Language of document : ECLI:EU:C:2017:538

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

13 juillet 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Application des régimes de sécurité sociale – Travailleurs migrants – Personne exerçant une activité salariée et une activité non salariée dans deux États membres différents – Détermination de la législation applicable – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 13, paragraphe 3 – Règlement (CE) no 987/2009 – Article 14, paragraphe 5 ter – Article 16 – Effets des décisions de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale – Irrecevabilité »

Dans l’affaire C‑89/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), par décision du 28 janvier 2016, parvenue à la Cour le 15 février 2016, dans la procédure

Radosław Szoja

contre

Sociálna poisťovňa,

en présence de :

WEBUNG, s.r.o.,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. M. Vilaras, J. Malenovský, M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. J. Vláčil et M. Smolek, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. S. Schillemans, M. Noort et M. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et A. Tokár, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 3, et de l’article 72 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (JO 2012, L 149, p. 4) (ci-après le « règlement de base »), et des articles 14 et 16 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1), tel que modifié par le règlement n° 465/2012 (ci-après le « règlement d’application »), ainsi que de l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Radosław Szoja, ressortissant polonais, exerçant une activité non salariée sur le territoire de la République de Pologne et une activité salariée sur le territoire de la République slovaque, à la Sociálna poisťovňa (caisse d’assurance sociale, Slovaquie, ci-après la « caisse slovaque d’assurance sociale »), au sujet de son défaut d’affiliation au régime des assurances maladie, retraite et chômage slovaques.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement de base

3        Les considérants 1, 15, 17 et 45 du règlement de base sont rédigés comme suit :

« (1)      Les règles de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes et devraient contribuer à l’amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi.

[...]

(15)      Il convient de soumettre les personnes qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, afin d’éviter les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter.

[...]

(17)      En vue de garantir le mieux possible l’égalité de traitement de toutes les personnes occupées sur le territoire d’un État membre, il est approprié de déterminer comme législation applicable, en règle générale, la législation de l’État membre dans lequel l’intéressé exerce son activité salariée ou non salariée.

[...]

(45)      Étant donné que l’objectif de l’action envisagée, à savoir l’adoption de mesures de coordination visant à garantir l’exercice effectif de la libre circulation des personnes, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions et des effets de cette action, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. [...] »

4        L’article 1er de ce règlement énonce :

« Aux fins du présent règlement :

a)      le terme “activité salariée” désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ;

b)      le terme “activité non salariée” désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ;

[...]

l)      le terme “législation” désigne, pour chaque État membre, les lois, règlements et autres dispositions légales et toutes autres mesures d’application qui concernent les branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1.

[...]

n)      le terme “commission administrative” désigne la commission visée à l’article 71 ;

[...] »

5        L’article 11, paragraphe 1, dudit règlement prévoit :

« Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre. »

6        L’article 13, paragraphes 1 et 3, du règlement de base dispose :

« 1.      La personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise :

[...]

3.      La personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres est soumise à la législation de l’État membre dans lequel elle exerce une activité salariée ou, si elle exerce une telle activité dans deux ou plusieurs États membres, à la législation déterminée conformément au paragraphe 1. »

7        Sous l’intitulé « Dérogations aux articles 11 à 15 », l’article 16 de ce règlement dispose :

« 1.      Deux ou plusieurs États membres, les autorités compétentes de ces États membres ou les organismes désignés par ces autorités peuvent prévoir d'un commun accord, dans l'intérêt de certaines personnes ou catégories de personnes, des dérogations aux articles 11 à 15.

2.      La personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui réside dans un autre État membre peut être exemptée, à sa demande, de l’application de la législation de ce dernier État, à condition qu’elle ne soit pas soumise à cette législation en raison de l’exercice d'une activité salariée ou non salariée. »

8        L’article 72 dudit règlement est libellé comme suit :

« La commission administrative est chargée :

a)      de traiter toute question administrative ou d’interprétation découlant des dispositions du présent règlement ou de celles du règlement d’application ou de tout accord ou arrangement conclu dans le cadre de ceux-ci, sans préjudice du droit des autorités, institutions et personnes intéressées de recourir aux procédures et aux juridictions prévues par les législations des États membres, par le présent règlement et par le traité ;

[...] »

 Le règlement d’application

9        L’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement no 987/2009, dans sa version initiale, prévoyait :

« Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, une personne qui “exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres” désigne une personne qui :

[...]

b)      exerce en permanence des activités alternantes, à condition qu’il ne s’agisse pas d’activités marginales, dans deux États membres ou plus, quelles que soient la fréquence ou la régularité de l’alternance. »

10      L’article 14, paragraphes 5, 5 ter et 8, du règlement d’application prévoit :

« 5.      Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, une personne qui “exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres” désigne une personne qui exerce simultanément ou en alternance, pour la même entreprise ou le même employeur ou pour différentes entreprises ou différents employeurs, une ou plusieurs activités différentes dans deux États membres ou plus.

[...]

ter.      Les activités marginales ne sont pas prises en compte aux fins de la détermination de la législation applicable au titre de l’article 13 du règlement de base. L’article 16 du règlement d’exécution s’applique à tous les cas prévus par le présent article.

[...]

8.      Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, une “partie substantielle d’une activité salariée ou non salariée” exercée dans un État membre signifie qu’une part quantitativement importante de l’ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu’il s’agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités.

[...] »

11      L’article 16 du règlement d’application dispose :

« 1.      La personne qui exerce des activités dans deux États membres ou plus en informe l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence.

2.      L’institution désignée du lieu de résidence détermine dans les meilleurs délais la législation applicable à la personne concernée, compte tenu de l’article 13 du règlement de base et de l’article 14 du règlement d’application. Cette détermination initiale est provisoire. L’institution informe de cette détermination provisoire les institutions désignées de chaque État membre où une activité est exercée.

3.      La détermination provisoire de la législation applicable visée au paragraphe 2 devient définitive dans les deux mois suivant sa notification à l’institution désignée par les autorités compétentes des États membres concernés, conformément au paragraphe 2, sauf si la législation a déjà fait l’objet d’une détermination définitive en application du paragraphe 4, ou si au moins une des institutions concernées informe l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence, à l’expiration de cette période de deux mois, qu’elle ne peut encore accepter la détermination ou qu’elle a un avis différent à cet égard.

4.      Lorsqu’une incertitude quant à la détermination de la législation applicable nécessite des contacts entre les institutions ou autorités de deux États membres ou plus, la législation applicable à la personne concernée est déterminée d’un commun accord, à la demande d’une ou plusieurs des institutions désignées par les autorités compétentes des États membres concernés ou des autorités compétentes elles-mêmes, compte tenu de l’article 13 du règlement de base et des dispositions pertinentes de l’article 14 du règlement d’application.

[...]

5.      L’institution compétente de l’État membre dont il est déterminé que la législation est applicable, que ce soit provisoirement ou définitivement, en informe sans délai la personne concernée.

6.      Si la personne concernée omet de fournir les informations mentionnées au paragraphe 1, le présent article est appliqué à l’initiative de l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence dès qu’elle est instruite de la situation de cette dernière, éventuellement par l’intermédiaire d’une autre institution concernée. »

 Le droit slovaque

12      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du zákon č. 461/2003 Z. z. o sociálnom poistení (loi n° 461/2003 Rec. relative à la sécurité sociale), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « loi relative à la sécurité sociale ») :

« Au sens de la présente loi, sous réserve que n’en dispose autrement une disposition particulière ou un traité international ayant primauté sur les lois de la République slovaque, on entend par activité salariée une activité découlant d’un rapport juridique qui fonde

a)      le droit à une rémunération au titre d’une activité salariée en vertu d’une disposition particulière, sauf un revenu en nature tiré d’un rapport juridique antérieur qui a fondé le droit à une rémunération au titre d’une activité salariée en vertu d’une disposition particulière, accordé sur les moyens du fond social,

[...] »

13      L’article 4, paragraphe 1, de la loi relative à la sécurité sociale énonce :

« Sous réserve que la présente loi n’en dispose autrement, on entend par travailleur salarié aux fins de l’assurance maladie, de l’assurance retraite et de l’assurance chômage, la personne physique se trouvant dans un rapport juridique qui fonde dans son chef le droit à une rémunération mensuelle régulière au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 3 [...] »

14      L’article 7, paragraphe 1, sous c), de la loi relative à la sécurité sociale prévoit :

« Au sens de la présente loi, on entend par employeur :

[...]

c)      pour la personne physique exerçant une activité salariée au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 3

1.      La personne physique qui est tenue de fournir à l’employé la rémunération visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 3, et qui a une résidence dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État qui est partie à l’accord sur l’Espace économique européen, autre que la République slovaque, ou sur le territoire de la Confédération suisse, ou dans un État avec lequel la République slovaque a conclu un traité international qui a la primauté sur les lois de la République slovaque, ou

2.      Une personne morale qui est tenue de fournir à l’employé la rémunération visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 3, et qui a son siège ou le siège d’un élément de l’organisation dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État qui est partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou sur le territoire de la Confédération suisse, ou dans un État avec lequel la République slovaque a conclu un traité international qui a la primauté sur les lois de la République slovaque. »

15      Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la loi relative à la sécurité sociale :

« Sont soumis à l’assurance maladie obligatoire :

a)      le travailleur salarié visé à l’article 4, paragraphe 1 [...] »

16      L’article 15, paragraphe 1, sous a), de la loi relative à la sécurité sociale dispose :

« Sont soumis à l’assurance retraite obligatoire :

a)      le travailleur salarié visé à l’article 4, paragraphes 1 et 2 [...] »

17      Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, de la loi relative à la sécurité sociale :

« Est soumis à l’assurance chômage obligatoire le travailleur salarié soumis à l’assurance maladie obligatoire, sous réserve d’une disposition contraire de la présente loi. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      M. Szoja est un ressortissant polonais qui, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, exerce une activité non salariée en Pologne et une activité salariée en Slovaquie où il est inscrit au registre national des assurés depuis le 1er février 2013.

19      La juridiction de renvoi indique qu’il ressort d’une correspondance entre le Zakład Ubezpieczeń Społecznych (organisme d’assurance sociale, Pologne, ci‑après l’« organisme polonais d’assurance sociale ») et la caisse slovaque d’assurance sociale que, dans la mesure où le requérant au principal a une résidence en Pologne, où il exerce également une activité, cet organisme d’assurance sociale a décidé que celui-ci relevait, depuis le 1er juillet 2012, de la réglementation polonaise en matière d’assurance sociale, et ce conformément aux dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base et de l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application.

20      Cette décision de l’organisme polonais d’assurance sociale a été motivée par le caractère marginal de l’activité que M. Szoja exerce sur le territoire slovaque.

21      Cet organisme a, dès lors, informé, le 22 avril 2013, la caisse slovaque d’assurance sociale, conformément à l’article 16, paragraphe 3, du règlement d’application, que M. Szoja relevait de la législation polonaise depuis le 1er février 2013.

22      La caisse slovaque d’assurance sociale n’a pas contesté cette détermination provisoire de la législation applicable, de sorte que ladite détermination est devenue définitive au regard de l’article 16, paragraphe 3, du règlement d’application.

23      Cette caisse a, par conséquent, décidé que M. Szoja ne bénéficiait pas, à compter du 1er février 2013, des assurances maladie, retraite et chômage obligatoires auprès de son employeur slovaque.

24      Cette décision a été confirmée par l’organe d’appel de la caisse slovaque d’assurance sociale.

25      À une date non spécifiée, M. Szoja a interjeté appel d’un arrêt du 3 décembre 2014 du Krajský súd v Žiline (cour régionale de Žilina, Slovaquie) devant la juridiction de renvoi.

26      Selon la juridiction de renvoi, l’organisme polonais d’assurance sociale a examiné la situation de M. Szoja sur la base de l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application, de sorte que cet organisme a appliqué, en vue de sa décision concernant la situation de celui-ci, l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.

27      Or, cette juridiction estime que l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base ne vise que les activités salariées, alors qu’il s’agit en l’espèce d’un ressortissant qui exerce une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres, de sorte que le critère de rattachement aux fins de la détermination du droit applicable serait le lieu où la personne concernée exerce une partie substantielle de son activité, en application de l’article 14, paragraphe 8, du règlement d’application.

28      Par ailleurs, il ressort de la décision de renvoi que la caisse slovaque d’assurance sociale n’a pas fait valoir de convention particulière dérogeant aux dispositions de l’article 13 du règlement de base qui serait fondée sur l’article 16 de ce règlement.

29      Dans ces conditions, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 13, paragraphe 3, du [règlement de base], lu en combinaison avec le droit à des prestations de sécurité sociale et à des avantages sociaux consacré à l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la [Charte], peut-il être interprété, dans les circonstances du cas d’espèce, sans tenir compte des précisions figurant à l’article 14 du [règlement d’application], sans possibilité d’appliquer par la suite la procédure prévue à l’article 16 dudit règlement de sorte que la limite inférieure du temps de travail et de la rémunération du salarié n’a pas d’incidence sur le choix du droit interne applicable en cas de cumul d’une activité salariée avec une activité non salariée, c’est-à-dire que l’article 14 du règlement d’application ne vise pas l’interprétation de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base ?

2)       S’il est répondu par la négative à la première question, en cas de conflit d’application entre deux règlements, un règlement de base et un règlement d’application, à savoir le [règlement de base] et le [règlement d’application], le juge national peut-il apprécier leurs dispositions en fonction de leur rang, c’est-à-dire en fonction de leur place dans la hiérarchie du droit de l’Union ?

3)      Peut-on considérer que l’interprétation des dispositions du règlement de base effectuée par la commission administrative au sens de l’article 72 du règlement de base est une interprétation contraignante d’une institution de l’Union européenne de laquelle la jurisprudence des juridictions nationales ne saurait s’écarter, ce qui s’oppose dans le même temps à ce que soit déférée une question préjudicielle, ou ne s’agit-il que de l’une des interprétations admissibles du droit de l’Union, que le juge national doit prendre en considération en tant que l’un des éléments de sa décision ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

30      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base, lu à la lumière de l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte, peut être interprété sans que les articles 14 et 16 du règlement d’application soient pris en compte.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle‑ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi et, dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 18 mai 2017, Lahorgue, C‑99/16, EU:C:2017:391, point 21).

32      Ainsi, il y a lieu de relever que, au regard des faits au principal, tels qu’ils ressortent de la décision de renvoi, il convient de se référer non pas à l’article 14, paragraphe 5, sous b), du règlement d’application, dans sa version initiale, mais à l’article 14, paragraphe 5 ter, de ce règlement.

33      Dès lors, il convient de comprendre la première question comme visant à savoir si l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base doit être interprété en ce sens que, en vue de la détermination de la législation nationale applicable au titre de cette disposition à une personne, telle que le requérant au principal, qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres, il convient de tenir compte des exigences énoncées à l’article 14, paragraphe 5 ter, et à l’article 16 du règlement d’application.

34      Ainsi qu’il ressort des considérants 1 et 45 du règlement de base, celui-ci a pour objectif d’assurer une coordination entre des systèmes nationaux de sécurité sociale des États membres afin de garantir l’exercice effectif de la libre circulation des personnes et, ainsi, de contribuer à l’amélioration du niveau de vie et des conditions d’emploi des personnes qui se déplacent au sein de l’Union.

35      L’article 11, paragraphe 1, du règlement de base énonce le principe de l’unicité de la législation applicable, en vertu duquel les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Ce principe vise ainsi à éviter les complications qui peuvent résulter de l’application simultanée de plusieurs législations nationales et à supprimer les inégalités de traitement qui, pour les personnes se déplaçant à l’intérieur de l’Union, seraient la conséquence d’un cumul partiel ou total des législations applicables (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2006, Piatkowski, C‑493/04, EU:C:2006:167, point 21).

36      Selon la première hypothèse évoquée à l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base, visant à déterminer la législation nationale applicable à une personne qui exerce normalement une activité salariée dans un État membre et une activité non salariée dans un autre État membre, cette personne est soumise à la législation de l’État membre dans lequel elle exerce une activité salariée.

37      Ainsi, dans une situation telle que celle au principal, où il est constant que M. Szoja exerce à la fois une activité salariée en Slovaquie et une activité non salariée en Pologne, celui-ci doit être considéré comme relevant de cette première hypothèse visée à l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base.

38      Cela étant, le règlement d’application, dont l’objet est de fixer les modalités d’application du règlement de base, prévoit, à son article 14, paragraphe 5 ter, que les activités marginales ne sont pas prises en compte aux fins de la détermination de la législation applicable au titre de l’article 13 du règlement de base.

39      À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué aux points 20 et 22 du présent arrêt, il ressort de la décision de renvoi que, selon la décision de l’organisme polonais d’assurance sociale, l’activité que M. Szoja exerce sur le territoire slovaque a un caractère marginal et que la détermination de la législation applicable est devenue définitive au regard de l’article 16, paragraphe 3, du règlement d’application.

40      Il convient, dès lors, de déterminer la législation applicable à laquelle est soumise une personne, telle que M. Szoja, qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres, au titre de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base, en tenant compte de l’article 14, paragraphe 5 ter, du règlement d’application, lequel exclut la prise en compte des activités marginales.

41      Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 14, paragraphe 5 ter, du règlement d’application que l’article 16 de ce règlement s’applique à tous les cas prévus à cet article 14. Dès lors, dans un cas tel que celui en cause au principal, il convient de tenir également compte de l’article 16 dudit règlement, lequel indique la procédure à suivre afin de déterminer, en application de l’article 13 du règlement de base, la législation applicable.

42      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les règles de conflit prévues par le règlement de base s’imposent de manière impérative aux États membres et il ne saurait être admis que les assurés sociaux relevant du champ d’application de ces règles puissent en contrecarrer les effets en disposant du choix de s’y soustraire (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, van Delft e.a., C‑345/09, EU:C:2010:610, point 52).

43      Quant aux interrogations de la juridiction de renvoi relatives à l’article 34 de la Charte, il importe de relever que cet article n’a pas d’incidences sur les considérations qui précèdent, aucune disposition de cet article ne conduisant à écarter la pertinence de l’application des articles 14 et 16 du règlement d’application dans l’affaire au principal.

44      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base doit être interprété en ce sens que, en vue de la détermination de la législation nationale applicable au titre de cette disposition à une personne, telle que le requérant au principal, qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres, il convient de tenir compte des exigences énoncées à l’article 14, paragraphe 5 ter, et à l’article 16 du règlement d’application.

 Sur la deuxième question

45      Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

 Sur la troisième question

46      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 72 du règlement de base doit être interprété en ce sens que les décisions de la commission administrative ont un caractère contraignant.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (ordonnance du 20 juillet 2016, Stanleybet Malta et Stoppani, C‑141/16, non publiée, EU:C:2016:596, point 6 ainsi que jurisprudence citée).

48      Il résulte également d’une jurisprudence constante que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit en outre indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (ordonnance du 20 juillet 2016, Stanleybet Malta et Stoppani, C‑141/16, non publiée, EU:C:2016:596, point 7 ainsi que jurisprudence citée).

49      Il est important de souligner à cet égard que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 20 juillet 2016, Stanleybet Malta et Stoppani, C‑141/16, non publiée, EU:C:2016:596, point 10 ainsi que jurisprudence citée).

50      En l’occurrence, force est de constater que la troisième question ne répond pas à ces exigences, dans la mesure où la décision de renvoi ne contient pas suffisamment d’éléments factuels sur l’existence d’une décision précise de la commission administrative et sur l’éventuelle incidence de cette décision sur l’affaire au principal. Ainsi, la Cour ne dispose pas d’éléments sur les raisons pour lesquelles l’interprétation du droit de l’Union sollicitée est nécessaire aux fins de la réponse à cette question. Dans ces conditions, les États membres et les autres intéressés, au sens de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’ont pas pu, ou alors très sommairement, présenter utilement leurs observations sur ladite question.

51      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer la troisième question comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

L’article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, doit être interprété en ce sens que, en vue de la détermination de la législation nationale applicable au titre de cette disposition à une personne, telle que le requérant au principal, qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres, il convient de tenir compte des exigences énoncées à l’article 14, paragraphe 5 ter, et à l’article 16 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement n° 465/2012.

Signatures


*      Langue de procédure : le slovaque.