Language of document : ECLI:EU:T:2009:205

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 juin 2009 (*)

« Dumping – Importations de glyphosate originaire de Chine – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (CE) n° 384/96 »

Dans l’affaire T‑498/04,

Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group Co. Ltd, établie à Jiande City (Chine), représentée initialement par MD. Horovitz, avocat, et M. B. Hartnett, barrister, puis par MHorovitz,

partie requérante,

soutenue par

Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (Audace), représentée par MM. J. Flynn, QC, et D. Scannell, barrister,

partie intervenante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de MG. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes E. Righini et K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er du règlement (CE) n° 1683/2004 du Conseil, du 24 septembre 2004, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de glyphosate originaire de la République populaire de Chine (JO L 303, p. 1), dans la mesure où il concerne la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 2, paragraphes 1 à 7, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base »), prévoit, aux fins de la détermination de l’existence d’un dumping, les règles concernant la méthode de détermination du montant dit de la « valeur normale ». Ainsi, en son paragraphe 1, il énonce une méthode principale, selon laquelle « [l]a valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ».

2        L’article 2, paragraphe 7, du règlement de base prévoit une règle particulière pour les importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Cette disposition se lit comme suit :

« a)  Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché […], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable […]

b)       Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance […] de la République populaire de Chine, d’Ukraine, du Viêt Nam, du Kazakhstan et de tout pays dépourvu d’une économie de marché qui est membre de l’OMC à la date d’ouverture de l’enquête, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés [sous] c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles […] [énoncées sous] a) s’appliquent.

c)       La requête présentée au titre […] [des dispositions énoncées sous] b) doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si :

–        les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’oeuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,

–        les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,

–        les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,

–        les entreprises concernées sont soumises à des lois concernant la faillite et la propriété, qui garantissent aux opérations des entreprises sécurité juridique et stabilité

et

–        les opérations de change sont exécutées aux taux du marché.

La question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés ci-dessus doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations. La solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête. »

3        L’article 11, paragraphe 5, du règlement de base prévoit :

« Les dispositions pertinentes du présent règlement concernant les procédures et la conduite des enquêtes, à l’exclusion de celles qui concernent les délais, s’appliquent à tout réexamen effectué en vertu des paragraphes 2, 3 et 4 [du même article] […] »

 Antécédents du litige

4        La requérante, Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group Co. Ltd, est une société de droit chinois, cotée à la bourse de Shanghai. Le glyphosate est l’un des principaux produits fabriqués et vendus par la requérante sur les marchés chinois et mondial. Il s’agit d’un herbicide chimique de base largement utilisé par les agriculteurs dans le monde entier.

5        En février 1998, le Conseil a, par le règlement (CE) n° 368/98 (JO L 47, p.1), institué des mesures antidumping définitives sur les importations de glyphosate originaire de la République populaire de Chine (ci-après la « RPC »). Ce règlement a été modifié par le règlement (CE) n° 1086/2000 du Conseil (JO L 124, p. 1) et par le règlement (CE) n° 163/2002 du Conseil (JO L 30, p. 1).

6        Le 18 novembre 2002, à la suite de la publication d’un avis d’expiration prochaine des mesures antidumping applicables aux importations de glyphosate originaire de la RPC (JO C 120, p. 3), la Commission a été saisie d’une demande de réexamen de ces mesures au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, émanant de l’Association européenne du glyphosate [European Glyphosate Association (EGA)]. Le 15 février 2003, la Commission a publié un avis d’ouverture à la fois d’un réexamen intermédiaire et d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations de glyphosate originaires de la RPC, conformément à l’article 11, paragraphes 2 et 3, du règlement de base (JO C 36, p. 18).

7        Le 4 avril 2003, à la suite de l’ouverture de l’enquête, la requérante a remis complété à la Commission le questionnaire destiné aux producteurs réclamant le statut d’entreprise évoluant en économie de marché (ci-après le « SEM »), en demandant à celle-ci de lui reconnaître le SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. En outre, le 30 avril 2003, la requérante lui a également remis complété le questionnaire destiné aux producteurs-exportateurs de glyphosate en RPC.

8        Par la suite, la requérante a répondu à plusieurs demandes de renseignements complémentaires de la Commission et a réagi aux observations de l’EGA, dans lesquelles celle-ci s’opposait à l’octroi du SEM à la requérante. Par ailleurs, du 2 au 4 septembre 2003, la Commission a effectué une visite de vérification sur le site de la requérante.

9        Le 5 décembre 2003, la Commission a communiqué à la requérante son intention de rejeter la demande d’octroi du SEM (ci-après la « communication du 5 décembre 2003 »). Les 16 et 23 décembre 2003, la requérante a présenté ses observations sur cette communication.

10      Par lettre du 6 avril 2004, la Commission a confirmé sa décision de refuser l’octroi du SEM à la requérante.

11      Le 7 avril 2004, la Commission a notifié à la requérante les faits et les considérations essentiels sur la base desquels elle comptait proposer des mesures antidumping définitives. La requérante a présenté ses observations sur cette communication le 19 avril 2004.

12      Le 24 septembre 2004, sur proposition de la Commission, le Conseil a arrêté le règlement (CE) n° 1683/2004 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de glyphosate originaire de la RPC (JO L 303, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). En ce qui concerne la demande d’octroi du SEM présentée par la requérante, les considérants 13 à 15 du règlement attaqué énoncent :

« 13) Bien que la majorité de ses parts soit détenue par des personnes privées, il a été constaté que la société n’en était pas moins contrôlée par l’État en raison de la grande dispersion des participations privées et du fait que l’État possédait de loin le plus gros paquet d’actions. Qui plus est, le conseil d’administration était nommé par les actionnaires publics et la plupart des administrateurs étaient des fonctionnaires de l’État ou provenaient d’entreprises publiques. Il a donc été déterminé que la société était soumise à une influence et un contrôle significatifs de la part de l’État.

14)       Il a de plus été établi que le gouvernement avait accordé à la chambre de commerce chinoise représentant les importateurs et les exportateurs de métaux, minéraux et produits chimiques le droit de viser les contrats et de vérifier les prix à l’exportation en vue du dédouanement. Ce système prévoyait la fixation d’un prix minimal pour les exportations de glyphosate et permettait à la chambre de commerce d’interdire les exportations ne le respectant pas.

15)      En conséquence, il a été décidé, après consultation du comité consultatif, de ne pas accorder le [SEM] à [la requérante] au motif qu’elle ne remplissait pas tous les critères fixés à l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), du règlement de base. »

13      Aux termes du considérant 17 du règlement attaqué :

« Comme expliqué au considérant 14 ci-dessus, il a été établi que l’État exerçait un contrôle significatif sur [la requérante] en ce qui concerne la fixation des prix à l’exportation du produit concerné […] »

14      La demande d’octroi du SEM étant rejetée, la valeur normale a été déterminée, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, sur la base de données obtenues auprès de producteurs d’un pays tiers à économie de marché, à savoir la République fédérative du Brésil (considérants 23 à 30 du règlement attaqué).

15      L’article 1er du règlement attaqué dispose :

« 1. Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations de glyphosate relevant des codes NC ex 29310095 (code TARIC 2931009582) et ex 38083027 (code TARIC 3808302719) originaire de la [RPC].

[…]

4. Le taux de droit applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, des produits décrits aux paragraphes 1 à 3 s’élève à 29,9 %. »

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2004, la requérante a introduit le présent recours.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2005, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 13 juin 2005, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 28 juin 2005, la Commission a informé le Tribunal qu’elle renonçait à déposer un mémoire en intervention, mais qu’elle prendrait part à l’audience.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 avril 2005, l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (Audace) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 8 juillet 2005, le président de la première chambre a admis cette intervention. Il a réservé la décision sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel déposées par la requérante et le Conseil. Les versions non confidentielles des documents présentés par les parties ont été communiquées à l’Audace.

19      L’Audace a déposé son mémoire en intervention le 15 septembre 2005 et le Conseil a déposé ses observations sur celui-ci le 6 décembre 2005.

20      Par lettres des 2 et 15 décembre 2005, respectivement, le Conseil et la requérante ont indiqué qu’ils retiraient leurs demandes de traitement confidentiel à l’égard de l’Audace. Par conséquent, une copie des documents confidentiels lui a été signifiée.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22      Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la requérante à répondre à certaines questions et à produire un document. La requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Les parties, à l’exception de l’Audace qui n’a pas participé à l’audience, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 juillet 2008.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er du règlement attaqué dans la mesure où il concerne la requérante ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

26      L’Audace conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er du règlement attaqué dans la mesure où il concerne la requérante ;

–        condamner le Conseil aux dépens liés à l’intervention.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

29      La requérante invoque, en substance, trois moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. Le deuxième moyen est tiré du manquement au point 6 de l’annexe II de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-après l’« accord antidumping ») et à l’article 18, paragraphe 4, du règlement de base ainsi que d’une violation des droits fondamentaux de la requérante. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime. Par ailleurs, la requérante soutient également que les institutions communautaires n’ont pas tenu compte de façon appropriée des enquêtes antidumping ouvertes parallèlement contre elle dans des pays tiers et soulève, dans la réplique, que le refus de lui accorder le SEM procède d’une méconnaissance des obligations internationales résultant pour la Communauté des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

30      Avant d’examiner les griefs soulevés dans le cadre du premier moyen (voir points 43 et suivants ci-après), et eu égard aux arguments des parties ayant trait à l’économie de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base et à la charge de la preuve relative à l’établissement du SEM, ainsi qu’à ceux relatifs aux motifs du refus de l’octroi du SEM en l’espèce, il y a lieu de préciser, à titre liminaire, le cadre et l’objet du présent litige.

 Observations liminaires

31      Il y a lieu de rappeler que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base concerne le calcul de la valeur normale dans le cas d’importations en provenance d’un pays n’ayant pas une économie de marché. Jusqu’à la modification introduite en vertu du règlement (CE) n° 905/98 du Conseil, du 27 avril 1998, portant modification du règlement de base (JO L 128, p. 18), pour tous les pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale a toujours été calculée selon la méthode dite du « pays analogue », à savoir sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché comparable.

32      Il ressort toutefois du préambule du règlement nº 905/98 qu’en 1998 le Conseil a considéré que « les réformes entreprises en Russie et en [RPC] [avaie]nt fondamentalement modifié l’économie de ces pays et abouti à l’émergence d’entreprises soumises aux conditions d’une économie de marché » et que « ces deux pays [s’étaient] par conséquent détournés du système économique qui avait justifié le recours à la méthode du pays analogue » (quatrième considérant). Le Conseil a estimé, par conséquent, qu’« il import[ait] de réexaminer la pratique antidumping de la Communauté afin de pouvoir tenir compte des conditions économiques nouvelles » dans les deux pays susmentionnés et qu’« il conv[enait], en particulier, de préciser que la valeur normale p[ouvait] être déterminée conformément aux règles applicables aux pays à économie de marché dans le cas où il p[ouvait] être démontré que les conditions du marché prévalent pour un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête en rapport avec la fabrication et la vente du produit en question » (cinquième considérant). Le Conseil a précisé, enfin, que « l’examen de la prévalence des conditions de marché se fera[it] sur la base de requêtes dûment documentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête » (sixième considérant).

33      Ainsi, à la suite de cette modification, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, dans le cas des enquêtes concernant les importations en provenance de la RPC, la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement, que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Cependant, si tel n’est pas le cas, la méthode du pays analogue énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base s’applique.

34      Ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, il ressort de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base ainsi que des considérants précités du règlement n° 905/98 que les institutions communautaires sont tenues, dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, de conduire un examen au cas par cas, la RPC ne pouvant pas encore être considérée comme un pays connaissant une économie de marché. La valeur normale d’un produit provenant de RPC ne peut donc être déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché que « s’il est établi […] que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs » (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, point 52).

35      En outre, il ressort des dispositions susmentionnées que la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du SEM. En effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base prévoit que la requête « doit […] contenir des preuves suffisantes ». Partant, il n’incombe pas aux institutions communautaires de prouver que le producteur-exportateur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, aux institutions communautaires d’apprécier si les éléments fournis par le producteur-exportateur sont suffisants pour démontrer que toutes les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont remplies (arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 34 supra, points 53 et 54).

36      Il en résulte que si un doute subsiste quant à la question de savoir si les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont satisfaites, parce que, notamment, le producteur-exportateur concerné n’a pas fourni ou n’a pas été en mesure de fournir les informations nécessaires ou parce qu’il n’a pas pleinement coopéré lors de l’enquête, et donc il n’est pas possible pour les institutions communautaires de vérifier l’existence ou non des conditions d’une économie de marché, le SEM ne peut pas être accordé.

37      Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cadre de l’évaluation des situations de fait d’ordre juridique et politique, qui se manifestent dans le pays concerné, pour déterminer si un exportateur peut bénéficier de l’octroi du SEM, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Il en résulte que le contrôle du juge communautaire sur de telles appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 34 supra, points 48 et 49, et la jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il est constant entre les parties que le SEM a été refusé à la requérante uniquement au motif qu’elle n’avait pas établi qu’elle satisfaisait à la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base et, plus particulièrement, à celle visant à s’assurer que « les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants […] sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard ».

39      En effet, ainsi que la requérante le relève, il ressort de la communication du 5 décembre 2003 que la Commission a considéré que les autres critères, énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième à cinquième tiret, du règlement de base, étaient remplis. Par ailleurs, s’agissant de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, la Commission n’a formulé aucune objection en ce qui concerne les coûts des principaux intrants qui, aux termes de cette disposition, doivent « reflét[er] en grande partie les valeurs du marché ». Elle a conclu que, lorsqu’il était possible de comparer les prix des matières premières fournies sur le marché domestique avec les matières premières importées, seulement de petites différences avaient été constatées. De même, dans ses écritures, le Conseil a admis que le SEM n’avait pas été accordé à la requérante, au motif que les institutions avaient conclu qu’elle n’avait pas démontré que ses décisions avaient été prises sans intervention significative de l’État.

40      Il en résulte que la requérante a été pleinement informée des motifs du rejet de sa demande d’octroi du SEM et que, contrairement à ce qu’elle soutient, l’absence d’indication précise dans le règlement attaqué quant à la question de savoir lequel des critères de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base n’était pas satisfait ne saurait être considérée comme témoignant d’un manque d’objectivité et d’impartialité de la part des institutions. Par ailleurs, il ressort clairement des arguments de la requérante qu’elle a parfaitement compris la portée du rejet de la demande d’octroi du SEM.

41      Ainsi que cela ressort du règlement attaqué et comme le Conseil le relève dans ses écritures, la conclusion des institutions selon laquelle la requérante n’avait pas établi qu’elle remplissait la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base a été fondée, en substance, d’une part, sur des considérations tenant au contrôle de la requérante par l’État, ainsi que sur celles tenant à la nomination et à la composition de son conseil d’administration (considérant 13 du règlement attaqué), et, d’autre part, sur la constatation d’un contrôle significatif exercé par l’État, par le biais d’une procédure de visa et de vérification des contrats à l’exportation, en ce qui concerne la fixation des prix à l’exportation du produit concerné par la requérante (considérant 14 du règlement attaqué, explicité par le considérant 17 du même règlement).

42      Il y a lieu de constater, dans ce contexte, que le premier moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, consiste d’abord à faire valoir que les institutions n’ont pas examiné si les décisions de la requérante concernant les prix et les coûts des intrants étaient adoptées en tenant compte des signaux du marché et si elles l’étaient sans une intervention significative de l’État. Par conséquent, ces griefs concernent principalement les motifs exposés au considérant 13 du règlement attaqué et c’est donc dans ce contexte qu’il y a lieu de les examiner. Il conviendra d’aborder ensuite séparément les griefs visant à remettre en cause l’appréciation des institutions relative aux prix à l’exportation.

 Sur les griefs concernant l’appréciation du Conseil relative au contrôle de la requérante par l’État ainsi qu’à la nomination et à la composition de son conseil d’administration

43      La requérante fait valoir que, pour apprécier si elle opérait dans les conditions d’une économie de marché, le Conseil a appliqué un critère incompatible avec l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. Elle considère qu’elle a fourni les éléments suffisants pour établir que ses décisions concernant les prix et les coûts des intrants étaient arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande, sans intervention significative de l’État à cet égard, et que ces éléments n’ont pas été dûment pris en compte par le Conseil. Elle relève, par conséquent, que les constatations figurant au considérant 13 du règlement attaqué, relatives à la participation minoritaire de l’État et à la nomination et la composition du conseil d’administration, même à les supposer conformes aux éléments du dossier, ne constituent pas des éléments permettant en soi de justifier le refus d’octroi du SEM. Toutefois, la requérante conteste également l’exactitude factuelle de l’appréciation du Conseil, en faisant valoir qu’elle est contredite par les éléments du dossier administratif.

44      Le Tribunal estime opportun d’examiner ces griefs ensemble.

 Arguments des parties

45      La requérante fait valoir qu’elle s’est pleinement acquittée de la charge de la preuve en présentant, dès le début de l’enquête, les éléments suffisants pour établir que ses décisions commerciales étaient arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande, sans intervention significative de l’État à cet égard.

46      À cet égard, la requérante se réfère aux éléments de preuve relatifs à ses prix, à ses coûts et à l’acquisition des intrants. Elle fait valoir notamment qu’elle a établi qu’elle négociait les prix sur un pied d’égalité en cherchant à faire en sorte que ceux-ci suffisent à couvrir l’ensemble des coûts de production de la société tout en assurant un bénéfice raisonnable et que, ainsi que la Commission l’aurait admis dans la communication du 5 décembre 2003, les prix des matières premières d’origine nationale et importées étaient presque identiques, démontrant ainsi qu’elle s’approvisionnait en matières premières sur le marché national à des prix reflétant ceux du marché.

47      La requérante souligne que le Conseil n’indique pas dans le règlement attaqué que l’État est intervenu de manière significative dans ses décisions commerciales. De même, le dossier de l’enquête ne comporterait pas d’éléments indiquant que les décisions de la requérante concernant les prix, les coûts et les intrants ne tenaient pas compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande sans intervention significative de l’État. Elle relève, par ailleurs, que la Commission a examiné ses documents relatifs aux prix, aux coûts et aux acquisitions d’intrants lors du contrôle sur place, qu’elle n’a formulé aucune préoccupation à l’égard de leur véracité et que ces éléments n’ont pas été contestés ni réfutés dans les conclusions des institutions.

48      S’agissant de l’appréciation du Conseil, au considérant 13 du règlement attaqué, selon laquelle « la société était soumise à une influence et un contrôle significatifs de la part de l’État », la requérante considère qu’elle est insuffisante au regard du critère énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base et qu’elle ne permettait donc pas de rejeter la demande d’octroi du SEM.

49      Elle souligne que le libellé de cette disposition impose aux institutions communautaires d’apprécier si les éléments produits par le producteur-exportateur suffisent à démontrer que ses décisions commerciales tiennent compte des signaux du marché et qu’elles sont prises sans intervention significative de l’État. Ainsi, l’absence d’« intervention significative de l’État » devrait être appréciée, de manière objective, concrète et sur la base d’éléments de preuve, « à l’égard » de chacun des aspects des décisions commerciales envisagés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. À son avis, compte tenu de la signification du mot « intervention », une situation où l’État soit n’est pas impliqué dans les décisions commerciales, soit y est impliqué, mais n’empêche pas de tenir compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande, ne constitue pas une « intervention » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. La requérante fait observer, par ailleurs, que cette disposition accepte une situation d’intervention de l’État à moins que celle-ci ne soit « significative ».

50      Sur ce point, l’Audace ajoute que, en langue anglaise, la notion d’« intervention » (interference) vise clairement un « élément d’ingérence, de manipulation ou de contamination effective ». Elle indique qu’il s’agit d’une « notion transitive » et que l’État doit intervenir « dans » (interfere with) une décision ou une action spécifique, qui doit relever de l’une des catégories mentionnées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Le libellé de cette disposition dans les autres langues officielles confirmerait cette interprétation (« intervention significative » dans la version française et « Staatseingriffe » dans la version allemande). Selon l’Audace, l’on ne saurait valablement assimiler cette notion aux notions de « contrôle » ou d’« influence » qui sont des « notions intransitives », l’État pouvant avoir une certaine influence sans pour autant modifier effectivement les décisions ou les actions. De surcroît, l’emploi de la locution « à cet égard » lierait cette intervention à des décisions concernant les prix et les coûts des intrants.

51      Plus particulièrement, la requérante souligne que ce n’est pas le contrôle qui constitue le critère envisagé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base et estime, par conséquent, que la participation minoritaire de l’État n’est pas un facteur permettant de déduire qu’il n’était pas satisfait à la condition énoncée dans cette disposition. Elle avance, par ailleurs, que, dans aucune décision publiée, l’octroi du SEM a été refusé à une société en raison d’une participation minoritaire de l’État ou de sociétés détenues par l’État et que la Commission elle-même a dû estimer lors de l’enquête que cette participation ne constituait pas un obstacle à l’octroi du SEM, puisque, dans le cas contraire, le contrôle sur place qu’elle a effectué n’aurait eu aucun sens.

52      De même, la requérante conteste la pertinence des affirmations des institutions relatives à la nomination et à la composition de son conseil d’administration. Elle relève, s’agissant de la prétendue nomination du conseil d’administration par les actionnaires publics, que le fait que la plupart des autres actionnaires ne participent pas à l’assemblée annuelle ne permet pas de conclure que l’État exerce une ingérence significative sur ses décisions commerciales. Elle fait valoir également que les membres du conseil d’administration ne représentent pas un actionnaire en particulier et n’interviennent pas dans les décisions de la société concernant les prix, les coûts et les intrants. Une telle intervention aurait été contraire à la fois à la loi chinoise sur les sociétés commerciales et aux statuts de la requérante. Dès lors, la requérante considère que la présence au conseil d’administration de prétendus fonctionnaires de l’État ou de personnes provenant d’entreprises publiques n’est pas un élément permettant en soi de déduire qu’il n’était pas satisfait à la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

53      La requérante avance que l’interprétation du Conseil signifie que, en pratique, en raison d’une participation minoritaire de l’État, beaucoup de sociétés chinoises à responsabilité limitée modernes, commerciales et bien gérées ne seraient pas en mesure de démontrer que « les conditions du marché prévalent pour un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête en rapport avec la fabrication et la vente du produit en question », ce qui irait à l’encontre du but poursuivi par l’adoption du règlement n° 905/98. La requérante estime être un exemple emblématique de ce type de société chinoise, nouvellement créée et performante, cotée en bourse et fonctionnant sans restrictions dans les conditions d’une économie de marché afin de maximiser les profits et la valeur des dividendes distribués aux actionnaires. Elle avance, par ailleurs, que d’importantes participations étatiques dans des sociétés de l’Union européenne illustrent le fait que l’actionnariat de l’État n’implique pas que celui-ci intervienne dans les décisions commerciales de la société. De même, des personnes ayant des liens avec le secteur public seraient impliquées dans plusieurs des sociétés les plus compétitives de l’Union.

54      Du reste, la requérante fait valoir, que, même à supposer que la participation minoritaire de l’État soit pertinente, comme le prétend le Conseil, elle ne suffit pas à justifier le rejet de la demande d’octroi du SEM en l’espèce, les éléments qu’elle a présentés démontrant que les actionnaires n’intervenaient pas dans les décisions de la société en matière de prix, de coûts et d’intrants et que la participation étatique ne les empêchait pas de tenir compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande. La requérante souligne qu’aucune de ses observations relatives aux « sauvegardes » empêchant l’État d’intervenir dans ses décisions commerciales n’a été analysée ou réfutée par les institutions dans leurs écritures. Cette approche contrasterait avec la pratique habituelle des institutions, selon laquelle elles apprécieraient en détail, même lorsqu’il s’agit de sociétés entièrement ou majoritairement détenues par l’État, les mesures prises par la société concernée pour empêcher l’intervention de l’État dans les circonstances en cause.

55      En tout état de cause, la requérante conteste l’exactitude factuelle des affirmations des institutions.

56      Premièrement, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que les institutions affirment, la détention par l’État d’une participation minoritaire dans son capital ne lui permet pas, ni en fait ni en droit, de la contrôler, puisque, ainsi qu’elle l’aurait établi lors de l’enquête, les réglementations applicables et ses propres statuts contiennent des garanties empêchant l’intervention des actionnaires publics dans ses décisions commerciales ou de gestion de la société et leur interdisant de porter atteinte aux droits et intérêts légitimes de la société et des autres actionnaires. Par ailleurs, elle soutient que la participation de l’un des actionnaires publics résulte d’une transaction commerciale normale.

57      Deuxièmement, ainsi que la requérante l’aurait établi lors de l’enquête, les membres de son conseil d’administration ne seraient pas nommés par l’État, contrairement à ce que le Conseil indique dans le règlement attaqué, mais seraient élus par l’assemblée générale. Ainsi qu’elle l’aurait également expliqué, la requérante et ses actionnaires seraient « protégés » contre une telle intervention par la loi chinoise sur les sociétés, par ses propres statuts et par les règles de cotation de la bourse de Shanghai.

58      Troisièmement, la requérante conteste l’affirmation du Conseil selon laquelle « la plupart des administrateurs étaient des fonctionnaires de l’État ou provenaient d’entreprises publiques ». À cet égard, elle fait valoir qu’elle a établi, d’une part, qu’aucun de ses administrateurs ou directeurs n’était fonctionnaire de l’État et que la loi chinoise sur les sociétés commerciales, reprise dans ses statuts, interdisait aux fonctionnaires de l’État d’occuper des fonctions d’administrateur, de réviseur ou de directeur de société et, d’autre part, que seulement deux administrateurs (sur un total de neuf) étaient des directeurs de sociétés détenues par l’État, en l’occurrence deux sociétés actionnaires de la requérante. Répliquant aux arguments soulevés par le Conseil dans le mémoire en défense, la requérante fait valoir qu’il est erroné de considérer que ses administrateurs étaient liés à l’État sur la base du seul fait qu’ils étaient employés par elle ou parce qu’ils étaient des professeurs d’universités, qui constituent des établissements d’enseignement public.

59      Enfin, la requérante et l’Audace contestent les arguments invoqués par le Conseil en cours d’instance pour justifier son approche.

60      Ainsi, premièrement, s’agissant des arguments du Conseil selon lesquels les éléments de preuve permettant d’examiner si les « opérations » de la requérante sont effectuées en tenant compte des signaux du marché n’auraient aucune pertinence en ce qui concerne la question de l’intervention de l’État, la requérante soutient qu’il ressort de la jurisprudence et de la pratique des institutions elles-mêmes que chaque tiret de l’article 2, paragraphe 7, sous c), constitue une condition qui concerne un seul ensemble de circonstances de fait qui doivent être examinées ensemble. Les cinq tirets de cet article concerneraient cinq aspects principaux des caractéristiques essentielles que possèdent nécessairement des acteurs opérant dans un système d’économie de marché. Quant à la condition énoncée au premier tiret, elle serait relative à la manière dont l’entité concernée adopte ses décisions commerciales et viserait à évaluer si ces décisions sont prises « par l’entreprise et pour les affaires » ou si elles sont « viciées » par d’autres considérations qui prévalent dans des systèmes qui ne sont pas des économies de marché. La requérante soutient que, par conséquent, si dans la présente affaire les institutions reconnaissent que ses décisions commerciales « sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande » et que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché », il y a une présomption que ces décisions sont également prises « sans intervention significative de l’État à cet égard », et ce d’autant plus que le dossier ne contient aucun élément établissant le contraire et que les conditions figurant aux quatre autres tirets de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont entièrement remplies.

61      L’Audace souligne également que l’objectif de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base est d’établir des critères permettant de déterminer si les entreprises concernées doivent être traitées de la même manière que les sociétés d’économie de marché, en vue de déterminer la valeur normale des produits. Ce qui serait important en définitive pour cette évaluation est la question de savoir si les décisions de ces sociétés sont prises en fonction du marché. Ainsi, selon l’Audace, les institutions communautaires doivent vérifier si l’influence de l’État a pour effet de « contaminer les décisions pertinentes » de sorte qu’elles ne sont pas soumises aux lois du marché. L’Audace considère que l’interprétation du Conseil n’est pas compatible avec cet objectif.

62      Deuxièmement, s’agissant de l’affirmation du Conseil selon laquelle il ne serait pas nécessaire d’examiner si l’État est intervenu dans des décisions commerciales particulières, parce que « la RPC est toujours un pays n’ayant pas une économie de marché, dans lequel seules quelques sociétés opèrent dans les conditions d’une économie de marché », la requérante fait observer qu’en 1998 le Conseil a reconnu lui-même formellement l’évolution substantielle de l’économie chinoise, justifiant la modification de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. Par ailleurs, il ressortirait de la pratique décisionnelle des institutions que l’octroi du SEM aux entreprises établies en RPC est loin d’être aussi exceptionnel. L’Audace ajoute sur ce point que l’objectif de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base est de permettre à des exportateurs chinois qualifiés, même s’il y en aurait que très peu, de démontrer au cas par cas qu’ils sont soumis aux lois de l’économie de marché, la RPC étant membre de l’OMC. L’approche suivie par le Conseil semblerait dénaturer ce processus et préjuger de la réponse à donner.

63      Troisièmement, répliquant aux arguments du Conseil relatifs à la charge de la preuve pesant sur l’exportateur concerné et à la marge d’appréciation des institutions, la requérante souligne que les limites des pouvoirs du Conseil ont été clairement définies par la jurisprudence et fait valoir, en particulier, que parmi les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives figurent, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante. La requérante considère qu’en l’espèce les institutions n’ont manifestement pas respecté ces obligations et qu’en conséquence leur appréciation des faits n’a pas été correcte.

64      Quatrièmement, contrairement à ce que soutient le Conseil dans le mémoire en défense, la requérante fait valoir que l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base ne doit pas être interprété strictement et que l’approche des institutions devrait être flexible et ouverte à la possibilité que toujours plus de sociétés satisfassent aux critères du SEM. Elle relève, en effet, que ce dispositif constitue une « exception à l’exception », à savoir une exception à la méthode du pays analogue, qui, en vertu du règlement de base et de l’accord antidumping, serait elle-même une exception à la méthode principale de détermination de la valeur normale. De surcroît, en vertu du protocole d’accession de la RPC à l’OMC, annexé à la décision de la Conférence ministérielle de l’OMC du 10 novembre 2001 (WT/L/432 du 23 novembre 2001, ci-après le « protocole d’accession de la RPC à l’OMC »), il s’agirait d’une solution provisoire et transitoire.

65      Enfin, la requérante conteste également les arguments du Conseil selon lesquels les références au droit chinois des sociétés seraient dénuées de pertinence. Elle considère qu’ils vont à l’encontre des efforts déployés par la RPC pour l’établissement d’une économie de marché et qu’ils sont en contradiction avec les motifs de l’introduction du SEM dans le règlement de base. Elle soutient, par ailleurs, que cette législation a été édictée assez récemment et applique des règles semblables à celles en vigueur dans les principales économies modernes, dont celles de différents États membres de la Communauté.

66      Le Conseil soutient que l’interprétation que la requérante et l’Audace font de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base est erronée et que les institutions ont utilisé la bonne méthode en l’espèce. Il souligne notamment qu’il ressort de la jurisprudence que la méthode de détermination de la valeur normale visée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base est une exception à la méthode spécifique prévue à son article 2, paragraphe 7, sous a), et que, par conséquent, elle doit être interprétée strictement. Par ailleurs, il rappelle que la charge de la preuve que tous ces critères sont remplis incombe au producteur concerné et que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’octroi du SEM.

67      Le Conseil considère qu’une « intervention significative de l’État » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base n’exige pas des institutions d’examiner si l’État est intervenu dans des décisions commerciales particulières, si l’État lui-même prend de telles décisions ou s’il empêche qu’elles soient prises. Il suffirait d’établir que l’État exerce un contrôle significatif sur l’exportateur en RPC.

68      À cet égard, le Conseil fait observer que la RPC est toujours un pays n’ayant pas une économie de marché, dans lequel seules quelques sociétés opèrent dans les conditions d’une économie de marché. Il considère, dès lors, que pour établir que l’État intervient dans les décisions commerciales, il suffit d’établir que l’État prend une part significative à l’ensemble du processus décisionnel de la société. Cette intervention pourrait prendre diverses formes, y compris la participation aux réunions des actionnaires et du conseil d’administration.

69      En effet, de l’avis du Conseil, si l’État contrôle une société, il intervient également dans ses décisions, même s’il ne « s’ingère » pas dans les décisions commerciales ou s’il ne les « manipule » ou ne les « contamine » pas, comme l’Audace l’exige. Dans ce cas, les décisions de la société seraient des décisions de l’État prises en vertu du contrôle général qu’il exerce et il s’agirait nécessairement de décisions du type de celles figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Ainsi, selon le Conseil, si la détention d’actions par l’État se traduit par un contrôle de l’État, elle aboutit également à une intervention de l’État qui est par définition significative.

70      Le Conseil souligne que, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, l’intervention de l’État et les prix aux conditions du marché sont deux questions différentes et les conditions d’octroi du SEM n’ont pas pour seul but de vérifier que les prix et les coûts reflètent les valeurs du marché. En effet, ainsi qu’il ressortirait de l’emploi de la conjonction de coordination « et » dans le libellé de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, un exportateur devrait démontrer deux faits distincts, premièrement, que ses décisions sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché et, deuxièmement, que ses décisions sont arrêtées sans intervention significative de l’État. Le Conseil avance, par conséquent, que les éléments de preuve relatifs aux prix d’opérations particulières sont dénués de pertinence en ce qui concerne la question de l’influence de l’État et il n’aborde pas les développements que la requérante a consacrés à cette question dans la requête.

71      Il considère, par ailleurs, que si des éléments de preuve relatifs à des décisions commerciales particulières étaient exigés, cela rendrait pratiquement impossible pour l’exportateur de démontrer que le premier critère est rempli. En conséquence, il suffirait, en principe, que l’exportateur démontre que, de manière générale, il n’est pas contrôlé par l’État et qu’il opère sans subir d’influence significative de la part de l’État, car cela indiquerait que l’État n’intervient pas non plus dans ses décisions commerciales.

72      Par ailleurs, le Conseil conteste l’existence d’une pratique établie selon laquelle les institutions apprécieraient en détail les mesures prises par l’exportateur faisant l’objet de l’enquête pour empêcher l’intervention de l’État. En tout état de cause, le Conseil considère que la requérante n’a pas démontré au cours de l’enquête qu’elle avait bien pris des mesures pour empêcher une influence de l’État. Il relève que des mesures qui pourraient être pertinentes à cet égard seraient par exemple des mesures relatives à la composition du conseil d’administration (dont les membres ne seraient ni des fonctionnaires ni des personnes ayant des liens avec l’État) ou des mesures relatives aux règles de vote (empêchant la constitution d’une minorité de blocage pour l’actionnaire public, ce qui permettrait à la majorité des actionnaires non publics de contrôler la société). Or, la seule mesure à laquelle se réfère la requérante serait la loi chinoise sur les sociétés qui n’est pas une mesure prise par la requérante. En fait, de l’avis du Conseil, si la loi chinoise sur les sociétés pouvait permettre à elle seule d’empêcher l’influence de l’État, toutes les sociétés contrôlées par l’État pourraient en vertu d’une telle loi demander l’octroi du SEM, ce qui aurait pour effet de rendre pratiquement sans objet l’évaluation de celui-ci.

73      Quant à la comparaison de la situation de la requérante avec celle d’une entreprise d’un pays à économie de marché, le Conseil souligne qu’elle ne tient pas compte du fait que la RPC est toujours un pays n’ayant pas une économie de marché et que, dans ce cadre, les entreprises contrôlées par l’État n’opèrent pas par définition dans les conditions d’une économie de marché.

74      Le Conseil ajoute que le fait que la participation de l’État à l’ensemble du processus décisionnel est suffisante pour constituer une « intervention », au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, dépend des circonstances propres à chaque cas. En l’occurrence, les institutions auraient conclu que les motifs de refus énoncés dans le règlement attaqué étaient, « considérés ensemble », suffisants pour conclure que la requérante n’avait pas prouvé qu’elle opérait sans intervention de l’État.

75      Enfin, le Conseil fait valoir, contrairement à ce que soulève la requérante, que les motifs énoncés au considérant 13 du règlement attaqué sont étayés par le dossier administratif.

76      Premièrement, le Conseil relève que la conclusion des institutions, selon laquelle, même sans détenir la majorité des actions, l’État contrôlait la requérante, se fondait sur une appréciation de la répartition des actions. En effet, l’actionnariat de l’État (40,98 %) serait extrêmement concentré, celui-ci étant réparti entre seulement trois entités publiques, alors que l’actionnariat privé (59,02 %) serait largement dispersé, permettant ainsi aux actionnaires publics de contrôler les assemblées des actionnaires. Par ailleurs, le fait que la répartition inégale de l’actionnariat public par rapport à l’actionnariat privé permette à l’État de contrôler la société serait confirmé par la manière dont les parts étaient représentées à l’assemblée annuelle des actionnaires qui s’est tenue durant la période d’enquête, au cours de laquelle 90 % des actions représentées étaient détenues par l’État ou des entreprises publiques.

77      Deuxièmement, le Conseil fait observer que, puisque les membres du conseil d’administration de la requérante ont été élus lors d’assemblées d’actionnaires, lesquelles, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, étaient contrôlées par les actionnaires publics, ce sont de facto ces derniers qui ont nommé le conseil d’administration.

78      Troisièmement, s’agissant de la composition du conseil d’administration, le Conseil fait valoir qu’il ressort clairement d’un tableau, que la requérante a fourni dans la lettre du 10 septembre 2003, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, que seuls deux des neuf membres du conseil d’administration n’avaient pas de lien avec l’État. Tous les autres auraient été employés par des entreprises ou des établissements publics ou contrôlés par l’État. Or, dans un pays n’ayant pas une économie de marché, il y aurait lieu de supposer que l’État contrôle toutes les activités économiques et il serait donc difficile de concevoir comment les employés d’entités publiques ou contrôlées par l’État pourraient ne pas être soumis à l’influence de leur employeur, à savoir l’État, et n’agiraient pas de la même manière que des fonctionnaires.

 Appréciation du Tribunal

79      Il convient de rappeler que, au considérant 13 du règlement attaqué, le Conseil a constaté ce qui suit :

« Bien que la majorité de ses parts soit détenue par des personnes privées, il a été constaté que la société n’en était pas moins contrôlée par l’État en raison de la grande dispersion des participations privées et du fait que l’État possédait de loin le plus gros paquet d’actions. Qui plus est, le conseil d’administration était nommé par les actionnaires publics et la plupart des administrateurs étaient des fonctionnaires de l’État ou provenaient d’entreprises publiques. Il a donc été déterminé que la société était soumise à une influence et un contrôle significatifs de la part de l’État. »

80      Il y a lieu de relever d’emblée que, contrairement à ce que la requérante semble laisser entendre (voir point 56 ci-dessus), les institutions n’ont nullement affirmé, ni dans le règlement attaqué ni lors de l’enquête, que l’État était directement impliqué dans les décisions relevant de sa gestion journalière, que les actionnaires publics portaient atteinte aux droits et aux intérêts légitimes de la société et des autres actionnaires ou que la façon dont l’État avait acquis sa participation était incompatible avec les conditions d’une économie de marché. Hormis les assertions relatives au conseil d’administration de la requérante, elles se sont bornées à constater l’existence du contrôle étatique sur la base de considérations relatives à la répartition de l’actionnariat de la requérante, sans se prononcer sur la question de savoir notamment comment ce contrôle était ou pouvait être exercé dans la pratique. Or, la requérante n’a pas remis en cause l’affirmation du Conseil selon laquelle les assemblées d’actionnaires, y compris celles qui décidaient de la composition du conseil d’administration, étaient contrôlées par les actionnaires publics.

81      Il convient donc d’examiner si la constatation d’un tel contrôle de l’État permettait de justifier le refus d’octroi du SEM.

82      À cet égard, il y a lieu de relever que le « contrôle » ou l’« influence » de l’État ne constitue pas une condition prévue explicitement à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Il y a donc lieu de vérifier si, ainsi que le soutient le Conseil, le contrôle de l’État, tel qu’il a été constaté en l’espèce, implique nécessairement l’existence d’une « intervention significative » de sa part au sens de cette disposition.

83      Il y a lieu de rappeler que l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base exige que, pour pouvoir bénéficier du SEM, le producteur-exportateur concerné doit notamment présenter des preuves suffisantes de ce que « les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’oeuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard ».

84      Il ressort clairement du libellé de cette disposition que l’existence ou non d’une intervention significative de l’État doit être appréciée au regard de la façon dont les « décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants » sont arrêtées. En effet, elle exige de la part du producteur-exportateur concerné d’établir que ses décisions sont arrêtées, d’une part, « en tenant compte des signaux du marché » et, d’autre part, « sans intervention significative de l’État ». Par ailleurs, l’emploi des termes « à cet égard » renforce davantage le lien entre les décisions pertinentes et l’intervention de l’État. Par conséquent, un comportement de l’État qui ne serait pas de nature à influer sur ces décisions ne saurait constituer une « intervention significative » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

85      En outre, compte tenu du libellé de cette disposition, de sa finalité et de son contexte, la notion d’« intervention significative de l’État » ne peut être assimilée à toute influence sur les activités d’une entreprise ou à toute implication dans son processus décisionnel, mais doit être comprise comme une action des pouvoirs publics qui est de nature à rendre ses décisions incompatibles avec les conditions d’une économie de marché.

86      En effet, l’emploi même de l’expression « intervention significative » témoigne de la volonté du législateur communautaire de permettre un certain degré d’influence de l’État sur les activités d’une entreprise ou d’implication dans son processus décisionnel qui serait dépourvu d’un effet quelconque sur la façon dont les décisions concernant les prix et les coûts des intrants sont arrêtées.

87      Il y a lieu de relever, également, que, selon les termes de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier à cinquième tiret, sont destinées à identifier les producteurs, faisant l’objet d’une enquête antidumping, pour lesquels « les conditions d’une économie de marché prévalent […] en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné » [article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base ; voir également le cinquième considérant du règlement n° 905/98] et qui « opère[nt] dans les conditions d’une économie de marché » [article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base]. Par ailleurs, l’application des règles énoncées à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base présuppose la disponibilité de certaines données, telles que les prix payés ou à payer, le coût de production et les ventes « au cours d’opérations commerciales normales » et se rapportant principalement au produit faisant l’objet de l’enquête (article 2, paragraphe 1, du règlement de base). C’est dans ce contexte que les critères visés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base requièrent que les entreprises souhaitant bénéficier du SEM opèrent selon les conditions d’une économie de marché et que les prix, les coûts et le jeu de documents comptables de base soient fiables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2003, Changzhou Hailong Electronics & Light Fixtures et Zhejiang Yankon/Conseil, T‑255/01, Rec. p. II‑4741, point 41).

88      Force est donc de constater que la condition en cause vise à vérifier si les décisions pertinentes des producteurs-exportateurs concernés sont guidées par des considérations purement commerciales, propres à une entreprise évoluant dans les conditions d’une économie de marché, ou si elles sont faussées par d’autres considérations, propres aux économies d’État.

89      À cet égard, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que le Conseil relève, que, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, il convient de tenir compte du fait que les États visés par l’article 2, paragraphe 7, sous b), de ce même règlement ne sont pas considérés comme des États connaissant une économie de marché, et ce malgré les réformes qui y ont été accomplies (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 34 supra, points 51 et 52). Il s’agit d’une appréciation par le législateur communautaire de la situation économique, juridique et politique dans ces pays tiers, qui est expressément reconnue à l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base et qui justifie le traitement spécifique réservé aux importations en provenance de ces États en ce qui concerne la détermination de la valeur normale. Il doit être présumé, par conséquent, que les conditions dans lesquelles les entreprises opèrent dans ces pays ne sont pas comparables, sauf preuve contraire, à celles que connaissent les pays dotés d’une économie de marché.

90      Ainsi, plus particulièrement, dans le contexte d’un pays dépourvu d’une économie de marché, le fait qu’une société établie dans ce pays soit contrôlée par l’État peut soulever des doutes quant à la question de savoir si ce dernier ne dépasse pas le rôle d’un actionnaire normal respectant les règles du marché et si le management de la société est suffisamment indépendant de l’État, pour pouvoir arrêter des décisions autonomes en ce qui concerne les prix et les coûts des intrants, et en réponse aux signaux du marché reflétant l’offre et la demande. Il convient de relever par ailleurs qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, aux termes duquel les décisions des entreprises sont « arrêtées », que le législateur communautaire a exigé spécifiquement que le processus décisionnel de l’entreprise concernée soit libre de toute intervention significative de la part de l’État. Ainsi, il lui appartient de démontrer que ses décisions concernant les prix et les coûts des intrants sont arrêtées d’une façon autonome, sont guidées par des considérations typiques d’une économie de marché, à savoir notamment par la maximalisation du profit, et qu’elles ne sont pas influencées par des considérations propres aux pouvoirs publics. Or, la prise de décisions autonomes et motivées par des considérations commerciales est en principe une caractéristique propre au secteur privé et, par conséquent, il est légitime pour les institutions communautaires, dans le cadre de l’exercice de leur large pouvoir d’appréciation dont elles jouissent dans ce domaine, de tenir compte, dans leur examen des preuves produites par l’exportateur concerné, de la circonstance que l’entreprise concernée est contrôlée par l’État.

91      Cependant, le contrôle étatique, tel qu’il a été constaté en l’espèce, n’est pas en tant que tel incompatible avec la prise de décisions commerciales par l’entreprise concernée selon les conditions d’une économie de marché et ne signifie notamment pas que ses décisions concernant les prix et les coûts des intrants sont guidées par des considérations étrangères à une entreprise opérant dans de telles conditions.

92      Or, l’approche défendue par le Conseil en cours d’instance et qui ressort également du considérant 13 du règlement attaqué, assimilant le contrôle étatique à une « intervention significative de l’État » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base conduit à exclure, par principe, les sociétés contrôlées par l’État du bénéfice du SEM, indépendamment du contexte factuel, juridique et économique concret dans lequel elles opèrent et, plus particulièrement, de la question de savoir si elles ont présenté des preuves suffisantes pour établir que l’État ne dépassait pas le rôle d’un actionnaire normal dans un pays doté d’une économie de marché, que les décisions de l’entreprise étaient arrêtées de façon autonome et indépendamment de considérations qui sont propres aux pouvoirs publics et que ces décisions étaient donc guidées exclusivement par des considérations purement commerciales, propres à une entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché.

93      Il y a lieu de relever, en particulier, dans ce contexte, que les assertions du Conseil concernant la nomination et la composition du conseil d’administration de la requérante ne permettent pas, au vu du dossier, de mettre en doute le fait que le contrôle que l’État exerce dans la société reste, ainsi que la requérante le prétend, dans les limites des mécanismes normaux du marché.

94      En effet, d’une part, s’agissant de la nomination du conseil d’administration, il ressort du dossier que l’État ou les organismes publics n’ont pas la faculté de nommer directement un ou plusieurs administrateurs. En effet, ainsi que la requérante l’a établi dans la demande d’octroi du SEM, en vertu de ses statuts, les membres du conseil d’administration sont élus par l’assemblée générale. Par ailleurs, cela n’est nullement contesté par les institutions et il ressort, au contraire, du dossier ainsi que des arguments du Conseil que l’affirmation effectuée au considérant 13 du règlement attaqué concerne précisément le fait que, en raison de la grande dispersion des participations privées, permettant aux actionnaires publics de contrôler les assemblées générales, ceux-ci décident, dans la pratique, de la composition du conseil d’administration. Or, cette seule circonstance ne permet pas de constater que les actionnaires publics se trouvent dans une autre position ou agissent différemment d’un actionnaire privé minoritaire qui, en raison de la dispersion de l’actionnariat majoritaire, aurait de fait le contrôle des assemblées d’actionnaires. Dès lors, elle ne saurait non plus constituer un motif de refus d’octroi du SEM à la requérante.

95      D’autre part, s’agissant de la composition du conseil d’administration, force est de constater, au vu du dossier et des arguments du Conseil, que les assertions concernant l’existence de liens entre la majorité au conseil d’administration et l’État reposent également sur le simple fait que la requérante est contrôlée par l’État. En effet, alors que les institutions n’ont soulevé aucune objection à l’égard de deux des neuf administrateurs, elles ont reproché à trois autres administrateurs de se trouver dans une relation d’emploi (s’agissant du « directeur général » et du « vice-directeur général ») ou liés par un contrat de prestation de services (s’agissant du président du conseil d’administration) avec la requérante, alors que celle-ci était contrôlée par l’État. Or, cette seule circonstance ne peut être considérée comme étant incompatible avec les conditions d’une économie de marché et ne permet pas d’avancer, en l’absence d’autres indications de leur affiliation avec l’État, que les décisions de ces administrateurs au sein du conseil d’administration sont guidées par des considérations qui sont propres aux pouvoirs publics. Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments de la requérante quant aux autres administrateurs, il y a lieu d’écarter le grief tiré de ce que la majorité au conseil d’administration entretient des liens avec l’État qui seraient incompatibles avec les conditions d’une économie de marché.

96      Force est donc de constater que les considérations exposées au considérant 13 du règlement attaqué ne comportent aucun élément permettant de justifier davantage le refus d’octroi du SEM en l’espèce. En particulier, la conclusion du Conseil selon laquelle la requérante est soumise « à une influence et un contrôle significatifs de la part de l’État », revient seulement, au vu du dossier, à affirmer la seule existence d’un contrôle étatique sur la requérante.

97      Ainsi, dès lors que le critère du contrôle étatique ne figure pas explicitement parmi les conditions énoncées dans la disposition en cause, l’approche du Conseil est incompatible avec le système qu’il a lui-même institué en introduisant, en vertu du règlement n° 905/98, les dispositions de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), dans le règlement de base, qui repose sur l’examen au cas par cas, par les institutions communautaires, du caractère suffisant ou non des éléments de preuve fournis par les producteurs-exportateurs faisant l’objet d’une enquête antidumping et souhaitant bénéficier du SEM.

98      Il y a lieu de conclure, par conséquent, que c’est à juste titre que la requérante relève que les motifs retenus au considérant 13 du règlement attaqué témoignent de ce que, pour apprécier le caractère suffisant ou non des éléments qu’elle avait fournis, les institutions ont appliqué un critère qui n’est pas prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. En effet, si le contrôle de l’État sur une entreprise est un élément qui peut éventuellement être pris en compte, il ne suffit pas, à lui seul, à démontrer l’existence d’une « intervention significative de l’État » au sens de cette disposition.

99      Certes, la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du SEM. Toutefois, il y a lieu d’observer que, dans le cas d’espèce, la requérante a fourni à la Commission différents éléments de preuve tendant à démontrer qu’elle satisfaisait à la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Ces éléments de preuve ont cependant été jugés comme non pertinents en raison d’une assimilation du contrôle étatique à l’« intervention significative de l’État » au sens de cette disposition.

100    Ainsi, la requérante a fourni les éléments de preuve, qui avaient d’ailleurs été sollicités par la Commission elle-même dans son questionnaire destiné aux producteurs réclamant le SEM et qui étaient relatifs aux décisions prises pendant la période d’enquête en matière de prix et de coûts, aux négociations de contrats, aux fluctuations des prix, à l’environnement réglementaire (en matière de prix, de distribution et de licences à l’exportation) et au processus de prise de décision au sein de la société. Il y a lieu de relever, à cet égard, que le Conseil ne conteste pas les arguments de la requérante selon lesquels la Commission a examiné ses documents relatifs aux prix, aux coûts et aux acquisitions d’intrants lors du contrôle sur place et n’a formulé aucune réserve à l’égard de leur véracité. En revanche, le Conseil a reconnu explicitement, en cours d’instance, que les institutions communautaires avaient estimé que les éléments de preuve relatifs à des décisions commerciales particulières n’étaient pas pertinents pour leur appréciation de la question de savoir si la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base était satisfaite, et, en particulier, de celle de savoir si ces décisions avaient été adoptées sans intervention significative de l’État.

101    De même, ni le libellé du règlement attaqué ni les pièces du dossier de l’enquête ne permettent de constater que les institutions ont tenu compte des éléments présentés par la requérante dans la demande d’octroi du SEM, et réitérés à plusieurs reprises lors de l’enquête, au sujet des garanties existant dans ses statuts, dans la loi chinoise sur les sociétés et dans les règles de cotation à la bourse de Shanghai, afin d’apprécier dans quelle mesure ces garanties constituaient des éléments suffisants pour démontrer que les décisions de la requérante concernant les prix et les coûts des intrants étaient arrêtées sans intervention significative de l’État. Il en va de même des éléments relatifs au comportement des actionnaires publics et privés lors des votes de l’assemblée générale des actionnaires et des éléments relatifs à l’origine de la participation étatique. En particulier, dans la partie intitulée « Influence de l’État » de la communication du 5 décembre 2003, ces éléments ne sont pas abordés. Il en est de même en ce qui concerne la lettre du 6 avril 2004, par laquelle la Commission a confirmé sa décision de refuser l’octroi du SEM à la requérante.

102    Il résulte de tout ce qui précède que les circonstances énumérées au considérant 13 du règlement attaqué ne permettent pas de justifier la conclusion du Conseil, tirée au considérant 15 de ce règlement, selon laquelle la requérante ne remplissait pas tous les critères fixés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

103    Ces considérations ne sont pas remises en cause par les arguments du Conseil tirés de ce que, selon la jurisprudence, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans un cas comme celui de l’espèce.

104    En effet, les considérations qui précèdent ne reposent pas sur une évaluation des situations de fait, d’ordre juridique et politique, qui relèvent d’un large pouvoir d’appréciation des institutions dans ce domaine, mais procèdent de la détermination de la portée des règles de droit pertinentes, établies par le Conseil. Or, dans le cadre de son contrôle de légalité, le juge communautaire exerce un contrôle complet quant à la bonne application par les institutions des règles de droit pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, T‑374/04, Rec. p. II‑4431, point 81).

105    Il y a lieu de souligner, en effet, que, par l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base et, en particulier, en prévoyant des critères précis pour l’octroi du SEM, le Conseil a limité son propre pouvoir d’appréciation, dans le but, d’ailleurs, de tenir compte des « conditions économiques nouvelles » en Chine (cinquième considérant du règlement n° 905/98). Ainsi, son appréciation au titre de ce dispositif doit être effectuée dans les limites de ces règles de droit et l’exercice du large pouvoir d’appréciation dans ce domaine ne saurait conduire à poser des conditions d’octroi du SEM qui vont au-delà de celles qui sont énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

106    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, lorsque les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figurent, notamment, l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’administré de faire connaître son point de vue ainsi que de voir motiver la décision de façon suffisante (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 63). Par conséquent, dans un cas comme celui de l’espèce, si le juge communautaire ne peut intervenir dans l’appréciation réservée aux autorités communautaires, il lui appartient cependant de s’assurer que, dans le cadre de l’examen que les institutions sont tenues d’effectuer aux fins de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, elles ont tenu compte de tous les éléments pertinents avancés par le producteur-exportateur et qu’elles les ont évalués avec toute la diligence requise (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, précité, point 64). Or, comme il a été relevé ci-dessus, une interprétation erronée des règles de droit applicables en l’espèce a conduit les institutions à méconnaître les éléments de preuve pertinents avancés par la requérante.

107    Il y a lieu de relever, en outre, que c’est à juste titre que le Conseil a soutenu que la méthode de détermination de la valeur normale d’un produit visée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base est une exception à la méthode spécifique prévue à cette fin à l’article 2, paragraphe 7, sous a), cette dernière étant en principe applicable dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché et que, partant, elle doit être interprétée strictement (arrêts Changzhou Hailong Electronics & Light Fixtures et Zhejiang Yankon/Conseil, point 87 supra, point 39, et Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 34 supra, point 50). Cependant, cela n’est pas de nature à valider l’approche du Conseil assimilant, par principe, le contrôle étatique, tel qu’il a été relevé au considérant 13 du règlement attaqué, à une « intervention significative de l’État » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, et ce sans aucune prise en considération des éléments de preuve relatifs au contexte factuel, juridique et économique concret dans lequel la requérante opère. Cette approche revient, en effet, ainsi qu’il vient d’être constaté, à poser des conditions d’octroi du SEM qui vont au-delà de celles qui sont énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

108    Enfin, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal se prononce sur la question de savoir si les preuves qu’elle a fournies étaient ou non suffisantes pour considérer que la condition de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base était remplie, cette appréciation étant réservée aux institutions communautaires. Comme le Conseil le souligne à juste titre, il appartient aux institutions communautaires d’apprécier, au cas par cas, si les éléments fournis par le producteur-exportateur sont suffisants pour démontrer que les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont remplies et au juge communautaire de vérifier si cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 34 supra, points 52 et 53). Il n’appartient donc pas au Tribunal de procéder à un tel examen en lieu et place des institutions en cause.

109    Il résulte de ce qui précède que les présents griefs doivent être accueillis.

 Sur les griefs concernant l’appréciation du Conseil relative à la fixation des prix à l’exportation de la requérante

110    La requérante considère que l’appréciation du Conseil relative à la fixation de ses prix à l’exportation ne permet pas de fonder le refus de lui accorder le SEM. D’une part, elle relève, en substance, que les ventes à l’exportation ne sont pas pertinentes pour l’examen de la demande d’octroi du SEM et que le Conseil a donc fait une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base. D’autre part, l’appréciation du Conseil en ce qui concerne la fixation des prix à l’exportation de la requérante serait entachée d’une erreur manifeste.

 Sur le grief tiré d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base

–       Arguments des parties

111    La requérante fait valoir que, étant donné que la procédure de visa des contrats à l’exportation par la chambre de commerce chinoise représentant les importateurs et les exportateurs de métaux, de minéraux et de produits chimiques (ci-après la « CCCMC ») concerne les prix à l’exportation et non les ventes du produit concerné sur le marché intérieur chinois, elle ne saurait constituer une base valable pour lui refuser l’octroi du SEM. L’appréciation en sens contraire du Conseil procède, à son avis, d’une interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base qui est incompatible avec l’économie générale de l’Accord antidumping, du protocole d’accession de la RPC à l’OMC et du règlement de base.

112    Elle relève, à cet égard, que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base ainsi que l’article 15 du protocole d’accession de la RPC à l’OMC concernent la détermination de la valeur normale et reposent sur la prise en compte de la vente du produit concerné sur le marché intérieur chinois. Les prix à l’exportation constitueraient en revanche une notion différente dans le cadre du règlement de base qui serait régie par des règles différentes. La requérante considère que cette interprétation est confirmée par le préambule du règlement n° 905/98, par la jurisprudence du Tribunal (arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 34 supra) et par la pratique constante des institutions qui, pour apprécier s’il existe une « intervention significative de l’État », tiendraient toujours compte des décisions relatives aux prix du marché intérieur en cause, et non des prix à l’exportation.

113    Le Conseil fait valoir qu’il est dénué de pertinence que la procédure de visa des contrats par la CCCMC ne concerne que les opérations d’exportation. Il considère que la requérante confond les conditions d’octroi du SEM avec la détermination d’une valeur normale et le calcul du prix à l’exportation dans l’hypothèse où le SEM a été accordé. Or, pour que le SEM soit accordé, l’exportateur devrait fournir des preuves suffisantes qu’il n’y a aucune intervention de l’État à l’égard des prix et des ventes de l’entreprise. Cette condition ne serait pas remplie si l’État intervient à l’égard des prix à l’exportation. Le Conseil souligne, par ailleurs, que dans l’arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 34 supra (points 94 à 109), le Tribunal s’est particulièrement penché sur les conclusions des institutions relatives aux prix à l’exportation contrôlés par l’État.

–       Appréciation du Tribunal

114    Si c’est à juste titre que la requérante relève que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base concerne la détermination de la valeur normale, qui, dans le cadre de ce règlement, constitue une notion différente de celle des prix à l’exportation, il ne s’ensuit pas que le comportement des producteurs-exportateurs concernés s’agissant des prix à l’exportation, est dépourvu de toute pertinence aux fins de l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base.

115    En effet, cette disposition conditionne la détermination de la valeur normale conformément aux règles énoncées à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base à la démonstration par le producteur concerné qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché. Or, il n’y a aucune raison de considérer que les « conditions d’une économie de marché » devraient concerner exclusivement les activités domestiques du producteur en cause. Au contraire, il ne saurait être nié que l’absence de restrictions quant aux activités d’exportation et, notamment, la liberté de négocier les prix à l’exportation constituent des caractéristiques propres à une économie de marché.

116    La thèse de la requérante ne trouve d’ailleurs aucun appui dans le libellé des cinq tirets de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base qui indiquent quels éléments de preuve doivent être apportés par le producteur pour qu’il puisse être considéré comme opérant dans les conditions d’une économie de marché. En effet, il ne ressort aucunement de ces dispositions qu’elles se réfèrent exclusivement aux activités domestiques des producteurs concernés. En particulier, la mention visant les « décisions des entreprises concernant les prix » n’est assortie d’aucune réserve en vertu de laquelle ces décisions devraient concerner seulement le marché domestique du producteur.

117    Quant au point 15, sous a), du protocole d’accession de la RPC à l’OMC, invoqué par la requérante, il renvoie aussi au critère des « conditions d’une économie de marché » en ce qui concerne, notamment, la vente du produit similaire, sans qu’il y soit indiqué qu’il s’agit exclusivement de ventes sur le marché domestique.

118    Force est de constater par conséquent que la requérante n’a pas établi que la notion de « conditions d’une économie de marché », employée à la fois dans le règlement de base et dans le protocole d’accession de la RPC à l’OMC, ne concernait pas les prix à l’exportation. Dès lors, les restrictions éventuelles à la liberté de fixer les prix à l’exportation pourraient légitimement fonder le refus d’accorder le SEM et les institutions n’ont donc pas commis d’erreur de droit à cet égard.

119    Enfin, il y a lieu de noter que, dans ses observations du 16 décembre 2003, la requérante a elle-même admis la pertinence de l’analyse des ventes à l’exportation dans le contexte de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Elle a affirmé, en effet, que si l’État empêchait les exportations en raison de prix trop bas, la Commission devait en tenir compte dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une intervention significative de l’État, tout en soutenant toutefois que tel n’était pas le cas en ce qui concerne le produit concerné.

120    Partant, le présent grief doit être rejeté.

 Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation du Conseil en ce qui concerne la fixation des prix à l’exportation de la requérante

–       Arguments des parties

121    La requérante fait valoir, en substance, qu’elle a démontré que ses prix à l’exportation étaient librement fixés sur la seule base de considérations d’ordre commercial et sans aucune intervention de l’État. Dès lors, l’appréciation du Conseil relative à la procédure de visa des contrats à l’exportation par la CCCMC serait entachée d’une erreur manifeste.

122    À cet égard, en premier lieu, la requérante se réfère aux éléments de preuve et aux explications, fournis à la Commission et ultérieurement examinés par celle-ci lors du contrôle sur place, qui auraient permis d’établir que ses décisions concernant les prix étaient fondées sur des considérations purement commerciales et n’étaient ni dictées ni contrôlées par l’État. Elle aurait établi, en particulier, qu’aucune autorisation n’était nécessaire pour vendre le produit concerné sur le marché domestique ou mondial et qu’aucune régulation des prix ne résultait de l’action d’organismes étatiques.

123    En deuxième lieu, s’agissant de la CCCMC, la requérante aurait expliqué qu’elle n’était ni dirigée ni contrôlée par l’État, mais qu’elle était un organisme non gouvernemental, fondé par ses membres. Elle avance, par ailleurs, que le dossier de l’enquête contient des éléments de preuve établissant que le prix indicatif n’était pas fixé par la CCCMC, mais par les producteurs chinois de glyphosate eux-mêmes, et qu’il ne s’agissait pas d’un prix minimal à l’exportation contraignant, mais d’un prix indicatif d’orientation. Ainsi, aucun « respect » de ce prix n’aurait été exigé, la procédure de visa des contrats à l’exportation constituant une simple formalité.

124    Plus spécifiquement, la requérante aurait expliqué que les producteurs chinois de glyphosate sont convenus entre eux de la nécessité de prix indicatifs à l’exportation (guided export pricing) afin de minimiser les risques d’enquêtes antidumping sur les marchés extérieurs. Le rôle de la CCCMC à cet égard aurait été celui de faciliter cette coordination et de fournir les services de secrétariat. Ainsi, la requérante indique que les éléments à la base du prix indicatif de l’année suivante provenaient des producteurs chinois, qui présentaient à la CCCMC leurs suggestions individuelles. Cependant, les prix effectifs à l’exportation auraient été décidés par chaque producteur sur la base de négociations se déroulant sur un pied d’égalité avec les clients. Une copie du contrat à l’exportation qui y était afférent aurait ensuite été présentée à la CCCMC, dont le rôle aurait consisté à insérer les éléments du contrat dans une base de données et à viser le contrat sans intervenir sur les prix à l’exportation. Les informations recueillies par la CCCMC auraient été utilisées pour informer à intervalles réguliers les producteurs chinois de glyphosate des prix à l’exportation, sous une forme globale et non confidentielle. D’après la requérante, l’exportateur montrait aux autorités douanières le contrat visé par la CCCMC, à la suite de quoi celles-ci procédaient au dédouanement.

125    En troisième lieu, la requérante fait valoir qu’elle a établi que tous ses contrats à l’exportation au cours de la période d’enquête avaient été visés par la CCCMC, quel que soit le prix et, donc, que le prétendu prix minimal à l’exportation n’était pas contraignant, et certainement pas en ce qui la concerne. À cet égard, elle se réfère à une série d’éléments qu’elle aurait fournis lors de l’enquête et qui auraient été vérifiés par la Commission lors du contrôle sur place, tels que les copies des contrats et des factures à l’exportation ou les listes complètes de ses ventes à l’exportation vers la Communauté et vers d’autres marchés au cours de la période d’enquête, tous ces documents mentionnant des prix, y compris le prix unitaire moyen des ventes à l’exportation, qui seraient inférieurs au prix indicatif. Elle aurait également fourni un certificat de la CCCMC comprenant la confirmation que celle-ci avait visé tous les contrats à l’exportation de glyphosate de la requérante lors de la période d’enquête.

126    La requérante ajoute que les institutions n’ont pas tenu compte des arguments et des éléments de preuve qu’elle a avancés aux différentes étapes de l’enquête, en conservant une motivation identique quant au rôle de la CCCMC dans leurs différents écrits et dans le règlement attaqué. Ce faisant, elles auraient manqué aux standards d’équité, d’objectivité et d’impartialité, ainsi qu’à l’obligation de procéder à un examen diligent, et auraient enfreint le principe de bonne administration.

127    Par ailleurs, la requérante fait valoir que l’argument du Conseil, tiré du fait que seulement deux producteurs de glyphosate en RPC ont demandé l’octroi du SEM, constitue une « pure spéculation » et est « inadmissible ». En tout état de cause, elle fait observer que, en réalité, plusieurs exportateurs chinois ont été menacés par l’offensive qui avait été lancée contre eux par Monsanto dans le cadre des enquêtes antidumping menées presque parallèlement dans le monde entier et auraient préféré éviter de dépenser encore plus d’argent pour se défendre sur le marché de l’Union. L’Audace insiste aussi spécifiquement sur ce point en relevant que cet argument du Conseil démontre qu’il a une attitude superficielle et préconçue de l’évaluation qu’il doit fournir dans la présente affaire.

128    Enfin, la requérante fait valoir que, dans l’hypothèse où l’appréciation du Conseil se rapporterait à une situation dans laquelle la CCCMC pourrait refuser de viser un contrat à l’exportation en raison du prix, cette possibilité ne saurait justifier le rejet de la demande d’octroi du SEM, compte tenu de la pratique qu’elle a établie et de l’absence d’une démonstration effective d’un refus de visa. En effet, un droit de veto sans recours à ce droit ne saurait constituer une intervention de l’État et encore moins une intervention significative de celui-ci. En tout état de cause, elle soutient qu’il a été démontré que le mécanisme en question n’était pas conçu pour permettre une telle intervention.

129    La requérante relève, par ailleurs, que les formalités à accomplir en cas d’exportation ne sont pas rares, même dans l’Union. Par exemple, une licence d’exportation serait obligatoire pour les produits alimentaires dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Elle souligne que les gouvernements interviennent constamment, tant au niveau microéconomique que macroéconomique, dans l’économie de tous les pays à économie de marché et l’instauration de droits antidumping serait un exemple classique d’une telle intervention pour protéger l’industrie locale. La différence entre un système d’économie de marché et un autre système tiendrait donc à l’introduction d’une notion de degré (« significative ») dans celle d’ « intervention de l’État ».

130    Le Conseil fait valoir, en substance, qu’un système de contrôle très efficace était en place, qu’il était dirigé par l’État par l’intermédiaire de la CCCMC et des autorités douanières et qu’il constituait donc une intervention du gouvernement de la RPC dans la fixation des prix à l’exportation de la requérante. Dans ces conditions, le prix réellement fixé par la requérante, et notamment la circonstance que la CCCMC aurait visé des contrats dans lesquels le prix était inférieur au « prix plancher », serait dénué de pertinence.

131    À cet égard, le Conseil relève que, dans sa réponse à une demande de renseignements complémentaires de la Commission, la requérante a expliqué que, au sein de la CCCMC, il existait un groupe de coordination des exportateurs de glyphosate qui se réunissait pour fixer le « prix plancher » approprié des ventes à l’exportation. La plupart des exportations se feraient à des prix supérieurs à ce « prix plancher », qui serait resté le même pendant deux ans. Selon la requérante, tous les contrats à l’exportation devaient être soumis à la CCCMC, qui vérifiait les prix de vente et visait le contrat si le prix de vente était supérieur au « prix plancher ». Le gouvernement de la RPC aurait ordonné aux autorités douanières chinoises de n’autoriser les exportations que si le contrat portait le visa de la CCCMC.

132    Le Conseil fait observer que, dans une lettre ultérieure, la requérante a indiqué qu’elle s’était mal exprimée en employant l’expression « prix plancher » et que la tâche de la CCCMC consistait seulement à vérifier le prix du contrat. Le Conseil souligne cependant que, tout en soutenant que la CCCMC a visé des contrats dont le prix était inférieur au « prix plancher », la requérante n’a jamais affirmé que la CCCMC ne disposait pas du droit de refuser de viser un contrat dont le prix était inférieur au « prix plancher ». Or, selon le Conseil, si elle n’avait pas ce droit, l’ensemble du système d’approbation ne pourrait remplir l’objectif pour lequel il a été établi, à savoir garantir que la fixation du prix des exportations de glyphosate en provenance de RPC ne provoque pas l’ouverture d’enquêtes antidumping à l’étranger.

133    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la CCCMC n’était pas dirigée ou contrôlée par l’État et le « prix plancher » n’était pas établi par la CCCMC, mais par les producteurs chinois de glyphosate eux-mêmes, le Conseil estime qu’il est contredit par le libellé d’un extrait de la brochure d’information de la CCCMC, qui se lit comme suit :

« Les ventes à bas prix font subir des pertes importantes au gouvernement, à l’industrie et aux entreprises et entraînent l’industrie et les entreprises concernées dans des affaires d’antidumping à l’étranger. Afin de maintenir un système rigoureux d’exportations et de protéger les intérêts de l’industrie, le gouvernement a arrêté des mesures accordant à la CCCMC le droit de viser les contrats et de vérifier les prix à l’exportation en vue du dédouanement. » (soulignement du Conseil omis).

134    De plus, selon le Conseil, si le prix était apparemment fixé par tous les producteurs de glyphosate, il l’était en réalité par l’État, puisque la grande majorité des producteurs étaient des entreprises publiques ou des entreprises contrôlées par l’État. À cet égard, le Conseil fait observer que, sur 39 producteurs de glyphosate en RPC, dont faisait état la demande de réexamen, deux seulement ont demandé l’octroi du SEM. Le Conseil en déduit que les 37 autres producteurs ont conclu d’eux-mêmes qu’ils ne remplissaient pas les conditions requises pour obtenir le SEM, ce qui signifierait qu’ils étaient détenus ou contrôlés par l’État.

135    Le Conseil relève que, étant donné que les autorités douanières n’autorisaient les exportations que si le contrat était visé par la CCCMC, cette dernière était à même de s’opposer à toute exportation qui ne respectait pas le « prix plancher ». À son avis, cela contraignait bel et bien réellement les exportateurs, dont la requérante, à respecter le « prix plancher », même si la CCCMC avait parfois aussi visé des opérations d’exportation pour lesquelles le prix à l’exportation était inférieur à ce prix.

136    Enfin, en réponse aux arguments de la requérante selon lesquels les formalités à accomplir en cas d’exportation n’étaient pas rares, le Conseil fait valoir que l’intervention de l’État dans une économie de marché, où toutes les sociétés opèrent en principe selon les critères du marché, même lorsqu’elles sont entièrement détenues par l’État, ne saurait être comparée à celle qui est pratiquée dans un pays non doté de ce type d’économie où une société qui est contrôlée par l’État n’opère pas selon les critères du marché. Par ailleurs, l’instauration d’un tel cadre général dans lequel les sociétés opèrent, même s’il a un effet sur les décisions des sociétés, y compris en matière de prix, ne constitue pas, de l’avis du Conseil, une intervention de l’État au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

–       Appréciation du Tribunal

137    Il y a lieu de constater, à titre liminaire, que, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les restrictions éventuelles à la liberté de fixer les prix à l’exportation doivent être prises en considération dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir si les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont satisfaites. Ainsi, il incombait à la requérante de prouver notamment que ses ventes à l’exportation étaient conformes au comportement d’une entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché et, en particulier, qu’elle était libre de décider des prix à l’exportation, en fonction de considérations purement commerciales et sans intervention significative de l’État.

138    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la demande d’octroi du SEM, en réponse aux questions posées par la Commission dans son questionnaire destiné aux producteurs souhaitant obtenir ledit statut, la requérante a indiqué, en substance, qu’elle avait tous les droits nécessaires pour les exportations et les importations, que ses ventes à l’exportation résultaient de négociations fondées sur des paramètres d’affaires et que l’État n’intervenait nullement pour fixer les prix, les quantités, les conditions et les modalités de vente. Elle a également produit les documents justificatifs sollicités par la Commission, dont notamment une liste des ventes effectuées vers la Communauté lors de la période d’enquête et une liste indiquant les quantités mensuelles des ventes à l’exportation du produit concerné ainsi que la moyenne mensuelle des prix de vente à l’exportation pendant la période d’enquête.

139    Ainsi qu’il ressort du règlement attaqué (considérant 14, explicité par le considérant 17) et comme le Conseil l’a relevé en cours d’instance, les institutions ont cependant considéré que, au moyen du mécanisme de visa des contrats à l’exportation par la CCCMC, sur lequel leur attention avait été attirée par le plaignant, l’État exerçait un contrôle significatif sur la requérante en ce qui concerne la fixation des prix à l’exportation du produit concerné, de façon incompatible avec l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Par ailleurs, dans sa communication du 5 décembre 2003, la Commission affirmait que ce mécanisme devait être considéré comme une « intervention significative de l’État dans les décisions des exportateurs du glyphosate ». Hormis ces considérations, les institutions n’ont pas remis en cause les déclarations susvisées de la requérante et elles n’ont pas reproché à la requérante un quelconque défaut de coopération ou défaut de présentation des informations nécessaires pour vérifier l’existence ou non des conditions d’une économie de marché en ce qui concerne ses activités d’exportation.

140    La requérante ne conteste pas l’existence du mécanisme concerné, ayant elle-même fourni lors de l’enquête des informations relatives à son fonctionnement. Elle fait valoir cependant, en substance, qu’elle a établi que ce mécanisme n’était pas incompatible avec la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Il y a donc lieu pour le Tribunal de vérifier, si, au vu des éléments présentés par la requérante lors de l’enquête, les institutions ont pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le motif relatif au mécanisme de visa des contrats à l’exportation par la CCCMC permettait de constater que la requérante n’avait pas établi qu’elle remplissait cette condition.

141    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever qu’il ressort des déclarations que la requérante a faites dans ses lettres des 24 juin et 4 juillet 2003 en réponse à une demande de renseignements complémentaires de la Commission relative à la demande d’octroi du SEM, et des observations qu’elle a présentées, les 16 et 23 décembre 2003, sur la communication du 5 décembre 2003 de la Commission, que le système en question a été instauré à l’initiative des producteurs de glyphosate, membres de la CCCMC, qui est un organisme non- gouvernemental, dans le but de faciliter leur mise en conformité avec les législations antidumping et de les prémunir ainsi contre des plaintes à cet égard. C’est dans cette optique que le gouvernement a arrêté des mesures accordant à la CCCMC le droit de viser les contrats et de vérifier les prix à l’exportation en vue du dédouanement. Les déclarations de la requérante en ce sens sont étayées par le contenu de la brochure de la CCCMC dont les traductions ont été fournies par celle-ci, en annexe à la lettre du 24 juin 2003, et par l’EGA, dans sa lettre du 21 novembre 2003. Ainsi, selon les déclarations de la requérante, dans le cadre des procédures douanières, les autorités douanières vérifiaient si le contrat à l’exportation avait bien été visé par la CCCMC, mais n’examinaient pas le prix stipulé au contrat en question.

142    En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier susvisées que le prix était fixé par les membres du groupe des producteurs de glyphosate eux-mêmes. Les déclarations que la requérante a présentées à cet égard sont étayées par un document de la CCCMC en date du 29 décembre 2001, remis à la Commission lors de sa vérification sur le site de la requérante et réitéré par celle-ci en annexe à ses observations du 23 décembre 2003, dont il ressort que l’abaissement du prix de référence était le résultat d’un « vote » des exportateurs concernés.

143    En troisième lieu, la requérante a présenté une série d’éléments de preuve de nature à démontrer que le prix en cause n’était pas contraignant pendant la période d’enquête et qu’elle était libre de fixer les prix à l’exportation à un niveau inférieur.

144    Ainsi, même si, dans ses premières observations au sujet de la CCCMC, dans la lettre du 24 juin 2003, la requérante a employé l’expression de « prix plancher », elle a indiqué par la suite, dans sa lettre du 4 juillet 2003, que le respect du prix en question n’était assuré ni par le gouvernement, ni par la CCCMC, ni par les producteurs eux-mêmes. Selon ces déclarations, le rôle de la CCCMC consistait seulement à vérifier le prix figurant dans le contrat en l’insérant dans une base de données à des fins statistiques et à apposer son visa quand cela avait été fait. Elle a expliqué que le visa ne signifiait donc pas que la CCCMC avait approuvé le prix, mais que la vérification avait eu lieu. Quant aux autorités douanières, la requérante a précisé qu’elles vérifiaient seulement si le visa avait été apposé sur le contrat. Les déclarations selon lesquelles le prix en question n’était pas contraignant ont été ultérieurement réitérées par la requérante dans ses lettres des 16 et 23 décembre 2003.

145    En outre, il ressort du dossier de l’enquête, que, lors de la vérification sur place, la requérante a fourni des explications supplémentaires au sujet du mécanisme en cause et a indiqué qu’en décembre 2001 il avait été décidé de viser tous les contrats, même si le prix était situé en dessous du prix de référence, et qu’en 2002 (période d’enquête) la CCCMC avait visé tous les contrats. Elle a relevé également que, lors d’une réunion qui s’est tenue en février 2003, le système du prix de référence a été abandonné, les contrats faisant toujours l’objet de la procédure de visa, afin que la CCCMC rassemble des informations statistiques annuelles. Ces explications ont été également transmises à la Commission dans la lettre de la requérante du 23 décembre 2003.

146    Ces déclarations selon lesquelles le prix en cause n’était pas contraignant sont étayées par les autres éléments que la requérante a présentés lors de l’enquête.

147    Premièrement, comme la requérante le relève, il ressort du questionnaire de la Commission destiné aux producteurs souhaitant obtenir le SEM et du questionnaire destiné aux producteurs-exportateurs de glyphosate en RPC que pendant la période d’enquête la requérante a effectué deux ventes vers la Communauté et que, dans les deux cas, le prix était inférieur au « prix plancher », lequel ressort d’un document de la CCCMC en date du 29 décembre 2001, remis à la Commission lors de sa vérification sur place.

148    Deuxièmement, s’agissant de ses ventes à l’exportation vers d’autres pays, la requérante a joint au questionnaire destiné aux producteurs-exportateurs de glyphosate en RPC un tableau indiquant notamment les quantités et le montant de ces ventes. Il en ressort, ainsi que la requérante le relève sans être contredite par le Conseil, que, s’agissant de plus de 200 ventes réalisées pendant la période d’enquête, le prix moyen était également inférieur au « prix plancher ».

149    Troisièmement, pour étayer ses déclarations lors de la vérification sur place, au sujet de la procédure de visa des contrats à l’exportation par la CCCMC, la requérante a fourni un contrat de vente, en date du 26 novembre 2002, stipulant un prix inférieur au « prix plancher » et portant le visa de la CCCMC, ainsi que les factures qui y étaient relatives. Ainsi que la requérante l’indique, dans la documentation fournie à la Commission lors de cette vérification se trouvent également d’autres factures des ventes à l’exportation stipulant des prix inférieurs au « prix plancher ». La requérante relève, sans être contredite par le Conseil, que ces éléments ont été vérifiés par la Commission. Par ailleurs, elle a également fourni un document de la CCCMC en date du 29 décembre 2001 où il était indiqué que le prix pourrait fluctuer en fonction des changements des conditions sur le marché. Ultérieurement, dans ses observations des 16 et 23 décembre 2003, la requérante a également attiré l’attention de la Commission sur ces éléments qu’elle lui avait remis lors de la vérification.

150    Enfin, dans sa lettre du 1er octobre 2003, déposée en réponse aux observations de l’EGA sur sa demande d’octroi du SEM, la requérante a également produit un document, en date du 15 septembre 2003, dans lequel la CCCMC déclare qu’elle a apposé son visa sur tous les contrats de la requérante en 2002 (période d’enquête) et que le prix était seulement un prix de référence. Ce document a été également transmis à la Commission dans les lettres de la requérante des 16 et 23 décembre 2003.

151    Force est donc de constater que les éléments susvisés étaient susceptibles de démontrer que le mécanisme en cause n’avait pas été imposé par l’État, que le prix était fixé par les producteurs de glyphosate membres de la CCCMC eux-mêmes et qu’il n’avait pas entraîné de restriction effective en ce qui concerne les activités à l’exportation de la requérante. Dès lors, sans remettre en cause le caractère probant ou suffisant de ces éléments, les institutions ne pouvaient pas conclure, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, que, au moyen du mécanisme en cause, l’État avait exercé un contrôle significatif sur les prix du produit concerné et que ce mécanisme constituait une « intervention significative de l’État » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

152    Or, il y a lieu de souligner que ces éléments de preuve et ces déclarations n’ont pas été remis en cause par les institutions.

153    Ainsi, d’une part, il ressort du dossier que les institutions n’ont jamais contesté les déclarations de la requérante, selon lesquelles la CCCMC était un organisme non gouvernemental et elles n’ont pas remis en cause les affirmations de la requérante selon lesquelles ce sont les producteurs de glyphosate eux-mêmes qui étaient à l’initiative de l’instauration du système en question, afin de minimiser les risques d’enquêtes antidumping sur les marchés d’exportation et de permettre à la CCCMC de recueillir les informations statistiques. Par ailleurs, si le libellé de la brochure de la CCCMC, sur lequel le Conseil s’appuie (voir point 133 ci-dessus), fait ressortir que le gouvernement a arrêté des mesures qui ont permis l’implication des autorités douanières dans le mécanisme concerné, il ne contredit pas, contrairement à ce que le Conseil soutient, les affirmations de la requérante selon lesquelles ce mécanisme n’a pas été imposé par l’État et le prix était fixé par les producteurs de glyphosate membres de la CCCMC eux-mêmes.

154    À cet égard, il y a lieu de rejeter également l’argument soulevé par le Conseil en cours d’instance, selon lequel le fait que sur 39 producteurs de glyphosate en RPC seulement deux ont demandé l’octroi du SEM signifie qu’ils étaient détenus ou contrôlés par l’État et, en conséquence, le « prix plancher » était en réalité fixé par l’État. En effet, l’allégation relative aux raisons pour lesquelles ces 37 producteurs n’ont pas demandé l’octroi du SEM n’est aucunement étayée et, par ailleurs, cette considération ne ressort aucunement des écrits des institutions lors de l’enquête ou du règlement attaqué.

155    D’autre part, les institutions n’ont pas contesté le caractère probant ou suffisant des éléments de preuve visant à démontrer que la requérante était libre de fixer les prix à l’exportation à un niveau inférieur au « prix plancher », y compris notamment les différentes factures et les contrats qu’elle a produits, mais elles se sont bornées à effectuer des affirmations générales selon lesquelles les prix à l’exportation étaient contrôlés par l’État. Or, contrairement à ce que le Conseil semble affirmer, les éléments de preuve relatifs aux prix réellement fixés par le requérante ont toute leur pertinence aux fins de l’examen de la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. En particulier, il n’est pas possible d’affirmer, sans remettre en cause le caractère probant ou suffisant de ces éléments et comme le fait le Conseil pour défendre l’approche adoptée dans le règlement attaqué, qu’un système de contrôle très efficace était en place et que la requérante était en réalité contrainte de respecter le « prix plancher ».

156    Dans ces conditions, il apparaît que le seul élément sur lequel les institutions ont fondé leur appréciation était la possibilité même pour la CCCMC de refuser de viser le contrat à l’exportation et donc d’interdire les exportations ne respectant pas le « prix plancher », en raison de l’implication des autorités douanières dans le système. Cette interprétation résulte également du libellé de la communication du 5 décembre 2003, dont il ressort que la Commission a considéré que la possibilité pour la CCCMC d’empêcher les exportations ne satisfaisant pas aux conditions qu’elle a prescrites constituait en soi une « intervention significative de l’État » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, et ce indépendamment des explications de la requérante selon lesquelles le prix en question était indicatif et le mécanisme concerné avait été mis en place afin de réduire le risque d’enquêtes antidumping dans les pays tiers ainsi que pour permettre à la CCCMC de recueillir des informations statistiques.

157    Cependant, cette seule circonstance ne permettait pas, au vu des éléments susvisés, de justifier le refus d’octroi du SEM en l’espèce. Il y a lieu de souligner, en effet, que, aux fins d’apprécier si la requérante avait démontré qu’elle remplissait la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, il ne saurait être fait abstraction des éléments de preuve de nature à établir, d’une part, que le mécanisme concerné n’avait pas entraîné de restriction effective en ce qui concerne ses activités à l’exportation et, d’autre part, qu’il n’était même pas conçu pour permettre une intervention étatique dans le cadre de ces activités.

158    Il y a lieu de constater, par conséquent, que l’appréciation des institutions relative au rôle de la CCCMC ne suffit pas, au vu des éléments présentés par la requérante lors de l’enquête, pour fonder la conclusion selon laquelle elle n’avait pas établi qu’elle remplissait la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

159    Partant, le présent grief doit être accueilli.

160    S’agissant enfin de l’argument du Conseil selon lequel, en substance, pour obtenir gain de cause, la requérante aurait dû démontrer que c’était la conclusion globale quant à l’existence d’une intervention significative de l’État, qu’il a tirée sur le fondement de l’ensemble des motifs examinés ci-dessus – et non chacun de ces motifs pris séparément – qui était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal constate que ces motifs ne sauraient, même combinés, justifier le refus d’octroi du SEM en l’espèce. Il ressort, en effet, de tout ce qui précède, que, dans leur analyse des circonstances sur lesquelles les institutions se sont fondées pour refuser l’octroi du SEM, elles n’ont pas tenu compte de tous les éléments pertinents que la requérante avait avancés pour démontrer qu’elle arrêtait ses décisions en tenant compte des signaux du marché et sans intervention significative de l’État à cet égard. Dès lors, aucune de ces circonstances, même combinée avec d’autres, ne saurait mener à la conclusion que la requérante n’avait pas établi qu’elle remplissait la condition énoncée à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Partant, les erreurs constatées ci-dessus entachent également la conclusion globale du Conseil.

161    En outre, il y a lieu de rappeler, que, en raison du rejet de la demande d’octroi du SEM, présentée par la requérante, la valeur normale a été déterminée en ce qui la concerne, en application de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, sur la base de données obtenues auprès de producteurs d’un pays tiers à économie de marché, à savoir la République fédérative du Brésil (considérants 23 à 31 du règlement attaqué) et c’est notamment sur cette base qu’une marge globale de dumping pour l’ensemble de la RPC a été calculée (considérants 36 à 39 du règlement attaqué). Par conséquent, le rejet de la demande d’octroi du SEM a nécessairement influencé l’imposition du droit antidumping définitif en ce qui concerne la requérante, en vertu de l’article 1er du règlement attaqué.

162    Dans ces conditions, il convient d’accueillir le premier moyen et d’annuler l’article 1er du règlement attaqué dans la mesure où il concerne la requérante, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens et arguments de cette dernière.

 Sur les dépens

163    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les institutions qui sont intervenues dans le litige supportent leurs propres dépens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses dépens ainsi que ceux de la requérante et de l’Audace, conformément à leurs conclusions. La Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er du règlement (CE) nº 1683/2004 du Conseil, du 24 septembre 2004, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de glyphosate originaire de la République populaire de Chine est annulé, dans la mesure où il concerne Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group Co. Ltd.

2)      Le Conseil supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group Co. Ltd et par l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (Audace).

3)      La Commission supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 juin 2009.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur les griefs concernant l’appréciation du Conseil relative au contrôle de la requérante par l’État ainsi qu’à la nomination et à la composition de son conseil d’administration

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les griefs concernant l’appréciation du Conseil relative à la fixation des prix à l’exportation de la requérante

Sur le grief tiré d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation du Conseil en ce qui concerne la fixation des prix à l’exportation de la requérante

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.