Language of document : ECLI:EU:C:2010:368

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

24 juin 2010 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Marque verbale Barbara Becker – Opposition du titulaire des marques verbales communautaires BECKER et BECKER ONLINE PRO – Appréciation du risque de confusion – Appréciation de la similitude des signes sur le plan conceptuel»

Dans l’affaire C‑51/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 3 février 2009,

Barbara Becker, demeurant à Miami (États-Unis), représentée par M. P. Baronikians, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Harman International Industries Inc., établie à Northridge (États-Unis), représentée par M. M. Vanhegan, barrister,

partie requérante en première instance,

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme C. Toader, MM. K. Schiemann, P. Kūris (rapporteur) et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 février 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Mme Becker demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 2 décembre 2008, Harman International Industries/OHMI – Becker (Barbara Becker) (T‑212/07, Rec. p. II‑3431, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a annulé la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 7 mars 2007 (affaire R 502/2006-1, ci-après la «décision litigieuse»), laquelle avait annulé la décision de la division d’opposition ayant accueilli l’opposition formée par Harman International Industries Inc. (ci-après «Harman») à l’encontre de l’enregistrement de la marque verbale communautaire Barbara Becker.

 Le cadre juridique

2        L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), dispose:

«Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

[…]

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.»

3        En vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, on entend par «marques antérieures», notamment, les marques communautaires dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d’enregistrement de marque communautaire.

 Les faits à l’origine du litige

4        Le 19 novembre 2002, Mme Becker a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement de la marque verbale Barbara Becker en tant que marque communautaire.

5        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante:

«Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs.»

6        Le 24 juin 2004, Harman a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque Barbara Becker pour tous les produits visés par celle-ci, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement. L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale BECKER ONLINE PRO n° 1823228, enregistrée le 1er juillet 2002, et sur la demande d’enregistrement, du 2 novembre 2000, de la marque communautaire verbale BECKER n° 1944578, enregistrée le 17 septembre 2004, visant également divers produits relevant de ladite classe 9.

7        Par décision du 15 février 2005, la division d’opposition de l’OHMI, retenant l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, a accueilli l’opposition de Harman. Elle a considéré que les produits désignés par ces marques étaient identiques et que ces dernières étaient globalement similaires en ce qu’elles présentaient, d’une part, un degré moyen de similitudes visuelle et phonétique et, d’autre part, une identité du point de vue conceptuel, lesdites marques se référant au même nom de famille.

8        Le 11 avril 2006, Mme Becker a formé un recours contre cette décision, laquelle a été annulée par la décision litigieuse. Dans celle-ci, la première chambre de recours de l’OHMI (ci-après la «chambre de recours») a considéré que les produits désignés par les marques en conflit étaient en partie identiques et en partie similaires. Elle a opéré une distinction entre les produits destinés au grand public, ceux destinés aux professionnels et ceux qui, destinés tant à l’un qu’à l’autre de ces deux premiers groupes, relevaient d’une catégorie intermédiaire.

9        En ce qui concerne les signes en conflit, la chambre de recours a procédé uniquement à la comparaison de la marque verbale antérieure BECKER et de la marque Barbara Becker dont l’enregistrement est demandé. Elle a constaté qu’il existait seulement un certain degré de similitudes visuelle et phonétique entre lesdits signes et a estimé que ceux-ci étaient en revanche, sur le plan conceptuel, clairement distincts en Allemagne et dans les autres pays de l’Union européenne en raison du fait que le public pertinent percevrait la marque Barbara Becker dans son intégralité, plutôt que comme l’association de «Barbara» et de «Becker». Elle a aussi relevé que Mme Becker était célèbre en Allemagne, tandis que le nom «Becker» était un nom de famille très répandu. Partant, elle a conclu que les différences entre les signes en cause étaient suffisamment importantes pour écarter le risque de confusion.

10      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que n’était pas satisfaite la condition selon laquelle, pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, il doit exister entre les marques en conflit un degré de similitude tel que le public concerné établisse un lien entre elles.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juin 2007, Harman a formé un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de son recours, elle a invoqué deux moyens tirés de la violation, respectivement, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

12      Accueillant le premier de ces moyens, le Tribunal, par l’arrêt attaqué, a annulé la décision litigieuse, estimant que c’était à tort que la chambre de recours avait conclu que les marques en conflit étaient clairement distinctes. Après avoir relevé, au point 33 de l’arrêt attaqué, que celles-ci présentaient une certaine similitude sur les plans visuel et phonétique comme l’avait constaté la chambre de recours, il a considéré, au point 34 dudit arrêt, que la chambre de recours avait fait une appréciation erronée de l’importance relative de l’élément «Becker» par rapport à l’élément «Barbara».

13      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal, se référant à son arrêt du 1er mars 2005, Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO) (T‑185/03, Rec. p. II‑715, point 54), a relevé, au point 35 de l’arrêt attaqué, que la jurisprudence avait admis que, au moins en Italie, les consommateurs attribuaient, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé au nom de famille qu’au prénom composant une marque, de sorte que le nom de famille «Becker» était susceptible de se voir attribuer un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom «Barbara» dans la marque composée.

14      En deuxième lieu, il a énoncé, au point 36 de l’arrêt attaqué, que le fait que Mme Becker soit célèbre en Allemagne en tant qu’ancienne épouse de M. Boris Becker ne signifiait pas que, sur le plan conceptuel, les marques en conflit n’étaient pas similaires. Il a relevé, en effet, que ces deux marques renvoyaient au même nom de famille et présentaient donc une similitude, cela d’autant plus que, dans une partie de l’Union, l’élément «Becker» de la marque Barbara Becker était, en tant que nom de famille, susceptible de se voir attribuer un caractère distinctif plus élevé que celui de l’élément «Barbara», qui est un simple prénom.

15      En troisième lieu, se référant à l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, Rec. p. I‑8551, points 30 et 37), le Tribunal a considéré, au point 37 de l’arrêt attaqué, que l’élément «Becker», même s’il n’était pas l’élément dominant de la marque composée, serait perçu comme un nom de famille, un tel nom étant couramment utilisé pour désigner une personne, et conserverait une position distinctive autonome dans ladite marque.

16      Dès lors, relevant que l’identité ou la similitude des produits visés par les marques en conflit n’étaient pas contestées et que lesdites marques présentaient des similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle, le Tribunal, au point 40 de l’arrêt attaqué, a jugé qu’il existait un risque de confusion entre celles-ci, quand bien même les produits en cause étaient destinés à un public ayant un niveau d’attention relativement élevé.

17      En dernier lieu, aux points 41 et 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que cette constatation n’était pas infirmée par l’argument de l’OHMI selon lequel une marque complexe et une autre marque ne peuvent être considérées comme similaires que si leur composant commun constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Il a, de même, écarté l’argument de Mme Becker selon lequel la jurisprudence relative aux marques composées ne serait pas applicable en l’espèce du fait que la marque Barbara Becker était constituée d’un prénom et d’un nom de famille.

 Conclusions des parties

18      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il a annulé la décision litigieuse et l’a condamnée aux dépens. Elle sollicite en outre la condamnation de la défenderesse au pourvoi aux dépens.

19      Harman conclut en substance au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

20      L’OHMI demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner Harman aux dépens qu’il a exposés.

 Sur le pourvoi

 Argumentation des parties

21      À l’appui de son pourvoi, Mme Becker invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle soutient que le Tribunal a commis une erreur en estimant qu’il existait une similitude entre les marques en conflit et qu’il a donc fait une application erronée de cette disposition en concluant à l’existence d’un risque de confusion.

22      En premier lieu, elle reproche au Tribunal d’avoir fondé son appréciation sur son arrêt Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), précité, selon lequel les consommateurs italiens attribueraient un caractère distinctif plus élevé au nom de famille qu’au prénom composant une marque. Elle observe à cet égard que, dans un arrêt plus récent, du 12 juillet 2006, Rossi/OHMI – Marcorossi (MARCOROSSI) (T‑97/05, points 46 et 47), le Tribunal a relevé qu’une telle règle aussi générale ne s’appliquait pas de façon automatique dans n’importe quelle situation, chaque cas devant être examiné individuellement, et que le nom de famille, commun aux deux marques dans cette affaire, n’était pas suffisamment dominant dans ces marques pour entraîner un risque de confusion.

23      En second lieu, la requérante soutient que le Tribunal a déduit à tort de l’arrêt Medion, précité, que l’élément «Becker» occupait une position distinctive autonome dans la marque composée de sorte que les deux marques en conflit devaient être considérées comme similaires. Cet arrêt aurait simplement énoncé qu’il ne suffit pas qu’un tiers ajoute à la marque enregistrée la dénomination de son entreprise pour revendiquer une protection de sa marque composée. Il ne pourrait en aucun cas être compris comme établissant une règle générale selon laquelle n’importe quel élément partagé par deux marques doit être considéré comme distinctif même s’il n’est pas dominant.

24      En outre, ledit arrêt porterait sur des marques ne pouvant être comparées avec celles en conflit dans la présente affaire. En effet, dans celle-ci, il s’agirait non pas de l’imitation d’une marque antérieure à laquelle est ajoutée la raison sociale d’une entreprise, mais d’une modification de la marque antérieure par l’ajout d’un prénom devant le nom de famille. Le public concerné percevrait le signe «Barbara Becker» comme le nom d’une personne de sexe féminin, tandis que le nom «Becker», très courant, ne serait pas suffisamment individualisé pour reconnaître une similitude conceptuelle entre les marques en cause. Le Tribunal aurait donc fait une application erronée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en déclarant que l’élément «Barbara» est un simple prénom, alors que l’ajout de ce prénom affecterait de manière déterminante l’impression d’ensemble produite par la marque dont l’enregistrement est demandé en ce qu’il véhiculerait une signification conceptuelle totalement nouvelle du nom «Becker».

25      L’OHMI se rallie, en substance, aux motifs invoqués par la requérante. En effet, il fait valoir que le Tribunal n’a pas tenu compte de tous les éléments pertinents du cas d’espèce pour apprécier l’existence d’un risque de confusion en considérant à tort l’appréciation factuelle donnée dans l’arrêt Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), précité, comme constituant une règle de droit et en faisant une application automatique de la jurisprudence issue de l’arrêt Medion, précité.

26      Le Tribunal aurait ainsi omis, notamment, de prendre en considération le fait que le nom composant la marque dont l’enregistrement est demandé est un nom allemand très courant. Il se serait abstenu, au point 36 de l’arrêt attaqué, de déterminer si le fait que Mme Becker est une personne célèbre était de nature à neutraliser les similitudes phonétique et visuelle des signes en cause. Il aurait de même considéré à tort que l’élément «Becker» occupait une position distinctive autonome sans analyser l’impact de la célébrité de Mme Becker sur la perception des consommateurs.

27      Lors de l’audience, l’OHMI a ajouté que le Tribunal avait commis une erreur de droit en faisant découler de sa constatation selon laquelle la seconde partie du signe avait un caractère distinctif dominant par rapport à la première qu’elle avait également une position distinctive autonome.

28      En revanche, Harman s’oppose au moyen avancé par la requérante. D’une part, elle fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme celle-ci, il ressort de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est référé à l’arrêt Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), précité, à titre indicatif et non comme à une règle de droit qui s’appliquerait à toutes les situations. Elle observe, en outre, que cette référence n’est pas déterminante dans le raisonnement suivi par le Tribunal pour conclure à l’existence d’un risque de confusion.

29      D’autre part, elle approuve l’analyse faite par le Tribunal, s’agissant de la position distinctive autonome de l’élément «Becker», qui est conforme, selon elle, à l’arrêt Medion, précité.

 Appréciation de la Cour

30      La requérante faisant grief au Tribunal d’avoir fait une application erronée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il convient de rappeler que, conformément à cette disposition, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, l’enregistrement d’une marque est refusé lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

31      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que constitue un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [voir arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 33, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, point 32; ainsi que, en ce sens, à propos de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17, et Medion, précité, point 26].

32      L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22; ainsi que arrêts précités Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 18; Medion, point 27; OHMI/Shaker, point 34, et Nestlé/OHMI, point 33).

33      Selon une jurisprudence également constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, en ce sens, arrêts précités SABEL, point 23; Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 25; Medion, point 28; OHMI/Shaker, point 35, et Nestlé/OHMI, point 34).

34      Aux points 30 et 31 de l’arrêt Medion, précité, la Cour a jugé cependant que, au-delà du cas habituel dans lequel le consommateur moyen perçoit une marque comme un tout, il n’est nullement exclu que, dans un cas particulier, une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l’entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé, sans pour autant en constituer l’élément dominant. Dans une telle hypothèse, l’impression d’ensemble produite par le signe composé peut conduire le public à croire que les produits ou services en cause proviennent, à tout le moins, d’entreprises liées économiquement, auquel cas l’existence d’un risque de confusion doit être retenue.

35      En l’espèce, après avoir rappelé l’ensemble des règles énoncées aux points 30 à 33 du présent arrêt, le Tribunal a jugé en substance, dans le cadre de son appréciation de la similitude des marques en conflit sur le plan conceptuel, premièrement, que, les consommateurs attribuant, en règle générale, dans une partie de l’Union, un caractère distinctif plus élevé au nom de famille qu’au prénom composant un signe verbal, l’élément «Becker» de la marque dont l’enregistrement est demandé était susceptible de se voir attribuer un caractère distinctif plus élevé que celui de l’élément «Barbara», deuxièmement, que le fait que Mme Becker fût célèbre en Allemagne était sans incidence sur la similitude des marques en conflit, celles-ci renvoyant au même nom de famille et l’élément «Barbara» n’étant qu’un simple prénom, et, troisièmement, que l’élément «Becker» conservait une position distinctive autonome dans la marque composée dès lors qu’il serait perçu comme un nom de famille.

36      S’il se peut que, dans une partie de l’Union, le nom de famille ait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom, il convient, cependant, de tenir compte des éléments propres à l’espèce et, en particulier, de la circonstance que le nom de famille en cause est peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur ce caractère distinctif. Il en va ainsi du nom «Becker» dont la chambre de recours a relevé le caractère courant.

37      Il doit, également, être tenu compte de l’éventuelle notoriété de la personne qui demande que son prénom et son nom, pris ensemble, soient enregistrés en tant que marque, dès lors que cette notoriété peut, de toute évidence, avoir une influence sur la perception de la marque par le public pertinent.

38      Par ailleurs, il y a lieu de considérer que, dans une marque composée, un nom de famille ne conserve pas dans tous les cas une position distinctive autonome au seul motif qu’il sera perçu comme un nom de famille. La constatation d’une telle position ne peut, en effet, être fondée que sur un examen de l’ensemble des facteurs pertinents du cas d’espèce.

39      Au demeurant, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, les motifs retenus par le Tribunal pour conclure à l’existence d’une similitude conceptuelle des marques en conflit, s’ils étaient jugés conformes à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, conduiraient à admettre que tout nom de famille constituant une marque antérieure pourrait être valablement opposé à l’enregistrement d’une marque composée d’un prénom et de ce nom, quand bien même, par exemple, ce dernier serait courant ou l’ajout du prénom aurait une incidence, d’un point de vue conceptuel, sur la perception par le public pertinent de la marque ainsi composée.

40      Il résulte de tout ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit en fondant son appréciation de la similitude des marques du point de vue conceptuel sur des considérations générales tirées de la jurisprudence sans procéder à une analyse de l’ensemble des éléments pertinents propres à l’affaire, en méconnaissance de l’exigence d’une appréciation globale du risque de confusion tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en conflit.

41      Il s’ensuit que le moyen du pourvoi tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être accueilli et que, dès lors, l’arrêt attaqué doit être annulé et l’affaire renvoyée devant le Tribunal.

 Sur les dépens

42      L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il y a lieu de réserver les dépens afférents à la procédure de pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 2 décembre 2008, Harman International Industries/OHMI – Becker (Barbara Becker) (T‑212/07), est annulé.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.