Language of document : ECLI:EU:T:2017:349

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 mai 2017 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 7 novembre 2017]

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Droit à l’honneur – Droit de propriété – Présomption d’innocence – Restrictions d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑410/16,

Rami Makhlouf, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me E. Ruchat, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mme S. Kyriakopoulou, MM. G. Étienne et A. Vitro, puis par Mme Kyriakopoulou et M. Vitro, puis par Mme Kyriakopoulou et M. J. Bauerschmidt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, L. Havas et R. Tricot, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision PESC/2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2016, L 141, p. 125), et ses actes subséquents d’exécution, pour autant que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Rami Makhlouf, est un homme d’affaires de nationalité syrienne, assurant notamment la fonction de président de la société Syriatel, principal opérateur de téléphonie mobile en Syrie. Il est également le cousin du président Bashar Al-Assad.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4        Outre le nom du requérant, figurent à la ligne 8 du tableau de l’annexe de la décision 2011/273 diverses mentions, dont la date de l’inscription dudit nom sur la liste en cause, en l’occurrence le « 09.05.2011 », la date et le lieu de naissance ainsi que le numéro de passeport du requérant et les motifs suivants : « [h]omme d’affaires syrien ; personne associée à Maher Al-Assad ; finance le régime permettant la répression contre les manifestants ».

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2011, le requérant a introduit un recours en annulation enregistré sous le numéro T‑432/11, à l’encontre de la décision 2011/273 et d’autres actes ultérieurs, dans la mesure où ils le concernaient.

6        Le 31 mai 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/255/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14). Le nom du requérant figure à la ligne 8 du tableau de l’annexe I de ladite décision, avec les motifs suivants : « [h]omme d’affaires syrien ; cousin du président Bashar Al-Assad ; contrôle le fonds d’investissement Al Mashreq, Bena Properties, Cham Holding, Syriatel, Souruh Company et fournit à ce titre financement et soutien au régime ».

7        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2014, soit quelques jours avant la date d’audience prévue, le requérant a informé le Tribunal qu’il se désistait du recours enregistré sous le numéro T‑432/11.

8        Par la décision 2014/309/PESC du Conseil, du 28 mai 2014, modifiant la décision 2013/255 (JO 2014, L 160, p. 37), le Conseil a notamment prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2015.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2014, le requérant a introduit un recours en annulation enregistré sous le numéro T‑593/14, à l’encontre de la décision 2014/309 et de ses actes subséquents, dans la mesure où ces actes le concernaient.

10      Par la décision 2015/837/PESC du Conseil, du 28 mai 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 132, p. 82), le Conseil a notamment prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2016.

11      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2015, soit la veille de l’audience prévue, le requérant a informé le Tribunal qu’il se désistait de son recours enregistré sous le numéro T‑593/14.

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2015, le requérant a introduit un recours en annulation enregistré sous le numéro T‑466/15, à l’encontre de la décision 2015/837 et de ses actes subséquents d’exécution, dans la mesure où ils le concernaient.

13      Par la décision 2015/1836/PESC du Conseil, du 12 octobre 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75), la rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été révisée. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » ainsi que des « membres des familles Assad ou Makhlouf », sauf si des « informations suffisantes indiqu[e]nt qu[e ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ».

14      Par lettre du 18 mars 2016, le Conseil a communiqué au requérant son intention de maintenir son nom inscrit sur la liste en cause et de modifier l’exposé des motifs fondant cette inscription, en lui fournissant le texte de ce nouvel exposé des motifs. Le Conseil a également invité le requérant à fournir ses éventuelles observations avant le 1er avril 2016.

15      Par lettre du 31 mars 2016, le requérant a notamment demandé que son nom soit retiré de la liste en cause et que le Conseil lui transmette, dans l’hypothèse d’un maintien de son nom sur cette liste, l’ensemble des éléments nouveaux à sa charge.

16      Par lettres des 25 et 26 mai 2016, le Conseil a communiqué au requérant une copie des documents et des éléments d’information (portant les références RELEX 422) relatifs au maintien de l’inscription de son nom sur la liste en cause et à la modification de l’exposé des motifs.

17      Par la décision PESC/2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255 (JO 2016, L 141, p. 125, ci-après la « décision attaquée »), le Conseil a prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2017. Le nom du requérant figure à la ligne 8 du tableau de l’annexe de ladite décision, avec les motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et ayant des intérêts dans les secteurs des télécommunications, des services financiers, des transports et de l’immobilier ; il détient des intérêts financiers et/ou occupe des postes d’encadrement et de direction dans la société Syriatel, le principal opérateur de téléphonie mobile en Syrie, et dans le fonds d’investissement Al Mashreq, Bena Properties et Cham Holding. Il fournit financement et soutien au régime syrien par l’intermédiaire de ses intérêts financiers. Il est un membre influent de la famille Makhlouf et entretient des liens étroits avec la famille Assad ; il est un cousin du président Bashar Al-Assad. »

18      Par lettre du 30 mai 2016, le Conseil a notifié au requérant une copie de la décision attaquée.

19      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 juin 2016, le requérant a informé le Tribunal qu’il se désistait de son recours enregistré sous le numéro T‑466/15.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2016, le requérant a introduit le présent recours.

21      Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 21 décembre 2016, la Commission européenne a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

22      Le 23 février 2017, le greffe du Tribunal a signifié aux parties la clôture de la phase écrite de la procédure. Les parties n’ont pas présenté de demande d’audience dans le délai prévu par l’article 106 du règlement de procédure du Tribunal.

23      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et ses actes subséquents d’exécution, dans la mesure où ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

24      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, si la décision attaquée devait être annulée en ce qui concerne le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision attaquée en ce qui le concerne jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci.

25      La Commission soutient les conclusions du Conseil et propose au Tribunal, quant à la fixation des frais de procédure, de faire usage de l’article 139, sous a), du règlement de procédure.

 En droit

 Sur la recevabilité

26      En l’espèce, le requérant demande l’annulation, dans la mesure où ils le concernent, tant de la décision attaquée que de ses actes subséquents d’exécution.

27      À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que le Tribunal ne peut être valablement saisi que d’une demande tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief. Si une partie requérante peut donc être autorisée à reformuler ses conclusions de façon à ce que celles-ci visent l’annulation des actes qui ont, en cours de procédure, remplacé les actes initialement attaqués, cette solution ne saurait autoriser le contrôle spéculatif de la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés (voir arrêt du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 72 et jurisprudence citée).

28      D’autre part, aux termes des dispositions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’objet du litige, cette indication devant être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut ainsi, pour qu’un recours soit recevable, que la requête indique avec un certain degré de précision quels sont les actes dont le requérant demande l’annulation (voir arrêt du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 73 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, le contrôle du Tribunal ne peut donc porter que sur les actes d’ores et déjà adoptés par le Conseil, identifiés avec suffisamment de précision par le requérant et attaqués dans la requête (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 74 et jurisprudence citée).

30      Ainsi, le recours ne saurait être déclaré recevable qu’à l’encontre des actes mentionnés par le requérant dans la requête et la réplique, à savoir la seule décision attaquée.

 Sur le fond

31      À titre liminaire, il convient de relever que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 29 TUE qui attribue compétence au Conseil pour adopter des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique (arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 41).

32      C’est également sur la base de l’article 29 TUE que le Conseil a adopté la décision 2015/1836.

33      Or, aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836 :

« Le Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’est en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein. Le Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

34      De même, aux termes du considérant 7 de la décision 2015/1836 :

« Le Conseil a estimé que, eu égard au fait que le pouvoir en Syrie s’exerce traditionnellement sur une base familiale, le pouvoir du régime syrien actuel est essentiellement entre les mains des membres influents des familles Assad et Makhlouf. Le Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour geler tous les fonds et ressources économiques appartenant à certains membres des familles Assad et Makhlouf, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes possèdent, détiennent ou contrôlent, ainsi que pour imposer des restrictions à l’admission de ces personnes, identifiées par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, tant pour influencer directement le régime par le biais de membres de ces familles afin que celui-ci modifie sa politique de répression, que pour éviter le risque de contournement des mesures restrictives par des membres de ces familles. »

35      Ainsi, dans leur nouvelle rédaction, les paragraphes 2 des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 prévoient des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres et le gel des fonds des « hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » ainsi que des « membres des familles Assad ou Makhlouf ». En outre, les paragraphes 3 de ces articles prévoient que ces personnes « ne sont pas inscrites ou maintenues sur la liste des personnes et entités qui figure à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’elles ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ou qu’elles n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’elles ne sont pas associées à un risque réel de contournement ».

36      Au soutien du recours, le requérant invoque cinq moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation, le quatrième, d’une violation des droits fondamentaux et, le cinquième, de la violation des lignes directrices du Conseil du 2 décembre 2005 concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

37      Le requérant soutient que le Conseil a violé les droits de la défense et son droit à un procès équitable prévu par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), l’article 215 TFUE et les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que, notamment, la décision attaquée ne prévoit aucune procédure permettant de lui garantir un exercice effectif de ses droits de la défense, notamment du droit à être entendu et du droit à un tribunal impartial.

38      Plus précisément, en ce qui concerne le droit à être entendu, le requérant fait observer que, s’il a pu faire valoir ses arguments auprès du Conseil à la suite de l’adoption de la décision 2013/255, cette possibilité ne lui a pas été donnée préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

39      Quant au droit à un tribunal impartial, le requérant expose que le Conseil semble nourrir un réel préjugé à son égard. Cela serait corroboré par le fait que le Conseil a fondé l’inscription du nom d’un ressortissant syrien sur la liste en cause notamment en raison de ses liens avec lui.

40      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

41      Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

42      Quant au droit à une protection juridictionnelle effective, qui est affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, il exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée). L’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

43      En outre, l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

44      Enfin, le Conseil est soumis à l’obligation de respecter le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, auquel se rattache, selon une jurisprudence constante, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 58 et jurisprudence citée).

45      S’agissant du premier argument du requérant, selon lequel la possibilité de faire valoir ses arguments ne lui a pas été donnée préalablement à l’adoption de la décision attaquée, il résulte des pièces du dossier que cet argument est inexact.

46      En effet, le Conseil, dans sa lettre du 18 mars 2016, a notifié au requérant son intention de remplacer l’exposé des motifs visant à justifier l’inscription de son nom sur la liste en cause et lui a fourni le texte exact de ces motifs, tels que le Conseil l’a ensuite reproduit dans la décision attaquée. Ladite lettre invitait le requérant à présenter ces éventuelles observations avant le 1er avril 2016 (point 14 ci-dessus). Ainsi, par lettre du 31 mars 2016, le requérant a formulé ses observations et a demandé au Conseil de lui communiquer l’ensemble des éléments nouveaux à sa charge, ce que le Conseil a fait par lettres des 25 et 26 mai 2016 (points 15 et 16 ci-dessus).

47      S’agissant du deuxième argument du requérant, selon lequel, en substance, le Conseil ne se serait pas comporté comme un tribunal impartial, il y a d’abord lieu de relever que cet argument part d’une prémisse erronée, étant donné que le Conseil n’est pas une juridiction.

48      En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les mesures conservatoires de gel de fonds n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée (voir, en ce sens, arrêts du 25 avril 2013, Gbagbo/Conseil, T‑119/11, non publié, EU:T:2013:216, point 102, et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 40). Ainsi qu’il a été rappelé au point 31 ci-dessus, la décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 29 TUE, qui attribue compétence au Conseil pour adopter des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 41). Le fait que le nom du requérant apparaisse dans plusieurs décisions du Conseil relatives à l’inscription du nom de personnes ou d’entités sur la liste en cause ne saurait suffire à remettre en cause l’impartialité du Conseil, dont la position au sujet du requérant est connue depuis l’inscription initiale de son nom sur cette liste, en date du 9 mai 2011.

49      Ainsi, aucun des arguments avancés par le requérant ne démontre, en l’espèce, une violation des articles 6 et 13 de la CEDH, de l’article 215 TFUE ou des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux.

50      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

51      Le requérant soutient que la motivation fournie par le Conseil ne satisfait pas à l’obligation qui incombe aux institutions de l’Union en vertu de l’article 6 de la CEDH, de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

52      Les deux motifs principaux invoqués par le Conseil, à savoir, premièrement, les liens familiaux du requérant avec la famille Assad, et notamment le président Bashar Al-Assad ainsi que son influence au sein de la famille Makhlouf et, deuxièmement, les intérêts financiers ou les postes d’encadrements et de direction qu’il détiendrait dans plusieurs sociétés, ne permettraient pas de satisfaire à cette obligation.

53      Plus précisément, quant au premier de ces motifs, le requérant avance que le seul lien familial ne peut, selon la jurisprudence, permettre d’établir qu’il est associé aux membres du régime, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un cousin. Concernant sa prétendue influence sur sa propre famille, cet élément serait imprécis et ne constituerait en aucun cas un fait répréhensible justifiant à lui seul les mesures restrictives.

54      Quant au second motif, le requérant relève que les motifs ne font même pas état de sa position précise dans les différentes sociétés mentionnées, les motifs se limitant à une énumération, vague et hypothétique (« intérêts financiers et/ou occupe des postes d’encadrement ») de liens à l’égard de divers secteurs et fonds d’investissements.

55      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

56      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

57      Selon une jurisprudence également constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

58      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

59      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

60      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

61      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 66 et jurisprudence citée).

62      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’examiner le deuxième moyen.

63      Il doit être relevé d’emblée que le Conseil fonde l’inclusion du nom du requérant dans ladite liste sur les motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et ayant des intérêts dans les secteurs des télécommunications, des services financiers, des transports et de l’immobilier ; il détient des intérêts financiers et/ou occupe des postes d’encadrement et de direction dans la société Syriatel, le principal opérateur de téléphonie mobile en Syrie, et dans le fonds d’investissement Al Mashreq, Bena Properties et Cham Holding. Il fournit financement et soutien au régime syrien par l’intermédiaire de ses intérêts financiers. Il est un membre influent de la famille Makhlouf et entretient des liens étroits avec la famille Assad; il est un cousin du président Bashar Al-Assad. »

64      Il y a lieu de considérer que cette motivation satisfait aux règles rappelées aux points 55 et suivants ci-dessus. En particulier, il n’est pas contestable qu’une telle motivation est susceptible de permettre au requérant de comprendre les raisons pour lesquelles son nom a été réinscrit sur la liste en cause.

65      En outre, ainsi que cela ressort de l’argumentation du requérant dans la requête, la motivation fournie par le Conseil a été, de toute évidence, suffisante aux fins de lui permettre d’introduire le présent recours et de permettre au juge de l’Union d’opérer son contrôle de légalité (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 72). Par ailleurs, au vu de la nature des motifs sur lesquels est fondée l’inscription du nom du requérant dans l’annexe litigieuse et qui portent sur des faits clairs le concernant, à savoir son appartenance à la famille Makhlouf et sa qualité d’homme d’affaires présidant notamment Syriatel, il ne saurait prétendre que lesdits motifs lui sont incompréhensibles.

66      Il y a donc lieu de rejeter les arguments du requérant selon lesquels la motivation de la décision attaquée serait imprécise, tant en ce qui concerne son influence sur sa propre famille qu’en ce qui concerne sa position exacte dans les sociétés énumérées.

67      Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

68      Selon le requérant, il résulte de l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), que le seul lien familial ne permet pas de l’associer aux membres du régime ou d’établir qu’il tire profit de leur politique.

69      Le requérant considère que le Conseil s’est contenté de fournir une série d’articles de presse ne contenant aucune preuve des allégations selon lesquelles il aurait un lien avec le régime au pouvoir ou qu’il soutiendrait économiquement ce régime et renvoie aux arrêts du 13 novembre 2014, Hamcho et Hamcho International/Conseil (T‑43/12, non publié, EU:T:2014:946), et du 13 novembre 2014, Kaddour/Conseil (T‑654/11, non publié, EU:T:2014:947).

70      Le requérant ajoute qu’il a présenté de nouveaux éléments, à travers sa lettre du 31 mars 2016, permettant d’établir, pour autant que de besoin, qu’il n’était pas lié au régime et qu’il ne bénéficiait pas de ses politiques. Dans sa réponse, qui serait par ailleurs parvenue au requérant le 30 mai 2016, soit postérieurement à la décision attaquée, le Conseil ignorerait ces éléments et semblerait de surcroît lui reprocher ses activités caritatives. À cet égard, il aurait été estimé fiable et sérieux dans ses activités caritatives par l’Organisation des Nations unies, organisation avec laquelle il a signé de nombreux contrats.

71      Le requérant avance également qu’il a transféré l’intégralité de ses participations au sein de la société Syriatel à l’association caritative Ramak, dont l’objectif est de distribuer des fonds à d’autres associations pour des besoins exclusivement humanitaires. Par conséquent, il ne percevrait plus aucun dividende de la société Syriatel et se contenterait d’en assurer la fonction de président en sa qualité de représentant de l’association humanitaire Ramak.

72      Enfin, le requérant affirme qu’il ne dispose d’aucune participation directe au sein de la société Bena Properties et n’y exerce aucune fonction de direction. La société Bena Properties serait actuellement sous le contrôle de la société Cham Holding, étant entendu que cette dernière serait elle‑même en dehors de tout contrôle du requérant.

73      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

74      Selon une jurisprudence constante, l’effectivité du contrôle juridictionnel garantie par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes de personnes visées par des sanctions, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119 et jurisprudence citée).

75      Il incombe à l’autorité compétente de l’Union, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits par l’autorité en question étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

76      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (arrêts Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

77      En outre, compte tenu de la situation en Syrie, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime combattu (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 53).

78      En l’espèce, il convient de rappeler que l’inscription du nom du requérant dans l’annexe litigieuse est fondée sur deux motifs distincts, à savoir, d’une part, qu’il est un homme d’affaires syrien influent et, d’autre part, qu’il est un membre influent de la famille Makhlouf et entretient des liens étroits avec la famille Assad. Il est, plus particulièrement, un cousin du président Bashar Al-Assad (point 63 ci-dessus).

79      S’agissant du second de ces motifs, force est de constater que le requérant ne conteste pas son appartenance aux familles Makhlouf et Al-Assad. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 35 ci-dessus, l’appartenance aux familles Makhlouf ou Al-Assad constitue, conformément aux articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée, en dernier lieu, par la décision 2015/1836, un des critères d’inscription dans l’annexe litigieuse.

80      Certes, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle qu’applicable en l’espèce, les noms des membres des familles Makhlouf et Al-Assad ne sont pas inscrits ou maintenus sur la liste en cause s’il existe des informations suffisantes indiquant que ces membres ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. Cependant, aucun élément du dossier n’indique que le requérant n’est pas, ou n’est plus, lié au régime ou qu’il n’exerce aucune influence sur celui-ci ou qu’il n’est pas associé à un risque réel de contournement au sens des dispositions susmentionnées ou qu’il s’est distancié des autres membres de la famille Makhlouf ou Assad et qu’il n’est plus lié au régime en place en Syrie. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d’arriver à une telle conclusion.

81      Plus particulièrement, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause les conclusions qu’il convient de tirer d’une série d’articles de presse et d’ouvrages d’origines variées que le Conseil cite dans le mémoire en défense et selon lesquels il est de notoriété publique que le requérant est lié au régime en place et qu’il le soutient, notamment des articles tels « Syrian Elite to Fight Protests to The End », New York Times, 10 mai 2011 (Annexe B.23) ; « Reviled tycoon, Assad’s Cousin, resigns in Syria », New York Times, 16 juin 2011, (annexe B.26) ; « Syrian Businessman Becomes Magnet for Anger and Dissent », New York Times, 30 avril 2011 (annexe B.15) ; « Bashar al-Assad’s inner circle », BBC News, 30 juillet 2012 (annexe B.9) ; « Syria Moneyman is Target of Anti-Assad Hatred », Reuters, 18 juillet 2012 (annexe B.20) ; Yacoub Oweis, K., « Syria’s Makhlouf owes fortune and infamy to Assad », Reuters, 16 juin 2011 (annexe B.21) ; « Where’s Syria’s Business Community ? », Foreign Policy/Middle East Channel, 5 août 2011 (annexe B.22) ; « Bashar al-Assad’s inner circle », BBC News Middle East, 30 juillet 2012 (annexe B.9) ; et des ouvrages comme Haddad, B., Business Networks in Syria : The Political Economy of Authoritarian Resilience, Stanford University Press, 2012 (annexe B.5) ; Bar, S., Bashar’s Syria : The Regime and its Strategic Worldview, Institute for Policy and Strategy, 2006 (annexe B.7) ; Hinnebush, R., Syria : From Authoritarian Upgrading to Revolution ?, International Affaires, 2012 (annexe B.10) ; Donati, C., The Economics of Authoritarian Upgrading in Syria, Middle East Authoritarianisms, Governance, Contestation, and Regime Resilience in Syria and Iran, Standford University Press, 2013, (annexe B.11).

82      En ce qui concerne, en outre, les arguments du requérant par lesquels il prétend, en substance, que fonder la décision attaquée sur son lien familial avec le président Bashar Al-Assad pour maintenir son nom sur la liste en cause serait contraire à l’arrêt du 13  mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), et, par conséquent, à la jurisprudence de la Cour relative aux articles 60 et 301 CE [devenus articles 75 et 215 TFUE] (point 64 de la requête), il convient de les écarter.

83      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a procédé à une interprétation large des articles 60 et 301 CE, dans la mesure où elle a inclus dans la notion de « pays tiers » figurant dans lesdits articles les dirigeants de ces pays ainsi que les individus et les entités qui sont associés à ces dirigeants ou contrôlés directement ou indirectement par ceux-ci. Elle a, pour autant, conclu que l’application de mesures restrictives à des personnes physiques pour la seule raison de leur lien familial avec des personnes associées aux dirigeants du pays tiers concerné et indépendamment de leur comportement personnel se heurtait à sa jurisprudence relative auxdits articles (voir arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, EU:C:2012:138, point 60 et jurisprudence citée et point 66).

84      Or, il convient de rappeler que, en l’espèce et contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), l’appartenance à la famille Al-Assad ou à la famille Makhlouf constitue un critère autonome, prévu en tant que tel par les articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle qu’applicable en l’espèce. Ainsi qu’il est indiqué au considérant 6 de la décision 2015/1836, les mesures de gel des fonds des membres influents des familles Assad et Makhlouf ont été prévues au motif que, étant donné que « le pouvoir en Syrie s’exerce traditionnellement sur une base familiale, le pouvoir du régime syrien actuel est essentiellement entre les mains » de ces personnes.

85      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, avant même l’énoncé de ce critère autonome mentionné au point 84 ci-dessus par la décision 2015/1836, il a été jugé que le seul fait qu’une personne appartenait au cercle familial de M. Bashar Al-Assad suffisait pour que le Conseil puisse considérer qu’elle était liée aux dirigeants de la Syrie, d’autant plus que l’existence dans ce pays d’une tradition de gestion familiale du pouvoir est un fait notoire dont le Conseil pouvait tenir compte (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 96).

86      Par ailleurs, la décision 2013/255, telle qu’applicable en l’espèce, n’instaure pas de présomption irréfragable de soutien ou de lien au régime syrien à l’encontre des membres des familles Al-Assad et Makhlouf. Au contraire, ainsi qu’il a été exposé au point 77 ci-dessus, les noms des personnes appartenant à ces familles ne sont pas inscrits dans l’annexe litigieuse s’il est établi que ces personnes ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime en place. Or, comme il a déjà été exposé ([Tel que rectifié par ordonnance du 7 novembre 2017] point 81 ci-dessus), aucun élément du dossier n’est susceptible de remettre en cause les éléments sur lesquels le Conseil s’est appuyé pour fonder l’inscription du nom du requérant dans l’annexe litigieuse et démontrer ses liens avec le régime en place.

87      Force est, en outre, de constater que, en dehors de l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), le requérant n’invoque aucun principe général, ni aucune règle du droit de l’Union qui s’opposerait à l’adoption d’un critère tel que celui applicable en l’espèce. Par conséquent, il y a lieu de constater que le second motif de maintien du nom du requérant dans l’annexe litigieuse est valable.

88      Il convient sur ce point de rappeler que, selon la jurisprudence, il suffit qu’un seul des motifs retenus par le Conseil pour maintenir le nom de la partie requérante dans l’annexe litigieuse soit valable pour que ce maintien soit légalement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C-630/13 P, EU:C:2015:247, point 46 et jurisprudence citée). Toutefois, le Tribunal considère, en l’espèce, comme utile d’examiner les arguments présentés par le requérant s’agissant du premier motif retenu par le Conseil aux fins de l’inscription de son nom dans l’annexe litigieuse.

89      À cet égard, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel il s’est retiré du monde des affaires et se consacre à des activités caritatives, il convient de relever que, selon les explications données par le requérant lui-même dans la requête :

« [Il] a transféré l’intégralité de ses participations au sein de la société Syriatel à l’association caritative Ramak dont l’objectif est de distribuer des fonds à d’autres associations, pour des besoins exclusivement humanitaires. Par conséquent, [il] ne perçoit plus aucun dividende de la société Syriatel. Il se contente ainsi d’assurer la fonction de président de la société Syriatel en sa qualité de représentant de l’association humanitaire Ramak. »

90      Or, le requérant étant toujours président de la société Syriatel, il ne peut affirmer s’être retiré des affaires. Par ailleurs, la prétention selon laquelle il ne percevrait plus de dividende de la part de la société Syriatel ne saurait suffire à remettre en cause cette constatation.

91      En outre, le requérant ne dément pas la précision figurant dans les motifs retenus à son égard selon laquelle Syriatel est le « principal opérateur de téléphonie mobile en Syrie ».

92      En conséquence, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si le requérant dirige ou a dirigé les autres sociétés mentionnées dans les motifs, il ne saurait être contesté qu’il est un homme d’affaires important, dans la mesure où il est, toujours, président du principal opérateur de téléphonie mobile en Syrie, motif qui justifie également, à lui seul, au regard des articles 27 et 28 de la décision 2013/255, que son nom figure sur la liste en cause.

93      En ce qui concerne, en outre, l’argument du requérant selon lequel le Conseil n’a apporté aucune preuve de ses allégations alors que lui-même aurait établi, notamment par sa lettre du 31 mars 2016, qu’il n’est pas lié au régime et qu’il ne bénéficie pas de ses politiques, il y a lieu de l’écarter.

94      En effet, force est de constater que le requérant n’a fourni aucun élément de preuve dans ladite lettre susceptible de remettre en cause les motifs retenus à son égard par le Conseil. D’ailleurs, dans cette lettre, le requérant n’affirme pas, contrairement à ce qu’il prétend dans la requête, s’être retiré du monde des affaires, mais indique seulement qu’il a « diminué son implication dans le monde des affaires ».

95      Ensuite, en ce qui concerne le reproche du requérant selon lequel la réponse du Conseil ne lui serait parvenue que le 30 mai 2016, soit postérieurement à la décision attaquée, il convient de relever, d’une part, que cette question n’est pas relative à l’erreur manifeste d’appréciation mais aux droits de la défense et, d’autre part, que le Conseil, qui l’avait déjà prévenu par lettre du 18 mars 2016 de son intention de maintenir l’inscription de son nom sur la liste en cause et lui avait donné un droit de réponse (point 14 ci-dessus), n’était pas dans l’obligation de prolonger ces échanges de lettres ni, évidemment, de suspendre le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause dans l’attente de la fin de cette correspondance.

96      Enfin, quant aux éléments de preuve fournis par le Conseil, ainsi qu’il a été indiqué au point 81 ci-dessus, celui-ci cite, dans le mémoire en défense, toute une série d’articles de presse et d’ouvrages d’origines variées, démontrant qu’il est de notoriété publique que le requérant est lié au régime en place et qu’il le soutient.

97      À cet égard, il y a lieu de relever que le Conseil a fourni au requérant, par ses lettres des 25 et 26 mai 2016, une copie des documents et des éléments d’information (portant les références RELEX 422) relatifs au maintien de l’inscription de son nom sur la liste en cause et à la modification de l’exposé des motifs fondant cette inscription (point 16 ci-dessus). Il s’agit, outre d’articles de presse et d’études variées, de documents relatifs aux diverses sociétés mentionnées dans les motifs, telles les pages Internet de ces sociétés dans lesquelles figure le nom du requérant, démontrant ou tendant à démontrer qu’il est lié aurégime en place et qu’il le soutient.

98      L’ensemble de ces documents constituent ainsi un faisceau d’indices au sens de l’arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 53), également susceptible de justifier le maintien du nom du requérant sur la liste en cause.

99      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des droits fondamentaux

100    Premièrement, le requérant soutient que les mesures restrictives adoptées à son égard, conduisant de fait à une interdiction d’exercer son activité économique et qui auraient des conséquences sur sa vie quotidienne, ne sont pas proportionnées aux objectifs poursuivis par le Conseil. Le caractère disproportionné ainsi que l’inefficacité et les effets désastreux de ces sanctions seraient de surcroît de plus en plus contestés au sein de la communauté syrienne, régionale et internationale.

101    Deuxièmement, le gel de tous les avoirs du requérant constituerait une mesure d’ingérence dans son droit de propriété.

102    Troisièmement, il fait également valoir que, en faisant figurer son nom sur la liste des personnes visées par les mesures restrictives en cause, le Conseil l’a clairement identifié comme faisant partie des personnes responsables de la répression violente exercée en Syrie, nuisant ainsi à sa réputation et à son honneur, lesquels sont pourtant protégés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, les conséquences de ces allégations et de ces sanctions se manifesteraient très concrètement, par exemple dans la presse, des articles l’associant à la répression syrienne en se fondant sur des éléments inexacts (« Le banquier de Bashar El-Assad », Le Point, 30 avril 2015 ; « Panama Papers en Syrie : comment le clan Assad contourne les sanctions internationales », Le Monde, 4 avril 2016).

103    Quatrièmement, il affirme qu’il est manifeste que les sanctions en cause ont été prises à son égard sans que sa culpabilité ait été légalement établie, alors que la présomption d’innocence est inscrite à l’article 48 de la charte des droits fondamentaux.

104    Cinquièmement, le requérant ajoute que le gel de ses fonds constitue une atteinte disproportionnée à sa liberté d’aller et venir, garantie par l’article 2, paragraphe 2, du protocole n° 4 à la CEDH, dès lors qu’il l’empêche de se rendre librement sur le territoire des États membres.

105    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

106    En ce qui concerne le premier argument du requérant, relatif au principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que ce principe fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 98).

107    De plus, si le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

108    Enfin, il a déjà été considéré que, lorsqu’un acte imposant des mesures restrictives a été adopté sans fournir aucune garantie réelle permettant à l’intéressé d’exposer sa cause aux autorités compétentes, l’imposition de telles mesures constituait une restriction injustifiée de son droit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 369 et 370).

109    En l’occurrence, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 100).

110    En ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures en cause, il convient de constater que les mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir la lutte contre le financement du régime syrien, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 101 et jurisprudence citée).

111    En outre, comme la décision 2013/255, la décision attaquée a été adoptée en respectant toutes les garanties permettant au requérant d’exercer ses droits de la défense, comme il a déjà été relevé aux points 41 à 48 ci-dessus.

112    Par ailleurs, l’article 28, paragraphe 4, de la décision 2013/255 prévoit la possibilité d’autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, dans les conditions qu’elle juge appropriées, après avoir établi que les fonds ou les ressources économiques concernés étaient, notamment, nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes visées par les mesures restrictives en cause. En outre, ladite décision, conformément à son article 34, fait l’objet d’un suivi constant permettant de réviser l’inclusion des noms des personnes et des entités dans la liste en cause périodiquement en vue d’assurer que les noms desdites personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer dans cette liste en soient radiés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, points 102 et 105).

113    Il y a donc lieu de rejeter ce premier argument.

114    En ce qui concerne le deuxième argument du requérant, relatif à une violation du droit de propriété, il convient de relever que ce droit fait partie des principes généraux du droit de l’Union et se trouve consacré par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 96 et jurisprudence citée).

115    Cependant, selon une jurisprudence constante, ce droit fondamental ne jouit pas, dans le droit de l’Union, d’une protection absolue. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti [voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Al‑Aqsa/Conseil et Pays‑Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 121, et du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 59 (non publié)].

116    Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie et les dérogations envisagées par la décision 2013/255, les restrictions au droit de propriété évoquées par le requérant ne sont pas disproportionnées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 106), d’autant plus que, ainsi qu’il a été relevé au point 111 ci-dessus, la décision 2013/255 prévoit certaines exceptions permettant aux personnes et aux entités visées par des mesures restrictives de faire face aux dépenses essentielles.

117    À cet égard, il convient de relever que le requérant n’a jamais évoqué le besoin d’accéder à tout ou partie des fonds gelés.

118    Il y a donc lieu de rejeter ce deuxième argument.

119    En ce qui concerne le troisième argument du requérant, tiré d’une prétendue atteinte au droit à l’honneur et à la réputation, il y a lieu de rappeler que ce droit n’est pas une prérogative absolue et que son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent la réputation de la personne ou de l’entité qu’elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

120    Quant aux deux articles de presse français produits par le requérant, dans lesquels il serait désigné comme étant lié au régime syrien, à supposer que ce soit à tort que ces articles le désignent de la sorte, il convient de rappeler que l’importance des objectifs poursuivis par la décision attaquée est de nature à justifier que ceux-ci aient pu avoir des conséquences négatives, même considérables, pour le requérant sans que cela affecte leur légalité (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 191).

121    Il y a donc lieu de rejeter ce troisième argument.

122    En ce qui concerne le quatrième argument du requérant, concernant une atteinte à la présomption d’innocence, il doit être rappelé que ce principe, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH et à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect (voir arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 73 et jurisprudence citée).

123    Ce principe qui exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires de gel de fonds, dès lors que celles-ci n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée. De telles mesures doivent cependant, compte tenu de leur gravité, être prévues par la loi, être adoptées par une autorité compétente et présenter un caractère limité dans le temps (voir arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 74 et jurisprudence citée). Il résulte du point 31 ci-dessus que ces deux premiers critères sont remplis. En outre, s’agissant du caractère limité dans le temps, il convient de constater que, aux termes du considérant 1 de la décision 2013/255 telle que modifiée par la décision attaquée, celle-ci s’applique pendant douze mois, fait l’objet d’un suivi contant et peut être prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. Les mesures imposées au requérant ont donc bien un caractère limité dans le temps (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 41).

124    Enfin, il y a lieu de relever que les mesures restrictives en cause n’entraînent pas une confiscation des avoirs des intéressés en tant que produits du crime, mais un gel à titre conservatoire. Ces mesures ne constituent donc pas une sanction et n’impliquent par ailleurs aucune accusation de cette nature (voir arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 77 et jurisprudence citée).

125    En effet, les actes en cause du Conseil ne constituent pas une constatation du fait qu’une infraction a été effectivement commise, mais sont adoptés dans le cadre et aux fins d’une procédure de nature administrative ayant une fonction conservatoire et ayant pour unique but de permettre au Conseil de garantir la protection des populations civiles (arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 78).

126    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ne viole pas le principe de présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 79).

127    Il convient donc de rejeter ce quatrième argument.

128    En ce qui concerne le cinquième argument du requérant, selon lequel la décision attaquée porterait atteinte à sa liberté d’aller et venir, il convient d’abord de relever que l’article 27, paragraphe 1, de la décision 2013/255 ne vise pas la sortie, mais seulement « l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci, et des personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe I ».

129    Ensuite, d’une part, il convient de relever que les considérations exposées ci-dessus aux points 105 et suivants quant au caractère approprié, nécessaire et limité dans le temps des mesures portant le gel des fonds du requérant sont applicables par analogie aux dispositions sur les restrictions en matière d’admission (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Alsharghawi/Conseil, T‑485/15, non publié, EU:T:2016:520, point 90). D’autre part, il convient de rappeler que, conformément à l’article 27, paragraphe 6, de la décision 2013/255, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée sur son territoire notamment pour des raisons urgentes d’ordre humanitaire (arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 197). Or, en l’espèce, le requérant n’a pas avancé devoir entrer sur le territoire d’un État membre pour de telles raisons.

130    Enfin, il convient de constater que le requérant, en tant que ressortissant d’un pays tiers, ne jouit pas de la liberté d’entrer sur le territoire de l’Union. En effet, cette entrée est soumise à des conditions strictes dont il n’a pas démontré la satisfaction.

131    Il convient donc de rejeter ce cinquième argument, ainsi que le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des lignes directrices du Conseil du 2 décembre 2005

132    Le requérant allègue que le Conseil n’a pas respecté les garanties juridiques qui découlent des lignes directrices du 2 décembre 2005 du Conseil concernant la mise en œuvre et l’évaluation des mesures restrictives dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne.

133    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

134    Il convient de constater que, comme le Conseil le souligne, lesdites lignes directrices n’établissent aucune nouvelle règle, mais reflètent les obligations du Conseil telles qu’elles ont déjà été exposées lors de l’examen des moyens qui précède.

135    Dès lors, le cinquième moyen doit être écarté comme étant inopérant et, partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

136    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

137    En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

138    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier. La Commission supportera, quant à elle, ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Rami Makhlouf est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2017.

Signatures


* Langue de procédure : le français.