Language of document : ECLI:EU:C:2017:122

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 février 2017 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) n° 207/2009 – Article 51, paragraphe 2 – Marque verbale LAMBRETTA – Usage sérieux de la marque – Demande en déchéance – Déclaration partielle de déchéance – Communication n° 2/12 du président de l’EUIPO – Limitation dans le temps d’un arrêt de la Cour »

Dans l’affaire C‑577/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 décembre 2014,

Brandconcern BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, Rechtsanwälte, ainsi que par Mes G. Casucci, N. Ferretti et C. Galli, avvocati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Scooters India Ltd, établie à Lucknow (Inde), représentée par Mme C. Wolfe, solicitor, ainsi que par M. B. Brandreth et Mme A. Edwards-Stuart, barristers,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), président de chambre, Mme M. Berger, MM. A. Borg Barthet, E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mai 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Brandconcern BV demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 septembre 2014, Scooters India/OHMI – Brandconcern (LAMBRETTA) (T‑51/12, non publié, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2014:844), par lequel celui-ci a annulé la décision de la première chambre de recours de Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 1er décembre 2011 (affaire R 2312/2010-1), relative à une procédure de déchéance entre Brandconcern et Scooters India Ltd (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        Le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), qui est entré en vigueur le 13 avril 2009, a procédé à la codification du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et a abrogé celui-ci.

3        L’article 51 du règlement n° 207/2009, lequel correspond à l’article 50 du règlement n° 40/94, intitulé « causes de déchéance », dispose :

« 1.      Le titulaire de la marque [de l’Union européenne] est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’[EUIPO] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a)      si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans [l’Union européenne] pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage ; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux ; cependant, le commencement ou la reprise d’usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l’expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n’est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée ;

[...]

2.      Si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque [de l’Union européenne] est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés. »

4        Par deux communications, publiées l’une en 2003 et l’autre en 2012, le président de l’EUIPO a fourni des indications en ce qui concerne l’utilisation des intitulés des classes de produits prévues par l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »).

5        Le point IV, premier alinéa, de la communication n° 4/03 du président de l’EUIPO, du 16 juin 2003, concernant l’utilisation des intitulés de classes dans les listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque communautaire (ci-après la « communication n° 4/03 »), énonçait :

« Les 34 classes de produits et 11 classes de services comprennent la totalité des produits et services, en conséquence de quoi l’utilisation de toutes les indications générales de l’intitulé de classe d’une classe particulière constitue une revendication à l’égard de tous les produits ou services relevant de cette classe particulière ».

6        Le 20 juin 2012, le président de l’EUIPO a adopté la communication n° 2/12, abrogeant la communication n° 4/03 et concernant l’utilisation des intitulés de classes dans les listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque communautaire (ci-après la « communication n° 2/12 »). Le point V de cette communication prévoit :

« En ce qui concerne les marques [de l’Union européenne] enregistrées avant l’entrée en vigueur de la présente et qui utilisent toutes les indications générales énumérées dans l’intitulé d’une classe particulière, l’[EUIPO] considère que l’intention du demandeur, eu égard au contenu de la communication n° 4/03, était de couvrir tous les produits ou services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe dans l’édition en vigueur au moment du dépôt. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

7        Scooters India est titulaire de la marque de l’Union européenne LAMBRETTA, demandée le 7 février 2000 et enregistrée par l’EUIPO le 6 août 2002. Les produits pour lesquels cette marque a été enregistrée relèvent, entre autres, de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice, qui correspond à la description suivante : « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ».

8        Le 19 novembre 2007, Brandconcern a introduit une demande en déchéance partielle de la marque LAMBRETTA sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94, devenu article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, pour les produits relevant notamment de cette classe 12. Elle a invoqué à cet égard l’absence d’usage sérieux de ladite marque pendant une période ininterrompue de cinq ans.

9        Le 24 septembre 2010, la division d’annulation a prononcé la déchéance partielle de la marque LAMBRETTA, avec effet au 19 novembre 2007, pour les produits relevant notamment de ladite classe 12. Le 23 novembre 2010, Scooters India a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

10      Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’EUIPO a notamment rejeté le recours s’agissant des produits de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice. Dans cette décision, la chambre de recours a, en ce qui concerne les produits de cette classe, limité son examen de l’usage sérieux de la marque LAMBRETTA aux seuls « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », au sens littéral du terme. Après avoir constaté que les éléments de preuve produits par Scooters India au soutien de cet usage sérieux se limitaient à des éléments relatifs à la vente de pièces de rechange pour scooters et ne comprenaient aucun élément concernant la vente de « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », la chambre de recours a considéré que l’« on ne saurait déduire de la vente de pièces de rechange que [Scooters India] a également fabriqué et vendu un quelconque véhicule ».

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2012, Scooters India a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en invoquant un moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. Ce moyen comporte deux branches.

12      Dans le cadre de l’examen de la première branche du moyen unique, le Tribunal, aux points 35 à 38 de l’arrêt attaqué, a jugé que la mention « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », figurant dans la demande de marque communautaire, devait être interprétée comme visant à protéger la marque LAMBRETTA pour la totalité des produits figurant sur la liste alphabétique relative à la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice. Il a ainsi considéré que, même si les « pièces de rechange pour scooters » ne figuraient pas en tant que telles sur la liste alphabétique des produits de cette classe 12, il y avait lieu, pour la chambre de recours, d’examiner l’utilisation sérieuse de cette marque pour les nombreux accessoires et pièces pour véhicules qui y figuraient. Par conséquent, constatant que la chambre de recours n’avait pas examiné l’usage sérieux de ladite marque pour lesdites pièces de rechange pour scooters, le Tribunal a accueilli cette première branche et a annulé la décision litigieuse.

13      S’agissant de la seconde branche du moyen unique, le Tribunal a jugé, aux points 42 à 44 de l’arrêt attaqué, que, en conséquence de l’annulation de la décision litigieuse décidée dans le cadre de la première branche, la chambre de recours devait examiner si Scooters India avait fait usage de la marque LAMBRETTA pour les pièces de rechange. Il a considéré que cet examen devait être conduit suivant les critères énoncés par la Cour dans son arrêt du 11 mars 2003, Ansul (C‑40/01, EU:C:2003:145, points 40 à 43).

 Les conclusions des parties devant la Cour

14      Brandconcern demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de rejeter le recours de Scooters India tendant à l’annulation de la décision litigieuse ;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué, dans la mesure où il a annulé la décision litigieuse en ce qui concerne les produits « véhicules ; appareils pour locomotion par terre, par air ou par eau », relevant de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice, et

–        de condamner l’EUIPO et Scooters India aux dépens.

15      L’EUIPO demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, de rejeter le pourvoi comme étant non fondé, et

–        de condamner Brandconcern aux dépens.

16      Scooters India demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner Brandconcern aux dépens.

 Sur le pourvoi

17      À l’appui de son pourvoi, Brandconcern soulève deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, et d’une erreur de procédure commise par le Tribunal.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

18      À titre liminaire, Brandconcern fait valoir que Scooters India n’a pas contesté, devant le Tribunal, la considération de la chambre de recours de l’EUIPO, figurant dans la décision litigieuse, selon laquelle la marque LAMBRETTA n’avait pas été utilisée pour les produits pour lesquels elle était enregistrée, à savoir les « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », relevant de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice. Dans ces conditions, et pour ce seul motif, le Tribunal aurait dû rejeter le recours de Scooters India. En tout état de cause, Brandconcern soutient que le Tribunal aurait dû déclarer irrecevable le recours formé par Scooters India, au motif que l’objet de ce recours était différent de celui porté devant ladite chambre de recours. La requérante indique ainsi que Scooters India n’aurait soulevé la question de la protection de la marque LAMBRETTA à l’égard des pièces de rechange, en tant qu’« éléments constitutifs » des produits pour lesquels cette marque est enregistrée, qu’au stade du recours devant le Tribunal et non devant l’EUIPO.

19      Par la suite, Brandconcern fait valoir que, eu égard à la règle énoncée par la Cour au point 61 de l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C-307/10, EU:C:2012:361), concernant le signe verbal « IP Translator », le Tribunal a commis une erreur de droit, en considérant que la chambre de recours de l’EUIPO était tenue d’examiner, en vertu du principe de sécurité juridique, si Scooters India avait fait un usage sérieux de la marque LAMBRETTA pour des produits pour lesquels elle n’était pas enregistrée. En effet, selon la requérante, le Tribunal a jugé à tort que, alors que Scooters India a obtenu l’enregistrement de la marque LAMBRETTA pour, conformément à sa demande, les « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » relevant de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice, il y avait lieu d’accorder à Scooters India la protection conférée par l’enregistrement de cette marque à l’ensemble des produits figurant sur la liste alphabétique relative à cette classe.

20      Dans l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361), la Cour aurait jugé que, pour des raisons de clarté et de précision, une demande d’enregistrement doit préciser si elle vise l’ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de la classe particulière concernée ou seulement certains de ces produits ou de ces services. Cette demande ne pourrait être interprétée, sans une déclaration du demandeur allant en ce sens, comme désignant tous les produits relevant d’une classe. Brandconcern soutient que, contrairement à ce qui ressort de l’arrêt attaqué, la jurisprudence issue de cet arrêt aurait dû être appliquée au cas d’espèce, compte tenu du principe selon lequel un arrêt rendu en vertu de l’article 267 TFUE produit ses effets de manière rétroactive, en dépit des raisons de sécurité juridique invoquées par le Tribunal.

21      En tout état de cause, les exigences de clarté et de précision quant à la portée de l’enregistrement ne sauraient être respectées lorsqu’il est tenu compte d’une prétendue intention du demandeur d’aller au-delà de la signification littérale des termes utilisés lors de l’enregistrement, dans l’hypothèse où une telle intention n’est pas établie, comme en l’occurrence, dans une déclaration visant des produits énumérés dans la liste alphabétique d’une classe.

22      L’EUIPO et Scooters India font valoir que ce moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

23      S’agissant de l’argument soulevé à titre liminaire par Brandconcern, il suffit de constater que Scooters India a demandé, dans sa requête devant le Tribunal, l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle a rejeté son recours introduit contre la décision de la division d’annulation de l’EUIPO prononçant la déchéance de la marque LAMBRETTA pour les produits compris dans la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice, y compris les « pièces et accessoires pour véhicules et appareils de locomotion par terre ».

24      En effet, dans la même requête, Scooters India a fait valoir que ces derniers constituaient une simple sous-catégorie des « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », à savoir des produits relevant de l’intitulé de cette classe 12 mentionnés dans sa demande d’enregistrement, et non des produits différents. Dès lors, Brandconcern n’est pas fondée à prétendre que Scooters India n’a pas contesté, devant le Tribunal, la considération de la chambre de recours de l’EUIPO, figurant dans la décision litigieuse, selon laquelle la marque LAMBRETTA n’avait pas été utilisée pour les produits pour lesquels elle était enregistrée.

25      Dans ces conditions, il convient de rejeter cet argument comme étant non fondé.

26      Brandconcern reproche également au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans la mesure où ce dernier aurait limité les effets dans le temps de l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C-307/10, EU:C:2012:361). Selon elle, cet arrêt est applicable en l’occurrence dans la mesure où il imposait d’interpréter les demandes d’enregistrement d’une marque de l’Union, y compris celles présentées avant le prononcé dudit arrêt, en ce sens que seuls les produits expressément visés par de telles demandes sont couverts par la protection conférée par la marque de l’Union.

27      À cet égard, il convient de rappeler que certes, aux points 21 à 24 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné la question de l’incidence de l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361), et notamment du point 61 de celui-ci, sur l’interprétation de la demande d’enregistrement de la marque LAMBRETTA, en constatant également que la Cour n’avait pas limité dans le temps les effets de cet arrêt.

28      Au point 61 de l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C-307/10, EU:C:2012:361), la Cour a ainsi considéré que, en vue de respecter les exigences de clarté et de précision, imposées par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), le demandeur d’une marque nationale qui utilise toutes les indications générales de l’intitulé d’une classe particulière de la classification de Nice pour identifier les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque est demandée doit préciser si sa demande d’enregistrement vise l’ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de la classe particulière concernée ou seulement certains de ces produits ou services. Au cas où la demande porterait uniquement sur certains desdits produits ou services, le demandeur est obligé de préciser quels produits ou services relevant de cette classe sont visés.

29      Toutefois, il importe de relever, en premier lieu, que le point 61 de cet arrêt concerne non pas les titulaires d’une marque déjà enregistrée, mais uniquement les demandeurs de marques.

30      En second lieu, audit point 61 de l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C-307/10, EU:C:2012:361), la Cour se limite à préciser les exigences auxquelles restent soumis les nouveaux demandeurs de marques nationales, qui utilisent les indications générales de l’intitulé d’une classe afin d’identifier les produits et les services pour lesquels la protection de la marque est demandée. De telles exigences, ainsi que l’a constaté M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions, permettent de prévenir la situation dans laquelle il ne serait pas possible de déterminer avec certitude l’étendue de la protection accordée par une marque, lorsqu’un demandeur utilise toutes les indications figurant dans l’intitulé d’une classe.

31      Il ne saurait, dès lors, être considéré que la Cour, par l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361), aurait entendu remettre en cause l’approche exposée dans la communication n° 4/03 en ce qui concerne les marques enregistrées avant le prononcé de cet arrêt. Par conséquent, la règle énoncée au point 61 dudit arrêt n’est pas applicable à l’enregistrement de la marque LAMBRETTA, intervenu avant le prononcé de celui-ci.

32      Dès lors, en jugeant, au point 35 de l’arrêt attaqué, que, selon l’approche prévue au point V de la communication n° 2/12, il convenait d’interpréter la mention « véhicules ; appareils de locomotion par terre par air ou par eau », correspondant aux produits mentionnés à l’intitulé de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice, figurant dans la demande de marque LAMBRETTA, comme visant à protéger cette marque pour la totalité des produits figurant sur la liste alphabétique de cette classe 12, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit susceptible de justifier l’annulation de l’arrêt attaqué.

33      Par ailleurs, l’interprétation de la demande d’enregistrement litigieuse adoptée par le Tribunal est étayée par la modification introduite à l’article 28, paragraphe 8, du règlement n° 207/2009 par le règlement (UE) 2015/2424, du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21). En effet, ce dernier règlement a inséré, dans cet article, une disposition transitoire permettant aux titulaires de marques de l’Union européenne demandées avant le 22 juin 2012 et enregistrées pour l’intitulé entier d’une classe de la classification de Nice de déclarer, avant le 24 septembre 2016, que leur intention, à la date de dépôt de la demande, était de demander la protection pour des produits ou des services autres que ceux relevant du sens littéral de l’intitulé, mais figurant sur la liste alphabétique de cette classe.

34      Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le second moyen

 Argumentation des parties

35      Par son second moyen, soulevé à titre subsidiaire, Brandconcern soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation en ce que le Tribunal a annulé la décision litigieuse alors qu’il a constaté que Scooters India n’avait pas utilisé la marque LAMBRETTA pour les produits pour lesquels elle était enregistrée, à savoir les « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », relevant de l’intitulé de la classe 12 de l’arrangement de Nice. En particulier, il existerait une contradiction entre, d’une part, les motifs de cet arrêt examinant la question de l’usage de cette marque pour les seules pièces de rechange pour scooters et, d’autre part, le dispositif dudit arrêt annulant la décision litigieuse en ce qui concerne également les produits relevant de l’intitulé de cette classe 12.

36      L’EUIPO fait valoir que le second moyen serait irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé. Pour Scooters India, ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Appréciation de la Cour

37      Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. La Cour a également souligné que la seule énonciation abstraite des moyens dans le pourvoi ne répond pas aux exigences posées à l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour. En outre, il est précisé, à l’article 169, paragraphe 2, dudit règlement, que les moyens et les arguments de droit invoqués doivent identifier avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés. En effet, un pourvoi dépourvu de telles caractéristiques n’est pas susceptible de faire l’objet d’une appréciation juridique permettant à la Cour d’exercer la mission qui lui incombe et d’effectuer son contrôle de légalité (arrêt du 7 novembre 2013, Wam Industriale/Commission, C‑560/12 P, non publié, EU:C:2013:726, points 42 à 44).

38      En l’occurrence, Brandconcern n’indique pas, dans son pourvoi, quels sont les points de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal aurait jugé que Scooters India n’avait pas utilisé la marque LAMBRETTA pour les produits pour lesquels elle était enregistrée. Par ailleurs, s’il est vrai que Brandconcern, dans son mémoire en réplique, se réfère aux points 14, 16 et 17 de l’arrêt attaqué, il ne ressort pas de ces points que le Tribunal ait considéré que Scooters India n’avait pas utilisé la marque LAMBRETTA pour les produits pour lesquels elle était enregistrée.

39      En effet, contrairement à ce que fait valoir Brandconcern, l’arrêt attaqué concerne la question relative à l’interprétation d’une demande d’enregistrement et il ne se prononce aucunement sur l’usage effectif de la marque litigieuse pour l’un quelconque des produits relevant de la classe 12 de l’arrangement de Nice.

40      Dans ces conditions, le second moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

41      Aucun des moyens soulevés par Brandconcern n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

42      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

43      L’EUIPO et Scooters India ayant conclu à la condamnation de Brandconcern aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Brandconcern BV est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.