Language of document : ECLI:EU:T:2006:335

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

25 octobre 2006(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Marques antérieures verbales internationale RODA et nationales BODEGAS RODA, RODA I et RODA II – Demande de marque communautaire verbale ODA – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑13/05,

Castell del Remei, SL, établie à Castell del Remei (Espagne), représentée par Mes J. Grau Mora, A. Angulo, M. Baylos Morales, A. Velázquez Ibáñez, F. de Visscher, E. Cornu, É. De Gryse, D. Moreau et P. Merino Baylos, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Bodegas Roda, SA, établie à La Rioja (Espagne), représentée par Me M. López Camba, avocat,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 27 octobre 2004 (affaire R 691/2003‑1), relative à une procédure d’opposition entre Bodegas Roda, SA et Castell del Remei, SL,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. V. Vadapalas, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2005,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2005,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2005,

à la suite de l’audience du 6 avril 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 mai 2000, Castell del Remei, SL a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ODA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 8/2001, du 15 janvier 2001.

5        Le 10 avril 2001, la société Bodegas Roda a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés par celle-ci. Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

6        L’opposition était fondée sur le nom commercial espagnol BODEGAS RODA SA n° 152 917, pour l’activité d’élaboration et d’élevage de vins, et sur les marques verbales suivantes :

–        RODA, faisant l’objet de l’enregistrement international n° 703 486, avec effet au Danemark, en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche, en Finlande, en Suède, au Royaume-Uni et dans les pays du Benelux, de l’enregistrement espagnol n° 1 757 553 et de l’enregistrement grec n° 137 050 ;

–        BODEGAS RODA, faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 1 536 563 ;

–        RODA I, faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 2 006 616 ;

–        RODA II, faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 2 006 615.

7        Toutes les marques étaient enregistrées pour les produits correspondant à la description suivante : « vins et spiritueux », relevant de la classe 33.

8        Par décision du 22 octobre 2003, la division d’opposition de l’OHMI a fait droit à l’opposition en raison des similitudes visuelle et phonétique manifestes des signes en conflit, faisant naître un risque de confusion, du moins en Autriche, en Allemagne et en Italie. Pour des raisons d’économie de la procédure, la division d’opposition a centré son analyse sur une comparaison de la marque dont l’enregistrement est demandé avec la marque internationale antérieure RODA.

9        Le 21 novembre 2003, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, dirigé contre la décision de la division d’opposition.

10      Ce recours a été rejeté par décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 27 octobre 2004 (ci-après la « décision attaquée »). La chambre de recours a confirmé les conclusions de la division d’opposition quant à l’existence de similitudes visuelle et phonétique entre la marque dont l’enregistrement était demandé et la marque internationale antérieure RODA et a estimé que ces similitudes ne pouvaient pas être neutralisées par la différence d’une seule lettre existant entre ces deux marques, sauf dans le cas où cette différence impliquerait une différence conceptuelle. Cependant, selon la décision attaquée, les différences conceptuelles invoquées par la requérante ne pouvaient être retenues pour l’ensemble des langues parlées sur le territoire pertinent. La chambre de recours a également rejeté les arguments de la requérante selon lesquels la marque RODA n’aurait qu’un caractère distinctif faible ainsi que l’allégation de la requérante selon laquelle il n’existerait aucun risque de confusion entre les marques en cause parce que les produits désignés par celles-ci porteraient des appellations d’origine différentes.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et la partie intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

14      S’agissant, en premier lieu, de la comparaison des produits, la requérante ne conteste pas leur identité.

15      S’agissant, en deuxième lieu, de la comparaison des signes, la requérante commence par souligner que le consommateur auquel sont destinés les produits en cause est un consommateur normalement attentif et avisé, possédant, compte tenu du prix élevé des vins commercialisés sous les marques en conflit, un degré de connaissance certain du marché des vins.

16      Elle fait valoir ensuite que la présence de la lettre « r » dans la marque sur laquelle se fonde l’opposition suffit pour éviter tout risque de confusion. Cette lettre serait importante tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique.

17      Sur le plan visuel, les marques en conflit étant très courtes, la présence de la lettre « r » ne pourrait pas passer inaperçue.

18      Sur le plan phonétique, la présence de la lettre initiale « r », qui se prononcerait dans toutes les langues des pays dans lesquels la marque internationale antérieure de l’opposante est protégée, différencierait les marques verbales en conflit en ce qu’elle entraînerait une prononciation très différenciée de la première syllabe, sur laquelle se trouve l’accent tonique.

19      Dans sa pratique antérieure, la première chambre de recours, en comparant les marques INCEL et LINZEL, aurait d’ailleurs considéré leur différence visuelle et phonétique au vu de la présence de la lettre « l » au début de la seconde de ces marques (décision de la première chambre de recours du 16 octobre 2002, affaire R 793/2001‑2).

20      Le Tribunal aurait également jugé qu’il est généralement admis qu’il convient d’accorder une certaine importance à l’initiale d’un élément verbal [arrêt du Tribunal du 12 octobre 2004, Aventis CropScience/OHMI – BASF (CARPO), T‑35/03, non publié au Recueil, point 24].

21      La requérante fait en outre valoir que le Tribunal devrait prendre en considération un arrêt du Tribunal Superior de Justicia de La Rioja (Cour supérieure de justice de La Rioja, Espagne), selon lequel il n’existe aucun risque de confusion entre les marques en cause des points de vue phonétique et visuel en raison de la lettre « r ».

22      Sur le plan conceptuel, il existerait une différence entre les marques en conflit au moins dans les langues espagnole, italienne et allemande, différence qui n’a pas été reconnue par l’OHMI pour les langues des autres pays dans lesquels la marque internationale antérieure est protégée.

23      S’agissant, en troisième lieu, du risque de confusion, la requérante souligne que les marques ODA et RODA coexisteraient sur le marché depuis plusieurs années, comme le prouveraient les pièces jointes à l’annexe 5 de la requête. S’il existait réellement un risque de confusion, l’intervenante aurait formé des actions contre l’usage de la marque ODA plus tôt.

24      Par ailleurs, les étiquettes des vins comportent également d’autres informations, telles que le nom du producteur ou de l’embouteilleur et les dénominations d’origine auxquelles appartiennent les vins, à savoir Rioja pour les vins de la marque RODA et Costers del Segre pour les vins de la marque ODA. Ces indications seraient suffisantes pour différencier les produits aux yeux du consommateur moyen.

25      Enfin, la marque RODA ne présenterait qu’un faible caractère distinctif ; d’autres marques comprenant le terme « roda » seraient enregistrées pour des produits de la classe 33 et utilisées en Espagne, comme le démontreraient les pièces jointes aux annexes 10 et 11 de la requête.

26      L’OHMI relève, en premier lieu, que l’identité des produits en cause n’est pas contestée.

27      En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison des signes, l’OHMI rappelle, tout d’abord, la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’appréciation des similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ces marques, notamment leurs éléments distinctifs et dominants. Il souligne ensuite que cette appréciation doit prendre en considération la perception de la marque internationale antérieure RODA par le public des pays dans lesquels cette marque est protégée, à savoir le Danemark, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Autriche, la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni et les pays du Benelux.

28      Sur le plan visuel, l’OHMI fait valoir que les deux signes en conflit sont courts, purement verbaux et présentent une suite identique de trois lettres. La seule différence entre ceux-ci, à savoir la lettre « r » au début de la marque antérieure, serait insuffisante pour considérer qu’il n’existe pas une forte similitude visuelle entre ces signes.

29      Sur le plan phonétique, chacun des signes en conflit possède deux syllabes et une suite de voyelles identique. De plus, la seconde syllabe de chacun de ces signes est identique et la première syllabe, bien que se distinguant par la lettre initiale « r », présente dans la marque antérieure et absente dans la marque dont l’enregistrement est demandé, verrait toutefois cette distinction rendue moins audible par la présence de la voyelle « o », qui absorberait en grande partie la prononciation de la lettre initiale « r ». Les signes en conflit seraient donc globalement très similaires sur le plan phonétique.

30      Ni la pratique antérieure de l’OHMI ni les précédents jurisprudentiels invoqués par la requérante ne seraient susceptibles de remettre en cause ces appréciations.

31      Sur le plan conceptuel, l’OHMI approuve la position de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit ne possèdent aucun contenu sémantique en France, dans les pays du Benelux, au Danemark, en Finlande, en Suède et au Royaume-Uni. Par conséquent, les différences conceptuelles pouvant avoir une quelconque importance dans l’évaluation du risque de confusion dans les pays où les signes en conflit ont une signification particulière n’auraient aucun impact sur l’appréciation du risque de confusion dans les pays où ces signes sont perçus comme des termes dépourvus de contenu conceptuel.

32      En troisième lieu, après avoir énoncé les principes jurisprudentiels qui gouverneraient l’appréciation du risque de confusion, l’OHMI fait valoir que, étant donné que les produits en cause comprennent des boissons appartenant à une gamme variée de qualités et de prix dans tous les territoires pertinents et que le consommateur ne sera pas nécessairement un grand connaisseur de ce type de produits, on ne peut généralement pas affirmer que le consommateur moyen de vin fera preuve d’une attention particulière lors de l’achat de ce type de produits.

33      L’OHMI conteste ensuite la pertinence de l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia de La Rioja invoqué par la requérante. Les signes en conflit seraient perçus différemment selon le territoire concerné et les consommateurs. Dans les territoires pertinents en l’espèce, la lettre « r » ne correspondrait pas à un son aussi fort qu’en espagnol et les signes en conflit n’auraient aucun contenu conceptuel.

34      Par ailleurs, en réponse à l’argument tiré du caractère distinctif faible de la marque RODA, l’OHMI relève que l’usage étendu du terme « roda » sur les territoires pertinents n’a pas été démontré, de sorte que, en l’absence de contenu conceptuel, ce signe sera perçu comme ayant intrinsèquement un caractère distinctif élevé.

35      Quant à l’argument tiré d’une attitude passive de l’intervenante à l’égard de l’usage de la marque ODA, l’OHMI avance que, outre le fait que cet élément est mentionné pour la première fois devant le Tribunal, la tolérance de l’usage par un tiers d’une marque enregistrée ne peut être invoquée que dans le cadre d’une procédure de déchéance ou de nullité de cette marque.

36      Partant, l’OHMI estime que c’est à juste titre que la chambre de recours a reconnu l’existence d’un risque de confusion au moins dans les pays où les signes en conflit n’ont pas de signification particulière et rappelle que l’existence d’un tel risque dans un seul des territoires pertinents suffit pour justifier le refus d’enregistrement de la marque demandée.

37      L’intervenante souligne, en premier lieu, que l’identité des produits visés par les marques en conflit n’est pas contestée et que la demande d’enregistrement de marque communautaire ne se limite pas à un type de vin spécifique.

38      En deuxième lieu, l’intervenante rappelle que la comparaison des signes doit être effectuée en fonction de l’impression d’ensemble produite par les marques en cause.

39      Sur le plan phonétique, le fait qu’une lettre ne se prononce que dans un seul des deux signes en conflit n’impliquerait pas nécessairement que ces deux vocables se différencient suffisamment lors de leur prononciation. La décision de la première chambre de recours dans l’affaire INCEL/LINZEL (voir point 19 ci-dessus) ne serait pas pertinente en l’espèce, car les produits en cause dans cette affaire étaient des produits pharmaceutiques destinés à un public de professionnels qualifiés particulièrement attentifs. Ce ne serait pas le cas des consommateurs de vins. Quant à l’arrêt CARPO, point 20 supra, il soutiendrait en fait plutôt les arguments de l’OHMI, tant du point de vue phonétique que visuel.

40      Sur le plan conceptuel, l’absence de différence entre les signes dans une seule des langues parlées dans le territoire pertinent suffirait à conclure à l’existence d’une similitude. En toute hypothèse, l’OHMI n’aurait même pas reconnu qu’une différence conceptuelle existe bien dans les langues allemande et italienne, mais aurait seulement envisagé cette possibilité.

41      La marque internationale antérieure RODA ne serait pas non plus dépourvue de caractère distinctif. Cela ne serait le cas que si elle était générique, descriptive ou massivement utilisée en ce qui concerne les produits visés par celle-ci, ce qui ne serait pas démontré en l’espèce. Quant à la coexistence de cette marque avec la marque dont l’enregistrement est demandé, elle ne serait pas pertinente pour le cas d’espèce et cet argument serait en outre, notamment, fondé sur des preuves présentées pour la première fois devant le Tribunal et relatives au seul territoire espagnol.

42      Compte tenu des similitudes phonétique, visuelle et conceptuelle des signes en conflit et de l’interdépendance entre les différents facteurs dont il doit être tenu compte dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, ce dernier serait établi.

 Appréciation du Tribunal

43      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii) et iii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre ou ayant fait l’objet d’un enregistrement international, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

44      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 32].

45      En l’espèce, la protection de la marque internationale antérieure RODA s’étend au Danemark, à l’Allemagne, à la France, à l’Italie, à l’Autriche, à la Finlande, à la Suède, au Royaume-Uni et aux pays du Benelux. C’est donc la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause dans l’ensemble de ces États qu’il convient de considérer.

46      En ce qui concerne le degré d’attention de ce consommateur lors de l’achat des produits concernés, il convient d’admettre que les produits en cause sont des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Le fait que, comme l’allègue la requérante, les vins qu’elle commercialise soient, le cas échéant, des vins de qualité vendus à des prix relativement élevés n’est à cet égard pas pertinent, dès lors que l’enregistrement a été demandé non seulement pour des vins qui seraient de qualité, mais, de manière générale, pour les boissons alcooliques à l’exception des bières.

47      Par ailleurs, même si l’article 8 du règlement n° 40/94 ne contient pas de disposition semblable à celle de l’article 7, paragraphe 2, selon laquelle il suffit, pour refuser l’enregistrement d’une marque, qu’un motif absolu de refus n’existe que dans une partie de la Communauté, il y a lieu de considérer que la même solution doit être appliquée en l’espèce. Il s’ensuit que l’enregistrement doit également être refusé, même si le motif relatif de refus n’existe que dans une partie de la Communauté [arrêts du Tribunal du 3 mars 2004, Mühlens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T‑355/02, Rec. p. II‑791, points 35 et 36, et du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM‑ACE), T‑312/03, Rec. p. II‑2897, point 29].

48      À la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard à l’identité, admise par les parties, des produits désignés par les marques en cause, il y a lieu de procéder à la comparaison des signes en conflit.

49      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et du 26 janvier 2006, Volkswagen/OHMI – Nacional Motor (Variant), T‑317/03, non publié au Recueil, point 46].

50      L’appréciation globale du risque de confusion doit cependant, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux‑ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47].

51      Par ailleurs, les similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit peuvent être neutralisées par des différences sur le plan conceptuel. Il faut pour cela qu’au moins une des marques en cause ait une signification claire et déterminée pour le public pertinent de sorte que ce dernier est susceptible de la saisir immédiatement, et que l’autre marque n’ait pas une telle signification ou une signification entièrement différente [arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 93].

52      En l’espèce, sur le plan visuel, force est de constater que la marque dont l’enregistrement est demandé, ODA, et la marque internationale antérieure, RODA, sont assez similaires. Ces deux signes sont constitués respectivement de trois et de quatre lettres, les trois dernières lettres de la marque internationale antérieure, « o », « d » et « a », constituant, dans le même ordre, l’intégralité de la marque dont l’enregistrement est demandé. La seule différence entre ces deux signes réside dans la lettre « r », initiale de la marque internationale antérieure. Étant donné qu’il s’agit de marques purement verbales, et bien qu’il s’agisse de deux signes courts, la présence dans la marque présentée à l’enregistrement de la séquence de trois des quatre lettres constituant la marque antérieure fait que cette unique distinction entre les signes en conflit constitue une différence visuelle peu importante.

53      Sur le plan phonétique, la totalité des lettres constituant la marque dont l’enregistrement est demandé figure dans la marque internationale antérieure et les signes en conflit ont tous deux une structure bisyllabique, la seconde syllabe de chaque marque étant identique. De plus, chacune des syllabes des marques en conflit comporte les mêmes voyelles « o » et « a ». Les deux signes présentent donc également une certaine similitude sur le plan phonétique.

54      Certes, les deux signes en cause se différencient, sur les plans visuel et phonétique, par la présence, dans la marque internationale antérieure, de la lettre initiale « r ». Cependant, s’il est vrai que le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots (arrêt MUNDICOR, point 51 supra, point 81), en l’espèce, il apparaît que la dissemblance entre les signes en conflit concernant la seule première lettre de la marque internationale antérieure n’est pas suffisante pour neutraliser, sur les plans visuel et phonétique, la similitude découlant de l’identité constatée entre la partie la plus importante, en terme de lettres et de sons, de la marque internationale antérieure et l’intégralité de la marque dont l’enregistrement est demandé.

55      En effet, la similitude entre les signes doit être appréciée sur la base d’une impression d’ensemble, produite notamment par leur prononciation complète. En l’espèce, il y a lieu, à cet égard, de prendre également en considération le fait que, au moins dans la langue anglaise, cette différence de prononciation n’est pas fortement audible, du fait que la voyelle « o » a la propriété d’absorber en grande partie la prononciation de la lettre « r » qui la précède.

56      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a admis la similarité visuelle et phonétique des signes en conflit.

57      Aucun argument invoqué tiré de la jurisprudence ne permet d’invalider cette constatation. Premièrement, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CARPO, point 20 supra, se différencie de la présente espèce. En effet, dans celui-ci, d’une part, les deux marques en conflit n’étaient pas composées d’un seul élément verbal et, d’autre part, la marque dont l’enregistrement était demandé n’était pas intégralement constituée par une partie de la marque antérieure.

58      Deuxièmement, s’agissant de la décision de la première chambre de recours dans l’affaire INCEL/LINZEL (voir point 19 ci-dessus), il y a lieu de rappeler que la légalité des décisions des chambres de recours concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire doit être appréciée uniquement sur la base du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 66, et du 13 avril 2005, Duarte y Beltrán/OHMI – Mirato (INTEA), T‑353/02, non publié au Recueil, point 36]. Il convient d’ajouter que, si les motifs de fait ou de droit figurant dans une décision antérieure peuvent constituer des arguments à l’appui d’un moyen tiré de la violation d’une disposition du règlement n° 40/94 [arrêts du Tribunal du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 33, et INTEA, précité, point 36], la requérante n’a pas démontré que la situation de fait et de droit à l’origine de cette affaire est comparable à celle de l’espèce. La décision de la première chambre de recours invoquée par la requérante est donc sans incidence sur le cas d’espèce.

59      Troisièmement, l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia de La Rioja ayant constaté l’absence de similitude visuelle et phonétique entre les marques RODA et ODA n’est pas non plus pertinent en l’espèce, le régime communautaire des marques étant un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47]. La jurisprudence selon laquelle une jurisprudence nationale peut, le cas échéant, fournir des indications utiles [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, Rec. p. II‑2831, point 69], n’a pas d’application en l’espèce, étant donné notamment que le territoire et le public pertinents dans la présente affaire sont différents de ceux en cause dans l’arrêt invoqué par le requérant.

60      Sur le plan conceptuel, il convient de prendre en compte l’opinion du public pertinent quant à l’existence d’une signification des termes « oda » et « roda ». Ainsi que cela a été constaté précédemment, il s’agit des consommateurs finaux de boissons alcooliques, à l’exception des bières, au Danemark, en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche, en Finlande, en Suède, au Royaume-Uni et dans les pays du Benelux, pays dans lesquels la marque internationale antérieure est protégée.

61      À ce titre, il suffit de relever que les différences conceptuelles qui pourraient exister entre les marques en conflit en raison de la possible signification que le terme « oda » pourrait avoir en langues italienne et allemande ne sont pas déterminantes. En effet, ces différences n’existent pas dans les autres pays dans lesquels la marque internationale antérieure est protégée. Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’aucune différence conceptuelle n’existait, de manière générale, entre les marques en conflit dans les pays dans lesquels la marque internationale antérieure est protégée, qui aurait pu neutraliser les similitudes visuelle et phonétique des marques en conflit.

62      Quant à l’existence d’un risque de confusion, il a été constaté ci-dessus que les produits en cause sont destinés à la consommation courante et que leur consommateur moyen est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

63      Au vu de ces éléments, et compte tenu de l’identité des produits en cause, de la similitude visuelle et phonétique entre les signes en cause, qui n’est pas neutralisée sur tout le territoire pertinent par des différences conceptuelles, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion.

64      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments contraires développés par la requérante.

65      En premier lieu, le fait que les étiquettes des vins commercialisés sous les marques en cause comportent également des dénominations d’origines différentes n’est pas pertinent. D’une part, il est certes vrai que de telles indications évitent effectivement toute confusion quant à l’origine géographique des vins concernés. Toutefois, celles-ci ne suffisent pas à écarter en l’espèce le risque que le public concerné puisse croire que les produits désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées. En effet, il ne peut être exclu qu’une même entreprise soit active dans la production de plusieurs vins, portant des dénominations d’origines différentes. D’autre part, il est constant que ni la marque dont l’enregistrement est demandé ni la marque internationale antérieure ne sont destinées à désigner uniquement des vins, l’enregistrement de la première ayant été demandé pour l’ensemble des boissons alcooliques, à l’exception des bières, et la seconde ayant été enregistrée pour les vins et spiritueux. La dénomination d’origine qui serait éventuellement apposée sur une étiquette de vin n’est donc, en toute hypothèse, pas de nature à exclure, s’agissant des autres boissons alcooliques concernées en l’espèce, le risque de confusion que le règlement n° 40/94 cherche à prévenir.

66      En deuxième lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient l’OHMI, l’argument de la requérante relatif à la prétendue coexistence des marques RODA et ODA depuis plusieurs années sur le marché n’a pas été invoqué pour la première fois devant le Tribunal, puisqu’il en est également fait mention dans la décision attaquée. Néanmoins, cet argument ne peut prospérer.

67      Certes, selon la jurisprudence, il n’est pas exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement amoindrir le risque de confusion constaté par les instances de l’OHMI entre deux marques en conflit. Néanmoins, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le demandeur de la marque communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre la marque antérieure dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques [arrêt du Tribunal du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec. p. II‑1667, point 86].

68      En l’espèce, le Tribunal constate que la requérante n’a apporté au cours de la procédure administrative aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle la marque ODA coexistait sur le marché en cause avec les marques de l’intervenante comprenant le terme « roda ». Or, une simple affirmation non étayée est insuffisante pour démontrer que le risque de confusion entre les marques en conflit est amoindri et, a fortiori, écarté. Les autres pièces invoquées par la requérante et visant à prouver ladite coexistence ont été présentées pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. Elles sont à ce titre irrecevables et doivent être écartées sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante. En effet, selon une jurisprudence constante du Tribunal, le recours porté devant lui vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI en vertu de l’article 63 du règlement n° 40/94. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui [arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, point 18].

69      En troisième lieu, s’agissant du caractère prétendument peu distinctif de la marque RODA, il est vrai que, selon la jurisprudence, le caractère distinctif de la marque antérieure, que celui-ci dérive des qualités intrinsèques de cette marque ou de sa renommée, doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les produits ou les services désignés par les deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, points 18 et 24). Cette interprétation est confirmée, dans le cadre du règlement n° 40/94, par le septième considérant de ce règlement selon lequel il y a lieu d’apprécier le risque de confusion au regard, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché.

70      À cet égard, la requérante soutient, en substance, que le caractère faiblement distinctif de la marque internationale antérieure RODA réduirait le risque de confusion pouvant exister entre celle-ci et la marque dont l’enregistrement est demandé. Cependant, cet argument ne peut prospérer.

71      D’une part, la requérante a, au soutien de cette allégation, produit des documents qui sont présentés pour la première fois devant le Tribunal. Or, selon la jurisprudence exposée au point 68 ci-dessus, de tels documents sont irrecevables et doivent être écartés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante.

72      D’autre part, il convient de relever que, au vu des documents présentés au soutien de cette même allégation dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, la chambre de recours a considéré à juste titre que les informations fournies par la requérante ne prouvaient pas l’absence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, la requérante s’est, pour l’essentiel, bornée à y produire une liste de marques composées du radical « roda » et aucun des enregistrements mentionnés n’était relatif à des produits relevant de la classe 33.

73      Dès lors, il ne peut être tenu pour établi que le signe RODA aurait un caractère distinctif faible en ce qui concerne les produits en cause.

74      Il résulte de ce qui précède que le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être rejeté comme non fondé. Partant, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.



Legal

Wiszniewska-Białecka

Vadapalas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président



E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’espagnol.