Language of document : ECLI:EU:C:2008:266

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 8 mai 2008 (1)

Affaire C‑73/07

Tietosuojavaltuutettu

contre

Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein hallinto‑oikeus (Finlande)]

«Directive 95/46/CE – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel – Protection de la vie privée – Données à caractère fiscal concernant les revenus et le patrimoine – Liberté d’expression – Privilège des médias»





I –    Introduction

1.        Dans la présente espèce, la Cour doit déterminer le rapport entre la protection des données et la liberté de la presse, voire des médias. Lors de l’adoption de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (2), on était conscient du fait que les deux droits fondamentaux en question risquaient d’entrer en conflit et c’est pour cette raison que l’article 9 prévoit l’obligation, pour les États membres, d’établir un équilibre entre ces deux droits fondamentaux. C’est notamment pour les médias que les États membres devaient prévoir les dérogations à la protection des données, qui sont nécessaires. À l’heure actuelle se pose la question de savoir si cette disposition dérogatoire est applicable à la publication, sous forme de liste, des données à caractère fiscal de citoyens finlandais, incluant les indications relatives à leurs revenus et à leur patrimoine, ainsi que la mise à disposition de ces données par le biais d’un service de télétexte pour la télécommunication mobile.

II – Cadre juridique

A –    Droit communautaire

2.        L’article 2, sous a), b) et c), de la directive 95/46 définit les notions, essentielles, de données à caractère personnel, de traitement et de fichier:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a)      ‘données à caractère personnel’: toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée); est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale;

b)      ‘traitement de données à caractère personnel’ (traitement): toute opération ou ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction;

c)      ‘fichier de données à caractère personnel’ (fichier): tout ensemble structuré de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés, que cet ensemble soit centralisé, décentralisé ou réparti de manière fonctionnelle ou géographique»

3.        À partir de là, l’article 3, paragraphe 1, définit le champ d’application de la directive:

«La présente directive s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.»

4.        Le rapport entre la protection des données et la liberté d’expression, voire la liberté de la presse, est réglé à l’article 9:

«Les États membres prévoient, pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, des exemptions et dérogations au présent chapitre, au chapitre IV et au chapitre VI dans la seule mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression.»

5.        Ce texte est expliqué aux dix-septième et trente-septième considérants:

«(17) considérant que, pour ce qui est des traitements de sons et d’images mis en œuvre à des fins de journalisme ou d’expression littéraire ou artistique, notamment dans le domaine audiovisuel, les principes de la directive s’appliquent d’une manière restreinte selon les dispositions prévues à l’article 9; 

[…]

(37)  considérant que le traitement de données à caractère personnel à des fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, notamment dans le domaine audiovisuel, doit bénéficier de dérogations ou de limitations de certaines dispositions de la présente directive dans la mesure où elles sont nécessaires à la conciliation des droits fondamentaux de la personne avec la liberté d’expression, et notamment la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, telle que garantie notamment à l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; qu’il incombe donc aux États membres, aux fins de la pondération entre les droits fondamentaux, de prévoir les dérogations et limitations nécessaires en ce qui concerne les mesures générales relatives à la légalité du traitement des données, les mesures relatives au transfert des données vers des pays tiers ainsi que les compétences des autorités de contrôle, sans qu’il y ait lieu toutefois de prévoir des dérogations aux mesures visant à garantir la sécurité du traitement; qu’il conviendrait également de conférer au moins à l’autorité de contrôle compétente en la matière certaines compétences a posteriori, consistant par exemple à publier périodiquement un rapport ou à saisir les autorités judiciaires.»

6.        L’article 17, paragraphe 1, prévoit les exigences en matière de sécurité des traitements:

«1.       Les États membres prévoient que le responsable du traitement doit mettre en œuvre les mesures techniques et d’organisation appropriées pour protéger les données à caractère personnel contre la destruction accidentelle ou illicite, la perte accidentelle, l’altération, la diffusion ou l’accès non autorisés, notamment lorsque le traitement comporte des transmissions de données dans un réseau, ainsi que contre toute autre forme de traitement illicite.

Ces mesures doivent assurer, compte tenu de l’état de l’art et des coûts liés à leur mise en œuvre, un niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés par le traitement et de la nature des données à protéger.»

7.        Les paragraphes suivants de l’article 17 portent sur l’application de ces obligations à la sous‑traitance de données par des tiers.

B –    Droit national

8.        La Constitution finlandaise (Perustuslaki) prévoit, à son article 10, paragraphe 1, la protection de la vie privée, mais également, à son article 12, la protection de la liberté d’expression et l’accès du public à l’information détenue par les autorités de l’État:

«Chacun dispose de la liberté d’expression. La liberté d’expression comprend le droit de s’exprimer, de publier et de recevoir des informations, des opinions et d’autres messages, sans censure préalable. Les modalités plus précises relatives à l’exercice de la liberté d’expression sont fixées par la loi. La loi peut instaurer des limitations à cette liberté en matière de programmes audiovisuels, si elles sont indispensables à la protection des enfants.

Les documents et les enregistrements en possession des autorités sont publics, sauf si leur communication est spécifiquement limitée par la loi pour des motifs impérieux. Chacun a le droit d’obtenir des informations sur les documents et enregistrements publics.»

9.        Selon l’article 5, paragraphe 1, de la loi sur l’accès aux données à caractère fiscal et leur confidentialité (laki verotustietojen julkisuudesta ja salassapidosta), les informations à caractère public contenues dans l’imposition effectuée chaque année sont le nom du redevable, sa date de naissance et sa commune de résidence. Sont en outre publiques les informations suivantes:

1)      le revenu du travail imposable (impôt national);

2)      le revenu du capital et le patrimoine imposables (impôt national);

3)      le revenu du travail imposable (impôt communal);

4)      le montant global des impôts sur le revenu et sur le patrimoine, de l’impôt communal ainsi que des impôts et des taxes mis en recouvrement.

10.      En principe, l’administration donne, sur demande, verbalement connaissance de ces informations, mais elle peut également communiquer le document dans ses locaux, où il peut être vu ou entendu et recopié, ou encore elle en remet une copie ou un extrait informatique. La communication de données figurant dans un fichier nominatif d’une administration est soumise aux conditions suivantes (article 16, paragraphe 3, de la loi sur l’accès à l’information, julkisuuslaki):

«Il peut être donné une copie ou un extrait d’un fichier administratif contenant des données à caractère personnel sous forme électronique, sauf exceptions prévues par la loi, si le destinataire est habilité, en application des dispositions concernant la protection des données à caractère personnel, à conserver ces données et à les utiliser. Toutefois, de telles données ne peuvent être cédées à des fins de marketing direct, de sondages ou d’études de marché que si la loi dispose ainsi ou si le titulaire de ces données a donné son consentement.»

11.      La République de Finlande a transposé la directive 95/46 par le biais de la loi sur les données à caractère personnel (henkilötietolaki). L’article 2, paragraphes 4 et 5, prévoit les restrictions au niveau de l’application, déterminantes dans la présente espèce:

«La présente loi ne s’applique pas aux fichiers nominatifs qui ne comportent que des informations publiées telles quelles dans les médias.

Les articles 1er à 4, 32, 39, paragraphe 3, 40, paragraphes 1 et 3, 42, 44, paragraphe 2, 45 à 47, 48, paragraphe 2, ainsi que 50 et 51, sous réserve de l’article 17, ne s’appliquent mutatis mutandis qu’au traitement de données à caractère personnel à des fins rédactionnelles, artistiques ou littéraires.»

12.      Parmi ces dispositions, seul l’article 32, paragraphe 1, est a priori pertinent pour les questions devant être tranchées en l’espèce:

«Le responsable de publication doit prendre les mesures techniques et organisationnelles nécessaires de façon à protéger les données à caractère personnel contre l’accès injustifié à ces données, la destruction, la modification, la cession ou le transfert préjudiciable ou illégal, ou tout autre traitement illégal de ces données. Dans la mise en œuvre de ces mesures, il y a lieu de tenir compte des possibilités techniques existantes, du coût des mesures, de la qualité, du nombre et de l’ancienneté des données à traiter ainsi que de l’impact du traitement sur la vie privée.»

III – Faits, procédure nationale et demande de décision à titre préjudiciel

13.      Selon les indications de la juridiction de renvoi, la société Satakunnan Markkinapörssi Oy a recueilli auprès des autorités fiscales des informations fiscales relatives à des particuliers. Cette société a utilisé les données en question pour publier chaque année, dans le cadre d’un journal, une liste contenant les informations fiscales de quelque 1,2 million de personnes physiques.

14.      Ces informations comprennent le nom et le prénom de l’intéressé ainsi que, à 100 euros près, le montant des revenus du capital et du travail et l’état de son patrimoine. Ces informations ont paru dans des publications locales (au nombre de 16 en 2001). Les informations y sont classées par commune et par classe de revenus et énoncées dans l’ordre alphabétique.

15.      Une limite inférieure des données à publier a été déterminée pour chaque commune. En ce qui concerne, par exemple, Helsinki, cette limite a été fixée à 36 000 euros pour les revenus du travail. Dans les communes plus petites, la limite est inférieure.

16.      Le but essentiel de ce journal est de publier des informations à caractère fiscal. On y trouve en outre des annonces, des résumés et d’autres articles. Cette partie occupe une place nettement moindre que les informations à caractère fiscal.

17.      La société Satakunnan Markkinapörssi Oy demande une redevance pour retirer les données à caractère personnel du journal. Selon les déclarations de cette société, le paiement d’une redevance n’est cependant pas une condition de ce retrait.

18.      Satakunnan Markkinapörssi Oy a cédé à Satamedia Oy les données à caractère personnel ainsi publiées sous la forme de disques CD‑ROM. Satamedia Oy est une autre société appartenant aux mêmes actionnaires.

19.      Satamedia Oy et Satakunnan Markkinapörssi Oy ont conclu un accord avec une entreprise téléopératrice tierce en vue de la réalisation technique du service télétexte (short message service – SMS). À cette fin, Satamedia Oy met les données publiées à la disposition de cette entreprise tierce, qui exploite le service de télétexte pour le compte de Satamedia Oy.

20.      L’utilisateur de ce système envoie sur son téléphone portable le message suivant: VERO (impôt) PRÉNOM NOM COMMUNE DE RÉSIDENCE (par exemple: VERO [impôt] MATTI [prénom] MEIKÄLÄINEN [nom] HELSINKI [commune de résidence]). Il reçoit en réponse sur son téléphone des données relatives aux revenus du travail et du capital ainsi qu’au patrimoine de la personne concernée à 100 euros près. En 2004, le service permettait aussi de voir les données concernant un homonyme ainsi que des données comparatives commune par commune. Une redevance est perçue pour ce service lorsque la télécommunication a été établie. La société retire aussi sur demande des données du service.

21.      Le médiateur finlandais chargé de la protection des données, à savoir le tietosuojavaltuutettu, a fait une enquête sur l’activité des sociétés Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy et il a demandé à la commission de protection des données, à savoir la tietosuojalautakunta, d’interdire:

a)      à la société Satakunnan Markkinapörssi Oy

–        de collecter et d’enregistrer ou de traiter d’une autre manière des données concernant les revenus du travail et du capital ainsi que le patrimoine des personnes physiques à l’échelle et de la manière où elle l’a fait pour les données à caractère fiscal pour l’année 2001 ainsi que

–        de céder les données à caractère personnel susmentionnées qu’elle a ainsi collectées et enregistrées dans un fichier à des fins prétendument rédactionnelles en vue d’alimenter un service de télétexte ou pour tout autre usage;

b)      à la société Satamedia Oy de collecter et d’enregistrer ainsi que de mettre à disposition les données à caractère personnel reçues de Satakunnan Markkinapörssi Oy en vue d’alimenter un service de télétexte ou pour tout autre usage.

22.      La tietosuojalautakunta a rejeté cette demande. Le recours formé contre cette décision a été rejeté en première instance. C’est ainsi que le tietosuojavaltuutettu a formé un pourvoi devant le Korkein hallinto‑oikeus, qui est la juridiction administrative suprême en Finlande.

23.      C’est dans le cadre de ce pourvoi que le Korkein hallinto‑oikeus a déféré à la Cour, conformément à l’article 234 CE, une demande de décision à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

«1)      Peut-on considérer comme un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46, une activité qui consiste:

a)      à collecter dans les documents administratifs des données relatives aux revenus du travail et du capital ainsi qu’au patrimoine de personnes physiques et à les traiter en vue de leur publication,

b)      à les publier dans l’ordre alphabétique et par classe de revenus, sous la forme de listes détaillées établies commune par commune,

c)      à les céder sous la forme de disques CD‑ROM pour qu’elles soient utilisées à des fins commerciales,

d)      à les traiter dans un service de télétexte qui permet aux utilisateurs de téléphones mobiles, en envoyant le nom et la commune de résidence d’une personne, de recevoir des informations concernant les revenus du travail et du capital ainsi que le patrimoine de cette personne?

2)      Convient-il d’interpréter la directive 95/46 en ce sens que les diverses activités mentionnées ci‑dessus à la première question, sous a) à d), peuvent être considérées comme constituant un traitement de données à caractère personnel réalisé uniquement à des fins de journalisme au sens de l’article 9 de la directive, si l’on tient compte du fait que les données qui ont été collectées, et qui concernent plus d’un million de redevables, proviennent de documents qui sont publics en vertu de la législation nationale sur l’accès à l’information? Le fait que le but essentiel de cette activité est de publier les données en question est‑il pertinent pour l’appréciation?

3)      Convient-il d’interpréter l’article 17 de la directive 95/46, conformément aux principes et à la finalité de la directive, en ce sens qu’il s’oppose à la publication de données qui ont été collectées à des fins de journalisme et à leur cession à des fins commerciales?

4)      Convient-il d’interpréter la directive 95/46 en ce sens que sont totalement exclus de son champ d’application les fichiers nominatifs qui ne comportent que des informations déjà publiées telles quelles dans les médias?»

24.      Des observations communes ont été déposées par les sociétés Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy, des observations ont également été déposées par les gouvernements finlandais, estonien, portugais et suédois, ainsi que par la Commission des Communautés européennes. Le tietosuojavaltuutettu a également pris part à la procédure orale du 12 février 2008, alors que le gouvernement portugais était absent.

25.      La demande d’intervention du contrôleur européen de la protection des données a été rejetée par le président de la Cour, au motif que la procédure préjudicielle ne prévoit pas l’intervention et que le contrôleur européen de la protection des données n’est pas mentionné à l’article 23 du statut de la Cour de justice en qualité de partie en cause (3).

IV – Appréciation juridique

26.      La procédure au principal a pour objet de vérifier si la protection des données s’oppose à la diffusion de données à caractère fiscal par les sociétés Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy. C’est pourquoi la juridiction de renvoi pose la première question portant sur le point de savoir si et dans quelle mesure le traitement des données à caractère fiscal, y décrit, relève du champ d’application de la directive 95/46.

27.      Aux termes de l’article 2, paragraphe 5, de la loi finlandaise sur les données à caractère personnel, le traitement des données à caractère personnel à des fins rédactionnelles n’est soumis qu’à certaines dispositions en matière de protection des données. La seule restriction imposée au traitement semble être l’article 32, paragraphe 1, de ladite loi, qui transpose les exigences en matière de sécurité du traitement, découlant de l’article 17 de la directive 95/46. C’est l’interprétation de ces dispositions qui est visée à la troisième question préjudicielle.

28.      À côté de cela, la juridiction de renvoi vise, par la deuxième question, un autre point d’appui pour l’application des dispositions en matière de protection des données, à savoir l’interprétation de l’article 9 de la directive 95/46, qui impose aux États membres d’établir un équilibre entre la liberté d’expression et la vie privée. Cet équilibre doit être établi par des dérogations à la protection des données, lorsque les traitements de données à caractère personnel sont effectués aux seules fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire. C’est pourquoi on demande si et dans quelle mesure on peut, en l’espèce, reconnaître des fins de journalisme.

29.      La quatrième question vise à déterminer si une dérogation finlandaise supplémentaire à la protection des données, à savoir la dérogation en matière de traitement de données publiées, prévue à l’article 2, paragraphe 4, de la loi sur les données à caractère personnel, est compatible avec le droit communautaire.

A –    Sur la première question – Traitement de données à caractère personnel

30.      La juridiction de renvoi demande tout d’abord si le champ d’application de la directive 95/46 couvre certaines des activités des sociétés Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy.

31.      C’est à juste titre que la juridiction de renvoi et les parties en cause sont d’accord sur le fait que la publication de données à caractère fiscal et leur mise à disposition sous la forme d’un télétexte doivent être considérées comme un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2, sous a) et b), de la directive 95/46.

32.      Il s’agit de données à caractère personnel, étant donné que les informations relatives aux revenus, au patrimoine et aux impôts se rapportent à certaines personnes. Tant la publication que la mise à disposition sous forme de télétexte supposent différentes opérations de traitement au sens de l’article 2, sous b), de la directive 95/46, par exemple la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation et la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition.

33.      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, l’application de la directive 95/46 suppose par ailleurs un traitement automatisé en tout ou en partie ou, pour le moins, le traitement non automatisé de données contenues ou appelées à figurer dans un fichier. Un fichier est un ensemble structuré de données relatives à des personnes, qui sont accessibles selon certains critères.

34.      Les opérations de traitement visées par la juridiction de renvoi sont vraisemblablement effectuées de manière automatisée, du moins pour partie, en tout cas si l’on ne considère pas la communication des CD-ROM. L’automatisation de la communication ne nécessite cependant pas d’explications supplémentaires, étant donné que la publication de données à caractère fiscal sur papier constitue un fichier et que la communication sous la forme d’un service de télétexte suppose l’interrogation d’un fichier. C’est pourquoi toutes les activités citées – la communication par CD‑ROM incluse – se rapportent au traitement de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.

35.      Par conséquent, il convient de répondre à la première question qu’il faut considérer comme un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46 une activité qui consiste, comme décrit dans la demande de décision à titre préjudiciel,

a)      à collecter dans les documents administratifs des données relatives aux revenus du travail et du capital ainsi qu’au patrimoine de personnes physiques et à les traiter en vue de leur publication,

b)      à les publier dans l’ordre alphabétique et par classe de revenus, sous la forme de listes détaillées établies commune par commune,

c)      à les céder sous la forme de disques CD‑ROM, pour qu’elles soient utilisées à des fins commerciales,

d)      à les traiter dans un service de télétexte qui permet aux utilisateurs de téléphones mobiles en envoyant le nom et la commune de résidence d’une personne, de recevoir des informations concernant les revenus du travail et du capital ainsi que le patrimoine de cette personne.

B –    Sur la deuxième question – La dérogation en faveur des activités de journalisme

36.      Par la deuxième question, la juridiction de renvoi aimerait savoir si les activités en cause peuvent être considérées comme constituant un traitement de données à caractère personnel réalisé uniquement à des fins de journalisme au sens de l’article 9 de la directive 95/46. L’article 9 est la base juridique pour l’application, par les États membres, du privilège dit de la presse ou des médias (4). Aux termes de cet article, les États membres prévoient, pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, des exemptions et des dérogations au chapitre II, au chapitre IV et au chapitre VI dans la seule mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression. Par conséquent, la deuxième question porte sur le champ d’application de cette dérogation.

Quant aux droits fondamentaux en question

37.      Il convient d’interpréter l’article 9 de la directive 95/46 à la lumière des droits fondamentaux entre lesquels l’application de cet article est destinée à établir un équilibre. Ce faisant, le juge communautaire doit notamment tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (5).

38.      Le droit communautaire garantit le droit fondamental à la liberté d’expression, consacré à l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci‑après la «CEDH»), signée à Rome le 4 novembre 1950 (6). C’est ce que reconnaît l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (7) proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (ci‑après la «charte»). En application de la jurisprudence de la Cour (8) et du protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres (9), il est prévu, notamment, à l’article 11, paragraphe 2, de la charte, que la liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.

39.      La liberté d’expression ne se limite pas à l’expression d’opinions, mais, conformément à l’article 10, paragraphe 1, deuxième phrase, de la CEDH, et à l’article 11, paragraphe 1, première phrase, de la charte, elle inclut expressément, dans le sens d’une liberté de communication, la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées. Dans une jurisprudence constante, la Cour européenne des droits de l’homme souligne que la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population (10). Même lorsqu’il s’agit d’objectifs commerciaux, la liberté d’expression protège la communication d’informations et l’expression d’opinions (11).

40.      Le droit à la vie privée est notamment reconnu à l’article 8 de la CEDH et il est reconnu à l’article 7 de la charte. Par ailleurs, l’article 8 de la charte proclame expressément le droit à la protection des données à caractère personnel (12). La communication de données à caractère personnel à un tiers porte atteinte au droit au respect de la vie privée des intéressés, quelle que soit l’utilisation ultérieure des informations communiquées, et présente le caractère d’une ingérence au sens de l’article 8 de la CEDH (13).

41.      Le droit à la vie privée n’a pas seulement pour objet de prémunir l’individu contre les ingérences de l’État, mais il fonde également les obligations positives de l’État (14). Ainsi, la Communauté a, par le biais de la directive 95/46, étendu la protection des données au traitement par des personnes de droit privé. En ce sens, la Cour européenne des droits de l’homme avait déjà, dans une affaire relative à l’utilisation de photos de la vie privée d’une personne connue dans des revues, souligné qu’une vigilance accrue s’impose face aux progrès techniques d’enregistrement et de reproduction de données personnelles (15).

42.      La limitation de ces deux droits fondamentaux est en principe possible dans des conditions comparables: elle doit être prévue par la loi, correspondre à un ou à plusieurs buts légitimes au regard de l’article 8 ou de l’article 10 de la CEDH et elle doit être nécessaire dans une société démocratique. En d’autres termes, un besoin social impérieux peut justifier des ingérences, lorsqu’elles sont proportionnées au but légitime poursuivi (16).

43.      Une application stricte de la protection des données pourrait sensiblement restreindre la liberté d’expression. Ainsi, le journalisme d’investigation serait largement exclu, si les médias ne pouvaient traiter et publier les informations à caractère personnel qu’après accord ou information des intéressés. D’autre part, il est évident que les médias peuvent blesser la vie privée de l’individu (17). Il convient par conséquent de trouver un équilibre.

44.      Ce conflit entre différents droits fondamentaux, mais aussi entre la protection des données et d’autres intérêts généraux est caractéristique pour l’interprétation de la directive 95/46 (18). C’est pourquoi les dispositions pertinentes de ladite directive sont conçues dans des termes relativement généraux. Elles laissent aux États membres la marge d’appréciation nécessaire lors de l’adoption des mesures de transposition, qui peuvent être adaptées aux différents cas de figure envisageables (19). Dans ce cadre, les États membres doivent respecter les droits fondamentaux concernés et établir un équilibre entre eux.

45.      Par ailleurs, il incombe aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement d’interpréter leur droit national d’une manière conforme à la directive 95/46, mais également de veiller à ne pas se fonder sur une interprétation de cette dernière qui entrerait en conflit avec les droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique communautaire ou avec les autres principes généraux du droit, tels que le principe de proportionnalité (20).

Prérogative d’appréciation au niveau national

46.      Alors qu’elle impose des conditions aux juridictions et aux autorités nationales, la Cour est très réservée s’agissant de la détermination de la portée de la protection des données et de l’appréciation des droits fondamentaux en conflit. Dans l’arrêt Promusicae, elle s’est limitée à nommer les deux droits fondamentaux et elle a fait valoir que c’était à la juridiction de renvoi de procéder à l’appréciation (21). Dans l’arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., elle a procédé de manière similaire (22), mais elle a en outre donné des indications à la juridiction de renvoi (23).

47.      La Cour fait également preuve d’une telle retenue dans d’autres cas de conflit entre différents droits. Dans l’arrêt Familiapress, il s’agissait du conflit entre la libre circulation des marchandises et l’interdiction, au niveau national, de jeux concours dotés de prix dans des périodiques. Il est vrai que, dans cet arrêt, la Cour s’est prononcée concrètement sur la nécessité de certaines règles (24), mais elle a laissé, de manière générale, aux juridictions nationales le soin d’apprécier si l’interdiction est proportionnée au maintien du pluralisme de la presse et si cet objectif ne peut pas être atteint par des mesures moins restrictives (25).

48.      La Cour est encore allée plus loin en reconnaissant, dans le cas d’un conflit entre la libre prestation des services et la dignité humaine, voire entre la libre circulation des marchandises et les conceptions de la protection de l’enfance et de la jeunesse, qu’il peut y avoir, dans les États membres, des points de vue différents, mais aussi légitimes les uns que les autres sur le point de savoir quelles restrictions des libertés fondamentales sont proportionnées pour la protection des intérêts publics et notamment des droits fondamentaux (26).

49.      D’autre part, la Cour a déjà rappelé qu’elle est appelée à fournir des réponses utiles au juge national. Elle est notamment compétente pour donner des indications, tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre à ce même juge de statuer dans le litige concret dont il est saisi (27). Ces indications concernent, en règle générale, notamment des problèmes dont il convient de tenir compte dans le cadre de l’examen de la proportionnalité.

50.      Dans la présente espèce, il serait préférable que la Cour adopte une attitude plutôt réservée. Le juge communautaire est surtout tenu de concrétiser des droits fondamentaux en conflit lorsqu’il s’agit d’activités transfrontalières. Les éléments allant dans le sens d’un traitement défavorable de citoyens de l’Union franchissant une frontière exigent un examen particulièrement approfondi. C’est ce qui ressort des arrêts relatifs à des activités syndicales face à des prestations de services transfrontalières (28) ou à des délocalisations d’entreprises (29), ainsi que des arrêts relatifs aux attaques perpétrées sur des transports de fruits par des agriculteurs manifestants (30).

51.      L’affaire Schmidberger (31) ne constitue pas un contre‑exemple. Dans cette affaire, il s’agissait d’un obstacle à la circulation des marchandises entre l’Allemagne et l’Italie, créé par une manifestation autorisée sur l’autoroute autrichienne du Brenner. Il est vrai que, dans cette affaire, la Cour a reconnu le large pouvoir d’appréciation des autorités nationales lors de la mise en balance de la libre circulation des marchandises et la liberté d’expression ou de manifestation (32), mais elle a examiné de manière relativement détaillée le résultat de cette mise en balance (33), avant de rejeter l’existence d’une violation du droit communautaire.

52.      Lors de l’application de la directive 95/46, la protection des activités transfrontalières est cependant l’exception. Cette directive est fondée sur l’article 95 CE et vise donc la réalisation du marché intérieur. Elle ne couvre cependant pas seulement le traitement des données transfrontalier, mais également les traitements purement nationaux. Contrairement à l’avocat général Tizzano (34), la Cour n’a cependant pas mis en question la large portée de la directive 95/46, étant donné que, en cas de limitation à des situations comportant des aspects transfrontaliers, les limites du domaine d’application de ladite directive risqueraient d’être particulièrement incertaines et aléatoires (35).

53.      Au vu du large champ d’application de la directive, qui va même presque au‑delà de la réalisation du marché intérieur, il convient cependant de conclure que, lors de la mise en balance de droits fondamentaux en conflit dans le cadre de la directive, la Cour devrait accorder aux États membres et à leurs juridictions une large marge de manœuvre, dans le cadre de laquelle leurs propres traditions et valeurs sociales peuvent être mises en avant.

54.      Il convient, dans ce contexte, d’interpréter l’article 9 de la directive 95/46.

Concernant le champ d’application de la directive 95/46

55.      Aux termes de l’article 9 de la directive 95/46, les États membres prévoient, pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, des exemptions à la protection des données dans la seule mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression.

56.      Les sociétés Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy, ainsi que la République de Finlande voudraient que le champ d’application de l’article 9 de la directive 95/46 soit étendu à la totalité du domaine protégé de la liberté d’expression. Selon cette interprétation, l’article 9 de la directive 95/46 couvrirait, conformément à son objectif, tous les conflits imaginables entre la liberté d’expression et la protection des données. En même temps, les États membres bénéficieraient de la plus grande liberté possible pour concilier la protection des données et la liberté d’expression.

57.      Cette interprétation ne trouve cependant aucun fondement dans le libellé de l’article 9 de la directive 95/46. Cette disposition n’exige pas seulement que l’on concilie la liberté d’expression et la protection des données, mais elle décrit certaines finalités, au profit desquelles les États membres peuvent déroger à pratiquement toutes les exigences de la directive 95/46. Les termes de fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, utilisés à cet effet, n’auraient plus de fonction propre à côté de la notion de liberté d’expression, si l’on considérait que, pris dans leur ensemble, ils équivalent à la liberté d’expression.

58.      Il conviendrait plutôt de prendre pour point de départ, en vue de l’interprétation de l’article 9 de la directive 95/46, le fait que les exceptions à un principe général doivent être interprétées de manière stricte (36), pour que le principe en question ne soit pas vidé de sa substance plus que nécessaire. Dans la présente espèce, une interprétation extensive risquerait de violer le droit fondamental à la protection de la vie privée.

59.      Au vu de l’article 9 de la directive 95/46, on voit que la nécessité d’une interprétation stricte apparaît rien qu’au fait que cette disposition ne vise que les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins y indiquées. Aussi, en vertu de ce texte, les exemptions et dérogations sont uniquement admises, dans la mesure où elles sont nécessaires pour concilier les droits fondamentaux concernés.

60.      Comme l’indique notamment la Commission, la portée très large de la dérogation autorisée en vertu de l’article 9 de la directive 95/46 va dans le sens d’une interprétation restrictive des conditions de son application. Alors que les autres dérogations permises par la directive 95/46 ne prévoient que des dérogations à certaines règles, l’article 9 permet de suspendre pratiquement toutes les exigences de la directive.

61.      On ne saurait opposer à une interprétation de la notion de fins de journalisme, fondée sur le sens des termes employés, l’argument selon lequel une telle interprétation entraînerait une violation de la liberté d’expression du fait de la portée trop large des exigences de la protection des données. En effet, les États membres ne sont pas obligés de concilier la liberté d’expression et la protection de la vie privée exclusivement dans le cadre de l’article 9 de la directive 95/46. Ils peuvent également se fonder sur d’autres dispositions, étant donné que la directive, de manière globale, accorde la marge de manœuvre nécessaire aux États membres lors de l’adoption des mesures de transposition, qui peuvent être adaptées aux différents cas de figure envisageables (37).

62.      Dans le domaine de l’expression d’opinions à titre privé, les États membres sont particulièrement libres, étant donné que, aux termes de son article 3, paragraphe 2, deuxième tiret, la directive 95/46 n’est pas applicable au traitement par une personne physique pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques (38).

63.      Le traitement peut, par ailleurs, être autorisé en vertu de l’article 7, sous f), de la directive 95/46 en vue de la réalisation d’intérêts légitimes du responsable du traitement, tout comme l’État membre concerné peut, conformément à l’article 13, paragraphe 1, sous g), prévoir des dérogations à certaines règles en vue de la protection des droits et des libertés d’autrui (39). Cependant, dans ces cas, il convient d’appliquer notamment les exigences en matière de légalité des traitements de données en vertu de l’article 7 et celles en matière de traitement de données sensibles en vertu de l’article 8 et les autorités de contrôle de la protection des données peuvent surveiller le traitement des données.

64.      En résumé, il convient donc de retenir que le champ d’application de l’article 9 de la directive 95/46 doit être déterminé à partir des notions de fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire ayant une signification propre qui n’est pas identique au domaine de protection de la liberté d’expression.

Concernant la notion de fins de journalisme

65.      La notion de fins de journalisme vise l’activité des médias de masse, notamment la presse et les médias audiovisuels. La genèse de la directive 95/46 montre que les fins de journalisme ne sont pas limitées à l’activité des médias institutionnalisés. Après la proposition, faite dans un premier temps par la Commission, allant dans le sens d’une dérogation pour les organes de presse et les médias audiovisuels (40), la notion de fins de journalisme est le résultat de plusieurs propositions subséquentes, qui ont détaché le champ d’application de la dérogation des entreprises de médias, pour les étendre à toutes les personnes ayant une activité de journalisme (41).

66.      Pour étoffer la notion de fins de journalisme, on peut y inclure la mission des médias dans une société démocratique, telle que développée par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence relative à la restriction de la liberté d’expression. Toute restriction à la liberté d’expression est soumise à la condition que cette restriction soit nécessaire dans une société démocratique. Lorsque les médias sont concernés, il convient de tenir compte du fait qu’une presse libre joue un rôle essentiel pour le fonctionnement de la société démocratique, notamment le rôle d’un «chien de garde public». Elle est par conséquent tenue de communiquer des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt public (42).

67.      Comme il s’agit de la communication d’informations et d’idées, peu importe – contrairement à certains points de vue – de savoir si les données diffusées sont traitées ou commentées par la rédaction. Rien que la simple mise à disposition de données prises telles quelles peut contribuer à la diffusion publique et donc être d’intérêt public. Le choix des données diffusées constitue, par ailleurs, déjà l’expression d’une appréciation subjective de celui qui diffuse les données. Ce choix comporte en effet, pour le moins, l’appréciation que ces données sont intéressantes pour le destinataire.

68.      Comme l’indique notamment le gouvernement suédois, le traitement de données à caractère personnel est par conséquent effectué à des fins de journalisme lorsqu’il vise la communication d’informations et d’idées sur des questions d’intérêt public.

Concernant les informations et les idées relatives à des questions d’intérêt public

69.      Il convient de déterminer dorénavant ce qu’il faut comprendre par communication d’informations et d’idées relatives à des questions d’intérêt public. Cette formulation vise des actes dans l’exercice de la liberté d’expression, dont la restriction exige une justification particulièrement sérieuse.

70.      Le gouvernement suédois renvoie, dans ce contexte, à une explication qu’il indique avoir donnée lors de l’adoption de la directive 95/46. Selon cette explication, il conviendrait de vérifier l’existence de fins de journalisme non pas à partir des informations communiquées, c’est‑à‑dire à partir du contenu, mais à partir du type de communication. Il est vrai qu’il appartient à des autorités non étatiques de déterminer les questions d’intérêt public dont les médias peuvent se saisir. C’est pourquoi la vérification du contenu constitue un point sensible.

71.      Le type et le contexte sont importants pour exclure les cas dans lesquels on communique certes des informations ou des idées d’intérêt public, mais pas à destination du public, par exemple, des discussions politiques privées.

72.      Une délimitation uniquement à partir de la forme de la transmission d’informations ne suffit cependant plus aujourd’hui pour identifier des fins de journalisme. Autrefois, le journalisme se limitait à des médias (relativement) clairement identifiables en tant que tels, à savoir la presse, la radiodiffusion et la télévision. À l’heure actuelle, des moyens de communication modernes comme l’internet ou les services de télécommunications mobiles sont cependant également utilisés en vue de la communication d’informations sur des questions d’intérêt public tout comme à des fins purement privées. C’est pourquoi le type de communication d’informations constitue certes un élément important pour déterminer s’il y a des fins de journalisme, mais il convient de ne pas négliger le contenu.

73.      Il y a, en tout cas, un intérêt public, lorsque les informations communiquées se rapportent à un débat public qui a effectivement eu lieu (43). Il y a également des sujets qui, d’après leur nature, sont des questions d’intérêt public, par exemple, le caractère public des procédures judiciaires, exigé par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (44), l’intérêt public de la transparence de la vie politique (45) ou les informations sur les idées et opinions, ainsi que sur le comportement de dirigeants politiques (46).

74.      On peut cependant douter de la communication d’informations sur des questions d’intérêt public, lorsqu’il y a diffusion de détails de la vie privée qui n’ont aucun lien avec une fonction publique de la personne concernée, notamment lorsqu’ils ont pour seul objectif de satisfaire la curiosité d’un certain public sur les détails de la vie privée d’une personne et qu’ils ne sauraient passer pour contribuer à un quelconque débat d’intérêt général pour la société, malgré la notoriété de la personne en question (47). Pour cette limite de l’intérêt public, il est particulièrement important que la personne concernée ait une espérance légitime de protection de sa vie privée (48).

75.      L’affaire Fressoz et Roire constitue une parfaite illustration des considérations développées ci‑dessus (49). Il s’agissait de la condamnation de deux journalistes qui avaient publié des documents provenant d’un dossier fiscal, en vue d’étayer leurs indications concernant le revenu du président d’une société. Cette publication était, en principe, punissable selon le droit national.

76.      Face à cela, la Cour européenne des droits de l’homme a souligné que les informations se rapportaient à un débat public sur le montant des salaires, qui avait été déclenché par un conflit social sur les salaires dans l’entreprise concernée (50). D’ailleurs, selon elle, les informations relatives au revenu imposable et aux impôts payés ne sont pas strictement confidentielles en droit national (51). Elle a relevé que, au contraire, des indications relatives aux revenus de dirigeants d’entreprise connus par le public étaient régulièrement publiées (52) et que, selon la jurisprudence nationale, elles ne relèvent pas du domaine de la vie privée (53).

77.      Les informations et les idées ont donc trait à une question d’intérêt public lorsqu’elles se rattachent à un débat public effectivement mené ou si elles concernent des questions qui, selon le droit national et les valeurs sociales, sont, selon leur nature, d’ordre public, mais non pas lorsqu’il s’agit de la diffusion de détails de la vie privée, qui n’ont aucun lien avec une fonction publique de la personne en question, notamment lorsque, sur ce point, il y avait une espérance légitime concernant le respect de la vie privée.

78.      Il convient cependant de rajouter que les autorités étatiques, les juridictions incluses, ne peuvent pas vérifier de manière stricte l’existence de fins de journalisme. Il est pratiquement impossible de déterminer à l’avance quelles informations concernent des questions d’intérêt public et il appartient, en définitive, pour le moins en partie, aux médias de créer l’intérêt public par la communication d’informations. Lorsqu’ils n’y arrivent pas, on peut difficilement le leur reprocher a posteriori. Cependant, il n’appartient en principe pas non plus aux autorités étatiques de prévoir ex ante l’absence future d’un intérêt public. Une telle prévision constituerait un premier pas en direction de la censure. Par conséquent, on ne peut constater que la diffusion d’informations et d’idées ne concerne pas des questions d’intérêt public que lorsque cela devient évident.

Concernant le caractère limitatif des finalités poursuivies

79.      Même si un traitement vise des fins de journalisme, l’article 9 de la directive 95/46 n’est pas nécessairement applicable. Au contraire, le traitement en question des données à caractère personnel doit être effectué aux seules fins de journalisme.

80.      En appliquant le terme «seules», l’article 9 de la directive 95/46 rappelle que le traitement des données doit viser des finalités déterminées, qui sont fixées de manière générale à l’article 6, sous b), de la directive 95/46. Selon ce texte, les données à caractère personnel ne peuvent, en principe, pas être traitées d’une manière qui ne serait pas compatible avec les finalités de leur collecte. Par conséquent, la dérogation prévue à l’article 9 ne peut s’appliquer qu’à des traitements effectués aux seules fins de journalisme. Lorsque, simultanément, d’autres fins sont poursuivies, auxquelles on ne saurait reconnaître un caractère de journalisme, le privilège des médias n’est pas applicable.

81.      Lors de la détermination de la finalité, on ne saurait cependant considérer comme décisive la question de savoir si le traitement a directement pour objet la communication de telles informations, par exemple, dans l’hypothèse de la publication de telles données. Comme l’indiquent, par exemple, les sociétés Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy, on vise également des fins de journalisme lors de la préparation d’une publication (54).

82.      Un traitement aux seules fins de journalisme n’est, par ailleurs, pas exclu, lorsque, à côté de la communication d’informations et d’idées sur des questions d’intérêt public, on poursuit également des fins commerciales (55). En règle générale, les activités visant des fins de journalisme ont également pour but de couvrir au moins les frais de l’activité de journalisme et, si possible, de réaliser également un profit. Le succès commercial est en effet nécessaire pour l’existence du journalisme professionnel, en tout cas dans la mesure où il est pratiqué indépendamment du soutien et de l’influence de tiers, comme l’État. Par conséquent, le fait de gagner de l’argent en communiquant des informations et des idées concernant des questions d’intérêt public constitue un élément licite des fins de journalisme.

83.      Il convient de distinguer de ces activités les activités commerciales qui n’ont pas pour objet de communiquer des informations et des idées sur des questions d’intérêt public, même si les profits obtenus sont destinés à financer des activités de journalisme. Elles ne se distinguent en effet pas des activités du même type, dont le profit n’est pas destiné à des fins de journalisme. L’application du privilège des médias dans ce cas de figure risquerait de violer le principe de l’égalité de traitement et de provoquer notamment une distorsion de la concurrence (56).

84.      Ainsi, la diffusion de publicités par les médias n’intervient qu’à titre exceptionnel aux seules fins de communication d’informations et d’idées sur des questions d’intérêt public (57), c’est‑à‑dire uniquement à des fins de journalisme, même si les revenus ainsi atteints sont la condition nécessaire de l’activité des médias.

85.      Dans le cas particulier, il est difficile d’attribuer des fins de journalisme à une activité. Il faut, pour cela, apprécier les différents buts visés. Ce faisant, on ne saurait considérer comme décisif le but indiqué par les responsables d’un traitement de données, étant donné que ces buts subjectifs ne peuvent pas être vérifiés. Au contraire, la finalité du traitement des données doit découler de circonstances objectives (58).

Application dans la présente espèce

86.      Dans les faits, tant la nature publique de certaines informations que l’espérance légitime du respect de la vie privée dépendent beaucoup de la situation juridique en cause – surtout au niveau national –, des valeurs sociales et de l’existence concrète de débats publics. En principe, ce n’est pas à la Cour qu’il appartient de vérifier ces éléments, mais aux autorités compétentes des États membres. Lorsque la Cour est saisie par les juridictions nationales sur de telles questions, elle ne devrait que donner des indications sur les circonstances devant être prises en compte.

87.      Dans la présente espèce, ce sont, notamment, le type des données traitées, les différentes formes de la diffusion d’informations et la possibilité d’effacer ses propres données qui sont intéressants.

88.      Tous les traitements concernent des données fiscales à caractère personnel. Il est vrai que, en droit communautaire, il n’y a aucune disposition concernant le traitement confidentiel de ces données, mais quelques États membres le considèrent comme étant confidentiel. Par conséquent, les personnes concernées dans ces États s’attendent, à juste titre, à ce que, en principe, cette confidentialité soit respectée. Selon la Cour également, les informations relatives aux revenus ne doivent, en principe, être communiquées que lorsque cela est nécessaire pour réaliser un objectif d’un rang supérieur (59).

89.      Il apparaît cependant que la Cour européenne des droits de l’homme ne déduit pas de manière contraignante le traitement confidentiel des données fiscales de l’article 8 de la CEDH (60). C’est pourquoi il pourrait s’agir d’une intervention autorisée – c’est‑à‑dire justifiée, dans le droit fondamental communautaire à la protection de la vie privée, lorsque la loi en Finlande prévoit que ces données peuvent être consultées par le public auprès des autorités fiscales. Compte tenu de cette situation, il convient probablement de supposer également que les citoyens finlandais n’ont pas d’espérance légitime à ce que leurs données fiscales soient traitées de manière confidentielle.

90.      La communication des informations intervient de deux manières: d’une part, la liste intégrale de ces données est publiée sous forme de journal et, d’autre part, les données des différents contribuables sont proposées à la consultation sous la forme d’un SMS.

91.      La publication de la liste est, au vu de sa forme, destinée à communiquer des informations d’intérêt public. On propose un large ensemble de données au public. A priori, cette forme de publication ne tient pas compte des intérêts individuels.

92.      On peut difficilement déterminer si cette forme de communication correspond également de par son contenu à un intérêt public. D’une part, il est possible que le public soit intéressé à bénéficier d’une vue globale sur l’imposition ainsi que sur les revenus et le patrimoine des autres citoyens. Il est vrai aussi que, s’agissant de certaines personnes de la vie publique, il y a un intérêt public concret à obtenir ces informations.

93.      D’autre part, il y a également des raisons de supposer que l’intérêt pour ces données soit surtout de nature privée. On peut envisager, par exemple, la curiosité personnelle s’agissant des voisins et connaissances. Cependant, on ne saurait pas non plus exclure les intérêts commerciaux. La connaissance des revenus et du patrimoine des différentes personnes peut en effet être exploitée sur le plan économique, par exemple, pour des publicités ciblées ou en vue de déterminer la capacité financière et la solvabilité des clients.

94.      Ce dernier aspect est encore plus prononcé s’agissant du service de télétexte, étant donné que, compte tenu de sa forme, ce service ne peut être utilisé que pour la communication d’informations, en cas d’intérêt concret pour les données d’une personne déterminée. Il semble invraisemblable que, en règle générale, cet intérêt soit de nature publique. Il semble plutôt que ce ne soit qu’à titre exceptionnel que la consultation soit liée à des questions d’intérêt public.

95.      Il n’est cependant pas possible d’exclure de manière générale l’intérêt public en cas de communication d’informations par le biais de la télécommunication. En effet, la communication d’informations par des services de télécommunication complète de plus en plus les formes de communication traditionnelles par la presse et par les mass media. La question de savoir si l’on transmet, sous cette forme, des informations et des idées relatives à des questions d’intérêt privé ou public doit par conséquent être examinée de manière particulièrement attentive.

96.      Enfin, le gouvernement portugais a fait valoir que, dans la mesure où la société Satakunnan Markkinapörssi Oy réclame le versement d’une redevance pour faire retirer le nom de contribuables du système informatique, il ne s’agit pas de fins de journalisme. Tel serait effectivement le cas si la société Satakunnan Markkinapörssi Oy avait pour but de faire des profits grâce à ces redevances, étant donné que ces profits ne résulteraient précisément pas de la communication d’informations et d’idées d’intérêt public. En revanche, si la redevance a pour seul but de couvrir les frais, alors on ne saurait exclure – indépendamment de la question du caractère licite de telles redevances – l’existence de fins de journalisme.

97.      Il n’empêche que la possibilité de faire retirer des informations relatives à sa propre personne soulève la question de savoir s’il y a effectivement un intérêt public à ce qu’il y ait une liste complète des données fiscales. En effet, le fait de retirer, sans raison, différentes données irait, en principe, à l’encontre de l’existence d’un éventuel intérêt public. Dans la mesure où le lecteur s’attend à une liste complète, le retrait de données serait presque même de nature à induire en erreur, étant donné que cela donnerait l’impression que la personne en question ne paie pas ou peu d’impôts.

98.      La question de savoir si ces circonstances objectives doivent être appréciées de manière définitive dans le cadre de l’environnement social en Finlande doit être tranchée par les juridictions nationales, éventuellement après un examen plus détaillé des éléments de fait.

Concernant la mise en balance de la liberté d’expression et de la protection de la vie privée

99.      Même si le champ d’application de l’article 9 de la directive 95/46 est ouvert, cela ne signifie pas que le traitement en question de données à caractère personnel doit être exempté. Les dérogations ne sont, au contraire, licites que dans la mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la protection de la vie privée et les dispositions applicables en matière de liberté d’expression.

100. Ainsi, on pourrait, comme la République d’Estonie et la Commission, avoir des doutes quant à la question de savoir si la transposition finlandaise de l’article 9 de la directive 95/46 satisfait aux conditions du droit communautaire. Malgré la souplesse des dispositions de la directive 95/46 (61), une appréciation sommaire fait apparaître le côté quelque peu partial de l’exclusion quasi totale de la protection des données en cas de traitement des données à des fins de journalisme. Du point de vue communautaire, il serait peut‑être souhaitable de soumettre les activités rédactionnelles à des exigences plus strictes en matière de protection des données que celles prévues à l’article 2, paragraphe 5, de la loi finlandaise sur les données à caractère personnel.

101. Ces considérations n’ont cependant aucune incidence sur la deuxième question préjudicielle. Dans la procédure au principal, on demande que les sociétés Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy soient contraintes de ne pas procéder à certains traitements de données. Cette obligation ne saurait être fondée directement sur la directive 95/46. Une directive ne peut pas, par elle‑même, créer des obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre (62).

102. La Commission en revanche propose – en référence à l’article 2, paragraphe 4, de la loi finlandaise sur les données à caractère personnel – de ne pas appliquer les restrictions nationales de la protection des données en raison de la violation du droit à la vie privée. Pour cela, elle invoque l’arrêt Mangold, dans lequel la Cour a considéré que le principe de non‑discrimination en fonction de l’âge, consacré par la directive 2000/78/CE (63) était un principe général du droit communautaire, pour conclure que les juridictions nationales devraient laisser inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale (64).

103. Déjà dans une autre affaire, nous avons refusé de suivre cette piste (65). Si, au lieu d’invoquer une directive qui n’est pas directement applicable à l’égard du particulier, on se reportait à un principe général du droit, dont le contenu est beaucoup moins clair et déterminé, on irait à l’encontre de l’objectif d’harmonisation de la directive, on mettrait en péril la sécurité juridique recherchée et on viderait de son sens l’interdiction de ne pas appliquer directement, au détriment du particulier, des dispositions d’une directive qui n’auraient pas été transposées. Les avocats généraux MM. Mázak et Ruiz Jarabo Colomer craignent, eux aussi, que l’application directe de principes généraux du droit à côté de directives n’ait comme conséquence de saper l’effet de ces dernières et d’affecter de ce fait la séparation des pouvoirs, ainsi que de créer une insécurité juridique (66).

104. Ce sont précisément ces conséquences qui interviendraient dans la présente espèce: les obligations des particuliers en matière de protection des données découlent de dispositions nationales qui transposent la directive 95/46. Le point de vue de la Commission aboutit cependant à la création d’obligations qui sont contraires aux dispositions nationales. Cela ne serait pas compatible avec la sécurité juridique. Cela irait également à l’encontre des dispositions de la directive 95/46 confiant aux États membres le soin d’assurer la conciliation entre la protection des données et la liberté d’expression.

105. Par conséquent, dans la présente espèce, il importe peu de savoir si la République de Finlande a correctement transposé l’article 9 de la directive 95/46. La juridiction de renvoi doit, au contraire, vérifier si les demandes formées à l’égard de Satakunnan Markkinapörssi Oy et de Satamedia Oy sont fondées en droit national. Ce faisant, la juridiction nationale doit interpréter le droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive 95/46 (67) et en conformité avec les droits fondamentaux communautaires (68) pour atteindre le résultat visé par ladite directive. Cette obligation de l’interprétation conforme est par ailleurs limitée par le principe de la sécurité juridique. Ce principe s’oppose à une interprétation contra legem du droit national (69).

Concernant la réponse à la deuxième question

106. Par conséquent, il convient, en résumé, de répondre à la deuxième question que le traitement de données à caractère personnel est réalisé à des fins de journalisme, au sens de l’article 9 de la directive 95/46, lorsqu’il vise la communication d’informations et d’idées sur des questions d’intérêt public. La question de savoir si et dans quelle mesure le traitement de données fiscales, qui fait l’objet du litige, vise des fins de journalisme, doit être tranchée par la juridiction de renvoi à partir de tous les éléments objectifs disponibles.

C –    Sur la troisième question – L’article 17 de la directive 95/46

107. Par la troisième question, la juridiction de renvoi aimerait savoir s’il convient d’interpréter l’article 17 de la directive 95/46, conformément aux principes et à la finalité de la directive, en ce sens qu’il s’oppose à la publication de données qui ont été collectées à des fins de journalisme et à leur cession à des fins commerciales.

108. L’article 17, paragraphe 1, de la directive 95/46 porte sur la sécurité des traitements. Aux termes de cette disposition, les États membres prévoient que le responsable du traitement doit mettre en œuvre les mesures techniques et d’organisation appropriées pour protéger les données à caractère personnel contre la destruction accidentelle ou illicite, la perte accidentelle, l’altération, la diffusion ou l’accès non autorisés, notamment lorsque le traitement comporte des transmissions de données dans un réseau, ainsi que contre toute autre forme de traitement illicite. Ces mesures doivent assurer, compte tenu de l’état de l’art et des coûts liés à leur mise en œuvre, un niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés par le traitement et de la nature des données à protéger.

109. L’article 17, paragraphe 1, de la directive 95/46 a été transposé par l’article 32, paragraphe 1, de la loi finlandaise sur les données à caractère personnel. Il s’agit là d’une des rares dispositions en matière de protection des données qui est également valable pour le traitement de données à caractère personnel à des fins de journalisme. Pour la présente espèce, il est particulièrement intéressant de noter que l’objectif est d’empêcher le traitement de données injustifié, voire illégal. S’il fallait comprendre ces notions en ce sens que le responsable du traitement doit garantir le respect de toutes les exigences de la directive 95/46, alors ces exigences seraient également applicables au traitement de données à caractère personnel à des fins de journalisme, malgré le privilège des médias consacré à l’article 9 de la directive 95/46.

110. Cette interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 95/46 serait cependant contraire au régime de la directive. Elle aboutirait, de manière générale, à une validité inutilement doublée des exigences et, dans la présente espèce, elle irait à l’encontre de la volonté manifeste du législateur finlandais de transposer l’article 9 de la directive 95/46 en exemptant le traitement à des fins de journalisme de ces exigences.

111. En réalité, il convient, conformément à son titre «Sécurité des traitements» et à la motivation de la proposition de la Commission (70), de comprendre l’article 17, paragraphe 1, de la directive 95/46 en ce sens qu’il s’agit de la protection à l’égard d’influences extérieures, et plus particulièrement à l’égard d’accès illégaux par des tiers. Le renvoi à l’état de l’art à l’article 17, paragraphe 1, deuxième phrase, va notamment en ce sens. Ce renvoi n’est utile que lorsqu’il s’agit de mesures de sécurité techniques. La question de savoir quelles mesures de traitement sont légales n’a rien à voir avec l’état de l’art.

112. Il apparaît donc que la légalité du traitement des données n’est pas réglée par l’article 17, paragraphe 1, de la directive 95/46. Elle découle des autres dispositions applicables de la directive 95/46.

113. Il est possible que l’intérêt de la juridiction de renvoi résulte également du fait que l’article 17, paragraphes 2 à 4, de la directive 95/46 vise la sécurité des données lors des traitements en sous‑traitance. En cas de traitement en sous‑traitance, le responsable transfère des données à un tiers. Dans la présente espèce, des données ont été transmises par Satakunnan Markkinapörssi Oy à Satamedia Oy. L’article 17 ne prévoit cependant pas d’exigences particulières pour cette transmission. Les dispositions relatives au traitement en sous‑traitance ont en effet pour seul objectif que les exigences prévues à l’article 17, paragraphe 1, en matière de sécurité des traitements soient également respectées en cas de traitement en sous‑traitance.

114. Conformément à la proposition de la plupart des parties, il convient par conséquent de répondre à la troisième question que l’article 17 de la directive 95/46 ne comporte aucune disposition sur le point de savoir si les données qui ont été collectées à des fins de journalisme peuvent être publiées et cédées en vue d’un traitement à des fins commerciales.

D –    Sur la quatrième question – Traitement d’informations publiées

115. Par la quatrième question, la juridiction de renvoi aimerait savoir s’il convient d’interpréter la directive 95/46 en ce sens que sont exclus de son champ d’application les fichiers nominatifs qui ne comportent que des informations déjà publiées telles quelles dans les médias.

116. Cette question a été posée au vu des dispositions de l’article 2, paragraphe 4, de la loi finlandaise sur les données à caractère personnel. Aux termes de cet article, cette loi ne s’applique pas aux fichiers nominatifs qui ne comportent que des informations publiées telles quelles dans les médias.

117. Comme la République d’Estonie, la République portugaise et la Commission le soulignent à juste titre, la directive 95/46 ne comporte pas de dérogation comparable. Au contraire, les douzième et vingt‑sixième considérants soulignent expressément que les principes de protection doivent s’appliquer à toute information concernant une personne identifiée ou identifiable.

118. Une dérogation générale en faveur d’informations publiées viderait, notamment, de son sens l’obligation d’effectuer le traitement des données en vue de finalités déterminées, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 95/46. En effet, après leur publication, les données pourraient être réutilisées dans un but quelconque, indépendamment des finalités pour lesquelles elles avaient été collectées à l’origine.

119. La République de Finlande, en revanche, est d’avis que le traitement de données à caractère personnel ayant fait l’objet d’une publication est justifié par la liberté d’expression. Contrairement à l’argumentation finlandaise, on ne saurait cependant justifier ce point de vue en affirmant que, en l’espèce, la cession sous la forme d’un service de télétexte relève également de la liberté d’expression. Cette considération est intéressante en vue de vérifier la thèse adoptée notamment par le Royaume de Suède, selon laquelle ce service remplirait les conditions prévues à l’article 9 de la directive 95/46 ou des dispositions de transposition finlandaises correspondantes et qu’il relèverait donc du privilège des médias.

120. Cependant, en droit finlandais, le traitement de données à caractère personnel ayant fait l’objet d’une publication n’est absolument pas soumis aux conditions de l’article 9 de la directive 95/46. Il convient par conséquent de se demander si la liberté d’expression couvre également la liberté de traiter de telles données sans aucune restriction.

121. En vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la CEDH, la liberté d’expression comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques. Par conséquent, le traitement de données à caractère personnel ayant fait l’objet d’une publication relève du champ d’application de la liberté d’expression, dans la mesure où il est nécessaire pour atteindre cet objectif. Cependant, cette liberté peut et doit être restreinte, dans la mesure où le droit à la vie privée s’oppose à un traitement des données. Par conséquent, on ne saurait accorder un privilège systématique à de tels traitements. Il convient, au contraire, de vérifier à chaque fois quel droit fondamental prime.

122. S’agissant d’informations publiées qui, par définition, sont connues de manière générale, il convient certes normalement de supposer que le droit à la protection de la vie privée a moins de poids. Cependant, on ne saurait exclure que le droit à la vie privée s’oppose à ce que des interventions soient réitérées et approfondies par un nouveau traitement des informations, comme en cas de fausses informations, d’injures ou d’informations ayant trait à la sphère intime.

123. On peut continuer à fonder les dérogations aux exigences de la directive 95/46 sur l’article 13. À cet égard, il convient notamment de considérer la protection des droits et des libertés d’autrui, visée au paragraphe 1, sous g), de cet article. On pourrait imaginer que, en Finlande, la liberté d’expression comporte le droit de céder des informations publiées sans autre restriction dictée par la protection des données. Il convient également de tenir compte du fait que le traitement d’informations publiées affecte le droit à la vie privée de manière beaucoup moins intense que le traitement d’informations confidentielles. Sur ce point, les États membres disposent certainement d’un large pouvoir d’appréciation.

124. Cette marge d’appréciation ne saurait cependant aboutir à ce que les dérogations à la protection des données légitiment une restriction manifestement disproportionnée du droit à la vie privée. Ainsi, on ne saurait justifier le retraitement d’informations à caractère personnel qui – preuve à l’appui – sont fausses par le fait qu’elles ont été publiées.

125. En outre, l’article 13 de la directive 95/46 n’autorise pas l’adoption de dérogations à toutes les dispositions de la directive. Au contraire, les dérogations sont limitées aux exigences fondamentales de l’article 6, paragraphe 1, en matière de traitement des données, au droit à l’information et au droit d’accès prévus aux articles 10, 11, paragraphe 1, et 12, ainsi qu’à la publicité des traitements, prévue à l’article 21.

126. Il convient par conséquent de répondre à la quatrième question que les fichiers nominatifs qui ne comportent que des informations déjà publiées telles quelles dans les médias relèvent du champ d’application de la directive 95/46.

127. Dans le cadre de la quatrième question également, il faut cependant rappeler que la directive 95/46 ne saurait, à elle seule, fonder des obligations de Satakunnan Markkinapörssi Oy et de Satamedia Oy. Au contraire, pour cela il faut qu’il y ait un fondement en droit national, qui, le cas échéant, doit être interprété en accord avec la directive 95/46, mais non pas contra legem (71).

V –    Conclusion

128. Par conséquent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision à titre préjudiciel:

«1)      Une activité doit être considérée comme un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, lorsque, comme décrit dans la demande de décision à titre préjudiciel, elle consiste:

a)      à collecter dans les documents administratifs des données relatives aux revenus du travail et du capital ainsi qu’au patrimoine de personnes physiques et à les traiter en vue de leur publication,

b)      à les publier dans l’ordre alphabétique et par classe de revenus, sous la forme de listes détaillées établies commune par commune,

c)      à les céder sous la forme de disques CD‑ROM, pour qu’elles soient utilisées à des fins commerciales,

d)      à les traiter dans un service télétexte qui permet aux utilisateurs de téléphones mobiles, en envoyant le nom et la commune de résidence d’une personne, de recevoir des informations concernant les revenus du travail et du capital ainsi que le patrimoine de cette personne.

2)      Le traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 9 de la directive 95/46 est effectué à des fins de journalisme au sens de l’article 9 de la directive 95/46, lorsqu’il vise la communication d’informations et d’idées sur des questions d’intérêt public. La question de savoir si et dans quelle mesure le traitement de données fiscales, litigieux en l’espèce, est effectué à des fins de journalisme doit être examinée par la juridiction de renvoi à partir de toutes les circonstances objectives disponibles.

3)      L’article 17 de la directive 95/46 ne comporte aucune disposition sur le point de savoir si des données qui ont été collectées à des fins de journalisme peuvent être publiées et cédées en vue d’un traitement à des fins commerciales.

4)      Les fichiers nominatifs qui ne comportent que des informations déjà publiées telles quelles dans les médias relèvent du champ d’application de la directive 95/46.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 281, p. 31, modifiée en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE du Conseil des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes soumis à la procédure visée à l’article 251 du traité CE (JO L 284, p. 1).


3 – Ordonnance du 12 septembre 2007, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, Rec. p. I‑7075, points 8 et suiv.).


4 – Voir, sur ces notions, Walz, S., article 41, point 1, dans Simitis, S., Bundesdatenschutzgesetz, 6e éd., Baden Baden, 2006, et Neunhoeffer, F., Das Presseprivileg im Datenschutzrech, Tübingen, 2005.


5 – Arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 274), et du 29 juin 2006, Commission/SGL Carbon (C‑301/04 P, Rec. p. I‑5915, point 43).


6 – Arrêts du 18 juin 1991, ERT (C‑260/89, Rec. p. I‑2925, point 44); du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (C‑288/89, Rec. p. I‑4007, point 23); du 25 juillet 1991, Commission/Pays‑Bas (C‑353/89, Rec. p. I‑4069, point 30), et du 13 décembre 2007, United Pan‑Europe Communications Belgium e.a. (C‑250/06, Rec. p. I‑11135, point 41).


7 – JO C 364, p. 1. Reprise, avec des adaptations, par la proclamation du 12 décembre 2007 (JO C 303, p. 1).


8 – Voir arrêts Collectieve Antennevoorziening Gouda et United Pan‑Europe Communications Belgium e.a. (tous les deux précités à la note 6).


9 – Protocole annexé au traité CE (JO 1997, C 340, p. 109).


10 – Voir Cour eur. D. H., arrêts Handyside du 7 décembre 1976, série A n° 24, § 49; Müller e.a. du 24 mai 1988, série A n°  133, § 33; Vogt du 26 septembre 1995, série A n° 323, § 52, et Guja du 12 février 2008, non encore publié au Recueil, § 69, ainsi qu’arrêt de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission (C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, point 39).


11 – Cour eur. D. H., arrêts Autronic AG du 22 mai 1990, 12726/87, série A n° 178, § 47, et Casado Coca du 24 février 1994, 15450/89, série A n° 285‑A, § 35 et suiv. C’est à juste titre que la Commission renvoie, dans ce contexte, également aux conclusions de l’avocat général Fenelly du 15 juin 2000, dans l’affaire Allemagne/Parlement et Conseil (arrêt du 5 octobre 2000, C‑376/98, Rec. p. I‑8419), points 153 et suiv.


12 – En ce sens, également arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, non encore publié au Recueil, point 64).


13 – Arrêt du 20 mai 2003, Österreichischer Rundfunk e.a. (C‑465/00, C‑138/01 et C‑139/01, Rec. p. I‑4989, point 74).


14 – Voir arrêt de la Cour eur. D. H. von Hannover du 24 juin 2004, 59320/00, Recueil des arrêts et décisions 2004‑VI, § 57 et jurisprudence visée.


15 – Arrêt von Hannover, précité (point 70).


16 – Voir, concernant la liberté d’expression, arrêts du 26 juin 1997, Familiapress (C‑368/95, Rec. p. I‑3689, point 26), et du 12 juin 2003, Schmidberger (C‑112/00, Rec. p. I‑5659, point 79), ainsi qu’arrêts de la Cour eur. D.H. Handyside, précité (§ 48) et Observer et Guardian du 26 novembre 1991, 13585/88, série A n° 216, § 59, et, concernant la vie privée, arrêts de la Cour du 11 juillet 2002, Carpenter (C‑60/00, Rec. p. I‑6279, point 42), et Österreichischer Rundfunk e.a., précité (point 71), ainsi qu’arrêts de la Cour eur. D.H. Leander, du 26 mars 1987, 9248/81, série A n° 116, § 58, et Connors du 27 mai 2004, 66746/01, non encore publié au Recueil, § 81.


17 – Voir, à titre d’illustration, arrêt von Hannover, précité (§ 61 et suiv.).


18 – Voir arrêts du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, Rec. p. I‑12971, points 82 et suiv.) et Promusicae, précité (points 65 et suiv.).


19 – Voir arrêts précités Lindqvist (points 83 et suiv.) et Promusicae (point 67).


20 – Voir arrêts précités Lindqvist (point 87) et Promosicae (point 68).


21 – Précité (points 61 et suiv., notamment point 68).


22 – Précité (points 91 et suiv.).


23 – Précité (points 86 et suiv.).


24 – Précité (point 33).


25 – Précité (point 34).


26 – Arrêts du 14 octobre 2004, Omega (C‑36/02, Rec. p. I‑9609, points 37 et suiv.), et du 14 février 2008, Dynamic Medien (C‑244/06, non encore publié au Recueil, point 44); voir également arrêt du 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (C‑243/01, Rec. p. I‑13031, point 63).


27 – Arrêt du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union (C‑438/05, Rec. p. I‑10779, point 85).


28 – Arrêt du 18 décembre 2007, Laval un Partneri (C‑341/05, Rec. p. I‑11767).


29 – Précité (point 27).


30 – Arrêt du 9 décembre 1997, Commission/France (C‑265/95, Rec. p. I‑6959).


31 – Arrêt précité (point 42).


32 – Ibidem, points 82 et 93.


33 – Ibidem, points 83 et suiv.


34 – Conclusions du 19 septembre 2002 dans l’affaire Lindqvist, précitée (points 35 et suiv.), et du 14 novembre 2002 dans l’affaire Österreichischer Rundfunk e.a., précitée (points 43 et suiv.).


35 – Arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., précité (point 42).


36 – Arrêts du 8 juin 2006, WWF Italia e.a. (C‑60/05, Rec. p. I‑5083, point 34), et du 14 juin 2007, Commission/Finlande (C‑342/05, Rec. p. I‑4713, point 25), qui concernaient des dérogations à la protection des espèces; du 7 mars 2002, Commission/Finlande (C‑169/00, Rec. p. I‑2433, point 33 et jurisprudence citée), qui concernait la taxe sur la valeur ajoutée; du 27 septembre 1988, Kalfelis (189/87, Rec. p. 5565, point 19), et du 11 octobre 2007, Freeport (C‑98/06, Rec. p. I‑8319, point 35), qui concernaient la compétence judiciaire en matière civile, ainsi qu’arrêt du 27 novembre 2007, C (C‑435/06, Rec. p. I‑10141, point 60), qui concernait la compétence judiciaire en matière de litiges portant sur le droit de garde.


37 – Arrêt Lindqvist, précité (points 83 et suiv.); voir également arrêt Promusicae, précité (point 67), concernant la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (JO L 201, p. 37).


38 – Voir, concernant l’interprétation de cette disposition, arrêt Lindqvist, précité (points 46 et suiv.).


39 – La convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, ouverte à la signature le 28 janvier 1981 à Strasbourg, SEV n° 108, ne prévoit, elle non plus, pas de privilège des médias en soi, mais l’adoption de dispositions dérogatoires en vue de la protection des droits d’autrui. Voir explications relatives à l’article 9, sous b), de la convention, Rapport explicatif, point 58, http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/108.htm.


40 – Article 19 de la proposition de directive du Conseil, relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel [COM (90) 314 fin., JO 1990, C 277, p. 3, 9].


41 – Voir, notamment, avis du Parlement européen du 11 mars 1992 (JO C 94, p. 173), proposition modifiée de la Commission du 15 octobre 1992 (JO C 311, p. 30) et, enfin, position commune du Conseil du 20 février 1995 (JO C 93, p. 1).


42 – Voir Cour eur. D. H., arrêts Barthold du 25 mars 1985, 8734/79, série A n° 90, § 58; Lingens du 8 juillet 1986, 9815/82, série A n° 103, § 44; Jersild du 23 septembre 1994, 15890/89, série A n° 298, § 31; Observer et Guardian, précité (§ 59); von Hannover, précité (§ 63), ainsi que Pedersen et Baadgaard du 17 décembre 2004, [GG] 49017/90, Recueil des arrêts et décisions 2004‑XI, § 71).


43 – Voir Cour eur. D. H., arrêts News Verlags GmbH & Co.KG du 11 janvier 2000, 31457/96, Recueil des arrêts et décisions 2000‑I, § 54; Tammer du 6 février 2001, 41205/98, Recueil des arrêts et décisions 2001‑I, § 68; Éditions Plon du 18 mai 2004, 58148/00, Recueil des arrêts et décisions 2004‑IV, § 44; Stoll du 10 décembre 2007, 69698/01, § 118 et suiv., ainsi que Nikowitz et Verlagsgruppe News GmbH du 22 février 2007, 5266/03, § 25.


44 – Arrêt News Verlags GmbH & Co.KG, précité (§ 56).


45 – Arrêt Éditions Plon, précité (§ 44).


46 – Arrêts précités Stoll (§ 122) et Lingens (§ 42). Concernant les dirigeants de la vie économique, voir Cour eur. D. H., arrêt Tønsbergs Blad AS et Haukom du 1er mars 2007, 510/04, non encore publié au Recueil, § 87.


47 – Voir Cour eur. D. H., arrêts précités von Hannover (§ 65) et News Verlags GmbH & Co.KG (§ 54).


48 – Voir Cour eur. D. H., arrêt von Hannover, précité (§ 51). Voir, de manière plus générale, concernant l’espérance légitime en matière de traitement des données, Cour eur. D. H., arrêts Halford du 25 juin 1997, 20605/92, Recueil des arrêts et décisions 1999‑III, § 45; P. G. et J. H. du 25 septembre 2001, 44787/98, Recueil des arrêts et décisions 2001‑IX, § 57, et Copland du 3 avril 2007, 62617/00, non encore publié au Recueil, § 42.


49 – Voir Cour eur. D. H., arrêt du 21 janvier 1999, 29183/95, Recueil des arrêts et décisions 1999‑I.


50 – Ibidem, § 50.


51 – Ibidem, § 53.


52 – Ibidem, § 53.


53 – Ibidem, § 50.


54 – Ainsi, la Cour eur. D. H., arrêts Goodwin du 27 mars 1996, 28957/95, Recueil des arrêts et décisions 1996‑II, § 39, et Tillack du 27 novembre 2007, 20477/05, § 53, a expressément étendu la protection de la liberté de la presse à la protection des sources journalistiques.


55 – Ainsi, la Cour eur. D. H., arrêt Autronic AG, précité (§ 47) signale que différents arrêts relatifs à la liberté de la presse concernaient des entreprises qui poursuivaient des buts lucratifs avec leur activité de presse.


56 – Voir ordonnance du 23 septembre 2004, Springer (C‑435/02 et C‑103/03, Rec. p. I‑8663, point 47).


57 – C’est une affaire de ce type qui était à l’origine de l’arrêt de la Cour eur. D.H. Verein gegen Tierfabriken du 28 juin 2001, 24699/94, Recueil des arrêts et décisions 2001‑VI, concernant un spot publicitaire contre la production de viande, mais pas à l’origine de l’arrêt de la Cour eur. D.H. Casado Coca précité, concernant l’interdiction de publicités par des avocats. Voir, également, arrêt de la Cour du 12 décembre 2006, Allemagne/Parlement et Conseil (C‑380/03, Rec. p. I‑11573, point 156).


58 – Voir, concernant le choix de la base juridique d’une mesure communautaire, arrêts du 26 mars 1987, Commission/Conseil (45/86, Rec. p. 1493, point 11); du 11 juin 1991, Commission/Conseil (C‑300/89, Rec. p. I‑2867, point 10), et du 23 octobre 2007, Commission/Conseil (C‑440/05, Rec. p. I‑9097, point 61); concernant la constatation d’objectifs visant à contourner la loi, arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, Rec. p. I‑1609, point 75), et du 8 novembre 2007, ING. AUER (C‑251/06, Rec. p. I‑9689, point 46), et concernant la constatation d’une livraison intracommunautaire dans la législation relative à la taxe sur la valeur ajoutée, arrêt du 27 septembre 2007, Teleos e.a. (C‑409/04, Rec. p. I‑7797, points 39 et suiv.).


59 – Arrêt Österreichischer Rundfunk e.a., précité (points 89 et suiv.).


60 – Voir Cour eur. D. H., arrêt Fressoz et Roire, précité (notamment § 53), où seule la situation juridique nationale est examinée. Voir également la décision de la Commission européenne des droits de l’homme du 27 novembre 1996, Gedin (plainte n° 29189/95) sur la désignation nominative dans un registre de débiteurs fiscaux.


61 – Arrêts précités Lindqvist (point 83) et Promusicae (point 67).


62 – Arrêts du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48); du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 108), et du 7 juin 2007, Carp (C‑80/06, Rec. p. I‑4473, point 20).


63 – Directive du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).


64 – Arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981, points 75 et suiv.).


65 – Conclusions du 8 février 2007 dans l’affaire Kofoed (arrêt du 5 juillet 2007, C‑321/05, Rec. p. I‑5795, point 67).


66 – Conclusions de l’avocat général Mázak du 15 février 2007 dans l’affaire Palacios de la Villa (arrêt du 16 octobre 2007, C‑411/05, Rec. p. I‑8531), points 133 et suiv., et conclusions de l’avocat général Ruiz Jarabo Colomer, du 24 janvier 2008 dans l’affaire Michaeler (arrêt du 24 avril 2008, C‑55/07 et C‑56/07, non encore publié au Recueil), points 21 et suiv.


67 – Arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891, point 26); Pfeiffer e.a., précité (§ 113), et du 19 avril 2007, Farrell (C‑356/05, Rec. p. I‑3067, point 42).


68 – Arrêt Lindqvist, précité (point  87); du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, Rec. p. I‑5769, point 105), et Promusicae, précité (point  68).


69 – Arrêts du 16 juin 2005, Pupino (C‑105/03, Rec. p. I‑5285, points 44 et 47), et du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, Rec. p. I‑6057, point 110).


70 – Voir proposition de directive du Conseil relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel [COM(1990) 314 final, p. 40], et proposition modifiée de directive du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [COM(1992) 422, p. 28 et suiv.].


71 – Voir ci‑dessus, points 99 et suiv.