Language of document : ECLI:EU:T:2009:526

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

17 décembre 2009 (*)

« Référé – Obligation des États membres de protéger et d’améliorer la qualité de l’air ambiant – Dérogation accordée à un État membre – Refus de réexamen de la Commission – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑396/09 R,

Vereniging Milieudefensie, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, établie à Utrecht (Pays-Bas),

représentées par Me A. van den Biesen, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver, W. Roels et Mme A. Alcover San Pedro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande, d’une part, de sursis à l’exécution de la décision C(2009) 6121, du 28 juillet 2009, par laquelle a été déclarée irrecevable la demande des requérantes visant à ce que la Commission réexamine sa décision C(2009) 2560 final, du 7 avril 2009, accordant au Royaume des Pays-Bas une dérogation temporaire à ses obligations en matière de lutte contre la pollution de l’air ambiant et, d’autre part, de mesures provisoires devant amener le Royaume des Pays-Bas à respecter ces obligations au plus tôt,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique et factuel du litige

1        La directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO L 163, p. 41), disposait, en substance, que les États membres devaient respecter, à la date du 1er janvier 2005 au plus tard, des valeurs limites déterminées pour les particules PM10 (ci-après les « particules ») et, à la date du 1er janvier 2010 au plus tard, des valeurs limites déterminées pour le dioxyde d’azote (NO2).

2        La directive 1999/30 a été abrogée par la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152, p. 1). Tout en maintenant, à l’annexe XI, les dates fixées par la directive 1999/30 au regard des particules et du dioxyde d’azote, la directive 2008/50 prévoit, en son article 22, la possibilité d’un report des délais fixés aux États membres pour atteindre les valeurs limites et d’une exemption de l’obligation d’appliquer ces valeurs. Cet article 22 se lit comme suit :

« 1.      Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées pour le dioxyde d’azote […] ne peuvent pas être respectées dans les délais indiqués à l’annexe XI, un État membre peut reporter ces délais de cinq ans au maximum pour la zone ou agglomération en cause, à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi […] pour la zone ou l’agglomération à laquelle le report de délai s’appliquerait. Ce plan est complété par [d]es informations […] relatives aux polluants concernés et démontre comment les valeurs limites seront respectées avant la nouvelle échéance.

2.      Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées à l’annexe XI pour les [particules] ne peuvent pas être respectées en raison des caractéristiques de dispersion du site, de conditions climatiques défavorables ou de contributions transfrontalières, un État membre est exempté de l’obligation d’appliquer ces valeurs limites jusqu’au 11 juin 2011, moyennant le respect des conditions prévues au paragraphe 1 et à condition que cet État membre fasse la preuve qu’il a pris toutes les mesures appropriées aux niveaux national, régional et local pour respecter les délais.

3.      Lorsqu’un État membre applique le paragraphe 1 ou 2, il veille à ce que le dépassement de la valeur limite fixée pour chaque polluant ne soit pas supérieur à la marge de dépassement maximale indiquée à l’annexe XI pour chacun des polluants concernés.

4.      Les États membres notifient à la Commission les zones ou agglomérations dans lesquelles ils estiment que les paragraphes 1 ou 2 sont applicables et transmettent le plan relatif à la qualité de l’air visé au paragraphe 1, avec tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission d’évaluer si les conditions pertinentes sont remplies. Dans son évaluation, la Commission prend en considération les effets estimés, actuellement et dans le futur, sur la qualité de l’air ambiant dans les États membres, des mesures qui ont été prises par les États membres, ainsi que les effets estimés, sur la qualité de l’air ambiant, des mesures communautaires actuelles et des mesures prévues, que doit proposer la Commission.

En l’absence d’objection de la part de la Commission dans les neuf mois qui suivent la réception de la notification, les conditions pertinentes pour l’application du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 sont réputées remplies.

En cas d’objection, la Commission peut demander aux États membres d’adapter les plans relatifs à la qualité de l’air ou d’en fournir de nouveaux. »

3        Par lettre notifiée à la Commission des Communautés européennes le 15 juillet 2008, le Royaume des Pays-Bas a présenté une demande de report et d’exemption, telle que prévue à l’article 22 de la directive 2008/50.

4        Par décision C(2009) 2560 final, du 7 avril 2009 (ci-après la « dérogation »), concernant la notification du Royaume des Pays-Bas relative au report du délai fixé pour atteindre les valeurs limites déterminées pour le dioxyde d’azote et à l’exemption de l’obligation d’appliquer les valeurs limites déterminées pour les particules, la Commission n’a soulevé d’objection ni à l’égard du report du délai fixé pour le dioxyde d’azote dans plusieurs zones néerlandaises ni à l’égard de l’exemption pour les particules. Pour ce qui est, plus particulièrement, du report du délai fixé pour le dioxyde d’azote dans une zone néerlandaise spécifique, aucune objection concernant la condition tenant à l’adaptation du plan national relatif à la qualité de l’air et du plan régional concerné n’a été soulevée. Ainsi, la Commission a autorisé le Royaume des Pays-Bas, sous certaines conditions, à ne respecter qu’ultérieurement les obligations imposées par la directive 2008/50 en matière d’amélioration de la qualité de l’air, tout en rejetant le souhait exprimé par les autorités néerlandaises d’obtenir une dérogation encore plus large.

5        Les requérantes – la Vereniging Milieudefensie, une association de protection de l’environnement qui opère depuis de nombreuses années au niveau tant national qu’international et dont les activités visent à améliorer la qualité de l’air aux Pays-Bas, ainsi que la Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, une fondation créée en 2005 qui se consacre à la lutte contre la pollution de l’air dans la région d’Utrecht – estiment que la Commission a accordé à tort la dérogation, le Royaume des Pays-Bas ne remplissant pas les conditions pour pouvoir en bénéficier et la Commission n’ayant pas suffisamment examiné la situation telle qu’elle existait réellement aux Pays-Bas.

6        Dans ces circonstances, les requérantes ont, par lettre du 18 mai 2009, demandé à la Commission de procéder à un « réexamen interne » de la dérogation (ci-après la « demande de réexamen litigieuse »). Cette demande était fondée sur l’article 10 du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264 p. 13). L’article 10, paragraphe 1, se lit comme suit :

« Toute organisation non gouvernementale […] est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l’institution ou de l’organe communautaire qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement […]

Cette demande, formulée par écrit, doit être introduite dans un délai n’excédant pas six semaines à compter de la date à laquelle l’acte administratif a été adopté, notifié ou publié, la plus récente de ces dates étant retenue […] La demande précise les motifs de réexamen. »

7        Par décision C(2009) 6121, du 28 juillet 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande de réexamen litigieuse comme irrecevable, au motif que le réexamen interne est limité aux « actes administratifs », cette expression étant définie, à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 1367/2006, comme « toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l’environnement arrêtée par une institution ou un organe communautaire et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur ». Selon la Commission, la dérogation, adressée au Royaume des Pays-Bas, constitue une mesure non pas de portée individuelle, mais de portée générale en ce qu’elle vise à approuver des mesures s’appliquant à une ou à plusieurs catégories de personnes décrites de manière générale et abstraite. En effet, les dérogations à un régime général autorisées par décision de la Commission auraient le même caractère juridique que le régime général lui-même, si cette décision s’adresse en des termes abstraits à des personnes qui ne sont pas décrites plus précisément et s’applique à des situations décrites objectivement.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2009, les requérantes ont introduit un recours visant, d’une part, à l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de statuer au fond sur la demande de réexamen litigieuse et lui fixe un délai à cet égard.

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 19 octobre 2009, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal ou jusqu’à ce que la Commission ait adopté une nouvelle décision relative à la demande de réexamen litigieuse, cette nouvelle décision devant respecter les garanties procédurales ainsi que les autres conditions qu’il conviendra de fixer aux fins d’une bonne administration de la justice, étant entendu que la période visée prendra fin dès que l’un des deux événements susmentionnés se produira ;

–        ordonner à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger les droits qu’elles tirent du règlement nº 1367/2006, y compris des mesures aboutissant à ce que le Royaume des Pays-Bas respecte intégralement, pendant la période susvisée, les conditions posées par la directive 2008/50, notamment les valeurs limites prévues à l’annexe XI de cette directive pour les particules et le dioxyde d’azote, telles qu’applicables en l’absence de dérogation, ou au moins des mesures visant à ce que le Royaume des Pays-Bas ne réalise, pendant la durée de la période susvisée, aucun projet qui n’aurait raisonnablement pas pu être engagé sans dérogation ;

–        à titre subsidiaire, surseoir à l’exécution de la décision attaquée et ordonner toutes les mesures provisoires nécessaires, dans le cadre d’une bonne administration de la justice, afin de protéger les droits qu’elles tirent du règlement nº 1367/2006 et afin d’éviter tout dommage, notamment pour l’être humain et pour l’environnement, qui ne pourra pas être réparé en l’absence de mesures provisoires ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 12 novembre 2009, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé partiellement comme irrecevable et partiellement comme non fondée ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

11      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

12      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision au principal.

13      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

14      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Arguments des parties

 Sur la recevabilité

15      Les requérantes estiment que rien ne permet de déclarer irrecevable le recours au principal, sur lequel se greffe la demande en référé, mais ne se prononcent pas sur les conditions spécifiques de recevabilité relatives à cette dernière demande.

16      Selon la Commission, la demande en référé est vague et imprécise, dans la mesure où elle vise à ce que le juge des référés ordonne toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits des requérantes.

17      Dans le cadre de ses remarques relatives au fond de l’affaire, la Commission ajoute que les requérantes n’ont pas d’intérêt à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée, étant donné que celle-ci est une décision négative.

18      De plus, les demandes de mesures provisoires dépasseraient le cadre du recours au principal. En tout état de cause, la compétence de la Commission serait méconnue en ce qui concerne la demande tendant à ce qu’il lui soit ordonné de prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger les droits des requérantes, y compris des mesures aboutissant à ce que le Royaume des Pays-Bas respecte intégralement les conditions posées par la directive 2008/50.

 Sur le fond

–       Sur le fumus boni juris

19      Les requérantes estiment que la décision attaquée est illégale en ce qu’elle les prive à tort d’un droit effectif de réexamen que leur conférerait la réglementation applicable. En effet, la décision attaquée serait de portée individuelle, du fait qu’elle applique la possibilité instaurée par l’article 22 de la directive 2008/50 de déroger, pour certains éléments et avec l’autorisation de la Commission, au régime général mis en vigueur par cette directive.

20      S’agissant de la décision attaquée, les requérantes soulignent qu’elle consiste en l’attribution à un État membre d’une position d’exception par rapport aux autres États membres sous la forme d’une autorisation, soumise à certaines conditions, de ne respecter qu’ultérieurement les obligations que lui impose la directive 2008/50, tout en rejetant partiellement le souhait exprimé par le Royaume des Pays-Bas d’obtenir une dérogation encore plus large. La décision attaquée ne comprendrait donc aucune mesure qui s’appliquerait « à une ou plusieurs catégories de personnes décrites de manière générale et abstraite » ou « à des situations décrites objectivement », selon les termes mêmes qui y sont utilisés.

21      Les requérantes rappellent avoir allégué, dans la demande de réexamen litigieuse, que le Royaume des Pays-Bas n’avait pas respecté les conditions prévues par la directive 2008/50, de sorte qu’il ne pouvait pas prétendre à une dérogation, et que le fondement de la demande de dérogation était insuffisant. En raison principalement de ce motif et de quelques motifs complémentaires, la Commission aurait dû conclure au réexamen de la dérogation.

22      À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que les dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 1, sous g), et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1367/2006 sont illégales, en ce qu’elles limitent à des mesures « de portée individuelle » le droit à un réexamen conféré par la convention d’Aarhus, approuvée par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 124, p. 1). En effet, une telle restriction ne figurerait pas dans l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et serait donc contraire à cette convention. Or, un accord conclu par l’Union, tel que la convention d’Aarhus, aurait la priorité sur le droit dérivé de l’Union, tel que les règlements et les directives, ce qui signifierait que, si le droit dérivé déroge à un tel accord, les institutions de l’Union sont tenues d’appliquer les dispositions de l’accord. Les requérantes en déduisent que la partie du règlement nº 1367/2006 qui est contraire à la convention d’Aarhus ne doit pas être appliquée. De ce fait, il conviendrait d’ignorer l’invocation par la Commission des dispositions de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement nº 1367/2006.

23      La Commission ne se prononce pas sur le fumus boni juris.

–       Sur l’urgence et la balance des intérêts en présence

24      Les requérantes rappellent que la demande de réexamen litigieuse tendait à ce que la Commission n’accorde pas la dérogation sollicitée par le Royaume des Pays-Bas. La Commission ayant refusé ce réexamen au motif que ladite demande était irrecevable, le recours au principal viserait à ce que la Commission se prononce sur le bien-fondé de la demande de réexamen litigieuse. Or, eu égard à la durée prévisible de la procédure au principal, l’absence d’adoption de mesures provisoires aboutirait à ce que le recours au principal perde son sens, les requérantes faisant valoir, à cet égard, que la qualité de l’air est si mauvaise aux Pays-Bas que 18 000 personnes décèdent prématurément chaque année, ce qui rendrait le traitement de la présente affaire particulièrement urgent. La dérogation concernant l’obligation de respecter les valeurs limites fixées pour les particules ne prendrait fin qu’en juin 2011, et les reports de l’obligation de respecter les valeurs limites fixées pour le dioxyde d’azote, tels que rappelés au point 4 ci-dessus, auraient été accordés jusqu’à la fin, respectivement, de l’année 2012 et de l’année 2014. Entre-temps, le Royaume des Pays-Bas ne respecterait pas lesdites valeurs limites qu’il aurait dû respecter, sans la dérogation, à partir, respectivement, du 1er janvier 2005 et du 1er janvier 2010.

25      Les requérantes soulignent qu’il s’agit là d’une « question de vie ou de mort », l’exposition à court terme aux particules ayant entraîné de 1 200 à 2 200 décès en 2000, tandis que l’exposition à court terme à l’ozone – un gaz toxique, dont le dioxyde d’azote est un important précurseur de la présence – a entraîné, font-elles valoir, de 1 200 à 2 400 décès au cours de la même année. L’exposition à long terme aux particules provoquerait, selon toute probabilité, considérablement plus de décès prématurés aux Pays-Bas chaque année, à savoir de 12 000 à 24 000 décès, et une réduction de l’espérance de vie d’environ dix ans. Aucune baisse considérable de la concentration moyenne en dioxyde d’azote et en particules n’aurait pu être constatée dans l’atmosphère aux Pays-Bas depuis l’année 2000.

26      Selon les requérantes, la dérogation ne fait que prolonger cette situation, le nombre de décès prématurés et de personnes souffrant de problèmes de santé graves augmentant chaque jour. Par conséquent, une mesure provisoire visant à geler les effets dommageables de la décision attaquée s’imposerait avec la plus grande urgence.

27      Les requérantes précisent que, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’obtention de la dérogation, le Royaume des Pays-Bas a soumis à la Commission un plan relatif à la qualité de l’air, qui est insuffisant et qui ne garantit nullement que les normes relatives aux particules et au dioxyde d’azote pourront être respectées. Par ailleurs, depuis l’obtention de la dérogation, le gouvernement néerlandais aurait supprimé ou suspendu plusieurs mesures importantes prévues dans ledit plan et modifié ce dernier afin d’aménager, de manière accélérée, 25 nouvelles autoroutes et voies périphériques, sans que la Commission en ait probablement été informée dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’obtention de la dérogation.

28      La présente affaire constituant, selon elles, un enjeu vital pour les citoyens, les requérantes estiment qu’il convient d’accorder la priorité aux conditions de protection de la santé publique par rapport aux considérations de nature économique et même par rapport à l’intérêt du « respect correct du droit » de l’Union. S’agissant de l’intérêt du Royaume des Pays-Bas, elles estiment que celui-ci doit attendre le résultat de l’appréciation du contenu de la demande de réexamen litigieuse et s’abstenir, pendant toute la durée de ce réexamen, d’entamer la réalisation des projets qui n’auraient pas pu être mis en œuvre en l’absence de dérogation.

29      La Commission fait valoir que les requérantes n’ont pas démontré le caractère urgent de leur demande en référé. Elles soulèveraient, en réalité, une question de principe portant sur la nature de la décision attaquée ainsi que, éventuellement, sur l’interprétation du règlement nº 1367/2006 et sur sa relation avec la convention d’Aarhus. Dans une telle situation, l’intérêt des requérantes n’excéderait manifestement pas celui de toute partie requérante de voir son litige tranché le plus rapidement possible.

 Appréciation du juge des référés

30      Il y a lieu de rejeter, d’emblée, la thèse des requérantes selon laquelle le juge des référés devrait accorder la priorité aux conditions de protection de la santé publique par rapport au « respect correct du droit de l’Union » (voir point 28 ci-dessus).

31      En effet, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficient d’une présomption de légalité. Ainsi, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours (ordonnance du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 44, et ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 42). Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel et dans le strict respect des conditions prévues à cet effet – notamment celles de recevabilité, qui constituent des fins de non-recevoir d’ordre public (ordonnances du président du Tribunal du 2 juillet 2009, Insula/Commission, T‑246/09 R, non publiée au Recueil, point 6, et du 13 juillet 2009, Sniace/Commission, T‑238/09 R, non publiée au Recueil, points 14 à 17) – que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires.

32      Par ailleurs, les requérantes ont fourni une image inexacte de l’urgence qui caractériserait la présente affaire et qui justifierait, selon elles, de déroger au droit de l’Union applicable, en ce que le comportement de la Commission soulèverait des « questions de vie et de mort des citoyens ». En effet, elles sont restées silencieuses sur la situation juridique prévalant aux Pays-Bas et se sont, notamment, abstenues de prétendre que le droit néerlandais ne leur accorderait pas de protection judiciaire appropriée dans une Union de droit. De plus, elles n’ont fait mention ni des démarches qu’elles auraient entreprises auprès des autorités et des juridictions nationales pour protéger la santé publique ni de la thèse défendue en la matière par les autorités nationales.

33      Il convient d’examiner, ensuite, la recevabilité des différents chefs de conclusions présentés dans la demande en référé.

34      Premièrement, dans la mesure où les requérantes demandent le sursis à l’exécution de la décision attaquée, il convient de rappeler que, par ladite décision, la Commission a rejeté la demande de réexamen litigieuse comme irrecevable, de sorte qu’il s’agit d’une décision administrative négative. Or, selon une jurisprudence bien établie, en principe, une demande de sursis à l’exécution d’une telle décision ne se conçoit pas, l’octroi du sursis sollicité ne pouvant avoir pour effet de modifier la situation du requérant [ordonnances du président de la deuxième chambre de la Cour du 31 juillet 1989, S./Commission, C‑206/89 R, Rec. p. 2841, point 14, et du président de la Cour du 30 avril 1997, Moccia Irme/Commission, C‑89/97 P(R), Rec. p. I‑2327, point 45 ; ordonnances du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 62, et du 18 mars 2008, Aer Lingus Group/Commission, T‑411/07 R, Rec. p. II‑411, point 46]. En effet, le sursis à l’exécution de la décision attaquée ne serait d’aucune utilité pratique pour les requérantes, dans la mesure où un tel sursis ne pourrait tenir lieu de décision positive faisant droit à cette demande. Dans ces circonstances, le premier chef de conclusions présenté dans la demande en référé ne saurait, à lui seul, atteindre le but poursuivi par les requérantes.

35      Ce chef de conclusions doit, dès lors, être rejeté comme manifestement irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, sauf dans la mesure où le sursis à l’exécution de la décision attaquée pourrait être nécessaire afin de prescrire l’une des autres mesures provisoires sollicitées par les requérantes, que le juge des référés jugerait recevables et fondées (voir, en ce sens, ordonnance Aer Lingus Group/Commission, précitée, point 48).

36      En ce qui concerne ces autres mesures provisoires, force est de constater que les chefs de conclusions invitant le juge des référés, à titre principal, à ordonner à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger les droits que les requérantes tirent du règlement nº 1367/2006 et, à titre subsidiaire, à ordonner toutes les mesures provisoires nécessaires, dans le cadre d’une bonne administration de la justice, afin de protéger les droits qu’elles tirent du règlement nº 1367/2006 et afin d’éviter tout dommage, notamment pour l’être humain et pour l’environnement, revêtent un caractère vague et imprécis, de sorte qu’ils ne remplissent pas les conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, auquel renvoie l’article 104, paragraphe 3, de ce même règlement. Par conséquent, ces chefs de conclusions doivent être déclarés manifestement irrecevables (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 2 juillet 2004, Bactria/Commission, T‑76/04 R, Rec. p. II‑2025, point 50, et du 16 mars 2007, V/Parlement, T‑345/05 R, non publiée au Recueil, points 61 à 63).

37      Pour ce qui est du chef de conclusions invitant le juge des référés à ordonner à la Commission de prendre des mesures aboutissant à ce que le Royaume des Pays-Bas respecte intégralement les conditions posées par la directive 2008/50, notamment les valeurs limites prévues à l’annexe XI de cette directive pour les particules et le dioxyde d’azote, telles qu’applicables en l’absence de dérogation, ou au moins des mesures visant à ce que le Royaume des Pays-Bas ne réalise aucun projet qui n’aurait raisonnablement pas pu être engagé sans dérogation, il y a lieu de constater que ce chef de conclusions vise, de facto, à ce qu’il soit enjoint à la Commission de retirer ou de suspendre, pour la durée de la procédure au principal, la dérogation qu’elle a accordée au Royaume des Pays-Bas.

38      À cet égard, il importe de souligner que la procédure de référé a un caractère accessoire par rapport à la procédure au principal sur laquelle elle se greffe, de sorte que le juge des référés ne saurait adopter des mesures provisoires qui se situeraient hors du cadre de la décision finale susceptible d’être prise par le Tribunal sur le recours au principal (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 29 mars 2001, Goldstein/Commission, T‑18/01 R, Rec. p. II‑1147, point 14, et la jurisprudence citée), la finalité de la procédure de référé consistant à garantir la pleine efficacité de l’arrêt au principal (ordonnances du président du Tribunal du 2 juillet 2004, Sumitomo Chemical/Commission, T‑78/04 R, Rec. p. II‑2049, point 44, et du 27 août 2008, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 R, non publiée au Recueil, point 53).

39      Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande tendant à ce que soit adoptée l’une des mesures provisoires visées à l’article 279 TFUE, est subordonnée à l’existence d’un lien suffisamment étroit entre la mesure provisoire sollicitée, d’une part, et les conclusions ainsi que l’objet du recours au principal, d’autre part (voir, en ce sens, ordonnances Sumitomo Chemical/Commission, précitée, point 43, et Goldstein/Commission, précitée, point 32).

40      En l’espèce, force est de constater que le chef de conclusions tendant, de facto, à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la dérogation ou à ce que cette dernière soit retirée – si tant est qu’elle ait un tel lien avec un recours ayant directement pour objet la légalité de la dérogation – outrepasse manifestement les conclusions et l’objet du recours introduit dans la procédure au principal, lequel tend à l’annulation de la décision de rejet de la demande de réexamen litigieuse et à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de statuer, dans un délai à fixer, sur le bien-fondé de cette demande (voir point 8 ci-dessus). En effet, le recours au principal se contentant de viser, en définitive, à ce que la Commission procède au réexamen de la dérogation, réexamen dont le résultat ne saurait être anticipé, il est évident que le chef de conclusions qui vise précisément à anticiper ce résultat au stade de la procédure de référé ne présente pas de lien suffisamment étroit avec ledit recours.

41      Il convient d’ajouter que, dans l’hypothèse où il serait fait droit au recours au principal, il appartiendrait à la Commission de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal sur le fond, conformément à l’article 266 TFUE. Dans ces circonstances, le retrait ou le sursis à l’exécution de la dérogation, tel que sollicité de facto par le chef de conclusions en cause, ne paraît pas, à ce stade de la procédure, devoir être une conséquence nécessaire de l’annulation de la décision attaquée. Par conséquent, si le juge des référés devait accueillir ce chef de conclusions, cela reviendrait de sa part à enjoindre à la Commission de tirer certaines conséquences précises de l’arrêt d’annulation et, par conséquent, à ordonner une mesure qui excéderait les compétences du juge du fond (voir, en ce sens, ordonnance Arizona Chemical e.a./Commission, précitée, point 67).

42      Le chef de conclusions en cause doit donc être déclaré manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du recours au principal, dans la mesure où il vise, outre l’annulation de la décision attaquée, à enjoindre à la Commission de statuer, dans un délai à fixer, sur le bien-fondé de la demande de réexamen litigieuse.

43      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être déclarée manifestement irrecevable dans son ensemble.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 17 décembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le néerlandais.