Language of document : ECLI:EU:T:2014:152

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

12 mars 2014(*)

« Recours en annulation – Environnement – Règlement d’exécution (UE) n° 1143/2011 portant approbation de la substance active prochloraz – Demande de réexamen interne – Refus – Conditions à remplir par une organisation pour être habilitée à introduire une demande de réexamen interne – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑192/12,

Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me J. Rutteman, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. P. Oliver et P. Ondrůšek, puis par MM. Ondrůšek, J. Tomkin et Mme L. Pignataro-Nolin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 9 mars 2012 rejetant comme irrecevable la demande de la requérante visant à ce qu’elle réexamine le règlement d’exécution (UE) n° 1143/2011 de la Commission, du 10 novembre 2011, portant approbation de la substance active prochloraz conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission ainsi que l’annexe de la décision 2008/934/CE de la Commission (JO L 293, p. 26),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), est une association de droit belge, constituée le 21 mai 2010 à Bruxelles (Belgique), qui se consacre notamment à la lutte contre l’emploi de pesticides chimiques.

2        Le 10 novembre 2011, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1143/2011 portant approbation de la substance active prochloraz conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission ainsi que l’annexe de la décision 2008/934/CE de la Commission (JO L 293, p. 26).

3        Par lettre du 21 décembre 2011, la requérante a introduit auprès de la Commission une demande de réexamen interne du règlement d’exécution n° 1143/2011 sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13).

4        Par décision du 9 mars 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande de réexamen interne présentée par la requérante. Elle a indiqué ce qui suit :

« Votre demande de réexamen interne a été déposée sur le fondement du règlement […] n° 1367/2006 […]

Le règlement d’exécution […] n° 1143/2011 de la Commission se fonde sur le règlement (CE) n° 1107/2009 et est directement applicable. Il dispose que la substance active prochloraz est approuvée sous réserve des conditions prévues à l’annexe [I] de ce règlement et se fonde sur l’article 13 du règlement n° 1107/2009.

Les dispositions du règlement d’exécution […] n° 1143/2011 de la Commission s’appliquent à tous les opérateurs fabriquant ou mettant sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du prochloraz. L’approbation de cette substance est valable pour tout opérateur souhaitant demander l’autorisation de mettre sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du prochloraz. Par conséquent, le règlement d’exécution […] n° 1143/2011 de la Commission doit être considéré comme un acte de portée générale qui s’adresse à tous les opérateurs. Partant, il ne saurait être qualifié d’acte administratif au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement […] n° 1367/2006.

Enfin, il ressort des statuts de l’ASBL PAN Europe, qui sont joints à la demande, que PAN Europe a été constituée le 21 mai 2010. Il s’ensuit que PAN Europe ne satisfait pas aux conditions d’habilitation figurant à l’article 11 du règlement […] n° 1367/2006. PAN Europe n’est dès lors pas habilitée à demander un réexamen interne.

Pour les raisons susmentionnées, la Commission considère que votre demande de réexamen interne du règlement d’exécution […] n° 1143/2011 […] ne saurait être acceptée […] »

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mai 2012, la requérante a introduit le présent recours.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2012, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 15 octobre 2012, le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 février 2013, le Royaume de Danemark a sollicité le retrait de sa demande d’intervention. Par ordonnance du 23 avril 2013, le président de la septième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que la décision attaquée est contraire au règlement n° 1367/2006 et à la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus ») ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à la Commission de statuer au fond sur la demande de réexamen interne de la requérante, dans un délai déterminé par le Tribunal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

10      Par actes enregistrés au greffe du Tribunal le 25 juillet 2012 et le 25 juin 2013, la Commission a demandé la suspension de la procédure. Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 21 août 2012, la requérante a présenté ses observations sur la demande de suspension de la procédure. Elle a indiqué qu’il convenait, selon elle, de la rejeter.

11      Par décision du président de la septième chambre du Tribunal du 5 septembre 2013, la demande de suspension de la procédure de la Commission a été rejetée.

 En droit

12      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

13      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité des premier et troisième chefs de conclusions

14      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande à ce que le Tribunal déclare que la décision attaquée est contraire au règlement n° 1367/2006 et à la convention d’Aarhus. À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, pour prononcer des arrêts déclaratoires (voir arrêt du Tribunal du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec. p. II‑145, point 23, et la jurisprudence citée).

15      Par son troisième chef de conclusions, la requérante vise à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de statuer au fond sur la demande de réexamen interne de la requérante dans un délai qu’il déterminera. Par ce chef de conclusions, la requérante demande, en substance, que le Tribunal adresse une injonction à la Commission. Or, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la compétence du juge de l’Union européenne est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C‑5/93 P, Rec. p. I‑4695, point 36, et arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 83). Il incombe en effet à l’institution concernée de prendre, en vertu de l’article 266 TFUE, les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation (arrêts du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 200, et du 29 septembre 2009, Thomson Sales Europe/Commission, T‑225/07 et T‑364/07, non publié au Recueil, point 221).

16      Il s’ensuit que les premier et troisième chefs de conclusions sont manifestement irrecevables.

 Sur la demande en annulation

17      À l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006. Le second moyen est tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement.

18      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a considéré à tort, dans la décision attaquée, qu’elle n’existait pas depuis plus de deux ans au moment de l’introduction de sa demande de réexamen interne, le 21 décembre 2011, comme l’exige l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006. Elle soutient que, s’il est vrai que PAN Europe a été constituée en tant qu’entité de droit belge le 21 mai 2010, PAN Europe était, depuis 2003, une entité dûment enregistrée au Royaume-Uni. PAN Europe au Royaume-Uni et PAN Europe en Belgique seraient une seule et même entité dont le siège statutaire aurait été déplacé à Bruxelles en 2010, ainsi que cela ressortirait de certaines annexes de la requête.

19      Selon l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006, une organisation non gouvernementale est habilitée à introduire une demande de réexamen interne conformément à l’article 10 de ce règlement à condition, notamment, qu’elle existe depuis plus de deux ans. Il en résulte que l’organisation introduisant une demande de réexamen interne doit apporter la preuve que la durée de son existence est suffisante au moment de l’introduction de sa demande.

20      En l’espèce, la requérante a fourni à la Commission, en annexe à sa demande de réexamen interne, son acte constitutif en Belgique. Prenant en compte le fait que, par cet acte, la constitution de l’entité était datée du 21 mai 2010 et que la demande de réexamen interne avait été introduite le 21 décembre 2011, la Commission a pu considérer, dans la décision attaquée, que la requérante ne remplissait pas la condition prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006.

21      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, le 13 décembre 2007, la Commission a adopté la décision 2008/50/CE établissant les modalités d’application du règlement n° 1367/2006 en ce qui concerne les demandes de réexamen interne d’actes administratifs (JO 2008, L 13, p. 24). Il ressort des visas et des considérants de cette décision qu’elle a été adoptée au vu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1367/2006 et afin de garantir une application cohérente de l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006. Selon l’article 3, paragraphe 1, de cette décision, c’est l’organisation non gouvernementale introduisant une demande de réexamen interne d’un acte administratif ou en rapport avec une omission, telle que visée à l’article 10 du règlement n° 1367/2006, qui apporte la preuve qu’elle remplit les conditions définies à l’article 11, paragraphe 1, de ce règlement.

22      En outre, s’il résulte de l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2008/50 que la Commission doit inviter l’organisation qui introduit une demande de réexamen interne à fournir des documents ou des renseignements supplémentaires lorsqu’elle ne peut pas vérifier, sur la base des documents fournis par cette organisation, si la condition prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006 est remplie, en l’espèce, la Commission a pu estimer, sans avoir de doute, qu’il ressortait de l’acte constitutif daté du 21 mai 2010 fourni par la requérante qu’elle n’existait pas depuis plus de deux ans à la date de l’introduction de la demande de réexamen interne et donc que la condition prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006 n’était pas remplie. Partant, la Commission n’avait pas à demander à la requérante des documents ou des renseignements supplémentaires.

23      Enfin, ne peut pas prospérer l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû tenir compte de l’existence de PAN Europe au Royaume-Uni pour considérer qu’elle satisfaisait aux exigences de l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006. Selon la requérante, les statuts de l’organisation PAN Europe au Royaume-Uni et ses comptes annuels de 2009 et de 2010, annexés à la requête, montrent que PAN Europe au Royaume-Uni et en Belgique sont une seule et même organisation. Cela ressortirait également du fait que PAN Europe au Royaume-Uni a introduit un recours devant le Tribunal dans l’affaire T‑338/08. Or, force est de constater, d’une part, que la requérante, dans sa demande de réexamen interne, n’avait pas fait valoir qu’elle était la même organisation que PAN Europe au Royaume-Uni. D’ailleurs, elle ne conteste pas l’allégation de la Commission selon laquelle les statuts de l’organisation PAN Europe au Royaume-Uni et ses comptes annuels de 2009 et de 2010 n’avaient pas été annexés à la demande de réexamen interne. Force est de constater, d’autre part, que l’acte constitutif de l’association PAN Europe en Belgique ne fait aucune référence à PAN Europe au Royaume-Uni. Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que PAN Europe au Royaume-Uni et PAN Europe en Belgique ont la même activité et le même objet social ne suffit pas pour considérer qu’il s’agit de la même organisation.

24      Par conséquent, le premier moyen est manifestement non fondé.

25      S’agissant du second moyen, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a rejeté comme irrecevable la demande de réexamen interne de la requérante pour deux motifs, à savoir qu’elle n’existait pas depuis plus de deux ans, comme l’exige l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006, et que le règlement d’exécution n° 1143/2011 n’est pas un « acte administratif », au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de ce règlement comme une « mesure de portée individuelle ».

26      Prenant en compte le fait qu’un seul de ces motifs suffit pour rejeter la demande de réexamen interne et que la Commission était fondée à rejeter cette demande au motif que la requérante n’existait pas depuis plus de deux ans, comme l’exige l’article 11, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1367/2006, le second moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement, est inopérant.

27      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en annulation est manifestement non fondée.

28      Partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 12 mars 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

      M. van der Woude


* Langue de procédure : l’anglais.