Language of document : ECLI:EU:C:2014:2112

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 17 juillet 2014 (1)

Affaire C‑528/13

Geoffrey Léger

contre

Ministre des Affaires sociales, de la Santé

contre

Établissement français du sang

[demande de décision préjudicielle
formée par le tribunal administratif de Strasbourg (France)]

«Santé publique – Don du sang – Critères d’admissibilité des donneurs – Critères d’exclusion permanente ou temporaire – Exclusion définitive des hommes ayant eu des rapports sexuels avec un autre homme – Principe de non‑discrimination en raison de l’orientation sexuelle – Proportionnalité»







Table des matières


I –   Le cadre juridique

A –   Le droit de l’Union

B –   Le droit français

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

III – La procédure devant la Cour

IV – Analyse juridique

A –   Résumé de la position du gouvernement français

B –   Appréciation

1.     Sur l’interprétation du point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33

a)     Le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33 ne peut être mis en œuvre qu’en présence d’un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang

b)     Le fait pour un homme d’avoir eu ou d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme constitue-t-il un «comportement sexuel» au sens du point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33?

2.     Sur la marge d’appréciation laissée aux États membres par la directive 2004/33 et la possibilité reconnue à ces derniers de maintenir ou d’introduire des mesures de protection plus strictes

a)     Le respect des dispositions du traité comme limite à l’exercice des compétences nationales

b)     L’arrêté ministériel comporte une discrimination indirecte fondée sur la double combinaison du sexe et de l’orientation sexuelle

c)     La différence de traitement est-elle justifiée et proportionnée?

V –   Conclusion

1.        Le présent renvoi préjudiciel soulève une question délicate, celle de la compatibilité avec le droit de l’Union d’une mesure nationale qui exclut du don du sang, de manière permanente, les hommes qui ont eu ou ont des rapports sexuels avec d’autres hommes.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

2.        Le cadre juridique en droit de l’Union peut être résumé comme suit.

3.        Adoptée sur le fondement de l’article 152, paragraphe 4, sous a), CE [devenu l’article 168, paragraphe 4, sous a), TFUE], la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003, établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain, et des composants sanguins, et modifiant la directive 2001/83/CE (2), est née du constat fait par le législateur de l’Union d’une situation dans laquelle «la qualité et la sécurité [du sang total, du plasma et des cellules sanguines d’origine humaine] ne font l’objet d’aucune réglementation communautaire contraignante, dans la mesure où ils sont destinés à la transfusion et ne sont pas transformés en tant que tels» (3). Ledit législateur a donc fait part de son intention d’adopter des dispositions garantissant que «le sang et ses composants, quelle que soit leur destination, présentent un niveau comparable de qualité et de sécurité tout au long de la filière transfusionnelle dans tous les États membres», l’établissement de normes élevées de qualité et de sécurité devant contribuer à rassurer le public (4). La directive 2002/98 poursuit ainsi l’objectif d’établir des normes de qualité et de sécurité pour le sang humain et les composants sanguins afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine (5). Elle a notamment imposé aux États membres de veiller à ce que seuls les établissements dûment désignés et agréés puissent se livrer à des activités de collecte, de contrôle, de transformation, de stockage et de distribution de sang et de composants sanguins et à ce qu’ils soient soumis à différentes inspections et mesures de contrôle (6). Elle a également consacré les principes de la traçabilité du sang, de la gratuité et de la base volontaire du don ainsi que du contrôle obligatoire de chaque don (7).

4.        En revanche, les exigences relatives à l’admissibilité des donneurs de sang et de plasma, c’est-à-dire notamment les critères d’exclusion permanente et les critères d’exclusion temporaire, n’ont pas été arrêtées par la directive 2002/98, mais, au contraire, elles ont été adoptées par la directive 2004/33/CE de la Commission, du 22 mars 2004, portant application de la directive 2002/98 concernant certaines exigences techniques relatives au sang et aux composants sanguins (8), en application de la procédure de comitologie visée à l’article 28 de la directive 2002/98 (9).

5.        C’est donc la directive 2004/33 qui est venue fixer ces exigences. Son annexe III fixe les critères d’admissibilité pour les donneurs de sang total ou de composants sanguins. Le point 2 de l’annexe III est consacré aux critères d’exclusion desdits donneurs.

6.        Le point 2.1 de l’annexe III énumère, dans un tableau, les critères d’exclusion permanente pour les candidats à des dons homologues (10). La description du comportement sexuel, tel que visé par le tableau, est rédigée dans les termes suivants: «Sujets dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang».

7.        Le point 2.2 de l’annexe III énumère les critères d’exclusion temporaire pour les candidats à des dons homologues, et le point 2.2.2 de ladite annexe vise, plus particulièrement, les critères d’exclusion liés à l’exposition au risque d’infection transmissible par transfusion. L’entrée du tableau consacrée aux «[i]ndividus dont le comportement sexuel ou l’activité professionnelle les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang» fixe l’exclusion suivante: «Exclusion après la fin du comportement à risque pendant une période dont la durée dépend de la maladie en question et de la disponibilité des tests adéquats».

B –    Le droit français

8.        La ministre de la Santé et des Sports a adopté, le 12 janvier 2009, un arrêté fixant les critères de sélection des donneurs de sang (11) (ci-après l’«arrêté ministériel»).

9.        L’article 1er de l’arrêté ministériel fixe les conditions dans lesquelles un don du sang peut être effectué. Aux termes de l’article 1er, titre V, point 1, qui porte sur les caractéristiques cliniques du donneur, il appartient à la personne habilitée à procéder à la sélection des donneurs d’apprécier la possibilité d’un don au regard des contre-indications et de leur durée, de leur antériorité et de leur évolution grâce à des questions complémentaires au questionnaire préalable au don (12). Ces questions sont posées, le cas échéant, lors de l’entretien préalable au don qui, lui, est systématique. Toujours aux termes de cette disposition, le candidat est ajourné du don s’il présente une contre-indication mentionnée dans l’un des tableaux de l’annexe II de l’arrêté ministériel. Il est prévu que les autorités sanitaires puissent modifier, ajouter ou supprimer des contre-indications au don du sang en fonction de situations épidémiologiques particulières ou des données de l’hémovigilance.

10.      L’annexe II de l’arrêté ministériel contient les tableaux relatifs aux contre‑indications. Plus précisément, le tableau B énumère les contre-indications en cas de risque pour le receveur. La partie du tableau B consacrée au risque lié à la transmission d’une infection virale se présente comme suit:

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II – Le litige au principal et la question préjudicielle

11.      Le 29 avril 2009, le médecin de l’Établissement français du sang (EFS) a refusé le don du sang que souhaitait faire M. Geoffroy Léger, au motif que ce dernier déclarait être homosexuel.

12.      Par sa décision de refus, le médecin de l’EFS a fait application de l’arrêté ministériel, lequel considère comme une contre-indication permanente au don du sang le fait pour un candidat au don d’avoir eu des rapports sexuels avec un homme.

13.      M. Léger a saisi la juridiction de renvoi d’un recours en annulation à l’encontre de cette décision. Il argue notamment que l’arrêté ministériel, en ce qu’il fixe la contre-indication permanente susmentionnée, méconnaîtrait la directive 2004/33, et plus particulièrement son annexe II, point B (13), et son annexe III, point 2.1. L’arrêté ministériel violerait également, et par ailleurs, les articles 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH»), ainsi que le principe d’égalité.

14.      Ainsi confronté à une difficulté liée à l’interprétation du droit de l’Union, le tribunal administratif de Strasbourg a décidé de surseoir à statuer et, par décision de renvoi parvenue au greffe de la Cour le 8 octobre 2013, de saisir cette dernière, sur le fondement de l’article 267 TFUE, de la question préjudicielle suivante:

«Au regard de l’annexe III de la directive [2004/33], la circonstance pour un homme d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme constitue-t-elle, en soi, un comportement sexuel exposant au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang et justifiant une exclusion permanente [du] don du sang pour les sujets ayant eu ce comportement sexuel, ou est-elle simplement susceptible de constituer, en fonction des circonstances propres de l’espèce, un comportement sexuel exposant au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang et justifiant une exclusion temporaire de don du sang pendant une durée déterminée après la fin du comportement à risque?»

III – La procédure devant la Cour

15.      Seuls le gouvernement français et la Commission européenne ont déposé des observations écrites devant la Cour.

IV – Analyse juridique

A –    Résumé de la position du gouvernement français

16.      Le gouvernement français considère que la directive 2004/33 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre considère que la circonstance pour un homme d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme (HSH) (14) constitue un comportement sexuel exposant au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang qui justifie une exclusion permanente du don.

17.      Premièrement, le comportement sexuel consistant, pour un homme, à avoir des rapports sexuels avec un autre homme constituerait, en soi, un comportement sexuel de nature à justifier une exclusion permanente du don. La directive 2002/98 s’inscrit plus largement dans le contexte de la mise en place d’une politique commune de santé publique et vise à fixer des normes élevées de qualité et de sécurité – objectifs omniprésents dans ladite directive – par une approche coordonnée de la sécurité du sang faisant suite à divers cas d’infections par voie transfusionnelle. La directive 2002/98 a ainsi été adoptée sur la base de l’article 152, paragraphe 4, sous a), CE. L’objectif prioritaire est, en outre, celui de la protection du receveur du don et, à cet égard, la directive insiste sur le fait que les dons doivent provenir de personnes dont l’état de santé est tel qu’aucun effet néfaste ne résultera du don et que tout risque de transmission d’une maladie infectieuse est réduit au maximum (15). Précisément, la sélection des donneurs est un des trois moyens de réduire ce risque (16).

18.      Si la directive 2004/33 prévoit que les sujets dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang doivent être exclus de manière permanente du don, elle ne définit toutefois pas cette notion. Par ailleurs, c’est cette même exposition à un risque qui est visée par le point 2.2.2 de l’annexe III de ladite directive, lequel vise les critères d’exclusion temporaire. Les autres versions linguistiques présentent, en outre, des divergences. Dans un tel cas, la jurisprudence constante de la Cour impose de se référer à l’économie générale et à la finalité de la directive, qui est, d’après le gouvernement français, la limitation maximale du risque et la mise en place de normes élevées de sécurité et de qualité. Dans ce contexte, un risque transitoire justifierait une exclusion temporaire, alors qu’un risque plus élevé pouvant justifier une mesure plus stricte devrait motiver une exclusion permanente. L’action de l’Union en la matière s’inscrivant en complément de celle des États membres et dans le respect de la responsabilité de ces derniers (17), l’appréciation du risque reviendrait à ceux-ci en fonction de leurs situations épidémiologiques propres.

19.      Sur ce point, le gouvernement français mentionne des éléments statistiques montrant que la proportion d’individus vivant avec le VIH (18) dans la population HSH serait 65 fois plus élevée que dans le reste de la population. En ce qui concerne l’incidence de l’infection par le VIH (19), en 2008, sur 6 940 nouvelles infections recensées, 3 320 personnes appartiendraient à la population HSH. Or, compte tenu de la fenêtre silencieuse pendant laquelle les virus VIH 1 et VIH 2 ne peuvent être détectés lors des tests de dépistage – respectivement 12 et 22 jours – une telle situation serait particulièrement problématique pour les dons du sang. Le Conseil de l’Europe, dans sa résolution du 27 mars 2013 (20), aurait d’ailleurs confirmé que la population HSH est exposée à un risque élevé de contraction, et donc de transmission, de maladies infectieuses graves transmissibles par le sang.

20.      Deuxièmement, le gouvernement français soutient que, au vu de ces éléments, l’application d’une exclusion seulement temporaire ne serait pas possible. Ainsi, le Conseil de l’Europe préconise de n’appliquer une contre-indication temporaire qu’après avoir établi que le comportement concerné n’expose pas à un risque élevé. Or, ce même Conseil a conclu, en appréciant l’impact sur la sécurité transfusionnelle des dons en provenance de la population HSH, à une augmentation du risque de transmission du VIH (21). Le gouvernement français considère que le «comportement» HSH expose à un risque élevé, non temporaire, comme en témoignent les données statistiques déjà mentionnées. Il ajoute que le risque résiduel d’infection au VIH – c’est-à-dire le rapport de dons infectés par rapport au nombre total de dons – est de 1 don potentiellement contaminant sur 2 900 000 et que la moitié des dons infectés par le VIH provient de la population HSH, laquelle aurait de plus en plus tendance à donner son sang, malgré la contre-indication permanente. Le gouvernement français considère que le passage d’une exclusion permanente à une exclusion temporaire serait un faux signal envoyé à la population HSH, laquelle a, malgré tout, tendance, actuellement, à s’auto-exclure de la chaîne transfusionnelle et risquerait à la fois de transformer le don en un moyen supplémentaire de dépistage du VIH et de minimiser la portée du discours général de prévention contre le VIH.

21.      Le gouvernement français soutient également que juger l’exclusion permanente des HSH contraire à la directive 2004/33 priverait de tout effet utile le point 2.1 de l’annexe III de ladite directive. S’il existe d’autres comportements sexuels exposant à un risque de contamination (22), tous exposeraient à un risque moins élevé de contracter de graves maladies infectieuses transmissibles par le sang par rapport à la population HSH, comme en témoignent les données statistiques rappelées plus haut. Or, si un tel risque ne répond pas au cas de figure visé par le point 2.1 de l’annexe III, le gouvernement français s’interroge sur ce qui pourrait bien y répondre. Il en conclut que la population HSH ne peut faire l’objet que d’une exclusion permanente.

22.      Troisièmement, même si le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33 devait être interprété en ce sens que la population HSH ne pourrait être visée que par une exclusion temporaire, un État membre pourrait toujours appliquer des mesures plus protectrices et considérer qu’un tel niveau de risque de contamination justifie une exclusion permanente. Le gouvernement français rappelle les articles 6, sous a), TFUE et 168, paragraphe 4, sous a), TFUE. Ce dernier prévoit que les États membres peuvent maintenir ou établir de telles mesures, ce qui est rappelé non seulement par le considérant 22, mais aussi par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2002/98, lequel énonce que ladite directive n’empêche pas les États membres de maintenir ou d’introduire des mesures de protection plus strictes, dans le respect des dispositions du traité. La protection de la santé humaine et de la vie des personnes occupant, au terme d’une jurisprudence constante, le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par l’Union et les États membres étant libres de décider du niveau de protection et de la manière de l’atteindre, rien ne s’opposerait à ce qu’un État membre considère que la population HSH doive faire l’objet d’une exclusion permanente du don en raison du risque élevé auquel cette population exposerait les donneurs, risque qui serait confirmé par les données épidémiologiques fournies par le gouvernement français. Ainsi, la mesure de protection plus stricte que constituerait une telle exclusion définitive se révélerait proportionnée à l’objectif légitime poursuivi.

B –    Appréciation

23.      Dans un premier temps, il s’agira de déterminer si le fait, pour un homme, d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme est constitutif d’un «comportement sexuel» exposant au risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves, au sens du point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33.

24.      Si tel ne devait pas être le cas, il faudra alors examiner, dans un second temps, si un État membre peut, dans l’exercice de la marge d’appréciation qui lui est traditionnellement reconnue en matière de santé publique, adopter une mesure plus protectrice de cette dernière, telle que celle consistant en l’exclusion permanente du don du sang de la population HSH.

1.      Sur l’interprétation du point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33

a)      Le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33 ne peut être mis en œuvre qu’en présence d’un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang

25.      L’interprétation à donner au motif d’exclusion visé au point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33 est d’autant plus débattue que, comme le gouvernement français l’a souligné, un des motifs d’exclusion temporaire listé par le point 2.2.2 de ladite annexe est libellé dans les mêmes termes, puisqu’il mentionne les «[i]ndividus dont le comportement sexuel ou l’activité professionnelle les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang» (23). Manifestement, l’intention du législateur ne peut pas avoir été celle de prévoir qu’un comportement défini dans les mêmes termes puisse faire l’objet d’une exclusion à la fois permanente et temporaire. Le gouvernement français comme la Commission ont mis en évidence, sur ce point, l’existence de divergences dans les versions linguistiques disponibles de l’annexe III de la directive 2004/33.

26.      En effet, selon les versions linguistiques envisagées, soit l’exclusion temporaire vise seulement l’existence d’un risque simple, par rapport au risque élevé visé par l’exclusion permanente (24); soit l’annexe III mentionne, dans les deux cas, un risque élevé (25); soit, comme c’est le cas pour la version française, l’annexe fait également référence, dans les deux cas, à la seule notion de «risque», sans plus de précision (26). Or, la nécessité d’une interprétation uniforme du droit de l’Union exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément mais commande, au contraire, qu’il soit interprété également à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles – comparaison qui, on l’a vu, n’est pas davantage éclairante – et en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont cette disposition constitue un élément (27). Autrement dit, le simple fait que le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33, dans sa version en langue française, ne vise que les sujets dont le comportement sexuel les expose au «simple» risque de contracter de graves maladies infectieuses n’est pas, en soi, un élément suffisant pour conclure à la compatibilité de l’exclusion permanente nationale avec la directive.

27.      La directive 2004/33 précisant les exigences techniques de la directive 2002/98, elle poursuit la même finalité que cette dernière. Or, à l’instar de ce qu’a relevé le gouvernement français, le législateur a fait de l’amélioration de la qualité et de la sécurité de la chaîne transfusionnelle une priorité de la directive 2002/98.

28.      Son adoption s’inscrit dans un contexte dans lequel les États membres avaient préalablement éprouvé les défaillances de leurs systèmes de surveillance et de sécurisation de la chaîne transfusionnelle. En conséquence, les autorités supranationales se sont saisies de la question, que ce soit tant au niveau du Conseil de l’Europe (28) que de l’Union. Mais il faut attendre la directive 2002/98, qui a pour base juridique l’article 152, paragraphe 4, sous a), CE – lequel prévoyait l’adoption de «mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité […] du sang» – pour voir l’Union se doter de son premier texte contraignant en la matière (29). L’objectif de qualité et de sécurité y est omniprésent (30). Il s’agit de prévenir la transmission de maladies (31) en s’assurant que les dons proviennent de personnes dont l’état de santé est tel qu’aucun effet néfaste ne résultera du don et que tout risque de transmission est réduit au maximum (32), et ce afin de renforcer la confiance des individus (33). Ces mêmes préoccupations se retrouvent à la lecture de la directive 2004/33 (34), dont l’objectif affiché est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine (35).

29.      Il est donc évident que les annexes de la directive 2004/33 doivent être interprétées à la lumière de cet objectif. Je suis également d’avis que le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33 doit être interprété, comme le reconnaît d’ailleurs le gouvernement français dans ses écritures, en ce sens que les sujets dont le comportement sexuel les expose à un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang sont exclus définitivement du don du sang. Une telle interprétation apparaît non seulement opportune, afin que la distinction opérée par le législateur de l’Union entre, d’une part, les motifs d’exclusion temporaire et, d’autre part, les motifs d’exclusion permanente garde toute sa pertinence, mais également cohérente avec l’idée, elle aussi présente dans la directive, de réduire au maximum tout risque de transmission. Ainsi, un risque élevé entraîne une exclusion permanente, alors qu’un risque moindre, plus limité n’entraîne qu’une exclusion temporaire.

b)      Le fait pour un homme d’avoir eu (36) ou d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme constitue-t-il un «comportement sexuel» au sens du point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33?

30.      Si, eu égard à ce qui précède, la frontière entre exclusion temporaire et exclusion permanente semble se préciser, il reste à déterminer ce que peut être un «comportement sexuel» exposant à un risque élevé de contamination.

31.      Sur ce point, le dossier soumis à la Cour ne contient aucun élément relatif aux travaux préparatoires de la directive 2004/33 qui aurait été susceptible d’indiquer ce que le législateur a voulu entendre par «comportement sexuel» et la directive ne contient aucune définition sur ce point. Un examen des documents émanant du Conseil de l’Europe n’est pas plus éclairant, le comité des ministres s’étant tout juste borné à définir un comportement sexuel à risque comme un «comportement sexuel exposant les individus concernés à un risque ou un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves susceptibles d’être transmises par le sang» (37). Force est donc de s’en référer au sens commun.

32.      D’un point de vue strictement littéral, le comportement définit la manière dont un individu se comporte, sa façon de se conduire; il s’agit de l’ensemble de ses réactions, c’est-à-dire de sa conduite (38). La notion de comportement induit, a priori, une appréciation subjective et le comportement sexuel se définirait alors par les habitudes et les pratiques sexuelles de l’individu concerné, autrement dit par les conditions concrètes dans lesquelles ont été réalisés le(s) rapport(s) sexuel(s) en question.

33.      Partant, une question se pose: l’exclusion permanente pour les HSH vise‑t‑elle à affecter une orientation sexuelle particulière ou plutôt un véritable comportement, à proprement parler?

34.      En effet, le critère excluant utilisé par l’arrêté ministériel est le fait, pour un homme, d’avoir eu ou d’avoir une activité sexuelle consistant en un rapport sexuel avec un homme, peu importe les conditions de ce(s) rapport(s), leur fréquence ou les pratiques observées. Bien sûr, le critère n’est pas explicitement et directement formulé sur la base de l’orientation sexuelle, la catégorie HSH n’étant officiellement pas définie en fonction de l’orientation sexuelle (39). Mais il pose néanmoins une sorte de présomption irréfragable selon laquelle une relation HSH expose nécessairement et systématiquement à un risque élevé de contamination. Et, en pratique, c’est essentiellement, si ce n’est exclusivement (40), la totalité de la population masculine homosexuelle et bisexuelle qui se retrouve, de fait, exclue pour toujours du don pour la seule raison que ces hommes ont eu ou ont actuellement des rapports sexuels avec un autre homme.

35.      À mon sens, le critère national retenu est formulé d’une manière à la fois trop large et trop générique, alors que la notion de «comportement sexuel» utilisée par le législateur de l’Union exige l’identification d’une conduite, d’une attitude précises exposant le candidat au don à un risque élevé de contamination. D’ailleurs, la Commission a déjà mis en exergue le fait que le «comportement sexuel» visé par la directive 2004/33 ne devait pas être entendu comme synonyme d’«orientation sexuelle» (41).

36.      Conclure que le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33 exige que soient exclues pour toujours du don du sang des personnes à propos desquelles a été identifié un comportement précis, circonstancié les ayant exposées ou les exposant à un risque élevé et qu’il ne se prête pas à une exclusion aussi générique que celle prévue par l’arrêté ministériel ne revient pas, contrairement à ce qu’a soutenu le gouvernement français, à priver de son effet utile le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33. Cela oblige néanmoins, il est vrai, à affiner les critères d’exclusion permanente. Mais l’on peut d’ores et déjà penser aux professionnel(le)s du sexe (42), qui, à mon sens, rempliraient les conditions pour être visé(e)s par une exclusion permanente sur le fondement de ce point 2.1 de ladite annexe.

37.      Il résulte de ce qui précède que le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33 doit être interprété en ce sens que la seule circonstance, pour un homme, d’avoir eu ou d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme n’est pas, en soi et à elle seule, constitutive d’un comportement sexuel exposant au risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang.

2.      Sur la marge d’appréciation laissée aux États membres par la directive 2004/33 et la possibilité reconnue à ces derniers de maintenir ou d’introduire des mesures de protection plus strictes

a)      Le respect des dispositions du traité comme limite à l’exercice des compétences nationales

38.      Comme je l’ai déjà souligné, la directive 2002/98, dont la directive 2004/33 a fixé les exigences techniques, a été adoptée sur la base juridique de l’article 152, paragraphe 4, sous a), CE, qui prévoyait les conditions dans lesquelles le Conseil pouvait contribuer à la réalisation de certains objectifs, et plus particulièrement celui d’adopter des «mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité […] du sang et des dérivés du sang». Le littera a) dudit article précisait encore que «ces mesures ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d’établir des mesures de protection plus strictes» (43). L’article 152, paragraphe 5, CE affirmait que l’action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respectait pleinement les responsabilités des États membres et, notamment, que «les mesures visées au paragraphe 4, point a), ne port[aient] pas atteinte aux dispositions nationales relatives aux dons […] de sang» (44).

39.      S’il faut déduire de ce qui précède que l’action de la Communauté hier, et de l’Union aujourd’hui, ne peut prendre la forme que de mesures d’accompagnement, d’encouragement ou de coordination, mais certainement pas d’harmonisation, la Cour n’a jamais interprété ces dispositions en ce sens que les mesures nationales échappent à tout contrôle de leur compatibilité avec le droit de l’Union.

40.      Ainsi, en matière de sécurité sociale, la Cour a jugé que, «[c]ertes, il est constant que le droit de l’Union ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et que, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale […]. Il y a lieu, également, de relever que, aux termes de l’article 152, paragraphe 5, CE, l’action de l’Union dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des États membres en matière d’organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux. Il demeure toutefois que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent respecter le droit de l’Union, notamment les dispositions relatives à la libre prestation des services […]. Ainsi, la Cour a jugé que l’article 152, paragraphe 5, CE n’exclut pas que les États membres soient tenus, au titre d’autres dispositions du traité […] d’apporter des adaptations à leur système de sécurité sociale, sans pour autant que l’on puisse considérer qu’il y aurait de ce fait une atteinte à leur compétence souveraine en la matière» (45).

41.      Mutatis mutandis, la Cour devrait également juger que soumettre l’exercice des autres compétences nationales visées par l’article 152, paragraphe 5, CE au respect des dispositions du traité ne porte pas atteinte à leur compétence souveraine en la matière. La précision finale contenue audit article, qui vise spécifiquement le don du sang, n’apparaît pas devoir s’y opposer.

42.      Ainsi, face à une législation nationale visant à s’assurer du caractère volontaire et non rémunéré du don, et apparaissant comme plus protectrice par rapport aux prescriptions de la directive 2002/98 (46), la Cour n’a pas refréné son contrôle au motif que la législation nationale relevait du champ d’application de l’article 152, paragraphe 5, CE. Elle a, au contraire, soumis ladite législation à un test de compatibilité avec d’autres dispositions du traité, en l’occurrence celles consacrées à la libre circulation des marchandises. Plus encore, elle a conclu que l’article 28 CE, lu en combinaison avec l’article 30 CE, s’opposait à la réglementation nationale selon laquelle l’importation de sang ou de composants sanguins en provenance d’un autre État membre n’était licite qu’à la condition, également applicable aux produits nationaux, que les dons de sang à la base de ces produits aient été effectués sans que les donneurs aient bénéficié d’une rémunération et sans que ces derniers aient obtenu un remboursement des frais qu’ils ont exposés pour effectuer ces dons (47).

43.      Je note, enfin, que le fait que le respect des dispositions du traité constitue la limite naturelle à l’exercice des compétences nationales est confirmé par l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2002/98, aux termes duquel «[l]a présente directive n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’introduire sur son territoire des mesures de protection plus strictes, dans le respect des dispositions du traité» (48) et n’est contesté ni par le gouvernement français (49) ni par la Commission (50).

b)      L’arrêté ministériel comporte une discrimination indirecte fondée sur la double combinaison du sexe et de l’orientation sexuelle

44.      Puisque la liberté des États membres s’arrête dès que le respect du droit primaire de l’Union est menacé, je me bornerai à observer, à cet égard, que l’arrêté ministériel, en excluant de manière définitive tout homme ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un autre homme, introduit, dans le système de sélection des donneurs, une évidente discrimination indirecte (51) consistant en la combinaison d’un traitement différencié en raison du sexe – le critère en question ne visant que les hommes – et de l’orientation sexuelle – le critère en question ne visant quasi exclusivement que les hommes homosexuels et bisexuels.

45.      Bien que la recommandation R(95)14 ait rappelé l’importance de mettre en place une sélection appropriée des donneurs évitant toute possibilité de discrimination, la résolution CM/Res(2013)3, précitée, a reconnu que l’exclusion de la population HSH, c’est-à-dire d’une catégorie entière de la population, avait cours, faute de pouvoir affiner les données statistiques disponibles en fonction des prises de risque individuelles. Or, précisément, les statistiques opposent régulièrement la population HSH à la population hétérosexuelle: c’est bien que l’expression HSH est, dans l’esprit tant commun que scientifique, devenue synonyme d’«homosexuel» ou de «bisexuel» (52). La communauté masculine homosexuelle et bisexuelle est exclue du don du sang, et ce de manière définitive: elle fait donc l’objet d’une discrimination. Or, l’Union entend lutter contre les discriminations fondées sur le sexe et l’orientation sexuelle, comme en attestent tant l’ancien article 13 CE que l’actuel article 19 TFUE et l’article 21 de la Charte (53).

46.      On pourrait certes objecter que tout mécanisme de sélection est, par nature, discriminatoire. Néanmoins, il importe de s’assurer que de telles différences de traitement apparaissent bien justifiées et proportionnées.

c)      La différence de traitement est-elle justifiée et proportionnée?

47.      La Cour a itérativement jugé que «la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité» (54). L’arrêté ministériel qui entraîne l’exclusion totale et permanente de la population HSH du don du sang constituant une mesure de protection plus stricte, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2002/98, il est incontestable qu’elle poursuit un objectif légitime, celui de réduire au maximum les risques de contamination pour les receveurs et de contribuer ainsi à l’objectif général d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, rappelé aujourd’hui tant à l’article 168, paragraphe 1, TFUE qu’à l’article 35 de la Charte.

48.      Si la réglementation en cause au principal poursuit bien un objectif légitime, il reste à vérifier qu’elle respecte, par ailleurs, le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle soit appropriée et nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (55).

49.      Premièrement, l’exclusion permanente de la population HSH tend effectivement à la réalisation de l’objectif légitime poursuivi.

50.      Deuxièmement, quant aux inconvénients causés, au regard des enjeux en présence, ils devraient être considérés comme relativement supportables, le sentiment d’exclusion pour des raisons tenant à sa vie privée devant être mis en balance avec l’intérêt supérieur de la protection de la santé des receveurs. En outre, je peux concevoir que le rejet d’un geste de générosité et de solidarité désintéressées, comme l’est le don du sang, puisse provoquer une réaction d’incompréhension dans le chef des personnes auxquelles le refus est opposé, mais force est de reconnaître que le don du sang n’est, en soi, pas un droit, que son universalité n’a jamais été reconnue, puisque les donneurs font l’objet d’une sélection et doivent, à cet égard, satisfaire à un certain nombre de conditions, et que, en tout état de cause, le dernier mot appartient strictement aux autorités médicales qui, seules, endossent la pleine responsabilité immédiate de leurs décisions (56).

51.      Troisièmement, dans le contexte de la santé publique, le contrôle du respect du principe de proportionnalité exige «de tenir compte du fait que l’État membre peut décider du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique et de la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il y a lieu de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation» (57). En conséquence, le fait qu’un État membre impose des règles moins strictes que celles applicables dans un autre État membre ne signifie pas que ces dernières sont disproportionnées (58).

52.      Concrètement, cela signifie que le fait que l’Espagne, l’Italie, la Slovaquie, la Finlande et le Royaume-Uni n’excluent ni systématiquement ni définitivement la population HSH du don du sang (59) ne doit pas être pris en compte au moment de décider si une mesure moins attentatoire au principe de l’égalité de traitement, mais capable d’atteindre le même résultat, pourrait être adoptée par le gouvernement français. Cela est d’autant plus vrai que le niveau de risque n’est pas uniforme entre les États membres, puisque leur situation épidémiologique, notamment à l’égard de l’infection par le VIH, est très disparate et qu’il est constant que la France présente un taux de prévalence du VIH dans la population HSH particulièrement élevé (60).

53.      Toutefois, pour déterminer si l’exclusion permanente contenue dans l’arrêté ministériel ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire, la juridiction de renvoi devra procéder à un certain nombre de vérifications que l’état du dossier soumis à la Cour ne permet pas à cette dernière de mener.

54.      Ainsi, il faut, en premier lieu, tenir compte de la situation épidémiologique propre à la France en s’assurant que les données statistiques fournies sont récentes (61), représentatives et fiables.

55.      En deuxième lieu, un certain nombre d’éléments relevant de la technique sanitaire devront être vérifiés.

56.      L’argumentation du gouvernement français s’est quasi exclusivement focalisée sur le risque de contracter le VIH auquel est exposée la population HSH. Si l’exclusion permanente est essentiellement justifiée par le risque qu’encourrait le receveur en raison de la «fenêtre silencieuse», je relève que le gouvernement français a indiqué que la période la plus longue – celle qui concerne le virus VIH 2 – est estimée à 22 jours. Or, sauf erreur de ma part, le délai maximal de conservation du sang est de 45 jours environ. La mise en quarantaine systématique des dons émanant de la population HSH pendant une telle période avant qu’ils soient testés pourrait être objectivement une solution permettant de réaliser au mieux l’objectif poursuivi.

57.      La juridiction de renvoi devrait ainsi s’interroger sur le fait de savoir si une telle quarantaine serait économiquement tolérable et scientifiquement réalisable pour tout ou partie des composants sanguins. Elle devrait notamment vérifier que cela ne nuit pas au bon fonctionnement de la chaîne transfusionnelle. Pour ce faire, elle pourrait, par exemple, s’appuyer sur les conclusions du rapport sur la filière du sang remis en 2013 à la ministre des Affaires sociales et de la Santé par M. Olivier Véran, député français (ci-après le «rapport Véran»), aux termes duquel «les experts s’accordent à dire que la mise en quarantaine systématique du plasma, associée au dépistage virologique, permettrait de neutraliser tout risque de transmission virale» (62). En termes de protection de la santé des receveurs, une telle solution apparaît optimale: d’une part, elle permet de surmonter les problèmes liés au sentiment de discrimination que pourraient éprouver les membres de la population HSH – sentiment qui pourrait les pousser à ne pas répondre sincèrement au questionnaire – et, d’autre part, elle soumet tous les dons à un même traitement, en laissant s’écouler la période pendant laquelle le virus n’est pas détectable avant de le tester, de sorte que l’on se rapproche considérablement du risque zéro. Je relève que les observations du gouvernement français, pourtant postérieures à la remise de ce rapport, ne font pas mention de ce dernier.

58.      En outre, il existe un certain doute quant au caractère cohérent de l’exclusion permanente. En application de la contre-indication permanente fixée par l’arrêté ministériel et par une lecture combinée de ce dernier avec le questionnaire susvisé (63), le fait pour un homme d’avoir eu, au moins une fois dans sa vie – fût-ce il y a dix ans – un rapport sexuel avec un autre homme entraîne son exclusion définitive du don du sang. Il faut en déduire que le caractère actuel du comportement à risque est indifférent, alors que, puisque tous les dons du sang sont testés pour ce qui concerne le VIH, c’est, en fait, la fenêtre silencieuse qui constitue la période la plus critique et qui expose les receveurs au risque le plus élevé (64). Or, à nouveau, si la motivation principale est celle de la fenêtre silencieuse, l’on pourrait imaginer qu’une exclusion temporaire, fixée en fonction de la date du dernier rapport, s’avère plus appropriée.

59.      Dans le même ordre d’idées, l’on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles il n’existe pas de contre-indication spécifique visant une femme dont le partenaire appartiendrait à la population HSH. Par ailleurs, une personne dont le partenaire est séropositif fait l’objet d’une contre-indication temporaire de quatre mois. D’un côté, on peut imaginer qu’une vigilance accrue est exercée au sein d’un tel couple, mais, d’un autre côté, l’on pourrait également considérer que, dans un tel cas, l’exposition au risque est réelle, alors que pour la population HSH, sans examen individuel des pratiques suivies, elle apparaît moins certaine. Il faut également mettre en perspective l’hypothèse de l’homme qui a eu, une fois dans sa vie ou occasionnellement, un rapport homosexuel protégé – exclu définitivement – avec celle d’une personne hétérosexuelle qui entretient régulièrement des rapports non protégés, mais qui ne sera pourtant frappée que d’une contre-indication temporaire: est-ce que la seule appartenance à la population HSH est de nature à justifier, dans un tel cas, une exclusion définitive?

60.      Pour en revenir aux statistiques, je relève qu’en 2011, 2 400 personnes issues de la population HSH ont découvert leur séropositivité. Pour la même année, 3 500 personnes ont été contaminées par rapports hétérosexuels, dont 2 400 personnes hétérosexuelles nées à l’étranger (65). La juridiction de renvoi devrait chercher à éclaircir les raisons pour lesquelles cette catégorie de donneurs ne fait l’objet d’aucune contre-indication aux termes de l’arrêté ministériel en cause dans le cadre du litige au principal (66).

61.      Enfin, et peut-être surtout, le questionnaire pourrait être remanié de sorte qu’il puisse servir à l’identification des comportements à risque dans la population HSH, comme il le fait, semble-t-il de manière satisfaisante, pour le reste de la population des donneurs. Des questions plus ciblées – concernant le délai depuis le dernier rapport, le nombre de partenaires, la nature des rapports, le caractère protégé des rapports, la fréquentation des lieux nocturnes – permettraient non plus d’identifier une orientation sexuelle, mais, au contraire, d’évaluer le niveau de risque que présente individuellement chaque donneur en raison de son propre comportement sexuel (67).

62.      Il résulte de ce qui précède qu’il appartient à la juridiction de renvoi de s’assurer que, en excluant de manière permanente du don du sang les hommes ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un homme, le gouvernement français a exercé la marge d’appréciation qui est traditionnellement reconnue aux États membres dans le domaine de la protection de la santé publique d’une manière qui soit conforme aux exigences du principe de non-discrimination en raison de l’orientation sexuelle, et plus particulièrement du principe de proportionnalité. En contrôlant que la mesure d’exclusion définitive ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l’objectif légitime de la protection de la santé des receveurs, il lui appartient, notamment, de s’assurer, premièrement, que la situation épidémiologique propre à la France, telle que celle présentée à la Cour, repose sur des statistiques fiables, représentatives et récentes, et, deuxièmement, que, en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible, sans soumettre la chaîne transfusionnelle à des contraintes excessives, de prévoir des mesures de mise en quarantaine des dons dans l’attente de l’expiration de la fenêtre silencieuse. Enfin, il lui appartient également de rechercher les éventuelles raisons pour lesquelles l’évaluation de la prise de risque individuelle, au travers d’un questionnaire éventuellement remanié et d’un entretien individuel mené par le personnel médical visant à identifier si le candidat au don a un comportement sexuel dit «à risque», alors qu’elle est possible pour le reste de la population, se révélerait impropre à assurer de manière satisfaisante la protection des receveurs en ce qui concerne les dons provenant d’hommes ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un homme.

V –    Conclusion

63.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit à la question posée par le tribunal administratif de Strasbourg:

Le point 2.1 de l’annexe III de la directive 2004/33/CE de la Commission, du 22 mars 2004, portant application de la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certaines exigences techniques relatives au sang et aux composants sanguins, doit être interprété en ce sens que la seule circonstance, pour un homme, d’avoir eu ou d’avoir actuellement des rapports sexuels avec un homme n’est pas, en soi et à elle seule, constitutive d’un comportement sexuel exposant au risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang.

Il appartient à la juridiction de renvoi de s’assurer que, en excluant de manière permanente du don du sang les hommes ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un homme, le gouvernement français a exercé la marge d’appréciation qui est traditionnellement reconnue aux États membres dans le domaine de la protection de la santé publique d’une manière qui soit conforme aux exigences du principe de non‑discrimination en raison de l’orientation sexuelle, et plus particulièrement du principe de proportionnalité.

En contrôlant que la mesure d’exclusion définitive ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l’objectif légitime de la protection de la santé des receveurs, il lui appartient, notamment, de s’assurer, premièrement, que la situation épidémiologique propre à la France, telle que celle présentée à la Cour, repose sur des statistiques fiables, représentatives et récentes, et, deuxièmement, que, en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible, sans soumettre la chaîne transfusionnelle à des contraintes excessives, de prévoir des mesures de mise en quarantaine des dons dans l’attente de l’expiration de la fenêtre silencieuse. Enfin, il lui appartient également de rechercher les éventuelles raisons pour lesquelles l’évaluation de la prise de risque individuelle, au travers d’un questionnaire éventuellement remanié et d’un entretien individuel mené par le personnel médical visant à identifier si le candidat au don a un comportement sexuel dit ‘à risque’, alors qu’elle est possible pour le reste de la population, se révélerait impropre à assurer de manière satisfaisante la protection des receveurs en ce qui concerne les dons provenant d’hommes ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un homme.


1 –      Langue originale: le français.


2 – JO 2003, L 33, p. 30.


3 – Considérant 3 de la directive 2002/98.


4 – Considérant 3 de la directive 2002/98.


5 – Article 1er de la directive 2002/98.


6 – Articles 5 et 8 de la directive 2002/98.


7 – Respectivement articles 14, 20 et 21 et annexe IV de la directive 2002/98.


8 – JO L 91, p. 25.


9 – Voir article 29 de la directive 2002/98.


10 – C’est-à-dire des dons destinés à d’autres individus et non à soi-même, seule hypothèse qui nous intéresse dans le cadre de la présente affaire (voir point 2 de l’annexe I de la directive 2004/33).


11 – JORF du 18 janvier 2009, p. 1067.


12 – Le questionnaire peut être consulté à partir de l’adresse suivante: http://www.dondusang.net/content/medias/media1832_giCQxWpZDhBErjG.pdf?finalFileName=Questionnaire_pr %E9-don_pour_la_m %E9tropole.pdf.


13 – La partie B de l’annexe II de la directive 2004/33 est consacrée aux informations que les établissements de transfusion sanguine doivent obtenir des donneurs à l’occasion de chaque don.


14 – L’acronyme HSH est l’équivalent français de l’expression anglaise «men having sex with men» (MSM) développée dans les années 1990 par des épidémiologistes pour décrire des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, indépendamment de leurs rapports sexuels éventuels avec des femmes ou de leur identité bisexuelle ou gay sur le plan personnel ou social (Source: Guide de terminologie de l’ONUSIDA, version révisée, octobre 2011, p. 19).


15 – Considérant 24 de la directive 2002/98.


16 – Avec la soumission de chaque don à des tests et à un traitement de viro-atténuation.


17 – Le gouvernement français mentionne ici l’article 168, paragraphe 7, TFUE.


18 – C’est-à-dire la prévalence, traditionnellement définie comme désignant la proportion d’individus qui vivent avec le VIH dans une population, à un instant donné (Source: Guide de terminologie de l’ONUSIDA, p. 23).


19 – C’est-à-dire le nombre de nouvelles personnes qui ont été infectées par le VIH au cours d’une période donnée dans une population donnée (Source: Guide de terminologie de l’ONUSIDA, p. 16).


20 – Résolution CM/Res(2013)3 adoptée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe, le 27 mars 2013, relative aux comportements sexuels chez les donneurs de sang ayant un impact sur la sécurité transfusionnelle.


21 – Le gouvernement français s’appuie sur ce point sur la résolution CM/Res(2013)3, précitée.


22 – Comme le fait d’avoir des rapports sexuels non protégés avec un partenaire occasionnel ou un nouveau partenaire depuis moins de deux mois, d’avoir des rapports sexuels avec plus d’un partenaire dans les quatre derniers mois ou d’avoir des rapports sexuels avec un partenaire qui, lui-même, a eu plus d’un partenaire dans les quatre derniers mois.


23 – Italique ajouté par mes soins.


24 – Voir, par exemple, les versions en langues italienne, grecque, anglaise et portugaise.


25 – Voir, par exemple, les versions en langues espagnole et allemande.


26 – Il existe une même imprécision en ce qui concerne le libellé du point 2.2.2 de l’annexe III de la directive 2004/33. Si la version française vise le comportement sexuel ou l’activité professionnelle, les versions espagnole et italienne se bornent à évoquer le comportement ou l’activité sexuelle, alors que la version portugaise ne parle que du comportement ou de l’activité, sans préciser leur nature, pour ne parler que de ces versions linguistiques de la directive 2004/33.


27 – Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêts Haasová (C‑22/12, EU:C:2013:692, point 48 et jurisprudence citée) et Drozdovs (C‑277/12, EU:C:2013:685, point 39 et jurisprudence citée).


28 – On citera, par exemple, la recommandation no R(95) 14 du comité des ministres du Conseil de l’Europe, du 12 octobre 1995, sur la protection de la santé des donneurs et des receveurs dans le cadre de la transfusion sanguine.


29 – Voir considérant 3 de la directive 2002/98. Pour les actions non contraignantes entreprises par les institutions, voir considérants 6 à 9 de ladite directive.


30 – Voir considérants 1, 3, 5 et article 1er de la directive 2002/98.


31 – Considérants 1 et 2 de la directive 2002/98.


32 – Considérant 24 de la directive 2002/98.


33 – Considérants 3 et 6 de la directive 2002/98.


34 – Voir, notamment, considérants 2 et 4 et articles 4 et 6 de la directive 2004/33.


35 – Considérant 1 de la directive 2004/33.


36 – Conformément au libellé du questionnaire.


37 – Voir annexe 1 de la résolution CM/Res(2013)3, précitée.


38 – Selon la définition donnée par Le petit Larousse illustré, édition 2011, Larousse, Paris.


39 – Voir définition de l’acronyme HSH à la note 16 des présentes conclusions ainsi que troisième considérant de la résolution CM/Res(2013)3, précitée.


40 – L’hypothèse, avancée par la Commission dans ses observations écrites, d’une partie de la population masculine homosexuelle ou bisexuelle totalement abstinente, et donc admissible au don, m’apparaît somme toute assez marginale pour ne pas en tenir compte dans les présents développements.


41 – Voir réponse de la Commission du 17 août 2011 à la question parlementaire avec demande de réponse écrite en date du 1er juillet 2011 (E-006484/2011).


42 – Ce cas était d’ailleurs envisagé par le Conseil de l’Union européenne dans sa recommandation du 29 juin 1998 concernant l’admissibilité des donneurs de sang et de plasma et le dépistage pratiqué sur les dons de sang dans la Communauté européenne (JO L 203, p. 14: voir, plus précisément, annexe II, point C, sous 1, de ladite recommandation] et par le comité des ministres du Conseil de l’Europe, notamment au troisième considérant de sa résolution CM/Res(2013)3, précitée.


43 – Actuel article 168, paragraphe 4, sous a), TFUE.


44 – D’un esprit identique, voir actuel article 168, paragraphe 7, TFUE.


45 – Arrêt Commission/Portugal (C‑255/09, EU:C:2011:695, points 47 à 49 et jurisprudence citée), italique ajouté par mes soins. La Cour a ainsi suivi l’avis de l’avocat général dans cette affaire, qui concluait sur ce point en considérant que «la République portugaise ne [pouvait] pas […] valablement se prévaloir de sa compétence propre en matière d’organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux sur son territoire pour s’exonérer des obligations que lui impos[ait] par ailleurs le droit primaire de l’Union» [voir point 64 des conclusions de l’avocat général Trstenjak (EU:C:2011:246)].


46 – Une telle mesure plus protectrice étant autorisée par l’article 4, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2002/98.


47 – Arrêt Humanplasma (C‑421/09, EU:C:2010:760, point 46).


48 – Italique ajouté par mes soins.


49 – Voir point 90 de ses observations écrites.


50 – Voir réponses de la Commission en date du 1er avril 2009 à la question parlementaire no E‑0910/2009 (qui fait référence au respect du principe de proportionnalité) et du 17 août 2011 à la question parlementaire no E‑006484/2011 [qui fait notamment référence à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») (JO 2007, C 303, p. 1)].


51 – À mon sens, on pourrait hésiter sur cette qualification. La Cour a, au moins par deux fois, conclu à l’existence d’une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle dans les affaires Maruko (C‑267/06, EU:C:2008:179) et Hay (C‑267/12, EU:C:2013:823). Dans le premier cas, il s’agissait, en substance, d’une législation nationale qui réservait le versement d’une pension de réversion aux seules personnes veuves, étant entendu que seule une personne mariée pouvait se prévaloir de cette qualité et alors que le mariage n’était lui-même pas ouvert aux personnes de même sexe. Dans le second cas, il s’agissait d’une convention collective qui prévoyait l’ouverture d’un droit à congés et au paiement d’une prime en cas de mariage, sans prévoir de droits correspondants dans l’hypothèse où les personnes concernées avaient conclu un partenariat civil, seule forme de partenariat ouverte aux personnes de même sexe. Toutefois, dans les deux cas, et contrairement à l’exclusion en cause au principal, le traitement moins favorable touchait toute la communauté homosexuelle, tant masculine que féminine.


52 – Outre les données fournies par le gouvernement français, voir également «VIH/sida en France: données de surveillance et études», Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 1er décembre 2012, no 46‑47, p. 523 (téléchargeable à partir de www.invs.sante.fr) ou encore le graphique de l’Institut français de veille sanitaire sur le nombre de découvertes de séropositivité VIH par mode de contamination et par pays de naissance pour les années 2003 à 2011 (disponible sur http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/VIH-sida-IST/Infection-a-VIH-et-sida/Donnees/Donnees-epidemiologiques-sur-l-infection-a-VIH-et-les-IST).


53 – Je note également que, dans ses conclusions rendues dans l’affaire Römer (C‑147/08, EU:C:2010:425) et au terme d’une analyse que je partage pleinement, l’avocat général Jääskinen avait invité la Cour à consacrer l’interdiction de discrimination en raison de l’orientation sexuelle comme un principe général du droit (voir points 122 et suiv.). Dans son arrêt (C‑147/08, EU:C:2011:286), la Cour avait toutefois pu répondre aux questions préjudicielles qui lui étaient posées sans avoir à prendre position sur ce point. Peut-être le moment est-il venu pour une telle prise de position, compte tenu du fait que l’arrêté en cause au principal a été adopté en janvier 2009, soit avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et donc avant que la Charte ait acquis valeur contraignante.


54 – Arrêt Müller Fleisch (C‑562/08, EU:C:2010:93, point 32 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt Humanplasma (EU:C:2010:760, point 32).


55 – Voir arrêt Müller Fleisch (EU:C:2010:93, point 43).


56 – Voir point 4.1 de la résolution CM/Res(2008)5 du comité des ministres du Conseil de l’Europe sur la responsabilité des donneurs et sur la limitation du don du sang et des composants sanguins, aux termes duquel il est recommandé de veiller à ce que les établissements du sang exercent la responsabilité ultime de la qualité du sang et à ce qu’ils «soient responsables de la décision finale d’accepter ou d’exclure les donneurs, sur la base d’une analyse du risque fondée sur des données épidémiologiques régulièrement mises à jour et en gardant à l’esprit le droit des receveurs à la protection de la santé et l’obligation en résultant de réduire le risque de transmission de maladies infectieuses. Ces droits et obligations ont priorité sur toute autre considération, y compris la volonté des individus de donner leur sang» (italique ajouté par mes soins).


57 – Arrêts Humanplasma (EU:C:2010:760, point 39) et Venturini e.a. (C‑159/12 à C‑161/12, EU:C:2013:791, point 59 et jurisprudence citée).


58 – Arrêts Müller Fleisch (EU:C:2010:93, point 45 et jurisprudence citée) et Humanplasma (EU:C:2010:760, point 40).


59 – L’Espagne et l’Italie prévoient seulement une exclusion temporaire en cas de multipartenariat ou de changement de partenaire, quelle que soit la nature de la relation concernée (le changement de législation intervenu en cours de procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs permis à cette dernière d’éviter d’exercer un contrôle de la compatibilité avec la CEDH de l’exclusion des homosexuels du don du sang: voir Cour eur. D. H., arrêt Tosto/Italie du 15 octobre 2002, requête no 49821/99); la Slovaquie (selon ce qu’il ressort du libellé de la question parlementaire no E‑0910/09, du 17 février 2009) ainsi que, dernièrement, la Finlande et le Royaume-Uni, ont opté pour une exigence d’abstinence, chez les hommes ayant déclaré avoir eu un rapport sexuel avec un autre homme, de 12 mois.


60 – Si l’on s’en tient aux données fournies par le gouvernement français, lesquelles apparaissent confirmées par le rapport spécial «Thematic report: Men who have sex with men (MSM) – Monitoring implementation of the Dublin Declaration on Partnership to fight HIV/AIDS in Europe and Central Asia: 2012 progress» (voir spécialement p. 4, 5 et annexe 2) du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, institué par le règlement (CE) no 851/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004 (JO L 142, p. 1).


61 – Arrêt France/Commission (C‑601/11 P, EU:C:2013:465, point 136).


62 – Voir p. 35 dudit rapport.


63 – Voir point 9 des présentes conclusions.


64 – L’article 20 de la recommandation no R(95) 14 du comité des ministres du Conseil de l’Europe indique que «[l]’exclusion (temporaire ou définitive selon le cas) devrait être prononcée à l’égard des personnes appartenant aux catégories qui, par leurs antécédents médicaux ou leurs activités et comportements actuels, présentent un risque de transmission de maladies infectieuses» (italique ajouté par mes soins).


65 – Source: graphique de l’Institut français de veille sanitaire sur le nombre de découvertes de séropositivité VIH par mode de contamination et par pays de naissance pour les années 2003 à 2011, précité. Il s’agit essentiellement de personnes nées en Afrique subsaharienne (77 %) et de femmes (58 %).


66 – Il est clair que la population HSH étant numériquement bien inférieure à la population hétérosexuelle, le taux de contamination est proportionnellement plus élevé chez cette population, ce n’est pas ce que je souhaite mettre en discussion ici. Mais il est également indéniable que les personnes hétérosexuelles nées à l’étranger constituent, proportionnellement, une catégorie particulièrement exposée au risque de contracter le VIH, sans pour autant faire l’objet d’une mesure de précaution particulière à la lecture de l’arrêté ministériel.


67 – Je note, à cet égard, qu’il s’agit là aussi d’une recommandation présente dans le rapport Véran, précité: voir p. 36 dudit rapport.