Language of document : ECLI:EU:C:2013:192

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

21 mars 2013 (*)

«Manquement d’État – Aides d’État – Aide accordée par la République italienne en faveur du secteur de la navigation en Sardaigne – Décision 2008/92/CE de la Commission constatant l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun et ordonnant sa récupération auprès des bénéficiaires – Défaut d’exécution dans le délai imparti»

Dans l’affaire C‑613/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, introduit le 30 novembre 2011,

Commission européenne, représentée par MM. D. Grespan et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. J. Malenovský (rapporteur), président de chambre, M. M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer l’aide déclarée illégale et incompatible avec le marché intérieur par la décision 2008/92/CE de la Commission, du 10 juillet 2007, concernant un régime d’aides d’État de l’Italie en faveur du secteur de la navigation en Sardaigne (JO 2008, L 29, p. 24), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité FUE ainsi que des articles 2 et 5 de cette décision.

 Le cadre juridique

2        Le considérant 13 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«considérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission».

3        L’article 14 du règlement n° 659/1999, intitulé «Récupération de l’aide», énonce:

«1.      En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée «décision de récupération»). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2.      L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3.      Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l’article [278 TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.»

4        Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, du même règlement:

«Si l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice [de l’Union européenne] conformément à l’article [108, paragraphe 2, TFUE].»

 Les antécédents du litige

5        Le dispositif de la décision 2008/92 est libellé comme suit:

«Article premier

L’aide d’État sous forme de prêts et de crédits-bails accordés aux entreprises de navigation en vertu de la loi n° 20 du 15 mai 1951 de la région Sardaigne, modifiée par la loi n° 11 du 4 juin 1988, est incompatible avec le marché commun.

Article 2

1.      L’Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires l’aide visée à l’article 1er, déjà mise illégalement à leur disposition et correspondant à la différence entre le montant total que les bénéficiaires auraient payé pour les intérêts et les frais accessoires aux conditions normales de marché pratiquées à la date de souscription du prêt, et le montant total des intérêts et des frais accessoires effectivement payés par les bénéficiaires eux-mêmes.

2.      La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. L’aide à récupérer comprend les intérêts, qui courent depuis la date de versement de l’aide aux bénéficiaires jusqu’à la date de sa récupération.

3.      Pour les prêts encore en cours à la date de la notification de la présente décision, l’Italie veille à ce que leur reliquat soit soldé par l’emprunteur dans les conditions normales du marché.

[…]

Article 5

L’Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s’y conformer.

Article 6

La République italienne est destinataire de la présente décision.»

6        La décision 2008/92 précisait, à son considérant 64, que, la Commission n’ayant pas été en mesure de quantifier directement l’élément d’aide et le montant total de l’aide à récupérer auprès de chaque bénéficiaire, il appartenait aux autorités italiennes de déterminer ces éléments et de communiquer à la Commission les sommes à récupérer auprès de chaque bénéficiaire.

7        Le 11 juillet 2007, la décision 2008/92 a été notifiée à la République italienne sous le numéro C(2007) 3257.

 La procédure précontentieuse

8        Par lettre du 5 novembre 2007, la Commission a rappelé à la République italienne l’obligation imposée par la décision 2008/92 de récupérer l’aide déclarée illégale et incompatible avec le marché commun par celle-ci et de l’informer, dans les deux mois suivant la notification de cette décision, des mesures prises pour s’y conformer. La Commission soulignait que, à la date de ladite lettre, elle n’avait encore reçu aucune information concernant les mesures adoptées par cet État membre en vue de procéder à la récupération de ladite aide et rappelait qu’elle avait la faculté de saisir la Cour pour lui demander de constater le manquement de ce dernier en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE. La Commission demandait à la République italienne de lui répondre pour le 9 novembre 2007 au plus tard.

9        Au mois de mars 2010, la Commission a reçu un courrier d’une société assurant plusieurs liaisons maritimes entre l’Italie continentale, la Sardaigne et la Corse qui lui demandait d’attraire la République italienne devant la Cour en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, pour non-respect de la décision 2008/92. Par lettre du 31 mars 2010, les services de la Commission ont transmis ce document à cet État membre en lui demandant de présenter ses observations sur celui-ci dans un délai d’un mois.

10      Par lettre du 14 avril 2011, la Commission a rappelé audit État membre son obligation d’exécuter la décision 2008/92 et lui a demandé de fournir des informations détaillées sur les mesures adoptées ou prévues pour se conformer à cette décision, une liste des bénéficiaires du régime d’aides et des montants récupérés ou à récupérer ainsi que la preuve que ces bénéficiaires avaient reçu l’injonction de restituer les aides illégales en cause ou que celles-ci avaient effectivement été restituées.

11      Dans sa réponse du 30 mai 2011 à ladite lettre, la République italienne a indiqué que la Banca di Credito Sardo avait réclamé, au cours du mois de juillet de l’année 2009, en tant que gestionnaire du fonds institué par le régime d’aides en cause, la restitution des aides accordées aux sept entreprises bénéficiaires de ce régime, à savoir Ancora di Venere de Romano Francesco & C. Snc (ci-après «Ancora di Venere»); Maris – Mari di Sardegna Srl di navigazione; Navisarda Compagnia Marittima e Mercantile Srl (ci-après «Navisarda»); Impresa individuale Romani Augusta; Sardegna Flotta Sarda di Navigazione SpA (ci-après «Sardegna Flotta Sarda»); Moby SpA, et Vincenzo Onorato.

12      Aucune desdites entreprises n’ayant restitué les montants réclamés par la Banca di Credito Sardo, les autorités italiennes auraient engagé des procédures visant à obtenir la restitution de ces montants en envoyant les injonctions de payer y afférentes au cours du mois de novembre 2010. La République italienne a joint ces injonctions à sa lettre du 30 mai 2011 et elle ajoutait que trois avis de mise en recouvrement avaient été attaqués devant le juge national par Ancora di Venere, Navisarda ainsi que par Moby SpA et que, dans ces conditions, ils avaient été suspendus dans l’attente du jugement sur le fond. Selon elle, la première audience n’avait eu lieu et la suspension n’avait été confirmée que dans l’action intentée par Ancora di Venere. Par ailleurs, ledit État membre indiquait, dans la même lettre, que Sardegna Flotta Sarda était soumise à une procédure de faillite.

13      La Commission ayant sollicité des précisions complémentaires de la part des autorités italiennes, divers courriers ont par la suite été échangés entre ces dernières et cette institution.

14      Il n’est pas contesté que, tout au long de la procédure précontentieuse, la Commission a insisté sur la nécessité de procéder à l’exécution immédiate et effective de la décision 2008/92. En outre, elle a demandé, à plusieurs reprises, des informations et des éclaircissements supplémentaires portant sur les bénéficiaires des aides illégalement versées et les modalités de recouvrement de celles-ci. Estimant que la République italienne n’avait pas fourni les éléments de preuve de nature à établir qu’elle avait procédé à l’exécution effective de cette décision, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

15      La Commission reproche à la République italienne de ne pas avoir pris, dans les délais prescrits, les mesures nécessaires pour supprimer les aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun par la décision 2008/92 et pour récupérer celles-ci auprès des entreprises bénéficiaires.

16      À cet égard, la Commission soutient que l’article 5 de la décision 2008/92 prévoyait que la République italienne devait l’informer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, au sujet des mesures adoptées pour se conformer à celle-ci. Selon elle, étant donné que ce délai n’a pas été prolongé dans la correspondance ultérieure avec les autorités italiennes et que la décision 2008/92 a été notifiée le 11 juillet 2007, la date limite à laquelle cet État membre devait avoir exécuté cette décision et rempli ses obligations était le 11 septembre 2007. En effet, dans sa lettre du 5 novembre 2007, il était rappelé à la République italienne que la Commission disposait de la faculté de saisir la Cour au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ce qui prouverait qu’elle considérait que le délai d’exécution de ladite décision avait déjà été dépassé.

17      La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre à l’encontre d’un recours en manquement introduit sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision en cause.

18      Or, la République italienne n’aurait jamais invoqué l’impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision 2008/92, mais elle se serait limitée à arguer de difficultés d’ordre pratique qui auraient empêché, jusqu’à la date d’introduction du présent recours, la récupération de toute aide octroyée au titre du régime initial, telles que le changement de l’entité administrative chargée d’effectuer la récupération ou les procédures contentieuses engagées par certains bénéficiaires.

19      Par conséquent, selon la Commission, force est de constater en l’espèce que, près de quatre ans après l’adoption de la décision 2008/92, les autorités italiennes doivent encore récupérer les aides illégales et incompatibles avec le marché commun octroyées, augmentées des intérêts. Il serait dès lors manifeste que les procédures nationales appliquées n’ont pas permis une récupération «immédiate et effective» desdites aides et que, en conséquence, la République italienne n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de cette décision.

20      S’agissant du grief tiré de la violation de l’obligation d’information de la Commission, cette dernière soutient qu’aucune des informations demandées n’a été transmise par la République italienne dans le délai de deux mois prévu à l’article 5 de la décision 2008/92. Ainsi, ce ne serait que par la lettre du 30 mai 2011 que cet État membre aurait pour la première fois informé la Commission que les procédures de récupération avaient été engagées.

21      En outre, la Commission précise que, à la date de l’introduction du présent recours, la République italienne ne lui avait fourni aucune information faisant état de l’achèvement de la procédure de récupération.

22      Dans son mémoire en défense, la République italienne s’en remet à la sagesse de la Cour en ce qui concerne le recours introduit par la Commission. Elle demande toutefois à la Cour de «déclarer que, en tout état de cause, il n’y a pas lieu de récupérer l’aide s’agissant à tout le moins des sommes perçues par Navisarda, Ancora di Venere et Sardegna Flotta Sarda».

23      Ledit État membre reconnaît qu’il n’est pas en mesure de contester le fondement du recours, en démontrant qu’il a procédé à la récupération intégrale des aides en cause. Toutefois, il entend circonscrire le contenu de son obligation compte tenu de la situation particulière des trois entreprises bénéficiaires susmentionnées.

24      S’agissant, en premier lieu, de Navisarda, la République italienne entend démontrer que l’aide accordée à cette entreprise de transport maritime n’a pas affecté les échanges intracommunautaires. En effet, cette dernière se limiterait à assurer une activité de petit cabotage le long du littoral national, une telle activité présentant un caractère exclusivement local. Partant, il y a lieu, selon cet État membre, d’exclure du montant total à récupérer, le montant de l’aide accordée à Navisarda.

25      S’agissant, en deuxième lieu, d’Ancora di Venere, la République italienne soutient que la part des aides octroyée à l’origine à cette entreprise doit être exclue des montants à récupérer en tant qu’elle s’inscrit dans les limites quantitatives de l’aide de minimis, au sens du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [87 CE] et [88 CE] aux aides de minimis (JO L 379, p. 5).

26      S’agissant, en troisième lieu, de Sardegna Flotta Sarda, ledit État membre fait valoir que cette dernière a été mise en faillite au cours de l’année 1994, c’est-à-dire treize ans avant l’adoption de la décision 2008/92 ayant prescrit la récupération. À cet égard, la République italienne reconnaît qu’elle n’a pas formellement demandé l’inscription des aides récupérables au passif de la société en faillite. Toutefois, elle précise que cette inscription n’aurait eu, en tout état de cause, aucune incidence sur les possibilités effectives de récupération, dès lors que l’actif de cette entreprise ne suffisait pas, loin s’en faut, à satisfaire les créanciers prioritaires. En outre, cet État membre s’interroge sur l’intérêt réel d’une telle inscription dès lors qu’aucune exigence de restauration des conditions de concurrence ne se pose s’agissant d’une entreprise en état de cessation de paiement et soumise à une procédure collective tendant à la liquidation de son patrimoine.

27      Dans sa réplique, la Commission maintient ses conclusions initiales. Selon elle, il ne ressort pas du dossier que cet État membre ait invoqué l’impossibilité absolue d’exécuter la décision 2008/92 ni même qu’il ait demandé à la Commission de modifier cette décision afin de lui permettre de surmonter les difficultés liées à la mise en œuvre effective et immédiate de celle-ci.

28      La Commission rappelle également que le présent litige porte uniquement sur le manquement de la République italienne, c’est-à-dire sur la question de savoir si cette dernière a pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de supprimer le régime d’aides d’État déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2008/92, et non pas sur l’identification des différents bénéficiaires de ce régime ni sur la détermination des sommes qu’ils sont tenus de restituer. Puisque cette décision concerne un régime d’aides et non les aides individuelles accordées en vertu de celui-ci, il appartiendrait à l’État membre concerné de procéder, en coopération avec la Commission, à une telle détermination. Tout litige éventuel portant sur celle-ci demeurerait de la compétence du juge national, qui pourra adresser à la Cour les questions préjudicielles qu’il estimerait nécessaire de poser. Ainsi, il n’appartiendrait pas à la Cour de déclarer, dans la présente espèce, que les aides versées à des entreprises particulières, telles que Navisarda, Ancora di Venere et Sardegna Flotta Sarda, ne doivent pas être restituées.

29      La Commission considère que, indépendamment de la position finale qu’elle adoptera en ce qui concerne les entreprises qui devraient, selon l’Italie, être exclues de la procédure de récupération, il demeure constant que l’Italie n’a pas correctement exécuté la décision 2008/92 et qu’elle ne prétend en outre pas que tous les bénéficiaires devraient être exclus de ladite récupération.

30      Dans son mémoire en duplique, la République italienne maintient ses conclusions initiales. Elle précise que, dès lors qu’il est constant que le régime d’aides en cause n’a bénéficié qu’à sept entreprises, la Cour conserve la faculté d’établir dans quelle mesure le recours de la Commission est fondé et, partant, de constater l’éventuel manquement de cet État membre en ce qui concerne les seuls cas dans lesquels n’a pas été démontrée l’inexistence de l’obligation de récupération ou l’impossibilité absolue d’exécuter la décision 2008/92. Dans le cas où la Cour constaterait effectivement le manquement de ce dernier, il serait également utile de circonscrire la portée de l’obligation d’exécution de son arrêt.

31      En effet, un recours en manquement introduit devant la Cour ne devrait pas nécessairement aboutir à un arrêt accueillant ou rejetant intégralement ce recours, mais pourrait également se conclure par une décision déclarant celui-ci partiellement fondé.

 Appréciation de la Cour

32      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (arrêts du 14 avril 2011, Commission/Pologne, C-331/09, Rec. p. I-2933, point 54, ainsi que du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑471/09 P à C-473/09 P, point 100). Partant, l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de ladite décision (voir, notamment, arrêts du 26 juin 2003, Commission/Espagne, C-404/00, Rec. p. I-6695, point 21, et Commission/Pologne, précité, point 55).

33      La récupération doit s’effectuer sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné. L’application des procédures nationales est soumise à la condition que celles-ci permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission, condition qui reflète les exigences du principe d’effectivité consacré par la jurisprudence de la Cour (voir arrêts du 14 février 2008, Commission/Grèce, C-419/06, points 58 et 59, ainsi que Commission/Pologne, précité, point 59).

34      L’État membre doit parvenir à une récupération effective des sommes dues (voir arrêt du 5 octobre 2006, Commission/France, C-232/05, Rec. p. I-10071, point 42). Une récupération tardive, postérieure aux délais impartis, ne saurait satisfaire aux exigences du traité (voir, en ce sens, arrêts Commission/Grèce, précité, points 38 et 61, ainsi que du 22 décembre 2010, Commission/Italie, C-304/09, Rec. p. I‑13903, point 32).

35      En l’espèce, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la décision 2008/92, la République italienne était tenue de procéder sans délai à la récupération des aides déclarées illégales auprès des bénéficiaires. Or, il n’est pas contesté que, plusieurs années après la notification de cette décision, le 11 juillet 2007, à la République italienne, aucune des aides illégalement allouées n’avait encore été récupérée par cet État membre. De même, il est constant que les premiers actes concrets visant à la récupération desdites aides n’ont été pris qu’au mois de juillet 2009 et que les injonctions de payer afférentes à celles-ci n’ont été émises qu’au mois de novembre 2010. Une telle situation est manifestement incompatible avec l’obligation de cet État de parvenir à une récupération effective des sommes illégalement perçues.

36      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision en cause (voir, notamment, arrêts Commission/Italie, précité, point 35, et du 6 octobre 2011, Commission/Italie, C-302/09, point 40).

37      À cet égard, la Cour a déjà jugé que la condition relative à l’existence d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de la décision concernée, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises en cause afin de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de ladite décision qui auraient permis de surmonter ces difficultés (voir arrêts Commission/Pologne, précité, point 70, ainsi que du 5 mai 2011, Commission/Italie, C-305/09, non encore publié au Recueil, point 33 et jurisprudence citée).

38      Il convient d’ajouter que la Cour a également jugé qu’un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, l’État membre et la Commission doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l’Union européenne des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 4, paragraphe 3, TUE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, notamment, de celles relatives aux aides (arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Italie, précité, point 37 et jurisprudence citée).

39      À cet égard, il convient tout d’abord de souligner que, en l’espèce, ni dans ses contacts avec la Commission non plus que dans le cadre de la procédure devant la Cour la République italienne n’a invoqué une impossibilité absolue d’exécution de la décision 2008/92. En réalité, cet État membre s’est borné à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présente la mise en œuvre de cette décision. En outre, il ne ressort pas du dossier que la République italienne ait demandé à la Commission de modifier ladite décision en vue de lui permettre de surmonter ces difficultés.

40      Ensuite, s’agissant de l’argument de la République italienne tiré de la situation spécifique de certaines entreprises bénéficiaires, il y a lieu de rappeler que la décision 2008/92 concerne le régime d’aides en tant que tel et qu’il appartenait à cet État membre de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée par une opération de récupération (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2011, Commission/Italie, précité, point 52, ainsi que du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission, C-71/09 P, C-73/09 P et C‑76/09 P, non encore publié au Recueil, points 63, 64 et 121).

41      Il y a lieu de constater, à cet égard, que ce n’est que postérieurement à l’introduction du recours de la Commission que la République italienne a communiqué à celle-ci les informations censées établir le caractère non restituable des aides allouées à Navisarda et à Ancora di Venere, alors même que la décision 2008/92 fut, ainsi qu’il a été rappelé au point 35 du présent arrêt, notifiée à la République italienne le 11 juillet 2007.

42      Enfin, s’agissant de l’argument de la République italienne tiré de l’impossibilité de récupérer les aides accordées à Sardegna Flotta Sarda en raison de l’état de cessation d’activité de cette dernière, il est de jurisprudence constante que le fait que des entreprises bénéficiaires sont en difficulté ou en faillite n’affecte pas l’obligation de récupération de l’aide, l’État membre étant tenu, selon le cas, de provoquer la liquidation de la société (voir, notamment, arrêts du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52/84, Rec. p. 89, point 14, ainsi que du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C‑328/99 et C-399/00, Rec. p. I-4035, point 69), de faire inscrire sa créance au passif de l’entreprise (voir, notamment, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I‑959, points 61 à 64; Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, précité, point 85, ainsi que du 14 avril 2011, Commission/Pologne, C‑331/09, Rec. p. I-2933, point 60) ou de prendre toute autre mesure permettant le remboursement de l’aide (arrêt du 6 décembre 2007, Commission/Italie, C-280/05, point 28).

43      En l’espèce, il est constant, ainsi que le reconnaît la République italienne dans son mémoire en défense, que l’inscription de la dette correspondant au montant de l’aide à récupérer au passif de Sardegna Flotta Sarda, société en état de liquidation, n’a pas été effectuée par les autorités compétentes, cet État membre se bornant à relever à cet égard qu’une telle inscription serait, en tout état de cause, sans incidence sur les possibilités effectives de récupération, dès lors que l’actif de la société ne suffirait pas à rembourser les créanciers prioritaires et que, partant, il était exclu que les autorités italiennes puissent se voir attribuer une partie de l’actif dans le cadre de l’opération de liquidation.

44      Il résulte de ce qui précède que le présent recours est fondé en tant que la Commission reproche à la République italienne de ne pas avoir pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires la totalité des aides octroyées en vertu du régime d’aides déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2008/92.

45      Par ailleurs, il est constant que, dans le délai de deux mois visé à l’article 5 de la décision 2008/92, la République italienne n’avait communiqué aucune information à la Commission quant aux mesures prises pour se conformer à cette décision.

46      Il convient donc de constater que, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires l’aide d’État déclarée illégale et incompatible avec le marché commun par l’article 1er de la décision 2008/92, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 5 de cette décision.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires l’aide d’État déclarée illégale et incompatible avec le marché commun par l’article 1er de la décision 2008/92/CE de la Commission, du 10 juillet 2007, concernant un régime d’aides d’État de l’Italie en faveur du secteur de la navigation en Sardaigne, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 5 de cette décision.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.