].»

4        Aux termes de l’article 2, sous a), c), e) et f), de ladite directive, on entend par:

«a)      ‘protection internationale’, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points d) et f);

[...]

c)      ‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12;

[...]

e)      ‘personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire’, tout ressortissant d’un pays tiers [...] qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine [...], courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15 [...]

f)      ‘statut conféré par la protection subsidiaire’, la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire».

5        Dans le chapitre V, intitulé «Conditions à remplir pour être considéré comme personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», l’article 15, sous c), de la directive 2004/83, dispose, sous le titre «Atteintes graves», que celles-ci sont:

«c)      des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.»

6        L’article 18 de la directive 2004/83 énonce:

«Les États membres octroient le statut conféré par la protection subsidiaire à un ressortissant d’un pays tiers ou à un apatride qui remplit les conditions pour être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire conformément aux chapitres II et V.»

 La directive 2005/85/CE

7        La directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326, p. 13, et rectificatif JO 2006, L 236, p. 36), dispose à son article 3, paragraphes 3 et 4:

«3.      Lorsque les États membres utilisent ou instaurent une procédure dans le cadre de laquelle les demandes d’asile sont examinées en tant que demandes fondées sur la convention de Genève, et en tant que demandes des autres types de protection internationale accordée dans les circonstances précisées à l’article 15 de la directive 2004/83/CE, ils appliquent la présente directive pendant toute leur procédure.

4.      En outre, les États membres peuvent décider d’appliquer la présente directive aux procédures de traitement des demandes visant tout type de protection internationale.»

8        En vertu de l’article 23, paragraphe 4, de cette directive, les États membres ont la possibilité d’accélérer la procédure d’examen relative aux conditions fixées pour obtenir le statut de réfugié, notamment lorsque le demandeur ne peut manifestement pas être considéré comme tel.

 Le droit irlandais

9        En Irlande, il convient de distinguer, aux fins de l’obtention d’une protection internationale, entre deux types de demandes, à savoir:

–        la demande d’asile et, en cas de décision négative sur celle-ci,

–        la demande de protection subsidiaire.

10      Dans cet État membre, chacune de ces deux demandes fait l’objet d’une procédure spécifique se déroulant l’une à la suite de l’autre.

11      Les dispositions régissant le traitement des demandes d’asile figurent essentiellement dans la loi de 1996 sur les réfugiés (Refugee Act 1996), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal.

12      L’article 3 de la loi de 1999 relative à l’immigration (Immigration Act 1999) a accordé au Minister le pouvoir de prendre des arrêtés de reconduite à la frontière à l’encontre des personnes et, notamment, en vertu du paragraphe 2, sous f), dudit article 3, à l’encontre d’«une personne dont la demande d’asile a été rejetée par le [Minister]».

13      Les dispositions régissant le traitement des demandes de protection subsidiaire figurent dans le décret de 2006 relatif aux Communautés européennes (conditions permettant de bénéficier d’une protection) [European Communities (Eligibility for Protection) Regulations 2006 (Statutory Instrument no 518/2006)] ayant pour objet, notamment, la transposition de la directive 2004/83 (ci-après le «décret de 2006»).

14      L’article 3 du décret de 2006 dispose:

«(1)      [...] le présent décret s’applique aux décisions suivantes [...]:

[...]

c)      la notification d’une intention de prendre un arrêté de reconduite à la frontière en vertu de l’article 3, paragraphe 3, de [la loi de 1999 relative à l’immigration] à l’égard d’une personne visée à l’article 3, paragraphe 2, sous f) [...]

[...]»

15      L’article 4 de ce décret dispose:

«(1)(a)  La notification d’une proposition en vertu de l’article 3, paragraphe 3, de [la loi de 1999 relative à l’immigration] comporte une déclaration selon laquelle, lorsqu’une personne visée à l’article 3, paragraphe 2, sous f), de la loi précitée estime qu’elle remplit les critères pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire, elle peut émettre des observations en vertu de l’article 3, paragraphe 3, sous b), de la loi précitée, mais également introduire une demande de protection subsidiaire auprès du [Minister], dans le délai de 15 jours mentionné dans la notification.

[...]

(2)      Le [Minister] n’est pas tenu d’examiner une demande de protection subsidiaire émanant d’une personne qui n’est pas visée à l’article 3, paragraphe 2, sous f), de [la loi de 1999 relative à l’immigration] ou qui n’a pas été introduite par le truchement du formulaire mentionné au paragraphe 1, sous b).»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16      M. N. est un ressortissant pakistanais entré sur le territoire irlandais au cours de l’année 2003, muni d’un visa portant la mention «étudiant».

17      Après avoir épousé une ressortissante irlandaise, il a obtenu l’autorisation de séjourner en Irlande jusqu’au 31 décembre 2005.

18      Le 23 février 2006, le Minister a informé M. N., d’une part, du non-renouvellement de son titre de séjour du fait de la cessation de résidence avec son épouse et, d’autre part, de son intention d’ordonner, ainsi que la loi l’y autorisait, sa reconduite à la frontière.

19      Le 16 juin 2009, sans avoir préalablement introduit une demande d’asile, M. N. a sollicité du Minister l’examen de sa demande de protection subsidiaire, faisant principalement valoir que, sans craindre d’être persécuté, il appréhendait son retour dans son pays d’origine en raison du risque d’y subir des «atteintes graves» au sens de l’article 15 de la directive 2004/83.

20      Le 23 juin 2009, le Minister a informé M. N. de l’impossibilité de procéder à l’examen de sa demande de protection subsidiaire, lui indiquant que la possibilité d’introduire une demande tendant au bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire était conditionnée, selon le droit irlandais, par le rejet d’une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié.

21      À la suite de nouvelles démarches de M. N. visant à l’examen de sa demande de protection subsidiaire, le Minister a, par courrier du 27 juillet 2009, réitéré le motif de son refus d’examiner cette demande.

22      Le 12 octobre 2009, M. N. a formé devant la High Court un recours en annulation contre la décision du Minister, considérant que le droit national transposant la directive 2004/83 doit lui accorder le droit d’introduire une demande «autonome» de protection subsidiaire.

23      Ce recours en annulation ayant été rejeté, M. N. a formé un pourvoi devant la Supreme Court.

24      Dans ces conditions, la Supreme Court a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La directive [2004/83], interprétée à la lumière du principe de bonne administration en droit de l’Union, notamment tel qu’on le trouve consacré à l’article 41 de la Charte [...], autorise-t-elle un État membre à inscrire dans son droit qu’une demande tendant au bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire ne saurait être examinée que si elle a été précédée du rejet d’une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié en vertu du droit national?»

 Sur la question préjudicielle

25      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2004/83 ainsi que le droit à une bonne administration doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, caractérisée par l’existence de deux procédures séparées et successives aux fins de l’examen, respectivement, de la demande d’asile et de la demande de protection subsidiaire, qui subordonne l’examen de la demande de protection subsidiaire au rejet préalable de la demande visant à obtenir le statut de réfugié.

26      Il convient de rappeler d’emblée que la directive 2004/83, dans le cadre du concept de «protection internationale», régit deux régimes distincts de protection, à savoir, d’une part, le statut de réfugié et, d’autre part, celui conféré par la protection subsidiaire.

27      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des considérants 3, 16 et 17 de la directive 2004/83, la convention de Genève constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés, les dispositions de cette directive ayant été adoptées pour aider les autorités compétentes des États membres à appliquer cette convention en se fondant sur des notions et des critères communs (arrêt X e.a., C‑199/12 à C‑201/12, EU:C:2013:720, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

28      L’interprétation des dispositions de ladite directive doit, dès lors, être effectuée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de celle-ci, dans le respect de ladite convention et des autres traités pertinents visés à l’article 78, paragraphe 1, TFUE (arrêt Abed El Karem El Kott e.a., C‑364/11, EU:C:2012:826, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

29      À cet égard, il convient de relever que le libellé de l’article 2, sous e), de la directive 2004/83 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme étant un réfugié.

30      L’emploi du terme «subsidiaire» ainsi que le libellé de cet article indiquent que le statut conféré par la protection subsidiaire s’adresse aux ressortissants des pays tiers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour bénéficier du statut de réfugié.

31      Par ailleurs, il ressort des considérants 5, 6 et 24 de la directive 2004/83 que les critères minimaux d’octroi de la protection subsidiaire doivent permettre de compléter la protection des réfugiés consacrée par la convention de Genève, en identifiant les personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et en leur offrant un statut approprié (arrêt Diakité, C‑285/12, EU:C:2014:39, point 33).

32      Il ressort de ces éléments que la protection subsidiaire prévue par la directive 2004/83 constitue un complément à la protection des réfugiés consacrée par la convention de Genève.

33      Une telle interprétation est, par ailleurs, conforme aux objectifs fixés par l’article 78, paragraphe 2, sous a) et b), TFUE, selon lequel le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne adoptent les mesures relatives à un système européen commun d’asile comportant, notamment, «un statut uniforme de protection subsidiaire pour les ressortissants des pays tiers qui, sans obtenir l’asile européen, ont besoin d’une protection internationale».

34      En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 46 et 49 de ses conclusions, étant donné que le demandeur d’une protection internationale n’est pas nécessairement en mesure d’évaluer à quel type de protection se rapporte sa demande et que, de surcroît, le statut de réfugié offre une protection plus étendue que celui conféré par la protection subsidiaire, il appartient, en principe, à l’autorité compétente de déterminer le statut le plus approprié à la situation de ce demandeur.

35      Il résulte de ces considérations qu’une demande de protection subsidiaire ne doit pas, en principe, être examinée avant que l’autorité compétente n’ait conclu que le demandeur d’une protection internationale ne satisfaisait pas aux conditions justifiant l’octroi du statut de réfugié.

36      Il s’ensuit que la directive 2004/83 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit l’examen des conditions relatives à l’octroi du statut de réfugié avant celui des conditions relatives à la protection subsidiaire.

37      Cependant, il doit encore être examiné si d’autres règles du droit de l’Union s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui institue deux procédures séparées aux fins de l’examen, respectivement, de la demande d’asile et de la demande de protection subsidiaire, la seconde ne pouvant être introduite qu’à la suite du rejet de la première.

38      À cet égard, il doit être rappelé que la directive 2004/83 ne comporte pas de règles de procédure applicables à l’examen d’une demande de protection internationale. C’est la directive 2005/85 qui établit des normes minimales concernant les procédures d’examen des demandes et précise les droits des demandeurs d’asile.

39      Toutefois, la directive 2005/85 ne trouve à s’appliquer aux demandes de protection subsidiaire que lorsqu’un État membre instaure une procédure unique dans le cadre de laquelle il examine une demande à la lumière des deux formes de protection internationale, à savoir celle relative au statut de réfugié et celle afférente à la protection subsidiaire (arrêt M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 79).

40      Ainsi qu’il ressort du point 37 du présent arrêt, telle n’est toutefois pas la situation en Irlande.

41      Dès lors, en l’absence de règles fixées par le droit de l’Union concernant les modalités procédurales relatives à l’examen d’une demande de protection subsidiaire, les États membres demeurent compétents, conformément au principe de l’autonomie procédurale, pour régler ces modalités, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux et la pleine effectivité des dispositions du droit de l’Union relatives à la protection subsidiaire (voir, en ce sens, arrêt VEBIC, C‑439/08, EU:C:2010:739, point 64).

42      Il s’ensuit qu’une règle de procédure nationale, telle que celle en cause au principal, qui conditionne l’examen d’une demande de protection subsidiaire au rejet préalable d’une demande visant à obtenir le statut de réfugié, doit garantir un accès effectif des personnes requérant une protection subsidiaire aux droits qui leur sont conférés par la directive 2004/83.

43      À cet égard, ainsi qu’il ressort des considérations figurant aux points 29 à 35 du présent arrêt, le simple fait qu’une demande de protection subsidiaire ne soit examinée qu’à la suite d’une décision de rejet du statut de réfugié n’est, en principe, pas de nature à compromettre l’accès effectif des demandeurs d’une protection subsidiaire aux droits qui leur sont conférés par la directive 2004/83.

44      Néanmoins, une réglementation telle que celle en cause au principal implique qu’un ressortissant d’un pays tiers souhaitant bénéficier uniquement de la protection subsidiaire est nécessairement confronté à deux étapes procédurales distinctes, alors que ce dédoublement de la procédure d’octroi de la protection internationale risque d’allonger la durée de cette procédure et, dès lors, de retarder l’appréciation de la demande de protection subsidiaire.

45      Or, l’effectivité de l’accès au statut conféré par la protection subsidiaire nécessite, d’une part, que la demande visant à obtenir le statut de réfugié et la demande de protection subsidiaire puissent être introduites simultanément et, d’autre part, que l’examen de la demande de protection subsidiaire intervienne au terme d’un délai raisonnable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

46      À cet égard, il convient de prendre en compte tant la durée de l’examen de la demande visant à obtenir le statut de réfugié, ayant abouti au rejet de celle-ci, que celle de l’examen de la demande de protection subsidiaire.

47      Il convient, également, de relever que, lorsqu’un ressortissant d’un État tiers présente une demande de protection internationale qui ne fait ressortir aucun élément permettant de constater qu’il craint avec raison d’être persécuté, il incombe à l’autorité compétente de constater, dans les meilleurs délais, qu’il s’agit d’une personne qui ne peut pas prétendre au statut de réfugié, afin qu’il puisse être procédé en temps utile à l’examen de la demande de protection subsidiaire.

48      Les autorités chargées de l’examen des demandes de protection internationale ont notamment la possibilité d’accélérer la procédure d’examen relative aux conditions fixées pour obtenir le statut de réfugié, conformément à l’article 23, paragraphe 4, de la directive 2005/85, lorsque le demandeur ne peut manifestement pas être considéré comme un «réfugié» au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2004/83.

49      En ce qui concerne le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, il convient de rappeler que ce droit reflète un principe général du droit de l’Union.

50      Ainsi, dès lors que, dans l’affaire au principal, un État membre met en œuvre le droit de l’Union, les exigences découlant du droit à une bonne administration, notamment le droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement et dans un délai raisonnable, trouvent à s’appliquer dans le cadre d’une procédure d’octroi de la protection subsidiaire, telle que celle en cause au principal, conduite par l’autorité nationale compétente.

51      Il convient donc de vérifier si le droit à une bonne administration s’oppose à ce qu’un État membre prévoie dans son droit national une modalité procédurale selon laquelle la demande de protection subsidiaire doit faire l’objet d’une procédure distincte faisant nécessairement suite au rejet d’une demande d’asile.

52      Concernant plus précisément l’exigence d’impartialité, celle-ci recouvre, notamment, l’impartialité objective, en ce sens que l’autorité nationale doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime d’un éventuel préjugé (voir, par analogie, arrêt Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155).

53      Il échet de relever d’emblée que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le fait pour l’autorité nationale, avant d’entamer l’examen d’une demande de protection subsidiaire, d’informer le demandeur de cette protection de son intention d’adopter une décision de reconduite à la frontière ne saurait, en tant que tel, emporter un défaut d’impartialité objective de cette autorité.

54      En effet, il est constant que cette intention de l’autorité compétente est motivée par le constat selon lequel le ressortissant d’un pays tiers ne répond pas aux conditions exigées pour se voir octroyer le statut de réfugié. Ce constat n’implique donc pas que l’autorité compétente aurait déjà adopté une position sur la question de savoir si ce ressortissant satisfaisait aux conditions d’octroi de la protection subsidiaire.

55      Dès lors, la règle procédurale en cause au principal ne contrevient pas à l’exigence d’impartialité découlant du droit à une bonne administration.

56      En revanche, ce droit garantit, ainsi que les exigences imposées par le principe d’effectivité qui sont évoquées aux points 41 et 42 du présent arrêt, que la durée de l’intégralité de la procédure d’examen de la demande de protection internationale n’excède pas un délai raisonnable, ce qu’il appartient au juge de renvoi de vérifier.

57      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que la directive 2004/83 ainsi que le principe d’effectivité et le droit à une bonne administration ne s’opposent pas à une règle de procédure nationale, telle que celle en cause au principal, subordonnant l’examen d’une demande de protection subsidiaire au rejet préalable d’une demande visant à obtenir le statut de réfugié, pour autant que, d’une part, la demande visant à obtenir le statut de réfugié et la demande de protection subsidiaire peuvent être introduites simultanément et, d’autre part, cette règle de procédure nationale ne conduit pas à ce que l’examen de la demande de protection subsidiaire intervienne au terme d’un délai déraisonnable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

58      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

La directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, ainsi que le principe d’effectivité et le droit à une bonne administration ne s’opposent pas à une règle de procédure nationale, telle que celle en cause au principal, subordonnant l’examen d’une demande de protection subsidiaire au rejet préalable d’une demande visant à obtenir le statut de réfugié, pour autant que, d’une part, la demande visant à obtenir le statut de réfugié et la demande de protection subsidiaire peuvent être introduites simultanément et, d’autre part, cette règle de procédure nationale ne conduit pas à ce que l’examen de la demande de protection subsidiaire intervienne au terme d’un délai déraisonnable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.