Language of document : ECLI:EU:T:2014:759

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 septembre 2014(*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs à une étude sur les coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement – Documents émanant d’un tiers – Refus d’accès – Exception relative à la protection du processus décisionnel – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers »

Dans l’affaire T‑516/11,

MasterCard, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États‑Unis),

MasterCard International, Inc., établie à New York, New York (États‑Unis),

MasterCard Europe, établie à Waterloo (Belgique),

représentées initialement par Mes B. Amory, V. Brophy et S. McInnes, puis par Mes Amory et Brophy, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart et M. V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 12 juillet 2011 refusant d’accorder aux requérantes l’accès à certains documents établis par un tiers relatifs à une étude sur les coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 février 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 décembre 2010, les requérantes, MasterCard, Inc., MasterCard International, Inc. et MasterCard Europe, ont saisi la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission européenne, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), d’une demande d’accès à un certain nombre de documents qui ont été fournis à la Commission par EIM Business and Policy Research (ci-après « EIM »), dans le cadre d’une étude lancée en 2008 à la suite d’un appel d’offres ayant pour objet une étude sur les coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement (COMP/2008/D1/020) (ci-après l’« étude »).

2        La demande d’accès portait plus précisément sur les documents suivants :

–        tous les documents, au sens du règlement n° 1049/2001, s’ils existaient et si la Commission en disposait, énumérés au point 4.1 (« Produits à livrer ») du cahier des charges de l’appel d’offres COMP/2008/D1/020, ou du moins une version non confidentielle de ces documents ;

–        le rapport d’EIM sur les résultats du premier test (étude pilote), ou du moins une version non confidentielle de ce document ;

–        l’avis final d’EIM sur la méthode générale de l’étude, ou du moins une version non confidentielle de ce document ;

–        tout autre document, au sens du règlement n° 1049/2001, fourni par EIM à la Commission à l’issue de l’étude pilote, ou du moins une version non confidentielle de ces documents.

3        Par lettre du 18 janvier 2011, la DG « Concurrence » a refusé l’accès aux documents fournis à la Commission par EIM (ci-après les « documents EIM »), en se fondant sur l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

4        Le 7 février 2011, les requérantes ont présenté une demande confirmative auprès du secrétariat général de la Commission, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, tendant à ce que cette dernière révise sa position.

5        Par courriel du 8 février 2011, le secrétariat général de la Commission a accusé réception de la demande confirmative des requérantes et a confirmé qu’elles recevraient une réponse dans un délai de quinze jours ouvrables.

6        Le 21 février 2011, le secrétariat général de la Commission a appelé les requérantes à clarifier leur demande et à préciser si elles sollicitaient que les documents EIM soient rendus publics ou non.

7        Le 23 février 2011, les requérantes ont confirmé que leur demande avait pour but une divulgation publique des documents EIM et ont souhaité avoir confirmation de la date à laquelle elles recevraient une réponse à leur demande confirmative.

8        Le 3 mars 2011, le secrétariat général de la Commission a déclaré qu’il avait commencé à traiter la demande en cause comme une demande confirmative à partir du 24 février 2011, conformément à l’article 2, troisième alinéa, de l’annexe de la décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94).

9        Le secrétariat général de la Commission a, par conséquent, fixé l’échéance du délai de traitement de la demande au 16 mars 2011. Par lettre du 7 mars 2011, les requérantes ont contesté l’interprétation du délai de réponse telle qu’elle était donnée par le secrétariat général de la Commission.

10      Le 14 mars 2011, le secrétariat général de la Commission a confirmé sa position selon laquelle le délai de quinze jours ouvrables n’avait commencé à courir que le 24 février 2011 et a ajouté que, vu la sensibilité du sujet, il pourrait ne pas être en mesure de fournir une réponse finale à la date du 16 mars 2011. Il a, par conséquent, prorogé le délai de quinze jours ouvrables, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

11      Par lettre du 15 mars 2011, les requérantes ont indiqué qu’elles n’admettaient toujours pas l’interprétation faite par le secrétariat général de la Commission du délai d’examen de leur demande confirmative et qu’elles contestaient la justification avancée pour la prorogation de ce délai.

12      Le 7 avril 2011, le secrétariat général de la Commission a fait savoir aux requérantes que le délai prorogé de réponse avait expiré le 6 avril 2011, mais qu’il n’était pas en mesure de fournir une réponse définitive dans les limites de ce délai. Il a néanmoins ajouté qu’un projet de décision était en cours d’approbation et qu’il espérait en communiquer rapidement une version définitive aux requérantes.

13      Les requérantes ont, dès lors, considéré que cette absence de réponse, dans le délai prorogé, constituait une décision implicite rejetant leur demande confirmative d’accès aux documents et, par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juin 2011, elles ont introduit un recours en annulation contre cette décision, ledit recours ayant été enregistré sous la référence T‑330/11.

14      Par décision du 12 juillet 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a répondu à la demande confirmative des requérantes en refusant l’accès aux documents EIM en invoquant les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, et à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

15      Dans la décision attaquée, la Commission a tout d’abord identifié les documents relevant selon elle de l’objet de la demande des requérantes, à savoir les documents ayant trait aux :

–        coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement – rapport initial du 2 juin 2009 (ci-après le « document n° 1 ») ;

–        coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement – partie 1 du rapport de méthodologie, du 28 septembre 2009 (version révisée reprenant les observations transmises par les parties intéressées et la DG « Concurrence ») (ci-après le « document n° 2 ») ;

–        résultats des entretiens approfondis sur les coûts des paiements : les analyses des entretiens approfondis tenus en Hongrie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni du 15 janvier 2010 (version fournie le 9 mars 2010) (ci-après le « document n° 3 ») ;

–        projet de questionnaire en ligne du 8 mars 2010 (ci-après le « document n° 4 ») ;

–        résultats et conclusions du test de faisabilité sur Internet : projet de rapport du 24 mai 2010 (ci-après le « document n° 5 ») ;

–        coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement, méthodologie, projet de rapport du 20 octobre 2010 (ci-après le « document n° 6 »).

16      La Commission a précisé que les documents nos 1 à 5 étaient des documents de travail préliminaires préparés par EIM, représentant les différentes étapes du travail en cours et dont les conclusions ont été intégrées dans le document n° 6, qui est le rapport final (point 3, premier alinéa, de la décision attaquée).

17      Ensuite, la Commission a notamment indiqué que, « [e]n ce qui concerne les documents [nos 1 à 5], il s’agit de documents intermédiaires reçus par la Commission qui reflètent les conclusions préliminaires et les analyses du travail effectué par [EIM] dans les phases distinctes de la mise en œuvre du contrat qui, au moment de leur remise aux services de la Commission, faisaient toujours l’objet de l’appréciation et de commentaires par ceux-ci » et que, « [c]ompte tenu du fait qu’en ce moment, aucune décision finale n’a été adoptée au sujet de la méthodologie appropriée à appliquer […], leur divulgation porterait sérieusement atteinte au processus décisionnel ». En outre, la Commission a noté que la divulgation des documents nos 1 à 5 « causerait un retard indu et une perturbation de la poursuite [de son] travail […] au sujet de la méthodologie dans son ensemble et de l’appréciation finale de celle-ci ». Elle a poursuivi en indiquant que cette divulgation « pourrait faire naître des commentaires prématurés, des critiques et conduire à des tentatives d’influence et d’orientation [de son] processus décisionnel » et que « [c]ela conduirait également à limiter indûment le pouvoir discrétionnaire de la Commission lorsqu’elle procède à des choix indépendants et éclairés dans le cadre du développement de la méthodologie finale » (point 3.1, deuxième alinéa, de la décision attaquée).

18      La Commission a ajouté que la divulgation des documents nos 1 à 5 « ferait naître un contresens potentiel [à l’égard] du travail effectué par EIM susceptible de nuire à sa réputation et à sa bonne volonté » (point 3.2, deuxième alinéa, de la décision attaquée).

19      En outre, la Commission a indiqué que « la divulgation des documents intermédiaires […] révélerait le savoir-faire d’EIM en matière d’accomplissement des étapes intermédiaires de ses missions qui, s’il était connu des concurrents, donnerait à ces derniers un avantage dans leurs activités entrepreneuriales au détriment d’EIM » (point 3.2, quatrième alinéa, de la décision attaquée).

20      Par ailleurs, la Commission a examiné la possibilité de donner un accès partiel aux documents EIM, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, mais est arrivée à la conclusion que les documents demandés étaient couverts, dans leur intégralité, par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, et à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 (point 4 de la décision attaquée).

21      Enfin, la Commission a examiné s’il existait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents EIM. Elle a conclu que, d’une part, l’intérêt mentionné par les requérantes tenant au fait que la divulgation des documents EIM leur permettrait « d’assister la Commission dans ses efforts et […] de contribuer de manière pertinente à de futurs dialogues avec elle » constituait « un intérêt de nature privée et non un intérêt public ». D’autre part, « [l]a Commission n’a pas non plus identifié un intérêt public supérieur fondé sur d’autres éléments en sa possession » (point 5, deuxième et quatrième alinéas, de la décision attaquée).

22      La Commission a en outre précisé que « dans les affaires administratives, l’intérêt public à la transparence n’a[vait] pas la même portée que dans les affaires législatives » (point 5, cinquième alinéa, de la décision attaquée). Néanmoins, la Commission a souligné qu’elle « souhait[ait] respecter des normes élevées en termes de transparence dans son processus d’établissement de la méthodologie des coûts et des avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement » et qu’ainsi elle « a[vait] notamment organisé une consultation restreinte des parties prenantes en août 2009 […] et a[vait] l’intention de consulter une nouvelle fois les parties prenantes intéressées lors d’une phase ultérieure » (point 5, sixième et septième alinéas, de la décision attaquée).

23      Par ordonnance du 25 janvier 2012, MasterCard e.a./Commission (T‑330/11, non publiée au Recueil), le Tribunal a constaté que, la Commission ayant adopté une décision explicite de refus d’accès aux documents EIM, il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation dirigé contre la décision implicite de rejet de la demande confirmative d’accès aux documents.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 septembre 2011, les requérantes ont introduit le présent recours.

25      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

27      Dans la réplique, les requérantes concluent en outre à ce qu’il plaise au Tribunal, en ce qui concerne les dépens, de tenir compte des frais superflus qu’elles ont exposés compte tenu de la tentative de la Commission de réinterpréter, dans le mémoire en défense, la décision attaquée en s’appuyant sur des arguments juridiques nouveaux et en ayant recours à des arguments qui sont manifestement mal fondés.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 4 février 2014.

29      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, les requérantes ont déclaré renoncer aux conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle leur refusait l’accès au document n° 6, dans la mesure où celui-ci avait été rendu public par la Commission dans le cadre d’une autre procédure d’accès aux documents.

30      Il a été pris acte de cette déclaration dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

31      La Commission, sans soulever expressément une exception d’irrecevabilité, soutient que l’intérêt des requérantes à la poursuite de la présente affaire est insuffisant et difficile à comprendre.

32      En premier lieu, la Commission avance que la position des requérantes, favorable à l’accès public aux documents EIM, serait en contradiction avec leur position, exprimée dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision C (2007) 6474 final, du 19 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/34.579 – MasterCard, COMP/36.518 – EuroCommerce et COMP/38.580 – Commercial Cards) (ci-après la « décision de 2007 »), suivant laquelle elles demandaient à ce que leurs observations, faites lors de l’enquête, demeurent confidentielles.

33      Il convient de rejeter cet argument comme inopérant dans la mesure où, même à supposer que la position des requérantes dans la présente affaire soit en contradiction avec celle adoptée dans une autre affaire, cela ne saurait avoir de conséquence sur l’intérêt qu’elles ont à demander l’annulation de la décision attaquée.

34      En effet, non seulement il doit être admis que la position d’une partie est susceptible de changer d’une affaire à une autre en fonction des circonstances spécifiques qui caractérisent chaque affaire, mais il convient de rappeler que le critère à retenir afin de déterminer si une partie a un intérêt à agir réside uniquement dans le fait de savoir si l’annulation de l’acte attaqué est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (voir arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T‑480/93 et T‑483/93, Rec. p. II‑2305, point 59, et la jurisprudence citée) et si le recours peut ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 21).

35      En deuxième lieu, la Commission considère que les documents EIM auxquels l’accès a été demandé font partie de l’étape particulière de préparation d’une étude commandée par la Commission actuellement en cours, cette étude faisant partie d’un certain nombre d’enquêtes en matière d’ententes qui sont également en cours et pour lesquelles elle serait importante.

36      Cet argument est également inopérant dans la mesure où il ne vise pas à démontrer l’absence d’intérêt des requérantes à obtenir l’annulation de la décision attaquée, mais vise à justifier le refus d’accès aux documents EIM.

37      En troisième lieu, la Commission soutient que les documents EIM, dans la mesure où ils font partie d’une étude en cours menée, conformément à la description de l’appel d’offres, dans le cadre de plusieurs enquêtes en matière d’ententes également en cours, une nouvelle décision à l’égard des requérantes pourrait être adoptée. Par conséquent, les requérantes auront accès au dossier de la Commission ainsi que, éventuellement, à l’étude. De ce fait, les requérantes tenteraient de contourner les procédures existantes concernant l’accès au dossier en demandant prématurément à la Commission de leur fournir des parties du dossier établi en matière d’ententes avant que l’affaire n’ait atteint un stade auquel un tel droit serait ouvert.

38      Ainsi, la Commission argue, en substance, que les requérantes ont tenté de détourner la procédure d’accès au dossier de la Commission, prévue par le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), tel que modifié, en demandant prématurément l’accès aux documents EIM en vertu du règlement n° 1049/2001.

39      Sans qu’il soit besoin, à ce stade, d’examiner la question de savoir si les documents EIM font partie d’un dossier constitué dans le cadre d’une procédure en matière d’ententes visant les requérantes, il convient de constater que l’argument de la Commission peut être écarté au seul motif qu’il vise à remettre en cause le bien-fondé de la demande d’accès aux documents des requérantes et non leur intérêt à la poursuite de la présente affaire. En outre, il y a lieu de relever que la Commission ne s’est pas appuyée sur un tel motif, dans le cadre de la décision attaquée, pour rejeter la demande d’accès des requérantes.

40      En tout état de cause, il convient de rappeler que toute personne peut demander à avoir accès à n’importe quel document des institutions, sans qu’une justification particulière à l’accès aux documents soit demandée. Par conséquent, une personne qui s’est vu refuser l’accès à un document ou à une partie d’un document a déjà, de ce seul fait, un intérêt à l’annulation de la décision de refus (arrêt du Tribunal du 24 mai 2011, NLG/Commission, T‑109/05 et T‑444/05, Rec. p. II‑2479, point 62).

41      Ainsi, les requérantes ont un intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée et, dès lors, il convient de conclure que le présent recours est recevable.

 Sur le fond

42      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent deux moyens tirés, le premier, de la violation, en substance, de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 et, le second, de la violation, en substance, de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, dudit règlement.

43      En outre, les requérantes invoquent un grief relatif à la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001.

 Considérations liminaires

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement n° 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, point 33, et arrêt du Tribunal du 3 octobre 2012, Jurašinović/Conseil, T‑63/10, non encore publié au Recueil, point 28).

45      Cependant, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêt de la Cour du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, point 62, et arrêt Jurašinović/Conseil, point 49 supra, point 29).

46      Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement n° 1049/2001 prévoit, à son article 4, que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêt de la Cour du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, Rec. p. I‑8533, point 71, et arrêt Jurašinović/Conseil, point 49 supra, point 30).

47      En outre, lorsque la divulgation d’un document est demandée à une institution, celle-ci est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, point 49 supra, point 35). Compte tenu des objectifs poursuivis par ce règlement, ces exceptions doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt Suède et Turco/Conseil, point 49 supra, point 36).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001

48      Les requérantes soutiennent, en substance, premièrement, que la Commission n’a pas établi en quoi la divulgation des documents EIM pourrait porter gravement atteinte à son processus décisionnel, tel que protégé par l’exception de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, deuxièmement, que la Commission s’est appuyée sur des éléments inexacts, tels que des tentatives d’influence et de pression extérieure ou de limitation de son indépendance comme conséquences de la divulgation des documents EIM et, troisièmement, qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation desdits documents.

49      Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

50      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié si l’accès au document était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé. D’autre part, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, l’institution doit également apprécier s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé (voir arrêt du Tribunal du 11 mars 2009, Borax Europe/Commission, T‑166/05, non publié au Recueil, points 50 et 88, et la jurisprudence citée).

51      La Commission soutient néanmoins que les documents EIM bénéficient d’une présomption générale en vertu de laquelle ils seraient manifestement couverts par l’exception relative à la protection du processus décisionnel. En effet, selon la Commission, la présente affaire concerne des procédures administratives en cours en matière d’ententes, qui sont régies par des règles spécifiques garantissant un droit d’accès au dossier restreint, le secret professionnel et une restriction d’usage, conformément au règlement n° 1/2003 et au règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18). La Commission ne serait dès lors pas tenue de démontrer de quelle manière chaque document porterait spécifiquement préjudice au processus décisionnel.

52      À cet égard, la Commission affirme, dans le mémoire en défense, que les documents EIM sont à la base d’une étude commandée par elle et actuellement en cours dans le cadre d’un certain nombre d’enquêtes en matière d’ententes également en cours ou pour lesquelles ladite étude serait importante. Cette étude pourrait également être utilisée comme élément de preuve dans le cadre de l’enquête actuellement en cours en matière d’ententes qui concerne la commission multilatérale d’interchange appliquée par l’entité V. Selon la Commission, cela ressort non seulement de l’appel d’offres, mais aussi de la décision attaquée elle-même.

53      Les requérantes considèrent que ces arguments sont nouveaux, donc irrecevables. En tout état de cause, ils seraient infondés.

54      Il convient de remarquer que, s’agissant, premièrement, de l’appel d’offres, il ne ressort pas de la lecture de celui-ci que l’étude en cours ait été menée dans le cadre de plusieurs enquêtes en cours en matière d’ententes, contrairement à ce que soutient la Commission. Selon les termes de l’appel d’offres, l’étude commandée par la Commission visait à lui fournir des informations et des données lui permettant de comparer effectivement les coûts et bénéfices pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement.

55      Bien que le cahier des charges de l’appel d’offres rappelle qu’une procédure a été ouverte à l’encontre des requérantes ayant conduit à l’adoption de la décision de 2007 et que la Commission a mené des enquêtes dans le cadre de procédures en matière de concurrence, il convient de noter que l’étude menée par EIM avait, a priori, un objectif différent. Cela est d’ailleurs confirmé par la décision attaquée dans laquelle la Commission a indiqué qu’elle avait engagé cette étude afin d’améliorer les éléments de fait servant à l’appréciation du niveau des commissions multilatérales d’interchange qui serait conforme à la méthodologie dite d’indifférence du commerçant.

56      S’agissant, deuxièmement, de la décision attaquée, il n’est nullement précisé dans celle-ci que les documents EIM font partie d’un dossier constitué dans le cadre d’une procédure en cours en matière d’ententes ou de toute autre procédure en cours qui serait régie par des règles spécifiques garantissant l’accès au dossier.

57      Dans la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur le fait que l’étude n’était pas terminée. Elle a refusé l’accès aux documents EIM au motif que la divulgation des documents nos 1 à 5 « causerait un retard indu et une perturbation de la poursuite [de son] travail […] au sujet de la méthodologie dans son ensemble et de l’appréciation de celle-ci » et que « le processus [étant] toujours inachevé, la divulgation du [document n° 6] serait trompeuse dans la mesure où les résultats non concluants et les options politiques qui y sont reflétées pourraient changer avec le progrès » (point 3.1, deuxième et cinquième alinéas, de la décision attaquée).

58      Il en ressort que la Commission n’a pas invoqué l’exception relative à la protection du processus décisionnel au regard d’une éventuelle décision relative à une procédure d’ententes en cours dans laquelle l’étude en cause aurait pu servir de preuve.

59      En outre, contrairement à ce que soutient la Commission dans le mémoire en duplique, si, dans la décision attaquée, l’existence de procédures en matière d’ententes est mentionnée, il convient de remarquer que, d’une part, il n’est pas précisé que les documents EIM font partie d’un dossier constitué dans le cadre de telles procédures et que, d’autre part, cette mention n’est faite que dans le cadre du point 1 de la décision attaquée, intitulé « Le contexte de votre demande », et ne sert pas à justifier le refus d’accès aux documents EIM. À cet égard, dans le point 3 de la décision attaquée, intitulé « Appréciation au titre du règlement n° 1049/2001 », qui contient les motifs du refus d’accès aux documents EIM, l’existence de telles procédures n’a pas été invoquée pour justifier le refus d’accès.

60      Ainsi, l’argument que la Commission développe dans le mémoire en défense n’a pas été invoqué dans la décision attaquée et constitue, dès lors, un motif nouveau pour justifier le refus d’accès aux documents EIM. Dans ces conditions, cet argument ne saurait justifier le refus d’accès aux documents EIM.

61      S’agissant de la question de savoir si le refus d’accès aux documents nos 1 à 5 pouvait être basé sur l’exception relative à la protection du processus décisionnel, les requérantes soutiennent, en premier lieu, que la Commission n’a pas établi en quoi les conditions d’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 seraient réunies en l’espèce. En particulier, la Commission n’aurait pas démontré en quoi la divulgation d’une partie ou de tous les documents EIM aurait pu porter gravement atteinte au processus décisionnel.

62      Il importe tout d’abord de rappeler que, pour relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en est notamment ainsi lorsque la divulgation des documents visés a un impact substantiel sur le processus décisionnel. Or, l’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, notamment des effets négatifs sur le processus décisionnel, invoqués par l’institution quant à la divulgation des documents visés (arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission, T‑144/05, non publié au Recueil, point 75).

63      Il convient ensuite de relever que les documents EIM constituent des documents reçus par la Commission. Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que ces documents sont « des documents de travail préliminaires préparés par EIM et représentant les différentes étapes du travail en cours – documents [nos ]1 à 5 – dont les conclusions ont finalement été intégrées dans le rapport final – document [n° ]6 » (point 3, premier alinéa, de la décision attaquée).

64      S’agissant du refus d’accès aux documents nos 1 à 5, la Commission indique dans la décision attaquée qu’« il s’agit de documents intermédiaires reçus par [elle] qui reflètent les conclusions préliminaires et les analyses du travail effectué par [EIM] dans les phases distinctes de la mise en œuvre du contrat qui, au moment de leur remise [à ses] services […], faisaient toujours l’objet de l’appréciation et des commentaires de ceux-ci ». Elle a ajouté que, « [c]ompte tenu du fait qu’en ce moment, aucune décision finale n’a été adoptée au sujet de la méthodologie appropriée à appliquer […], leur divulgation porterait sérieusement atteinte au processus décisionnel » (point 3.1, deuxième alinéa, de la décision attaquée).

65      Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission déduit l’existence d’une atteinte grave à son processus décisionnel de la circonstance que la divulgation des documents nos 1 à 5, documents intermédiaires, interviendrait avant l’adoption du rapport final sur la méthodologie, en l’occurrence le document n° 6.

66      Or, ce raisonnement se heurte à la lettre même de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, aux termes duquel l’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. Il s’ensuit que, pour refuser l’accès demandé, l’institution ne peut se borner à invoquer le fait qu’elle ait reçu les documents d’un tiers ni l’absence de décision et considérer ainsi que ces circonstances constituent l’atteinte grave requise par l’article précité (voir, en ce sens, arrêt Borax Europe/Commission, point 55 supra, point 92).

67      En outre, le caractère préliminaire des documents nos 1 à 5 ne permet pas de justifier, en tant que tel, l’application de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001. En effet, cette disposition ne distingue pas selon l’état d’avancement des travaux d’un tiers et de la position de la Commission à leur égard. Cette disposition envisage de manière générale les documents qui ont trait à une question sur laquelle l’institution concernée « n’a pas encore pris de décision », par opposition à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, qui envisage le cas où l’institution concernée a pris une décision. En l’espèce, le caractère préliminaire des documents comme le fait qu’ils faisaient encore l’objet de commentaires et d’appréciations de la part de la Commission ne permettent donc pas de caractériser, en soi, une atteinte grave au processus décisionnel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mars 2011, Access Info Europe/Conseil, T‑233/09, Rec. p. II‑1073, point 76).

68      En second lieu, les requérantes considèrent que les éléments sur lesquels la Commission se serait appuyée pour refuser l’accès aux documents EIM seraient inexacts dans les faits. Il en serait ainsi des arguments avancés par la Commission concernant les prétendues tentatives d’influence ou de pression injustifiée exercées sur la Commission par les requérantes ainsi que la limitation de l’indépendance et de la marge de manœuvre de la Commission en cas de divulgation des documents EIM.

69      La Commission a précisé que les documents nos 1 à 5 contenaient « des propositions méthodologiques intermédiaires considérées comme non concluantes par [elle et dont la] divulgation causerait un retard indu et une perturbation de la poursuite [de son] travail […] au sujet de la méthodologie dans son ensemble et de l’appréciation finale de celle-ci ». En effet, leur divulgation « pourrait faire naître des commentaires prématurés, des critiques et conduire à des tentatives d’influence et d’orientation du processus décisionnel de la Commission », ce qui « conduirait également à limiter indûment le pouvoir discrétionnaire de la Commission lorsqu’elle procède à des choix indépendants et éclairés dans le cadre du développement de la méthodologie finale » (point 3.1, deuxième alinéa, de la décision attaquée).

70      Il ressort de ces motifs que le refus d’accès est, en substance, fondé sur la crainte que la divulgation des documents nos 1 à 5 puisse, par les commentaires que lesdits documents pourraient engendrer, retarder, perturber et influencer le travail de la Commission et ainsi constituer une pression extérieure sur le processus décisionnel en cours en l’espèce.

71      Il convient de relever que la protection du processus décisionnel contre une pression extérieure ciblée peut être de nature à constituer un motif légitime pour restreindre l’accès à des documents relatifs à ce processus décisionnel. Néanmoins, la réalité d’une telle pression extérieure doit être acquise avec certitude et la preuve que le risque d’affecter substantiellement la décision à prendre était raisonnablement prévisible, en raison de ladite pression extérieure, doit être rapportée (voir, en ce sens, arrêt Muñiz/Commission, point 67 supra, point 86).

72      Or, il apparaît que le risque de tentative d’influence et d’orientation du processus décisionnel de la Commission n’est mentionné dans la décision attaquée que d’une manière vague et générale. Les allégations de la Commission ne sont pas suffisamment concrètes et étayées pour constituer des éléments de preuve de nature à démontrer que le risque réel d’une telle pression extérieure aurait existé si les documents demandés avaient été divulgués avant que le rapport final n’ait été adopté.

73      En outre, il ressort de la décision attaquée et de l’annexe A.2 de la requête (lettre du 11 août 2009 de la DG « Concurrence » aux requérantes) que si le document n° 1 n’a pas été transmis aux parties intéressées, une version révisée de ce document a fait l’objet d’une consultation restreinte par celles-ci, dont notamment les requérantes, que le document n° 2 constitue une version consolidée de la proposition méthodologique intégrant notamment les commentaires des parties intéressées, que le document n° 3 a été testé au moyen d’entretiens approfondis auprès de commerçants et que les documents nos 4 et 5 sont, comme le précise la décision attaquée, respectivement un projet révisé de questionnaire et la finalisation d’un test de ce projet de questionnaire sur Internet, de sorte que ces différents documents partagent nécessairement des éléments communs.

74      Or, même si la Commission indique, à juste titre, que la référence à la consultation des parties intéressées est à distinguer d’une divulgation au public avec un effet erga omnes, il convient néanmoins de déduire de cette consultation des parties intéressées et également des entretiens avec les commerçants, personnes extérieures à l’institution, que la Commission ne pouvait se borner à refuser la divulgation des documents sur la base, non étayée, d’un risque d’influence extérieure.

75      En effet, le fait même que la Commission a organisé une telle consultation et des tests suppose qu’elle attendait des observations, des remarques et, éventuellement, des critiques de la part des parties intéressées ou des commerçants. De tels commentaires sont nécessairement étudiés par la Commission qui décide, ensuite, de les prendre ou non en considération. Par conséquent, il ne saurait être nié que de tels commentaires, demandés par la Commission, sont susceptibles d’avoir un certain impact sur son travail.

76      De ce fait, après avoir cherché à obtenir de tels commentaires, la Commission ne saurait, par la suite, justifier son refus d’accès en se fondant sur un hypothétique risque d’influence extérieure.

77      Ainsi, les raisons invoquées par la Commission ne suffisent pas à établir l’existence d’un risque d’affecter gravement le processus décisionnel dans l’hypothèse où les documents nos 1 à 5 auraient été divulgués.

78      Il convient donc d’accueillir le premier moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le grief des requérantes tiré de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents EIM.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001

79      Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission n’aurait pas démontré que les conditions de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 seraient réunies en l’espèce et, en outre, qu’elle n’aurait avancé aucune déclaration d’EIM selon laquelle donner accès aux documents EIM compromettrait la protection des intérêts commerciaux de cette dernière.

80      Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, l’accès à un document est refusé dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

81      Il y a lieu de relever que, si la jurisprudence n’a pas défini le concept d’intérêts commerciaux, il n’en demeure pas moins que le Tribunal a précisé que toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (voir arrêt du Tribunal du 15 décembre 2011, CDC Hydrogene Peroxide/Commission, T‑437/08, Rec. p. II‑8251, point 44, et la jurisprudence citée).

82      Ainsi, afin d’appliquer l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, il est nécessaire que l’institution démontre que les documents demandés contiennent des éléments susceptibles, du fait de leur divulgation, de porter atteinte aux intérêts commerciaux d’une personne morale.

83      Il en est ainsi lorsque, notamment, les documents demandés contiennent des informations commerciales sensibles, relatives aux stratégies commerciales des entreprises impliquées, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, non encore publié au Recueil, point 56).

84      De même, la révélation des méthodes de travail et des relations d’affaires d’une entreprise peut résulter de la divulgation de documents demandés et ainsi porter atteinte aux intérêts commerciaux de cette entreprise, notamment lorsque lesdits documents contiennent des données propres à l’entreprise qui mettent en avant son expertise.

85      En l’espèce, le refus d’accès aux documents nos 1 à 5, qualifiés de « documents intermédiaires », est motivé par le fait que cette divulgation « reflétant le ‘processus de tâtonnements’ ferait naître un contresens potentiel [à l’égard] du travail effectué par EIM, susceptible de nuire à sa réputation et à sa bonne volonté » et de révéler « le savoir-faire d’EIM en matière d’accomplissement des étapes intermédiaires de ses missions qui, s’il était connu des concurrents, donnerait à ces derniers un avantage dans leurs activités entrepreneuriales au détriment d’EIM » (point 3.2, deuxième et quatrième alinéas, de la décision attaquée).

86      Cette argumentation justifiant, selon la Commission, le refus d’accès aux documents nos 1 à 5 repose donc, en substance, sur le risque que le caractère intermédiaire de ces documents puisse nuire aux intérêts commerciaux d’EIM en donnant une image incomplète du travail effectué par cette entité et en révélant son savoir-faire.

87      Or, cette argumentation n’est pas étayée par des éléments suffisants pour permettre de conclure à l’existence d’un risque raisonnablement prévisible et non purement hypothétique que la divulgation des documents en cause porte atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’EIM.

88      En particulier, le caractère intermédiaire des documents nos 1 à 5 ne saurait à lui seul démontrer l’existence d’un tel risque. Contrairement à ce que soutient la Commission, il ne peut être déduit du seul fait que les documents ne sont pas des documents finaux que leur divulgation va automatiquement porter atteinte à la réputation d’EIM ou révéler son savoir-faire.

89      Or, en dehors du caractère intermédiaire des documents nos 1 à 5, la Commission n’avance pas, dans la décision attaquée, d’autres éléments de nature à démontrer l’existence d’un risque d’atteinte aux intérêts commerciaux d’EIM.

90      Par conséquent, il convient de conclure que les éléments invoqués par la Commission dans la décision attaquée ne sont pas suffisants pour justifier l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

91      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument développé par la Commission dans le mémoire en défense, selon lequel la divulgation du document n° 3 révélerait les sources d’information utilisées par EIM pour la collecte de données et pourrait ainsi mettre en danger son savoir-faire en matière de collecte et de filtrage des informations ainsi que sa clientèle et compromettrait également des secrets d’affaires.

92      En effet, il suffit de constater à cet égard que la Commission ne s’est pas appuyée sur un tel motif dans la décision attaquée. Il s’agit, dès lors, d’un motif nouveau qui ne saurait justifier le refus d’accès au document n° 3.

93      Dès lors, il convient d’accueillir le second moyen, sans qu’il y ait lieu d’examiner le grief des requérantes tiré de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents EIM.

94      Au vu de tout ce qui précède, il convient d’annuler la décision attaquée, en ce qu’elle refuse, en violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, et de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, l’accès aux documents nos 1 à 5, sans qu’il soit besoin de statuer sur le grief relatif à la violation de l’article 8 du règlement n° 1049/2001 soulevé par la requérante. En tout état de cause, même à supposer que, par ce dernier grief, les requérantes entendaient, dès le stade de la requête et indépendamment de leur demande d’annulation de la décision attaquée, obtenir une interprétation de l’article 8 dudit règlement, il y a lieu de relever que le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, pour prononcer des arrêts déclaratoires (ordonnance du Tribunal du 6 mars 2012, Nutrimed-Kłek & Szybiński/Commission, T‑578/11, non publiée au Recueil, point 14 ; voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 9 décembre 2003, Italie/Commission, C‑224/03, Rec. p. I‑14751, points 20 à 22).

95      Enfin, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à la Commission et d’indiquer les documents auxquels un accès total ou partiel aurait dû être accordé, l’institution étant tenue, lors de l’exécution du présent arrêt, de prendre en considération les motifs exposés à cet égard dans celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, point 133).

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 12 juillet 2011 refusant d’accorder à MasterCard, Inc., MasterCard International, Inc. et MasterCard Europe l’accès à certains documents établis par un tiers relatifs à une étude sur les coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement est annulée en ce qu’elle refuse l’accès aux documents ayant trait aux :

–        coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement (rapport initial du 2 juin 2009) ;

–        coûts et avantages pour les commerçants d’accepter différents moyens de paiement – partie 1 du rapport de méthodologie du 28 septembre 2009 [version révisée reprenant les observations transmises par les parties intéressées et la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission] ;

–        résultats des entretiens approfondis sur les coûts des paiements : les analyses des entretiens approfondis tenus en Hongrie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni du 15 janvier 2010 (version fournie le 9 mars 2010) ;

–        projet de questionnaire en ligne du 8 mars 2010 ;

–        résultats et conclusions du test de faisabilité sur Internet : projet de rapport du 24 mai 2010.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.