Language of document : ECLI:EU:C:2016:381

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 31 mai 2016 (1)

Affaire C‑72/15

Rosneft Oil Company OJSC

contre

Her Majesty’s Treasury,

Secretary of State for Business, Innovation and Skills,

The Financial Conduct Authority

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Divisional Court) (Haute Cour de justice [Angleterre et pays de Galles], division du Queen’s Bench [chambre divisionnaire], Royaume-Uni)]

«Renvoi préjudiciel – Politique étrangère et de sécurité commune – Validité de certains articles de la décision 2014/512/PESC et du règlement (UE) n° 833/2014 – Mesures restrictives eu égard aux actions de la Fédération de Russie déstabilisant la situation en Ukraine»





I –    Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle porte sur la validité et l’interprétation de la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (2) (ci-après la «décision 2014/512») et du règlement (UE) n° 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (3) (ci-après le «règlement n° 833/2014»).

2.        Cette demande est d’une très grande importance, parce qu’elle amènera la Cour à statuer sur sa compétence quant au contrôle de validité et quant à l’interprétation, à titre préjudiciel, des actes adoptés par l’Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC), alors que les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275 TFUE semblent exclure cette possibilité.

3.        La présente affaire offre donc l’opportunité à la Cour d’identifier les actes qui, selon le point 252 de son avis 2/13 (EU:C:2014:2454), «en l’état actuel du droit de l’Union […] échappent au contrôle juridictionnel de la Cour».

II – Le cadre juridique

A –    Le traité UE

4.        L’article 19, paragraphe 1, sous le titre III, intitulé «Dispositions relatives aux institutions», du traité UE dispose:

«La Cour de justice de l’Union européenne comprend la Cour de justice, le Tribunal et des tribunaux spécialisés. Elle assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités.

Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union.»

5.        Au titre V du traité UE, intitulé «Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune», l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, sous le chapitre 1, intitulé «Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union», prévoit:

«L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international.»

6.        Le chapitre 2, intitulé «Dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune», qui figure également au même titre dudit traité, dispose:

«Section 1

Dispositions communes

Article 23

L’action de l’Union sur la scène internationale, au titre du présent chapitre, repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales visés au chapitre 1.

Article 24

1.      La compétence de l’Union en matière de [PESC] couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune.

La [PESC] est soumise à des règles et procédures spécifiques. Elle est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l’unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. L’adoption d’actes législatifs est exclue. Cette politique est exécutée par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et par les États membres, conformément aux traités. Les rôles spécifiques du Parlement européen et de la Commission dans ce domaine sont définis par les traités. La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à l’exception de sa compétence pour contrôler le respect de l’article 40 du présent traité et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l’article 275, second alinéa, du traité [FUE].

[…]

3.      Les États membres appuient activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de l’Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle et respectent l’action de l'Union dans ce domaine.

Les États membres œuvrent de concert au renforcement et au développement de leur solidarité politique mutuelle. Ils s’abstiennent de toute action contraire aux intérêts de l’Union ou susceptible de nuire à son efficacité en tant que force de cohésion dans les relations internationales.

[…]

Article 29

Le Conseil adopte des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. Les États membres veillent à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions de l’Union.

[…]

Article 40

La mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune n’affecte pas l’application des procédures et l’étendue respective des attributions des institutions prévues par les traités pour l’exercice des compétences de l’Union visées aux articles 3 à 6 du traité [FUE].

De même, la mise en œuvre des politiques visées auxdits articles n’affecte pas l'application des procédures et l’étendue respective des attributions des institutions prévues par les traités pour l’exercice des compétences de l’Union au titre du présent chapitre.

[…]»

B –    Le traité FUE

7.        Le titre I, intitulé «Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union», de la cinquième partie du traité FUE, intitulée «L’action extérieure de l’Union», dispose:

«Article 205

L’action de l’Union sur la scène internationale, au titre de la présente partie, repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales visés au chapitre 1 du titre V du traité [UE].»

8.        Le titre IV, intitulé «Les mesures restrictives», de cette même partie du traité FUE, dispose:

«Article 215

1.      Lorsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité [UE], prévoit l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission, adopte les mesures nécessaires. Il en informe le Parlement européen.

2.      Lorsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité [UE], le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques.

3.      Les actes visés au présent article contiennent les dispositions nécessaires en matière de garanties juridiques.»

9.        L’article 275, sous la section 5, intitulée «Cour de justice de l’Union européenne», du chapitre 1, intitulé «Les institutions», du titre I, intitulé «Dispositions institutionnelles», de la sixième partie du traité FUE, intitulée «Dispositions institutionnelles et financières», dispose:

«La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la [PESC], ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base.

Toutefois, la Cour est compétente pour contrôler le respect de l’article 40 du traité [UE] et se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, du présent traité concernant le contrôle de la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, du traité [UE].»

C –    L’accord de partenariat et de coopération

10.      L’accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, signé à Corfou le 24 juin 1994 (4) (ci-après l’ «accord de partenariat») dispose au titre III, intitulé «Commerce de marchandises», ce qui suit:

«Article 10

1.      Les parties s’accordent mutuellement le traitement général de la nation la plus favorisée défini à l’article I:1 du GATT.

2.      Les dispositions du paragraphe 1 ne s’appliquent pas:

a)      aux avantages accordés aux pays limitrophes en vue de faciliter le trafic frontalier;

b)      aux avantages octroyés dans le but de créer une union douanière ou une zone de libre-échange ou découlant de la création d’une telle union ou zone; les termes ‘union douanière’ et ‘zone de libre-échange’ ont la même signification que ceux définis à l’article XXIV paragraphe 8 du GATT ou créés selon la procédure visée au paragraphe 10 du même article du GATT;

c)      aux avantages octroyés à certains pays conformément au GATT et à d’autres accords internationaux en faveur des pays en développement.

[…]

Article 12

1.      Les parties conviennent que le principe de la liberté de transit est une condition essentielle pour réaliser les objectifs du présent accord.

À cet égard, chaque partie garantit la liberté de transit à travers son territoire des marchandises originaires du territoire douanier ou destinées au territoire douanier de l’autre partie.

2.      Les règles visées à l’article V paragraphes 2, 3, 4 et 5 du GATT sont applicables entre les parties.

[…]

Article 19

L’accord ne fait pas obstacle aux interdictions ou aux restrictions d'importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des ressources naturelles, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, ni aux réglementations relatives à l’or et à l’argent. Toutefois, ces interdictions ou ces restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée au commerce entre les parties.»

11.      Au chapitre III, intitulé «Prestation transfrontalière de services» qui figure au titre IV, intitulé «Dispositions relatives aux activités des entreprises et aux investissements» de cet accord, l’article 36 dispose:

«Pour les secteurs énumérés à l’annexe 5 du présent accord, les parties se réservent mutuellement un traitement non moins favorable que celui accordé à un pays tiers, en ce qui concerne les conditions affectant la prestation transfrontalière de services, par des sociétés communautaires ou russes sur le territoire de la Russie ou de la Communauté respectivement, conformément à la législation et aux réglementations applicables dans chaque partie.»

12.      Au titre V, intitulé «Paiements et capitaux», dudit accord, l’article 52 dispose:

«[…]

2.       La libre circulation des capitaux entre des résidents de la Communauté et de la Russie concernant des investissements directs effectués dans des sociétés constituées conformément à la législation du pays hôte et des investissements directs effectués conformément aux dispositions du chapitre II du titre IV, ainsi que le transfert à l’étranger du produit de ces investissements, y compris tout versement d’indemnités résultant de mesures telles que l’expropriation et la nationalisation ou de mesures d’effet équivalent, et de tout bénéfice en découlant, est assurée.

[…]

5.       Sans préjudice des paragraphes 6 et 7, après une période de transition de cinq ans à partir de l’entrée en vigueur du présent accord, les parties s’abstiennent d’introduire de nouvelles restrictions affectant les mouvements de capitaux et les paiements courants y afférents entre les résidents de la Communauté et de la Russie et de rendre les arrangements existants plus restrictifs. Toutefois, l’introduction de restrictions pendant la période de transition visée à la première phrase du présent paragraphe n’affecte pas les droits et les obligations des parties découlant des paragraphes 2, 3, 4 et 9 du présent article.

[…]

9.       Les parties s’accordent le traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concerne la libre circulation des paiements courants et des capitaux et en ce qui concerne les méthodes de paiement.»

13.      L’article 99, sous le titre XI, intitulé «Dispositions institutionnelles, générales et finales», de ce même accord, dispose:

«Aucune disposition du présent accord n’empêche une partie de prendre les mesures:

1)      qu’elle estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité:

[…]

d)      en cas de troubles internes graves susceptibles de porter atteinte à la paix publique, en cas de guerre ou de grave tension internationale menaçant de déboucher sur un conflit armé ou afin de satisfaire à des obligations qu’elle a acceptées en vue d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationale;

[…]»

D –    La décision 2014/512

14.      Les dispositions suivantes de la décision 2014/512 font l’objet de la présente demande de décision préjudicielle:

«Article premier

[…]

2.      Sont interdits l’achat direct ou indirect ou la vente directe ou indirecte, la fourniture directe ou indirecte de services d’investissement ou l’aide à l’émission ou toute autre opération portant sur des obligations, actions ou instruments financiers similaires dont l’échéance est supérieure à 30 jours, émis après le 12 septembre 2014 par:

[…]

b)      des entités établies en Russie qui sont contrôlées par l’État ou détenues à plus de 50 % par l’État, dont l’actif total est estimé à plus de 1 000 milliards de roubles russes et dont au moins 50 % des revenus estimés proviennent de la vente ou du transport de pétrole brut ou de produits pétroliers à la date du 12 septembre 2014, qui figurent à l’annexe III [à savoir, Rosneft, Transneft et Gazprom Neft];

c)      toute personne morale, toute entité ou tout organisme établi en dehors de l’Union détenu à plus de 50 % par une entité visée [au point] […] b); ou

d)      toute personne morale, toute entité ou tout organisme agissant pour le compte ou sur les instructions d’une entité d’une catégorie visée au point c) ou figurant à l’annexe […] III [à savoir, Rosneft, Transneft et Gazprom Neft].

3.      Il est interdit de conclure un accord ou d’en faire partie, directement ou indirectement, en vue d’accorder de nouveaux prêts ou crédits dont l’échéance est supérieure à 30 jours à toute personne morale, toute entité ou tout organisme visé au paragraphe 1 ou 2, après le 12 septembre 2014, à l’exception des prêts ou des crédits ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement pour des importations ou des exportations directes ou indirectes non soumises à interdiction de biens et de services non financiers entre l’Union et la Russie ou tout autre État tiers ou des prêts ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement d’urgence, visant à répondre aux critères de solvabilité et de liquidité, à des personnes morales établies dans l’Union, dont les droits de propriété sont détenus à plus de 50 % par une entité visée à l’annexe I [à savoir, Sberbank, VTB Bank, Gazprombank, Vnesheconombank et Rosselkhozbank].

[…]

Article 4

1.      La vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation, directement ou indirectement, par des ressortissants des États membres ou depuis le territoire des États membres, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés dans les États membres, de certains équipements destinés aux catégories énoncées ci-après de projets d’exploration et de production en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, nécessitent une autorisation préalable de l’autorité compétente de l’État membre exportateur:

a)      l’exploration et la production de pétrole dans les eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres;

b)      l’exploration et la production de pétrole en mer, dans la zone située au nord du cercle arctique;

c)      les projets susceptibles de produire du pétrole à partir de ressources situées dans des formations de schiste par fracturation hydraulique; cela ne s’applique pas à l’exploration et à la production effectuées à travers des formations de schiste pour localiser des réserves autres que schisteuses ou en extraire du pétrole.

L’Union prend les mesures nécessaires afin de déterminer à quels articles le présent paragraphe doit s’appliquer.

2.      La fourniture:

a)      d’une assistance technique ou d’autres services en rapport avec les équipements visés au paragraphe 1;

b)      d’un financement ou d’une assistance financière pour toute vente, toute fourniture, tout transfert ou toute exportation des équipements visés au paragraphe 1 ou pour la fourniture d’une assistance ou formation technique y afférente,

nécessite également l’autorisation préalable de l’autorité compétente de l’État membre exportateur.

3.      Les autorités compétentes des États membres n’accordent aucune autorisation de vente, de fourniture, de transfert ou d’exportation des équipements ou encore de fourniture de services, tels qu’ils sont visés aux paragraphes 1 et 2, si elles établissent que la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation en question ou la fourniture du service concerné sont destinés à l’une des catégories d’exploration ou de production visées au paragraphe 1.

4.      Le paragraphe 3 s’entend sans préjudice de l’exécution des contrats conclus avant le 1er août 2014 ou des contrats accessoires nécessaires à l’exécution de ces contrats.

5.      Une autorisation peut être accordée lorsque la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation d’articles, ou encore la fourniture de services, tels qu’ils sont visés aux paragraphes 1 et 2, sont nécessaires à titre urgent pour prévenir ou atténuer un événement susceptible d’avoir des effets graves et importants sur la santé et la sécurité humaines ou sur l’environnement. Dans des cas urgents dûment justifiés, la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation, ou encore la fourniture de services, tels qu’ils sont visés aux paragraphes 1 et 2, peuvent avoir lieu sans autorisation préalable, pour autant que l’exportateur le notifie à l’autorité compétente dans les cinq jours ouvrables suivant leur réalisation, en fournissant des précisions sur la justification pertinente de la vente, de la fourniture, du transfert ou de l’exportation, ou encore de la fourniture de services sans autorisation préalable.

Article 4 bis

1.      Est interdite la fourniture directe ou indirecte, par des ressortissants des États membres ou depuis le territoire des États membres, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés dans les États membres, de services connexes nécessaires pour l’une des catégories énoncées ci-après de projets d’exploration et de production en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental:

a)      l’exploration et la production de pétrole dans les eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres;

b)      l’exploration et la production de pétrole en mer, dans la zone située au nord du cercle arctique;

c)      les projets susceptibles de produire du pétrole à partir de ressources situées dans des formations de schiste par fracturation hydraulique; cela ne s’applique pas à l’exploration et à la production effectuées à travers des formations de schiste pour localiser des réserves autres que schisteuses ou en extraire du pétrole.

2.      L’interdiction énoncée au paragraphe 1 s’entend sans préjudice de l’exécution de contrats ou d’accords-cadres conclus avant le 12 septembre 2014 ou de contrats accessoires nécessaires à l’exécution de ces contrats.

3.      L’interdiction énoncée au paragraphe 1 ne s’applique pas si les services en question sont nécessaires à titre urgent pour prévenir ou atténuer un événement susceptible d’avoir des effets graves et importants sur la santé et la sécurité humaines ou sur l’environnement.

[…]

Article 7

1.      Il n’est fait droit à aucune demande à l’occasion de tout contrat ou de toute opération dont l’exécution a été affectée, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par les mesures instituées en vertu de la présente décision, y compris à des demandes d’indemnisation ou à toute autre demande de ce type, telle qu’une demande de compensation ou une demande à titre de garantie, en particulier une demande visant à obtenir la prorogation ou le paiement d’une obligation, d’une garantie ou d’une contre-garantie, notamment financière, quelle qu’en soit la forme, présentée par:

a)      les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, point b) ou c) et à l’article 1er, paragraphe 2, point c) ou d), ou figurant à l’annexe […] III […];

b)      toute autre personne, toute autre entité ou tout autre organisme russe; ou

c)      toute personne, toute entité ou tout organisme agissant par l’intermédiaire ou pour le compte d’une des personnes, entités ou organismes visés au point a) ou b) du présent paragraphe.

2.      Dans toute procédure visant à donner effet à une demande, la charge de la preuve que la satisfaction de la demande n’est pas interdite par le paragraphe 1 incombe à la personne cherchant à donner effet à cette demande.

3.      Le présent article s’applique sans préjudice du droit des personnes, entités et organismes visés au paragraphe 1 au contrôle juridictionnel de la légalité du non-respect d’obligations contractuelles conformément à la présente décision.

[…]»

E –    Le règlement n° 833/2014

15.      Les dispositions suivantes du règlement n° 833/2014 sont visées par la présente demande de décision préjudicielle:

«Article 3

1.      Une autorisation préalable est nécessaire pour vendre, fournir, transférer ou exporter, directement ou indirectement, les articles énumérés à l’annexe II, originaires ou non de l’Union, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, ou dans tout autre État, si de tels articles sont destinés à être utilisés en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental.

2.      Pour l’ensemble des ventes, fournitures, transferts ou exportations soumis à autorisation en vertu du présent article, l’autorisation est accordée par les autorités compétentes de l’État membre où l’exportateur est établi et conformément aux modalités prévues à l’article 11 du règlement (CE) n° 428/2009. L’autorisation est valable dans toute l’Union.

3.      L’annexe II inclut certains articles destinés aux catégories énoncées ci-après de projets d’exploration et de production en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental:

a)      l’exploration et la production de pétrole dans les eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres;

b)      l’exploration et la production de pétrole en mer, dans la zone située au nord du cercle arctique; ou

c)      les projets susceptibles de produire du pétrole à partir de ressources situées dans des formations de schiste par fracturation hydraulique; cela ne s’applique pas à l’exploration et la production effectuées à travers des formations de schiste pour localiser des réserves autres que schisteuses ou en extraire du pétrole.

4.      Les exportateurs mettent à la disposition des autorités compétentes toutes les informations pertinentes requises concernant leur demande d’autorisation d’exportation.

5.      Les autorités compétentes n’accordent aucune autorisation pour la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation des articles inclus à l’annexe II si elles ont des motifs raisonnables de croire que cette vente, cette fourniture, ce transfert ou cette exportation concerne des articles destinés à une des catégories de projets d’exploration et de production visées au paragraphe 3.

Les autorités compétentes peuvent toutefois accorder une autorisation lorsque la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation concerne l’exécution d’une obligation découlant d’un contrat conclu avant le 1er août 2014 ou de contrats accessoires nécessaires à l’exécution d’un tel contrat.

Les autorités compétentes peuvent aussi accorder une autorisation lorsque la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation des articles est nécessaire à titre urgent pour prévenir ou atténuer un événement susceptible d’avoir des effets graves et importants sur la santé et la sécurité humaines ou sur l’environnement. Dans des cas urgents dûment justifiés, la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation peut avoir lieu sans autorisation préalable, pour autant que l’exportateur le notifie à l’autorité compétente dans les cinq jours ouvrables suivant sa réalisation, en fournissant des précisions sur la justification pertinente de la vente, de la fourniture, du transfert ou de l’exportation sans autorisation préalable.

6.      Dans les conditions fixées au paragraphe 5, les autorités compétentes peuvent annuler, suspendre, modifier ou révoquer une autorisation d’exportation qu’elles ont octroyée.

7.      Lorsqu’une autorité compétente refuse d’accorder une autorisation, ou annule, suspend, limite de façon substantielle ou révoque une autorisation conformément au paragraphe 5 ou 6 de la part d’une autorité compétente, l’État membre concerné notifie sa décision aux autres États membres et à la Commission et partage toute information utile avec eux, tout en respectant les dispositions relatives à la confidentialité de ce type d’informations contenues dans le règlement (CE) n° 515/97 du Conseil.

8.      Avant qu’un État membre n’accorde une autorisation conformément au paragraphe 5 pour une opération globalement identique à une opération faisant l’objet d’un refus toujours valable émanant d’un ou d’autres États membres au titre des paragraphes 6 et 7, il consulte au préalable le ou les États membres dont émane le refus. Si, après ces consultations, l’État membre concerné décide d’accorder l’autorisation, il en informe les autres États membres et la Commission, en apportant toutes les informations pertinentes à l’appui de sa décision.

Article 3 bis

1.      Il est interdit de fournir, directement ou indirectement, des services connexes nécessaires aux catégories suivantes de projets d’exploration et de production en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental:

a)      l’exploration et la production de pétrole dans les eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres;

b)      l’exploration et la production de pétrole en mer, dans la zone située au nord du cercle arctique; ou

c)      les projets susceptibles de produire du pétrole à partir de ressources situées dans des formations de schiste par fracturation hydraulique; cela ne s’applique pas à l’exploration et la production effectuées à travers des formations de schiste pour localiser des réserves autres que schisteuses ou en extraire du pétrole.

Aux fins du présent paragraphe, par ‘services connexes’, on entend:

i)      le forage;

ii)      les essais de puits;

iii)      la diagraphie et la complétion;

iv)      la fourniture d’unités flottantes.

2.      Les interdictions visées au paragraphe 1 sont sans préjudice de l’exécution d’une obligation découlant d’un contrat ou d’un accord-cadre conclu avant le 12 septembre 2014 ou de contrats accessoires nécessaires à l’exécution d’un tel contrat.

3.      Les interdictions visées au paragraphe 1 ne s’appliquent pas lorsque les services en question sont nécessaires à titre urgent pour prévenir ou atténuer un événement susceptible d’avoir des effets graves et importants sur la santé et la sécurité humaines ou sur l’environnement.

Le prestataire de services notifie l’autorité compétente dans les cinq jours ouvrables qui suivent toute activité entreprise en vertu du présent paragraphe, en fournissant des précisions sur la justification pertinente de la vente, de la fourniture, du transfert ou de l’exportation.

Article 4

[…]

3.      La fourniture des services suivants est soumise à une autorisation de l’autorité compétente concernée:

a)      les services d’assistance technique ou de courtage en rapport avec les articles énumérés à l’annexe II et à la fourniture, la fabrication, l’entretien et l’utilisation de tels articles, directement ou indirectement, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, ou, si une telle assistance concerne des articles destinés à être utilisés en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, à toute personne, toute entité ou tout organisme dans tout autre État;

b)      le financement ou l’aide financière en rapport avec les articles visés à l’annexe II, y compris notamment des subventions, des prêts et une assurance-crédit à l’exportation, pour toute vente, toute fourniture, tout transfert ou toute exportation de ces articles, ou pour toute fourniture d’une assistance technique y afférente, directement ou indirectement, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, ou, si une telle assistance concerne des articles destinés à être utilisés en Russie, y compris dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, à toute personne, toute entité ou tout organisme dans tout autre État.

Dans des cas urgents dûment justifiés visés à l’article 3, paragraphe 5, la fourniture de services visée au présent paragraphe peut avoir lieu sans autorisation préalable, pour autant que le prestataire la notifie à l’autorité compétente dans les cinq jours ouvrables suivant sa réalisation.

4.      Lorsque des autorisations sont requises en vertu du paragraphe 3 du présent article, l’article 3, et en particulier ses paragraphes 2 et 5, s’applique mutatis mutandis.

Article 5

[…]

2.      Sont interdites les opérations, directes ou indirectes, d’achat, de vente, de prestation de services d’investissement ou d’aide à l’émission, de valeurs mobilières et d’instruments du marché monétaire dont l’échéance est supérieure à 30 jours, émis après le 12 septembre 2014, ou toute autre transaction portant sur ceux-ci, par:

[…]

b)      une personne morale, une entité ou un organisme établi en Russie, contrôlé par l’État ou détenu à plus de 50 % par l’État et dont l’actif total est estimé à plus de 1 000 milliards de roubles russes, et dont au moins 50 % des revenus estimés proviennent de la vente ou du transport de pétrole brut ou de produits pétroliers, figurant à l’annexe VI [à savoir, Rosneft, Transneft, Gazprom Neft];

c)      une personne morale, une entité ou un organisme, établi en dehors de l’Union, dont plus de 50 % des droits de propriété sont détenus, directement ou indirectement, par une entité visée aux points a) ou b) du présent paragraphe; ou

d)      une personne morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou selon les instructions d’une entité visée aux points a), b) ou c) du présent paragraphe.

3.      Il est interdit de conclure un accord ou d’en faire partie, directement ou indirectement, en vue d’accorder de nouveaux prêts ou crédits dont l’échéance est supérieure à 30 jours à toute personne morale, toute entité ou tout organisme visé au paragraphe 1 ou 2, après le 12 septembre 2014.

L’interdiction ne s’applique pas:

a)      aux prêts ou aux crédits ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement pour des importations ou des exportations non soumises à interdiction de biens et de services non financiers entre l’Union et un État tiers, y compris aux dépenses consenties par un autre État tiers pour des biens et services qui sont nécessaires à l’exécution des contrats d'exportation ou d’importation; ni

b)      aux prêts ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement d’urgence visant à répondre à des critères de solvabilité et de liquidité à des personnes morales établies dans l’Union, dont les droits de propriété sont détenus à plus de 50 % par une entité visée à l’annexe III [à savoir, Sberbank, VTB Bank, Gazprombank, Vnesheconombank et Rosselkhozbank].

[…]

Article 8

1.      Les États membres arrêtent le régime des sanctions à appliquer en cas d’infraction aux dispositions du présent règlement et prennent toutes les mesures nécessaires pour en garantir la mise en œuvre. Les sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

2.      Les États membres notifient le régime visé au paragraphe 1 à la Commission sans tarder après l’entrée en vigueur du présent règlement et lui notifient toute modification ultérieure de ce régime.

[…]

Article 11

1.      Il n’est fait droit à aucune demande à l’occasion de tout contrat ou toute opération dont l’exécution a été affectée, directement ou indirectement, en tout ou en partie, par les mesures instituées en vertu du présent règlement, y compris à des demandes d’indemnisation ou à toute autre demande de ce type, telle qu’une demande de compensation ou une demande à titre de garantie, notamment une demande visant à obtenir la prorogation ou le paiement d’une garantie ou d’une contre-garantie, notamment financière, quelle qu’en soit la forme, présentée par:

a)      les entités visées à l’article 5, paragraphe 1, points b) et c) et à l’article 5, paragraphe 2, points c) et d), ou figurant [à l’annexe] VI [à savoir, Rosneft, Transneft, Gazprom Neft];

b)      toute autre personne, entité ou organisme russe;

c)      toute personne, toute entité ou tout organisme agissant par l’intermédiaire ou pour le compte de l’une des personnes ou entités ou de l’un des organismes visés aux points a) ou b) du présent paragraphe.

2.      Dans toute procédure visant à donner effet à une demande, la charge de la preuve que la satisfaction de la demande n’est pas interdite par le paragraphe 1 incombe à la personne cherchant à donner effet à cette demande.

3.      Le présent article s’applique sans préjudice du droit des personnes, entités et organismes visés au paragraphe 1 au contrôle juridictionnel de la légalité du non-respect des obligations contractuelles conformément au présent règlement.»

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

16.      Le 6 mars 2014, les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’Union ont fermement condamné la «violation par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait eu provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine» (5). Ils ont appelé la Fédération de Russie à ramener immédiatement ses forces armées vers leurs lieux de stationnement permanent, conformément aux accords applicables. Ils ont également décidé de suspendre les pourparlers bilatéraux menés avec la Fédération de Russie sur les visas ainsi que sur le nouvel accord global qui devait remplacer l’accord de partenariat. Cependant, ils ont souligné qu’une solution à la crise devait être trouvée dans le cadre de négociations entre les gouvernements de l’Ukraine et de la Fédération de Russie.

17.      Les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’Union ont ajouté que, si ces négociations ne produisaient pas de résultats dans un délai limité, des restrictions des déplacements et des gels d’avoirs seraient imposés à l’encontre des personnes responsables d’actions qui compromettraient ou menaceraient l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

18.      Afin de mettre en œuvre cette déclaration, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 269/2014 du 17 mars 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (6), règlement qui a imposé les mesures précitées à certaines personnes, énumérées à son annexe I.

19.      Le 31 juillet 2014, considérant que la Fédération de Russie n’avait pas répondu aux demandes de l’Union et considérant la poursuite des atteintes à l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le Conseil a adopté un ensemble de nouvelles mesures restrictives substantielles, à savoir la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014, qui, parmi d’autres entreprises russes, visent Rosneft Oil Company OJSC (ci-après «Rosneft»), dont les activités comprennent l’exploration, la production, le raffinage d’hydrocarbures ainsi que la commercialisation de pétrole brut et de gaz en Russie et à l’étranger.

20.      Rosneft mène ses activités d’exploration et de production dans les provinces russes riches en hydrocarbures et sur le plateau continental russe. Ses activités d’exploration incluent des opérations dans des eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres et dans des formations de schiste.

21.      La majorité des parts de Rosneft (69,5 %) est détenue par Rosneftegaz OJSC, une société anonyme détenue entièrement par la Fédération de Russie. Une minorité de ses parts (19,75 %) est détenue par BP Russian Investments Ltd., une filiale de la compagnie pétrolière britannique BP plc. Les 10,75 % restants du capital social émis sont cotés en bourse.

22.      Her Majesty’s Treasury (Trésor de Sa Majesté) et le Secretary of State for Business, Innovation and Skills (ministre des Entreprises, de l’Innovation et des Compétences) sont les autorités responsables, au Royaume-Uni, de la mise en œuvre de la législation de l’Union infligeant des mesures restrictives en réponse aux actions de la Fédération de Russie en Ukraine.

23.      La Financial Conduct Authority (Autorité de conduite financière, ci-après la «FCA»), est également soumise à la décision 2014/512 et au règlement n° 833/2014 et doit examiner leurs effets sur ses propres obligations et objectifs légaux. Par conséquent, s’il apparaissait que des titres interdits pouvaient être émis et que cela risquait de porter atteinte à l’intégrité des marchés réglementés par la FCA ou à la protection du consommateur, la FCA serait tenue d’examiner quelles actions elle devrait, le cas échéant, entreprendre pour anticiper ou éviter ce risque.

24.      Par sa requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2014, Rosneft a formé un recours en annulation contre la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014 sur la base de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (7).

25.      Par son recours en contrôle juridictionnel introduit devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Divisional Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre divisionnaire), Royaume-Uni] le 20 novembre 2014, Rosneft conteste la légalité de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014 ainsi que de certaines mesures adoptées par les autorités du Royaume-Uni pour mettre en œuvre certains aspects du règlement n° 833/2014, et notamment des sanctions pénales prévues en cas de violation de ce règlement (8), certaines interprétations de la FCA sur la notion d’«aide financière» et l’interprétation et l’application du règlement par la FCA à certaines valeurs mobilières (9).

26.      Par son arrêt du 9 février 2015 (10), la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Divisional Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre divisionnaire), Royaume-Uni] a considéré que, pour trancher le litige devant elle, elle devait déterminer si certaines dispositions de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014 étaient invalides, ce qu’elle ne pourrait faire sans interroger la Cour à titre préjudiciel conformément à l’arrêt Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452).

27.      De plus, estime-t-elle, même si ces dispositions étaient valides, il n’était pas certain que d’autres juridictions des États membres parviendraient aux mêmes conclusions quant à leur interprétation et application. Elle a d’ailleurs relevé sur certains points essentiels des divergences d’interprétation considérables entre les autorités compétentes des différents États membres.

28.      Dans ce contexte, la High Court of Justice (England &Wales), Queen’s Bench Division (Divisional Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre divisionnaire), Royaume-Uni] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Eu égard notamment aux articles 19, paragraphe 1, 24 et 40 TUE, à l’article 47 [de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»)] et à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, la Cour de justice est-elle compétente pour statuer à titre préjudiciel, en vertu de l’article 267 TFUE, sur la validité de l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, des articles 4, 4 bis et 7 ainsi que de l’annexe III de la décision [2014/512]?

2)      a)      Une ou plusieurs des dispositions suivantes (ci-après les ‘mesures concernées’) du règlement et, dans la mesure où la Cour est compétente, de la décision sont-elles invalides:

i)      les articles 4 et 4 bis de la décision [2014/512];

ii)      les articles 3, 3 bis, 4, paragraphes 3 et 4, ainsi que l’annexe II du règlement [n° 833/2014];

(ci-après, pris ensemble, les ‘dispositions relatives au secteur pétrolier’);

iii)      l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d) et 3, ainsi que l’annexe III de la décision [2014/512];

iv)      l’article 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe VI du règlement [n° 833/2014];

(ci-après ensemble, les ‘dispositions relatives aux valeurs mobilières et aux prêts’);

v)      l’article 7 de la décision [2014/512]; et

vi)      l’article 11 du règlement [n° 833/2014].

2)      b)      Dans l’hypothèse où les mesures concernées seraient valides, est-il contraire aux principes de sécurité juridique et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa) qu’un État membre impose des sanctions pénales, sur le fondement de l’article 8 du règlement [n° 833/2014], avant que le champ d’application de l’infraction concernée ait été suffisamment précisé par la Cour de justice?

3)      Dans l’hypothèse où les interdictions ou restrictions concernées, visées à la deuxième question, sous a), seraient valides:

a)      Le terme ‘aide financière’ figurant à l’article 4, paragraphe 3, du règlement [n° 833/2014] inclut-il le traitement d’un paiement par une banque ou un autre organisme financier?

b)      L’article 5 du règlement interdit-il l’émission de [GDR] émis le 12 septembre 2014 ou après cette date en vertu d’un accord de dépôt avec une des entités énumérées à l’annexe VI, ou toute autre transaction portant sur ceux-ci, lorsqu’ils sont représentatifs d’actions d’une de ces entités qui ont été émises avant le 12 septembre 2014?

c)      Si la Cour considère qu’il existe un manque de précision pouvant être comblé de manière appropriée par de nouveaux éléments d’orientation qu’elle apporterait, comment convient-il d’interpréter les expressions ‘schiste’ et ‘les eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres’ figurant à l’article 4 de la décision et aux articles 3 et 3 bis du règlement? En particulier, si la Cour le juge nécessaire et approprié, peut-elle fournir une interprétation géologique du terme ‘schiste’ à utiliser pour mettre en œuvre le règlement, et préciser si la mesure des ‘eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres’ doit être prise du point de forage ou ailleurs?»

29.      Par ordonnance du 26 mars 2015, le président du Tribunal a suspendu le recours en annulation dans l’affaire NK Rosneft e.a./Conseil (T‑715/14) jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans la présente affaire, conformément à l’article 54, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

IV – La procédure devant la Cour

30.      La présente demande de décision préjudicielle a été déposée à la Cour le 18 février 2015. Rosneft, la FCA, les gouvernements du Royaume-Uni, tchèque, allemand, estonien et français ainsi que le Conseil et la Commission ont déposé des observations écrites.

31.      Une audience s’est tenue le 23 février 2016 lors de laquelle Rosneft, la FCA, les gouvernements du Royaume-Uni, tchèque, allemand, estonien, français et polonais ainsi que le Conseil et la Commission ont présenté leurs observations orales.

V –    Analyse

A –    Sur la première question

32.      Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur sa compétence pour statuer, à titre préjudiciel, sur la validité de l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, des articles 4, 4 bis et 7 ainsi que de l’annexe III de la décision 2014/512, eu égard aux articles 19, 24 et 40 TUE, à l’article 275 TFUE et à l’article 47 de la Charte.

1.      Sur la recevabilité

33.      Le gouvernement estonien et le Conseil contestent la recevabilité de la première question, parce qu’une réponse à celle-ci ne serait pas nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de trancher le litige au principal.

34.      Je propose à la Cour de rejeter cette exception d’irrecevabilité puisque la compétence de la Cour pour répondre à la présente demande de décision préjudicielle est évidemment un préalable à l’analyse des autres questions posées par la juridiction de renvoi (dont personne ne conteste qu’elles sont pertinentes). De plus, cette question est, selon une jurisprudence constante, «d’ordre public [et] peut à tout moment de la procédure être examinée, même d’office, par la Cour» (11).

35.      De plus, la juridiction de renvoi se doit d’être fixée sur la compétence de la Cour pour savoir si elle est ou non liée par le monopole de la Cour en matière de contrôle de la validité des actes du droit dérivé de l’Union (12).

2.      Sur la compétence de la Cour de statuer à titre préjudiciel sur la validité et l’interprétation des actes PESC

a)      La règle générale: contrôle juridictionnel (articles 19 TUE, 263 TFUE, 277 TFUE et 267 TFUE)

36.      Au point 23 de son célèbre arrêt Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166), la Cour a jugé que «[l’Union] est une [union] de droit en ce que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité [FUE]». Elle a ainsi permis qu’un recours en annulation soit dirigé contre des actes du Parlement européen, même si ce dernier n’était pas explicitement cité en tant qu’institution dont les actes pourraient faire l’objet d’un contrôle de légalité par le premier alinéa de l’ancien article 173 CEE (actuellement 263 TFUE) (13).

37.      L’article 19 TUE confie aux juridictions de l’Union la mission d’«assure[r] le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités» et met à la charge des États membres l’obligation d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union.

38.      En effet, selon une jurisprudence constante «le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union» (14).

b)      «Carve out»: l’immunité juridictionnelle de certains actes adoptés dans le cadre de la PESC (articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, premier alinéa, TFUE)

39.      À première vue, la compétence de la Cour en matière de PESC semble être exclue par les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, premier alinéa, TFUE.

40.      Avant d’examiner ces dispositions, il convient de relever que, malgré le fait que, à l’occasion de ses arrêts Parlement/Conseil (C‑130/10, EU:C:2012:472), Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776) Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025), ainsi que Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258), la Cour a eu l’opportunité d’examiner des questions liées à sa compétence en matière de PESC, elle a jugé, au point 251 de l’avis 2/13 (EU:C:2014:2454), qu’«[elle] n’a[avait] pas encore eu l’opportunité de préciser les limitations de sa compétence résultant, en matière de PESC, [des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275 TFUE]». La Cour a donc jugé à ce point 252 de son avis qu’«il suffi[sait] de constater que, en l’état actuel du droit de l’Union, certains actes adoptés dans le cadre de la PESC échappent au contrôle juridictionnel de la Cour», sans toutefois préciser quels étaient ces actes (15).

41.      Par ailleurs, si le contrôle de légalité des actes de l’Union est la règle (articles 19 TUE, 263 TFUE, 277 TFUE et 267 TFUE), les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, premier alinéa, TFUE qui introduisent une clause de «carve-out» à la compétence des juridictions de l’Union, ou autrement dit «une dérogation à la règle de la compétence générale que l’article 19 TUE confère à la Cour, doivent [par conséquent] être interprétés restrictivement» (16).

42.      Il convient en outre de relever une divergence de libellé entre les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, premier alinéa, TFUE.

43.      Selon l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TFUE, «[l]a Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions» (17) alors que l’article 275, premier alinéa, TFUE prévoit que la «[l]a Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la [PESC], ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base» (18).

44.      L’utilisation par l’article 275, premier alinéa, TFUE des termes «dispositions relatives à la [PESC]» pourrait créer la fausse impression que les juridictions de l’Union n’ont aucune compétence sur toute disposition du traité FUE qui, tout en ne relevant pas de la PESC, peut être relative à celle-ci.

45.      La Cour n’a jamais adopté cette interprétation, plutôt large, de l’article 275, premier alinéa, TFUE. Au contraire, elle a jugé qu’un acte fondé sur les articles 37 TUE, qui fait partie des dispositions PESC du traité UE, et 218, paragraphes 5 et 6, TFUE, n’échappe pas au contrôle juridictionnel, puisque l’article 218 TFUE, disposition manifestement relative à la PESC, «a une portée générale et a dès lors vocation à s’appliquer, en principe, à tous les accords internationaux négociés et conclus par l’Union dans tous les domaines d’action de celle-ci, y inclus la PESC» (19).

46.      Comme l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE n’exclut la compétence de la Cour qu’«en ce qui concerne ces dispositions» (20), il me semble que, comme le soutient la Commission au point 40 de ses observations écrites, la référence est ainsi faite au titre du chapitre 2 du titre V du traité UE, intitulé «Dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune» et dont fait partie ledit article.

47.      La clause de «carve-out» des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, premier alinéa, TFUE ne vise donc que les articles 23 TUE à 46 TUE et les actes de l’Union adoptés sur leur base (21).

48.      Échappent ainsi à ladite clause de «carve-out» les règlements adoptés par le Conseil sur la base de l’article 215 TFUE. Les parties au principal et tous les intervenants dans la présente affaire sont d’accord pour dire que les règlements adoptés par le Conseil sur le fondement de l’article 215 TFUE, comme en l’occurrence le règlement n° 833/2014, relèvent de la compétence générale des juridictions de l’Union de contrôler leur légalité, conformément à l’article 19 TUE, le débat se limitant au degré de ce contrôle et à la marge d’appréciation à accorder au Conseil. En outre, la Cour a déjà statué à titre préjudiciel sur l’interprétation du règlement (CE) n° 765/2006 du Conseil, du 18 mai 2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (22), dont la base légale était également l’ex article 301 CE, devenu l’article 215 TFUE (23).

49.      En outre, pour qu’un acte PESC puisse bénéficier de l’immunité juridictionnelle des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, premier alinéa, TFUE, non seulement sa base légale doit se situer parmi les articles 23 TUE à 46 TUE mais sa substance doit relever de l’exercice de la PESC.

50.      Ainsi, dans le cadre d’un recours en annulation contre des mesures prises par la mission entreprise sur la base de l’action commune 2008/124/PESC du Conseil, du 4 février 2008, relative à la mission «État de droit» menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX KOSOVO (24), telle que modifiée par la décision 2011/752/PESC du Conseil, du 24 novembre 2011, modifiant l’action commune 2008/124/PESC relative à la mission «État de droit» menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX KOSOVO (25), la Cour a jugé aux points 48 et 49 de l’arrêt Elitaliana/Eulex Kosovo (C‑439/13 P, EU:C:2015:753) que «[…] les mesures litigieuses, dont l’annulation était demandée en raison d’une violation des règles de droit applicables aux marchés publics de l’Union, se rapportaient à une passation de marché public qui a[vait] engendré des dépenses à la charge du budget de l’Union. Il s’ensui[vait] que le marché en cause relev[ait] des dispositions du règlement financier» et que «[e]u égard aux circonstances propres à l’espèce, il ne saurait être considéré que la portée de la limitation dérogatoire à la compétence de la Cour prévue aux articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, premier alinéa, TFUE s’étend jusqu’à exclure que la Cour soit compétente pour interpréter et appliquer les dispositions du règlement financier en matière de passation de marchés publics».

c)      «Claw-back»: le contrôle juridictionnel limité des actes PESC (articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE)

i)      Portée

51.      Si et seulement si un acte PESC satisfait aux deux conditions énoncées aux points 47 et 49 des présentes conclusions, il convient d’examiner encore si, néanmoins, sur la base de la clause de «claw-back» introduite par les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE, il ne relève pas de la compétence générale que l’article 19, paragraphe 1, TUE confère aux juridictions de l’Union.

52.      Je relève que la limitation de la compétence de la Cour en matière de PESC opérée par la clause de «carve-out» est motivée par le fait que les actes PESC ne sont, en principe, censés traduire que des décisions de nature purement politique liées à l’exercice de la PESC, à l’encontre desquelles un contrôle juridictionnel est difficilement conciliable avec la séparation des pouvoirs (26).

53.      Toutefois, la clause de «claw-back» prive un acte PESC de cette immunité juridictionnelle lorsqu’il dépasse les limites de la PESC, ce qui est le cas des décisions PESC qui, tout en étant adoptées sur le fondement du titre V, chapitre 2, du traité UE, empiètent sur les compétences conférées à l’Union par le traité FUE ainsi que des décisions PESC prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales.

54.      En effet, déjà en 1998, la Cour a jugé aux points 14 à 18 de l’arrêt Commission/Conseil (C‑170/96, EU:C:1998:219) qu’elle était compétente sur le fondement de l’article M du traité UE (prédécesseur de l’article 40 TUE) pour «veiller à ce que les actes dont le Conseil prétend qu’ils relèvent de l’article K.3, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne n’empiètent pas sur les compétences que les dispositions du traité CE attribuent à la Communauté» (27).

55.      De même, selon une jurisprudence constante de la Cour relative au contrôle de légalité des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales contenues dans des actes antérieurs à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, «une position commune qui aurait, du fait de son contenu, une portée qui dépasse celle assignée par le traité UE à ce type d’acte doit pouvoir être soumise au contrôle de la Cour» (28) parce que «[l]a possibilité de saisir la Cour à titre préjudiciel doit […] être ouverte à l’égard de toutes les dispositions prises par le Conseil, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit vis-à-vis des tiers» (29).

56.      La clause de «claw-back» prévue aux articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE n’a pas substantiellement modifié la situation existante avant l’adoption du traité de Lisbonne.

57.      Je constate que, comme dans le cas de la clause de «carve-out», il existe une différence de rédaction entre les dispositions pertinentes, mais cette fois-ci, c’est l’article 275 TFUE qui utilise des termes plus étroits que l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE.

58.      L’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE prévoit en effet que les juridictions de l’Union sont compétentes «pour contrôler le respect de l’article 40 [TUE] et pour contrôler la légalité de certains décisions visées à l’article 275, second alinéa, [TFUE]» (30).

59.      En revanche, l’article 275, second alinéa, TFUE prévoit que les juridictions de l’Union sont compétentes «pour contrôler le respect de l’article 40 [TUE] et se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, [TFUE] concernant le contrôle de légalité des décisions prévoyant des mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur base du titre V, chapitre 2, [TUE]».

60.      En ce qui concerne le contrôle du respect de l’article 40 TUE, les deux dispositions sont identiques. Tout acte PESC qui relève de la clause de «carve-out» peut être contrôlé par les juridictions de l’Union pour assurer le respect de l’article 40 TUE. Cet aspect de la clause de «claw-back» couvre donc, entre autres, les actes adoptés sur le fondement de l’article 215, paragraphes 1 et 2, TFUE, qui contiennent à la fois des mesures prévoyant l’interruption et la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers et des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales.

61.      Toutefois, il existe une différence significative entre la rédaction des deux dispositions en cause en ce que l’article 275, second alinéa, TFUE limite le contrôle de légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales aux recours en annulation formés par ces personnes conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, alors que l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE rétablit la compétence de la Cour pour contrôler, en général, la légalité de «certaines décisions visées à l’article 275, second alinéa, [TFUE]», à savoir des «décisions prévoyant des mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur base du titre V, chapitre 2, [TUE]».

62.      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour citée au point 38 des présentes conclusions que le «contrôle de légalité», auquel se réfère l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE, inclut non seulement les recours en annulation formés sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, mais également et notamment le mécanisme de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE.

63.      En effet, selon une jurisprudence ancienne et constante de la Cour, «le renvoi préjudiciel en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de légalité des actes des institutions [de l’Union]» (31). Comme la Cour l’a jugé au point 15 de l’arrêt Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452), «les compétences reconnues à la Cour par l’article [267 TFUE] ont pour objet d’assurer une application uniforme du droit [de l’Union] par les juridictions nationales [puisque] [d]es divergences entre les juridictions des États membres quant à la validité des actes [de l’Union] seraient susceptibles de compromettre l’unité même de l’ordre juridique [de l’Union] et de porter atteinte à l’exigence fondamentale de la sécurité juridique» (32).

64.      De plus, comme, selon la jurisprudence de la Cour (33), la clause de «carve-out» introduite par l’article 275, premier alinéa, TFUE doit, comme toute exception, être interprétée de façon restrictive et que la portée d’une clause de «claw-back» ne peut être plus large que celle d’une clause de «carve-out» (34), la clause de «claw-back» de l’article 275, second alinéa, TFUE qui reconduit vers la règle de base doit être interprétée de façon large en prenant compte du libellé plus extensif de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE.

65.      J’estime ainsi que la clause de «claw-back» des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE permet aux juridictions de l’Union de contrôler le respect de l’article 40 TUE par tous les actes PESC (soit, au travers d’un recours en annulation soit, à titre préjudiciel) (35) ainsi que de contrôler la légalité des décisions PESC prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur le fondement du titre V, chapitre 2, TUE (soit, en recours en annulation soit, à titre préjudiciel) (36).

66.      La position contraire, exprimée par l’avocat général Kokott dans sa prise de position relative à l’avis 2/13 (EU:C:2014:2475) et soutenue dans le cadre de la présente affaire par les gouvernements du Royaume-Uni, tchèque, allemand, estonien, français et polonais ainsi que par le Conseil, selon laquelle «les traités ne prévoient précisément aucune compétence préjudicielle de la Cour dans le domaine de la PESC» (37), serait, à mon avis, difficilement conciliable avec l’article 23 TUE qui veut que «[l]’action de l’Union sur la scène internationale […] repose sur les principes […] visés au chapitre 1[…]», dont l’État de droit ainsi que l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales (38), qui incluent sans doute le droit d’accès au juge et une protection juridictionnelle effective.

ii)    La clause de «claw-back» et les décisions du Conseil adoptées sur la base du titre V, chapitre 2, du traité UE et prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales

67.      Je constate que, si la clause de «carve-out» introduite par les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, premier alinéa, TFUE couvre tous les actes PESC, la clause de «claw-back» introduite par les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE ne se réfère qu’au respect de l’article 40 TUE et au contrôle de légalité des décisions prévoyant des mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur le fondement du titre V, chapitre 2, TUE.

68.      Quant au respect de l’article 40 TUE, il est clair que la clause de «claw-back» couvre tout acte PESC déjà couvert par la clause de «carve-out».

69.      En revanche, en ce qui concerne le contrôle de légalité, les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE, ainsi que l’article 215, paragraphe 2, TFUE se réfèrent aux décisions prévoyant des mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur le fondement du titre V, chapitre 2, TUE, ce qui à mon avis n’inclut pas les règlements, comme en l’occurrence le règlement n° 833/2014, adoptés par le Conseil sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE.

70.      Cela renforce ma thèse, exprimée aux points 47 et 48 des présentes conclusions, selon laquelle la clause de «carve-out» ne couvre que les actes PESC dont la base légale figure parmi les articles 23 TUE à 46 TUE et, par conséquent, ne vise pas les actes adoptés par le Conseil sur la base de l’article 215 TFUE.

71.      S’il en était autrement, on arriverait à la situation paradoxale où la Cour serait compétente pour contrôler les décisions PESC prévoyant des mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur le fondement du titre V, chapitre 2, TUE, mais pas les règlements adoptés sur la base de ces décisions.

72.      De plus, contrairement au cas de mesures restrictives prévoyant l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs états tiers (39), l’adoption d’un règlement sur la base de l’article 215, paragraphe 2, TFUE n’est pas obligatoire en ce qui concerne les mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales. En effet, selon cette disposition, «[l]orsqu’une décision [PESC] le prévoit le Conseil peut adopter [pareilles mesures]» (40). Il est donc possible d’adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales par la seule voie d’une décision PESC. C’est précisément pour ce genre de décision que les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE prévoient la clause de «claw-back».

iii) Qu’en est-il du pouvoir d’interprétation?

73.      Comme la clause de «claw-back» introduite par les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE limite la compétence de la Cour à un contrôle de légalité des décisions PESC prévoyant des mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur le fondement du titre V, chapitre 2, TUE, le pouvoir d’interprétation que l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE confère à la Cour semble être exclu de la compétence de la Cour pour ces actes.

74.      Or, dans un cadre juridique comparable, où l’article 41 du traité CECA permettait à la Cour de «statuer, à titre préjudiciel, sur la validité des délibérations de la Haute Autorité et du Conseil» (41), la Cour a jugé que «l’appréciation de la validité d’un acte implique nécessairement son interprétation préalable» (42). Sur cette base elle a jugé qu’«[i]l serait […] contraire à la finalité et à la cohérence des traités que, lorsque sont en cause des règles issues des traités CEE et CEEA, la fixation de leur sens et de leur portée relève en dernier ressort de la Cour de justice, comme le prévoient, en termes identiques, l’article 177 du traité CEE [à présent, article 267 TFUE] et l’article 150 du traité CEEA [à présent abrogé], ce qui permet d’assurer l’uniformité de leur application, alors que, lorsque les normes en cause se rattachent au traité CECA, cette compétence demeurerait du seul ressort des multiples juridictions nationales, dont les interprétations pourraient diverger, et que la Cour de justice serait sans qualité pour assurer une interprétation uniforme de ces normes» (43).

75.      Pour ces motifs, j’estime que, si les juridictions de l’Union peuvent faire le plus, à savoir contrôler la légalité d’une décision prévoyant des mesures à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur le fondement du titre V, chapitre 2, TUE, elles peuvent sûrement faire le moins, qui consiste à interpréter les termes de ces décisions, notamment pour éviter que la Cour annule ou déclare invalide un acte relatif à la PESC qu’elle pourrait préserver en imposant une autre interprétation.

76.      Cela d’autant plus que, comme l’indique la juridiction de renvoi aux points 30 à 34 de sa demande de décision préjudicielle, existent déjà des divergences de vues sur certains points essentiels entre les autorités compétentes des différents États membres, notamment en ce qui concerne l’interprétation de la notion d’aide financière figurant aux articles 4, paragraphe 2, sous b), de la décision 2014/512 et 4, paragraphe 3, du règlement n° 833/2014, comme le révèlent les observations écrites déposées par les gouvernements du Royaume-Uni, allemand, estonien et français.

3.      La décision 2014/512 au regard des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275 TFUE

77.      La décision 2014/512 bénéficie, à première vue, de l’immunité juridictionnelle prévue par la clause de «carve-out» introduite par les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, premier alinéa, TFUE, parce qu’elle satisfait aux deux conditions énoncées aux points 47 et 49 des présentes conclusions.

78.      En effet, la base légale de la décision 2014/512 est l’article 29 TUE qui fait partie du titre V, chapitre 2, du traité UE intitulé «Dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune» et sa substance relève manifestement de la PESC, étant donné que, par cette décision, le Conseil a introduit des mesures restrictives «eu égard aux actions de la Fédération de Russie déstabilisant la situation en Ukraine» (44).

79.      En application de la clause de «claw-back» introduite par les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, second alinéa, TFUE, j’estime que la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur la compatibilité de la décision 2014/512 avec l’article 40 TUE, puisque, aux points 21 et 22 de ses observations écrites, Rosneft en conteste la légalité de la décision 2014/512 à l’égard de cette disposition.

80.      Pour que la Cour soit également compétente pour contrôler la légalité de la décision 2014/512 à l’égard de toute autre illégalité que la violation de l’article 40 TUE, il s’impose de vérifier si cette décision constitue une «décision[] prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, [TUE]» au sens des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE.

81.      À cet égard, les gouvernements du Royaume-Uni, français et estonien ainsi que Conseil et la Commission contestent que la décision 2014/512 contienne des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, puisque, selon eux, les mesures y contenues s’appliqueraient à des situations déterminées objectivement et à une catégorie de personnes envisagées de manière générale.

82.      En effet, les articles 4 et 4 bis (45) de la décision 2014/512 ne ciblent pas Rosneft, comme le font au contraire ses articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3 (46), et 7 (47) dont le champ d’application vise trois sociétés russes, parmi lesquelles Rosneft (voir annexe III de ladite décision).

83.      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les mesures restrictives «s’apparentent, à la fois, à des actes de portée générale dans la mesure où ils interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, notamment, de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans leurs annexes, et à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces personnes et entités» (48). Selon la Cour, «c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre […] l’accès au juge de l’Union» (49).

84.      En ce sens, le recours en annulation qui a fait l’objet de l’arrêt Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil (T‑509/10, EU:T:2012:201) a été rejeté pour défaut de compétence au regard de l’article 275 TFUE en ce qu’il visait l’article 4 de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (50) (ci-après la «décision 2010/413»), qui ne ciblait pas spécifiquement le requérant (51). Au point 99 de son arrêt Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776), la Cour a confirmé le rejet pour les mêmes motifs.

85.      Comme la rédaction des articles 4 et 4 bis de la décision 2014/512 est très proche de celle de l’article 4 de la décision 2010/413 (52), je partage l’avis de la Commission selon lequel lesdites dispositions ne contiennent pas de mesures restrictives à l’encontre de Rosneft. Par conséquent, la Cour n’est pas compétente pour contrôler leur légalité (et les interpréter), la clause de «claw-back» des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et 275, second alinéa, TFUE n’étant pas applicable.

86.      Néanmoins, je ne partage pas la position des gouvernements du Royaume-Uni, tchèque, français, estonien et polonais ainsi que du Conseil et de la Commission selon laquelle les articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 7, de la décision 2014/512, qui, par l’annexe III, ciblent explicitement Rosneft, ne prévoiraient pas de mesures restrictives à l’encontre de cette dernière, parce que les mesures y contenues s’appliqueraient à des situations déterminées objectivement et à une catégorie de personnes envisagée de manière générale, l’annexe III reprenant le nom de Rosneft étant de nature purement déclaratoire.

87.      À cet égard, la Commission s’appuie sur les points 39 de l’arrêt Sina Bank/Conseil (T‑67/12, EU:T:2014:348) et 32 de l’arrêt Hemmati/Conseil (T‑68/12, EU:T:2014:349) où le Tribunal a jugé, par rapport à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, que «la ‘décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales’, au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE, est à trouver dans l’acte par lequel l’inscription du nom de la requérante a été maintenue, après réexamen, dans l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, à compter du 1er décembre 2011», et pas dans le fait que le nom de la requérante figurait dans l’annexe II même de la version originale de la décision 2010/413. Pour ce motif, le Tribunal avait décliné sa compétence en jugeant que l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 n’introduisait pas de mesures restrictives à l’encontre de personnes mais de mesures de portée générale.

88.      De plus, aux points 42 de l’arrêt Sina Bank/Conseil (T‑67/12, EU:T:2014:348) et 35 de l’arrêt Hemmati/Conseil (T‑68/12, EU:T:2014:349), le Tribunal a interprété le critère d’être «individuellement» concerné par l’article 16, paragraphe 2, du règlement adopté par le Conseil sur le fondement de la décision 2010/413 (53) et reprenant comme mesures de portée générale les mêmes mesures que l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 de la même façon que la notion de «décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales». Sur ces bases, il a déclaré irrecevable le recours en annulation dudit article 16, paragraphe 2, introduit par la requérante.

89.      À mon avis, cette jurisprudence du Tribunal n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour qui ressort du point 99 de l’arrêt Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776) (54). En effet, comme l’a jugé une autre formation du Tribunal au point 36 de l’arrêt National Iranian Oil Company/Conseil (T‑578/12, EU:T:2014:678), confirmé par la Cour dans l’arrêt National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128), «l’article 263, quatrième alinéa, TFUE confère à toute personne physique ou morale la qualité pour agir contre les actes des institutions de l’Union, dès lors que les conditions définies par cette disposition sont réunies, ce qui est le cas en l’espèce [parce que lesdites actes de l’Union l’inscrivent sur les listes de mesures en cause]».

90.      De plus, selon ce même point de l’arrêt National Iranian Oil Company/Conseil (T‑578/12, EU:T:2014:678), la thèse du Tribunal dans les arrêts Sina Bank/Conseil (T‑67/12, EU:T:2014:348) et Hemmati/Conseil (T‑68/12, EU:T:2014:349), qui en réalité identifie la notion de mesure restrictive à l’encontre de personnes avec le critère d’être individuellement concerné par la mesure en cause, «violerait les dispositions de l’article 263 et de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et serait dès lors contraire au système de protection juridictionnelle institué par le traité FUE, ainsi qu’au droit à un recours effectif consacré par l’article 47 de la [Charte]».

91.      Cela dit, à titre surabondant, une interprétation aussi sévère aurait pour effet de rendre la clause de «claw-back» très souvent illusoire, si, contrairement à ce que je propose ci-dessus, les dispositions de décisions PESC qui, comme les articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 7, de la décision 2014/512, ciblent explicitement des personnes physiques ou morales ne constituaient pas «des mesures restrictives à l’encontre de personnes» au sens de la clause de «claw-back» avec la conséquence que cette clause n’inclurait pas la possibilité d’une question préjudicielle en validité.

92.      Je propose donc à la Cour de répondre à la première question que, conformément aux articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275 TFUE, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel, en vertu de l’article 267 TFUE, sur la validité de la décision 2014/512 au regard de l’article 40 TUE ainsi que pour interpréter et contrôler la légalité des articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 7, de cette décision ainsi que de son annexe III.

93.      J’aimerais toutefois préciser que, malgré le fait que les mesures restrictives introduites par les articles 4 et 4 bis de la décision 2014/512 tombent dans le champ d’application de la clause de «carve-out» et non dans celui de la clause de «claw-back», il n’y a pas d’absence de protection juridictionnelle, puisque le règlement n° 833/2014, comme je l’ai expliqué aux points 47, 49, 69 et 70 des présentes conclusions, relève pleinement de la compétence de la Cour et reprend presque mot pour mot le libellé de ces dispositions à ses articles 3, 3 bis et 4, paragraphes 3 et 4. Dans l’hypothèse où la Cour serait amenée à annuler ces dispositions du règlement n° 833/2014, le Conseil devrait prendre les mesures nécessaires pour rendre les dispositions équivalentes de la décision 2014/512 compatibles avec l’arrêt de la Cour, et cela, comme l’a accepté le Conseil lors de l’audience, conformément à l’article 266 TFUE.

B –    Sur la deuxième question, sous a)

94.      Par sa deuxième question, sous a), la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la validité des articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, 4, 4 bis et 7 et de l’annexe III de la décision 2014/512 ainsi que des articles 3, 3 bis, 4, paragraphes 3 et 4, 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 11 ainsi que des annexes II et VI du règlement n° 833/2014.

95.      Vu ma réponse à la première question, j’examinerai le respect de l’article 40 TUE par la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014 ainsi que la validité des articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 7 ainsi que de l’annexe III, de la décision 2014/512, de même que la validité des articles 3, 3 bis, 4, paragraphes 3 et 4, 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 11 ainsi que des annexes II et VI, du règlement n° 833/2014.

1.      Sur le respect de l’article 40 TUE par la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014

96.      Selon Rosneft, en adoptant une décision PESC qui, en substance, revêt un caractère législatif, le Conseil a outrepassé ses pouvoirs. Aux termes de l’article 29 TUE, le rôle du Conseil consisterait à définir «la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique». En revanche, l’adoption d’actes législatifs dans le cadre de la PESC serait exclue en vertu de l’article 31, paragraphe 1, TUE. Partant, en adoptant les dispositions très détaillées de la décision 2014/512, essentiellement reproduites de façon identique dans le règlement n° 833/2014, le Conseil aurait violé la clause de non-affectation prévue à l’article 40 TUE et aurait empiété sur le pouvoir de proposition conjoint de la Commission et du haut représentant prévu à l’article 215 TFUE.

97.      À mon avis, la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014 ne constituent pas des actes législatifs.

98.      Même si on entend, en général, par «acte législatif», des mesures de portée générale qui s’appliquent à des situations déterminées objectivement et à une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, c’est au seul article 289, paragraphe 3, TFUE que l’on trouve la définition donnée à ces termes utilisés par l’article 24 TUE. Or, cet article définit cette catégorie comme «[l]es actes juridiques adoptés par procédure législative», à savoir la procédure législative ordinaire prévue par l’article 289, paragraphe 1, TFUE ou la procédure législative spéciale prévue à l’article 289, paragraphe 2, TFUE.

99.      En interdisant donc l’adoption des actes législatifs, les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, troisième phrase, et 31, paragraphe 1, TUE ont pour effet d’exclure le rôle plus large que l’article 289, paragraphes 1 et 2, TFUE confère au Parlement et à la Commission (55).

100. D’ailleurs, la procédure prévue à l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE utilisée pour l’adoption de la décision 2014/512 et celle prévue à l’article 215 TFUE utilisée pour l’adoption du règlement n° 833/2014 diffèrent de celles prévues à l’article 289 TFUE pour qualifier un acte de législatif.

101. Comme Rosneft n’allègue pas que la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014 devaient être adoptés sur une autre base légale que respectivement les articles 29 TUE et 215 TFUE, les arguments de Rosneft devraient être écartés.

2.      Sur la validité des articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 7 ainsi que de l’annexe III, de la décision 2014/512 et des articles 3, 3 bis, 4, paragraphes 3 et 4, 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 11 ainsi que des annexes II et VI, du règlement n° 833/2014

a)      Sur l’étendue du contrôle

102. Aux points 64, 108 et 115 de ses observations, le Conseil soutient que la Cour n’est pas compétente pour contrôler la légalité des dispositions en cause du règlement n° 833/2014 dans la mesure où les moyens de nullité invoqués par Rosneft cherchent essentiellement à contester les décisions de principe relevant pleinement du domaine de la PESC que le Conseil a adoptées par sa décision 2014/512.

103. Je ne partage pas cette position puisque, à mon avis, l’adoption sur le fondement de l’article 215 TFUE d’un règlement même s’il reprend mot pour mot ou complète ou spécifie les mesures prévues par une décision relative à la PESC, comme c’est le cas en l’occurrence de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014, implique la perte d’immunité juridictionnelle dont ces mesures pouvaient bénéficier sur la base des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, premier alinéa, TFUE (56).

104. La solution contraire aurait pour effet de donner une interprétation large à l’exclusion de la compétence de la Cour dans ce domaine, alors que cette exclusion est l’exception et non la règle.

105. Cela dit, j’estime que, dans ce domaine qui relève de la diplomatie et de la politique étrangère et de sécurité, le Conseil jouit d’un large pouvoir d’appréciation (57).

b)      Sur le moyen d’invalidité tiré de la violation alléguée de l’accord de partenariat

106. Selon Rosneft, l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe III de la décision 2014/512 de même que les articles 3, paragraphes 1, 3 et 5, 3 bis, paragraphe 1, 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que les annexes II et VI, du règlement n° 833/2014 violent les articles 10, paragraphe 1 (clause de traitement de la nation la plus favorisée relative au commerce de marchandises), 12 (liberté de transit de marchandises), 36 (clause de traitement non moins favorable relative à la prestation transfrontalière de services) et 52, paragraphes 2, 5 et 9 (libre circulation des capitaux) de l’accord de partenariat.

107. Les gouvernements du Royaume-Uni, estonien et français ainsi que le Conseil et la Commission relèvent que les mesures en cause sont justifiées parce qu’elles sont «nécessaires à la protection des intérêts essentiels de [la] sécurité [des parties] en cas de guerre ou de grave tension internationale menaçant de déboucher sur un conflit armé», conformément à l’article 99, paragraphe 1, sous d), de l’accord de partenariat, et que de toute façon les dispositions de cet accord invoquées par Rosneft n’ont pas d’effet direct.

108. Comme l’article 99 de l’accord de partenariat présuppose l’existence d’une mesure contraire aux dispositions matérielles dudit accord, il convient d’abord d’examiner si l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe III de la décision 2014/512 de même que les articles 3, paragraphes 1, 3 et 5, 3 bis, paragraphe 1, 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que les annexes II et VI, du règlement n° 833/2014 violent les articles 10, paragraphe 1, 12, 36 et 52, paragraphes 2, 5 et 9 dudit accord.

i)      Sur l’effet direct des articles 10, paragraphe 1, 12, 36 et 52, paragraphes 2, 5 et 9 de l’accord de partenariat

109. Il convient à cet égard de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un accord conclu par l’Union et un ou plusieurs États tiers, constitue, en ce qui concerne l’Union, un acte pris par l’une de ses institutions, au sens de l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE, que les dispositions de pareil accord forment partie intégrante, à partir de l’entrée en vigueur de celui-ci, de l’ordre juridique de l’Union et que, dans le cadre de cet ordre juridique, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation de cet accord (58).

110. De plus, au point 37 de l’arrêt Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494), la Cour a jugé que «les dispositions d’un accord international auquel l’Union est partie ne peuvent être invoquées à l’appui […] d’une exception tirée de l’illégalité d’un tel acte qu’à la double condition, d’une part, que la nature et l’économie de cet accord ne s’y opposent pas et, d’autre part, que ces dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises […]. Ce n’est ainsi que lorsque ces deux conditions sont cumulativement remplies que de telles dispositions pourront être invoquées devant le juge de l’Union afin de servir de critère pour apprécier la légalité d’un acte de l’Union» (59).

111. Comme les articles 10, paragraphe 1, et 12, de l’accord de partenariat font référence aux dispositions spécifiques du GATT, le Conseil et la Commission s’appuient sur la jurisprudence constante de la Cour en matière des accords de l’Organisation mondiale du commerce, selon laquelle «compte tenu de leur nature et de leur économie, ceux-ci ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée» (60).

112. Or, l’accord de partenariat n’est pas un accord concernant uniquement le commerce de marchandises, auquel pourrait s’appliquer cette jurisprudence (61).

113. En effet, comme l’a jugé la Cour par rapport à l’accord de partenariat au point 27 de son arrêt Simutenkov (C‑265/03, EU:C:2005:213), cet accord «a pour objet d’instituer un partenariat entre les parties, destiné à promouvoir, notamment, le développement de relations politiques étroites entre ces parties, les échanges et des relations économiques harmonieuses entre celles-ci, les libertés politiques et économiques, ainsi que la réalisation d’une intégration progressive entre la Fédération de Russie et une zone plus vaste de coopération en Europe».

114. De plus, au point 28 de cet arrêt, la Cour a ajouté que «[l]a circonstance que ledit accord se borne ainsi à l’établissement d’un partenariat entre les parties, sans prévoir une association ou une future adhésion de la Fédération de Russie [à l’Union], n’est pas de nature à empêcher l’effet direct de certaines de ses dispositions. Il résulte, en effet, de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’un accord établit une coopération entre les parties, certaines dispositions inscrites dans celui-ci sont susceptibles, [lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de l’accord, elles comportent des obligations claires et précises qui ne sont pas subordonnées, dans leur exécution ou dans leur effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur], de régir directement la situation juridique des particuliers».

115. La Cour avait donc reconnu, au point 22 dudit arrêt, l’effet direct de l’article 23, paragraphe 1, de cet accord relatif aux conditions relatives à l’emploi.

116. Contrairement à ce que soulèvent les gouvernements du Royaume-Uni et français ainsi que le Conseil et la Commission, je ne vois pas en quoi les libellés des dispositions en cause de l’accord de partenariat en cause dans la présente affaire ne rempliraient les critères d’effet direct tels qu’énoncés au point 21 de l’arrêt Simutenkov (C‑265/03, EU:C:2005:213) et repris au point 37 l’arrêt Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494).

117. En effet, l’article 10, paragraphe 1, de l’accord de partenariat prévoit que «[l]es parties s’accordent mutuellement le traitement général de la nation la plus favorisée défini à l’article I:1 du GATT» (62). L’article 12, paragraphe 1, second alinéa, prévoit que «chaque partie garantit la liberté de transit à travers son territoire des marchandises originaires du territoire douanier ou destinées au territoire douanier de l’autre partie». L’article 36 dispose que «les parties se réservent mutuellement un traitement non moins favorable que celui accordé à un pays tiers, en ce qui concerne les conditions affectant la prestation transfrontalière de services». Enfin, selon l’article 52, les parties à l’accord de partenariat garantissent «[l]a libre circulation des capitaux entre des résidents de [l’Union] et de la Russie concernant des investissements directs» (paragraphe 2), s’abstiennent d’introduire nouvelles restrictions après une période de transition de cinq ans à partir de l’entrée en vigueur dudit accord (paragraphe 5) et «s’accordent le traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concerne la libre circulation des paiements courants et des capitaux et en ce qui concerne les méthodes de paiement» (paragraphe 9).

118. À mon avis, le libellé de ces dispositions ne diffère pas du tout en termes d’inconditionnalité de celui de l’article 23, paragraphe 1, dudit accord, que la Cour a déjà jugé d’effet direct (63). Il constitue donc plus «qu’un accord de se mettre d’accord (‘an agreement to agree’)» (64).

ii)    Sur l’existence de restrictions aux droits conférés par les articles 10, paragraphe 1, 12, 36 et 52, paragraphes 2, 5 et 9 de l’accord de partenariat

119. Il convient donc d’examiner si les mesures introduites par l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe III de la décision 2014/512 de même que les articles 3, paragraphes 1, 3 et 5, 3 bis, paragraphe 1, 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que les annexes II et VI, du règlement n° 833/2014 comportent de restrictions aux articles 10, paragraphe 1, 12, 36 et 52, paragraphes 2, 5 et 9 de l’accord de partenariat.

–       Articles 10, paragraphe 1, et 12 de l’accord de partenariat (commerce de marchandises)

120. En ce qui concerne l’allégation de violation de l’article 10, paragraphe 1, de l’accord de partenariat par les articles 3, paragraphes 1, 3 et 5, et 3 bis, paragraphe 1, du règlement n° 833/2014, il convient de souligner que l’article 10, paragraphe 1, de l’accord de partenariat n’avait pour effet que d’étendre l’application de l’article I:1 du GATT aux relations entre l’Union et la Fédération de Russie, à une époque où cette dernière ne faisait pas partie de l’Organisation mondiale du commerce.

121. L’article I :1 du GATT limite toutefois sa portée aux «droits de douane et […] impositions de toute nature perçus à l’importation ou à l’exportation ou à l’occasion de l’importation ou de l’exportation, ainsi que ceux qui frappent les transferts internationaux de fonds effectués en règlement des importations ou des exportations, le mode de perception de ces droits et impositions, l’ensemble de la réglementation et des formalités afférentes aux importations ou aux exportations ainsi que toutes les questions qui font l’objet des paragraphes 2 et 4 de l’article III».

122. Comme l’article 3, paragraphes 1, 3 et 5, du règlement n° 833/2014 ne concerne pas du tout les tarifs douaniers applicables à l’exportation des marchandises visées par ces dispositions, mais soumet leur exportation vers la Fédération de Russie à une autorisation préalable et précise les conditions dans lesquelles les États membres doivent refuser cette autorisation, il est manifeste que ces dispositions ne relèvent pas du champ d’application de l’article 10, paragraphe 1, de l’accord de partenariat.

123. A fortiori, l’article 3 bis, paragraphe 1, du règlement n° 833/2014, qui interdit la prestation des services connexes nécessaires à certaines catégories de projets d’exploration et de production en Russie, ne relève pas non plus de l’article 10, paragraphe 1, de l’accord de partenariat.

124. L’article 12, paragraphe 1, second alinéa, de l’accord de partenariat oblige l’Union et ses États membres à garantir la liberté de transit (65) à travers le territoire de l’Union des marchandises originaires du territoire douanier ou destinées au territoire douanier de la Fédération de Russie.

125. L’Union et ses États membres sont donc obligés de garantir à travers leur territoire le libre passage de marchandises à destination ou originaires de la Fédération de Russie.

126. L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 833/2014 soumet les ventes, les fournitures, les transferts ou les exportations des articles énumérés à l’annexe II, originaires ou non de l’Union, à une autorisation préalable, si de tels articles sont destinés à être utilisés en Fédération de Russie. De plus, l’article 3, paragraphe 5, de ce règlement interdit l’octroi de cette autorisation lorsque les ventes, les fournitures, les transferts ou les exportations en cause concernent des articles destinés à une des catégories de projets d’exploration et de production visées au paragraphe 3 de cet article.

127. À mon avis, ces dispositions n’ont aucune incidence sur la liberté de transit garantie par l’article 12, paragraphe 1, second alinéa, de l’accord de partenariat.

128. Même si l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 833/2014 se réfère, entre autres, au transfert des articles énumérés à l’annexe II «originaires ou non de l’Union», il n’en demeure pas moins que les paragraphes 2 et 4 de cet article ne se réfèrent qu’à l’exportation.

129. En ce sens, «[p]our l’ensemble des ventes, fournitures, transferts ou exportations soumis à autorisation […] l’autorisation est accordée par les autorités compétentes de l’État membre où l’exportateur est établi» (66). De même, «[l]es exportateurs mettent à la disposition des autorités compétentes toutes les informations pertinentes requises concernant leur demande d’autorisation d’exportation» (67).

130. Il me paraît donc clair que ces dispositions du règlement n° 833/2014 visent non pas le transit des articles de l’annexe II, mais les cas de vente, de fourniture, de transfert ou d’exportation à partir du territoire des États membres.

131. En ce sens, la liberté de transit des articles en cause en provenance des pays tiers et à destination de la Fédération de Russie n’est nullement affectée.

132. De toute façon, même si la Cour constatait l’existence d’une restriction aux articles 10, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, second alinéa, de l’accord de partenariat, cette restriction serait, comme le soulève la Commission, justifiée par des raisons d’ordre public et de sécurité publique, conformément à l’article 19 de cet accord.

–       Article 36 de l’accord de partenariat (prestation transfrontalière de services)

133. Selon l’article 36 de l’accord de partenariat, l’Union et ses États membres sont obligés d’accorder un traitement non moins favorable que celui accordé à un pays tiers, en ce qui concerne les conditions affectant la prestation transfrontalière de services, par des sociétés de l’Union sur le territoire de la Fédération de Russie, conformément à la législation et aux réglementations applicables dans cette dernière.

134. Selon l’annexe 5 de cet accord, les services visés par l’article 36 incluent les services d’ingénierie (CPC 8672) (68) et les services d’essais et d’analyses techniques (CPC 8676) (69).

135. Or, contrairement à ce qu’allègue Rosneft, aucun des services repris sous les numéros CPC 8672 et CPC 8676 ne concerne les services de forage, d’essais de puits, de diagraphie et de complétion ou la fourniture d’unités flottantes qui sont visés par l’article 3 bis, paragraphe 1, du règlement n° 833/2014 (70).

–       Article 52, paragraphes 2, 5 et 9 de l’accord de partenariat (libre circulation des capitaux)

136. Le paragraphe 2 de cette disposition assure la libre circulation des capitaux entre l’Union et la Fédération de Russie «concernant des investissements directs effectués dans des sociétés constituées conformément à la législation du pays hôte».

137. De plus, aux termes du paragraphe 9 du même article, l’Union doit accorder à la Fédération de Russie «le traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concerne la libre circulation […] des capitaux».

138. Selon la Déclaration commune relative à l’article 52 (Définitions), le terme «investissements directs» est défini comme:

«[…] les investissements réalisés en vue d’établir des relations économiques durables avec une entreprise, tels que les investissements qui permettent aux non-résidents dans le pays concerné ou aux résidents à l’étranger d’effectivement influer sur la gestion de cette entreprise par:

[…]

2)      la prise de participation dans une entreprise nouvelle ou existante;

3)      un prêt d’une durée de cinq ans ou plus.»

139. Il ressort très clairement de ces dispositions que l’achat, la vente et la prestation, directement ou indirectement, de services d’investissement ou d’aide à l’émission, d’obligations, d’actions ou d’instruments financiers similaires (71) ne peuvent constituer un investissement direct que s’ils mènent à une prise de participation dans une entreprise en vue d’établir des relations économiques durables.

140. Il ressort également de ces dispositions que conclure un accord ou y participer, en vue d’accorder à Rosneft, après le 12 septembre 2014, de nouveaux prêts ou crédits dont l’échéance est supérieure à 30 jours (72) ne peut constituer un investissement direct que s’il s’agit d’un prêt ou d’un crédit d’une durée de cinq ans ou plus accordé en vue d’établir des relations économiques durables.

141. Il en découle que l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe III de la décision 2014/512 de même que les articles 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe VI du règlement n° 833/2014 ne constituent une restriction à la libre circulation des capitaux protégée par l’article 52, paragraphes 2, 5 et 9 de l’accord de partenariat, que dans la mesure où ils interdisent les investissements directs visés aux points 139 et 140 des présentes conclusions.

iii) Sur la justification

142. Contrairement au commerce de marchandises pour lequel l’article 19 de l’accord de partenariat prévoit la possibilité de justifier des restrictions dans des termes presque identiques à ceux de l’article 36 TFUE, ledit accord ne prévoit aucune possibilité de justifier une restriction à la libre circulation des capitaux.

143. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai données aux points 123 à 125 de mes conclusions dans l’affaire SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:52) (73), je considère qu’il est possible de justifier par des raisons impérieuses d’intérêt général des restrictions à la libre circulation des capitaux garantie par l’article 52 de l’accord de partenariat.

144. Même si le Conseil n’avance pas une raison impérieuse d’intérêt général, j’estime qu’il est possible de déduire de ses arguments fondés sur l’article 99 de l’accord de partenariat que, à son avis, une restriction à la libre circulation des capitaux serait justifiée pour des motifs d’ordre public et de sécurité publique.

145. En effet, comme les mesures restrictives introduites par l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe III de la décision 2014/512 de même que les articles 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe VI du règlement n° 833/2014 ont été adoptées «en réaction aux actions de la [Fédération de] Russie déstabilisant la situation en Ukraine» (74) et «dans le but d’accroître le coût des actions de la Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise» (75), elles me paraissent susceptibles d’être justifiées pour de raisons d’ordre et de sécurité publique.

146. Il ressort des considérants de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014 que l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la Fédération de Russie a d’abord été annoncée publiquement par l’Union et ses États membres et qu’elles n’ont été adoptées et étendues graduellement qu’en fonction de l’absence de réaction de la Fédération de Russie.

147. Comme les mesures restrictives ont pour but «d’accroître le coût des actions de la [Fédération de] Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise» (76) et étant donné que Rosneft est la société pétrolière qui a les plus grandes réserves de pétrole et la plus grande production parmi les sociétés pétrolières dont les actions sont cotées à la bourse russe (plus du 40 % du pétrole produit en Fédération de Russie (77)) et que l’État russe détient 69,5 % de son capital social, j’estime que les restrictions imposées par l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que par l’annexe III de la décision 2014/512 de même que par les articles 5, paragraphe 2, sous b) à d), et 3, ainsi que par l’annexe VI du règlement n° 833/2014 sont nécessaires afin de mettre une pression capable d’atteindre le but poursuivi par ladite décision et ledit règlement, qui consiste à «accroître le coût des actions de la [Fédération de] Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise» (78). Par conséquent, les mesures restrictives respectent le principe de proportionnalité.

iv)    Sur l’article 99 de l’accord de partenariat

148. Dans l’hypothèse où la Cour jugerait qu’existe une restriction non justifiée aux articles 10, paragraphe 1, 12, 36 et 52, paragraphes 2, 5 et 9, de l’accord de partenariat, j’estime, comme les gouvernements du Royaume-Uni, estonien et français ainsi que le Conseil et la Commission, qu’elle est susceptible d’être justifiée par l’article 99, paragraphe 1, sous d), dudit accord, qui permet à l’Union de prendre «les mesures qu’elle estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité […] en cas de guerre ou de grave tension internationale menaçant de déboucher sur un conflit armé» (79).

149. Si, comme je l’ai évoqué au point 105 des présentes conclusions, le Conseil jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans les domaines de la politique étrangère et de sécurité, cela vaut également lorsque le Conseil constate l’existence d’une grave tension internationale constituant une menace de guerre.

150. D’une part, il faut rappeler que, afin d’adopter les mesures restrictives en cause dans la présente affaire, le Conseil s’est appuyé sur «la violation par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait eu de provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine» (80), «l’accident de l’appareil de la Malaysia Airlines affrété pour le vol MH17, à Donetsk» (81) et «l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol» (82).

151. D’autre part, il faut souligner que la Fédération de Russie dispose du pouvoir de veto au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Il est donc futile de rechercher la constatation de l’existence d’une menace à la paix dans les résolutions de ce Conseil (83) ou même dans les projets de résolution qui n’ont pas été adoptés par ce Conseil, à cause de l’exercice (effectif ou possible) par la Fédération de Russie de son droit de veto (84).

152. Sur la base de ce qui précède, j’estime que le Conseil n’a pas commis une erreur manifeste dans son appréciation de la gravité de la situation de tension internationale qui existait au moment de l’adoption de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014.

c)      Sur le moyen d’invalidité tiré de la violation alléguée de l’obligation de motivation (article 296 TFUE)

153. Selon Rosneft, les articles 3, 3 bis, 4, paragraphes 3 et 4, et l’annexe II du règlement n° 833/2014 violent l’obligation de motivation qu’impose au Conseil l’article 296 TFUE en ce que ce règlement n’expliquerait ni comment ni pourquoi le fait de cibler l’industrie pétrolière russe ou de la cibler elle-même de la façon choisie par ces dispositions contribuera à atteindre le but des mesures concernées tel qu’il est exposé aux considérants 2 (85) et 4 (86) dudit règlement.

154. Rosneft allègue également une violation de l’article 296 TFUE en ce qui concerne l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe III de la décision 2014/512 de même que l’article 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi que l’annexe VI du règlement, en ce que ces dispositions, même si elles la ciblent explicitement, ne lui permettent pas d’apprécier la raison pour laquelle le seul fait que l’État russe est son actionnaire majoritaire est de nature à atteindre le but des mesures concernées tel qu’exposé aux considérants 2 (87) et 5 (88) du règlement n° 833/2014.

155. À mon avis, il n’y a, en l’occurrence, aucune violation de l’obligation de motivation.

156. Ainsi que l’a jugé la Cour au point 53 de son arrêt Conseil/Bamba (C‑417/11 P, EU:C:2012:718), «la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée».

157. De plus, en ce qui concerne les mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, comme le gel de fonds qui faisait l’objet de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Conseil/Bamba (C‑417/11 P, EU:C:2012:718), la Cour a jugé, au point 54 de cet arrêt, qu’«un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard».

158. Étant la plus grande société pétrolière russe qui appartient à 69,5 % à l’État russe (89), dont l’actif total est estimé à plus de 1 000 milliards de roubles russes et dont au moins 50 % des revenus estimés proviennent de la vente ou du transport de pétrole brut ou de produits pétroliers (90), Rosneft est bien en mesure d’apprécier l’importance du secteur pétrolier en termes de recettes pour le budget de la Fédération de Russie (91) et la raison pour laquelle le fait qu’elle soit ciblée par les mesures restrictives prévues à l’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi qu’à l’annexe III de la décision 2014/512 de même qu’à l’article 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, ainsi qu’à l’annexe VI du règlement, peut avoir pour effet «d’accroître le coût des actions de la Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise» (92).

159. Il en va de même pour les mesures prévues aux articles 3, 3 bis, 4, paragraphes 3 et 4, ainsi qu’à l’annexe II du règlement n° 833/2014 qui ne constituent pas de mesures restrictives à l’encontre de Rosneft (93) mais ciblent de façon générale l’industrie pétrolière russe.

d)      Sur le moyen d’invalidité tiré de la violation alléguée des droits de la défense, de protection juridictionnelle effective et du droit d’accès au dossier

160. Selon Rosneft, le refus du Conseil de lui donner un accès privilégié aux informations et aux preuves portant sur des questions aussi fondamentales que la raison pour laquelle Rosneft était mentionnée dans la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014, ou pourquoi certains secteurs de l’industrie pétrolière étaient ciblés contrairement à d’autres, viole ses droits de la défense, de protection juridictionnelle effective et du droit d’accès au dossier.

161. Il ressort des documents annexés aux observations écrites de Rosneft et du Conseil que Rosneft a essayé d’obtenir, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (94), un accès privilégié («privileged access») à des documents du Conseil dans le but de les utiliser dans le cadre du recours en annulation pendant devant le Tribunal dans l’affaire NK Rosneft e.a./Conseil (T‑715/14).

162. La lecture de ces documents permet de conclure que Rosneft a utilisé les moyens d’accès du public aux documents instaurés par ce règlement comme une «document discovery», procédure de demande de documents connue des systèmes juridiques de «common law» et de l’arbitrage international (95).

163. Même si, à mon avis, le règlement n° 1049/2001 n’est pas adapté pour donner, comme il le faut, un accès privilégié aux documents nécessaires dans le cadre d’un litige (96), il ressort des documents annexés aux observations écrites de Rosneft et du Conseil que ce dernier n’a pas rejeté ces demandes de production de documents, mais qu’ils les a traitées sur la base du règlement n° 1049/2001.

164. Or, comme par ce moyen Rosneft allègue que le Conseil lui a, à tort, refusé l’accès à la plupart des documents dont elle avait demandé la production, j’estime que ce moyen est irrecevable, conformément à la jurisprudence découlant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, EU:C:1994:90) où la Cour a jugé que «les […] exigences de sécurité juridique conduisent à exclure la possibilité, pour le bénéficiaire d’une aide […] qui aurait pu attaquer cette décision et qui a laissé s’écouler le délai impératif prévu à cet égard par l’article [263], [sixième] alinéa, du traité [FUE], de remettre en cause la légalité de celle-ci devant les juridictions nationales à l’occasion d’un recours dirigé contre les mesures d’exécution de cette décision, prises par les autorités nationales» (97).

165. Je relève à cet égard qu’il ressort des lettres du Conseil adressées à Rosneft que le Conseil l’avait averti, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, de la possibilité d’exercer un recours en annulation contre le rejet partiel de sa demande de production de documents conformément à l’article 263 TFUE.

166. Comme les décisions du Conseil octroyant à Rosneft un accès partiel aux documents qu’elle avait demandé la concernaient directement et individuellement, son recours aurait été sans aucun doute recevable (98).

167. De toute façon, la lecture des demandes d’accès privilégié aux documents adressées au Conseil par Rosneft révèle que:

–        très souvent, ces demandes ne contenaient pas de description suffisamment détaillée d’une catégorie spécifique et restreinte des documents qui pouvait, raisonnablement et selon Rosneft, exister;

–        ces demandes n’étaient pas accompagnées d’une explication de la pertinence des documents demandés pour le litige ni de leur importance pour son issue, et que

–        ces demandes n’étaient accompagnées ni, d’une déclaration qu’ils ne se trouvaient pas déjà en sa possession, sous sa garde ou son contrôle ni, d’une explication des raisons pour lesquelles elle supposait qu’ils étaient en possession, sous la garde ou le contrôle du Conseil.

168. Malgré cela, le Conseil a produit une liste de documents qu’il considérait comme étant visés par les demandes de Rosneft et lui a partiellement refusé l’accès à une série de documents en lui en donnant les raisons.

169. De plus, comme le gouvernement du Royaume-Uni est partie à la procédure au principal, rien n’empêche à Rosneft de lui demander, conformément aux règles relatives à la production de documents en droit anglais, de produire des documents en sa possession, sous sa garde ou son contrôle, en sa qualité de membre du Conseil. La juridiction de renvoi doit veiller à ce que les règles du droit anglais applicables à la production de documents respectent les principes d’effectivité et d’équivalence (99).

170. Dans ce contexte, je ne considère pas que le Conseil ait traité la demande d’accès privilégié de Rosneft d’une façon qui compromette ses droits de la défense, de protection juridictionnelle effective et d’accès au dossier.

e)      Sur le moyen d’invalidité tiré de la violation alléguée du principe de l’égalité de traitement

171. Selon Rosneft, en ciblant le secteur pétrolier russe par les mesures restrictives en cause, le Conseil n’a pas respecté le principe d’égalité de traitement en ce que, si le but déclaré de mesures restrictives en cause dans l’affaire au principal était, comme le dit le considérant 2 du règlement n° 833/2014, de promouvoir un règlement pacifique de la crise en Ukraine, ce but est loin d’expliquer et plus encore de justifier la différence de traitement accordée aux entreprises qui, comme elle, font partie du secteur pétrolier russe et les entreprises exerçant des activités dans d’autres secteurs.

172. Il est de jurisprudence constante que «le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié» (100).

173. À mon avis, Rosneft ne peut valablement prétendre être la victime d’une discrimination.

174. Tout d’abord, le secteur pétrolier russe n’est pas le seul secteur de l’économie russe ciblé par les mesures restrictives en cause. La décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014 contiennent des dispositions qui visent également les secteurs des armements, de l’énergie nucléaire, de l’aérospatiale ainsi que le secteur bancaire (101).

175. Par ailleurs, Rosneft n’a pas fourni de preuves tendant à démontrer qu’il existe d’autres sociétés pétrolières russes qui remplissent les critères énoncés aux articles 1er, paragraphe 2, sous b) à d), de la décision 2014/512 et 5, paragraphe 2, sous a) à d), du règlement n° 833/2014, qui, sur cette base auraient dû être ciblées par les mesures restrictives et ne l’ont pas été ou ne le sont pas.

176. Comme l’observe la Commission, si l’on devait suivre la logique appliquée par Rosneft, chaque fois que le Conseil voudrait imposer des mesures restrictives à l’encontre d’un pays tiers, il n’aurait d’autre choix que d’interrompre complètement les relations économiques et financières avec ce pays, ce qui serait d’ailleurs contraire au libellé de l’article 215, paragraphe 1, TFUE qui se réfère à «une décision [du Conseil] adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité [UE] [qui] prévoit l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques ou financières» (102).

177. Il convient donc de rejeter ce moyen.

f)      Sur le moyen d’invalidité tiré d’une allégation de détournement de pouvoir

178. Rosneft allègue que, en indiquant, au considérant 2 du règlement n° 833/2014, que le but des mesures restrictives est «d’accroître le coût des actions de la Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise» (103), le Conseil a commis un détournement de pouvoir, puisque son intention réelle était de limiter la capacité des sociétés russes de poursuivre leur croissance et de causer un dommage à long terme au secteur de l’énergie russe.

179. Selon la jurisprudence de la Cour, «un [détournement de pouvoir] existe lorsqu’une institution exerce ses compétences dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce» (104).

180. À cet égard, Rosneft s’appuie sur un document de travail de la Commission (105) selon lequel les mesures restrictives à l’encontre des sociétés pétrolières russes «ont pour but de priver certaines sociétés étatiques stratégiques russes de sources financières internationales et européennes, imposant ainsi un coût financier indirect à l’État et limitant leur capacité de croissance dans l’avenir» (106).

181. Or, ce document ne soutient nullement l’allégation que «la seule intention du Conseil était de de limiter la capacité des sociétés russes de poursuivre leur croissance» (107). Au contraire, le but déclaré des mesures restrictives en cause était «d’accroître le coût des actions de la Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine» (108), ce qui correspond au but repris dans le document de travail de la Commission.

182. De toute façon, un seul document, qualifié «de travail» et émanant d’une institution autre que celle qui a adopté l’acte en cause, ne saurait suffire pour étayer l’existence d’un détournement de pouvoir.

183. Ce moyen doit être donc rejeté.

g)      Sur le moyen d’invalidité tiré d’une contradiction alléguée entre la décision 2014/512 et le règlement n° 833/2014

184. Rosneft soutient qu’une contradiction existe entre le libellé de l’article 4, paragraphe 4, de la décision 2014/512 et celui de l’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement n° 833/2014. Alors que la première disposition ne donnerait aucune marge d’appréciation aux États membres à l’égard de l’interdiction de refuser des autorisations des contrats conclus avant le 1er août 2014, la seconde leur permettrait d’autoriser, et donc de refuser, l’exécution d’une obligation découlant de tels contrats.

185. Je rappelle que le règlement n° 833/2014 est un acte de l’Union adopté sur la base de l’article 215 TFUE qui permet au Conseil d’adopter «les mesures nécessaires», en l’occurrence des mesures restrictives, «[l]orsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité [UE], prévoit» l’interruption ou la réduction des relations économiques et financières avec un pays tiers ou la prise de mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales.

186. La Cour a jugé, à ce sujet que, «du fait de l’adoption d’[une décision PESC], [l’Union] est tenue de prendre, dans le cadre du traité [FUE], les mesures qu’impose cet acte» (109). Par conséquent, comme l’observe le gouvernement français, lorsqu’il adopte un règlement sur le fondement de l’article 215 TFUE, le Conseil est tenu par les termes de la décision PESC qui le précède.

187. Je ne partage pas la position du Conseil selon laquelle le règlement adopté sur la base de l’article 215 TFUE est indépendant de la décision PESC adoptée sur la base du titre V, chapitre 2, du traité UE et peut même la contredire.

188. Lors de l’audience, le Conseil s’est appuyé à cet égard sur le point 70 de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil (C‑548/09 P, EU:C:2011:735) où la Cour avait jugé que, «[q]uant à la nécessité d’inclure la position commune 2007/140 parmi les bases juridiques […] il suffit de constater qu’elle est contredite par le texte même de l’article 301 CE, qui prévoit la possibilité d’adopter des mesures communautaires lorsqu’une position commune ou une action commune adoptées en vertu des dispositions du traité UE, dans sa version antérieure au traité de Lisbonne, relatives à la PESC prévoient une action de la Communauté. Ce texte indique que la position commune ou l’action commune doivent exister pour que des mesures communautaires puissent être adoptées, mais non que ces mesures doivent être fondées sur cette position commune ou cette action commune» (110).

189. Or, précisément comme l’indique la Cour au passage souligné de son arrêt, le libellé de l’article 215 TFUE n’est pas le même que celui de l’article 301 CE qui se référait à l’hypothèse où «une position commune ou une action commune adoptées en vertu des dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune prévo[yaient] une action de la Communauté visant à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers».

190. Au contraire, en ce qui concerne les mesures restrictives accompagnant l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un pays tiers, comme celles prévues par l’article 4 de la décision 2014/512 (111), l’article 215, paragraphe 1, TFUE impose au Conseil d’adopter un règlement mettant en œuvre les mesures nécessaires (112).

191. Par conséquent, comme la décision 2014/512 introduisait des mesures restrictives pour rendre opérationnelle l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un pays tiers, cette décision devait figurer, avec l’article 215 TFUE, dans la base légale du règlement n° 833/2014, ce qui est d’ailleurs le cas (113).

192. Il en découle que les dispositions du règlement n° 833/2014 ne peuvent contredire les dispositions de la décision 2014/512 sans violer le principe de légalité que ce règlement, comme tout acte de l’Union, doit respecter.

193. En l’occurrence, les deux dispositions en cause ont un libellé différent. L’article 4, paragraphe 4, de la décision 2014/512 prévoit que l’interdiction d’accorder une autorisation de vente, de fourniture, de transfert ou d’exportation des équipements ou encore de fourniture de certains services visés aux paragraphes 1 et 2 de cet article «s’entend sans préjudice de l’exécution des contrats conclus avant le 1er août 2014» (114) alors que l’article 3, paragraphe 5, du règlement n° 833/2014 prévoit que «[l]es autorités compétentes peuvent toutefois accorder» (115) pareille autorisation lorsque la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation concerne l’exécution d’une obligation découlant d’un contrat conclu avant le 1er août 2014.

194. Autrement dit, la décision 2014/512 laisse inaffectés les contrats conclus avant le 1er août 2014 alors que le règlement n° 833/2014 permet aux autorités des États membres d’autoriser ou non une vente, une fourniture, un transfert ou une exportation en exécution d’une obligation qui découle d’un contrat conclu avant le 1er août 2014.

195. À mon avis, il y a là une contradiction irréconciliable entre les deux textes et, pour les raisons que j’ai données aux points 185 à 192 des présentes conclusions, je considère que l’article 3, paragraphe 5, second alinéa, du règlement n° 833/2014 est invalide.

h)      Sur le moyen d’invalidité tiré de la violation alléguée du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux de Rosneft

196. Rosneft fait valoir que les articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 7 ainsi que l’annexe III, de la décision 2014/512 de même que les articles 3, 3 bis, 4, paragraphes 3 et 4, 5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, 11, paragraphe 1, ainsi que les annexes II et VI, du règlement n° 833/2014 sont invalides, parce qu’ils sont disproportionnés par rapport à leur but déclaré et constituent une violation des articles 16 (liberté d’entreprise) et 17, paragraphe 1 (droit de propriété) de la Charte.

197. Se référant, en particulier, aux arrêts Bank Melli Iran/Conseil (EU:T:2009:401) et Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (EU:C:2013:776), Rosneft estime que les mesures adoptées par le Conseil ne sont ni nécessaires ni appropriées, puisqu’il n’existe pas de rapport raisonnable entre les moyens employés et le but visé par lesdites mesures.

198. Rosneft soutient que les articles 7, paragraphe 1, sous a), de la décision 2014/512 et 11, paragraphe 1, du règlement n° 833/2014 autorisent, à son égard, une confiscation d’avoirs et une ingérence dans des droits contractuels acquis, à savoir ses droits de propriété protégés par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Ces dispositions iraient au-delà de ce qui est nécessaire en prévoyant, en substance, que les parties contractantes non russes pourraient être libérées de toute obligation prévue par des contrats, conclus avec des entités désignées par ledit règlement, même lorsqu’il s’agirait d’une obligation de fournir toute une gamme d’équipements dont uniquement une petite partie porterait sur des technologies visées à l’annexe II dudit règlement.

199. Je ne partage pas ces arguments.

200. Tout comme les gouvernements du Royaume-Uni, estonien et français ainsi que le Conseil et la Commission, j’estime que l’ingérence décrite par Rosneft n’est que la conséquence inévitable de la décision du Conseil, d’une part, de réduire les relations économiques et financières avec la Fédération de Russie et, d’autre part, d’imposer des mesures restrictives à l’encontre de Rosneft.

201. Comme l’a indiqué la Cour au point 113 arrêt Bank Melli Iran/Conseil (C‑548/09 P, EU:C:2011:735), «les droits fondamentaux en cause dans la présente affaire ne sont pas des prérogatives absolues et […] leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par [l’Union]» (116).

202. À cet égard, la Cour a jugé aux points 22 et 23 de l’arrêt Bosphorus (C‑84/95, EU:C:1996:312) que «toute mesure de sanction comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles, causant ainsi des préjudices à des parties qui n’ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des sanctions» et qu’«[i]l y a lieu de relever ensuite que l’importance des objectifs poursuivis par la réglementation litigieuse est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs» (117).

203. En l’occurrence, les dispositions en cause visent précisément à limiter l’approvisionnement en équipements et en financement du secteur pétrolier russe en s’inscrivant ainsi dans un champ précisément délimité, qui n’a pas pour effet de frapper indistinctement l’ensemble des opérateurs économiques russes sans égard pour l’importance stratégique qui est la leur pour l’économie russe.

204. Ainsi, comme le relève le gouvernement français, au regard du contexte dans lequel les dispositions contestées ont été adoptées et de leur objectif visant à accroître le coût des actions de la Fédération de Russie en ciblant des secteurs stratégiques de l’économie russe, dont le secteur pétrolier, le Conseil a pu adopter les dispositions en cause sans dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.

205. Pour ces raisons, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question, sous a), de la manière suivante:

a)      l’examen de cette question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles

–        1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3,

–        7, et

–        l’annexe III, de la décision 2014/512,

ainsi que des articles

–        3, paragraphes 1 à 4, 5, premier et troisième alinéas, et 6 à 8

–        3 bis,

–        4, paragraphes 3 et 4,

–        5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3,

–        11, et

–        des annexes II et VI, du règlement n° 833/2014.

b)      L’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement n° 833/2014 est invalide.

C –    Sur la deuxième question, sous b)

206. Par sa deuxième question, sous b), la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la question de savoir si, dans l’hypothèse où les mesures restrictives contestées par Rosneft seraient valides, serait-il contraire aux principes de sécurité juridique et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa) qu’un État membre impose des sanctions pénales, sur le fondement de l’article 8 du règlement du n° 833/2014, avant que le champ d’application de l’infraction concernée ait été suffisamment précisé par la Cour.

1.      Sur la recevabilité

207. Selon le Conseil, cette question est irrecevable puisqu’elle concerne non pas la validité ou l’interprétation d’actes de l’Union, mais la validité d’une réglementation nationale à l’égard des principes de sécurité juridique et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa).

208. Le gouvernement du Royaume-Uni ainsi que le Conseil font également valoir que la question est hypothétique, puisqu’elle ne porte pas sur un cas concret d’application de sanctions pénales prévues par la réglementation du Royaume-Uni en cause, ce qui serait de toute façon impossible en ce qui concerne Rosneft, puisque les sanctions pénales pour avoir violé les dispositions de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014 ne visent que des personnes établies au Royaume-Uni.

209. Je ne partage pas ces arguments. À mon avis, il ressort clairement de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi ne pose pas à la Cour de questions de validité de la réglementation du Royaume-Uni adoptée en exécution de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 833/2014 (118) au regard des principes du droit national. Elle cherche en substance à savoir si les principes de sécurité juridique (119) et de précision de la loi applicable en matière pénale (article 49 de la Charte) doivent être interprétés d’une façon qui exclurait l’adoption de sanctions pénales, lorsque les termes qui décrivent l’infraction n’ont pas été suffisamment précisés par la Cour.

210. Je ne crois pas non plus que la deuxième question, sous b), soit hypothétique. D’une part, même si l’article 3 du règlement n° 833/2014 ne vise la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation qu’à partir du territoire des États membres (120), il me semble que les sanctions créées par l’ordonnance sur le contrôle des exportations (sanctions relatives à la Russie, Crimée et Sébastopol) de 2014 ne visent pas uniquement des personnes établies au Royaume-Uni ou dans l’Union (121). En effet, lors de l’audience, Rosneft a soutenu que, en cas de violation de mesures restrictives, sa responsabilité pénale pourrait être engagée en tant que complice, ce que le gouvernement du Royaume-Uni n’a pas contesté.

211. De toute façon, le fait que Rosneft ne puisse faire l’objet de ces sanctions ne rend pas la question hypothétique, étant donné qu’il ne ressort nullement de la demande de décision préjudicielle que Rosneft n’a pas le droit de contester les mesures adoptées par le gouvernement du Royaume-Uni conformément à l’article 8 du règlement n° 833/2014.

212. D’autre part, le fait que Rosneft n’ait pas encore fait l’objet d’une sanction pénale est sans incidence. En effet, comme la Cour l’a jugé au point 64 de l’arrêt Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163), «[s]i [une partie] était contrainte de s’exposer à des procédures administratives ou pénales à son encontre et aux sanctions qui peuvent en découler, comme seule voie de droit pour contester la conformité des dispositions nationales en cause avec le droit [de l’Union], cela ne suffirait pas pour lui assurer une telle protection juridictionnelle effective».

213. Il convient donc de répondre à cette question.

2.      Sur le fond

214. Selon Rosneft, les termes qui décrivent les infractions, et notamment les termes «eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres» (122), «schiste» (123), «aide financière» (124) et «valeurs mobilières […] émis[es] après le 12 septembre 2014» (125), n’atteignent pas le degré de précision et de certitude propre aux sanctions pénales. Par conséquent, elle estime qu’il serait contraire aux principes de sécurité juridique et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa) qu’un État membre impose des sanctions pénales sur le fondement de l’article 8 du règlement n° 833/2014, sans ou avant que la Cour ait donné une interprétation uniforme à ces termes.

215. À l’instar de la juridiction de renvoi, je considère que les termes en cause ont indéniablement une large portée mais je doute qu’, au bout du compte, les ambigüités inhérentes à ces termes soient suffisantes pour générer une insécurité juridique.

216. Comme la Cour l’a jugé au point 217 de l’arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408), «le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) […] ne saurait être interprété[] comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale».

217. Poursuivant son raisonnement, la Cour a ainsi jugé que «la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte» (126).

218. Il ressort de cet arrêt que la seule existence de différentes interprétations possibles d’une disposition pénale ne la rend pas automatiquement contraire aux principes de sécurité juridique et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa). En effet, il existe beaucoup de dispositions pénales dont les termes ne sont pas d’emblée susceptibles d’une seule interprétation.

219. Comme l’ont relevé le Trésor de Sa Majesté et le ministre des Entreprises, de l’Innovation et des Compétences devant la juridiction de renvoi, dans le cas où il existe de véritables doutes quant à l’interprétation à donner à un de termes en cause, «il serait toujours loisible à l’entreprise affectée de demander des précisions aux autorités répressives et de prévenir ainsi tout risque de poursuites pour des violations en principe involontaires des dispositions en cause» (127).

220. Je relève à cet égard que les États membres sont tenus, conformément à l’article 19 TUE, de mettre en place les voies de recours nécessaires pour permettre aux opérateurs économiques de contester l’interprétation donnée par les autorités des États membres aux termes de la décision 2014/512 et du règlement n° 833/2014.

221. Ces juridictions pourraient alors soumettre des demandes de décision préjudicielle, conformément à l’article 267 TFUE, chaque fois qu’elles estiment que les termes du règlement n° 833/2014 et de la décision 2014/512 (dans la mesure où la Cour serait compétente) ne sont pas suffisamment clairs, comme l’a fait d’ailleurs la juridiction de renvoi par sa troisième question, qui concerne précisément l’interprétation de termes visés par la deuxième question, sous b).

222. Je propose donc à la Cour de répondre à la deuxième question, sous b), que les principes de sécurité juridique et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa) n’excluent pas qu’un État membre impose des sanctions pénales, sur le fondement de l’article 8 du règlement n° 833/2014, avant que le sens des termes utilisés par ce règlement pour définir le champ d’application de l’infraction concernée ait été suffisamment précisé par la Cour.

D –    Sur la troisième question, sous a)

223. Par sa troisième question, sous a), la juridiction de renvoi interroge la Cour afin de savoir si le terme «aide financière» utilisé par l’article 4, paragraphe 3, point b), du règlement n° 833/2014 inclut le traitement de paiements par une banque ou un organisme financier.

224. Selon Rosneft, les termes «financièrement et aide financière» devraient être lus conjointement et compris comme signifiant la fourniture d’un financement et de services connexes, ce qui n’inclurait pas le traitement de paiements, thèse à laquelle s’oppose le ministre des Entreprises, de l’Innovation et des Compétences, selon lequel le traitement de paiements constitue une aide financière au sens de l’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 833/2014.

225. Comme le relève la juridiction de renvoi, cette question est d’une importance particulière parce qu’il ressort des preuves qui lui ont été soumises que ces termes font l’objet d’interprétations différentes des autorités compétentes des États membres.

226. En effet, il ressort des observations écrites déposées dans le cadre de la présente procédure que le gouvernement estonien ainsi que la Commission (128) partagent l’interprétation de ces termes faite par le gouvernement du Royaume-Uni, alors que le gouvernement allemand soutient l’interprétation proposée par Rosneft. Quant à lui, le gouvernement français estime que le traitement de paiements est inclus dans la notion d’ «aide financière», à condition que de tels paiements procèdent au transfert par l’établissement financier d’une ressource nouvelle à leurs destinataires.

227. Je signale en outre que les termes en cause sont utilisés par plusieurs règlements infligeant des mesures restrictives. Par conséquent, la décision de la Cour pourrait avoir des conséquences qui dépasseront les limites de la présente affaire (129).

228. À mon avis, la réponse à la question ne peut être catégoriquement négative ou affirmative.

229. Je relève d’abord que, selon le libellé de la disposition en cause, sont soumis à une autorisation préalable «le financement ou l’aide financière en rapport avec les articles visés à l’annexe II, y compris notamment des subventions, des prêts et une assurance-crédit à l’exportation, pour toute vente, toute fourniture, tout transfert ou toute exportation de ces articles, ou pour toute fourniture d’une assistance technique y afférente».

230. Ce libellé implique, comme l’observe le gouvernement du Royaume-Uni, que l’aide financière est une alternative au financement et non un synonyme ou une notion incorporée à celle de financement. Par conséquent, la notion d’aide financière doit nécessairement englober des activités au-delà de celles incluses dans la notion de financement.

231. Le libellé de la disposition en cause offre par ailleurs quelques exemples de ce qu’il entend par «financement ou aide financière», à savoir «des subventions, des prêts et une assurance-crédit à l’exportation». Toutefois, cette liste est précédée des termes «y compris», ce qui indique que d’autres opérations sont visées, sans que le traitement de paiements soit expressément mentionné.

232. Je relève à cet égard que, dans sa note d’orientation du 16 décembre 2014 relative à la mise en œuvre de certaines dispositions du règlement (UE) n° 833/2014 (130), la Commission a précisé que «les services de paiement et l’émission de lettres de garantie/de crédit constituent une aide financière et sont interdits lorsqu’ils sont liés à une opération commerciale interdite en vertu de l’article 2» (131).

233. La Commission a également précisé que «[l]es banques agissant au nom d’un client ou pour le bénéfice de celui-ci ont une obligation de vigilance à l’égard des paiements effectués par leurs clients et doivent s’opposer à tout paiement effectué en violation du règlement. En ce qui concerne les banques agissant en tant que correspondant bancaire, elles doivent s’opposer à tout paiement s’il existe des informations indiquant qu’il y a violation du règlement» (132).

234. Le but de la disposition est cause est donc d’interdire toute assistance de nature financière à une transaction interdite par les articles 4, paragraphe 4 et 3, paragraphe 5, du règlement n° 833/2014, à savoir la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation des articles énumérés à l’annexe II s’il y a des motifs raisonnables de croire que cette vente, cette fourniture, ce transfert ou cette exportation concerne des articles destinés à une des catégories de projets d’exploration et de production pétrolière visées à l’article 3, au paragraphe 3, de ce règlement.

235. Comme je l’ai expliqué aux points 126 à 131 des présentes conclusions, les transactions visées et interdites par l’article 3, paragraphe 5, du règlement n° 833/2014 sont celles qui se font à partir du territoire des États membres.

236. Si le règlement n° 833/2014 n’empêche pas le transit sur le territoire de l’Union des articles énumérés à l’annexe II à partir de pays tiers et à destination de la Fédération de Russie, il s’ensuit que le traitement de paiements pour ces transactions ne tombe pas dans la notion d’«aide financière» au sens de l’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 833/2014.

237. Je renvoie à cet égard au considérant 5 de ce règlement qui, bien qu’il concerne les restrictions d’accès au marché des capitaux à certains établissements financiers imposées par l’article 5, il précise que «[l]es autres services financiers tels que […] les services de paiement […] ne sont pas visés par le présent règlement».

238. En revanche, les traitements de paiements pour la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation des articles énumérés à l’annexe II, à partir du territoire de l’Union, sont soumis à l’obligation de demande d’autorisation, afin que les autorités compétentes des États membres puissent vérifier si le paiement en cause et la transaction sous-jacente concernent les trois cas de figure énumérés à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 833/2014. Ce n’est que si les articles en cause sont destinés à une utilisation en Russie conforme à ces trois cas de figure que les autorités compétentes sont obligées de refuser l’autorisation.

239. Pour ces raisons, je propose à la Cour de répondre à la troisième question, sous a), que le terme «aide financière» figurant à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 833/2014 inclut le traitement par une banque ou un autre organisme financier d’un paiement dont la transaction sous-jacente est visée par l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement.

E –    Sur la troisième question, sous b)

240. Par sa troisième question, sous b), la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 833/2014 interdit l’émission, à partir du 12 septembre 2014, de GDR (133) en vertu d’un accord de dépôt avec une des entités énumérées à l’annexe VI, ou toute autre transaction portant sur ceux-ci, lorsqu’ils sont représentatifs d’actions d’une de ces entités qui ont été émises avant cette date.

241. Rosneft soutient que l’interdiction d’émission de GDR à partir du 12 septembre 2014 n’inclut pas les GDR dont les actions sous-jacentes ont été émises avant le 12 septembre 2014. À cette interprétation s’oppose la FCA qui considère que l’interdiction s’applique à partir de cette date indépendamment de la date d’émission des actions sous-jacentes, position que partage également la juridiction de renvoi.

242. À mon avis, il ressort très clairement du libellé de la disposition en cause que l’émission de GDR est interdite à partir du 12 septembre 2014 indépendamment de la date de l’émission des actions sous-jacentes.

243. Selon l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 833/2014, «[s]ont interdites les opérations, directes ou indirectes, d’achat, de vente, de prestation de services d’investissement ou d’aide à l’émission, de valeurs mobilières […] dont l’échéance est supérieure à 30 jours, émis après le 12 septembre 2014».

244. Le terme «valeurs mobilières» est défini à l’article 1er, sous f), i), comme «les actions de sociétés et autres titres équivalents à des actions de sociétés, de sociétés de type partnership ou d’autres entités ainsi que les certificats de titres en dépôt représentatifs d’actions» (134).

245. Comme il n’y a rien dans le libellé de ces dispositions qui précise une date limite concernant les actions sous-jacentes, il est clair que l’interdiction d’émission de GDR s’applique indépendamment de la date d’émission des actions sous-jacentes (135).

246. Cela me paraît d’ailleurs normal étant donné que, comme l’observe la FCA, les GDR sont des instruments de placement certes liés aux actions d’une société mais cotés à la bourse et négociés de manière séparée des actions qu’ils représentent. En ce sens, les GDR permettent à des sociétés des pays tiers d’avoir accès aux marchés de capitaux de l’Union et d’y mobiliser des capitaux sans nécessairement remplir les critères et les conditions exigés pour coter leurs actions en bourse dans ces marchés.

247. Il est également important de noter que, selon la FCA, les GDR actuellement émis sur les actions de Rosneft ne représentent que 7,5 % de son capital total en actions, alors que le montant plafond déjà autorisé par la FCA pour son inscription à la cote et l’admission à la négociation permettrait d’échanger jusqu’à environ 90 % de son capital en GDR.

248. Cela implique que, si la thèse de Rosneft était admise, la mesure restrictive introduite par la disposition en cause serait vidée de son contenu, étant donné que la majorité des actions de Rosneft ont été émises avant le 12 septembre 2014 et que Rosneft pourrait continuer à les convertir librement en GDR.

249. Pour ces raisons, je propose à la Cour de répondre à la troisième question, sous b), que l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 833/2014 interdit l’émission de GDR sur des actions des entités énumérées à l’annexe VI à partir du 12 septembre 2014 indépendamment de la date d’émission de ces actions.

F –    Sur la troisième question, sous c)

250. Par sa troisième question, sous c), la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la définition à donner au terme «schiste» figurant aux articles 3, paragraphe 3, et 3 bis, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 833/2014, ainsi que sur la question de savoir si les termes «eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres» figurant aux articles 3, paragraphe 3, et 3 bis, paragraphe 1, sous a), de ce règlement doivent être interprétés en ce sens que la mesure des 150 mètres doit être prise au point de forage ou ailleurs.

1.      Sur la notion des «eaux de profondeur supérieure à 150 mètres»

251. Comme je l’ai évoqué au point 214 des présentes conclusions et à la note en bas de page 122, il existe de vastes zones d’eaux où la profondeur de l’eau varie considérablement, de sorte que, à certains endroits les eaux sont d’une profondeur supérieure à 150 mètres, alors que, ailleurs, elles sont d’une profondeur inférieure à 150 mètres. Selon Rosneft, le règlement n° 833/2014 n’identifie pas le point à partir duquel les 150 mètres doivent être mesurés ni ne précise s’il est interdit de forer verticalement à un point où la profondeur des eaux est inférieure à 150 mètres puis de forer vers l’extérieur vers un point qui est situé dans la roche se trouvant dans des eaux dont la profondeur est supérieure à 150 mètres.

252. Je relève qu’il existe une convergence d’opinion entre Rosneft, les gouvernements du Royaume-Uni, français et la Commission (136) quant à l’interprétation à donner à ces termes, en ce qu’ils sont tous d’avis que la mesure de la profondeur doit être prise au point de forage pétrolier.

253. Je partage aussi cette interprétation qui me semble logique.

254. Comme la Commission, je considère que la mesure de 150 mètres doit être prise de façon verticale, ce qui exclut qu’une entreprise puisse forer en diagonale d’un point où la profondeur des eaux est égale ou inférieure à 150 mètres vers un champ pétrolier se trouvant sous des eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres.

255. Est aussi exclu un forage vertical à un point où la profondeur des eaux est inférieure à 150 mètres suivi d’un forage vers l’extérieur en direction d’un champ pétrolier situé sous des eaux dont la profondeur est supérieure à 150 mètres.

256. Si le contraire était permis, sous réserve que la technique et la rentabilité le permettent, la mesure restrictive pourrait être contournée.

257. De plus, Rosneft, le gouvernement français et la Commission (le gouvernement du Royaume-Uni ne prenant pas de position à cet égard) sont d’avis que le critère des 150 mètres doit s’appliquer à l’emplacement du forage lui-même et non au périmètre du champ pétrolier qui fait l’objet du forage.

258. Cela implique le forage d’un champ pétrolier qui se trouve partiellement sous des eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres et partiellement sous des eaux d’une profondeur inférieure à 150 mètres n’est pas visé par les articles 3, paragraphe 3, et 3 bis, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 833/2014, pour autant qu’il est fait à un point où la profondeur des eaux est égale ou inférieure à 150 mètres.

259. Je partage également cette interprétation.

2.      Sur la notion de «schiste»

260. L’interprétation de la notion de «schiste» s’avère plus compliquée.

261. Le gouvernement du Royaume-Uni estime que la Cour n’est pas en mesure d’entreprendre un examen des preuves scientifiques et géologiques, alors que le gouvernement français considère que cette notion correspond à une notion géologique précise qui ne nécessite pas d’interprétation de la part de la Cour.

262. En revanche, Rosneft et la Commission offrent leurs propres interprétations quant à la notion du «schiste» qui sont diamétralement opposées.

263. Sur le fondement du témoignage de son expert géologique, Rosneft propose de retenir comme définition du «schiste» les dépôts contenant du kérogène, composé principalement d’argile (dont la proportion de minéraux argileux dépasse 35 %) qui ne contiennent pas de pétrole fluide.

264. Selon la Commission, les dispositions en cause couvrent des projets susceptibles de produire du pétrole, indépendamment du fait que les ressources situées dans les formations de schiste soient du kérogène ou du pétrole brut, du moment que la fracturation hydraulique est appliquée.

265. Cette divergence d’interprétation prouve que, contrairement à la thèse du gouvernement français, la notion géologique de «schiste» donne lieu à débat. Par ailleurs, je pense comme le gouvernement du Royaume-Uni que la Cour n’est pas en mesure de donner des définitions scientifiques de termes géologiques, comme le schiste, notamment dans le cas où l’auteur de l’acte en cause, en l’occurrence le Conseil, n’a pas défini ce terme.

266. Sans donc vouloir donner une définition d’expert géologique à la notion du «schiste», je relève que, comme l’observe la Commission, le terme en cause figure dans la phrase «les projets susceptibles de produire du pétrole à partir de ressources situées dans des formations de schiste par fracturation hydraulique».

267. Je doute que cette phrase ne permette pas aux experts en la matière tant des entreprises concernées que des autorités compétentes des États membres de la mettre en œuvre. En effet, comme l’observe la juridiction de renvoi, «au moins dans l’immense majorité des cas, des experts du domaine concerné comprendraient les limites de ces définitions et […] les problèmes identifiés par [Rosneft] s’avèrent donc plus hypothétiques que réels, ou au moins interviennent aux marges des définitions» (137).

268. Il convient toutefois de souligner que, comme les mesures restrictives visent l’exploration et la production du pétrole en Russie, la définition à donner au terme «schiste» doit prendre en compte la nature de formations de schiste existant dans ce pays.

269. Par conséquent, je ne pense pas que le terme «schiste» soit susceptible d’une définition scientifique par la Cour ni, d’ailleurs, que cette définition soit indispensable à la mise en œuvre des articles en cause du règlement n° 833/2014.

270. Pour ces raisons, je propose à la Cour de répondre à la troisième question, sous c), que la mesure des «eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres» doit être prise verticalement du point de forage.

VI – Conclusion

271. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Divisional Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre divisionnaire)] de la manière suivante:

1)      Conformément aux articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275 TFUE, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel, en vertu de l’article 267 TFUE, sur la validité de la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, au regard de l’article 40 TUE ainsi que pour contrôler la légalité des articles 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, et 7 de cette décision.

2)      a)       L’examen de cette question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles

–        1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3,

–        7, et

–        l’annexe III, de la décision 2014/512,

ainsi que des articles

–        3, paragraphes 1 à 4, 5, premier et troisième alinéas, et 6 à 8,

–        3 bis,

–        4, paragraphes 3 et 4,

–        5, paragraphes 2, sous b) à d), et 3,

–        11, et

–        des annexes II et VI, du règlement (UE) n° 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.

L’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement n° 833/2014 est invalide.

b)       Les principes de sécurité juridique et de précision de la loi applicable (nulla poena sine lege certa) n’excluent pas qu’un État membre impose des sanctions pénales, sur le fondement de l’article 8 du règlement n° 833/2014, avant que les termes utilisés par ce règlement et qui définissent le champ d’application de l’infraction concernée aient été suffisamment précisés par la Cour.

3)      a)       Le terme «aide financière» figurant à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 833/2014 inclut le traitement par une banque ou un autre organisme financier d’un paiement dont la transaction sous-jacente est visée par l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement.

b)       L’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 833/2014 interdit l’émission de certificats internationaux représentatifs de titres sur des actions des entités énumérées à l’annexe VI à partir du 12 septembre 2014 indépendamment de la date d’émission de ces actions.

c)       La mesure des «eaux d’une profondeur supérieure à 150 mètres» au sens des articles 3, paragraphe 3, et 3 bis, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 833/2014 doit être prise verticalement du point de forage.


1 – Langue originale: le français.


2 – JO L 229, p. 13. Cette décision a été modifiée à plusieurs reprises. Étant donné que le litige au principal ne vise que les modifications apportées jusqu’au mois de décembre 2014, je me référerai dans les présentes conclusions à la version de la décision 2014/512 en vigueur au mois de décembre 2014, comportant les modifications apportées par les décisions 2014/659/PESC du Conseil, du 8 septembre 2014 (JO L 271, p. 54) et 2014/872/PESC du Conseil, du 4 décembre 2014, (JO L 349, p. 58).


3 – JO L 229, p. 1. Ce règlement a été modifié à plusieurs reprises. Étant donné que le litige au principal ne vise que les modifications apportées jusqu’au mois de décembre 2014, je me référerai dans les présentes conclusions à la version du règlement n° 833/2014 en vigueur au mois de décembre 2014, comportant les modifications apportées par les règlements (UE) n° 960/2014 du Conseil, du 8 septembre 2014, (JO L 271, p. 3) et n° 1290/2014 du Conseil, du 4 décembre 2014, (JO L 349, p. 20).


4 – JO L 327, p. 3. Cet accord a été approuvé au nom des Communautés par la décision 97/800/CECA, CE, Euratom du Conseil et de la Commission, du 30 octobre 1997, (JO L 327, p. 1).


5 – Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement sur l’Ukraine, Bruxelles, 6 mars 2014.


6 – JO L 78, p. 6.


7 – Il s’agit de l’affaire pendante NK Rosneft e.a./Conseil (T‑715/14).


8 – Voir règlements sur l’Ukraine (sanctions financières de l’Union européenne) (n°3) de 2014 [The Ukraine (European Union Financial Sanctions) (No. 3) Regulations 2014, SI 2014/2054], modifiés par la suite par les règlements sur l’Ukraine (sanctions financières de l’Union européenne) (n° 3) (Révision) de 2014 [The Ukraine (European Union Financial Sanctions) (No. 3) (Amendment) Regulations 2014, SI 2014/2445], et ordonnance sur le contrôle des exportations (sanctions relatives à la Russie, Crimée et Sébastopol) de 2014 [The Export Control (Russia, Crimea and Sevastopol Sanctions) Order 2014, SI 2014/2357], modifiée par la suite par l’ordonnance sur le contrôle des exportations (sanctions relatives à la Russie, Crimée et Sébastopol) (Révision) de 2014 [The Export Control (Russia, Crimea and Sevastopol Sanctions) (Amendment) Order 2014, SI 2014/2932].


9 – Il s’agit de valeurs mobilières transférables venant d’être émises sous la forme de certificats internationaux représentatifs de titres («Global Depository Receipts», ci-après les «GDR») qui portent sur des actions de Rosneft et sont inscrits sur la liste de cotation officielle et échangés à la bourse de Londres.


10 – Voir R (OJSC Rosneft Oil Company) v Her Majesty’s Treasury and ors [2015] EWHC 248 (Admin).


11 – Arrêt Elitaliana/Eulex Kosovo (C‑439/13 P, EU:C:2015:753, point 37). Voir également, en ce sens, arrêts Sahlstedt e.a./Commission (C‑362/06 P, EU:C:2009:243, point 22) et Commission/Chypre (C‑340/10, EU:C:2012:143, point 20).


12 – Voir prise de position de l’avocat général Kokott relative à l’avis 2/13 (EU:C:2014:2475, point 100).


13 – Cette légitimation passive du Parlement en matière de recours en annulation fut complétée par sa légitimation active, proclamée par l’arrêt Parlement/Conseil (C‑70/88, EU:C:1990:217). La Cour y a constaté que, si le texte du traité CEE ne rangeait pas le Parlement au nombre des institutions qui pouvaient former un recours en annulation, cela pouvait constituer «une lacune procédurale [qui] ne saurait prévaloir à l’encontre de l’intérêt fondamental qui s’attache au maintien et au respect de l’équilibre institutionnel défini par les traités constitutifs des Communautés européennes» (point 26).


14 – Arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 92). Voir également, en ce sens, arrêts Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 23); Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 40); Telefónica/Commission (C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 57); T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 45), ainsi que ordonnance Pesquerias Riveirenses e.a./Conseil (C‑164/14 P, EU:C:2015:111, point 40).


15 – La Cour n’a pas toutefois adopté la thèse très nette de l’avocat général Kokott, selon laquelle la Cour n’est pas compétente à statuer à titre préjudiciel sur la validité des actes relatifs à la PESC, ce qui permettrait aux juridictions des États membres, tout en ayant l’obligation d’appliquer le droit de l’Union, d’apprécier elles-mêmes la légalité de ce type d’actes et de ne pas les appliquer dans le cas où elles les jugeraient illégaux (voir points 82 à 103 de la prise de position de l’avocat général Kokott relative à l’avis 2/13, EU:C:2014:2475).


16 – Arrêt Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 70). Voir également, en ce sens, arrêt Elitaliana/Eulex Kosovo (C‑439/13 P, EU:C:2015:753, point 42).


17 – C’est moi qui souligne.


18 – C’est moi qui souligne.


19 – Arrêt Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 72).


20 – C’est moi qui souligne.


21 – Voir arrêts Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 99, lequel renvoie aux points 36 à 38 de l’arrêt Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil (T‑509/10, EU:T:2012:201); Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 73), ainsi que National Iranian Oil Company/Conseil (T‑578/12, EU:T:2014:678, point 35), confirmé par l’arrêt National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128).


22 – JO L 134, p. 1.


23 – Voir arrêt Peftiev (C‑314/13, EU:C:2014:1645).


24 – JO L 42, p. 92.


25 – JO L 310, p. 10.


26 – Dans le droit de plusieurs États membres, les questions liées à l’exercice de la politique étrangère menée par le gouvernement ne sont pas soumises au contrôle juridictionnel selon la théorie dite des actes de gouvernement [voir, notamment, Conseil d’État (France), 19 février 1875, Prince Napoléon, Recueil Lebon, p. 155] ou la doctrine de «justiciability» [voir, notamment, R (Abbasi and anor) v Secretary of State for Foreign & Commonwealth Affairs and anor [2002] EWCA Civ 1598, paragraphes 99 et 106 (Court of Appeal [England & Wales] [Civil Division] [cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni]).


27 – Point 16. Voir également, en ce sens, arrêts Commission/Conseil (C‑176/03, EU:C:2005:542, point 39); Commission/Conseil (C‑440/05, EU:C:2007:625, point 53), ainsi que Commission/Conseil (C‑91/05, EU:C:2008:288, point 33).


28 – Voir arrêts Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, EU:C:2007:115, point 54) et Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, EU:C:2007:116, point 54).


29 – Voir arrêts Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, EU:C:2007:115, point 53) et Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, EU:C:2007:116, point 53).


30 – C’est moi qui souligne.


31 – Arrêt Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 16). C’est moi qui souligne. Voir également, en ce sens, arrêts Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 23); Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 40); Gaston Schul Douane-expediteur (C‑461/03, EU:C:2005:742, point 22); Reynolds Tobacco e.a./Commission (C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 80); Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 54); A (EU:C:2014:2195, point 41), ainsi que Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 62).


32 – L’arrêt Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452) est fondé sur le fait que «[l]’article [263] attribu[e] la compétence exclusive à la Cour pour annuler un acte d’une institution [de l’Union]» (arrêt Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 17). C’est moi qui souligne. Voir également, en ce sens, arrêts Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 53); Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 54); Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 53); A (EU:C:2014:2195, point 41), ainsi que Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 62). Ce principe doit s’appliquer à tout acte de l’Union qui relève soit de la clause générale de compétence de la Cour (voir points 36 à 38 des présentes conclusions), soit de la clause de «claw-back». Si, en revanche, une procédure vise un acte relatif à la PESC qui relève de la clause de «carve-out» mais pas de la clause de «claw-back», le contrôle de sa légalité relèvera non pas de la compétence de la Cour mais des juridictions des États membres, à qui il incombera d’assurer aux justiciables une protection juridictionnelle effective, conformément à l’article 19 TUE. En effet, comme le prévoient les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, premier alinéa, TFUE, c’est alors «[l]a Cour de justice de l’Union européenne [qui] n’est pas compétente» et non les juridictions des États membres.


33 – Voir arrêts Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 70) et Elitaliana/Eulex Kosovo (C‑439/13 P, EU:C:2015:753, point 42).


34 – En effet, il n’est pas possible que le second alinéa de l’article 275 TFUE rétablisse la compétence des juridictions de l’Union pour des questions qui n’ont pas d’abord été exclues de leur compétence par le premier alinéa de cet article.


35 – Voir, en ce sens, Lenaerts, K., Maselis, I. et Gutman, K., EU Procedural Law, Oxford University Press, 2014, paragraphe 6.05.


36 – J’ajoute que la présente affaire ne concerne que la compétence de la Cour de statuer, à titre préjudiciel, sur la validité et l’interprétation des actes PESC, les recours en manquement ainsi qu’en indemnité qui ciblent un acte PESC étant couverts par la clause de «carve-out» des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, premier alinéa, TFUE et non par la clause de «claw-back-» des articles 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et 275, second alinéa, TFUE.


37 – Point 100 de la prise de position. Au point 101, elle a ajouté qu’«[i]l est sans doute regrettable du point de vue de l’intégration politique que, pour les questions relevant de la PESC, la Cour n’ait aucune compétence préjudicielle et ne dispose pas de son monopole de juridiction sur la validité des actes juridiques des institutions au sens de l’arrêt Foto‑Frost (EU:C:1987:452) parce que cette privation de compétence ne permet pas de garantir une interprétation et une application uniformes du droit de l’Union dans le cadre de la PESC».


38 – Voir article 21, paragraphe 1, TUE.


39 – L’article 215, paragraphe 1, TFUE implique que l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs états tiers prévue par une décision PESC soit suivie de l’adoption d’un acte du Conseil pris sur la base du même article 215 TFUE, autrement dit d’une intervention de ce qui était, avant le traité de Lisbonne, «le pilier communautaire». En effet, cette disposition utilise l’indicatif: «le Conseil […] adopte les mesures nécessaires».


40 – C’est moi qui souligne.


41 – C’est moi qui souligne.


42 – Arrêt Busseni (C‑221/88, EU:C:1990:84, point 14).


43 – Arrêt Busseni (C‑221/88, EU:C:1990:84, point 16).


44 – Comme l’indique l’intitulé de ladite décision.


45 – Les articles 4 et 4 bis de la décision 2014/512 visent le secteur pétrolier russe en ce qu’ils prévoient un régime d’autorisation préalable pour la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation, directement ou indirectement, par des ressortissants des États membres ou depuis le territoire des États membres, de certains équipements destinés essentiellement à l’exploration et la production de pétrole en Fédération de Russie ainsi que l’interdiction de fourniture directe ou indirecte par des ressortissants des États membres ou depuis le territoire des États membres de services connexes nécessaires à l’exploration et la production de pétrole en Fédération de Russie.


46 – L’article 1er, paragraphes 2, sous b) à d), et 3, de la décision 2014/512 prévoit une interdiction générale, applicable à tous les établissements financiers de l’Union, de prester une série de services relatifs au marché des capitaux au bénéfice d’entités établies en Russie et énumérées à l’annexe III, où figure nommément Rosneft.


47 – L’article 7 de la décision 2014/512 prévoit une clause de non-indemnisation des opérateurs économiques, qui au paragraphe 1, sous a) cible, entre autres, les entités énumérées à l’annexe III, où figure nommément Rosneft.


48 – Arrêt Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 56). Voir également, en ce sens, arrêts Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 241 à 244) ainsi que Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 99) qui renvoie aux points 36 à 38 de l’arrêt Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil (T‑509/10, EU:T:2012:201).


49 – Arrêt Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 57).


50 – JO L 195, p. 39.


51 – «[L]es mesures d’interdiction arrêtées par l’article 4 de la décision 2010/413 sont des mesures de nature générale, leur champ d’application étant déterminé par référence à des critères objectifs, et non pas par référence à des personnes physiques ou morales identifiées. Par conséquent, ainsi que le font valoir le Conseil et la Commission, l’article 4 de la décision 2010/413 n’est pas une décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE» (point 37).


52 – «1.Sont interdits la vente et la fourniture, ainsi que le transfert, par les ressortissants des États membres ou depuis le territoire des États membres, ou au moyen de navires ou d’aéronefs relevant de la juridiction d’États membres, d’équipements et de technologies essentiels destinés aux grands secteurs ci-après de l’industrie iranienne du pétrole et du gaz naturel, ou à des entreprises iraniennes ou appartenant à l’Iran qui ont des activités dans ces secteurs en dehors de l’Iran, qu’ils proviennent ou non de leur territoire:


      a) raffinage;


      b) gaz naturel liquéfié;


      c) exploration;


      d) production.


      L’Union prend les mesures nécessaires afin de déterminer à quels articles la présente disposition devrait s’appliquer.


      2      Il est interdit de fournir aux entreprises d'Iran qui ont des activités dans les grands secteurs de l’industrie pétrolière et gazière iranienne visés au paragraphe 1 ou aux entreprises iraniennes ou appartenant à l’Iran qui ont des activités dans ces secteurs en dehors de l’Iran:


      a) une assistance ou une formation technique et d’autres services en rapport avec des équipements et des technologies essentielles telles que définies conformément au paragraphe 1;


      b) un financement ou une aide financière pour toute vente, toute fourniture, tout transfert ou toute exportation d’équipements et de technologies essentiels tels que définis conformément au paragraphe 1 ou pour la fourniture d’une assistance ou formation technique y afférente.


      3.      Il est interdit de participer, sciemment ou volontairement, à des activités ayant pour objet ou pour effet de contourner les interdictions visées aux paragraphes 1 et 2.»


53 – Il s’agit du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1).


54 – Voir, également, points 36 à 38 de l’arrêt Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil (T‑509/10, EU:T:2012:201) où le Tribunal a considéré que la mesure en cause n’était pas une mesure restrictive à l’encontre d’une personne puisque elle n’énumérait aucune entité ciblée.


55 – Il serait par ailleurs impossible d’interpréter les articles 24, paragraphe 1, second alinéa, troisième phrase, et 31, paragraphe 1, TUE comme rendant obligatoire l’adoption, par la voie de la procédure législative, de mesures restrictives prévoyant l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, qui sont par définition des mesures de portée générale s’appliquant à des situations déterminées objectivement et à une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite parce qu’une telle interprétation serait explicitement contraire au libellé de l’article 215, paragraphe 1, TFUE, qui prévoit que «le Conseil statu[e] à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission [et] en informe le Parlement», ce qui n’est ni une procédure législative ordinaire ni une procédure législative spéciale.


56 –      Cela résulte de la description de l’article 215 TFUE comme «une passerelle […] établie entre les actions de [l’Union] comportant des mesures économiques […] et les objectifs du traité UE» (arrêt Parlement/Conseil C‑130/10, EU:C:2012:472, point 59). Les actes PESC qui traversent cette «passerelle» deviennent des mesures subordonnées au respect du traité FUE.


57 – Voir arrêts Sison/Conseil (C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 33) et Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 120).


58 – Voir arrêts Haegeman (181/73, EU:C:1974:41, points 3 à 6) concernant l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Grèce, signé à Athènes le 9 juillet 1961, conclu au nom de la Communauté par la décision 63/106/CEE du Conseil, du 25 septembre 1961, (JO L 26, p. 293); Demirel (12/86, EU:C:1987:400, point 7) concernant l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, signé à Ankara le 12 septembre 1963, conclu au nom de la Communauté par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963, (JO 1964, L 217, p. 3685); Andersson et Wåkerås-Andersson (C‑321/97, EU:C:1999:307, points 26 et 27); Ospelt et Schlössle Weissenberg (C‑452/01, EU:C:2003:493, point 27), ainsi qu’Établissements Rimbaud (C‑72/09, EU:C:2010:645, point 19) concernant l’accord sur l’Espace économique européen, signé le 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3) et approuvé par la décision 94/1/CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993, relative à la conclusion de l’accord sur l’Espace économique européen entre les Communautés européennes, leurs États membres et la République d’Autriche, la République de Finlande, la République d’Islande, la principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège, le Royaume de Suède et la Confédération suisse (JO 1994, L 1, p. 1). Voir, également, points 32 à 35 de mes conclusions dans l’affaire SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:52).


59 – Voir également, en ce sens, arrêt Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht (C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 54) et jurisprudence citée.


60 – Arrêt Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 38). Voir également, en ce sens, arrêts Portugal/Conseil (C‑149/96, EU:C:1999:574, point 47); Van Parys (C‑377/02, EU:C:2005:121, point 39), ainsi que LVP (C‑306/13, EU:C:2014:2465, point 44).


61 – En effet, au point 39 de l’arrêt Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494), la Cour a expliqué son raisonnement selon lequel les accords OMC ne font pas partie des normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée («le fait d’admettre que la tâche d’assurer la conformité du droit de l’Union avec les règles de l’OMC incombe directement au juge de l’Union reviendrait à priver les organes législatifs ou exécutifs de l’Union de la marge de manœuvre dont jouissent les organes similaires des partenaires commerciaux de l’Union. Il est en effet constant que certaines des parties contractantes, dont les partenaires les plus importants de l’Union du point de vue commercial, ont précisément tiré, à la lumière de l’objet et du but des accords OMC, la conséquence que ceux-ci ne figurent pas parmi les normes au regard desquelles leurs organes juridictionnels contrôlent la légalité de leurs règles de droit interne. Une telle absence de réciprocité, si elle était admise, risquerait d’aboutir à un déséquilibre dans l’application des règles de l’OMC»).


62 – L’article I:1 du GATT définit le traitement général de la nation la plus favorisée de la manière suivante: «[t]ous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes. Cette disposition concerne les droits de douane et les impositions de toute nature perçus à l’importation ou à l’exportation ou à l’occasion de l’importation ou de l’exportation, ainsi que ceux qui frappent les transferts internationaux de fonds effectués en règlement des importations ou des exportations, le mode de perception de ces droits et impositions, l’ensemble de la réglementation et des formalités afférentes aux importations ou aux exportations ainsi que toutes les questions qui font l’objet des paragraphes 2 et 4 de l’article III».


63 – Voir points 20 à 29 de l’arrêt Simutenkov (C‑265/03, EU:C:2005:213).


64 – Voir point 79 mes conclusions dans l’affaire SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:52).


65 – Par transit, on entend le passage à travers le territoire d’un État, qu’il s’effectue ou non avec transbordement, entreposage, rupture de charge ou changement dans le mode de transport, qui ne constitue qu’une fraction d’un voyage complet commençant et se terminant au-delà des frontières de cet État sur le territoire duquel il a lieu. Voir, en ce sens, article V:1 du GATT.


66 – Article 3, paragraphe 2, du règlement n° 833/2014. C’est moi qui souligne.


67 – Article 3, paragraphe 4, du règlement n° 833/2014. C’est moi qui souligne.


68 – Disponible sur le site Internet de la United Nations Statistics Division (http://unstats.un.org/unsd/cr/registry/regcs.asp?Cl=9&Lg=1&Co=8672). Le numéro CPC («central product classification») est une référence au système international de classifications de produits sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU).


69 – Disponible sur le site Internet de la United Nations Statistics Division (http://unstats.un.org/unsd/cr/registry/regcs.asp?Cl=9&Lg=1&Co=8676).


70 – Les seuls services mentionnés au CPC 86761 qui pourraient être pertinents sont «les services d’essais et d’analyses des propriétés chimiques et biologiques de matières telles que […] les carburants». Cependant, les services de forage, d’essais de puits, de diagraphie et de complétion et la fourniture d’unités flottantes n’en font pas partie.


71 – Voir articles 1er, paragraphe 2, sous b) à d), de la décision 2014/512 et 5, paragraphe 2, sous b) à d), du règlement n° 833/2014


72 – Voir articles 1er, paragraphe 3, de la décision 2014/512 et 5, paragraphe 3, du règlement n° 833/2014.


73 – Cette affaire concernait aussi des restrictions à la libre circulation des capitaux contraires à l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République tunisienne d’autre part, signé à Bruxelles le 17 juillet 1995 et approuvé au nom de la Communauté européenne et de la Communauté européenne du charbon et de l’acier par la décision 98/238/CE, CECA du Conseil et de la Commission, du 26 janvier 1998 (JO L 97, p. 1), et à l’accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République libanaise, d’autre part, signé à Luxembourg le 17 juin 2002 et approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2006/356/CE du Conseil, du 14 février 2006 (JO L 143, p. 1).


74 – Considérant 8 de la décision 2014/512.


75 – Considérant 2 du règlement n° 833/2014.


76 – Considérant 2 du règlement n° 833/2014.


77 – Voir site Internet de Rosneft (http://www.rosneft.com/about/).


78 – Considérant 2 du règlement n° 833/2014.


79 – La version française, soutenue par la version roumaine, se réfère au «cas de guerre ou de grave tension internationale menaçant de déboucher sur un conflit armé» alors que la version anglaise, soutenue par toutes les autres versions linguistiques ainsi que la version russe, se réfère au «time of war or serious international tension constituting threat of war». C’est moi qui souligne.


80 – Considérant 1 de la décision 2014/512. À l’audience, le Conseil a évoqué l’accord d’association que l’Union avait signé avec l’Ukraine en 2014 ainsi que le fait que l’Ukraine faisait partie de la Politique européenne de voisinage. Le Conseil a souligné que la tension internationale menaçant de déboucher sur un conflit armé ne devait pas nécessairement toucher le seul territoire de l’Union. Il était par ailleurs clairement établi qu’un conflit armé se déroulait sur le territoire d’un État voisin de l’Union.


81 – Considérant 5 de la décision 2014/512.


82 – Considérant 1 du règlement n° 833/2014.


83 – Voir résolution 2166(2014) adoptée par Conseil de sécurité de l’ONU disponible sur le site Internet du Conseil de Sécurité de l’ONU (http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_res_2166.pdf).


84 – Il s’agit des projets de résolution S/2014/189 et S/2015/562 disponibles sur le site Internet du Conseil de sécurité de l’ONU (http://www.securitycouncilreport.org/un-documents/ukraine/).


85 – «Il est donc jugé approprié d’appliquer des mesures restrictives supplémentaires dans le but d’accroître le coût des actions de la Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise».


86 – «Il convient également d’appliquer des restrictions à la vente, à la fourniture, au transfert ou à l’exportation, directe ou indirecte, de certaines technologies pour l’industrie pétrolière en Russie, sous la forme d’une obligation d’autorisation préalable».


87 – Voir note en bas de page 85.


88 – «Il y a également lieu d’appliquer des restrictions d’accès au marché des capitaux à certains établissements financiers, à l’exception des établissements basés en Russie et bénéficiant d’un statut international en vertu d’un accord intergouvernemental, et dont la Russie est l’un des actionnaires.».


89 – Voir point 147 des présentes conclusions. J’ajoute que, selon ses comptes annuels pour l’année 2013, Rosneft a versé à ses actionnaires de dividendes à hauteur de 85 milliards de roubles russes et a payé en Russie plus d’1 milliard de roubles russes à titre d’impôts autres que l’impôt sur le revenu (voir site Internet de Rosneft, http://www.rosneft.com/attach/0/02/90/Rosneft_FS_2013_ENG_SIGNED_FINAL.pdf).


90 – Voir article 5, paragraphe 2, sous b), et annexe VI du règlement n° 833/2014.


91 – Selon le président Vladimir V. Poutine, les recettes apportées au budget de la Fédération de Russie par l’industrie du pétrole en 2013 ont été d’environ 191 à 194 milliards de dollars US (voir http://rbth.com/news/2014/04/17/russia_had_revenues_of_191-194_bln_from_oil_28_bln_from_gas_in_2013_-_pu_35970.html).


92 – Considérant 2 du règlement n° 833/2014. C’est moi qui souligne.


93 – Voir points 82 à 85 des présentes conclusions.


94 – JO L 145, p. 43.


95 – Si, en règle générale, dans les systèmes de code civil, chaque partie a la charge d’apporter ses propres preuves, les systèmes de «common law» permettent aux parties d’adresser l’une à l’autre, sous le contrôle du juge, de demandes de production de documents («request for document production»).


96 – Par exemple, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement permet aux institutions de l’Union de refuser l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public, en ce qui concerne les relations internationales (ce qui correspond à la notion de «Crown privilege» ou «public-interest immunity»). En revanche, une procédure de «document discovery» pourrait mener à ce qu’une juridiction ordonne la production d’un document relevant de cette catégorie sous peine de confidentialité, s’il s’avère que ce document est nécessaire pour que la partie qui demande sa production puisse protéger ses droits.


97 – Point 17. Voir également, en ce sens, arrêts Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101, points 29 et 30) et National Farmers’ Union (C‑241/01, EU:C:2002:604, point 26).


98 – Voir arrêts Accrington Beef e.a. (C‑241/95, EU:C:1996:496, point 15); Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101, point 40), ainsi que Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, point 40).


99 – Voir, en ce sens, arrêt Pfleiderer (C‑360/09, EU:C:2011:389, points 24, 30 et 31).


100 – Arrêt National Farmers’ Union e.a. (C‑354/95, EU:C:1997:379, point 61). Voir également, en ce sens, arrêts SCAC (C‑56/94, EU:C:1995:209, point 27) et Garcia Avello (C‑148/02, EU:C:2003:539, point 31).


101 – Il s’agit des articles 1er, paragraphes 1 et 2, sous a), et 3 bis de la décision 2014/512 ainsi que des articles 2 bis, 5, paragraphes 1, sous a), et 2, sous a), du règlement n° 833/2014.


102 – C’est moi qui souligne.


103 – Voir également, considérants 4 et 5 de ce règlement ainsi que considérant 8 de la décision 2014/512.


104 – Arrêt Dalmine/Commission (C‑407/04 P, EU:C:2007:53, point 99). Voir également, en ce sens, point 50 de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil (T‑390/08, EU:T:2009:401), confirmé au point 74 de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil (C‑548/09 P, EU:C:2011:735).


105 – Document de travail des services de la Commission sur les mouvements de capitaux et la liberté des paiements (5 mars 2015) 6902/15 – SWD(2015) 58 final disponible sur le site Internet du Conseil à l’adresse suivante:http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6902-2015-INIT/en/pdf.


106 – Ibidem, p. 36 («[t]hese measures aim to cut strategic state-owned Russian companies off from EU and international financing sources, thus imposing an indirect financial cost to the state and limiting their ability to grow in the future»). Traduit par mes soins.


107 – C’est moi qui souligne.


108 – Considérant 2 du règlement n° 833/2014.


109 – Point 296 de l’arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461).


110 – C’est moi qui souligne.


111 – Voir point 85 des présentes conclusions.


112 – Voir points 72 des présentes conclusions.


113 – «[…] vu le traité [FUE], et notamment son article 215,


      vu la décision [2014/512] […]»


      […]»


114 – C’est moi qui souligne.


115 – C’est moi qui souligne.


116 – Voir également, en ce sens, arrêt Bosphorus (C‑84/95, EU:C:1996:312, point 21 et jurisprudence y citée).


117 – Voir également, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil (C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 114).


118 – Il s’agit de la réglementation nationale citée au point 25 des présentes conclusions qui impose de sanctions pénales pour la violation des dispositions du règlement n° 833/2014.


119 – Reconnu en droit de l’Union depuis longtemps (voir arrêt Racke, 98/78, EU:C:1979:14, point 20).


120 – Voir point 127 des présentes conclusions.


121 – Voir article 1er, paragraphe 2, sous a), selon lequel «[a]n offence may be committed under this Order […] in the United Kingdom by any person», et article 4, paragraphe 2, selon lequel «[a] person commits an offence and may be arrested if that person […] is concerned in an activity […] for which EU authorisation is required».


122 – Articles 3, paragraphe 3, sous a), et 3 bis, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 833/2014. Selon Rosneft, il y a de vastes zones où la profondeur de l’eau varie considérablement, de sorte que, à certains endroits les eaux sont d’une profondeur supérieure à 150 mètres, alors que, ailleurs, elles sont d’une profondeur inférieure à 150 mètres. Dans ce contexte, selon Rosneft, le règlement n° 833/2014 n’identifie pas non plus le point à partir duquel les 150 mètres doivent être mesurés ou s’il est interdit de forer verticalement à un point où la profondeur de la mer est inférieure à 150 mètres et ensuite de forer vers l’extérieur vers un point qui est situé dans la roche se trouvant dans des eaux dont la profondeur est supérieure à 150 mètres.


123 – Articles 3, paragraphe 3, sous c), et 3 bis, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 833/2014. Selon Rosneft, il n’existe aucun consensus, que ce soit au sein du secteur géologique ou non, sur la définition du schiste et le règlement n° 833/2014 n’en donne aucune.


124 – Article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 833/2014. Selon Rosneft, il n’y aurait aucune définition de la notion d’aide financière au sein ni de l’ONU ni de l’Union et le règlement n° 833/2014 n’en donne aucune.


125 – Article 5, paragraphe 2, du règlement n° 833/2014. Selon Rosneft, il est impossible de savoir si cette disposition interdit l’émission après le 12 septembre 2014 de GDR représentant des actions émises avant cette date. Pour une définition complète des GDR, voir note de bas de page 133 des présentes conclusions.


126 – Arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 219).


127 – R (OJSC Rosneft Oil Company) v Her Majesty’s Treasury and ors [2015] EWHC 248 (Admin), paragraphe 53. Contrairement au cas de figure théorique critiqué au point 62 de mes conclusions dans l’affaire Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2013:335), cette possibilité semble, en l’espèce, effective.


128 – Le Conseil n’a pas présenté d’observations concernant la réponse à donner à la troisième question.


129 – Voir, notamment, articles 2, sous b), et 4, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 314/2004 du Conseil, du 19 février 2004, concernant certaines mesures restrictives à l’égard du Zimbabwe (JO L 55, p. 1), tel que modifié par la suite, et articles 2, sous b), et 3 du règlement (UE) n° 747/2014 du Conseil, du 10 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard à la situation au Soudan et abrogeant les règlements (CE) n° 131/2004 et (CE) n° 1184/2005 (JO L 203, p. 1).


130 – C(2014) 9950 final.


131 – C(2014) 9950, p. 2.


132 – C(2014) 9950, p. 3.


133 – Les GDR sont des certificats représentant la détention d’un certain nombre d’actions d’une société. Du fait que ces certificats sont transférables, ils constituent des valeurs mobilières autonomes pouvant être cotées et négociées sur le marché des capitaux indépendamment des actions sous-jacentes, qui peuvent être cotées séparément sur un marché étranger. Les GDR sont émis par des dépositaires (souvent de banques d’investissement) sur le fondement d’accords de dépôt conclus entre ces dépositaires et les émetteurs des actions sous-jacentes.


134 – C’est moi qui souligne.


135 – Voir également, en ce sens, note d’orientation du 16 décembre 2014 de la Commission relative à la mise en œuvre de certaines dispositions du règlement (UE) n° 833/2014 [C(2014) 9950 final, p. 7].


136 – Les autres parties à la procédure au principal et intervenants n’ont pas déposé d’observations à cet égard.


137 – R (OJSC Rosneft Oil Company) v Her Majesty’s Treasury and ors [2015] EWHC 248 (Admin), paragraphe 53.