Language of document : ECLI:EU:T:2017:162

Édition provisoire

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 mars 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale popchrono – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑132/15,

IR, demeurant à Caen (France), représenté par Me C. de Marguerye, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par Mme S. Palmero Cabezas, puis par M. D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Pirelli Tyre SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes T. Malte Müller et F. Togo, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 13 février 2015 (affaire R 217/2014‑5), relative à une procédure de déchéance entre Pirelli Tyre et M. IR,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2015,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2015,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 novembre 2015,

vu la décision du 12 janvier 2016 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu l’ordonnance du 20 mai 2015 admettant le requérant au bénéfice de l’aide judiciaire,

vu la demande de production d’un moyen nouveau et d’une nouvelle offre de preuve,

vu la demande de confidentialité du requérant visant la nouvelle offre de preuve produite au soutien du nouveau moyen,

vu la réattribution de l’affaire à la huitième chambre et à un nouveau juge rapporteur,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal et la réattribution de l’affaire à la troisième chambre,

à la suite de l’audience du 18 novembre 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 décembre 2004, le requérant, M. IR, et M. W. ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal popchrono.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2005/028, du 11 juillet 2005, et la marque a été enregistrée le 9 février 2006, sous le numéro 004177267 (ci-après la « marque contestée »).

5        Le 21 mai 2012, l’intervenante, Pirelli Tyre SpA, a présenté une demande de déchéance à l’égard de la marque contestée, fondée sur l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Par décision du 21 novembre 2013, la division d’annulation a accueilli la demande de déchéance et a déclaré le requérant et M. W., titulaires de la marque contestée, déchus de leurs droits à partir du 21 mai 2012 pour l’ensemble des produits visés par la demande de déchéance.

7        Le 15 janvier 2014, le requérant et M. W. ont formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 13 février 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

9        La chambre de recours a estimé que la demande de déchéance était recevable, car l’intervenante avait présenté un mandat régulier et spécifié les produits de la classe 12 visés par la demande de déchéance. Sur le fond, elle a considéré que les preuves fournies par les titulaires de la marque contestée ne prouvaient pas l’usage sérieux de ladite marque.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir ses conclusions, annuler la décision attaquée ;

–        « confirmer les droits de propriété sur la marque contestée » ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

12      Le requérant ayant informé le Tribunal qu’il renonçait à la tenue de toute audience de plaidoiries et l’EUIPO ayant informé le Tribunal qu’il n’assisterait pas à l’audience de plaidoiries, celle-ci s’est déroulée en l’absence de ces parties, en application de l’article 108, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du recours

13      L’EUIPO fait valoir que le recours est irrecevable au motif que la requête ne respecte pas les exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. La requête dans son ensemble ou la majorité des arguments du requérant seraient confus et ne permettraient ni à l’EUIPO de préparer sa défense, ni au Tribunal d’exercer son contrôle.

14      Plus particulièrement, l’EUIPO soutient que, faute de clarté, les arguments avancés au soutien de la quatrième branche du premier moyen, de la première branche du deuxième moyen, du troisième moyen et du quatrième moyen sont irrecevables.

15      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, applicable en matière de propriété intellectuelle conformément à l’article 130, paragraphe 1, et à l’article 132, paragraphe 1, de ce règlement, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

16      Cette indication doit ressortir du texte même de la requête et être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui [arrêts du 16 novembre 2011, Chabou/OHMI – Chalou (CHABOU), T‑323/10, non publié, EU:T:2011:678, point 15, et du 24 juin 2015, Infocit/OHMI – DIN (DINKOOL), T‑621/14, non publié, EU:T:2015:427, point 23 ; voir, également, arrêt du 17 décembre 2015, Bice International/OHMI – Bice (bice), T‑624/14, non publié, EU:T:2015:998, point 19 et jurisprudence citée].

17      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 16 novembre 2011, CHABOU, T‑323/10, non publié, EU:T:2011:678, point 16 ; voir, également, arrêt du 24 juin 2015, DINKOOL, T‑621/14, non publié, EU:T:2015:427, point 24 et jurisprudence citée) et, de la même manière, toute conclusion doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé [arrêts du 10 mai 2012, Amador López/OHMI (AUTOCOACHING), T‑325/11, non publié, EU:T:2012:230, point 47 ; du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 34, et du 18 novembre 2014, Conrad Electronic/OHMI – British Sky Broadcasting Group et Sky IP International (EuroSky), T‑510/12, non publié, EU:T:2014:966, point 15].

18      En l’espèce, en premier lieu, il convient de constater que le requérant avance, au soutien de sa conclusion tendant à l’annulation de la décision attaquée, quatre moyens, tirés, respectivement, de la violation du droit d’être entendu, de l’interprétation restrictive de la notion d’« usage sérieux », de l’absence d’examen de certaines preuves de l’usage sérieux de la marque contestée et de la circonstance que l’EUIPO n’aurait pas tenu compte du « mépris de [l’intervenante] envers les règles élémentaires de concurrence ni de sa volonté de faire obstruction [au requérant] ».

19      En second lieu, il ressort de la requête que le requérant avance des arguments au soutien de ces quatre moyens et, plus particulièrement, au soutien de la quatrième branche du premier moyen, de la première branche du deuxième moyen, du troisième moyen et du quatrième moyen.

20      Ainsi, au titre de la quatrième branche du premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, le requérant fait valoir qu’il incombait à la chambre de recours de déterminer si la division d’annulation avait examiné avec impartialité ses arguments relatifs à la portée de la demande de déchéance. Notamment, la chambre de recours aurait, d’une part, statué ultra petita en omettant d’examiner ses arguments relatifs à la recevabilité de la demande de déchéance et en prenant en compte des faits non compris dans cette demande. D’autre part, en omettant de prendre en compte ses arguments relatifs à l’illégalité du mandat de représentation de l’intervenante et à la violation du principe du contradictoire, elle aurait statué contra petita et, partant, aurait violé l’obligation de motivation.

21      Au titre de la première branche du deuxième moyen, tiré de l’interprétation restrictive de la notion d’« usage sérieux », le requérant soutient qu’il a fourni des preuves de l’usage sérieux de la marque contestée que la chambre de recours a omis de prendre en considération. À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort clairement des points 42, 43 et 55 de la requête que le requérant reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération les faits présentés.

22      Dans le cadre du troisième moyen, tiré de l’absence d’examen de certaines preuves de l’usage sérieux de la marque contestée, il ressort notamment du point 76 de la requête que le requérant soutient avoir prouvé la reprise en temps utile de l’usage sérieux de la marque contestée, malgré la divulgation tardive de la preuve à cette fin.

23      Enfin, au soutien du quatrième moyen, tiré de la circonstance que l’EUIPO n’aurait pas tenu compte du « mépris de [l’intervenante] envers les règles élémentaires de concurrence ni de sa volonté de faire obstruction [au requérant] », le requérant fait valoir que l’intervenante aurait refusé de signer un accord de confidentialité, l’empêchant de produire certaines preuves de l’usage de la marque contestée et que l’EUIPO se serait abstenu de toute tentative de conciliation.

24      En conséquence, il convient de constater que la substance des arguments du requérant se dégage de la requête avec suffisamment de netteté de sorte que l’EUIPO et l’intervenante ont pu, ainsi que cela ressort de leurs écritures, utilement présenter leur mémoire en réponse.

25      Il résulte de ce qui précède que le requérant a spécifié, dans la requête, les moyens et les arguments invoqués au soutien de sa conclusion tendant à l’annulation de la décision attaquée, de sorte que la fin de non-recevoir de l’EUIPO doit être rejetée.

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions du requérant

26      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de confirmer ses droits de propriété sur la marque contestée.

27      À cet égard, il y a lieu de relever que, par ce chef de conclusions, le requérant tend à obtenir du Tribunal un jugement confirmatif. Or, il résulte de l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci [ordonnance du 7 mai 2014, Sharp/OHMI (BIG PAD), T‑567/13, non publiée, EU:T:2014:257, point 11], de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements confirmatifs.

28      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions du requérant est irrecevable.

 Sur la recevabilité de certains éléments de preuve

29      L’intervenante argue de l’irrecevabilité des annexes A.58 et A.66 à A.68 à la requête, au motif que ces documents sont présentés pour la première fois devant le Tribunal.

30      Ces annexes correspondent à une capture d’écran d’une page d’un site Internet relative à la marque popchrono pour l’annexe A.58 et à trois courriers proposant à une entreprise un accord de licence de marque pour la marque contestée pour les annexes A.66 à A.68.

31      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les annexes A.58 et A.66 à A.68 de la requête sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée ; du 17 décembre 2014, Lidl Stiftung/OHMI (Deluxe), T‑344/14, non publié, EU:T:2014:1097, point 11, et du 30 novembre 2015, Hong Kong Group/OHMI – WE Brand (W E), T‑718/14, non publié, EU:T:2015:916, point 20].

 Sur la recevabilité du moyen nouveau et de la nouvelle offre de preuve

32      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 février 2016, le requérant a demandé à produire un moyen nouveau et une nouvelle offre de preuve, conformément aux articles 84 et 85 du règlement de procédure.

33      Le requérant fait valoir que les motifs pour lesquels le cocontractant avec lequel il avait signé un accord de licence s’agissant de la marque contestée a été contraint d’interrompre l’usage de la marque contestée sont de justes motifs pour le non-usage de cette marque, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. Ledit cocontractant ayant autorisé le requérant à divulguer ces motifs, sous réserve qu’ils soient traités comme confidentiels, il s’agirait d’un élément de fait et de droit s’étant révélé lors de la procédure devant le Tribunal. À ce titre, le requérant produit une déclaration dudit cocontractant révélant les motifs pour lesquels l’usage de la marque contestée aurait été interrompu.

34      En vertu des dispositions combinées de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et de l’article 84, paragraphe 1, du même règlement, la requête introductive d’instance doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués et la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

35      En outre, aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires, néanmoins, selon l’article 85, paragraphe 3, du même règlement, les parties principales peuvent, à titre exceptionnel, encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition de justifier le retard avec lequel ces preuves ou ces offres de preuve sont produites.

36      En l’espèce, force est de constater, premièrement, que le moyen pris de l’existence de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée n’ayant été invoqué ni explicitement ni implicitement dans la requête, ainsi que le reconnaît le requérant lui-même, et ne présentant pas de lien étroit avec les moyens soulevés dans la requête, il constitue un moyen nouveau.

37      Deuxièmement, le fait que le cocontractant du requérant ait consenti, pendant la procédure devant le Tribunal, à autoriser le requérant à divulguer les motifs pour lesquels l’usage de la marque contestée aurait été interrompu ne signifie pas nécessairement que ces motifs constituent un élément de fait s’étant révélé pendant la procédure. En effet, le requérant n’a ni prouvé, ni même allégué, ne pas avoir eu connaissance de ces motifs antérieurement et il est indifférent qu’en raison des relations contractuelles du requérant ce moyen n’ait pas pu être soulevé au préalable. Par conséquent, le requérant n’a pas démontré que le moyen nouveau était fondé sur des éléments de droit et de fait s’étant révélés pendant la procédure devant le Tribunal.

38      S’agissant de la nouvelle offre de preuve, elle est exclusivement produite au soutien du moyen nouveau et le requérant n’avance aucune autre circonstance afin de justifier le retard avec lequel elle a été soumise au Tribunal.

39      En tout état de cause, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, le moyen nouveau et la nouvelle offre de preuve produite à son soutien constituent une modification de l’objet du litige au sens de l’article 188 du règlement de procédure, non admise devant le Tribunal.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 188 du règlement de procédure, les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [arrêts du 24 septembre 2015, Rintisch/OHMI – Compagnie laitière européenne (PROTICURD), T‑382/14, non publié, EU:T:2015:686, point 18, et du 30 septembre 2015, Gat Microencapsulation/OHMI – BASF (KARIS), T‑720/13, non publié, EU:T:2015:735, point 89]. En effet, dans la mesure où il appartient au Tribunal de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours, un tel contrôle ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêts du 30 septembre 2015, KARIS, T‑720/13, non publié, EU:T:2015:735, point 89, et du 22 octobre 2015, Enosi Mastichoparagogon/OHMI – Gaba International (ELMA), T‑309/13, non publié, EU:T:2015:792, point 15]. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments présentés pour la première fois devant lui. De même, une partie requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées devant l’EUIPO [voir arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 43 et jurisprudence citée ; arrêts du 28 juin 2012, I Marchi Italiani et Basile/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑133/09, EU:T:2012:327, point 16, et du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme (Cadrans de montre), T‑68/11, EU:T:2013:298, point 25].

41      En l’espèce, force est de constater que, par le moyen nouveau et la nouvelle offre de preuve produite à son soutien, le requérant modifie le cadre du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours et invite le Tribunal à réexaminer les circonstances de fait et de droit à la lumière d’éléments et de preuves présentés pour la première fois devant lui.

42      Ainsi, il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO soumis au Tribunal que le requérant s’étant limité à faire valoir que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux et à apporter des preuves à cet effet et n’ayant pas excipé de l’existence de justes motifs pour le non-usage de la marque contestée ni produit de preuves à cet égard, la division d’annulation et la chambre de recours n’ont pas statué sur une telle allégation.

43      Il s’ensuit que le moyen nouveau et la nouvelle offre de preuve produite à son soutien sont irrecevables, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande de confidentialité présentée par le requérant.

 Sur le fond

44      À l’appui de son recours, le requérant soulève quatre moyens, tirés, respectivement, de la violation du droit d’être entendu, de l’interprétation restrictive de la notion d’« usage sérieux », de l’absence d’examen de certaines preuves de l’usage sérieux de la marque contestée, et de la circonstance que l’EUIPO n’aurait pas tenu compte du « mépris de [l’intervenante] envers les règles élémentaires de concurrence ni de sa volonté de faire obstruction [au requérant] ».

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

45      Le premier moyen, pris de la violation du droit d’être entendu, comporte quatre branches. Le Tribunal estime opportun d’examiner conjointement les deuxième et troisième branches.

–       Sur la première branche du premier moyen

46      Le requérant fait valoir que le formulaire de demande de déchéance de la marque contestée est irrecevable en vertu de la règle 39, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1), l’intervenante ayant, sous la rubrique « Étendue de la demande », coché la case selon laquelle la demande était dirigée « contre une partie des produits et services de l’enregistrement contesté », mais énuméré l’intégralité des produits relevant de la classe 12 pour lesquels la marque contestée était enregistrée. Cette contradiction entraînerait l’impossibilité de connaître la liste des produits visés par la demande de déchéance, au sens de la règle 37, sous a), sous iii), du règlement n° 2868/95.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

48      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de la règle 37, sous a), sous iii), du règlement n° 2868/95, une demande de déchéance doit contenir la liste des produits ou des services enregistrés pour lesquels la déchéance est demandée.

49      En l’espèce, il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO soumis au Tribunal que l’intervenante a coché la case du formulaire de demande de déchéance indiquant que la demande était dirigée à l’encontre d’une partie des produits et services pour lesquels la marque contestée était enregistrée, à savoir, les « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », relevant de la classe 12.

50      Ainsi, comme le souligne à juste titre l’EUIPO, dans la mesure où la marque contestée était enregistrée pour des produits relevant de différentes classes, en demandant la déchéance pour l’intégralité des produits relevant de la classe 12, l’intervenante demandait la déchéance pour une partie seulement des produits pour lesquels la marque contestée était enregistrée.

51      Il en résulte que la demande de déchéance n’était pas contradictoire, que le requérant a été à même d’en déterminer l’étendue et que, partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu, au point 14 de la décision attaquée, que l’intervenante avait spécifié les produits relevant de la classe 12 visés par la demande de déchéance et que celle-ci était recevable.

52      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

–       Sur la deuxième et la troisième branches du premier moyen

53      Le requérant soutient que le mandat de représentation de l’intervenante devant l’EUIPO est illégal en raison d’irrégularités tenant à l’absence d’indication de son lieu d’établissement, à la circonstance que la date y est indiquée après la signature de l’intervenante et est antérieure de plus de deux mois à celle de la demande de déchéance et au fait que la date d’enregistrement par l’EUIPO n’y figure pas. Du fait de cette illégalité, la demande de déchéance serait nulle et la chambre de recours aurait dû annuler la décision de la division d’annulation pour ce motif.

54      Par ailleurs, la chambre de recours aurait omis de statuer sur le moyen tiré de la violation du débat contradictoire soulevé par le requérant.

55      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

56      En premier lieu, s’agissant du mandat de représentation de l’intervenante devant l’EUIPO, il y a lieu de relever que le requérant n’a pas indiqué quelles règles juridiques la chambre de recours aurait violées en considérant que le mandat n’était pas entaché des prétendues irrégularités invoquées par ce dernier.

57      En outre, il convient de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 92, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 207/2009, les personnes physiques et morales ayant un domicile, un siège ou un établissement commercial effectif et sérieux dans l’Union européenne ne sont pas tenues de se faire représenter devant l’EUIPO. Par ailleurs, selon la règle 76, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, un pouvoir signé doit être déposé auprès de l’EUIPO si l’autre partie à la procédure le demande expressément. Toutefois, aux termes de la règle 76, paragraphe 4, du même règlement, si le pouvoir n’est pas déposé dans le délai imparti par l’EUIPO, la procédure est poursuivie avec la personne représentée.

58      En l’espèce, il est constant que, l’intervenante ayant son siège dans un État membre de l’Union, il n’était pas nécessaire qu’elle soit représentée lors de la procédure devant l’EUIPO. Dès lors, quand bien même elle aurait fait parvenir à l’EUIPO le mandat de représentation après le délai imparti ou un mandat non conforme, la procédure aurait été poursuivie directement avec la personne représentée, n’affectant en aucune manière la recevabilité de la demande de déchéance.

59      En second lieu, s’agissant du grief tiré de la violation du principe du contradictoire, il convient de relever que, aux points 12 à 27 de la requête, le requérant rappelle la chronologie de la procédure devant la division d’annulation au regard notamment de la production par l’intervenante d’un mandat de représentation, sans invoquer une quelconque erreur commise par la chambre de recours à cet égard. Le requérant fait valoir, aux points 21 et 22 de la requête, qu’il aurait dû pouvoir bénéficier du débat contradictoire sur cette question et que la chambre de recours a ignoré le grief selon lequel la division d’annulation aurait prématurément clos le débat contradictoire alors qu’elle devait se prononcer sur le moyen pris de l’inobservation du débat contradictoire. Ainsi, le requérant reproche uniquement à la chambre de recours de ne pas avoir statué sur le grief tiré de la violation du principe du contradictoire. À cet égard, il suffit de constater qu’il ne ressort ni des motifs du recours devant la chambre de recours, ni de la réponse aux arguments de l’intervenante devant la chambre de recours que le requérant ait invoqué une violation du principe du contradictoire par la division d’annulation en raison de la clôture de la procédure avant l’envoi du mandat de représentation par l’intervenante. Le requérant ne saurait donc faire valoir devant le Tribunal que la chambre de recours a commis une erreur en omettant de statuer sur ce grief.

60      Il s’ensuit que la deuxième et la troisième branches du premier moyen doivent être rejetées.

–       Sur la quatrième branche du premier moyen

61      Le requérant soutient que la chambre de recours aurait, premièrement, statué ultra petita en omettant d’examiner ses arguments relatifs à la recevabilité de la demande de déchéance et en prenant en compte des faits non compris dans cette demande, et, deuxièmement, statué contra petita et manqué à son obligation de motivation en s’abstenant de prendre en considération ses arguments relatifs à l’illégalité du mandat de représentation de l’intervenante et à la violation du principe du contradictoire.

62      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

63      Premièrement, il convient de rappeler que la chambre de recours n’est pas tenue de répondre expressément et de manière exhaustive à l’ensemble des arguments avancés par le requérant (voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 112, et du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, non publié, EU:C:2012:537, point 88), à condition toutefois qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 24 novembre 2015, Intervog/OHMI (meet me), T‑190/15, non publié, EU:T:2015:874, point 48 et jurisprudence citée].

64      Or, force est de constater qu’il ressort des points 13 et 14 de la décision attaquée que la chambre de recours a, d’une part, répondu aux arguments portant sur la légalité du mandat de représentation de l’intervenante et sur la recevabilité de la demande de déchéance et, d’autre part, exposé les motifs essentiels pour lesquels le mandat et la demande de déchéance étaient, en l’espèce, recevables.

65      Deuxièmement, la chambre de recours ayant estimé à bon droit que la demande de déchéance était recevable en ce qu’elle visait les produits relevant de la classe 12 pour lesquels la marque contestée était enregistrée, elle pouvait à bon droit apprécier l’usage sérieux de la marque contestée pour ces produits.

66      Troisièmement, le requérant ne saurait reprocher à la chambre de recours d’avoir omis de statuer sur le grief pris de la violation du principe du contradictoire et de motiver la décision attaquée à cet égard, dans la mesure où il ressort du point 59 ci-dessus que le requérant n’a pas invoqué ce grief devant la chambre de recours.

67      Il s’ensuit que la quatrième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’interprétation restrictive de la notion d’« usage sérieux »

68      Le deuxième moyen, pris de l’interprétation restrictive de la notion d’« usage sérieux », comporte trois branches, tirées, la première, d’une « critique de l’interprétation des règles de preuve dans l’application des articles 51 et suivants du règlement n° 207/2009 », la deuxième, de la circonstance que la chambre de recours s’est appuyée uniquement sur l’interprétation élaborée par la jurisprudence au sujet d’entreprises par opposition aux « personnes physiques », et, la troisième, du fait que l’arrêt du 11 mars 2003, Ansul (C‑40/01, EU:C:2003:145) et l’ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology (C‑259/02, EU:C:2004:50) peuvent servir à la discussion pour guider le Tribunal.

69      Le Tribunal estime opportun d’examiner ensemble les trois branches du deuxième moyen.

70      Le requérant fait valoir, tout d’abord, que, au regard des règles du règlement n° 207/2009 relatives à la déchéance et des preuves de l’usage de la marque contestée qu’il a fournies devant l’EUIPO, la chambre de recours aurait dû prendre en compte les faits qu’il avait invoqués.

71      Il soutient, ensuite, que la chambre de recours aurait dû se prononcer sur l’usage sérieux de la marque contestée en prenant en compte les preuves qu’il avait fournies et en considération de la circonstance qu’elles émanaient d’une personne physique visée à l’article 56 du règlement n° 207/2009, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les preuves de l’usage présentées par des personnes physiques ne pourraient être appréciées comme celles émanant de personnes morales.

72      Enfin, l’arrêt du 11 mars 2003, Ansul (C‑40/01, EU:C:2003:145), et l’ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology (C‑259/02, EU:C:2004:50), pourraient servir à la discussion pour guider le Tribunal, car il en ressortirait que les preuves de l’usage sérieux de la marque contestée fournies par le requérant pouvaient être qualifiées d’actes imminents destinés à créer des parts de marché.

73      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

74      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

75      Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39].

76      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

77      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41].

78      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée].

79      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

80      À titre liminaire, afin d’écarter l’argument du requérant selon lequel la chambre de recours aurait commis une erreur en appréciant les preuves de l’usage sérieux de la marque contestée fournies à l’aune de la jurisprudence relative aux personnes morales, il convient de souligner que, si l’article 56 du règlement n° 207/2009 opère une distinction entre les personnes physiques et les personnes morales, cette disposition, relative à l’introduction des demandes de déchéance ou en nullité, ne procède à une telle distinction que dans l’objectif de définir la qualité des personnes habilitées à introduire de telles demandes. Au demeurant, il convient d’ajouter, premièrement, que ni l’article 15 du règlement n° 207/2009, ni aucune disposition du titre VI dudit règlement ne dispose que l’appréciation d’une demande de déchéance, et en particulier des preuves de l’usage sérieux de la marque contestée, est fonction de la qualité de personne physique ou de personne morale du titulaire de la marque contestée et, deuxièmement, que le requérant s’est limité à se prévaloir d’une jurisprudence constante qui établirait une telle distinction, sans citer de décision de la Cour ou du Tribunal aux fins d’étayer cette argumentation.

81      En l’espèce, les éléments de preuve pertinents aux fins de la présente affaire sont énumérés aux points 5, 6 et 25 de la décision attaquée. Il s’agit des documents suivants :

–        une lettre de l’entreprise I. adressée au dirigeant d’une entreprise, datée du 14 novembre 2011, proposant de négocier les droits de la marque contestée et la traduction de cette lettre en anglais ;

–        une lettre du dirigeant d’entreprise susmentionné à l’entreprise I., datée du 5 décembre 2011, faisant référence à une réunion entre les deux parties s’étant tenue le 2 décembre 2011, en vue de négocier les droits de la marque contestée et la traduction de cette lettre en anglais ;

–        des copies de télécopies envoyées par l’entreprise I. aux dirigeants de plusieurs entreprises, en date du 21 février 2012, et proposant de négocier les droits de la marque contestée ;

–        une télécopie en anglais adressée par l’entreprise I. à l’entreprise P. & C., en la personne de son président, datée du 21 février 2012, proposant de négocier les droits de la marque contestée ;

–        une télécopie en anglais adressée par l’entreprise I. au président-directeur général, au conseiller général et aux affaires institutionnelles générales et au directeur des communications aux médias de l’entreprise P., datée du 21 février 2012, et proposant de négocier les droits de la marque contestée ;

–        une télécopie adressée par l’entreprise P. & C., datée du 29 février 2012, indiquant qu’elle n’est pas intéressée par l’offre du requérant ;

–        une lettre en anglais adressée par l’entreprise I. à l’entreprise P. & C., datée du 17 mai 2012, l’informant qu’une autre entreprise est bien placée pour obtenir une licence d’exploitation exclusive, mais que l’intervenante peut toujours entrer dans la négociation ;

–        une lettre du dirigeant de l’entreprise ayant accepté d’exploiter la marque contestée par un accord de licence, qui confirme et certifie l’accord de licence, la traduction en anglais de ce document ainsi que l’accord de licence en cause du 9 janvier 2012 et la traduction en anglais de ce document ;

–        un courriel de l’entreprise I., daté du 3 octobre 2012, et des courriels de l’intervenante, datés du 25 septembre 2012 et du 5 octobre 2012, dans lesquels cette dernière refuse de négocier ou de signer un quelconque accord de confidentialité pour prendre connaissance de l’accord de licence de la marque contestée.

82      En premier lieu, le requérant ne saurait reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte les preuves de l’usage sérieux de la marque contestée qu’il a présentées dans la mesure où il ressort des points 5, 6 et 25 à 30 de la décision attaquée qu’elle a conclu à l’absence d’usage sérieux de la marque contestée après avoir examiné et apprécié ces preuves.

83      En deuxième lieu, en ce qui concerne les preuves de l’usage sérieux de la marque contestée se rapportant à des propositions d’entamer des négociations sur un accord de licence de marque pour des produits relevant de la classe 12, ces preuves attestent d’une simple intention de proposer de tels accords mais ne démontrent pas la mise sur le marché de produits visés par la marque contestée. Or, même si le titulaire de la marque contestée a l’intention d’utiliser sa marque de façon réelle, il n’y a pas d’usage sérieux de cette dernière si elle n’est pas objectivement présente sur le marché d’une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe, de sorte qu’elle ne peut pas être perçue par les consommateurs comme étant une indication de l’origine des produits ou des services en cause [voir arrêt du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, EU:T:2006:65, point 32 et jurisprudence citée].

84      En troisième lieu, s’il est certes vrai que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, l’usage d’une marque par un tiers autorisé, tel le détenteur d’un accord de licence, n’est pas exclu, il est néanmoins nécessaire d’apporter des preuves de l’usage sérieux de la marque par ce tiers. Or, en l’espèce, les preuves relatives à l’accord de licence de la marque contestée portant sur l’existence d’un tel accord et non sur la mise sur le marché effective de produits, elles n’attestent pas d’un usage effectif de la marque contestée sur le marché.

85      Force est donc de constater, à l’instar de la chambre de recours, qu’aucun des éléments de preuve présentés par le requérant n’indique que des produits visés par la marque contestée aient été commercialisés sur le marché. Au surplus, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée, il n’est possible, à partir des preuves présentées par le requérant, d’évaluer ni le volume commercial de l’ensemble des actes d’usage ni la fréquence de ces actes d’usage ni la période pendant laquelle des actes d’usage auraient été accomplis.

86      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré que le requérant n’avait pas prouvé, à suffisance de droit, le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée.

87      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence invoquée par le requérant.

88      Certes, il ressort de cette jurisprudence que l’usage sérieux de la marque contestée peut porter sur des produits et des services dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente (arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37, et ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 19).

89      Cependant, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que, même si les éléments de preuve en cause ne sont pas limités à un usage interne au sein d’une entreprise, ils ne constituent pas une campagne publicitaire. Ainsi, ils ne sont pas destinés, à promouvoir, conformément à la fonction essentielle de la marque, sous la marque contestée des produits visés par cette marque, mais visent, au contraire, à promouvoir la marque elle-même.

90      En outre, il découle de la jurisprudence invoquée par le requérant qu’il est nécessaire de démontrer la commercialisation imminente de produits. Or, le requérant n’apporte aucune preuve à cette fin, les éléments de preuve fournis attestant seulement que le requérant a proposé des accords de licence et a conclu un tel accord.

91      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’examen de certaines preuves de l’usage sérieux de la marque contestée

92      Le requérant fait valoir que, depuis 2011, il a mené une série d’actions, comme les offres de licences et la conclusion d’un accord de licence de la marque contestée, afin de créer de nouveaux débouchés sur le marché des produits relevant de la classe 12, prouvant la reprise de l’usage de la marque contestée trois mois avant le dépôt de la demande de déchéance, après une période supérieure à cinq ans de non-exploitation. La chambre de recours aurait dû examiner, à la lumière des pièces produites à cet égard, si la marque contestée avait fait l’objet d’une reprise d’usage sérieux.

93      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

94      Il ressort tant de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 que de l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, lus en combinaison avec le dixième considérant dudit règlement, que tombent sous le coup des sanctions prévues par celui-ci les seules marques dont l’usage sérieux a été suspendu pendant une période ininterrompue de cinq ans. Toutefois, conformément à la première des dispositions susvisées, « nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si, entre l’expiration de [la période en cause] et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux ».

95      À cet égard, il suffit de constater, d’une part, qu’il ressort du point 27 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en compte l’accord de licence en cause aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée. D’autre part, la notion de commencement ou de reprise d’usage sérieux suppose également que soit prouvé, ainsi qu’il ressort des dispositions citées au point 94 ci-dessus, l’usage sérieux de la marque contestée. Or, la chambre de recours ayant, en l’espèce, constaté à bon droit le défaut d’usage sérieux de la marque contestée, cette appréciation était également valable s’agissant de la reprise ou du commencement d’usage sérieux de la marque contestée.

96      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la circonstance que l’EUIPO n’aurait pas tenu compte du « mépris [de l’intervenante] envers les règles élémentaires de concurrence ni de sa volonté de faire obstruction [au requérant] »

97      En premier lieu, le requérant estime que le débat contradictoire quant à la reprise de l’usage sérieux de la marque contestée grâce à la conclusion de l’accord de licence a été faussé. La reprise de l’usage aurait dû être examinée, sous condition de confidentialité, lors des débats devant l’EUIPO, mais en raison du refus de confidentialité par l’intervenante, ce débat n’aurait pas eu lieu.

98      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

99      À cet égard, premièrement, il y a lieu de souligner que le comportement de l’intervenante ne saurait ni être imputé à l’EUIPO, ni constituer une erreur de droit à même d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

100    Deuxièmement, pour autant que le requérant reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte l’accord de licence de la marque contestée, il suffit de constater qu’il ressort du point 27 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris cet accord en considération au titre des preuves de l’usage sérieux de la marque contestée. Dès lors, le requérant ne saurait soutenir que le débat a été faussé faute de prise en compte de ce document. En outre, il est indifférent que cette preuve n’ait été versée au dossier que tardivement, dans la mesure où elle a été prise en compte tant par la division d’annulation que par la chambre de recours.

101    En second lieu, le requérant soutient que, en formant une demande de déchéance sans s’être opposée à l’enregistrement de la marque contestée, l’intervenante a utilisé ladite demande comme une « arme anticoncurrentielle ». En outre, l’EUIPO n’aurait pas réagi lorsque l’intervenante s’opposait à un débat loyal par son refus de confidentialité. Dès lors, en s’abstenant de toute tentative de conciliation, l’EUIPO aurait empêché un particulier non professionnel, tel le requérant, d’accéder à un procès équitable et non faussé.

102    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

103    À cet égard, il suffit de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la recevabilité d’une demande de déchéance s’apprécie indépendamment des motivations du demandeur et n’est subordonnée, ni par l’article 56 du règlement n° 207/2009, ni par aucune autre disposition dudit règlement, à la circonstance que le demandeur de déchéance se soit préalablement opposé à l’enregistrement de la marque contestée.

104    En outre, s’agissant du refus de confidentialité opposé par l’intervenante, premièrement, il y a lieu de souligner que l’EUIPO a fait droit à la demande du requérant de traiter les preuves de l’usage sérieux de la marque contestée comme des documents confidentiels et de les transmettre exclusivement à l’intervenante par l’intermédiaire de son représentant. Deuxièmement, il ressort clairement du dossier de procédure devant l’EUIPO soumis au Tribunal que le requérant a contacté directement les représentants de l’intervenante durant la procédure devant l’EUIPO afin de solliciter la signature d’un accord de confidentialité sans intervention des instances de l’EUIPO. Troisièmement, l’EUIPO ne saurait être tenu pour responsable ni des agissements de l’intervenante ni des clauses du contrat de licence signé par le requérant l’empêchant de divulguer l’accord de licence de la marque contestée.

105    Enfin, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 57, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, au cours de la procédure de déchéance, l’EUIPO, « s’il le juge utile », peut inviter les parties à se concilier. Il en découle que le règlement ne prévoit qu’une possibilité pour l’EUIPO d’inviter les parties à se concilier, sans instaurer aucune obligation à ce titre, et ce quelle que soit la qualité de personne physique ou de personne morale des parties à la procédure devant l’EUIPO. Au demeurant, le requérant n’a, à aucun moment, sollicité une telle conciliation durant la procédure devant l’EUIPO.

106    Il résulte de tout ce qui précède que le requérant ne saurait faire grief à l’EUIPO de ne pas avoir invité les parties à se concilier et de l’avoir en conséquence empêché d’accéder à un procès équitable et non faussé.

107    Il s’ensuit que le quatrième moyen et, partant, le recours dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. IR est condamné aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mars 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.