Language of document : ECLI:EU:C:2014:2013

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

19 juin 2014 (*)

«Règlement (CE) no 6/2002 – Dessin ou modèle communautaire – Article 6 – Caractère individuel – Impression globale différente – Article 85, paragraphe 2 – Dessin ou modèle communautaire non enregistré – Validité – Conditions – Charge de la preuve»

Dans l’affaire C‑345/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court (Irlande), par décision du 6 juin 2013, parvenue à la Cour le 24 juin 2013, dans la procédure

Karen Millen Fashions Ltd

contre

Dunnes Stores,

Dunnes Stores (Limerick) Ltd,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Karen Millen Fashions Ltd, par M. J. Waters, solicitor,

–        pour Dunnes Stores et Dunnes Stores (Limerick) Ltd, par M. G. Byrne, solicitor,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Brighouse, en qualité d’agent, assistée de M. N. Saunders, barrister,

–        pour la Commission européenne, par M. F. W. Bulst et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 6 et 85, paragraphe 2, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Karen Millen Fashions Ltd (ci-après «KMF») à Dunnes Stores et Dunnes Stores (Limerick) Ltd (ci-après, ensemble, «Dunnes») au sujet d’une demande introduite par KMF tendant à l’interdiction de l’utilisation, par Dunnes, de dessins ou modèles.

 Le cadre juridique

 L’accord ADPIC

3        L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’«accord ADPIC») constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1).

4        À la section 4, intitulée «Dessins et modèles industriels», de la partie II dudit accord, intitulée «Normes concernant l’existence, la portée et l’exercice des droits de propriété intellectuelle», l’article 25, lui-même intitulé «Conditions requises pour bénéficier de la protection», dispose:

«1.      Les Membres prévoiront la protection des dessins et modèles industriels créés de manière indépendante qui sont nouveaux ou originaux. Les Membres pourront disposer que des dessins et modèles ne sont pas nouveaux ou originaux s’ils ne diffèrent pas notablement de dessins ou modèles connus ou de combinaisons d’éléments de dessins ou modèles connus. Les Membres pourront disposer qu’une telle protection ne s’étendra pas aux dessins et modèles dictés essentiellement par des considérations techniques ou fonctionnelles.

[...]»

 Le règlement no 6/2002

5        Les considérants 9, 14, 16, 17, 19 et 25 du règlement no 6/2002 énoncent:

«(9)      Les dispositions matérielles du présent règlement relatives à la législation sur les dessins ou modèles devraient être alignées sur les dispositions correspondantes de la directive 98/71/CE.

[...]

(14)      L’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle devrait consister à déterminer s’il existe une différence claire entre l’impression globale qu’il produit sur un utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles, compte tenu de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève et du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

[...]

(16)      Certains de ces secteurs produisent d’importantes quantités de dessins ou modèles destinés à des produits qui ont souvent un cycle de vie économique court, pour lesquels il est avantageux d’obtenir la protection sans devoir supporter les formalités d’enregistrement et pour lesquels la durée de protection joue un rôle secondaire. En revanche, il existe des secteurs qui apprécient les avantages de l’enregistrement en raison du degré plus élevé de sécurité juridique qu’il procure et qui demandent à bénéficier d’une protection plus longue correspondant à la durée de vie prévisible de leurs produits sur le marché.

(17)      Cette situation requiert deux formes de protection, à savoir une protection à court terme correspondant au dessin ou modèle non enregistré et une protection à plus long terme correspondant au dessin ou modèle enregistré.

[...]

(19)      Pour être valide, un dessin ou modèle communautaire devrait être nouveau et posséder un caractère individuel par rapport à d’autres dessins ou modèles.

[...]

(25)      Les secteurs de l’économie qui produisent, sur de brèves périodes de temps, un grand nombre de dessins ou modèles à cycle de vie relativement court, dont une faible proportion seulement sera finalement commercialisée, trouveront avantage à utiliser le dessin ou modèle communautaire non enregistré. Ces secteurs ont également besoin de pouvoir recourir plus facilement aux dessins ou modèles communautaires enregistrés. Ce besoin serait, par conséquent, satisfait par la possibilité de combiner plusieurs dessins ou modèles dans une demande multiple. Les dessins ou modèles compris dans une demande multiple peuvent, toutefois, être traités indépendamment les uns des autres en ce qui concerne la mise en œuvre, les licences, les droits réels, l’exécution forcée, les procédures d’insolvabilité, la renonciation, le renouvellement, la cession, l’ajournement de la publication ou la déclaration de nullité.»

6        Aux termes de l’article 1er du règlement no 6/2002:

«1.      Les dessins ou modèles qui remplissent les conditions énoncées dans le présent règlement sont ci-après dénommés ‘dessins ou modèles communautaires’.

2.      Un dessin ou modèle communautaire est protégé:

a)      en qualité de ‘dessin ou modèle communautaire non enregistré’, s’il est divulgué au public selon les modalités prévues par le présent règlement;

[...]»

7        Selon l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

8        L’article 5 dudit règlement prévoit:

«1.      Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public:

a)      dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois;

b)      dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.

2.      Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.»

9        L’article 6 du même règlement dispose:

«1.      Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public:

a)      dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois;

b)      dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

2.      Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.»

10      L’article 11 du règlement no 6/2002 est libellé comme suit:

«1.      Un dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1 est protégé en qualité de dessin ou modèle communautaire non enregistré pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle le dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté.

2.      Aux fins du paragraphe 1, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s’il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté. Toutefois, le dessin ou modèle n’est pas réputé avoir été divulgué au public uniquement parce qu’il a été divulgué à un tiers à des conditions explicites ou implicites de secret.»

11      L’article 19 de ce règlement énonce:

«1.      Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.

2.      Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d’interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé.

L’utilisation contestée n’est pas considérée comme résultant d’une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire.

[...]»

12      Aux termes de l’article 85, paragraphe 2, dudit règlement:

«Dans les procédures résultant d’actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide si le titulaire du dessin ou modèle apporte la preuve que les conditions prévues à l’article 11 sont remplies et s’il indique en quoi son dessin ou modèle communautaire présente un caractère individuel. Le défendeur peut, toutefois, en contester la validité par voie d’exception ou par une demande reconventionnelle en nullité.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      KMF est une société de droit anglais dont l’activité consiste à fabriquer et à vendre des vêtements pour femme.

14      Dunnes est un important groupe de ventes au détail en Irlande, qui, au titre de ses activités, vend des vêtements pour femme.

15      En 2005, KMF a créé et mis en vente en Irlande un chemisier rayé, dans une version bleue et une version brun pierre, ainsi qu’un haut noir en maille (ci-après les «vêtements de KMF»).

16      Des représentants de Dunnes ont acheté des exemplaires des vêtements de KMF auprès d’un des points de vente irlandais de cette dernière société. Par la suite, Dunnes a fait fabriquer des copies de ces vêtements hors d’Irlande et les a mises en vente dans ses magasins irlandais à la fin de l’année 2006.

17      Affirmant être titulaire de dessins ou modèles communautaires non enregistrés relatifs auxdits vêtements, KMF a, le 2 janvier 2007, introduit un recours devant la High Court, par lequel elle visait, notamment, à interdire à Dunnes d’utiliser ces dessins ou modèles ainsi qu’à obtenir un dédommagement.

18      La High Court a fait droit à ce recours.

19      Dunnes a interjeté appel de la décision de la High Court devant la Supreme Court.

20      Cette juridiction indique que Dunnes ne conteste pas avoir copié les vêtements de KMF et admet que les dessins ou modèles communautaires non enregistrés dont KMF affirme être titulaire sont nouveaux.

21      Toutefois, il ressort de la décision de renvoi que Dunnes conteste que KMF soit titulaire d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré pour chacun des vêtements de KMF au motif que, d’une part, ceux-ci ne présentent pas de caractère individuel au sens du règlement no 6/2002 et que, d’autre part, ce dernier impose à KMF de prouver, en fait, que ces vêtements présentent un tel caractère.

22      C’est dans ces conditions que la Supreme Court a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      S’agissant de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou d’un modèle dont il est affirmé qu’il bénéficie de la protection en tant que dessin ou modèle communautaire non enregistré aux fins du règlement [no 6/2002], l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti, au sens de l’article 6 dudit règlement, doit-elle être examinée par référence à la question de savoir si elle diffère de l’impression globale que produit sur un tel utilisateur:

a)      tout dessin ou modèle individuel qui a été divulgué au public auparavant ou

b)      toute combinaison d’éléments de dessins ou modèles connus provenant de plus d’un dessin ou modèle antérieur de ce type?

2)      Un tribunal des dessins ou modèles communautaires a-t-il l’obligation de considérer un dessin ou modèle communautaire non enregistré comme valide aux fins de l’article 85, paragraphe 2, du règlement [no 6/2002] si le titulaire se borne à indiquer en quoi le dessin ou modèle présente un caractère individuel, ou le titulaire est-il obligé de prouver que le dessin ou modèle présente un caractère individuel conformément à l’article 6 dudit règlement?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

23      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6 du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour qu’un dessin ou modèle puisse être considéré comme présentant un caractère individuel, l’impression globale que ce dessin ou modèle produit sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite sur un tel utilisateur par un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement, ou par une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs.

24      À cet égard, il convient de constater qu’il ne ressort pas du libellé de l’article 6 du règlement no 6/2002 que l’impression globale visée à cet article doit être celle produite par une telle combinaison.

25      En effet, en faisant référence à l’impression globale que produit sur un utilisateur averti «tout dessin ou modèle» qui a été divulgué au public, ledit article 6 doit être interprété en ce sens que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement.

26      Ainsi que l’ont relevé le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission européenne, cette interprétation est conforme à la jurisprudence selon laquelle, lorsque cela est possible, l’utilisateur averti procédera à une comparaison directe des dessins ou modèles contestés (voir arrêts PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 55, ainsi que Neuman e.a./José Manuel Baena Grupo, C‑101/11 P et C‑102/11 P, EU:C:2012:641, point 54), puisqu’une telle comparaison se rapporte effectivement à l’impression produite sur cet utilisateur non pas par un assemblage d’éléments spécifiques ou de parties de dessins ou modèles antérieurs, mais par des dessins ou modèles antérieurs individualisés et déterminés.

27      Certes, la Cour a également jugé qu’il ne peut pas être exclu qu’une comparaison directe soit infaisable ou inhabituelle dans le secteur concerné, notamment du fait de circonstances spécifiques ou du fait des caractéristiques des objets que la marque antérieure et le dessin ou modèle contesté représentent. Dans ce contexte, elle a relevé que, en l’absence d’indication précise à cet égard dans le règlement no 6/2002, il ne saurait être considéré que le législateur de l’Union a eu l’intention de limiter l’évaluation des éventuels modèles ou dessins à une comparaison directe (voir arrêts PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, EU:C:2011:679, points 55 et 57, ainsi que Neuman e.a./José Manuel Baena Grupo, EU:C:2012:641, points 54 et 56).

28      Toutefois, il convient de relever à cet égard que, si la Cour a admis la possibilité d’une comparaison indirecte des dessins ou modèles en cause, elle s’est ensuite limitée à juger que le Tribunal de l’Union européenne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, fonder son raisonnement sur le souvenir imparfait de l’impression globale produite par ces dessins ou modèles (voir arrêts PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, EU:C:2011:679, point 58, ainsi que Neuman e.a./José Manuel Baena Grupo, EU:C:2012:641, point 57).

29      Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 48 à 50 de ses conclusions, une telle comparaison indirecte fondée sur un souvenir imparfait se rapporte non pas à un souvenir d’éléments spécifiques tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs, mais à celui de dessins ou modèles déterminés.

30      Les considérations qui précèdent ne sauraient être infirmées par les arguments soulevés par Dunnes.

31      Ainsi, s’agissant, d’une part, des arguments fondés sur les considérants 14 et 19 du règlement no 6/2002, qui emploient, respectivement, les expressions «patrimoine des dessins ou modèles» et «par rapport à d’autres dessins ou modèles», il convient de rappeler que le préambule d’un acte communautaire n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (arrêt Deutsches Milch-Kontor, C‑136/04, EU:C:2005:716, point 32 et jurisprudence citée).

32      En tout état de cause, il y a lieu de constater que, si le considérant 14 du règlement no 6/2002 se réfère à l’impression produite sur un utilisateur averti par le «patrimoine des dessins ou modèles», ces termes ne figurent dans aucune disposition de ce règlement.

33      Par ailleurs, ni l’utilisation desdits termes ni celle, au considérant 19 du règlement no 6/2002, des termes «par rapport à d’autres dessins ou modèles» n’impliquent que l’impression pertinente aux fins de l’application de l’article 6 de ce règlement soit celle produite non pas par des dessins ou modèles antérieurs individualisés, mais par une combinaison d’éléments isolés, tirés de tels dessins ou modèles.

34      D’autre part, s’agissant de la référence à des «combinaisons d’éléments de dessins ou modèles connus», figurant à la seconde phrase de l’article 25, paragraphe 1, de l’accord ADPIC, il suffit de relever que cette disposition est libellée dans des termes facultatifs et que, par conséquent, les parties à cet accord ne sont pas tenues de prévoir que la nouveauté ou l’originalité d’un dessin ou modèle soit appréciée par rapport à de telles combinaisons.

35      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6 du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour qu’un dessin ou modèle puisse être considéré comme présentant un caractère individuel, l’impression globale que ce dessin ou modèle produit sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite sur un tel utilisateur non pas par une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs, mais par un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement.

 Sur la seconde question

36      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour qu’un tribunal des dessins ou modèles communautaires considère un dessin ou modèle communautaire non enregistré comme valide, le titulaire de ce dessin ou modèle est obligé de prouver que celui-ci présente un caractère individuel au sens de l’article 6 de ce règlement, ou doit uniquement indiquer en quoi ledit dessin ou modèle présente un tel caractère.

37      Il résulte du libellé même de l’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 que, pour qu’un dessin ou modèle communautaire non enregistré soit considéré comme valide, il incombe au titulaire de celui-ci, d’une part, de prouver que les conditions prévues à l’article 11 de ce règlement sont remplies et, d’autre part, d’indiquer en quoi ce dessin ou modèle présente un caractère individuel.

38      Conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1 de ce règlement est protégé en qualité de dessin ou modèle communautaire non enregistré pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle ce dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de l’Union européenne.

39      Ainsi que l’indique l’intitulé même de l’article 85 du règlement no 6/2002, celui-ci instaure, à son paragraphe 1, une présomption de validité des dessins ou modèles communautaires enregistrés et, à son paragraphe 2, une présomption de validité des dessins ou modèles communautaires non enregistrés.

40      Or, la mise en œuvre de cette présomption de validité est, par nature, incompatible avec l’interprétation de l’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 soutenue par Dunnes, selon laquelle la preuve que le titulaire d’un dessin ou modèle doit apporter en vertu de cette disposition, à savoir celle que les conditions prévues à l’article 11 de ce règlement sont remplies, inclut la preuve que le dessin ou modèle concerné satisfait également à l’ensemble des conditions énoncées dans la section 1 du titre II dudit règlement, c’est-à-dire aux articles 3 à 9 de ce même règlement.

41      De même, l’interprétation de l’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 11 de ce règlement, proposée par Dunnes aurait pour effet de vider de son sens et de sa substance la seconde condition prévue audit article 85, paragraphe 2, à savoir celle selon laquelle le titulaire d’un dessin ou modèle doit indiquer en quoi ce dessin ou modèle présente un caractère individuel.

42      Par ailleurs, cette interprétation ne serait pas conforme à l’objectif de simplicité et de rapidité ayant, ainsi qu’il ressort des considérants 16 et 17 du règlement no 6/2002, justifié la protection du dessin ou modèle communautaire non enregistré.

43      Dans ce contexte, il convient de relever que la différence opérée, à l’article 85 du règlement no 6/2002, entre les procédures concernant un dessin ou modèle communautaire enregistré et celles concernant un dessin ou modèle communautaire non enregistré découle de la nécessité, s’agissant de cette dernière catégorie, de déterminer la date à partir de laquelle le dessin ou modèle en cause bénéficie de la protection prévue par ce règlement ainsi que l’objet précis de cette protection. En effet, en raison de l’absence de la formalité d’enregistrement, ces éléments peuvent être plus difficiles à identifier dans le cas d’un dessin ou modèle non enregistré que dans celui d’un dessin ou modèle enregistré.

44      En outre, si l’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 devait être interprété en ce sens qu’un dessin ou modèle communautaire non enregistré ne peut être considéré comme valide que si son titulaire établit que celui-ci satisfait à l’ensemble des conditions énoncées dans la section 1 du titre II dudit règlement, la possibilité, prévue à la seconde phrase dudit article 85, paragraphe 2, pour le défendeur, de contester la validité dudit dessin ou modèle par voie d’exception ou par une demande reconventionnelle en nullité serait largement privée de son sens et vidée de sa substance.

45      S’agissant de la seconde condition visée à l’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, , il suffit de relever que le libellé de cette disposition, en se limitant à exiger du titulaire d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré qu’il indique en quoi celui-ci présente un caractère individuel, est dépourvu de toute ambiguïté et ne saurait être interprété comme impliquant une obligation de prouver que le dessin ou modèle concerné présente un caractère individuel.

46      En effet, s’il est nécessaire, en raison de l’absence, pour cette catégorie de dessin ou modèle, de la formalité d’enregistrement, que le titulaire du dessin ou modèle en cause spécifie l’objet de la protection qu’il revendique au titre dudit règlement, il lui suffit alors d’identifier le ou les éléments de son dessin ou modèle qui lui confèrent un caractère individuel.

47      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour qu’un tribunal des dessins ou modèles communautaires considère un dessin ou modèle communautaire non enregistré comme valide, le titulaire de ce dessin ou modèle n’est pas tenu de prouver que celui-ci présente un caractère individuel au sens de l’article 6 de ce règlement, mais doit uniquement indiquer en quoi ledit dessin ou modèle présente un tel caractère, c’est-à-dire identifier le ou les éléments du dessin ou modèle concerné qui, selon ce titulaire, lui confèrent ce caractère.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 6 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, doit être interprété en ce sens que, pour qu’un dessin ou modèle puisse être considéré comme présentant un caractère individuel, l’impression globale que ce dessin ou modèle produit sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite sur un tel utilisateur non pas par une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs, mais par un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement.

2)      L’article 85, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour qu’un tribunal des dessins ou modèles communautaires considère un dessin ou modèle communautaire non enregistré comme valide, le titulaire de ce dessin ou modèle n’est pas tenu de prouver que celui-ci présente un caractère individuel au sens de l’article 6 de ce règlement, mais doit uniquement indiquer en quoi ledit dessin ou modèle présente un tel caractère, c’est-à-dire identifier le ou les éléments du dessin ou modèle concerné qui, selon ce titulaire, lui confèrent ce caractère.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.