Language of document : ECLI:EU:C:2009:799

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 17 décembre 2009 (1)

Affaire C‑518/08

Fundación Gala-Salvador Dalí

Visual Entidad de Gestión de Artistas Plásticos

contre

Société Auteurs dans les arts graphiques et plastiques

Juan-Leonardo Bonet Domenech

Eulalia-María Bas Dalí

María del Carmen Domenech Biosca

Antonio Domenech Biosca

Ana-María Busquets Bonet

Mónica Busquets Bonet

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de grande instance (Paris)]

«Propriété intellectuelle – Droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale – Bénéficiaires du droit de suite après le décès de l’auteur – Législation nationale maintenant, pendant une période de 70 ans, le droit de suite au profit des héritiers de l’auteur, à l’exclusion de tous légataires et ayants cause»





1.        En 1859, Jean-François Millet acheva et céda son œuvre bien connue, l’Angélus. Bien des années après sa mort, à une époque où sa famille, comme beaucoup d’autres familles affectées par la Première Guerre mondiale, se trouvait dans une situation matérielle difficile, l’œuvre changea de mains à un prix qui permit au vendeur de s’enrichir considérablement. Selon certains, c’est le contraste entre les deux situations qui poussa le législateur français à introduire, en 1920, un «droit de suite», en vertu duquel la vente d’œuvres d’art donne lieu au paiement d’une redevance à l’auteur ou à ses héritiers (2).

2.        Ce droit s’est, depuis lors, généralisé dans d’autres systèmes juridiques. Il a été introduit dans la convention de Berne en 1948 (3), à titre facultatif, et a été rendu obligatoire dans l’Union européenne par la directive 2001/84/CE (4) (ci-après la «directive»). Bien que le principe soit uniforme et que les taux appliqués soient harmonisés, les États membres jouissent d’une marge d’appréciation à plusieurs égards.

3.        En l’état actuel du droit français, après la mort de l’auteur de l’œuvre, les bénéficiaires du droit de suite sont limités à ses héritiers légaux, à l’exclusion des légataires testamentaires.

4.        L’artiste Salvador Dalí (5) est décédé en 1989, léguant tous ses droits de propriété intellectuelle à l’État espagnol par testament. En l’absence de testament, ces droits seraient passés à certains de ses héritiers collatéraux.

5.        Conformément au droit français, les droits de suite sur les ventes des œuvres de Dalí en France ont été perçus pour le compte de ces héritiers collatéraux. Un litige est apparu entre la société espagnole chargée de percevoir les droits sur l’œuvre de Dalí pour le compte de l’État espagnol, représenté par une fondation créée par Dalí avant sa mort, et la société française de gestion collective qui a versé les droits à ses héritiers collatéraux.

6.        Dans ce contexte, le tribunal de grande instance de Paris (France) demande à la Cour si la limitation, par la législation française, des bénéficiaires du droit de suite aux héritiers légaux est compatible avec le droit de l’Union européenne.

I –    Le cadre juridique

A –    La directive

7.        Le premier considérant du préambule de la directive énonce que «le droit de suite est [un] droit incessible et inaliénable», et le troisième considérant indique qu’il «vise à assurer aux auteurs d’œuvres d’art graphiques et plastiques une participation économique au succès de leurs créations» et «à rétablir un équilibre entre la situation économique des auteurs d’œuvres d’art graphiques et plastiques et celle des autres créateurs qui tirent profit des exploitations successives de leurs œuvres».

8.        Le neuvième considérant expose la situation antérieure, dans laquelle la majorité des quinze États membres de l’époque prévoyait un droit de suite, certes avec des différences importantes, notamment en ce qui concerne les œuvres visées, les bénéficiaires du droit, le taux appliqué, les opérations soumises au droit ainsi que la base de calcul. Toujours selon ce même considérant, «l’application ou la non-application de celui-ci revêt un impact significatif sur les conditions de concurrence au sein du marché intérieur dans la mesure où l’existence ou non d’une obligation de paiement découlant du droit de suite est un élément qui est nécessairement pris en considération par toute personne désireuse de procéder à la vente d’une œuvre d’art. Dès lors, ce droit est un des facteurs qui contribuent à créer des distorsions de concurrence ainsi que des délocalisations de ventes au sein de la Communauté».

9.        Le dixième considérant souligne de même que «de telles disparités sur le plan de l’existence et de l’application du droit de suite par les États membres ont des effets négatifs directs sur le bon fonctionnement du marché intérieur des œuvres d’art tel que prévu à l’article 14 du traité», tandis que le onzième considérant relève que l’harmonisation de la législation des États membres relative au droit de suite contribue à la réalisation des libertés inhérentes au marché intérieur. En conséquence, selon le treizième considérant, «il convient de supprimer les différences de législation existantes ayant un effet de distorsion sur le fonctionnement du marché intérieur et d’empêcher l’apparition de nouvelles différences», un souci réaffirmé, en substance, dans les quatorzième et quinzième considérants. Selon le vingt-troisième considérant, en particulier, le fonctionnement efficace du marché intérieur des œuvres d’art moderne ou contemporain nécessite autant que possible la fixation de taux uniformes.

10.      Cependant, le treizième considérant indique également qu’«il n’y a pas lieu de supprimer ou d’empêcher l’apparition [des différences de législation existantes] qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte au fonctionnement du marché intérieur», et le quinzième considérant qu’«il n’apparaît […] pas nécessaire d’harmoniser toutes les dispositions des législations des États membres en matière de droit de suite et, afin de laisser autant de latitude que possible pour la prise de décisions nationales, il suffit de limiter l’harmonisation aux dispositions nationales qui ont l’incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur».

11.      Dans le même sens, mais plus spécifiquement, selon le vingt-septième considérant «il est indiqué de déterminer les bénéficiaires du droit de suite tout en respectant le principe de subsidiarité. Dès lors, il n’est pas opportun d’intervenir par la présente directive en matière de droit de succession des États membres. Toutefois, les ayants droit de l’auteur doivent pleinement pouvoir bénéficier du droit de suite après sa mort […]».

12.      Parmi les dispositions de fond de la directive, l’article 1er, paragraphe 1, impose aux États membres de «prévoir, au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale, un droit de suite, défini comme un droit inaliénable auquel il ne peut être renoncé, même de façon anticipée, à percevoir un pourcentage sur le prix obtenu pour toute revente de cette œuvre après la première cession opérée par l’auteur».

13.      Les taux du droit applicable sont fixés de manière uniforme par l’article 4, paragraphe 1, des variantes mineures pouvant être prévues par les États membres à leur discrétion en vertu de l’article 4, paragraphes 2 et 3.

14.      En vertu de l’article 6, paragraphe 1, le droit «est dû à l’auteur de l’œuvre et, sous réserve de l’article 8, paragraphe 2, après la mort de celui-ci, à ses ayants droit» (6).

15.      L’article 8 de la directive prévoit, en particulier, que:

«1. La durée de protection du droit de suite [courra toute la vie de l’auteur et pendant soixante-dix ans après sa mort, quelle que soit la date à laquelle l’œuvre a été licitement rendue accessible au public (7)].

2. Par dérogation au paragraphe 1, les États membres qui n’appliquent pas le droit de suite le [date d’entrée en vigueur visée à l’article 13], ne sont pas tenus, pendant une période n’allant pas au-delà du 1er janvier 2010, d’appliquer le droit de suite au profit des ayants droit de l’artiste après sa mort.

3. Tout État membre auquel le paragraphe 2 s’applique peut disposer d’un délai supplémentaire n’excédant pas deux ans avant d’être tenu d’appliquer le droit de suite au profit des ayants droit de l’artiste après sa mort, si cela se révèle nécessaire pour permettre aux opérateurs économiques dans cet État membre de s’adapter progressivement au système du droit de suite, tout en maintenant leur rentabilité économique. […]»

16.      L’article 12 impose aux États membres de mettre en vigueur la directive avant le 1er janvier 2006, et l’article 13 précise que la date de son entrée en vigueur est le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, à savoir le 13 octobre 2001.

B –    Le droit français

17.      Le droit de suite existe dans la législation française depuis 1920 (8). La disposition applicable a cependant été modifiée en 2006 afin de la rendre pleinement conforme aux exigences de la directive (9). L’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi que:

«Les auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen bénéficient d’un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit […]»

18.      L’article L. 123-7 précise en outre que:

«Après le décès de l’auteur, le droit de suite mentionné à l’article L. 122-8 subsiste au profit de ses héritiers […], à l’exclusion de tous légataires et ayants cause, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes» (10).

19.      Je désignerai cette définition des bénéficiaires du droit de suite après le décès de l’auteur comme la «disposition contestée».

20.      L’ordre de succession des héritiers est régi par les articles 734 et suivants du code civil français et comprend quatre catégories successives. Dans chaque catégorie, l’ordre de priorité dépend du degré de parenté. Les parents collatéraux ne succèdent pas au-delà du sixième degré (11).

21.      Les articles 912 et suivants du code civil distinguent, parmi les biens et les droits successoraux du défunt, une part que la loi réserve à certains héritiers, dits «réservataires», et une part dont le défunt a pu disposer librement par testament au profit de légataires. En règle générale, à défaut de descendant ou de conjoint survivant non divorcé (ou, avant 2007, d’ascendants directs), les libéralités par actes testamentaires peuvent épuiser la totalité des biens successoraux. La disposition contestée constitue donc une exception à cette règle générale.

C –    Le droit espagnol

22.      Le droit de suite a été introduit dans le droit espagnol en 1987 (12), et a été mis en conformité avec les dispositions de la directive par la loi n° 3/2008 (13). La législation espagnole, contrairement à la législation française, n’exclut aucune catégorie de personnes parmi celles qui sont susceptibles d’être les ayants droit de l’auteur d’une œuvre, mais a simplement précisé, depuis 1996, que le droit n’est transmis que par la succession à cause de mort.

II – Les faits, la procédure et les questions posées

23.      En 1983, Salvador Dalí a créé la fondation Gala-Salvador Dalí (14) (ci-après la «fondation») afin de «promouvoir, diffuser, divulguer, vanter, protéger et défendre, en Espagne et ailleurs, l’œuvre artistique, culturelle et intellectuelle du peintre, ses biens et droits de toute nature, son expérience vitale, sa pensée, ses projets, ses idées et ses œuvres artistiques, intellectuelles et culturelles; sa mémoire et la reconnaissance universelle de sa géniale contribution aux beaux-arts, à la culture et à la pensée contemporaine» (15).

24.      Dalí est décédé, veuf, en 1989, ne laissant aucun enfant ou descendant, mais instituant, dans son testament, l’État espagnol «héritier universel et inconditionnel de tous ses biens, droits et créations artistiques, à charge pour lui de conserver, divulguer et protéger ses œuvres d’art». L’État espagnol a accepté ce legs, et confié l’administration et l’exploitation des droits s’y rapportant au ministère de la Culture, qui lui-même l’a déléguée à la fondation.

25.      En 1997, la fondation a donné à la société de gestion collective de droit espagnol Visual Entidad de Gestión de Artistas Plásticos («VEGAP»), dont elle est membre, un mandat exclusif d’exercice des droits et de perception des droits dus au titre des œuvres de Dalí dans le monde entier. Le 17 octobre 1997, la VEGAP, liée par un contrat de représentation réciproque avec sa société sœur, la société des Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques (ADAGP), a demandé à cette dernière de se charger de la gestion des droits portant sur l’œuvre de Dalí pour le territoire français.

26.      À compter de cette date, l’ADAGP a prélevé et reversé à la VEGAP, pour le compte de la fondation, toutes les sommes dues au titre de l’exploitation des œuvres de l’artiste en France – à l’exception du droit de suite qu’elle percevait pour le compte des héritiers collatéraux et leur versait, au moins au départ.

27.      Le 28 décembre 2005, la fondation, avec la VEGAP, a assigné l’ADAGP devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle considère que, en vertu des règles de conflit de lois du droit français et du droit espagnol, la succession mobilière de Dalí est régie par le droit espagnol en raison du fait qu’à sa mort il était un ressortissant espagnol domicilié en Espagne. La fondation serait donc l’unique bénéficiaire de tous les droits sur les œuvres de Dalí, en particulier le droit de suite sur les ventes publiques de ses œuvres. Elle conclut que l’ADAGP soit condamnée à lui verser, par l’intermédiaire de la VEGAP, toutes les sommes afférentes au droit de suite sur les ventes des œuvres d’art de Dalí depuis le 17 octobre 1997.

28.      L’ADAGP, ainsi qu’il ressort de la procédure au principal, n’a reversé aucune des sommes ainsi perçues depuis l’ouverture de cette procédure, et tient les fonds à la disposition de toute(s) partie(s) que le tribunal de grande instance désignera comme titulaire(s) légitime(s) de ces sommes. Elle considère que les droits déjà payés aux six héritiers collatéraux de Dalí, considérés à ses yeux comme titulaires légitimes en application du droit français, devront être recouvrés auprès de ces derniers, le cas échéant. Elle a donc assigné les héritiers en intervention forcée. Aucun de ces héritiers n’a cependant comparu.

29.      Le tribunal de grande instance relève que la République française a maintenu un droit de suite réservé aux seuls héritiers légaux, alors même que la directive précise qu’il est payable aux «ayants droit» de l’artiste après sa mort. La juridiction de renvoi se demande si la directive autorise une telle réserve, que ce soit de manière générale, ou par application des dispositions dérogatoires de l’article 8 de ladite directive.

30.      Le tribunal de grande instance a donc adressé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Est-ce que postérieurement à la directive du 27 septembre 2001, la France peut maintenir un droit de suite réservé aux héritiers à l’exclusion des personnes légataires ou ayants cause?

Les dispositions transitoires de l’article 8, paragraphes 2 et 3 de la directive du 27 septembre 2001 permettent-elles à la France d’avoir un régime dérogatoire?»

31.      La fondation et la VEGAP, de même que les gouvernements français, italien et espagnol, ainsi que la Commission des Communautés européennes, ont déposé des observations écrites. À l’audience, la fondation, les gouvernements français, espagnol et la Commission ont présenté des observations orales.

III – Appréciation

32.      La juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, s’il convient d’interpréter la directive, eu égard en particulier aux articles 6, paragraphe 1, et 8, paragraphes 2 et 3, comme autorisant la République française à maintenir un droit de suite dont le bénéfice est limité, après la mort de l’auteur, à ses seuls héritiers légaux, à l’exclusion de ses légataires ou ayants cause.

33.      Avant d’aborder ces questions, je crois toutefois utile d’examiner certains aspects susceptibles d’affecter l’applicabilité de la directive aux faits ayant donné lieu à la procédure au principal et même, selon le gouvernement espagnol, la recevabilité des questions préjudicielles.

34.      Je relève, en premier lieu, que la procédure au principal oppose deux particuliers, et qu’elle n’implique pas la République française en tant qu’État membre, destinataire de la directive. En deuxième lieu, cette procédure concerne, au moins en partie, des sommes qui ont pu être perçues, d’une part, avant l’adoption de la directive et, d’autre part, après son adoption mais avant l’expiration du délai imparti pour sa transposition. En troisième lieu, dans la procédure au principal, les parties requérantes n’invoquent aucune incompatibilité entre le droit français et la directive, mais considèrent que c’est le droit espagnol, et non le droit français, qui est applicable pour déterminer les bénéficiaires du droit de suite.

A –    «L’effet direct horizontal»

35.      Selon une jurisprudence constante, une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre, si bien que même une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive visant à conférer des droits ou à imposer des obligations aux particuliers ne saurait trouver application en tant que telle dans le cadre d’un litige qui oppose exclusivement des particuliers (16). La procédure au principal à laquelle se rapporte la présente affaire opposant effectivement des particuliers, ce principe semblerait exclure la possibilité de se prévaloir de toute incompatibilité éventuelle entre le droit français et la directive.

36.      Toutefois, il semble ressortir clairement de la décision de renvoi et du dossier de la procédure nationale qui a été transmis à la Cour que la fondation et la VEGAP n’entendent pas invoquer la directive contre l’ADAGP ou les héritiers de Dalí dans la procédure au principal. Le tribunal de grande instance semble plutôt avoir évoqué cette question de sa propre initiative, et c’est uniquement dans les écritures qu’elles ont déposées devant la Cour sur le problème ainsi posé que la fondation et la VEGAP ont soutenu que la disposition contestée était incompatible avec la directive.

37.      Dans ces circonstances, il me semble que la jurisprudence en question n’est en réalité pas pertinente. Même si la Cour a affirmé en termes généraux qu’une disposition d’une directive ne peut s’appliquer dans le cadre d’une procédure opposant des particuliers, cette affirmation est fondée sur le fait qu’un particulier ne saurait invoquer les dispositions d’une directive pour faire valoir un droit à l’encontre d’un autre particulier, ou pour imposer une obligation à celui-ci. Cette considération ne s’applique pas lorsque c’est la juridiction nationale qui soulève la question d’office.

38.      À cet égard, selon la jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de règles prévues par le droit communautaire en la matière (aujourd’hui, le droit de l’Union européenne – l’«Union»), il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, pour autant, d’une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice de ces droits (principe d’effectivité). Ainsi le droit de l’Union s’oppose-t-il à une disposition de droit interne qui, en interdisant à une juridiction nationale d’examiner d’office si une mesure de droit interne est compatible avec une disposition du droit de l’Union, ne respecte aucun de ces deux principes. Il n’impose cependant pas à une juridiction nationale de soulever une telle question d’office lorsque aucun de ces principes n’est en jeu (17).

39.      Clairement, le droit de l’Union ne peut interdire à une juridiction nationale de soulever d’office (ainsi que l’a fait la juridiction de renvoi en l’espèce) une question relative à la compatibilité du droit national avec les dispositions d’une directive européenne. Au contraire, l’obligation qui incombe aux juridictions nationales d’interpréter le droit interne dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci (18) constitue une véritable incitation à soulever des questions de cette nature.

40.      Dans le cas présent, il appartient au droit français de déterminer si le tribunal de grande instance est compétent pour saisir la Cour à titre préjudiciel en ce qui concerne la compatibilité de la disposition contestée avec la directive et pour donner effet à l’arrêt de la Cour. À cet égard, si la disposition contestée devait s’avérer incompatible avec la directive, elle devrait sans doute être laissée inappliquée, étant donné que son libellé explicite apparaît difficile à interpréter de manière à y inclure les légataires, et que l’obligation d’interpréter le droit national en conformité avec le droit de l’Union ne saurait servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (19).

41.      Toutefois, nul ne soutient en l’espèce que le tribunal de grande instance ne serait pas compétent pour demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel ou pour prendre toutes les mesures nécessaires afin de donner effet à l’arrêt rendu à titre préjudiciel. Je poursuivrai donc en admettant qu’il est compétent pour ce faire et apte à donner l’effet approprié à l’arrêt de la Cour.

B –    L’applicabilité ratione temporis de la directive

42.      L’ADAGP a perçu les sommes dues au titre du droit de suite sur les ventes des œuvres de Dalí depuis le 17 octobre 1997. La directive est entrée en vigueur le 13 octobre 2001, et les États membres étaient tenus de mettre en vigueur les mesures nécessaires pour se conformer à la directive avant le 1er janvier 2006 (sous réserve de certaines dérogations temporaires possibles en vertu de l’article 8, paragraphes 2 et 3, jusqu’au 1er janvier 2010 ou au 1er janvier 2012 respectivement, dérogations qui font l’objet de la seconde question préjudicielle).

43.      Pour la période à compter du 1er janvier 2006, l’interprétation de la directive est donc utile à la juridiction de renvoi. En revanche, elle ne saurait avoir aucun intérêt direct pour ce qui est de la période antérieure au 13 octobre 2001 ou même pour la période comprise entre ces deux dates.

44.      Si, pendant le délai qui leur est imparti pour transposer une directive, les États membres doivent s’abstenir de prendre toute mesure susceptible de compromettre sérieusement le résultat imposé par la directive, ils ne sont pas tenus d’adapter leur législation avant l’expiration de ce délai. Dans le cas présent, la disposition contestée n’a nullement été modifiée pendant le délai de transposition.

45.      En ce qui concerne l’obligation d’interprétation conforme, les juridictions nationales ne sont tenues d’interpréter le droit interne (dans toute la mesure du possible) en conformité avec la directive qu’à partir de l’expiration du délai de transposition de celle-ci (20). Dans l’intervalle, elles doivent simplement s’abstenir (encore une fois, dans la mesure du possible) d’interpréter le droit interne d’une manière qui risquerait de compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition, la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive (21).

46.      Toutefois, ainsi que je l’ai indiqué, le libellé très clair de la disposition contestée apparaît difficile à interpréter d’une autre manière. Si tel est le cas, la référence à «la mesure du possible» contenue dans la jurisprudence de la Cour semble exclure toute obligation d’interprétation conforme dans le cas présent. En conséquence, dans l’hypothèse d’une incompatibilité entre la disposition contestée et la directive, la seule possibilité apparente serait d’écarter l’application de cette disposition (22), et l’obligation de le faire n’apparaîtrait que pour ce qui concerne la période postérieure à l’expiration du délai de transposition. Si la disposition contestée devait être laissée inappliquée pour ce qui concerne cette période, une autre question se poserait alors clairement, celle de savoir si elle pourrait toujours être appliquée concernant des périodes antérieures, mais cette question relèverait entièrement du droit français, et non pas du droit de l’Union.

C –    Le droit applicable

47.      Le principal argument de la fondation et de la VEGAP, tant dans la procédure au principal que devant la Cour, ainsi que du gouvernement espagnol devant la Cour, est que c’est en vertu du droit espagnol et non pas du droit français qu’il conviendrait de déterminer l’identité des «ayants droit» de Salvador Dalí après sa mort, étant donné que c’est le droit espagnol qui régit la dévolution de sa succession mobilière. Ils considèrent, en conséquence, que la question de la compatibilité de la disposition contestée avec la directive ne se pose pas. Le gouvernement espagnol ajoute que les questions sont donc irrecevables, n’étant pas nécessaires pour permettre à la juridiction de renvoi de trancher le litige objet de la procédure au principal.

48.      S’il est exact que la Cour peut refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation demandée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (23), je ne pense pas qu’il soit possible d’arriver à cette conclusion dans le cas présent. Le faire imposerait à la Cour d’interpréter le droit national, ce qui excède le champ de sa compétence, la détermination du droit applicable à la succession mobilière à cause de mort n’étant pas encore régie par le droit de l’Union à quelque titre que ce soit (24).

49.      Toutefois, dans une situation telle que celle qui fait l’objet de la procédure au principal, il me semble que la juridiction nationale a besoin de savoir, premièrement, si l’identité des bénéficiaires du droit de suite après la mort de l’artiste doit être déterminée par le droit en vertu duquel les redevances sont perçues, ou par le droit gouvernant la succession de l’artiste. C’est uniquement dans ce dernier cas qu’elle devra déterminer quel est le droit qui régit cette succession, une question qui échappe à la compétence de la Cour. La Cour peut, en revanche, indiquer si la directive contient des éléments de réponse à la question initiale.

50.      L’expression «ayants droit» de l’auteur n’est définie nulle part dans la directive. Implicitement, mais néanmoins clairement, le vingt-septième considérant du préambule laisse au droit interne le soin de la définir, et fait référence en particulier au droit successoral des États membres. Telle était aussi, ainsi qu’il ressort clairement des travaux préparatoires, l’intention commune de la Commission et du Conseil de l’Union européenne lors de la procédure législative (25). Si le Parlement européen a effectivement proposé des modifications au projet, c’était avec la conviction que le principe de subsidiarité imposait que l’identité des bénéficiaires après la mort de l’auteur soit déterminée par le droit national et qu’il convenait de ne pas intervenir dans le droit des successions (26). J’ajouterai que, si l’intention avait été d’harmoniser les règles de conflit de lois en matière de droit des successions, la directive n’aurait pas pu avoir pour seule base juridique, comme c’est le cas, l’article 95 CE (27), mais aurait dû faire référence, comme la proposition citée dans la note 24, aux articles 61 CE et 67 CE (28).

51.      Par conséquent, lorsqu’une juridiction d’un État membre dans lequel la redevance correspondante a été perçue est saisie d’un litige concernant l’identité du ou des bénéficiaires du droit de suite après la mort de l’auteur d’une œuvre, cette juridiction doit appliquer les règles qui, en vertu de son droit interne, régissent cette question. En l’absence de disposition plus spécifique, il s’agira des règles de fond du droit national, quel qu’il soit, que ses règles de conflit de lois désignent comme gouvernant la succession.

52.      Cependant, le fait que la directive ne vise clairement pas à intervenir dans le droit national, et qu’elle ne lie pas exclusivement l’identification des bénéficiaires après la mort de l’artiste au droit gouvernant la succession de ce dernier implique, selon moi, qu’il n’est pas interdit à un État membre d’adopter une disposition plus spécifique, sous la forme d’une règle de fond qui prime en tout ou partie les règles de conflit de lois qui détermineraient autrement le droit applicable.

53.      Cette conclusion apparaît, de plus, comme la plus cohérente avec l’article 14 ter de la convention de Berne, en vertu duquel le droit de suite revient, après la mort de l’auteur, aux «personnes ou institutions auxquelles la législation nationale donne qualité», termes qui apparaissent plus larges qu’une référence au droit des successions, de quelque manière qu’on le désigne.

54.      Il incombe donc au tribunal de grande instance de déterminer si la disposition contestée est une règle supérieure de cette nature et, sinon, quel est le droit successoral désigné par les règles de conflit de lois applicables.

55.      Si l’on admet que, à l’issue de cette analyse, la disposition contestée s’applique dans la procédure au principal, il convient d’aborder la question de sa compatibilité avec la directive.

D –    La première question

56.      La directive autorise-t-elle un État membre à limiter, dans sa législation interne, la catégorie des «ayants droit» de l’artiste ainsi que le fait la disposition contestée?

57.      Il me semble que, pour des raisons analogues à celles que j’ai exposées précédemment lors de l’examen de la latitude conférée aux États membres dans la détermination du droit applicable, la réponse doit être positive.

58.      La directive ne définit pas les «ayants droit» de l’artiste après sa mort. Elle laisse cette définition au droit national et, implicitement, de manière plus particulière (mais pas nécessairement exclusive) au droit interne des successions. Il n’y a pas lieu de supprimer les différences entre les législations nationales qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte au fonctionnement du marché intérieur (29). Il n’existe donc aucune catégorie uniforme d’«ayants droit», et les États membres peuvent en adopter ou en maintenir toute définition qui n’est pas susceptible d’avoir un tel effet.

59.      La préoccupation essentielle, ainsi que cela ressort clairement du neuvième considérant du préambule de la directive (30), était d’éviter une situation dans laquelle les ventes d’œuvres d’art étaient concentrées dans les États membres dans lesquels le droit de suite ou bien n’était pas appliqué, ou bien était moins lourd, au détriment des établissements de vente aux enchères ou autres marchands d’art des États membres qui visaient à permettre à l’artiste (et à ses successeurs, quels qu’ils soient) d’avoir sa part des profits générés par l’augmentation de la valeur des œuvres d’art.

60.      Une telle situation existait avant que la directive ne soit adoptée, et sa cause résidait dans les réticences des vendeurs à renoncer à une partie du prix atteint par une œuvre d’art. Je rejoins la Commission en estimant que, avec l’adoption de la directive, la probabilité que des vendeurs soient encouragés à choisir l’État membre dans lequel ils procèdent à la vente en fonction de l’identité des personnes bénéficiaires des droits – un facteur qui n’a pas d’influence sur le montant de la redevance payable et qui, du reste, n’est pas forcément connu du vendeur – est négligeable, et n’est pas susceptible de porter atteinte au fonctionnement du marché intérieur. À cet égard, je ne suis pas convaincue par la suggestion – qui me laisse perplexe – faite par le gouvernement espagnol à l’audience, selon laquelle les vendeurs risqueraient d’être attirés vers les États membres dans lesquels il n’y aurait aucun ayant droit de l’artiste bénéficiaire du droit de suite. Même si aucune autre disposition spécifique n’est prévue par une législation nationale donnée, il me semble que la succession d’un artiste décédé ira toujours à quelqu’un, ne serait-ce qu’à l’État en tant qu’ultime héritier (ultimus haeres).

61.      De même, je considère qu’il convient de rejeter l’argument avancé par la fondation et la VEGAP ainsi que par le gouvernement espagnol, argument selon lequel la notion d’«ayants droit» d’un artiste disparu doit comprendre tous les ayants droit en vertu du droit successoral applicable et qu’elle ne peut être décomposée en catégories séparées, certaines bénéficiant du droit de suite, d’autres non.

62.      Si la disposition contestée est une règle qui prime les règles de conflit de lois en matière de succession, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne puisse pas exclure certaines des personnes qui auraient pu avoir des droits en vertu du droit successoral. Une telle exclusion ne peut, en tout état de cause, avoir aucun effet négatif sur le marché unique.

63.      Il n’y a aucune raison non plus d’adopter un raisonnement différent si la disposition contestée est elle-même une règle de fond du droit successoral. La liberté d’une personne de disposer de ses biens après sa mort peut varier d’un système juridique à l’autre, et différents principes ou mécanismes peuvent limiter la possibilité de léguer ses biens en dehors, par exemple, du cercle des héritiers légaux, ou des descendants et/ou du conjoint survivant. La distinction opérée par la disposition contestée s’inscrit, il me semble, dans ce cadre, et donc dans celui des choix légitimes en matière de droit des successions interne auxquels la directive fait référence pour déterminer les bénéficiaires du droit de suite après la mort de l’artiste.

64.      À l’audience, un débat a eu lieu concernant le point de savoir si, alors même que la directive laisse au droit national le soin de définir les «ayants droit», les États membres n’étaient pas soumis à une certaine obligation de respecter, dans l’élaboration de cette définition, les règles successorales des autres États membres, dans un esprit de coopération loyale, ou peut-être de «courtoisie entre États membres». Je crains, cependant, qu’une telle conception se rapprocherait dangereusement d’une «harmonisation déguisée» du droit des successions ou des règles de conflit de lois, ce qui excède le champ d’application de la directive – tant au regard de sa base juridique que de l’intention expresse du législateur.

65.      Ainsi qu’il ressort de ces deux dernières, la directive se borne à éliminer les distorsions dans les conditions de concurrence au sein du marché intérieur. La reconnaissance mutuelle – en l’espèce, la reconnaissance, par un État membre prélevant le droit de suite, de la définition des «ayants droit» d’un artiste décédé adoptée par l’État membre dont le droit successoral s’applique à la succession de cet artiste – est une notion louable. Je ne considère pas, cependant, qu’elle relève du champ d’application de cette directive particulière. L’instauration effective d’un droit de suite dans toute l’Union est un élément essentiel de l’objectif que poursuit la directive. La garantie que ce droit bénéficiera précisément aux ayants droit déterminés en vertu d’un droit successoral donné n’en est pas un.

66.      Le choix que traduit la disposition contestée est un choix d’ordre politique et, en tant que tel, il peut toujours faire l’objet de critiques (31). C’est cependant, selon moi, un choix qui demeure pleinement dans la latitude dont disposent les États membres et qui n’est pas susceptible de porter atteinte au fonctionnement du marché intérieur. La directive ne s’y oppose donc pas.

E –    La seconde question

67.      Dans l’hypothèse où la Cour souscrirait à la réponse que je lui propose d’apporter à la première question, il n’y aurait pas lieu de répondre à la seconde question, qui concerne le point de savoir si la disposition contestée peut être maintenue en vertu des dispositions optionnelles et transitoires de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la directive. Dans la mesure où il pourrait malgré tout être nécessaire d’y répondre, la réponse peut être très brève.

68.      Les dispositions combinées des articles 8 et 13 de la directive prévoient expressément que seuls les États membres qui n’appliquaient pas le droit de suite au 13 octobre 2001 peuvent se prévaloir des dérogations contenues à l’article 8.

69.      La République française appliquait le droit de suite à cette date, et ne peut donc pas bénéficier de ces dérogations.

70.      En tout état de cause, ces dérogations permettent uniquement aux États membres de ne pas appliquer le droit de suite au bénéfice des ayants droit de l’artiste; elles ne concernent pas la question de son application au seul bénéfice d’un groupe restreint.

IV – Conclusion

71.      À la lumière des observations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le tribunal de grande instance de Paris comme suit:

«La directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale, ne s’oppose pas à une disposition de droit national en vertu de laquelle, après la mort de l’auteur d’une œuvre d’art, le droit de suite est conféré aux seuls héritiers légaux, à l’exclusion des légataires et ayants cause.»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – Voir déclaration du ministre de la Culture et de la Communication à l’Assemblée nationale française le 16 mars 2006 (http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060175.asp).


3 – La convention de Berne pour la protection des œuvres artistiques et littéraires du 9 septembre 1886, révisée notamment à Bruxelles le 26 juin 1948. Tous les États membres de l’Union européenne sont parties à cette convention.


4 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale (JO L 272, p. 32) [suite de la note sans pertinence pour la version française].


5 – Il est intéressant de noter que Dalí était lui-même fortement influencé par l’Angélus de Millet, et qu’il avait publié en 1963 une longue interprétation «paranoïaque-critique» de cette œuvre, sous le titre «Le mythe tragique de l’Angélus de Millet».


6 – [Note sans pertinence pour la version française.]


7 –      Voir article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (JO L 290, p. 9), aujourd’hui remplacé par l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (version codifiée) (JO L 372, p. 12).


8 – Loi du 20 mai frappant d’un droit au profit des artistes les ventes publiques d’objets d’art, abrogée et remplacée par la loi n° 57-298, du 11 mars 1957, sur la propriété littéraire et artistique.


9 – Loi n° 2006-961, du 1er août 2006, relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.


10 –      Cette disposition est demeurée inchangée depuis l’allongement de la période applicable de 50 à 70 ans en 1997. On peut présumer que les termes «ayants cause» ont ici un sens différent de ceux d’«ayants droit», qui sont employés dans la directive, même si les deux expressions sont souvent interchangeables en français.


11 – En vertu de l’article 724 du code civil, en l’absence d’héritiers ou de légataires, la succession est acquise à l’État.


12 – Loi n° 22/1987, du 11 novembre 1987, sur la propriété intellectuelle (Ley 22/1987, de 11 de noviembre, de Propiedad Intelectual), article 24, refondu par le décret royal n° 1/1996, du 12 avril 1996, portant approbation du texte refondu de la loi sur la propriété intellectuelle, qui énonce, précise et harmonise les dispositions légales en vigueur dans ce domaine (Real Decreto Legislativo 1/1996, de 12 de abril, por el que se apruebe el texto refundido de la Ley de Propiedad Intelectual, regularizando, aclarando y armonizando las disposiciones legales vigentes sobre la materia).


13 – Loi du 23 décembre 2008, relative au droit de suite au bénéfice de l’auteur d’une œuvre d’art originale (Ley 3/2008, de 23 de diciembre, relativa al derecho de participación en beneficio del autor de una obra de arte original), articles 2, paragraphe 1, et 6.


14 – Gala était le nom sous lequel son épouse, Elena Dmitrievna Diakonova, était généralement connue. Elle est décédée en 1982.


15 – Voir http://www.salvador-dali.org/fundacio/fr_historia.html.


16 – Voir, en dernier lieu, arrêt du 16 juillet 2009, Mono Car Styling (C‑12/08, non encore publié au Recueil, point 59).


17 – Cette ligne jurisprudentielle bien connue, que je résume ici, a commencé avec les arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C-312/93, Rec. p. I-4599) et van Schijndel et van Veen (C‑430/93 et C-431/93, Rec. p. I-4705), et a été exposée en dernier lieu dans l’arrêt du 7 juin 2007, van der Weerd e.a. (C-222/05 à C‑225/05, Rec. p. I-4233, points 28 à 42). Voir aussi les conclusions présentées par l’avocat général Poiares Maduro dans cette affaire, points 13 à 41.


18 – Voir, en dernier lieu, arrêt Mono Car Styling, précité note 16, points 60 et suiv.


19 – Ibidem, point 61 et jurisprudence citée.


20 – Voir arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C‑129/96, Rec. p. I-7411, en particulier points 43 à 45), ainsi que du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C-212/04, Rec. p. I-6057, points 114 et 115).


21 – Voir arrêts Adeneler e.a., précité note 20, point 123, ainsi que du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea (C-261/07, non encore publié au Recueil, point 39).


22 – Voir, en dernier lieu, arrêt du 27 octobre 2009, ČEZ (C-115/08, non encore publié au Recueil, point 140).


23 – Voir, en dernier lieu, arrêt du 1er octobre 2009, Compañía Española de Comercialización de Aceite (C-505/07, non encore publié au Recueil, point 26).


24 – La Conférence de La Haye de droit international privé a établi une convention sur la loi applicable aux successions à cause de mort, conclue le 1er août 1989, mais parmi les États membres de l’Union européenne, seuls le Grand-Duché de Luxembourg et le Royaume des Pays-Bas l’ont signée, et elle n’a été ratifiée que par le Royaume des Pays-Bas. Par ailleurs, un mois avant l’audience qui a eu lieu dans la présente affaire, la Commission a publié une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (COM/2009/0154 final, du 14 octobre 2009), mais, inutile de le préciser, cette proposition est encore loin d’être entrée dans le droit positif. Les articles 3 et suiv. de la convention de La Haye et les articles 16 et suiv. de la proposition de la Commission signifieraient, s’ils étaient applicables, que la succession mobilière de Dalí serait régie par le droit espagnol.


25 – Voir, en particulier, exposé des motifs du Conseil du 5 juin 2000 relatif à sa position commune du 22 mai 2000 (7484/00 ADD 1), point 23, et avis de la Commission du 24 janvier 2001 sur les amendements du Parlement européen à la position commune du Conseil [COM(2001) 47 final, point 3.1.2, sous b)].


26 – Voir rapport en première lecture du Parlement européen du 3 février 1997 (document A4‑0030/97), exposé des motifs, point IV(A)(2), et rapport en deuxième lecture du 29 novembre 2000 (document A5-0370/2000), exposé des motifs, section III, huitième alinéa.


27 – Voir, aujourd’hui, article 114 TFUE.


28 – Voir, aujourd’hui, article 67 TFUE.


29 – Treizième considérant du préambule.


30 – Voir point 8 ci-dessus.


31 – On pourrait, par exemple, se demander pourquoi une telle disposition ne devrait s’appliquer qu’au droit de suite et pas, par exemple, au droit d’auteur sur les œuvres littéraires (l’explication pouvant être liée au fait que le droit de suite, contrairement au droit d’auteur, est incessible et inaliénable). Et le débat aurait pu être particulièrement véhément dans le cas d’espèce si Salvador Dalí n’avait pas eu d’héritiers au sixième degré ou plus proches, de sorte que le droit de suite aurait été perçu par la France, alors que Dalí entendait explicitement qu’il revienne à l’Espagne.