Language of document : ECLI:EU:C:2014:2201

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 septembre 2014 (*)

Table des matières

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

Les conclusions des parties

Sur la recevabilité des pourvois incidents

Sur le fond

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, tiré d’une erreur de droit concernant la recevabilité de certaines annexes de la requête en première instance

L’arrêt attaqué

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, tiré d’une erreur de droit et/ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’appréciation de la question de savoir si MasterCard est une association d’entreprises

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

– Sur la recevabilité

– Sur le fond

Sur le premier moyen du pourvoi principal, tiré d’une erreur de droit et/ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’évaluation de la nécessité objective de la prétendue restriction de concurrence

L’arrêt attaqué

Sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur les deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi principal

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur le moyen unique du pourvoi incident de RBS et sur le premier moyen du pourvoi incident de LBG

L’arrêt attaqué

Argumentation des parties

– Sur le moyen unique du pourvoi incident de RBS

– Sur le premier moyen du pourvoi incident de LBG

Appréciation de la Cour

– Sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission

– Sur le fond du moyen unique du pourvoi incident de RBS et du premier moyen du pourvoi incident de LBG

Sur le second moyen du pourvoi incident de LBG

L’arrêt attaqué

Sur la première branche du second moyen du pourvoi incident de LBG

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la deuxième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la troisième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur les dépens

«Pourvoi – Pourvois incidents – Recevabilité – Article 81 CE – Système de paiement ouvert par cartes de débit, à débit différé et de crédit – Commissions multilatérales d’interchange par défaut – Association d’entreprises – Restrictions de la concurrence par effet – Critère de contrôle juridictionnel – Notion de ‘restriction accessoire’ – Caractère objectivement nécessaire et proportionné – ‘Hypothèses contrefactuelles’ appropriées – Systèmes bifaces – Traitement d’annexes de la requête en première instance»

Dans l’affaire C‑382/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 août 2012,

MasterCard Inc., établie à Wilmington (États-Unis),

MasterCard International Inc., établie à Wilmington,

MasterCard Europe SPRL, établie à Waterloo (Belgique),

représentées par Mes E. Barbier de la Serre, V. Brophy et B. Amory, avocats, ainsi que par M. T. Sharpe, QC,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et N. Khan, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Banco Santander SA, établie à Santander (Espagne),

Royal Bank of Scotland plc, établie à Édimbourg (Royaume-Uni), représentée par M. D. Liddell, solicitor, et M. M. Hoskins, barrister,

HSBC Bank plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. R. Thompson, QC,

Bank of Scotland plc, établie à Édimbourg,

Lloyds TSB Bank plc, établie à Londres,

représentées par MM. K. Fountoukakos-Kyriakakos et S. Wisking, solicitors, ainsi que par M. J. Flynn, QC,

MBNA Europe Bank Ltd, établie à Chester (Royaume-Uni), représentée par M. A. Davis, solicitor,

British Retail Consortium, établi à Londres, représenté par M. R. Marchini, advocate, et M. A. Robertson, barrister,

EuroCommerce AISBL, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me J. Stuyck, advocaat,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. M. Holt et Mme C. Murrell, en qualité d’agents, assistés de M. J. Turner, QC, et de M. J. Holmes, barrister,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juillet 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, MasterCard Inc. ainsi que ses filiales MasterCard International Inc. et MasterCard Europe SPRL demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne MasterCard e.a./Commission (T‑111/08, EU:T:2012:260, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2007) 6474 final de la Commission, du 19 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaires COMP/34.579 – MasterCard, COMP/36.518 – EuroCommerce, COMP/38.580 – Commercial Cards, ci-après la «décision litigieuse»), et, à titre subsidiaire, à l’annulation des articles 3 à 5 et 7 de cette décision.

2        Par leurs pourvois incidents respectifs, Royal Bank of Scotland plc (ci‑après «RBS»), d’une part, ainsi que Bank of Scotland plc (ci-après «BoS») et Lloyds TSB Bank plc (ci-après «LTSB»), ces deux dernières (ci-après, ensemble, «LBG») désormais sous le contrôle de Lloyds Banking Group plc et agissant de manière conjointe aux fins de la présente procédure, d’autre part, demandent l’annulation de l’arrêt attaqué ainsi que de la décision litigieuse.

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

3        Ainsi qu’il ressort en particulier des points 20, 24, 27, 35, 39 et 40 de l’arrêt attaqué, par la décision litigieuse, la Commission des Communautés européennes a notamment constaté, en substance, que la fixation des commissions multilatérales d’interchange du système de paiement opéré par l’organisation internationale de paiement dite «MasterCard» (ci-après «MasterCard») s’appliquant surtout à des paiements par carte bancaire transfrontaliers au sein de l’Espace économique européen (EEE) ou de la zone euro par défaut (ci-après les «CMI») constituait une décision d’association d’entreprises à l’origine d’une restriction de la concurrence entre les banques participantes fournissant aux commerçants des services permettant à ces derniers d’accepter des cartes de débit, à débit différé et de crédit MasterCard et/ou Maestro, que cette restriction était sensible, qu’elle affectait les échanges entre États membres, et que les requérantes n’avaient démontré à suffisance de droit ni que les CMI étaient objectivement nécessaires au fonctionnement du système MasterCard ni que les conditions d’exemption posées à l’article 81, paragraphe 3, CE ou à l’article 53, paragraphe 3, de l’accord sur l’espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), étaient satisfaites.

4        Il ressort du dossier, et en particulier du point 17 de l’arrêt attaqué, que, dans un système de paiement dit «ouvert», tel que le système MasterCard, les parties concernées par chaque achat par carte bancaire sont, outre le propriétaire du système de paiement, le titulaire de la carte, l’établissement financier émetteur de cette carte, qualifié de «banque d’émission», le commerçant et l’établissement financier fournissant à ce commerçant des services permettant à ce dernier d’accepter ladite carte comme moyen de règlement de la transaction concernée, qualifié de «banque d’acquisition».

5        Tels qu’ils ressortent des points 1 à 44 de l’arrêt attaqué, les antécédents et les éléments essentiels de la décision litigieuse aux fins du pourvoi principal et des pourvois incidents peuvent se résumer comme suit.

6        Les requérantes s’occupent de la gestion et de la coordination du système de paiements effectués par les cartes MasterCard et Maestro, ce qui inclut notamment la fixation des règles du système ainsi que la fourniture des services d’autorisation et de compensation aux établissements financiers participants. L’émission des cartes MasterCard et Maestro ainsi que la conclusion d’accords d’affiliation avec des commerçants pour leur acceptation relèvent de ces établissements financiers.

7        Antérieurement au 25 mai 2006, l’ensemble de la propriété de MasterCard et les droits de vote correspondants appartenaient aux établissements financiers participants. À cette date, MasterCard Inc. a fait l’objet d’une introduction à la Bourse de New-York (États-Unis) moyennant un «initial public offering» (ci-après l’«IPO»), qui a modifié la structure et la gouvernance de MasterCard.

8        Les 30 mars 1992 et 27 juin 1997, la Commission a été saisie de plaintes, respectivement, par British Retail Consortium (ci-après «BRC») et par EuroCommerce AISBL (ci-après «EuroCommerce») à l’encontre, notamment, d’Europay International SA (ci-après «Europay»), devenue MasterCard Europe SPRL.

9        Europay a effectué des notifications à la Commission portant sur l’ensemble de son système de paiement.

10      Le 13 avril 2002, la Commission a publié une communication, conformément à l’article 19, paragraphe 3, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dans laquelle elle annonçait son intention d’adopter une position favorable à l’égard de certaines des règles du système d’Europay, au nombre desquelles ne figuraient pas celles relatives aux commissions d’interchange par défaut.

11      Par la décision litigieuse, la Commission a constaté que les requérantes avaient enfreint les articles 81 CE et 53 de l’accord sur l’espace économique européen. Cette décision contient notamment les considérations exposées ci-après:

–        Les commissions d’interchange concernent les relations entre banques d’émission et d’acquisition à l’occasion du règlement des transactions par carte et correspondent à une somme déduite au profit de la banque d’émission. Ces commissions doivent être distinguées des frais facturés par la banque d’acquisition aux commerçants (merchant service charges, ci-après les «MSC»). La décision litigieuse porte uniquement sur les CMI, et non sur les commissions d’interchange fixées bilatéralement entre banques d’émission et d’acquisition ou les commissions d’interchange fixées collectivement au niveau national.

–        Il y a lieu de distinguer trois marchés de produits distincts dans le domaine des systèmes de cartes bancaires ouverts, tout d’abord, le «marché intersystèmes», au sein duquel les différents systèmes de cartes se font concurrence, ensuite, le «marché de l’émission», au sein duquel les banques d’émission se font concurrence pour la clientèle des titulaires de cartes, et, enfin, le «marché de l’acquisition», dans lequel les banques d’acquisition se font concurrence pour la clientèle des commerçants. Le marché pertinent aux fins de la décision litigieuse est constitué des marchés nationaux de l’acquisition dans les États membres de l’EEE.

–        Les décisions des requérantes relatives à la fixation des CMI constituent des décisions d’une association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, et cela en dépit des modifications de structure et de gouvernance de MasterCard apportées par l’IPO.

–        Les CMI ont pour effet de gonfler la base des MSC, alors que ceux-ci pourraient être d’un niveau inférieur en l’absence de CMI et s’il existait une interdiction de la tarification unilatérale a posteriori des transactions par les banques d’émission, c’est-à-dire une règle interdisant aux banques d’émission et d’acquisition de définir le montant des commissions d’interchange après qu’un achat a été fait par l’un des titulaires de cartes de la banque d’émission auprès de l’un des commerçants de la banque d’acquisition, et que la transaction a été soumise pour règlement (ci-après l’«interdiction des tarifications ‘ex post’»). Les CMI sont donc à l’origine d’une restriction de la concurrence par les prix entre les banques d’acquisition au détriment des commerçants et de leurs clients.

–        Les CMI ne sauraient être considérées comme des «restrictions accessoires» en ce qu’elles ne revêtent pas un caractère objectivement nécessaire au fonctionnement d’un système de cartes de paiement ouvert. Celui-ci pourrait fonctionner sur la seule base d’une rémunération des banques d’émission par les titulaires de cartes, des banques d’acquisition par les commerçants et du propriétaire du système par les commissions versées par les banques d’émission et d’acquisition. Contrairement aux restrictions nécessaires à la mise en œuvre d’une opération principale, les restrictions seulement souhaitables pour le succès commercial de ladite opération ou présentant des gains d’efficacité ne peuvent être examinées que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

–        S’agissant de l’incidence de l’exigence, dans le cadre du système MasterCard, d’accepter toutes les cartes Maestro ou MasterCard quelle que soit la banque d’émission (ci-après la «Honour All Cards Rule»), la suppression des CMI ne signifierait pas la possibilité pour les banques d’émission de fixer librement et unilatéralement les commissions d’interchange, dès lors que ce risque pourrait être évité par une règle ayant des effets moins restrictifs sur la concurrence, telle l’interdiction des tarifications «ex post».

–        En ce qui concerne l’article 81, paragraphe 3, CE, les arguments économiques avancés par les requérantes, tirés du rôle des CMI dans l’équilibrage du système MasterCard et la maximisation de celui-ci, ne sont pas suffisants pour démontrer qu’elles sont à l’origine d’avantages objectifs. Les requérantes n’ont notamment pas apporté de preuves démontrant que d’éventuels avantages objectifs compenseraient les inconvénients des CMI pour les commerçants et leurs clients.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2008, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, à celle des articles 3 à 5 et 7 de celle-ci.

13      À l’appui de leur recours, ainsi qu’il ressort du point 73 de l’arrêt attaqué, les requérantes ont avancé quatre moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE du fait d’erreurs dans l’analyse des effets des CMI sur la concurrence, deuxièmement, d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE, troisièmement, d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE du fait de la qualification erronée de décisions d’une association d’entreprises appliquées aux CMI et, quatrièmement, de l’existence de vices entachant la procédure administrative ainsi que d’erreurs factuelles.

14      Dans leurs interventions devant le Tribunal, BRC, EuroCommerce ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont conclu au rejet du recours des requérantes, tandis que Banco Santander SA, RBS, HSBC Bank plc (ci-après «HSBC»), BoS, LTSB et MBNA Europe Bank Ltd (ci-après «MBNA») ont notamment conclu à l’annulation de la décision litigieuse.

15      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours des requérantes en jugeant, pour l’essentiel, qu’elles n’avaient pas établi que la décision litigieuse était entachée d’erreur de droit ou d’erreur manifeste d’appréciation.

 Les conclusions des parties

16      Les requérantes demandent à la Cour, en substance:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens afférents aux deux instances.

17      RBS, HSBC, LBG et MBNA ont soumis des mémoires en réponse au soutien du pourvoi, tandis que BRC, EuroCommerce et le Royaume-Uni soutiennent la Commission en ce qu’elle conclut, pour l’essentiel, au rejet du pourvoi et, à titre subsidiaire, au rejet du recours en annulation formé contre la décision litigieuse.

18      Les conclusions des pourvois incidents de RBS et de LBG sont, en substance, les mêmes que celles du pourvoi principal.

19      Les requérantes soutiennent les conclusions des pourvois incidents, tandis que la Commission, soutenue par BRC, conclut au rejet de ceux‑ci.

 Sur la recevabilité des pourvois incidents

20      La Commission excipe de l’irrecevabilité des pourvois incidents formés, respectivement, par RBS et LBG, en raison du fait qu’ils figurent, chacun, dans le même acte que le mémoire en réponse déposé par les parties concernées au pourvoi principal.

21      Ainsi que le fait observer la Commission, l’article 176, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, entré en vigueur le 1er novembre 2012, prévoit que le «pourvoi incident doit être formé par acte séparé, distinct du mémoire en réponse».

22      Toutefois, il y a lieu de relever que les versions électroniques des pourvois incidents formés, respectivement, par RBS et par LBG sont parvenues au greffe de la Cour le 31 octobre 2012, suivies par le dépôt des originaux respectifs deux jours et cinq jours plus tard.

23      Par conséquent, que soit appliqué l’article 57, paragraphe 7, du règlement de procédure en vigueur à partir du 1er novembre 2012 ou bien l’article 37, paragraphe 6, du règlement de procédure en vigueur jusqu’à cette date, il n’en demeure pas moins que les pourvois incidents ont été valablement introduits le 31 octobre 2012.

24      Or, le règlement de procédure en vigueur à cette dernière date ne contient pas de disposition équivalente audit article 176, paragraphe 2, invoqué par la Commission. Dès lors, les pourvois incidents ne sauraient être considérés comme étant irrecevables en tant qu’ils ont été présentés dans le cadre de mémoires en réponse au pourvoi principal.

25      Les exceptions d’irrecevabilité plus ponctuelles soulevées par la Commission seront examinées dans le cadre des moyens concernés.

26      En ce qui concerne le pourvoi principal, dans la mesure où la Commission soutient, à titre liminaire, que ce pourvoi est, «pour l’essentiel», irrecevable, cette institution excipe, en réalité, de manière ponctuelle de l’irrecevabilité de certaines parties spécifiques de ce pourvoi, sans pourtant prétendre que celui-ci est irrecevable dans son intégralité. Il y a donc lieu d’aborder ces exceptions spécifiques dans le cadre de l’examen des moyens concernés.

 Sur le fond

27      Par leur pourvoi principal et leurs pourvois incidents, les requérantes ainsi que RBS et LBG reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit en jugeant, en substance:

–        que plusieurs annexes de la requête en première instance étaient irrecevables (troisième moyen du pourvoi principal);

–        que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que le système de paiement MasterCard constitue une «association d’entreprises», au sens de l’article 81 CE, en dépit des changements apportés par l’IPO (deuxième moyen du pourvoi principal);

–        que la décision litigieuse démontre à suffisance de droit que les CMI ont des effets restrictifs sur la concurrence (pourvoi incident de RBS et premier moyen de celui de LBG);

–        que les CMI ne peuvent être considérées comme étant objectivement nécessaires au fonctionnement du système MasterCard (premier moyen du pourvoi principal), et

–        que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que les requérantes n’avaient pas démontré que les CMI satisfont aux conditions posées à l’article 81, paragraphe 3, CE (second moyen du pourvoi incident de LBG).

28      Le premier moyen du pourvoi principal ainsi que le pourvoi incident de RBS et le premier moyen du pourvoi incident de LBG concernent le point de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en avalisant la conclusion de la décision litigieuse, selon laquelle la fixation des CMI relève du principe d’interdiction prévu à l’article 81, paragraphe 1, CE. Aux fins du traitement de ces moyens, il y aurait lieu d’aborder en premier lieu le troisième moyen du pourvoi principal. Dans la mesure où l’examen du premier moyen du pourvoi principal ainsi que du pourvoi incident de RBS et du premier moyen du pourvoi incident de LBG serait rendu superflu si le deuxième moyen du pourvoi principal était fondé, il convient d’aborder en deuxième lieu ce deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen du pourvoi principal, tiré d’une erreur de droit concernant la recevabilité de certaines annexes de la requête en première instance

 L’arrêt attaqué

29      En ce qui concerne le grief soulevé devant lui relatif à l’examen par la Commission des éléments de preuve économiques présentés par les requérantes au cours de la procédure ayant mené à l’adoption de la décision litigieuse, le Tribunal a relevé, au point 183 de l’arrêt attaqué, que les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas les avoir examinés ni y avoir répondu. Le Tribunal a constaté, au point 185 de l’arrêt attaqué, que ce grief «apparaît sous une forme particulièrement succincte dans la requête et que l’argumentation le soutenant se trouve, en réalité, développée dans les annexes A.13 [à] A.15, rédigées par les différents experts à l’origine des preuves économiques soumises au cours de la procédure administrative et auxquelles les requérantes procèdent à un renvoi global».

30      Aux termes des points 186 à 188 de l’arrêt attaqué:

«186      [...] aux points 52 à 54 de la requête, les requérantes se limitent à énoncer qu’elles ont fourni des arguments économiques substantiels au cours de la procédure administrative, non suivis ou déformés par la Commission, et que les ‘conclusions de [leurs] économistes’ appuient leur analyse juridique, selon laquelle la Commission a ‘eu notamment tort [d]e conclure que la redevance d’interchange [était] une limitation de concurrence[, d]e se concentrer sur l’impact de la redevance d’interchange (ou des différences dans son niveau) sur les MSC, sans examiner l’effet sur les frais des détenteurs de cartes[, e]n contestant que le mécanisme [devait] fixer un niveau de commission d’interchange qui maximise le volume des transactions et en ignorant que cela prom[ouvait] le bien-être du consommateur’.

187      Par conséquent, il y a lieu de constater que, si la requête présente l’énoncé du grief des requérantes, elle ne comprend pas d’argumentation de nature à l’étayer.

188      C’est, dès lors, à juste titre que la Commission fait valoir qu’il ne ressort pas du texte de la requête d’éléments suffisamment précis pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle et qu’elle prépare sa défense.»

31      Dans le cadre de la première branche du quatrième moyen de la requête en première instance, figurant aux points 111 à 130 de cette dernière et tirée d’une violation des droits de la défense des requérantes, celles-ci ont notamment reproché à la Commission un «manque de clarté de la lettre d’exposition des faits» que la Commission leur avait adressée le 23 mars 2007, postérieurement à l’audition des 14 et 15 novembre 2006. À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 278 de l’arrêt attaqué, que «l’argumentation des requérantes n’apparaît que sous une forme particulièrement succincte dans leur requête». Au point 280 dudit arrêt, le Tribunal a considéré que, les requérantes s’étant limitées à procéder à un renvoi global à l’annexe A.20 de la requête en première instance, il ne saurait être tenu compte de cette annexe.

32      Aux points 189 et 282 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme irrecevables les griefs tirés, respectivement, de l’examen par la Commission des éléments de preuve économiques présentés par les requérantes et d’un manque de clarté de la lettre d’exposition des faits.

 Argumentation des parties

33      Les requérantes font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en ce qui concerne la recevabilité de plusieurs annexes de la requête en première instance. Contrairement aux exigences de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il n’existe, selon les requérantes, aucune base légale permettant au Tribunal de limiter de cette manière le droit d’accès au juge.

34      À titre subsidiaire, même si le Tribunal disposait de tels pouvoirs, il aurait commis une erreur de droit en considérant que cette limitation devait s’appliquer en l’espèce. Le Tribunal, aux points 188 à 189 et 278 de l’arrêt attaqué, aurait également commis une erreur d’appréciation en considérant que l’énoncé de certains griefs des requérantes ne révélait pas d’éléments suffisamment précis pour que les annexes y afférentes puissent être considérées comme recevables. En effet, le Tribunal aurait dû conclure que les points 52 à 54 et 122 de la requête en première instance étaient suffisamment précis en ce qui concerne les griefs et les arguments invoqués et que les annexes A.13 à A.15 et A.20 de cette requête étaient, par conséquent, recevables. En outre, au point 219 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas statué sur la question de savoir si les annexes A.13 et A.14 de ladite requête devaient être rejetées malgré le fait qu’il a rejeté l’argument faisant référence à ces mêmes annexes aux points 185 à 189 de cet arrêt. À cet égard, les requérantes estiment en particulier que le fait qu’elles ont identifié, d’une part, les points spécifiques de ladite requête qu’elles souhaitaient compléter par les annexes et, d’autre part, les annexes correspondantes aurait dû être suffisant.

35      Dans ce contexte, les requérantes contestent également l’affirmation figurant au point 190 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en substance, en tant que leur grief pourrait être compris comme reprochant à la Commission de «ne pas avoir pris en compte des arguments économiques qui démontreraient les avantages résultant des CMI pour le système [de paiement] MasterCard, les détenteurs de cartes ou le consommateur en général, [ce grief] est dépourvu de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE».

36      Selon la Commission, l’argumentation des requérantes dans le cadre du troisième moyen du pourvoi principal n’est pas claire. D’une part, elles affirmeraient qu’il n’y a pas de base juridique justifiant la restriction imposée par le Tribunal et que leur droit d’accès au tribunal en serait entravé. D’autre part, elles soutiendraient que les arguments exposés dans les annexes de la requête en première instance étaient suffisamment résumés dans cette requête, ce qui constituerait une question factuelle irrecevable. Par ailleurs, les requérantes n’expliqueraient pas en quoi l’issue de l’arrêt attaqué aurait été différente si les annexes concernées avaient été prises en compte par le Tribunal.

37      RBS et HSBC ne prennent pas de position par rapport au troisième moyen du pourvoi principal. LBG et MBNA soutiennent ce moyen, sans y consacrer d’argument spécifique. BRC et EuroCommerce contestent brièvement ledit moyen. Sans soumettre d’argument particulier, le Royaume-Uni conclut à son rejet.

 Appréciation de la Cour

38      En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

39      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’«exposé sommaire des moyens», qui doit être indiqué dans toute requête, au sens de ces articles, signifie que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé (voir arrêts Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, EU:C:1961:30, 588, ainsi que Grifoni/CEEA, C‑330/88, EU:C:1991:95, point 18).

40      Ainsi, il est notamment nécessaire, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 94 à 100, ainsi que Versalis/Commission, C‑511/11 P, EU:C:2013:386, point 115).

41      En effet, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, l’exposé sommaire des moyens de la partie requérante doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la juridiction compétente de statuer sur le recours (voir, en ce sens, arrêt Grifoni/CEEA, EU:C:1991:95, point 18). Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, EU:C:2005:408, points 97 et 100). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen soulevé devant le Tribunal (voir arrêt Versalis/Commission, EU:C:2013:386, point 115).

42      Dans ces conditions, c’est à tort que les requérantes soutiennent qu’il n’existe pas de base légale sous-tendant l’approche suivie par le Tribunal au regard de la prise en compte du contenu des annexes soumises devant lui.

43      En ce qui concerne l’argumentation subsidiaire exposée au point 34 du présent arrêt, il convient d’emblée de relever que, ainsi qu’il résulte des points 189 et 282 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré irrecevables non pas les annexes en cause, ainsi que les requérantes le soutiennent, mais deux griefs qui, tout en étant énoncés dans la requête en première instance, n’étaient pas, selon l’appréciation faite par le Tribunal, assortis d’éléments suffisamment précis pour qu’il puisse exercer son contrôle et que la partie adverse puisse assurer sa défense. À cet égard, les requérantes font donc une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

44      C’est d’ailleurs en se fondant sur cette lecture erronée que ces dernières invoquent le fait que, au point 219 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, dans le cadre du deuxième moyen de la requête en première instance, n’a pas statué sur la question de savoir si les annexes A.13 et A.14 de cette requête devaient être écartées tout en rejetant l’argument faisant référence à ces mêmes annexes aux points 185 à 189 du même arrêt.

45      En outre, dans le cadre du présent pourvoi, les requérantes n’ont pas allégué, et d’autant moins établi, que le Tribunal, aux points 186 et 278 de l’arrêt attaqué, a dénaturé le contenu ou la portée des parties concernées de la requête en première instance pour conclure, ensuite, que celles-ci n’étaient pas suffisamment articulées pour pouvoir satisfaire aux prescriptions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal et qu’il ne saurait être tenu compte des annexes y afférentes.

46      En tant que, ainsi qu’il ressort du point 35 du présent arrêt, les requérantes critiquent le point 190 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rejeter leur argument comme inopérant, ledit point portant sur un motif surabondant de l’arrêt attaqué, ainsi que cela résulte notamment de l’emploi de l’expression introductive «[a]u surplus».

47      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen du pourvoi principal dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, tiré d’une erreur de droit et/ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’appréciation de la question de savoir si MasterCard est une association d’entreprises

48      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, au point 259 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé ce qui suit:

«Force est de constater que, au vu des deux éléments mentionnés ci‑dessus, à savoir le maintien d’un pouvoir décisionnel des banques postérieurement à l’IPO au sein de [MasterCard] et l’existence d’une communauté d’intérêts entre celle-ci et les banques sur la question des CMI, la Commission a pu valablement considérer, en substance, que, en dépit des changements apportés par [l’IPO], [MasterCard] avait continué à être une forme institutionnalisée de coordination du comportement des banques [participantes]. Par conséquent, c’est à bon droit qu’elle a maintenu la qualification de décisions d’une association d’entreprises à l’égard des décisions prises par les organes de [MasterCard] déterminant les CMI.»

 Argumentation des parties

49      Selon les requérantes, le Tribunal, en jugeant que MasterCard, en dépit des changements apportés par l’IPO à sa structure et à son mode de gouvernance, est une association d’entreprises lorsqu’elle prend des décisions relatives aux CMI, a commis une erreur de droit et/ou a entaché l’arrêt attaqué d’une insuffisance de motivation.

50      Tout d’abord, la prétendue communauté d’intérêts entre MasterCard et les banques participantes ainsi que le pouvoir décisionnel de ces banques postérieurement à l’IPO sur des questions autres que les CMI sont, selon les requérantes, insuffisants pour étayer le point de vue selon lequel MasterCard est une association d’entreprises lorsqu’elle prend des décisions relatives aux CMI. En effet, les requérantes soulignent qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une organisation ne saurait être qualifiée d’association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, lorsque, d’une part, elle n’est pas composée d’une majorité de représentants desdites entreprises et que, d’autre part, la législation nationale exige qu’elle poursuive des intérêts autres que ceux desdites entreprises lorsqu’elle prend ses décisions. Or, postérieurement à l’IPO, d’une part, le conseil d’administration de MasterCard aurait été composé d’une majorité significative de personnes n’ayant aucun lien avec une quelconque institution financière. D’autre part, MasterCard serait une entité commerciale distincte de sa clientèle bancaire, poursuivant son propre intérêt commercial et dirigée par son comité de direction qui serait légalement obligé d’agir conformément à ses devoirs fiduciaires envers les actionnaires de MasterCard.

51      Ensuite, postérieurement à l’IPO, le pouvoir décisionnel résiduel des banques participantes sur des questions autres que les CMI serait manifestement dépourvu de pertinence pour qualifier MasterCard d’association d’entreprises lorsqu’elle prend des décisions portant sur les CMI. Ainsi, même à supposer que, postérieurement à l’IPO, MasterCard puisse toujours être qualifiée d’association d’entreprises lorsqu’elle prend des décisions sur des sujets autres que les CMI, cette qualification serait sans incidence pour déterminer si tel est le cas lorsqu’elle prend des décisions relatives aux CMI. Les requérantes ajoutent que l’insuffisance du pouvoir décisionnel résiduel des banques participantes sur des questions autres que les CMI est confirmée par l’emploi du mot «semblait» au point 249 de l’arrêt attaqué, qui indique clairement que les éléments factuels n’étaient même pas suffisants pour étayer la thèse selon laquelle MasterCard est une association d’entreprises lorsqu’elle prend des décisions sur des sujets autres que les CMI.

52      La prétendue communauté d’intérêts entre MasterCard et les banques participantes s’agissant de la fixation ou du maintien de CMI élevées serait également dépourvue de pertinence et, en tout état de cause, insuffisante pour qualifier MasterCard d’association d’entreprises. L’arrêt Verband der Sachversicherer/Commission (45/85, EU:C:1987:34), cité au point 251 de l’arrêt attaqué, n’étayerait pas le point de vue selon lequel la communauté d’intérêts est un facteur pertinent pour évaluer l’existence d’une association d’entreprises. Même à supposer que la prétendue communauté d’intérêts entre ces banques et MasterCard soit un facteur pertinent pour déterminer si MasterCard est une association d’entreprises lorsqu’elle prend des décisions relatives aux CMI, ce facteur serait insuffisant pour parvenir à cette conclusion. En effet, d’une part, l’existence d’une association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE ne saurait être déduite du simple fait qu’une société cotée peut également prendre en compte l’intérêt de ses clients lorsqu’elle adopte ses décisions. D’autre part, de manière plus générale, déduire l’existence d’une association d’entreprises aux fins d’appliquer le droit de la concurrence du simple fait que deux ou plusieurs entreprises peuvent avoir un intérêt économique commun conduirait à des conséquences juridiques absurdes et indésirables, en particulier dans les marchés concentrés.

53      Enfin, les requérantes soutiennent que, même en vertu du critère d’une communauté d’intérêts, la thèse de la Commission ne saurait être maintenue. À cet effet, elles reprochent au Tribunal de s’être borné à affirmer que les acquéreurs répercutent normalement les CMI sur les commerçants et d’avoir ainsi omis d’examiner si l’affirmation de la Commission selon laquelle les banques d’acquisition ont un intérêt à des CMI élevées était étayée par une quelconque preuve.

54      La Commission fait valoir, en substance, que l’argumentation résumée aux points 50 à 52 du présent arrêt, exception faite de celle portant sur l’interprétation de l’arrêt Verband der Sachversicherer/Commission (EU:C:1987:34), tend à remettre en cause l’appréciation des faits par le Tribunal et est, dès lors, irrecevable. La Commission ajoute, dans le cadre de sa réponse sur le fond, que, en ce que le deuxième moyen du pourvoi principal tend à l’insuffisance de motivation, ce moyen est dépourvu d’argumentation.

55      Le Royaume-Uni soutient que l’argument mentionné au point 53 du présent arrêt est irrecevable en tant que cet argument se limite à remettre en cause l’appréciation des faits opérée en première instance.

56      Sur le fond, la Commission considère que, en application de la jurisprudence, MasterCard peut être qualifiée d’association d’entreprises à la suite de l’IPO et les CMI de décision d’une telle association. Sur ce point, elle fait notamment valoir que, selon les circonstances, le juge de l’Union a utilisé une multitude de critères non exhaustifs afin de statuer sur l’existence d’une association d’entreprises. En l’occurrence, les membres de MasterCard seraient exclusivement des banques d’émission et d’acquisition, qui auraient limité leur liberté commerciale en déléguant certaines décisions à leur organe commun, à savoir le conseil d’administration mondial de MasterCard ou ses représentants, qui fixerait le montant des CMI pour elles. Selon la Commission, la «distinction alambiquée opérée par MasterCard quant au rôle de la communauté d’intérêts» n’est pas fondée.

57      RBS, HSBC, LBG et MBNA souscrivent au deuxième moyen du pourvoi principal. HSBC considère notamment que les critères juridiques appliqués de manière constante par la Cour pour identifier une association d’entreprises, en particulier le fait que l’association est contrôlée par des représentants de ses membres et agit exclusivement dans leur intérêt, ne sont pas présents en l’espèce. LBG fait notamment valoir que le critère de la «communauté d’intérêts», utilisé à tort par le Tribunal, est bien plus large que celui de la «concordance de volontés» appliqué pour déterminer s’il existe un accord qui relève de l’article 81 CE, dès lors qu’il est satisfait même en l’absence de toute forme de collusion.

58      BRC, EuroCommerce et le Royaume-Uni contestent l’argumentation invoquée à l’appui du deuxième moyen du pourvoi principal. À cet égard, EuroCommerce soutient notamment que la décision de l’association d’entreprises que constituait MasterCard antérieurement à l’IPO est toujours en vigueur, de sorte que ni la Commission ni le Tribunal ne devraient examiner si, postérieurement à l’IPO, MasterCard constituait toujours une association d’entreprises. Le Royaume-Uni considère que ce moyen relève d’une approche excessivement formelle au regard des catégories d’actes tombant sous le coup de l’article 81 CE. Selon cet État membre, la condition essentielle de comportement coordonné est clairement remplie en l’occurrence.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

59      Lorsque les requérantes allèguent notamment, dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi principal, une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué, elles se bornent, en réalité, à faire valoir que le Tribunal aurait méconnu la notion d’«associations d’entreprises», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Par conséquent, en tant que ce moyen est tiré d’une prétendue insuffisance de motivation dudit arrêt, il doit être rejeté comme irrecevable.

60      Il y également lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Royaume-Uni, exposée au point 55 du présent arrêt. À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Toutefois, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêts General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 51, et Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, EU:C:2008:295, point 72). Il s’ensuit que, en tant que, par l’argument exposé au point 53 du présent arrêt, les requérantes tentent d’obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits constatés par le Tribunal, leur argument doit être rejeté comme irrecevable.

61      Pour le surplus, en tant que les arguments exposés aux points 50 à 52 du présent arrêt sont tirés d’une erreur de droit en ce qui concerne l’évaluation de la question de savoir si MasterCard est une association d’entreprises, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, les requérantes ne se limitent pas, en substance, à remettre en cause l’appréciation des faits opérée en première instance, mais invoquent, pour l’essentiel, des questions de droit qui sont recevables au stade du pourvoi.

–       Sur le fond

62      Sans préjudice du droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment, mais de manière autonome, au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (voir arrêts Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 174; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 71, ainsi que Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, EU:C:2006:734, point 53 et jurisprudence citée), l’article 81 CE est de nature à appréhender toute forme de coopération et de collusion entre entreprises, y compris au moyen d’une structure collective ou d’un organe commun, telle une association, qui tend à produire les effets que cette disposition vise à réprimer (voir, en ce sens, arrêts Nederlandse Vereniging voor de fruit en groentenimporthandel et Frubo/Commission, 71/74, EU:C:1975:61, point 30; van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, EU:C:1980:248, point 88, ainsi que Eurofer/Commission, C‑179/99 P, EU:C:2003:525, point 23).

63      Ainsi, il ressort d’une jurisprudence bien établie que, si l’article 81 CE distingue la notion de «pratique concertée» de celle d’«accords entre entreprises» ou de «décisions d’associations d’entreprises», c’est dans le dessein d’appréhender, sous les interdictions de cette disposition, différentes formes de coordination entre entreprises de leur comportement sur le marché (voir, notamment, arrêts Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, EU:C:1972:70, point 64; Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 112, ainsi que Asnef-Equifax et Administración del Estado, EU:C:2006:734, point 32) et d’éviter ainsi que les entreprises puissent échapper aux règles de la concurrence en raison de la seule forme par laquelle elles coordonnent ce comportement.

64      En l’espèce, ainsi qu’il ressort notamment du point 238 de l’arrêt attaqué, il est constant que, antérieurement à l’IPO, MasterCard pouvait être considérée comme une «association d’entreprises», au sens de l’article 81 CE. Il ressort également de ce point que, dans le cadre de leur troisième moyen en première instance, les requérantes reprochaient à la Commission, en particulier, de ne pas avoir pris en compte les changements apportés par l’IPO à la structure et à la gouvernance de MasterCard. Dans ces conditions, ainsi qu’il ressort du point 244 de l’arrêt attaqué, le troisième moyen devant le Tribunal portait sur le point de savoir si, postérieurement aux changements apportés par l’IPO, MasterCard pouvait toujours être considérée comme «une forme institutionnalisée de coordination du comportement des banques».

65      C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner les arguments soulevés dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi principal.

66      Il ressort du point 259 de l’arrêt attaqué que, en s’appuyant, d’une part, sur le maintien d’un pouvoir décisionnel des banques au sein de MasterCard et, d’autre part, sur l’existence d’une communauté d’intérêts entre celle-ci et les banques sur la question des CMI, le Tribunal a débouté les requérantes de leur argumentation, rappelée au point 238 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en substance, les modifications apportées à la structure et au fonctionnement de MasterCard dans le cadre de l’IPO avaient pour conséquence que cette organisation, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, ne pouvait plus être considérée comme une «association d’entreprises», au sens de l’article 81 CE.

67      De manière plus ponctuelle, en ce qui concerne, en premier lieu, les arguments résumés aux points 51 et 52 du présent arrêt, il y a lieu de relever que les deux éléments sur lesquels le Tribunal a concentré son analyse dans le cadre du troisième moyen de la requête en première instance doivent être lus conjointement. En effet, ainsi qu’il ressort du point 238 de l’arrêt attaqué, les requérantes avaient soutenu, d’une part, que, postérieurement à l’IPO, les banques ne contrôlaient plus MasterCard et celle-ci décidait unilatéralement des CMI. D’autre part, il ressort du point 239 dudit arrêt qu’il était reproché à la Commission de ne pas avoir démontré que MasterCard continuait à agir dans l’intérêt de ces banques ou en leur nom plutôt qu’au nom des actionnaires de MasterCard Inc.

68      À cet égard, aux points 245 à 249 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, dans son appréciation souveraine des faits, a, premièrement, constaté en substance que, à la date d’adoption de la décision litigieuse, même si les banques membres de MasterCard ne participaient pas au processus décisionnel au sein des organes de cette organisation relatif aux CMI, «MasterCard semblait plutôt continuer à fonctionner en Europe comme une association d’entreprises, dont les banques ne constituaient pas uniquement des clientes des services fournis, mais participaient collectivement et de manière décentralisée à des aspects essentiels du pouvoir décisionnel». Il convient à cet égard de souligner que, malgré l’emploi inapproprié par le Tribunal du terme «semblait» dans ce contexte, il ressort d’une lecture de l’ensemble des points 245 à 249 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a effectivement vérifié que, à la date de la décision litigieuse, les banques continuaient à exercer collectivement un pouvoir décisionnel sur des aspects essentiels du fonctionnement de l’organisation de paiement MasterCard, postérieurement à l’IPO, ce qui tendait à relativiser significativement les conséquences qu’il convenait de tirer de l’IPO. Deuxièmement, aux points 250 à 258 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également constaté, en substance, que la Commission avait valablement pu conclure que les CMI reflétaient les intérêts des banques, au motif qu’il existait, sur ce point, une communauté d’intérêts entre MasterCard, ses actionnaires et les banques.

69      Pris ensemble, ces deux éléments, résumés au point 259 de l’arrêt attaqué, reviennent à expliquer la raison pour laquelle, selon le Tribunal, la fixation des CMI par MasterCard continuait à fonctionner, nonobstant des modifications apportées par l’IPO, comme «une forme institutionnalisée de coordination du comportement des banques». En effet, selon la logique adoptée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, étant donné que les intérêts de MasterCard et ceux des actionnaires de MasterCard Inc. se rejoignaient, s’agissant de la fixation des CMI, les banques participantes étaient en mesure de déléguer la fixation de ces commissions, tout en conservant, à plusieurs autres égards, des pouvoirs décisionnels.

70      Par ailleurs, il ressort d’une lecture d’ensemble des points 238 à 260 de l’arrêt attaqué, et notamment des points 243 à 245, 249 et 259 de celui-ci, que, dans le cadre de son examen de la question de savoir si la forme institutionnalisée de coopération par laquelle opérait MasterCard avant l’IPO avait cessé de fonctionner après cet événement, le Tribunal a souverainement retenu les deux critères en cause comme pertinents sur la base des éléments de fait et de droit existant à la date de la décision litigieuse, son appréciation s’inscrivant dans le cadre factuel plus large dont il était saisi.

71      En particulier, le Tribunal a estimé l’existence d’une communauté d’intérêts comme pertinente en l’espèce non seulement sur la base d’une coïncidence théorique entre les intérêts des banques et ceux de MasterCard mais aussi à la suite d’une prise en compte, dans son appréciation souveraine des faits, des circonstances factuelles particulières à l’égard desquelles aucune dénaturation n’a été alléguée, notamment, premièrement, ainsi qu’il ressort de l’argumentation des parties telle qu’exposée aux points 238 et 239 de l’arrêt attaqué, du fait qu’il était constant que MasterCard agissait dans l’intérêt des banques avant l’IPO, deuxièmement, ainsi qu’il ressort du point 256 dudit arrêt, de l’évolution constatée après l’IPO qui montre que cette organisation continue, dans les faits, à tenir compte des intérêts concrets des banques lorsqu’elle fixe le niveau des CMI et, troisièmement, ainsi qu’il ressort du point 258 du même arrêt, du fait que les intérêts des actionnaires de MasterCard ne s’opposent pas aux intérêts des banques.

72      Dans ces conditions, le Tribunal a pu considérer, dans les circonstances particulières de l’espèce et compte tenu de l’argumentation développée devant lui, que tant le pouvoir décisionnel résiduel des banques sur des questions autres que les CMI postérieurement à l’IPO, que la communauté d’intérêts entre MasterCard et les banques étaient à la fois pertinents et suffisants aux fins de l’appréciation de la question de savoir si, après l’IPO, MasterCard pouvait toujours être considérée comme une «association d’entreprises», au sens de l’article 81 CE.

73      Quant au renvoi, au point 251 de l’arrêt attaqué, à l’arrêt Verband der Sachversicherer/Commission (EU:C:1987:34, point 29), il convient de relever que ce renvoi vise simplement à répondre à la critique, reprise au point 239 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le critère de l’existence d’une communauté d’intérêts entre MasterCard et les banques ne s’appuierait sur aucun précédent jurisprudentiel. Contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, en rappelant, dans ce contexte, qu’«il découle de la jurisprudence de la Cour que l’existence d’une communauté d’intérêts, ou d’un intérêt commun, est un élément pertinent aux fins d’apprécier l’existence d’une décision d’association d’entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE», le Tribunal n’a pas entendu poser un critère général et encore moins un critère exclusif.

74      En ce qui concerne, en second lieu, l’argumentation résumée au point 50 du présent arrêt, il est vrai qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une décision d’un organisme disposant de pouvoirs réglementaires dans un secteur déterminé peut ne pas relever de l’article 81 CE lorsque cet organisme est composé d’une majorité de représentants de la puissance publique et qu’il prend ladite décision dans le respect d’un certain nombre de critères d’intérêt public (voir, notamment, arrêt Pavlov e.a., C‑180/98 à C‑184/98, EU:C:2000:428, point 87 ainsi que jurisprudence citée).

75      Toutefois, la jurisprudence citée au point précédent concernait, en substance, la question de savoir si, lorsqu’ils adoptaient une réglementation déterminée, des organismes concernés, lesquels étaient composés, du moins partiellement, de représentants des opérateurs économiques d’un secteur donné, devaient être considérés comme étant des associations d’entreprises ou, au contraire, comme exerçant l’autorité publique. Une telle question ne se posait pas devant le Tribunal en l’espèce. De même, les circonstances factuelles et les problèmes juridiques soulevés par l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98) et aux conclusions y afférentes (conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Wouters e.a., C‑309/99, EU:C:2001:390), sur lesquelles les requérantes s’appuient principalement, ne sont pas comparables à ceux de la présente affaire.

76      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 45 de ses conclusions, les requérantes ne sauraient soutenir qu’un organisme, tel que MasterCard, ne peut être qualifié d’association d’entreprises lorsqu’il adopte des décisions relatives aux CMI, dès lors qu’il ressort de ce qui précède que le Tribunal a pu constater à bon droit que, lors de la prise de ces décisions, lesdites entreprises entendent ou, à tout le moins, acceptent de coordonner leur comportement au moyen desdites décisions et que leurs intérêts collectifs coïncident avec ceux pris en compte lors de l’adoption des mêmes décisions, en particulier dans les circonstances où les entreprises en cause ont poursuivi, pendant plusieurs années, le même objectif de régulation en commun du marché dans le cadre de la même organisation, bien que sous des formes différentes.

77      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du pourvoi principal.

 Sur le premier moyen du pourvoi principal, tiré d’une erreur de droit et/ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’évaluation de la nécessité objective de la prétendue restriction de concurrence

78      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une appréciation de la nécessité objective des CMI avant d’aborder la question de savoir si ces commissions comportent des effets anticoncurrentiels. Dans ces conditions, il est opportun, dans le cadre du présent arrêt, d’examiner le moyen relatif au caractère accessoire des CMI par rapport au système de paiement MasterCard avant d’aborder celui relatif aux effets éventuellement restrictifs desdites commissions.

79      En substance, le premier moyen du pourvoi principal s’articule en quatre branches, dont les deuxième à quatrième sont subsidiaires par rapport à la première.

 L’arrêt attaqué

80      Selon le Tribunal, le premier moyen de la requête en première instance se composait, en substance, de deux branches. Dans le cadre de la première branche de ce moyen, les requérantes ont fait valoir que la Commission a retenu à tort que les CMI produisaient des effets restrictifs de concurrence. Dans le cadre de la seconde branche, elles ont prétendu que la Commission aurait dû conclure que les CMI étaient objectivement nécessaires au fonctionnement du système MasterCard.

81      En examinant en premier lieu cette seconde branche, le Tribunal a indiqué, au point 89 de l’arrêt attaqué, ce qui suit:

«[...] l’examen du caractère objectivement nécessaire d’une restriction revêt un caractère relativement abstrait. En effet, seules les restrictions qui sont nécessaires pour que l’opération principale puisse, en toute hypothèse, fonctionner peuvent être considérées comme relevant du champ d’application de la théorie des restrictions accessoires. Ainsi, les considérations qui ont trait au caractère indispensable de la restriction au vu de la situation concurrentielle sur le marché en cause ne relèvent pas de l’analyse du caractère accessoire de la restriction [...]»

82      Ensuite, le Tribunal a relevé, au point 90 de l’arrêt attaqué, que «la circonstance que l’absence des CMI puisse avoir des conséquences négatives sur le fonctionnement du système MasterCard n’implique pas, en elle-même, que les CMI doivent être considérées comme objectivement nécessaires, s’il ressort de l’examen du système MasterCard dans son contexte économique et juridique qu’il demeure à même de fonctionner en leur absence». Au point 91 dudit arrêt, le Tribunal a estimé que «[l]e raisonnement de la Commission déduisant le caractère non objectivement nécessaire des CMI de la circonstance que le système MasterCard pourrait fonctionner en leur absence n’est donc entaché d’aucune erreur de droit».

83      Aux points 94 à 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argument des requérantes selon lequel, pour l’essentiel, les CMI sont objectivement nécessaires au système MasterCard en ce qu’elles constituent une modalité de règlement par défaut des transactions, étant donné que, en l’absence de CMI, la Honour All Cards Rule aurait pour conséquence de placer les banques d’acquisition «à la merci» des banques d’émission.

84      Dans ce cadre, après avoir constaté que le recours par la Commission à l’interdiction des tarifications «ex post», exposée au point 11, quatrième tiret, du présent arrêt, ne recèle «aucune erreur manifeste d’appréciation», le Tribunal a considéré, au point 96 de l’arrêt attaqué, que «l’existence de modalités de règlement des transactions par défaut moins restrictives de concurrence que les CMI empêche que celles-ci soient considérées comme étant objectivement nécessaires au fonctionnement du système MasterCard sur la seule base de leur qualité de modalité de règlement par défaut des transactions». Au point 99 dudit arrêt, il est notamment indiqué qu’il appartenait «à la Commission d’examiner si l’hypothèse d’un système MasterCard fonctionnant sans CMI était économiquement viable et pouvait, dès lors, être prise en compte à titre de comparaison». En revanche, la Commission, selon ce même point 99, n’était «pas tenue de démontrer que le jeu du marché pousserait les banques d’émission et d’acquisition à décider elles-mêmes de l’adoption d’une règle moins restrictive de concurrence que les CMI».

85      Après avoir estimé, au point 120 de l’arrêt attaqué, que la Commission a pu valablement conclure que les CMI ne présentaient pas un caractère objectivement nécessaire au fonctionnement du système MasterCard, le Tribunal a rejeté la seconde branche du premier moyen de la requête en première instance.

 Sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal

–       Argumentation des parties

86      Les requérantes font valoir que le Tribunal a appliqué de manière erronée le critère de la «nécessité objective» d’une restriction. Au lieu d’appliquer le critère selon lequel une limitation déterminée à l’autonomie commerciale est «objectivement nécessaire» si, en l’absence de celle-ci, l’opération principale s’avère impossible ou difficile à réaliser, le Tribunal aurait utilisé, notamment aux points 89 et 90 de l’arrêt attaqué, un critère incomplet en application duquel une restriction n’est objectivement nécessaire que si, en l’absence de celle-ci, l’opération principale n’est pas à même de fonctionner. Les requérantes s’appuient, à cet égard, sur le point 109 de l’arrêt du Tribunal M6 e.a./Commission (T‑112/99, EU:T:2001:215), selon lequel «[s]i, en l’absence de la restriction, l’opération principale s’avère difficilement réalisable voire irréalisable, la restriction peut être considérée comme objectivement nécessaire à sa réalisation». Selon les requérantes, au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait un amalgame entre le critère de la nécessité objective en vue de déterminer le caractère accessoire de la restriction et le critère du caractère indispensable posé à l’article 81, paragraphe 3, CE.

87      La Commission fait valoir que, sous peine de rendre inutile la distinction entre les limitations «accessoires» et les restrictions indispensables visées à l’article 81, paragraphe 3, CE, seul le caractère «nécessaire» de ces limitations permet de distinguer une restriction qui peut être justifiée au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE et une limitation qui peut, parce qu’elle est accessoire, échapper à l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE.

88      RBS, HSBC, LBG et MBNA souscrivent à la première branche du premier moyen du pourvoi principal. Au soutien de la Commission, BRC, EuroCommerce et le Royaume-Uni font valoir, pour l’essentiel, que ce sont les requérantes qui se méprennent sur le critère concerné.

–       Appréciation de la Cour

89      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que si une opération ou une activité déterminée ne relève pas du principe d’interdiction prévu à l’article 81, paragraphe 1, CE, en raison de sa neutralité ou de son effet positif sur le plan de la concurrence, une restriction de l’autonomie commerciale d’un ou de plusieurs des participants à cette opération ou à cette activité ne relève pas non plus dudit principe d’interdiction si cette restriction est objectivement nécessaire à la mise en œuvre de ladite opération ou de ladite activité et proportionnée aux objectifs de l’une ou de l’autre (voir en ce sens, notamment, arrêts Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, points 19 et 20; Pronuptia de Paris, 161/84, EU:C:1986:41, points 15 à 17; DLG, C‑250/92, EU:C:1994:413, point 35, ainsi que Oude Luttikhuis e.a., C‑399/93, EU:C:1995:434, points 12 à 15).

90      En effet, lorsqu’il n’est pas possible de dissocier une telle restriction de l’opération ou de l’activité principale sans en compromettre l’existence et les objets, il y a lieu d’examiner la compatibilité avec l’article 81 CE de cette restriction conjointement avec la compatibilité de l’opération ou de l’activité principale dont elle constitue l’accessoire, et cela bien que, prise isolément, pareille restriction puisse paraître, à première vue, relever du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE.

91      Lorsqu’il s’agit de déterminer si une restriction anticoncurrentielle peut échapper à la prohibition prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE au motif qu’elle constitue l’accessoire d’une opération principale dépourvue d’un tel caractère anticoncurrentiel, il convient de rechercher si la réalisation de cette opération serait impossible en l’absence de la restriction en question. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le fait que ladite opération soit simplement rendue plus difficilement réalisable voire moins profitable en l’absence de la restriction en cause ne saurait être considéré comme conférant à cette restriction le caractère «objectivement nécessaire» requis afin de pouvoir être qualifiée d’accessoire. En effet, une telle interprétation reviendrait à étendre cette notion à des restrictions qui ne sont pas strictement indispensables à la réalisation de l’opération principale. Un tel résultat porterait atteinte à l’effet utile de la prohibition prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE.

92      Toutefois, cette interprétation ne conduit pas à créer un amalgame entre, d’une part, les conditions posées par la jurisprudence pour qualifier, aux fins d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, une restriction d’accessoire et, d’autre part, le critère du caractère indispensable requis au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, pour qu’une restriction prohibée puisse bénéficier d’une exemption.

93      À cet égard, il suffit de rappeler que ces deux dispositions poursuivent des finalités différentes et que ce dernier critère se rapporte à la question de savoir si une coordination entre entreprises de nature à avoir une incidence défavorable sensible sur les paramètres de concurrence, tels que, notamment, le prix, la quantité et la qualité des produits ou des services, qui relève, dès lors, du principe d’interdiction prévu à l’article 81, paragraphe 1, CE, peut néanmoins, dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE, être considérée comme étant indispensable à l’amélioration de la production ou de la distribution ou à la promotion du progrès technique ou économique, tout en réservant aux consommateurs une partie équitable des gains qui en résulte. En revanche, ainsi qu’il ressort des points 89 et 90 du présent arrêt, le critère de la nécessité objective, au sens de ces mêmes points, porte sur la question de savoir si, à défaut d’une restriction déterminée de l’autonomie commerciale, une opération ou une activité principale qui ne relève pas de l’interdiction posée à l’article 81, paragraphe 1, CE et par rapport à laquelle ladite restriction est secondaire risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre.

94      En jugeant, au point 89 de l’arrêt attaqué, que «seules les restrictions qui sont nécessaires pour que l’opération principale puisse, en toute hypothèse, fonctionner peuvent être considérées comme relevant du champ d’application de la théorie des restrictions accessoires» et en concluant, au point 90 de l’arrêt attaqué, que «la circonstance que l’absence des CMI puisse avoir des conséquences négatives sur le fonctionnement du système MasterCard n’implique pas, en elle-même, que les CMI doivent être considérées comme objectivement nécessaires, s’il ressort de l’examen du système MasterCard dans son contexte économique et juridique qu’il demeure à même de fonctionner en leur absence», le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit.

95      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen du pourvoi principal.

 Sur les deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi principal

–       Argumentation des parties

96      Par les deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi principal, qu’il convient de traiter ensemble, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir omis d’examiner la restriction de la concurrence que constitueraient les CMI, et donc la question de la nécessité objective de ces commissions, dans son contexte réel, en permettant à la Commission d’invoquer une «hypothèse contrefactuelle», celle de l’interdiction des tarifications «ex post», qui ne se produirait jamais dans les faits. La thèse de la Commission, selon laquelle certains des problèmes engendrés par l’élimination des CMI pourraient être résolus par l’interdiction des tarifications «ex post», serait très différente d’une évaluation de ce qui se produirait dans la réalité en cas d’élimination des CMI. Les requérantes font valoir que le Tribunal n’a pas répondu à l’argument selon lequel une telle interdiction n’existerait tout simplement pas sans une intervention réglementaire, mais s’est contenté d’affirmer que le scénario envisagé ne devait pas être le résultat du jeu du marché. Or, la Commission, en introduisant une condition fictive dans son analyse, à savoir l’interdiction des tarifications «ex post», n’aurait pas respecté son obligation d’évaluer les effets des CMI sur la concurrence par rapport à ce qui se produirait dans la réalité en leur absence. Les requérantes reprochent également au Tribunal un défaut de motivation en ce qu’il n’a pas expliqué comment l’interdiction des tarifications «ex post» était significativement différente des CMI actuellement appliquées par MasterCard.

97      En outre, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal n’aurait pas dû accepter ce qu’il qualifie, au point 96 de l’arrêt attaqué, d’«existence de modalités de règlement des transactions par défaut moins restrictives de concurrence que les CMI» alors que, dans le cadre de la décision litigieuse, la Commission n’avait pas d’abord cherché à comprendre comment l’activité concernée fonctionnerait en l’absence d’une règle par défaut. Selon les requérantes, la Commission s’est bornée, dans la décision litigieuse, à remplacer une tarification par défaut par une autre, quoique plus faible de la perspective des commerçants.

98      Par ailleurs, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir caractérisé de manière erronée l’«hypothèse contrefactuelle» sur laquelle la Commission s’appuyait effectivement devant lui, selon laquelle tant les banques d’émission que les banques d’acquisition supportent leur propres coûts, sans qu’il y ait besoin d’une règle par défaut consistant en une interdiction des tarifications «ex post».

99      Enfin, les requérantes soutiennent que le Tribunal a indûment substitué sa propre appréciation à celle de la Commission lors de l’examen de la nécessité objective des CMI. L’évaluation faite par la Commission serait fondée sur la combinaison d’un certain nombre de constatations exposées aux considérants 550 à 648 de la décision litigieuse. Toutefois, le Tribunal aurait commis une erreur en se fondant sur un nombre limité de ces constatations qui ne jouaient qu’un rôle secondaire dans cette décision, en ignorant le cœur de l’analyse de la Commission et en omettant de reconnaître que ladite décision était constituée d’un ensemble d’éléments de preuve qui, pris ensemble uniquement, étaient censés étayer les conclusions de la Commission.

100    La Commission excipe de l’irrecevabilité des deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi principal.

101    D’une part, par ces branches, les requérantes contesteraient l’appréciation des faits et des éléments de preuve effectuée par le Tribunal.

102    D’autre part, la Commission fait valoir que les requérantes ne peuvent invoquer, à l’appui de leur moyen de pourvoi principal relatif au caractère objectivement nécessaire des CMI, des arguments formulés initialement en vue d’étayer un autre moyen de la requête en première instance et qui ont été examinés en conséquence par le Tribunal dans le contexte de cet autre moyen. En effet, la Commission relève que le pourvoi principal ne comporte aucun moyen contestant, à l’instar de la première branche du premier moyen de la requête en première instance, que les CMI produisent des effets restrictifs de concurrence. Dans ces conditions, la Commission soutient, en substance, que sont irrecevables les arguments soulevés à l’encontre du postulat, dans le cadre de l’examen de la nécessité objective des CMI, d’une interdiction des tarifications «ex post» en tant qu’«hypothèse contrefactuelle» réaliste.

103    Sur le fond, la Commission souligne notamment que la jurisprudence faisant référence à ce qui se produirait à défaut de l’accord sous examen traite de la question préalable de savoir si cet accord constitue une restriction de la concurrence. Or, dans le cadre du premier moyen du pourvoi principal, il s’agirait en revanche de déterminer si un accord qui, en toute hypothèse, constitue une telle restriction est néanmoins nécessaire, à titre accessoire, au bon fonctionnement d’un accord de plus vaste portée. À ce propos, la Commission rappelle que, par leur pourvoi, les requérantes ne contestent pas l’approche selon laquelle le critère de la «nécessité objective» des CMI suppose d’examiner si ces commissions sont proportionnées au fonctionnement du système MasterCard, ce qui amènerait à réfléchir à l’existence d’autres solutions moins restrictives et objectivement applicables.

104    RBS, HSBC, LBG et MBNA souscrivent aux deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi principal. BRC, EuroCommerce et le Royaume-Uni contestent l’argumentation invoquée par les requérantes à l’appui de ces branches.

–       Appréciation de la Cour

105    Contrairement à ce que prétend la Commission, les requérantes ne contestent pas simplement, sans invoquer la dénaturation des éléments de preuve, l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal, mais soulèvent des questions de droit pouvant, en tant que telles, être invoquées dans le cadre d’un pourvoi.

106    Ensuite, il convient de relever que, dans la mesure où, par les exceptions d’irrecevabilité résumées au point 102 du présent arrêt, la Commission se borne à soutenir que certains arguments déjà avancés devant le Tribunal sont désormais avancés dans le cadre d’un autre moyen, de telles exceptions ne sauraient prospérer. Sur le fond, ainsi qu’il ressort des points 96 et 97 du présent arrêt, les requérantes critiquent le fait que le Tribunal se soit fondé sur l’hypothèse de l’interdiction des tarifications «ex post», scénario qui, selon elles, ne se produirait pas, en l’absence des CMI, sauf intervention réglementaire, et qui, en tout état de cause, ne serait pas différent de celui résultant de l’existence des CMI, pour conclure, au point 96 de l’arrêt attaqué, que «l’existence de modalités de règlement des transactions par défaut moins restrictives de concurrence que les CMI empêche que celles-ci soient considérées comme étant objectivement nécessaires au fonctionnement du système MasterCard».

107    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 89 et 90 du présent arrêt, dans le cadre de l’appréciation, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, du caractère accessoire par rapport à une opération ou à une activité principale d’une restriction déterminée à l’autonomie commerciale, il y a lieu non seulement d’examiner la nécessité de cette restriction pour la mise en œuvre de l’opération ou de l’activité principale, mais également la proportionnalité de ladite restriction par rapport aux objectifs sous-tendant ladite opération ou ladite activité.

108    Il convient de souligner que, quel que soit le contexte ou le but dans lequel il est recouru à une hypothèse contrefactuelle, il importe que cette hypothèse soit appropriée à la question qu’elle est censée éclairer et que le postulat sur laquelle elle repose ne soit pas irréaliste.

109    Ainsi, afin de réfuter le caractère accessoire d’une restriction, au sens des points 89 et 90 du présent arrêt, la Commission peut s’appuyer sur l’existence d’alternatives réalistes, moins restrictives de concurrence que la restriction en cause.

110    À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 97 du présent arrêt, les requérantes font notamment valoir, en substance, que le Tribunal a erronément omis de sanctionner le fait que, dans la décision litigieuse, la Commission n’a pas cherché à comprendre comment la concurrence fonctionnerait en l’absence tant des CMI que de l’interdiction des tarifications «ex post», interdiction que les requérantes n’auraient pas choisi d’adopter en l’absence d’une intervention réglementaire.

111    Toutefois, les alternatives sur lesquelles la Commission peut s’appuyer dans le cadre de l’appréciation de la nécessité objective d’une restriction ne sont pas limitées à la situation qui se produirait en l’absence de la restriction en question, mais peuvent également s’étendre à d’autres hypothèses contrefactuelles fondées, notamment, sur des situations réalistes qui pourraient survenir en l’absence de ladite restriction. C’était donc à bon droit que le Tribunal a conclu, au point 99 de l’arrêt attaqué, que l’hypothèse contrefactuelle avancée par la Commission pouvait être prise en compte dans le cadre de l’examen du caractère objectivement nécessaire des CMI dans la mesure où elle était réaliste et permettait la viabilité économique du système MasterCard.

112    En ce qui concerne l’argument des requérantes, exposé au point 96 du présent arrêt, relatif à un défaut de motivation, force est de constater qu’un tel argument s’avère non fondé. Ainsi qu’il ressort des points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, dans son appréciation souveraine des faits, a constaté que la Commission pouvait à bon droit conclure que l’interdiction des tarifications «ex post» était moins restrictive pour la concurrence puisqu’elle ne fixe pas un niveau de prix minimal sur chaque côté du système, motivant ainsi à suffisance de droit la conclusion qu’il a énoncée au point 99 de cet arrêt. À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de motivation qui s’applique au Tribunal ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 372).

113    Enfin, il convient de constater que, ainsi que le relève la Commission, l’argumentation des requérantes selon laquelle le Tribunal aurait indûment substitué sa propre appréciation à celle de la Commission lors de l’examen de la nécessité objective des CMI conduit, en réalité, à remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve effectuée par le Tribunal. Or, par les motifs exposés aux points 94 à 120 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, au terme d’une évaluation souveraine des données factuelles de l’affaire qui ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, a constaté que «la Commission a pu valablement conclure que les CMI ne présentaient pas un caractère objectivement nécessaire au fonctionnement du système MasterCard». Cette argumentation doit dès lors être rejetée comme irrecevable.

114    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi principal, en tant qu’elles visent à remettre en cause l’«hypothèse contrefactuelle» employée par le Tribunal lors de son analyse du caractère objectivement nécessaire des CMI et son appréciation des éléments de preuve lors de cette analyse.

 Sur la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal

–       Argumentation des parties

115    Les requérantes font valoir que le Tribunal a méconnu le degré de contrôle juridictionnel requis. À cet égard, selon les requérantes, même en présence d’appréciations économiques complexes, notion qui devrait être interprétée de manière stricte, le Tribunal, compte tenu notamment des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne pourrait renoncer à exercer un contrôle complet et approfondi des décisions de la Commission. Or, en l’espèce, le Tribunal aurait effectué un examen très limité dans le cadre de son analyse relative au caractère objectivement nécessaire des CMI. Le Tribunal aurait limité le contrôle des constatations faites par la Commission à celui de l’erreur manifeste d’appréciation, alors que ces constatations n’impliquaient pas de véritables appréciations économiques complexes. Même en supposant que le critère de l’«erreur manifeste» soit applicable, le Tribunal aurait eu recours à un nouveau critère, par lequel il a vérifié le «caractère raisonnable» de la conclusion de la Commission. Les requérantes font valoir que ce critère de contrôle défectueux a conduit le Tribunal, notamment, à n’appréhender qu’un nombre limité de motifs exposés dans la décision litigieuse et à leur accorder radicalement plus d’importance que la Commission elle-même.

116    La Commission fait valoir que la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal est inopérante, dans la mesure où l’argumentation développée au soutien de celle-ci est une reprise de l’argumentation soulevée en première instance relative à l’absence de restriction de la concurrence, qui se situe en dehors des moyens du pourvoi principal.

117    Sur le fond, la Commission soutient qu’aucun grief ne peut être tiré de l’utilisation, dans l’arrêt attaqué, de l’expression «erreur manifeste». L’arrêt attaqué consacrerait une longue section, aux points 77 à 122 de celui-ci, à l’évaluation du caractère objectivement nécessaire des CMI et rejetterait les principaux arguments de MasterCard.

118    RBS, HSBC, LBG et MBNA souscrivent à la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal. BRC, EuroCommerce et le Royaume-Uni concluent à son rejet.

–       Appréciation de la Cour

119    Il convient de relever, d’une part, que, dans la mesure où, par leurs arguments au titre de la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir méconnu le niveau de contrôle juridictionnel qu’il aurait dû exercer lors de son analyse des critères juridiques appliqués par la Commission dans le cadre de son appréciation du caractère objectivement nécessaire des CMI, c’est à bon droit, ainsi qu’il ressort des points 89 à 95 du présent arrêt, que le Tribunal a confirmé le raisonnement de la Commission selon lequel le caractère non objectivement nécessaire des CMI pouvait être déduit de la circonstance que le système MasterCard pourrait fonctionner en leur absence. Dans ces conditions, les arguments des requérantes, en tant qu’ils reprochent au Tribunal d’avoir exercé un niveau de contrôle trop restreint en confirmant ce test juridique, sont inopérants et doivent dès lors être rejetés.

120    D’autre part, dans la mesure où, par cette quatrième branche, les requérantes visent à remettre en cause le niveau de contrôle effectué par le Tribunal lors de l’application dudit test aux faits de l’espèce, force est de constater que les arguments invoqués à cet égard sont en substance identiques à ceux soulevés dans le cadre de la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal et exposés au point 99 du présent arrêt. Ces arguments doivent dès lors être rejetés comme irrecevables pour les motifs énoncés au point 113 du présent arrêt.

121    La quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal étant en partie inopérante et en partie irrecevable, il y a lieu de la rejeter. Il en résulte que le premier moyen du pourvoi principal doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le moyen unique du pourvoi incident de RBS et sur le premier moyen du pourvoi incident de LBG

 L’arrêt attaqué

122    Le Tribunal a rejeté, aux points 123 à 193 de l’arrêt attaqué, la première branche du premier moyen de la requête en première instance, tirée d’erreurs d’appréciation dans l’analyse des effets des CMI sur la concurrence.

123    Au point 132 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que «pour les raisons mentionnées aux points 94 à 120 [dudit arrêt], la circonstance que l’hypothèse d’un système MasterCard fonctionnant sans CMI – sur la seule base d’une règle interdisant les tarifications ‘ex post’ –, apparaît revêtir un caractère économiquement viable suffit à justifier sa prise en considération dans le cadre de son analyse des effets des CMI sur la concurrence».

124    Les points 142 et 143 de l’arrêt attaqué se lisent comme suit:

«142      [...] les requérantes font valoir, en substance, que la circonstance que les CMI aient une incidence sur le montant des MSC n’a cependant pas d’effet sur la concurrence entre [banques d’acquisition], au motif qu’elles s’appliquent de la même manière à l’ensemble [de ces banques] et agissent comme un coût d’entrant commun. Ainsi, l’interdiction de la tarification ‘ex post’ reviendrait à imposer une CMI à taux zéro qui, du point de vue de la concurrence, serait équivalente à, et aussi transparente que, la CMI actuelle, la seule différence étant dans son niveau.

143      Une telle argumentation ne saurait prospérer. S’il est admis que les CMI fixent un plancher aux MSC et dans la mesure où la Commission a pu valablement constater qu’un système MasterCard fonctionnant sans CMI demeurerait économiquement viable, il en découle nécessairement qu’elles disposent d’effets restrictifs de concurrence. En effet, par comparaison avec un marché de l’acquisition fonctionnant en leur absence, les CMI limitent la pression que les commerçants peuvent exercer sur les banques d’acquisition lors de la négociation des MSC en réduisant les possibilités que les prix baissent en dessous d’un certain seuil.»

125    Aux points 150, 157 et 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission avait constaté à bon droit le caractère insuffisant de la contrainte que peuvent exercer les commerçants sur le montant des CMI dans la mesure où cette contrainte n’est susceptible de s’exercer effectivement qu’au-delà d’un seuil maximal de tolérance des commerçants, lorsque le coût de la transaction devient plus important que les effets négatifs d’un refus d’accepter ce moyen de paiement, ou d’une discrimination à son égard, sur leur clientèle.

126    Aux termes des points 181 et 182 de l’arrêt attaqué:

«181      En second lieu, en ce qui concerne les critiques portant sur l’absence de prise en compte de la nature duale du marché, il convient de souligner que, dans ce cadre, les requérantes mettent en avant les avantages économiques qui découleraient des CMI. Ainsi, en substance, les requérantes soulignent qu’elles permettent d’optimiser le fonctionnement du système MasterCard en finançant des dépenses destinées à encourager l’acceptation des détenteurs de cartes et l’utilisation de celles-ci. Elles en déduisent que, d’une part, il n’est pas dans l’intérêt des banques de fixer les CMI à un niveau excessif et, d’autre part, les commerçants bénéficient des CMI. Les requérantes reprochent également à la Commission d’avoir ignoré l’impact de sa décision sur les détenteurs de cartes, en se concentrant uniquement sur les seuls commerçants. À cet égard, plusieurs intervenantes ajoutent que, dans un système fonctionnant sans CMI, elles seraient contraintes de limiter les avantages consentis aux détenteurs de cartes, voire de réduire leur activité.

182      De telles critiques sont dépourvues de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE, en ce qu’elles impliquent une mise en balance des effets restrictifs de concurrence des CMI, valablement constatés par la Commission, avec les éventuels avantages économiques qui pourraient en résulter. Or, ce n’est que dans le cadre précis de l’article 81, paragraphe 3, CE qu’une mise en balance des aspects proconcurrentiels et anticoncurrentiels d’une restriction peut avoir lieu (voir, en ce sens, arrêt Van den Bergh Foods/Commission, [T‑65/98, EU:T:2003:281], point 107, et la jurisprudence citée).»

 Argumentation des parties

–       Sur le moyen unique du pourvoi incident de RBS

127    RBS soutient que le Tribunal, en s’appuyant sur des considérations et des hypothèses générales, a commis des erreurs de droit dans son appréciation de l’existence d’un effet restrictif sur la concurrence.

128    Tout d’abord, en examinant la question de savoir si une décision a un effet restrictif sur la concurrence, la Commission aurait dû examiner quelle «hypothèse contrefactuelle» se présenterait effectivement en l’absence des CMI. En ne sanctionnant pas, notamment au point 132 de l’arrêt attaqué, cette omission et en s’appuyant ainsi uniquement sur la viabilité économique de l’interdiction des tarifications «ex post» plutôt que sur des considérations quant à la vraisemblance de l’adoption d’une telle interdiction, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en confondant les conditions juridiques de la nécessité objective et celles des effets sur la concurrence.

129    Ensuite, selon RBS, dans la logique de l’arrêt attaqué, les CMI sont présumées entraîner un effet restrictif sur la concurrence parce qu’elles fixent le niveau des tarifs des commissions d’interchange pour l’ensemble des banques d’acquisition. Toutefois, si cette forme d’«analyse abrégée» pourrait être suffisante pour une «infraction par objet» de l’article 81, paragraphe 1, CE, où la restriction de concurrence est tellement évidente qu’il n’est pas nécessaire d’envisager ses effets, dans une situation où la Commission n’a pas établi l’existence d’une telle infraction cette approche est, selon RBS, totalement inadéquate pour établir une analyse des effets. Ni la Commission ni le Tribunal n’auraient fondé leur analyse des effets sur des preuves spécifiques et concrètes. Ainsi, particulièrement au point 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis l’erreur d’appliquer une approche fondée sur l’objet plutôt qu’une approche fondée sur les effets.

130    Enfin, renvoyant aux points 143, 150, 157 et 158 de l’arrêt attaqué, RBS soutient que, en tout état de cause, l’analyse des effets des CMI sur la concurrence effectuée par le Tribunal est erronée en droit et fondée sur une hypothèse qui est contredite dans l’arrêt attaqué, à savoir que les commerçants peuvent exercer une pression sur les banques d’acquisition lors de la négociation des MSC.

131    Les requérantes souscrivent au moyen unique du pourvoi incident de RBS. Quant à l’argumentation exposée au point 129 du présent arrêt, elles soutiennent que la seule différence entre les CMI et l’«hypothèse contrefactuelle» sur laquelle s’appuierait l’arrêt attaqué réside dans le niveau de prix des CMI. En effet, tout comme les CMI, l’interdiction des tarifications «ex post» serait décidée par MasterCard, s’appliquerait par défaut et aurait pour conséquence de fixer le prix facturé entre ces banques (à zéro). Selon les requérantes, fixer le niveau des CMI à zéro a le même effet de «fixation d’un plancher» que les CMI, bien qu’à un niveau plus favorable aux commerçants et moins favorable aux titulaires de cartes. Par conséquent, en omettant d’expliquer comment l’«hypothèse contrefactuelle», choisie par la Commission, de l’interdiction des tarifications «ex post» aurait des effets moins restrictifs sur la concurrence que les CMI, le Tribunal aurait entaché sa constatation selon laquelle les CMI ont un effet restrictif sur la concurrence d’un défaut de motivation.

132    Selon la Commission, bien que RBS renvoie dans son pourvoi incident, de façon générale, aux points 123 à 182 de l’arrêt attaqué, aucune erreur n’est alléguée sauf en ce qui concerne le point 132 de celui-ci, de sorte que ledit pourvoi incident ne serait recevable que dans la mesure où il est dirigé contre ledit point 132.

133    Sur le fond, la Commission soutient, en substance, que RBS se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Selon la Commission, il est tout à fait manifeste que le Tribunal, aux points 132 et suivants de l’arrêt attaqué, a examiné l’effet sur la concurrence des CMI par référence aux conditions de concurrence en l’absence de ces commissions.

134    Selon la Commission, la position selon laquelle les CMI ne restreignent pas la concurrence n’est pas plausible en soi. RBS ne tiendrait pas compte du cadre réel. Sur ce point, la Commission affirme que les CMI émanent d’une décision par une association d’entreprises de fixer les prix et que les effets restrictifs de ces commissions sont évidents.

135    La Commission considère que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en déclarant que l’interdiction des tarifications «ex post» pouvait servir de base de raisonnement réaliste permettant de comparer la situation avec et sans les CMI. Selon la Commission, le système MasterCard est une construction artificielle. Il ne serait pas nécessaire pour le fonctionnement d’un marché biface qu’un coté de ce marché rémunère l’autre, mais ce serait ainsi que les requérantes ont choisi de concevoir leur système. La Commission considère que, compte tenu des points 107 à 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en utilisant l’interdiction des tarifications «ex post» comme une solution de substitution par rapport aux CMI.

136    En outre, la Commission conteste que l’arrêt attaqué repose sur le postulat que des prix élevés constituent, en eux-mêmes, une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Selon la Commission, la constatation confirmée par cet arrêt est que ces prix élevés sont la conséquence d’un accord restrictif.

137    La Commission conteste par ailleurs l’affirmation selon laquelle le Tribunal n’aurait pas fondé son analyse sur des éléments de preuve spécifiques et concrets, de même que l’allégation de contradiction de motifs exposée au point 130 du présent arrêt.

–       Sur le premier moyen du pourvoi incident de LBG

138    LBG fait valoir que le Tribunal, dans son analyse des effets des CMI sur la concurrence figurant aux points 123 à 193 de l’arrêt attaqué, a commis des erreurs de droit.

139    Tout d’abord, le Tribunal n’aurait pas traité les arguments pertinents ni les éléments qui lui ont été soumis et n’aurait pas fourni de motivation appropriée pour justifier comment les CMI affectent la concurrence sur le marché de l’acquisition, alors que «la fixation du prix» était alléguée sur le marché de l’émission. En particulier, le Tribunal n’aurait pas expliqué comment les CMI affectent la concurrence sur le marché de l’acquisition, sur lequel elles ne constitueraient qu’un coût d’entrant commun pour tous les concurrents.

140    Ensuite, au regard des arguments des parties et en particulier des éléments de preuve à caractère économique, le Tribunal a, selon LBG, commis des erreurs de droit en excluant divers éléments lors de son analyse. En particulier, dans le cadre de l’examen d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal n’aurait pas reconnu l’importance des contraintes émanant d’autres systèmes de paiement ni du caractère biface du système, lesquels, selon le Tribunal, ne seraient pertinents que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE. En effet, selon LBG, pour juger que la Commission avait démontré à suffisance de droit l’existence d’une restriction de la concurrence, le Tribunal devait s’assurer que la Commission avait examiné la prétendue restriction de concurrence dans son propre contexte.

141    Enfin, selon LBG, le Tribunal a appliqué un degré inapproprié de contrôle juridictionnel. Ainsi qu’il ressortirait notamment du point 169 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait en effet appliqué un degré de contrôle très limité, distinct de celui découlant des arrêts Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39) ainsi que KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, EU:C:2011:810, points 94, 102 et 103).

142    Les requérantes souscrivent à ce moyen avec des arguments semblables à ceux invoqués au soutien du pourvoi incident de RBS.

143    La Commission considère notamment que, bien que BoS et LTSB, en leur qualité de parties intervenantes devant le Tribunal, aient été autorisées à développer de nouveaux arguments, elles ne pouvaient soulever un moyen d’annulation entièrement nouveau, relatif à la définition du marché pertinent, car le recours en première instance n’avait pas contesté la délimitation des marchés figurant dans la décision litigieuse. À cet égard, la Commission affirme que le point 168 de l’arrêt attaqué, selon lequel «[l]es requérantes, ainsi que plusieurs intervenantes, reprochent, en substance, à la Commission d’avoir omis de prendre en compte la nature [biface] du marché dans son raisonnement et contestent la définition du marché de produits retenue par la Commission», est erroné.

144    En ce qui concerne le degré de contrôle appliqué par le Tribunal sur les éléments de preuve économiques, la Commission soutient que le pourvoi incident de LBG ne satisfait pas aux exigences énoncées à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Par ailleurs, l’arrêt KME Germany e.a./Commission (EU:C:2011:810) présenterait peu d’intérêt, s’agissant d’un pourvoi portant uniquement sur une amende et ne contenant que des obiter dicta sur le degré de contrôle de la légalité des décisions.

145    De même, la Commission considère que l’argument de LBG relatif au «coût d’entrant commun» a été rejeté par le Tribunal aux points 142 et 143 de l’arrêt attaqué, lesquels n’auraient pas été contestés par LBG conformément aux exigences de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

146    Enfin, la Commission soutient que la critique, reprise au point 140 du présent arrêt, selon laquelle l’arrêt attaqué n’aurait pas reconnu l’importance des effets restrictifs d’autres systèmes de paiement et n’aurait pas pris en compte le caractère biface du système, ne respecte pas non plus ledit article 169, paragraphe 2, et vise à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits.

 Appréciation de la Cour

–       Sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission

147    L’exception d’irrecevabilité exposée au point 132 du présent arrêt repose sur une lecture inexacte du pourvoi incident de RBS. Contrairement à ce que prétend la Commission, RBS ne se borne pas à renvoyer de façon générale à l’analyse des effets restrictifs des CMI effectuée par le Tribunal, mais invoque des points précis de l’arrêt attaqué à l’appui de ses arguments, tels qu’exposés aux points 129 et 130 du présent arrêt. Il convient dès lors de rejeter l’exception d’irrecevabilité exposée au point 132 du présent arrêt.

148    Par ailleurs, dans la mesure où, par son argument exposé au point 128 du présent arrêt, RBS reproche au Tribunal d’avoir omis de procéder à une certaine analyse, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une requérante à un pourvoi soutient que le Tribunal n’a pas répondu à un moyen, il ne saurait lui être reproché, au titre de la recevabilité du moyen du pourvoi, de ne citer aucun passage ou aucune partie de l’arrêt attaqué qui serait visé précisément par son argument, dès lors que, par hypothèse, est invoqué un défaut de réponse (voir arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 423).

149    Quant à l’argumentation exposée au point 143 du présent arrêt, il suffit de constater qu’une telle argumentation repose sur une lecture erronée du pourvoi incident de LBG. Ainsi qu’il ressort des points 139 à 142 du présent arrêt, celle-ci s’est bornée à avancer des arguments relatifs à l’absence d’effets restrictifs des CMI sans pour autant remettre en cause la définition du marché pertinent en tant que telle. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité exposée audit point 143.

150    En ce qui concerne les arguments de la Commission reproduits aux points 144 à 146 du présent arrêt, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte du point 23 de cet arrêt, le pourvoi incident de LBG a été introduit le 31 octobre 2012. Or, l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, sur lequel s’appuie la Commission, n’est entré en vigueur que le lendemain. Dans la mesure où cette disposition, en exigeant que les moyens et les arguments de droit invoqués dans des pourvois «identifient avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés», pose une condition de recevabilité, elle ne saurait être appliquée de manière rétroactive.

151    Il résulte cependant des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de cette dernière, en vigueur à la date d’introduction du pourvoi incident de LBG, qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, EU:C:2002:582, points 497 et 618, ainsi que EFIM/Commission, C‑56/12 P, EU:C:2013:575, point 21 et jurisprudence citée). Ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un pourvoi ou un moyen qui est trop obscur pour recevoir une réponse (voir, notamment, arrêts Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, points 101 et 106; Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, points 43 à 45, ainsi que EFIM/Commission, EU:C:2013:575, point 21).

152    En l’espèce, le premier moyen du pourvoi incident de LBG identifie explicitement une partie de l’arrêt attaqué qu’il vise comme n’ayant pas respecté le niveau de contrôle juridictionnel, à savoir le point 169 de celui-ci, avec une argumentation claire à l’appui de cet argument. En outre, en tant que, par ce moyen, LBG reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du caractère biface du système, considérant que la prise en compte de ce caractère ne serait pertinente que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE, il est suffisamment clair que ce reproche vise les points 181 et 182 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a constaté que les critiques des requérantes relatives au caractère biface du système n’ont de pertinence que dans le cadre précis de cette disposition. De surcroît, en tant que, par ledit moyen, LBG reproche au Tribunal de ne pas avoir reconnu l’importance des contraintes émanant d’autres systèmes de paiement, compte tenu de la jurisprudence citée au point 148 du présent arrêt, il ne saurait être reproché à LBG de ne pas avoir énuméré les points de l’arrêt attaqué visés par ce reproche. Enfin, contrairement à la suggestion de la Commission mentionnée au point 146 du présent arrêt, de tels arguments ne se bornent pas à remettre en cause l’appréciation des faits, mais constituent des questions de droit recevables au stade du pourvoi dès lors que ces arguments soulèvent la question des éléments qui devraient être pris en compte lors de l’analyse des effets restrictifs des CMI au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

153    Il s’ensuit que les exceptions d’irrecevabilité exposées aux points 144 à 146 du présent arrêt doivent également être rejetées.

–       Sur le fond du moyen unique du pourvoi incident de RBS et du premier moyen du pourvoi incident de LBG

154    Ainsi qu’il ressort du point 141 du présent arrêt, LBG reproche au Tribunal d’avoir appliqué un degré inapproprié de contrôle juridictionnel, notamment au point 169 de l’arrêt attaqué.

155    Pour ce qui concerne l’étendue du contrôle juridictionnel, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de l’Union que, lorsqu’il est saisi, conformément à l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit de manière générale exercer, sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, un contrôle complet sur le point de savoir si les conditions d’application de cette disposition se trouvent ou non réunies (voir, en ce sens, arrêts Remia e.a./Commission, EU:C:1985:327, point 34; Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, points 54 et 62; ainsi que Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, point 59). Le Tribunal doit également vérifier d’office si la Commission a motivé sa décision (voir, en ce sens, arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 61 et jurisprudence citée, ainsi que Otis e.a., EU:C:2012:684, point 60).

156    Lors de ce contrôle, le Tribunal ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission, en vertu du rôle qui lui est assigné, en matière de politique de la concurrence, par les traités UE et FUE, pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (voir, en ce sens, arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 62, ainsi que Otis e.a., EU:C:2012:684, point 61).

157    En l’occurrence, force est de relever que, dans le cadre de son appréciation de la question des effets restrictifs des CMI, le Tribunal, au point 169 de l’arrêt attaqué, a utilisé l’expression de «contrôle restreint», qui pourrait laisser entendre que celui-ci a exercé un contrôle juridictionnel sur la décision litigieuse plus restreint que celui exigé par la jurisprudence exposée aux points 155 et 156 du présent arrêt.

158    Toutefois, en elle-même, une telle expression ne saurait nécessairement démontrer que le Tribunal n’a pas, dans les faits, exercé le contrôle juridictionnel requis. Il convient dès lors en l’occurrence de poursuivre l’examen des moyens soumis à la Cour (voir par analogie, notamment, arrêt KME Germany e.a./Commission, EU:C:2011:810, points 108 et 109).

159    En l’espèce, par son argument relatif au degré inapproprié de contrôle juridictionnel, LBG ne s’est spécifiquement appuyée que sur le point 169 de l’arrêt attaqué, point exposé dans le cadre de l’analyse par le Tribunal des griefs contestant la définition du marché de produits retenue par la Commission. Toutefois, dans le cadre du présent pourvoi, les requérantes n’ont pas directement remis en cause l’appréciation du Tribunal relative à cette définition, à savoir le marché de l’acquisition.

160    Dans ces circonstances, l’argument soulevé par LBG, en ce qu’il reproche au Tribunal le niveau de contrôle juridictionnel appliqué dans cette partie de son analyse, s’avère, en toute hypothèse, inopérant. Pour le surplus, l’argument de LBG relatif au contrôle juridictionnel doit être rejeté comme irrecevable dans la mesure où il n’identifie pas avec précision les autres parties de l’arrêt attaqué qu’il vise.

161    En ce qui concerne le reproche de RBS, résumé au point 128 de cet arrêt, selon lequel, en examinant la question de savoir si une décision a un effet restrictif sur la concurrence, la Commission aurait dû examiner quelle «hypothèse contrefactuelle» se présenterait effectivement en l’absence des CMI, il convient de rappeler que la Cour a itérativement jugé que pour apprécier si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord litigieux (voir arrêts LTM, 56/65, EU:C:1966:38, 360; Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, points 16 et 17; Lancôme et Cosparfrance Nederland, 99/79, EU:C:1980:193, point 26; L’Oréal, 31/80, EU:C:1980:289, point 19; ETA Fabriques d’Ébauches, 31/85, EU:C:1985:494, point 11; Bagnasco e.a., C‑215/96 et C‑216/96, EU:C:1999:12, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que General Motors/Commission, EU:C:2006:229, point 72). Ainsi que le Tribunal l’a considéré, à bon droit, au point 128 de l’arrêt attaqué, il en va de même s’agissant d’une décision d’une association d’entreprises au sens de l’article 81 CE.

162    Toutefois, il résulte en particulier du point 132 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est appuyé, afin d’apprécier les effets concurrentiels des CMI, sur «l’hypothèse d’un système MasterCard fonctionnant sans CMI – sur la seule base d’une règle interdisant les tarifications ‘ex post’», c’est-à-dire sur la même «hypothèse contrefactuelle» qu’il a appliquée en vue d’examiner si les CMI pouvaient être considérées comme une restriction accessoire au sens des points 89 et 90 du présent arrêt, par rapport au système de paiement MasterCard.

163    Or, ainsi qu’il résulte du point 108 du présent arrêt, la même «hypothèse contrefactuelle» n’est pas nécessairement appropriée à des questions conceptuellement distinctes. En effet, lorsqu’il est question de savoir si les CMI comportent des effets restrictifs de la concurrence, le point de savoir si, sans ces commissions, mais par l’effet de l’interdiction des tarifications «ex post», un système ouvert de paiement tel que le système MasterCard pourrait demeurer viable n’est pas, en soi, déterminant.

164    En revanche, il convient, à cette fin, d’apprécier l’incidence de la fixation des CMI sur les paramètres de concurrence, tels que, notamment, le prix, la quantité et la qualité des produits ou des services. Ainsi, il y a lieu, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 161 du présent arrêt, d’examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait en l’absence de telles commissions.

165    À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que l’appréciation des effets d’une coordination entre entreprises au regard de l’article 81 CE implique la nécessité de prendre en considération le cadre concret dans lequel le dispositif de coordination en cause s’insère, notamment le contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la nature des biens ou des services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question (voir en ce sens, notamment, arrêts Delimitis, C‑234/89, EU:C:1991:91, points 19 à 22; Oude Luttikhuis e.a., EU:C:1995:434, point 10; Asnef-Equifax et Administración del Estado, EU:C:2006:734, point 49 et jurisprudence citée, ainsi que Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 54).

166    Il s’ensuit que le scénario envisagé à partir de l’hypothèse de l’absence du dispositif de coordination en cause doit être réaliste. Dans cette optique, il est loisible, le cas échéant, de tenir compte des développements probables qui se produiraient sur le marché en l’absence de ce dispositif.

167    Toutefois, en l’espèce, le Tribunal n’a nullement abordé le caractère probable, voire plausible, de l’interdiction des tarifications «ex post» dans l’hypothèse de l’absence des CMI dans le cadre de son analyse des effets restrictifs de ces commissions. En particulier, il n’a pas abordé, conformément aux exigences de la jurisprudence exposée aux points 155 et 156 du présent arrêt, le point de savoir comment, compte tenu notamment des obligations pesant sur les commerçants et sur les banques d’acquisition en vertu de la Honour All Cards Rule, laquelle ne fait pas l’objet de la décision litigieuse, les banques d’émission pourraient être incitées, en l’absence de CMI, à renoncer à exiger des commissions à l’occasion du règlement des transactions par cartes bancaires.

168    Il est vrai que, ainsi qu’il ressort du point 111 du présent arrêt, le Tribunal n’était pas tenu, dans le cadre de l’examen du caractère accessoire, au sens des points 89 et 90 du présent arrêt, des CMI, d’examiner s’il était probable que l’interdiction des tarifications «ex post» survienne en cas d’absence de telles commissions. Néanmoins, compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 161 et 165 du présent arrêt, il en va autrement dans le contexte distinct du point de savoir si les CMI comportent des effets restrictifs de la concurrence.

169    Dans ces conditions, c’est à bon droit qu’il est fait valoir en l’espèce que, en s’appuyant sur le seul critère de la viabilité économique, notamment aux points 132 et 143 de l’arrêt attaqué, pour justifier la prise en considération de l’interdiction des tarifications «ex post» dans le cadre de son analyse des effets des CMI sur la concurrence, et en évitant, partant, d’expliquer dans le cadre de cette analyse s’il était vraisemblable qu’une telle interdiction survienne en l’absence des CMI autrement qu’au moyen d’une intervention réglementaire, le Tribunal a commis une erreur de droit.

170    Il y a lieu de rappeler, toutefois, que, si les motifs d’une décision du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (voir, en ce sens, arrêts Lestelle/Commission, C‑30/91 P, EU:C:1992:252, point 28, ainsi que FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 187 et jurisprudence citée).

171    Tel est le cas en l’espèce. L’argumentation des requérantes devant le Tribunal relative au caractère objectivement nécessaire des CMI, telle que décrite au point 94 de l’arrêt attaqué, lequel n’est pas contesté dans le cadre du présent pourvoi, reposait en substance sur l’allégation selon laquelle, en l’absence des CMI, les acquéreurs seraient à la merci des émetteurs, qui pourraient déterminer de manière unilatérale le montant de la commission d’interchange, les commerçants et les acquéreurs étant tenus d’accepter la transaction.

172    Aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré à juste titre, ainsi qu’il ressort des points 78 à 121 du présent arrêt, que la Commission pouvait conclure à bon droit que «[l]a possibilité que certaines banques émettrices exploitent des acquéreurs qui sont liés par la [Honour All Cards Rule] pourrait être levée par une règle du réseau ayant des effets moins restrictifs sur la concurrence que la solution actuelle de MasterCard qui veut que, par défaut, un certain niveau de commissions d’interchange soit appliqué. L’autre solution serait une règle imposant une interdiction des tarifications ‘ex post’ en l’absence d’un accord bilatéral entre elles».

173    Il s’ensuit que, ainsi qu’il ressort des points 94 à 96 de l’arrêt attaqué, la seule autre option se présentant en première instance de nature à permettre au système MasterCard de fonctionner en l’absence des CMI était effectivement l’hypothèse d’un système fonctionnant sur la seule base de l’interdiction des tarifications «ex post». Dans ces circonstances, ladite interdiction peut être regardée comme une «hypothèse contrefactuelle» non seulement économiquement viable dans le cadre du système MasterCard, mais également plausible voire probable, étant donné qu’il ne ressort en rien de l’arrêt attaqué et qu’il est constant qu’il n’a nullement été soutenu devant le Tribunal que MasterCard aurait préféré laisser son système s’effondrer plutôt que d’adopter l’autre solution, à savoir l’interdiction des tarifications «ex post».

174    Par conséquent, même si le Tribunal a considéré à tort que le caractère économiquement viable de l’interdiction des tarifications «ex post» dans le cadre du système MasterCard suffisait, à lui seul, à justifier la prise en considération de cette interdiction dans le cadre de l’analyse des effets des CMI sur la concurrence, dans les circonstances du cas d’espèce, telles qu’elles ressortent de l’arrêt attaqué, le Tribunal a pu s’appuyer, pour procéder à l’analyse des effets restrictifs des CMI, sur la même «hypothèse contrefactuelle» qu’il avait employée dans le cadre de son analyse de la nécessité objective de ces commissions, bien que pour des motifs autres que ceux exposés par le Tribunal aux points 132 et 143 de l’arrêt attaqué. Dans ces conditions, l’erreur de droit constatée au point 169 du présent arrêt n’a pas d’incidence sur l’analyse des effets restrictifs menée par le Tribunal sur la base de l’«hypothèse contrefactuelle» en cause.

175    De même, cette erreur n’a pas d’incidence sur le dispositif de l’arrêt attaqué qui apparaît fondé pour d’autres motifs de droit.

176    En ce qui concerne l’argument, résumé au point 140 du présent arrêt, par lequel LBG reproche au Tribunal de ne pas avoir reconnu l’importance des contraintes émanant d’autres systèmes, il suffit de souligner que, au point 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expressément constaté que c’était à bon droit que la Commission avait pris en compte la concurrence intersystèmes dans le cadre de son analyse des effets des CMI. Reposant sur une interprétation erronée de l’arrêt attaqué, cet argument doit dès lors être rejeté (voir, en ce sens, arrêt Ojha/Commission, C‑294/95 P, EU:C:1996:434, points 48 et 49).

177    S’agissant de l’argument, également visé au point 140 du présent arrêt, par lequel LBG reproche au Tribunal d’avoir jugé que le caractère biface du système ne serait pertinent que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE, il convient de rappeler que, ainsi qu’il découle du point 161 du présent arrêt et que LBG le fait d’ailleurs valoir, le Tribunal était tenu de s’assurer que la Commission avait examiné la prétendue restriction de concurrence dans son cadre réel. En effet, pour apprécier si une coordination entre entreprises doit être considérée comme interdite en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il convient, selon la jurisprudence rappelée au point 165 du présent arrêt, de prendre en compte tout élément pertinent, compte tenu, notamment, de la nature des services en cause ainsi que des conditions réelles de fonctionnement et de la structure des marchés, relatif au contexte économique ou juridique dans lequel ladite coordination s’insère, sans qu’il importe qu’un tel élément relève ou non du marché pertinent.

178    En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 173 de d’arrêt attaqué, sans que cela ait été directement remis en cause dans le cadre du présent pourvoi, que la Commission pouvait retenir le marché de l’acquisition comme marché pertinent pour son analyse des effets concurrentiels des CMI. De plus, ainsi qu’il ressort du point 176 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, laquelle n’est pas contestée dans le cadre du présent pourvoi, a relevé qu’existent certaines interactions entre les volets «émission» et «acquisition», tels le caractère complémentaire des services et la présence d’effets de réseaux indirects, en ce que l’importance de l’acceptation des cartes par les commerçants et le nombre de cartes en circulation influent l’un sur l’autre.

179    Dans ces circonstances, le contexte économique et juridique dans lequel la coordination en cause s’inscrit comprend, ainsi que le soutiennent les requérantes, RBS et LBG, le caractère biface du système de paiement ouvert de MasterCard, en particulier dès lors qu’il est constant qu’il existe des interactions entre les deux faces dudit système (voir, par analogie, arrêts Delimitis, EU:C:1991:91, points 17 à 23, ainsi que Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 42).

180    Toutefois, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 181 et 182 de l’arrêt attaqué, l’argumentation en substance avancée devant le Tribunal, laquelle n’est pas contestée dans le cadre du présent pourvoi, ne comprenait pas l’argument désormais avancé par LBG dans le cadre du présent pourvoi, selon lequel, pour juger une restriction de la concurrence dans son propre contexte, il y a lieu de tenir compte du caractère biface du système en cause. Au contraire, les critiques avancées en première instance portant sur l’absence de prise en compte du caractère biface du système se bornaient à mettre en avant les avantages économiques qui découleraient des CMI. Or, ainsi qu’il ressort du point 93 du présent arrêt et du libellé même de l’article 81 CE, dès lors qu’il est constaté qu’une mesure est de nature à avoir une incidence défavorable sensible sur les paramètres de concurrence, tels que, notamment, le prix, la quantité et la qualité des produits ou des services, et relève dès lors du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE, de tels avantages ne sauraient être considérés que dans le cadre du paragraphe 3 de cet article.

181    Eu égard à cette constatation, le Tribunal a donc pu conclure à bon droit, au point 182 de l’arrêt attaqué, que les critiques présentées devant lui relatives au caractère biface du système étaient dépourvues de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE, dans la mesure où elles impliquaient la prise en compte d’avantages économiques au titre de ce paragraphe. C’était aussi à bon droit que le Tribunal a conclu que les éventuels avantages économiques qui pourraient résulter des CMI ne sont pertinents que dans le cadre de l’analyse au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

182    Il s’ensuit que l’argument de LBG relatif au caractère biface du système repose sur une interprétation erronée de l’arrêt attaqué et n’est dès lors pas fondé.

183    S’agissant du reproche de RBS, résumé au point 129 du présent arrêt, selon lequel le Tribunal aurait mené une «analyse abrégée» des effets des CMI, en particulier au point 143 de l’arrêt attaqué, la Commission rétorque, ainsi qu’il ressort du point 134 du présent arrêt, que les CMI émanent d’une décision par une association d’entreprises de fixer les prix et que leurs effets anticoncurrentiels sont évidents.

184    À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (voir en ce sens, notamment, arrêts LTM, EU:C:1966:38, 359 et 360; Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 15, ainsi que Allianz Hungária Biztosító e.a., EU:C:2013:160, point 34 et jurisprudence citée).

185    Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir en ce sens, notamment, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a., EU:C:2013:160, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

186    Il y a lieu cependant de rappeler que, ainsi qu’il ressort notamment des points 27 et 141 de l’arrêt attaqué, la décision litigieuse est fondée non pas sur l’existence d’une infraction par objet prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE, mais sur les effets des CMI.

187    Dans ces conditions, contrairement à ce que la Commission laisse entendre, il ne saurait dès lors être recouru, sur la base de la jurisprudence exposée au point 184 du présent arrêt, à de simples suppositions ou affirmations selon lesquelles les effets anticoncurrentiels des CMI seraient «évidents» (voir en ce sens, notamment, arrêt Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, points 16 et 20).

188    En ce qui concerne les arguments dont il est question aux points 131, 139 et 142 du présent arrêt, qui se recoupent dans une certaine mesure avec l’argument de RBS exposé au point 129 de cet arrêt, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver les arrêts résulte de l’article 36 du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal (voir, notamment, arrêt Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 135).

189    Selon une jurisprudence constante, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêts France Télécom/Commission, C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 29, et Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 81). Ainsi que cela a déjà été exposé au point 112 du présent arrêt, l’obligation de motivation n’impose toutefois pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêt Ziegler/Commission, EU:C:2013:513, point 82 et jurisprudence citée).

190    Toutefois, s’il est vrai, ainsi qu’il ressort du point 169 du présent arrêt, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 81, paragraphe 1, CE, à la lumière de la substitution de motifs effectuée aux points 171 à 175 de cet arrêt, les arguments qui visent à reprocher au Tribunal d’avoir effectué une analyse abrégée des effets des CMI et d’avoir, sur cette question, motivé de manière insuffisante l’arrêt attaqué ne sauraient être fondés sur cette seule erreur.

191    Pour le surplus, en tant que les arguments, mentionnés au point 188 du présent arrêt, visent à reprocher au Tribunal une analyse ou une motivation insuffisante des effets concurrentiels des CMI, ils ne sauraient être accueillis.

192    En effet, s’étant appuyé valablement sur l’«hypothèse contrefactuelle» d’un système fonctionnant sur la base de l’interdiction des tarifications «ex post», contrairement à ce que fait valoir RBS, le Tribunal n’a pas considéré les CMI, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence, mais a entamé une analyse des effets concurrentiels de ces commissions. Il y a lieu de souligner que l’analyse du Tribunal à cet égard ne ressort pas de la seule lecture du point 143 de l’arrêt attaqué, ainsi que semble le suggérer RBS, mais comprend également toute l’analyse qui figure aux points 123 à 193 dudit arrêt.

193    En particulier, si, au point 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a clairement expliqué que les CMI avaient des effets restrictifs en ce qu’elles «limitent la pression que les commerçants peuvent exercer sur les banques d’acquisition lors de la négociation des MSC en réduisant les possibilités que les prix baissent en dessous d’un certain seuil», et cela en contraste avec «un marché de l’acquisition fonctionnant en leur absence», le Tribunal ne s’est pas borné à présumer que les CMI fixent un plancher aux MSC, mais a, au contraire, procédé à un examen détaillé, aux points 157 à 165 de l’arrêt attaqué, afin de déterminer si tel était en fait le cas.

194    Il s’ensuit que l’argument de RBS selon lequel l’analyse des effets est à assimiler à une analyse d’une restriction «par objet», repose sur une lecture partielle de l’arrêt attaqué en ne se focalisant que sur le point 143 de cet arrêt, sans prendre en compte l’examen plus complet dans lequel il s’inscrit.

195    De même, les requérantes ne sauraient reprocher au Tribunal d’avoir omis d’expliquer comment l’hypothèse retenue aurait des effets moins restrictifs sur la concurrence que les CMI, étant donné que la seule différence entre les deux situations résiderait dans le niveau de prix des CMI. En effet, comme le souligne à bon droit la Commission, l’arrêt attaqué ne repose pas sur le postulat que les prix élevés en eux-mêmes constituent une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Au contraire, ainsi qu’il ressort du libellé même dudit point 143, les prix élevés ne sont que la conséquence des CMI qui limitent la pression que pourraient exercer les commerçants sur les banques d’acquisition avec, pour conséquence, une baisse de la concurrence entre acquéreurs sur le montant des MSC.

196    Dans ces circonstances, la Cour est en mesure d’exercer son contrôle sur l’analyse qui sous-tend les affirmations figurant au point 143 de l’arrêt attaqué. Compte tenu des considérations figurant aux points 183 à 195 du présent arrêt, le Tribunal a motivé à suffisance de droit son analyse relative aux effets des CMI sur la concurrence.

197    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument tiré de la prétendue contradiction de motifs soulevé par RBS et exposé au point 130 du présent arrêt. Il suffit de relever qu’il y a rien de contradictoire dans le raisonnement du Tribunal en ce qu’il a reconnu que les commerçants peuvent exercer une contrainte sur le montant des CMI, tout en qualifiant cette pression d’insuffisante pour empêcher que les CMI fixent un plancher et réduisent ainsi la concurrence entre acquéreurs. En effet, le Tribunal a expliqué clairement, au point 158 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait qualifier d’insuffisante ladite contrainte dans la mesure où elle n’est susceptible d’intervenir qu’au-delà d’un seuil maximal de tolérance des commerçants. Il s’agit d’appréciations autonomes qui ne se contredisent pas entre elles, ce dont il résulte que cet argument n’est pas fondé (voir, par analogie, ordonnance Piau/Commission, C‑171/05 P, EU:C:2006:149, point 85).

198    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que si le Tribunal a commis une erreur de droit, ainsi qu’il est dit au point 169 du présent arrêt, cette erreur n’est pas susceptible d’entraîner pour autant l’annulation de l’arrêt attaqué compte tenu de la substitution de motifs effectuée aux points 171 à 175 du présent arrêt. Pour le surplus, les arguments soulevés dans le cadre du moyen unique du pourvoi incident de RBS et du premier moyen du pourvoi incident de LBG sont en partie inopérants et en partie non fondés.

199    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le pourvoi incident de RBS et le premier moyen de celui de LBG.

 Sur le second moyen du pourvoi incident de LBG

200    En substance, le second moyen du pourvoi incident de LBG, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE, s’articule en trois branches. Les requérantes souscrivent à ce moyen, tout en présentant des observations supplémentaires.

 L’arrêt attaqué

201    Selon le Tribunal, le deuxième moyen de la requête en première instance se composait, en substance, de deux branches. Dans le cadre de la première branche de ce moyen, les requérantes ont reproché à la Commission de leur avoir appliqué une charge de la preuve trop élevée en ce qui concerne la démonstration du respect des conditions prévues à l’article 81, paragraphe 3, CE. Dans le cadre de la seconde branche dudit moyen, elles ont prétendu que l’analyse par la Commission desdites conditions était entachée d’erreurs manifestes d’appréciation. Considérant qu’il était impossible d’examiner ladite première branche dans l’abstrait, le Tribunal a examiné les deux branches du deuxième moyen de la requête en première instance de manière conjointe.

202    Au point 207 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que «dans la mesure où les CMI ne constituent pas des restrictions accessoires par rapport au système MasterCard, c’est à bon droit que la Commission a examiné s’il existait des avantages objectifs sensibles découlant spécifiquement des CMI. Ainsi, la circonstance que la Commission admette, au considérant 679 de la décision [litigieuse], que les systèmes de cartes de paiement, tel que le système MasterCard, constituent un progrès technique et économique est sans incidence sur le point de savoir si les CMI remplissent la première condition posée à l’article 81, paragraphe 3, CE».

203    Aux points 208 à 216 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’argumentation des requérantes sur le rôle des CMI dans l’équilibrage entre les volets «émission» et «acquisition» du système MasterCard. Au point 217 de cet arrêt, le Tribunal a conclu que «[a]u vu de ce qui précède, force est de constater que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, rejeter l’argumentation présentée par les requérantes aux fins de justifier une imputation des avantages objectifs qui peuvent découler du système MasterCard au rôle joué par ses CMI».

204    Au point 220 dudit arrêt, le Tribunal a ajouté que, à supposer même qu’il pouvait être déduit que les CMI contribuent à augmenter la production du système MasterCard, cela ne suffirait pas à démontrer qu’elles répondent à la première condition posée à l’article 81, paragraphe 3, CE. À cet égard, le Tribunal a observé, au point 221 du même arrêt, que les premiers bénéficiaires d’une telle augmentation sont l’organisation de paiement MasterCard et les banques y participant et que l’amélioration, au sens de l’article 81, paragraphe 3, CE, ne saurait être assimilée à tout avantage que les partenaires retirent de l’accord quant à leur activité de production ou de distribution.

205    Aux points 222 à 225 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’existence d’avantages objectifs sensibles imputables aux CMI à l’égard des commerçants et a conclu, au point 226 dudit arrêt, que «en l’absence de preuve de l’existence d’un lien suffisamment étroit entre les CMI et des avantages objectifs dont bénéficieraient les commerçants, la circonstance qu’elles puissent contribuer à l’augmentation de la production du système MasterCard n’est pas, à elle seule, susceptible de démontrer que la première condition posée à l’article 81, paragraphe 3, CE est remplie».

206    Aux points 227 à 229 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, à défaut d’avoir apporté la preuve de l’existence d’avantages objectifs sensibles imputables aux CMI à l’égard des commerçants, l’un des deux groupes d’utilisateurs concernés par les cartes de paiement, la critique des requérantes portant sur une insuffisante prise en compte des avantages des CMI pour les titulaires de cartes était inopérante.

207    Dans le cadre de l’argumentation des requérantes consistant à reprocher à la Commission de se comporter en «régulateur de prix» des CMI, le Tribunal, aux points 230 à 232 dudit arrêt, a constaté que la Commission avait examiné et valablement réfuté le bien-fondé de l’argumentation développée par les requérantes au cours de la procédure administrative et que l’absence de données permettant de satisfaire au niveau de preuve économique exigé par la Commission, à la supposer avérée, ne saurait impliquer un allégement de la charge de la preuve, voir un reversement de celle-ci.

208    Enfin, aux points 236 et 237 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu son analyse du deuxième moyen de la requête en première instance, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE, dans les termes suivants:

«236      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas démontré que le raisonnement de la Commission portant sur la première condition de l’article 81, paragraphe 3, CE était entaché d’illégalité. La réunion des conditions énoncées par cet article étant nécessaire pour qu’il trouve à s’appliquer, il y a lieu de rejeter la seconde branche du moyen, et cela sans qu’il soit nécessaire d’examiner les critiques des requérantes portant sur les autres aspects de l’analyse de la Commission au titre de cet article.

237      Par voie de conséquence, la première branche du moyen, tiré du caractère trop élevé de la charge de la preuve imposée aux requérantes, doit également être rejetée. En effet, il ressort des développements ci-dessus que la Commission a examiné les arguments et les éléments de preuve avancés par les requérantes et, dans les circonstances de l’espèce, a pu valablement conclure qu’ils ne permettaient pas de démontrer que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE étaient réunies. Dans la mesure où la Commission a pu valablement conclure que les requérantes n’avaient pas apporté la preuve de l’exception qu’elles invoquaient, il convient également de rejeter l’allégation tirée de la violation du principe in dubio pro reo.»

 Sur la première branche du second moyen du pourvoi incident de LBG

–       Argumentation des parties

209    LBG fait valoir que le Tribunal n’a pas appliqué le critère correct en ce qui concerne la charge de la preuve, à savoir la balance des probabilités. En renvoyant aux observations écrites qu’elle a présentées au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, devant le Tribunal, LBG soutient que ce dernier aurait dû examiner l’intégralité du système MasterCard, lequel apporte des avantages importants aux titulaires de cartes et aux commerçants. Le Tribunal n’aurait pas dû demander à MasterCard de justifier le niveau précis des CMI, mais devait simplement demander une justification de la méthodologie que MasterCard suit pour fixer les CMI.

210    La Commission considère que les trois principales allégations soulevées par LBG dans le cadre du second moyen de son pourvoi incident sont irrecevables en tant qu’elles reposent sur des affirmations vagues et générales qui ne permettent pas d’identifier les parties de l’arrêt attaqué contestées ni de déterminer sur quelle base juridique elles s’appuient conformément aux exigences énoncées à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. LBG n’établirait pas clairement l’existence d’une erreur de droit commise par le Tribunal, mais se bornerait à reproduire des arguments déjà avancés en première instance.

211    Plus particulièrement, la Commission soutient que, à l’appui de la première branche du second moyen de son pourvoi incident, LBG ne désigne aucun point de l’arrêt attaqué et ne commente pas la jurisprudence invoquée par le Tribunal en ce qui concerne le niveau de preuve adéquat.

212    Sur le fond, la Commission fait valoir que, s’agissant de la première branche du deuxième moyen de la requête en première instance relative à la charge de la preuve, le Tribunal s’est correctement appuyé, aux points 196 et 206 de l’arrêt attaqué, sur une jurisprudence constante selon laquelle, pour bénéficier de l’article 81, paragraphe 3, CE, l’entreprise doit se prévaloir d’arguments et d’éléments de preuve convaincants que la Commission doit examiner. En revanche, le critère de la balance des probabilités proposé par LBG ne serait étayé par aucune jurisprudence.

213    De plus, la Commission considère que, dans la mesure où LBG semble contester l’exigence relative au lien de causalité entre la restriction réelle et les gains d’efficacité, cet argument est inopérant en tant que LBG ne conteste pas le point pertinent de l’arrêt attaqué, à savoir le point 207 de celui-ci. De toute façon, une telle exigence serait compatible avec la jurisprudence et, par conséquent, les arguments de LBG selon lesquels, d’une part, le système MasterCard offre d’importants avantages aux consommateurs et aux commerçants et, d’autre part, le Tribunal a appliqué un critère trop strict au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE ne sauraient prospérer.

214    Enfin, la Commission soutient qu’il s’agit non pas de justifier le niveau précis des CMI, mais plutôt de répondre à la question de savoir si les CMI entraînent des gains d’efficacité objectifs.

–       Appréciation de la Cour

215    Ainsi qu’il ressort des points 150 et 151 du présent arrêt, même si l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, sur lequel s’appuie la Commission, ne saurait être appliqué de manière rétroactive au pourvoi incident de LGB, il résulte des dispositions en vigueur à la date d’introduction de ce pourvoi incident, notamment des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de cette dernière, qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

216    Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément écartés par cette juridiction. En effet, dans la mesure où un tel pourvoi ne comporte pas une argumentation visant spécifiquement à critiquer l’arrêt attaqué, il constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui, aux termes de l’article 58 du statut de la Cour, échappe à la compétence de celle-ci (voir arrêt Deere/Commission, C‑7/95 P, EU:C:1998:256, point 20 et jurisprudence citée).

217    Or, si LBG allègue que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas retenu, comme critère de la charge de la preuve au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, la balance des probabilités, force est de constater que, à cet égard, le pourvoi incident n’indique pas et ne permet pas d’identifier avec précision les points ou la partie de l’arrêt attaqué qu’il critique.

218    Il y a également lieu de relever que, en renvoyant aux arguments avancés dans son mémoire en intervention en première instance, LBG reproduit les mêmes arguments que ceux qu’elle avait déjà invoqués devant le Tribunal et cherche en réalité à obtenir un réexamen de ceux-ci, sans même tenter d’avancer des arguments juridiques qui démontreraient de manière spécifique que le Tribunal, par son procédé, aurait commis une erreur de droit (voir, en ce sens, arrêt Deere/Commission, EU:C:1998:256, point 41).

219    Partant, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission est fondée et la première branche du second moyen du pourvoi incident de LBG est, dès lors, irrecevable.

 Sur la deuxième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG

–       Argumentation des parties

220    Par la deuxième branche du second moyen de son pourvoi incident, LBG, soutenue par les requérantes, fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 233 de l’arrêt attaqué, en se focalisant sur les avantages produits pour les commerçants seulement, malgré le fait qu’il a reconnu, au point 228 de cet arrêt, que les avantages peuvent être pris en compte pour tout marché et service qui bénéficie de l’existence de l’accord en cause et, au point 176 dudit arrêt, qu’il existe un lien entre les titulaires de cartes et les commerçants. Le Tribunal aurait ainsi erronément ignoré les avantages importants provenant du système MasterCard et des CMI pour les titulaires de cartes, d’une part, ainsi que le caractère biface du système et l’optimisation du système que les CMI contribuent à atteindre, d’autre part.

221    Les requérantes adhèrent au raisonnement de LBG et ajoutent que la motivation de l’arrêt attaqué est circulaire, contradictoire et insuffisante en ce qu’elle confirme l’absence de prise en compte par la décision litigieuse des avantages des CMI pour les titulaires de cartes. En particulier, aux points 107, 110 et 118 de cet arrêt, le Tribunal reconnaîtrait que les titulaires de cartes supporteraient des coûts plus élevés dans l’hypothèse où les CMI seraient supprimées ou réduites, aux points 178 et 233 dudit arrêt, qu’une contrepartie financière des commerçants est justifiée pour les services fournis par les banques d’émission à ces derniers et, aux points 182 et 228 de ce même arrêt, que la fonction des CMI qui entraîne une réduction des coûts pour les titulaires de cartes devrait être prise en compte au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Il serait dès lors impossible de comprendre comment le Tribunal a pu ensuite conclure que «la critique des requérantes portant sur une insuffisante prise en compte des avantages des CMI pour les titulaires de cartes est, en toute hypothèse, inopérante».

222    Les requérantes soutiennent également que le Tribunal s’est contredit, au point 233 de l’arrêt attaqué, en reconnaissant qu’une contrepartie financière apparaît justifiée pour les services que les banques d’émission fournissent aux commerçants, bien qu’il ne soit pas possible de démontrer avec précision dans quelle mesure, tout en soutenant que MasterCard a omis «d’identifier les services fournis par les banques d’émission des cartes de débit différé ou de crédit susceptibles de constituer des avantages objectifs pour les commerçants».

223    Les requérantes ajoutent que, même en supposant qu’elles ne sont pas parvenues à fournir suffisamment de preuves que les commerçants bénéficient d’avantages objectifs appréciables procurés par les CMI, le Tribunal n’expliquerait ni les raisons pour lesquelles, à la lumière de la jurisprudence citée au point 228 de l’arrêt attaqué, les deux premières conditions, prévues à l’article 81, paragraphe 3, CE, ne pourraient pas être satisfaites en se fondant uniquement sur les avantages que procurent les CMI aux titulaires de cartes ni celles pour lesquelles l’ensemble des catégories de consommateurs doit bénéficier de la même partie du profit.

224    Outre les motifs d’irrecevabilité plus généraux avancés par la Commission, tels qu’exposés au point 210 du présent arrêt, cette institution fait valoir que la deuxième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG est insuffisamment étayée. LBG contesterait certaines constatations factuelles relatives à l’absence de gains d’efficacité ou à la partie équitable du profit pour les utilisateurs sans, pour autant, alléguer aucune dénaturation.

225    Sur le fond, la Commission considère que l’existence de gains d’efficacité sur plusieurs marchés ne garantit pas qu’une partie équitable du profit revienne aux utilisateurs, conformément à la deuxième condition prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE. L’absence d’attribution d’une partie équitable du profit serait une constatation de fait non susceptible de pourvoi. En tout état de cause, LBG n’expliquerait pas en quoi la constatation du Tribunal relative à l’attribution d’une partie équitable du profit pour les consommateurs serait juridiquement erronée. Le caractère interdépendant des marchés dans le système biface n’affaiblirait pas la règle générale selon laquelle une partie équitable des gains d’efficacité doit au moins être attribuée aux consommateurs lésés par la restriction en cause.

226    En outre, selon la Commission, le Tribunal n’a pas ignoré les avantages pour les détenteurs de cartes, la maximisation de la production du système et le caractère biface du système, mais, aux points 208 à 229 de l’arrêt attaqué, a simplement rejeté les arguments y relatifs. Les constatations de fait à cet égard ne seraient pas susceptibles de pourvoi et, en tout état de cause, ne révéleraient aucune erreur de droit.

–       Appréciation de la Cour

227    L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission selon laquelle la deuxième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG ne serait pas suffisamment étayée ne saurait être accueillie. En effet, il suffit de relever que LBG a identifié le point précis de l’arrêt attaqué dans lequel se trouve l’erreur de droit alléguée, à savoir le point 233, et a étayé son argumentation en invoquant d’autres points précis dudit arrêt ainsi que des arguments juridiques à l’appui. Il s’ensuit que l’argumentation de LBG à cet égard répond aux exigences des dispositions et de la jurisprudence citées aux points 215 et 216 du présent arrêt.

228    Il convient également de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, par cette deuxième branche, LBG ne se limite pas à remettre en cause l’appréciation des faits opérée en première instance, mais soulève en substance la question de savoir quels marchés peuvent être considérés comme générant des avantages objectifs susceptibles d’être pris en compte aux fins de l’analyse de la première condition prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE. Une telle question constitue une question de droit recevable au stade du pourvoi.

229    Sur le fond, il y a lieu de rappeler que LBG, soutenue par les requérantes, reproche, en substance, au Tribunal de s’être seulement focalisé sur les avantages que les CMI confèrent aux commerçants, ignorant ainsi les avantages que le système MasterCard et les CMI confèrent aux titulaires de cartes, ainsi que le caractère biface du système et l’optimisation de ce système que les CMI contribuent à atteindre.

230    Il convient d’emblée de rejeter l’argument selon lequel le Tribunal aurait erronément ignoré les avantages découlant du système MasterCard pour les titulaires de cartes. À cet égard, il y a lieu de rappeler que toute décision d’association d’entreprises qui s’avère contraire aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE ne peut faire l’objet d’une exemption au titre du paragraphe 3 de cet article que si elle satisfait aux conditions y figurant, y compris la condition de contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique (voir, en ce sens, arrêt Remia e.a./Commission, EU:C:1985:327, point 38). Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des points 89 et 90 du présent arrêt, lorsqu’il n’est pas possible de dissocier une décision d’association d’entreprises de l’opération ou de l’activité principale à laquelle elle est associée sans en compromettre l’existence et les objets, il convient d’examiner la compatibilité avec l’article 81 CE de cette décision conjointement avec la compatibilité de l’opération ou de l’activité principale dont elle constitue l’accessoire.

231    En revanche, dès lors qu’il est constaté qu’une telle décision n’est pas objectivement nécessaire à la mise en œuvre d’une opération ou d’une activité déterminée, ce ne sont que les avantages objectifs découlant spécifiquement de ladite décision qui peuvent être pris en compte dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir, par analogie, arrêt Remia e.a./Commission, EU:C:1985:327, point 47).

232    En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 78 à 121 du présent arrêt, le Tribunal a pu constater sans commettre d’erreur de droit, au point 120 de l’arrêt attaqué, que les CMI ne présentaient pas un caractère objectivement nécessaire au fonctionnement du système MasterCard. À la lumière de cette conclusion, c’est aussi à bon droit que le Tribunal a conclu, au point 207 dudit arrêt, que l’analyse de la première condition posée à l’article 81, paragraphe 3, CE nécessitait un examen des avantages objectifs sensibles découlant spécifiquement des CMI et non pas du système MasterCard dans son ensemble. Il s’ensuit que l’argument selon lequel le Tribunal aurait erronément ignoré les avantages découlant du système MasterCard pour les titulaires de cartes ne saurait prospérer.

233    S’agissant de l’argument selon lequel le Tribunal aurait ignoré l’optimisation du système MasterCard que les CMI contribuent à atteindre, il convient de rappeler que, aux points 208 à 219 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’argumentation des requérantes reposant sur le rôle des CMI dans l’équilibrage entre les volets «émission» et «acquisition» de ce système et a conclu au rejet de l’argument selon lequel les CMI contribuent à augmenter la production dudit système. Il s’ensuit que l’argument de LBG, à cet égard, se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et s’avère donc non fondé.

234    En ce qui concerne les arguments selon lesquels le Tribunal aurait erronément ignoré le caractère biface du système et les avantages provenant des CMI pour les titulaires de cartes, tout d’abord, il est de jurisprudence constante que l’amélioration, au sens de la première condition prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE, ne saurait être identifiée à tout avantage que les partenaires retirent de l’accord en cause quant à leur activité de production ou de distribution. Cette amélioration doit notamment présenter des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients que comporte cet accord sur le plan de la concurrence (voir arrêt Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, 502).

235    Ensuite, il y a lieu de rappeler que l’examen d’un accord, aux fins de déterminer si ce dernier contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique et si ledit accord engendre des avantages objectifs sensibles, doit être entrepris au vu des arguments de fait et des éléments de preuve fournis par les entreprises (voir en ce sens, s’agissant d’une demande d’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 102).

236    Un tel examen peut nécessiter de prendre en compte les caractères et les éventuelles spécificités du secteur concerné par l’accord en cause, si ces caractères et ces spécificités sont décisifs sur le résultat de l’examen (voir arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., EU:C:2009:610, point 103). Par ailleurs, au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE, c’est le caractère favorable de l’incidence sur l’ensemble des consommateurs dans les marchés pertinents qui doit être pris en considération (voir, en ce sens, arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, EU:C:2006:734, point 70).

237    Il s’ensuit que, en présence d’un système de caractère biface comme le système MasterCard, pour apprécier si une mesure qui enfreint en principe l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE, en tant qu’elle crée des effets restrictifs à l’égard de l’un des deux groupes de consommateurs associé à ce système, peut remplir la première condition prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE, il y a lieu de tenir compte du système dans lequel cette mesure s’inscrit, y compris, le cas échéant, l’ensemble des avantages objectifs découlant de ladite mesure non seulement sur le marché à l’égard duquel la restriction a été constatée, mais également sur le marché qui comprend l’autre groupe de consommateurs associé audit système, en particulier lorsque, comme en l’occurrence, il est constant qu’il existe des interactions entre les deux volets du système en cause. À cet effet, il y a lieu d’apprécier, le cas échéant, si de tels avantages sont de nature à compenser les inconvénients que comporte cette même mesure sur le plan de la concurrence.

238    Toutefois, en l’espèce, l’argument de LBG selon lequel le Tribunal aurait erronément ignoré le caractère biface du système ne saurait être accueilli. Ainsi qu’il a été relevé au point 233 du présent arrêt, aux points 208 à 219 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’argumentation des requérantes quant au rôle des CMI dans l’équilibrage entre les volets «émission» et «acquisition» du système MasterCard et, à cet effet, a spécifiquement reconnu, au point 210 dudit arrêt, qu’il existait des interactions entre ces deux volets. Le fait que le Tribunal a conclu au rejet de l’argument selon lequel les CMI contribuent à augmenter la production dudit système n’enlève rien au fait que le Tribunal a pris en compte le caractère biface du système en cause lors de son analyse.

239    De même, lors de son examen des avantages découlant des CMI dont bénéficieraient les commerçants, le Tribunal a également pris en compte le caractère biface du système, notamment aux points 222 et 223 de l’arrêt attaqué, dans lesquels il a reconnu que l’augmentation du nombre de cartes en circulation peut accroître l’utilité du système MasterCard à l’égard des commerçants, même si, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, le Tribunal a conclu que le risque d’effets négatifs pour les commerçants s’avère d’autant plus élevé que le nombre de cartes en circulation est important.

240    En particulier, en ce qui concerne l’argument par lequel LBG reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte les avantages découlant des CMI pour les titulaires de cartes, force est de constater que, à la lumière de ce qui a été exposé aux points 234 à 236 du présent arrêt, le Tribunal était, en principe, tenu, lors de l’examen de la première condition prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE, de prendre en compte l’ensemble des avantages objectifs découlant des CMI, non seulement sur le marché pertinent, à savoir celui de l’acquisition, mais également sur le marché distinct connexe de l’émission.

241    Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où le Tribunal aurait constaté l’existence d’avantages objectifs sensibles découlant des CMI pour les commerçants, même si ceux-ci ne s’avéraient pas, en eux-mêmes, suffisants pour compenser les effets restrictifs constatés au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, l’ensemble des avantages sur les deux marchés d’utilisateurs dans le système MasterCard, y compris donc sur celui des titulaires de cartes, aurait pu, le cas échéant, justifier les CMI si, pris ensemble, ces avantages étaient de nature à compenser les effets restrictifs de ces commissions.

242    Cependant, ainsi qu’il a été rappelé au point 234 du présent arrêt, l’examen de la première condition, prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE, soulève la question de savoir si les avantages provenant de la mesure en cause sont de nature à compenser les inconvénients qui en découlent. Ainsi, dans le cas où, comme en l’occurrence, des effets restrictifs ont été constatés sur un seul marché d’un système biface, les avantages découlant de la mesure restrictive sur un marché distinct connexe également associé audit système ne sauraient, à eux seuls, être de nature à compenser les inconvénients résultant de cette mesure en l’absence de toute preuve de l’existence d’avantages objectifs sensibles imputables à ladite mesure dans le marché pertinent, notamment, ainsi qu’il ressort des points 21 et 168 à 180 de l’arrêt attaqué, lorsque les consommateurs qui se retrouvent sur lesdits marchés ne sont pas substantiellement les mêmes.

243    En effet, en l’occurrence, et sans qu’une quelconque dénaturation ait été soulevée à cet égard, le Tribunal a conclu, au point 226 de l’arrêt attaqué, à une absence de preuve de l’existence d’avantages objectifs découlant des CMI dont bénéficieraient les commerçants. Dans ces circonstances, il n’y avait pas lieu de procéder à un examen des avantages découlant des CMI pour les titulaires de cartes dès lors qu’ils ne sauraient, à eux seuls, être de nature à compenser les inconvénients résultant de ces commissions. C’est donc à bon droit que, au point 229 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que «la critique des requérantes portant sur une insuffisante prise en compte des avantages des CMI pour les titulaires de cartes est, en toute hypothèse, inopérante».

244    S’agissant de l’argumentation des requérantes, exposée au point 221 du présent arrêt, selon laquelle la motivation de l’arrêt attaqué serait circulaire, contradictoire et insuffisante sur ce point, cette argumentation ne peut être accueillie.

245    En effet, même dans l’hypothèse où le Tribunal aurait reconnu, lors de son analyse de la nécessité objective des CMI, qu’il existait des avantages pour les titulaires de cartes susceptibles, en principe, d’être pris en compte au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, il n’y avait pas lieu, ainsi qu’il ressort des points 240 à 243 du présent arrêt, de procéder à un examen de tels avantages en l’espèce. Le raisonnement du Tribunal sur ce point, en particulier au point 229 de l’arrêt attaqué, ne s’avère donc pas contradictoire.

246    Quant à l’argument, figurant au point 222 du présent arrêt, selon lequel le Tribunal se serait contredit au point 233 de l’arrêt attaqué, force est de relever que cet argument repose sur une citation sélective résultant ainsi d’une mauvaise lecture de cet arrêt. En effet, par l’expression «contrepartie financière», le Tribunal s’est référé, non pas comme le suggèrent les requérantes, à des avantages objectifs pour les commerçants, mais aux MSC. Le Tribunal n’a donc pas reconnu qu’une contrepartie financière des commerçants aux coûts exposés par les banques d’émission pour les services qu’elles leur fournissent apparaissait justifiée, mais il s’est borné à constater que les requérantes devaient identifier les avantages qui pourraient être considérés comme justifiant les MSC.

247    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal n’expliquerait pas pourquoi les deux premières conditions, prévues à l’article 81, paragraphe 3, CE, ne pourraient pas être satisfaites en se fondant uniquement sur les avantages que procurent les CMI aux titulaires de cartes, il suffit de renvoyer aux points 240 à 245 du présent arrêt.

248    Enfin, dans la mesure où les requérantes reprochent au Tribunal de n’avoir pas expliqué la raison pour laquelle l’ensemble des catégories de consommateurs doit bénéficier de la même partie du profit résultant des CMI, il suffit de relever que ce reproche repose sur une mauvaise lecture de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal n’a constaté nulle part que chacun des groupes d’utilisateurs devrait bénéficier de la même partie de ce profit, mais s’est borné à indiquer que, constituant l’un des deux groupes d’utilisateurs concernés par les cartes de paiement, les commerçants devraient également bénéficier d’avantages objectifs sensibles imputables aux CMI. Ainsi, en employant le mot «également» au point 228 dudit arrêt, le Tribunal a indiqué, à bon droit, que les commerçants devaient bénéficier des CMI «ainsi que» les titulaires de cartes, et non pas «dans la même mesure» que ces derniers.

249    Force est ainsi de conclure que l’argumentation des requérantes selon laquelle le Tribunal n’a pas motivé à suffisance de droit la non prise en compte des avantages pour les titulaires de cartes provenant des CMI est non fondée.

250    Au vu de ce qui précède, la deuxième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG doit être écartée.

 Sur la troisième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG

–       Argumentation des parties

251    Par la troisième branche du second moyen de son pourvoi incident, LBG soutient que le Tribunal a laissé entendre, au point 233 de l’arrêt attaqué, que les seuls éléments qui peuvent être pris en considération pour vérifier si les CMI sont fixées à un niveau approprié sont la compensation par les commerçants des frais encourus par les banques d’émission au titre des services fournis à ces derniers ainsi que les autres revenus obtenus par les banques d’émission. LBG reproche à la Commission son approche restrictive en l’espèce, approche que cette institution semblerait également avoir adoptée dans l’affaire Visa CMI [affaire COMP/39.398 – Visa MIF, C(2010) 8760]. En renvoyant aux observations écrites qu’elle a présentées au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, devant le Tribunal, LBG soutient que la Commission aurait dû suivre l’approche qu’elle a adoptée dans d’autres domaines comparables où elle a accepté des justifications bien plus larges au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

252    LBG soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en approuvant un critère trop rigoureux en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE qui ne prend pas en compte les avantages significatifs provenant du système MasterCard et des CMI pour les titulaires de cartes et les commerçants. De plus, la méthodologie du Tribunal ne pourrait pas fonctionner en pratique, car elle exigerait des preuves précises pour justifier des niveaux de CMI spécifiques, de telles preuves n’étant guère susceptibles d’être produites. Ni la Commission ni le Tribunal n’auraient fourni d’explication sur la méthodologie précise que devrait suivre MasterCard afin de fixer les CMI à un niveau justifiable. Cette incertitude soulèverait des préoccupations importantes pour les opérateurs et serait susceptible de porter préjudice aux consommateurs en bloquant l’innovation sur le marché.

253    Outre les exceptions d’irrecevabilité plus générales avancées par la Commission, telles qu’exposées au point 210 du présent arrêt, la Commission considère que les arguments avancés à l’appui de la troisième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG, quant à la prétendue absence d’orientation fournie par le Tribunal, sont inopérants.

254    Sur le fond, la Commission considère que l’argument de LBG relatif au prétendu manque d’orientations sur le niveau justifiable des CMI implique un reversement de la charge de la preuve et ne relève aucune erreur de droit. LBG se contredirait lorsqu’elle renvoie au point 233 de l’arrêt attaqué relatif aux preuves que les requérantes auraient pu apporter pour satisfaire à la première condition prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE. Enfin, la référence à l’affaire Visa CMI, mentionnée au point 251 du présent arrêt, serait sans intérêt dans le cadre du présent pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

255    Tout d’abord, quant à l’argument exposé par LBG selon lequel la Commission aurait adopté une approche trop restrictive en l’espèce, à l’instar de ce qu’elle aurait fait dans l’affaire Visa CMI mentionnée au point 251 du présent arrêt, il suffit de constater que cet argument n’indique aucunement les éléments critiqués de l’arrêt attaqué et est, dès lors, irrecevable.

256    Ensuite, s’agissant de l’argument par lequel LBG reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en approuvant un critère trop rigoureux qui ne prend pas en compte les avantages significatifs provenant du système MasterCard et des CMI pour les titulaires de cartes et les commerçants, cet argument est, en substance, identique à ceux qui ont déjà été examinés dans le cadre de la deuxième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG. Ledit argument doit donc être rejeté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 227 à 250 du présent arrêt.

257    Enfin, en ce qui concerne les arguments selon lesquels la méthodologie suivie par le Tribunal ne pourrait pas fonctionner en pratique, car elle exige des preuves précises pour justifier des niveaux de CMI spécifiques qui ne sont guère susceptibles d’être produits et le fait que ni la Commission ni le Tribunal n’auraient fourni d’explications sur la méthodologie précise que devrait suivre MasterCard afin de fixer les CMI à un niveau justifiable, force est de constater que ces arguments ne visent pas à reprocher au Tribunal une erreur de droit. De tels arguments sont dès lors irrecevables.

258    La troisième branche du second moyen du pourvoi incident de LBG doit donc être écartée. Il y a ainsi lieu de rejeter le second moyen du pourvoi incident de LBG dans son ensemble.

259    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi principal ainsi que les deux pourvois incidents introduits par RBS et LBG doivent être rejetés.

 Sur les dépens

260    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

261    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, applicable, mutatis mutandis, à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

262    Les requérantes ayant succombé en leurs moyens de pourvoi et la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes, il y a lieu d’ordonner que celles-ci supportent, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission à l’occasion du pourvoi principal.

263    En ce qui concerne les pourvois incidents, RBS et LBG ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celles-ci, il y a lieu de condamner ces dernières à supporter, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission à l’occasion de leurs pourvois incidents respectifs.

264    Par ailleurs, en vertu d’une lecture combinée des articles 140, paragraphe 3, et 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, il convient en l’occurrence d’ordonner que les requérantes supportent leurs propres dépens afférents aux deux pourvois incidents et que RBS et LBG supportent leurs propres dépens afférents au pourvoi incident introduit par l’autre partie.

265    Conformément à l’article 184, paragraphe 4, de ce règlement, HSBC, MBNA, BRC et EuroCommerce supportent leurs propres dépens afférents au pourvoi principal et aux pourvois incidents. Banco Santander SA n’ayant pas participé aux procédures devant la Cour, elle ne peut être condamnée aux dépens de celles-ci.

266    En vertu de l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement, rendu applicable, mutatis mutandis, à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Conformément à ces dispositions, le Royaume-Uni supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi principal et les pourvois incidents sont rejetés.

2)      MasterCard Inc., MasterCard International Inc. et MasterCard Europe SPRL sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens afférents au pourvoi principal et aux pourvois incidents, ceux de la Commission européenne afférents au pourvoi principal.

3)      Royal Bank of Scotland plc, Bank of Scotland plc et Lloyds TSB Bank plc sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission européenne afférents à leurs pourvois incidents respectifs.

4)      HSBC Bank plc, MBNA Europe Bank Ltd, British Retail Consortium, EuroCommerce AISBL et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.