Language of document : ECLI:EU:C:2016:693

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 15 septembre 2016 (1)

Affaire C‑524/14 P

Commission européenne

contre

Hansestadt Lübeck

« Pourvoi – Aides d’État – Redevances aéroportuaires – Article 108, paragraphe 2, TFUE – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen – Recevabilité du recours en annulation – Personne individuellement concernée – Intérêt à agir – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Critère de la sélectivité »





1.        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2014, Hansestadt Lübeck/Commission (2), par lequel celui-ci a, d’une part, annulé la décision C (2012) 1012 final de la Commission (3) dans la mesure où cette décision concerne le règlement relatif aux redevances de l’aéroport de Lübeck (Allemagne) adopté en 2006 (ci-après le « règlement de 2006 ») et, d’autre part, rejeté le recours pour le surplus.

2.        Parmi les questions soulevées par le présent pourvoi, deux d’entre elles méritent une attention toute particulière. La première concerne l’examen de la recevabilité d’un recours introduit par une entité publique gestionnaire d’un aéroport contre une décision ouvrant la procédure formelle d’examen à l’égard, notamment, d’un règlement fixant, pour cet aéroport, le montant des redevances aéroportuaires dont sont redevables les compagnies aériennes. La seconde porte sur l’appréciation du caractère sélectif d’une mesure consistant en un tel règlement.

3.        L’affaire offre ainsi, dans le contexte très particulier d’une décision portant ouverture d’une procédure formelle d’examen, l’opportunité de préciser la portée de la condition selon laquelle, pour pouvoir être qualifiées d’« aides d’État », les mesures litigieuses en cause doivent notamment, ainsi que l’exige expressément l’article 107, paragraphe 1, TFUE, « favoris[er] certaines entreprises ou certaines productions ». Cette condition, communément désignée comme « critère de sélectivité » est, ainsi que l’a fait observer l’avocat général Wathelet dans ses récentes conclusions dans les affaires jointes Commission/Banco Santander et Santusa (4), s’agissant, certes, de mesures de nature fiscale très différentes de celles visées par la présente affaire, une des questions les plus controversées en matière d’aides d’État. Les précisions que la Cour sera donc amenée à donner dans la présente affaire contribueront à fournir les éclairages attendus dans le contexte particulier des mesures de nature tarifaire, telles qu’une réglementation en matière de redevances aéroportuaires, destinées au financement d’infrastructures.

I –    Les antécédents du litige

A –    L’aéroport de Lübeck

4.        L’aéroport de Lübeck est situé en Allemagne, dans le Land de Schleswig-Holstein.

5.        Il a été exploité, jusqu’au 31 décembre 2012, par Flughafen Lübeck GmbH (ci-après « FL »). FL a été détenue, jusqu’au 30 novembre 2005, à 100 % par la requérante en première instance, Hansestadt Lübeck (la ville de Lübeck). Du 1er décembre 2005 à la fin du mois d’octobre 2009, FL a été détenue à 90 % par l’entreprise privée néozélandaise Infratil et à 10 % par la ville de Lübeck. À compter du mois de novembre 2009, FL a de nouveau été détenue à 100 % par la ville de Lübeck. Le 1er janvier 2013, l’aéroport de Lübeck a été vendu à Yasmina Flughafenmanagement GmbH, FL ayant été absorbée par la ville de Lübeck et rayée du registre du commerce le 2 janvier 2013.

B –    Le règlement de 2006

6.        Aux termes de l’article 43a, paragraphe 1, de la Luftverkehrs-Zulassungs-Ordnung (règlement d’agréation pour la navigation aérienne, ci-après la « LuftVZO »), du 19 juin 1964 (5), tel qu’il était en vigueur en 2006, avant le début des activités de l’aéroport, l’opérateur aéroportuaire devait présenter pour approbation à l’autorité de tutelle un règlement d’utilisation et, pour les aéroports, un règlement sur les redevances pour le décollage, l’atterrissage et le stationnement des avions, ainsi que pour l’utilisation des installations pour passagers aériens.

7.        En application de cette disposition, FL a adopté le règlement de 2006 fixant le montant des redevances aéroportuaires, qui a été approuvé par l’autorité de tutelle, à savoir l’autorité aérienne du Land de Schleswig-Holstein, et qui s’applique, depuis le 15 juin 2006, à l’ensemble des compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Lübeck, sauf accord conclu entre le gestionnaire de celui-ci et une compagnie aérienne. Ce règlement prévoit une redevance d’atterrissage, une redevance « passagers », une redevance pour services terminaux et pour assistance en escale, une redevance de sécurité, une redevance pour ouverture exceptionnelle ainsi qu’une redevance de stationnement.

8.        En 2007, la Commission a adopté une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen concernant un contrat conclu entre FL et la compagnie aérienne Ryanair, ledit contrat fixant pour cette compagnie des redevances inférieures à celles prévues par le règlement relatif aux redevances en vigueur.

9.        Estimant notamment que le règlement de 2006 était également susceptible de contenir une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission a, par la décision litigieuse, ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de diverses mesures relatives à l’aéroport de Lübeck, dont ce règlement.

II – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2012, FL a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse dans la mesure où, d’une part, elle ouvre la procédure formelle d’examen à l’égard du règlement de 2006 (premier chef de conclusions) et, d’autre part, elle oblige la République fédérale d’Allemagne à répondre à l’injonction de fournir des informations en ce qui concerne ce règlement (second chef de conclusions).

11.      Dans la réplique, enregistrée au greffe du Tribunal le 20 février 2013, la ville de Lübeck a déclaré se substituer à FL, afin de poursuivre le recours initialement introduit par cette dernière.

12.      À l’appui de son premier chef de conclusions, la ville de Lübeck a soulevé cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense de la République fédérale d’Allemagne, le deuxième, d’une violation de l’obligation de procéder à un examen diligent et impartial, le troisième, d’une violation de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE, des article 4, 6 et 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 (6), le quatrième, d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation.

13.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le premier chef de conclusions était recevable en considérant que FL, d’une part, était, lors de l’introduction du recours, directement et individuellement concernée par la décision litigieuse et avait donc qualité pour agir et, d’autre part, avait conservé un intérêt à agir après la vente de l’aéroport de Lübeck. Sur le fond, il a accueilli le quatrième moyen, pris en sa branche tirée d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE au regard du seul critère de la sélectivité et, en conséquence, a annulé la décision litigieuse dans la mesure où elle ouvre la procédure formelle d’examen à l’égard du règlement de 2006. S’agissant du second chef de conclusions, le moyen unique, pris d’une violation de l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 ayant été écarté comme manifestement non fondé, le recours a été rejeté pour le surplus.

III – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

14.      La Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de déclarer irrecevable le recours en première instance ;

–        à titre subsidiaire, de déclarer sans objet ledit recours ;

–        à titre également subsidiaire, de déclarer non fondée la branche du quatrième moyen du recours par laquelle la ville de Lübeck dénonce une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne le critère de la sélectivité, et de renvoyer l’affaire au Tribunal en ce qui concerne les autres branches de ce moyen ainsi que les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens du recours, et

–        de condamner la ville de Lübeck aux dépens de la première instance et du pourvoi ou, à titre subsidiaire, en cas de renvoi au Tribunal, de réserver la décision sur les dépens de première instance et du pourvoi.

15.      La ville de Lübeck demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi dans son intégralité et de maintenir les conclusions qu’elle a présentées en première instance dans leur intégralité et

–        de condamner la Commission aux dépens.

16.      Par décisions du président de la Cour des 26 mars et 14 avril 2015, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la ville de Lübeck.

17.      Les parties ont exposé leurs positions par écrit et oralement lors de l’audience qui s’est tenue le 31 mai 2016.

IV – Analyse du pourvoi

18.      À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque cinq moyens. Les deux premiers ont trait à l’examen de la recevabilité du recours en première instance. Le troisième moyen porte sur l’appréciation du caractère sélectif des mesures en cause. Le quatrième moyen est pris de défauts de motivation de l’arrêt attaqué. Le cinquième moyen est tiré de ce que le Tribunal aurait méconnu le caractère restreint du contrôle juridictionnel s’appliquant aux décisions d’ouverture formelle d’examen en matière d’aides d’État.

A –    Sur le premier moyen, pris de ce que FL n’était pas individuellement concernée par la décision litigieuse

1.      Argumentation des parties

19.      Par son premier moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir considéré que FL était individuellement concernée par la décision litigieuse au motif que, en octroyant des aides d’État, elle avait exercé des compétences dévolues à elle seule. Ce faisant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, car, conformément au droit national applicable, un règlement relatif aux redevances doit être approuvé par l’autorité de tutelle du Land, qui est elle-même liée par la législation fédérale sur les redevances aéroportuaires. Dès lors, le fait que l’entreprise publique gestionnaire de l’aéroport soit chargée de proposer ce règlement ne signifierait pas qu’elle ait, au lieu de l’État, le pouvoir d’arrêter elle-même la gestion et les politiques qu’elle applique au moyen dudit règlement. L’interprétation faite par le Tribunal du critère de l’affectation individuelle serait, à cet égard, en contradiction avec celle faite dans l’arrêt du 10 juillet 1986, DEFI/Commission (7).

20.      La ville de Lübeck soutient que le Tribunal n’a pas commis d’erreur d’appréciation en jugeant que FL était individuellement concernée par la décision litigieuse. Elle fait valoir que, à la date d’introduction du recours, FL, alors détenue à 90 % par un investisseur privé, disposait d’une compétence propre pour adopter et mettre en œuvre le règlement de 2006. Elle souligne notamment que l’exploitant de l’aéroport pourrait appliquer un tel règlement même en cas de refus de l’autorisation prévue à l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO. La conclusion du Tribunal serait conforme au droit national et, en tout état de cause, ne pourrait être mise en cause dans le cadre d’un pourvoi.

21.      La République fédérale d’Allemagne expose que, en Allemagne, les redevances aéroportuaires sont fixées de manière discrétionnaire par les entreprises gestionnaires d’aéroports au moyen de règlements qui sont mis en œuvre par des contrats de droit privé conclus avec les compagnies aériennes. L’approbation de l’autorité de tutelle prévue à l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO n’aurait aucun « effet constitutif » à l’égard de la validité du règlement fixant les redevances aéroportuaires. Cette dernière disposition établirait uniquement un contrôle préventif, destiné à éviter les abus, des rapports entre les gestionnaires d’aéroports et les utilisateurs, dans l’intérêt du bon fonctionnement du trafic aérien et de la concurrence. La République fédérale d’Allemagne fait valoir, par ailleurs, que les intérêts des entreprises aéroportuaires de droit privé, telles que FL, ne se confondraient pas avec les intérêts de l’État et que, contrairement à l’organisme en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 juillet 1986, DEFI/Commission (8), ces entreprises ne pourraient pas être considérées comme une émanation de l’État.

2.      Appréciation

22.      Il ressort des points 29 à 34 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, en substance, conclu que FL était individuellement concernée par la décision litigieuse, en ce qu’elle vise le règlement de 2006, dans la mesure où elle affectait un acte dont FL était l’un des auteurs et empêchait celle-ci d’exercer, comme elle l’entendait, des compétences propres. Le Tribunal a, en effet, considéré que, si, selon le droit national applicable, en l’occurrence l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO, le règlement sur les redevances établi et proposé par le gestionnaire de l’aéroport devait être approuvé par l’autorité de tutelle, cette autorité n’avait pas de compétence propre pour fixer elle-même les redevances aéroportuaires.

23.      À cet égard, il est bien établi que la condition d’affectation individuelle résultant de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE est satisfaite lorsque l’acte attaqué atteint le requérant en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (9).

24.      Une personne physique ou morale doit être considérée comme étant individuellement concernée par un acte qui l’empêche directement d’exercer comme elle l’entend ses compétences propres, consistant notamment en l’octroi d’aides supposées à des entreprises (10), et qui induit une modification des rapports contractuels avec la ou les entreprises prétendument bénéficiaires des mesures litigieuses (11).

25.      En l’espèce, il s’agit de déterminer si le Tribunal a correctement conclu que, en vertu du droit national pertinent (l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO), FL disposait d’une compétence propre dans l’adoption et la mise en œuvre du règlement de 2006.

26.      Le Tribunal, au point 29 de l’arrêt attaqué, a procédé à une analyse de l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO qui détermine les modalités de mise en œuvre du règlement de 2006. Il en a notamment déduit que, l’autorité de tutelle n’ayant pas, à la différence de FL, de compétence propre en matière de fixation des redevances aéroportuaires, la compétence d’adopter le règlement de 2006 appartenait à cette dernière et non aux autorités étatiques (voir point 32 de l’arrêt attaqué).

27.      S’agissant d’une question d’interprétation du droit national faite par le Tribunal, le contrôle de la Cour doit se limiter à vérifier que le Tribunal n’a pas dénaturé ce droit (12).

28.      À cet égard, il est de jurisprudence constante que cette dénaturation doit apparaître dans des constatations dont l’inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier sans qu’il soit nécessaire pour la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (13). En d’autres termes, une telle dénaturation doit être manifeste (14). S’agissant plus précisément d’une question d’interprétation du droit national, la Cour est compétente pour examiner, tout d’abord, si le Tribunal, sur le fondement des documents et autres pièces qui lui ont été soumis, n’a pas dénaturé le libellé des dispositions nationales en cause ou la teneur de la jurisprudence nationale y relative ou encore la doctrine qui s’y rapporte. Ensuite, si le Tribunal ne s’est pas livré, au regard de ces éléments, à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre de leur contenu. Enfin, si le Tribunal n’a pas, dans l’examen de l’ensemble des éléments, attribué à l’un d’entre eux, aux fins de constater le contenu de la législation nationale en cause, une portée qui ne lui revient pas par rapport aux autres éléments, pour autant que cela ressort de façon manifeste des pièces du dossier (15).

29.      Or, en l’occurrence, en dépit des doutes qui pourraient être nourris s’agissant de la réalité de l’autonomie du gestionnaire de l’aéroport et, partant, de l’existence d’un intérêt propre de celui-ci, distinct de celui de l’autorité de tutelle, au maintien du règlement de 2006, les éléments mis en avant par la Commission pour mettre en cause l’interprétation du droit national pertinent ne permettent pas de mettre en lumière une quelconque dénaturation des éléments avancés devant le Tribunal.

30.      S’agissant, en outre, des arguments de la Commission pris d’une contradiction entre l’appréciation du Tribunal en l’espèce et la solution retenue dans l’arrêt du 10 juillet 1986, DEFI/Commission (16), ils ne sont pas davantage de nature à invalider cette conclusion. En effet, bien que les faits de l’affaire DEFI/Commission présentent, en apparence, certaines similitudes avec la présente affaire, telle la possibilité pour l’autorité de tutelle de ne pas approuver les modalités de mise en œuvre de la mesure en cause, la présente affaire se distingue, me semble-t-il, par le contrôle plus limité exercé par le Land sur la fixation des tarifs proposés par l’entité gestionnaire de l’aéroport, en ce qu’il ne peut empêcher l’application du règlement de 2006, ainsi que par les intérêts divergents de l’autorité de tutelle, de FL et des utilisateurs de l’aéroport. La Cour avait en effet, dans l’arrêt DEFI/Commission, jugé que le gouvernement français disposait incontestablement du pouvoir de déterminer la gestion et la politique du comité DEFI et donc de définir également les intérêts que celui-ci devait défendre (point 18).

31.      Eu égard à ces considérations, je suis d’avis que le premier moyen ne saurait prospérer.

B –    Sur le deuxième moyen, pris de ce que la ville de Lübeck n’avait pas d’intérêt actuel à agir

1.      Argumentation des parties

32.      Par son deuxième moyen, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, d’une part, que FL avait un intérêt à agir, même après la vente de l’aéroport de Lübeck à un investisseur privé (Yasmina Flughafenmanagement GmbH), dès lors que la procédure formelle d’examen n’avait pas été close et que la décision litigieuse continuait donc à produire ses effets et, d’autre part, que, en tout état de cause, FL avait conservé un intérêt à agir pour la période antérieure à la vente. Elle fait valoir que, même en l’absence d’une décision finale clôturant la procédure formelle d’examen, la décision litigieuse avait cessé de produire son unique effet juridique, à savoir l’obligation de suspendre la mesure d’aide durant l’enquête (17), puisqu’il n’y a pas eu de suspension prononcée avant le 31 décembre 2012 et que le règlement de 2006 ne pouvait plus, à compter du 1er janvier 2013, date de la privatisation de l’aéroport de Lübeck, être considéré comme un régime d’aide en cours d’exécution, ce dernier n’étant plus financé par des fonds publics. L’appréciation du Tribunal serait contraire à la jurisprudence selon laquelle l’intérêt doit être né et actuel et ne perdure que si le recours est susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. La ville de Lübeck n’aurait d’ailleurs pas démontré qu’elle avait un quelconque intérêt à maintenir son recours après la privatisation de l’aéroport de Lübeck.

33.      La ville de Lübeck, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que FL avait bien un intérêt à agir au moment de l’introduction du recours, qui est le moment pertinent pour apprécier la recevabilité de celui-ci. Elle soutient que, à la date d’introduction du recours, les effets défavorables de la décision litigieuse consistaient notamment en l’obligation de suspension qui s’imposait à FL en application de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE. En outre, la ville de Lübeck disposerait encore actuellement d’un intérêt à agir, puisque, sans l’annulation prononcée par le Tribunal, la décision litigieuse produirait encore des effets juridiques lui faisant actuellement grief, après la vente de l’aéroport. Elle avance notamment que les juridictions nationales seraient tenues, sur demande, d’ordonner la récupération des prétendus avantages. Elle estime également que, à défaut d’une décision concluant à l’absence d’aide d’État, elle est exposée à un risque de répétition de l’illégalité. Enfin, elle fait valoir que l’annulation de la décision litigieuse peut lui servir à préparer un recours en responsabilité, étant donné que, en l’absence d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, elle aurait pu convaincre d’autres compagnies aériennes d’avoir recours à l’aéroport de Lübeck et obtenir, lors de la vente de celui-ci, un prix plus élevé.

2.      Appréciation

34.      En l’occurrence, il n’est pas contesté par les parties que FL, à laquelle la ville de Lübeck s’est substituée, avait un intérêt né et actuel au moment de l’introduction du recours contre la décision litigieuse. Sur ce point, le Tribunal a constaté, au point 36 de l’arrêt attaqué, que FL avait, lors de l’introduction du recours, un intérêt à agir à l’encontre de la décision litigieuse étant donné que celle-ci produisait des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts propres.

35.      La Commission conteste, toutefois, que cet intérêt ait perduré après la vente de l’aéroport de Lübeck à une société privée. Selon elle, l’obligation de suspendre l’exécution du régime d’aides présumé serait l’unique effet d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Or, une telle suspension ne s’étant pas matérialisée avant la vente de l’aéroport de Lübeck à une société privée, l’intérêt à agir de la ville de Lübeck aurait disparu en cours d’instance.

36.      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a, au point 37 de l’arrêt attaqué, rejeté l’argument de la Commission selon lequel la vente de l’aéroport de Lübeck à une société privée le 1er janvier 2013, postérieurement à la décision litigieuse et à l’introduction du recours devant le Tribunal, a mis un terme au régime d’aides en cause, de telle sorte que l’obligation de suspension dudit régime ne faisait plus grief à la ville de Lübeck et que celle-ci n’avait plus d’intérêt à solliciter l’annulation de la décision litigieuse. Il a considéré que, la procédure formelle d’examen n’étant pas close, ladite décision produisait encore ses effets et que la ville de Lübeck conservait à tout le moins un intérêt à agir pour la période antérieure à la vente de l’aéroport.

37.      Afin de déterminer si l’appréciation du Tribunal est correcte, un bref rappel de la jurisprudence relative à l’exigence d’un intérêt à agir né et actuel s’impose.

38.      Tout d’abord, il est bien établi que l’intérêt à agir, qui constitue une condition essentielle et première de tout recours en justice d’un requérant distincte de la qualité pour agir (18), doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. À cet égard, la persistance de l’intérêt à agir d’un requérant doit être apprécié in concreto en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (19). La Cour s’efforce de ne pas retenir une conception trop restrictive de cet intérêt.

39.      S’agissant d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, telle que la décision litigieuse, la Cour a admis qu’une telle décision était de nature à emporter plusieurs effets juridiques autonomes. Ainsi, outre l’obligation de suspension de la mesure d’aide présumée au cours de la procédure de recours dirigé contre cette décision, il doit être tenu compte de la possibilité que le juge national soit saisi afin notamment que soient tirées toutes les conséquences découlant de la violation de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE (20). La Cour a ainsi conclu que, malgré le caractère préliminaire des évaluations opérées dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, celle-ci n’est pas dépourvue d’effets juridiques (21). La Cour a notamment reconnu que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen modifie nécessairement la situation juridique des entreprises bénéficiaires de la mesure (22).

40.      Contrairement à ce que soutient la Commission, la jurisprudence de la Cour ne retient pas la suspension de la mesure comme unique effet juridique de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (23). En effet, la Cour a déjà constaté d’autres effets juridiques découlant d’une décision d’ouverture. La Cour a jugé que les juridictions nationales « sont tenues d’adopter toutes les mesures nécessaires en vue de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’obligation de suspension de l’exécution de ladite mesure » (24). Parmi ces conséquences, la Cour a notamment pointé la possibilité d’accompagner la suspension de la mesure de l’obligation de récupérer les montants déjà versés. La juridiction nationale peut également ordonner des mesures provisoires pour sauvegarder les intérêts des parties ainsi que l’effet utile de la décision de la Commission (25).

41.      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il me semble que les effets juridiques de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen sont de nature à perdurer même après la vente de l’aéroport de Lübeck à un opérateur privé. La décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen continue, jusqu’à sa clôture par la Commission, de faire peser sur FL le risque qu’une juridiction nationale ordonne la récupération des aides accordées lorsque FL, à laquelle s’est substituée la requérante, était propriétaire de l’aéroport de Lübeck.

42.      C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 27 de l’arrêt attaqué, que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen continuait de produire des effets juridiques autonomes modifiant la position juridique de FL, de manière à lui conférer un intérêt à agir.

43.      À cet égard, il est fait observer que la présente affaire se singularise par le fait que la mesure litigieuse était encore en cours d’exécution au moment de l’introduction du recours devant le Tribunal et que, selon les précisions fournies par la République fédérale d’Allemagne, cette mesure est, à ce jour, toujours en vigueur. Dans un tel contexte, il apparaît que FL reste exposée au risque de voir ordonner la récupération des aides accordées lorsqu’elle était propriétaire de l’aéroport et cela en vertu de l’obligation pesant sur le juge national d’adopter toutes mesures nécessaires en vue de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’obligation de suspension de l’exécution de ladite mesure.

44.      L’argument de la Commission pris de ce que, à la date du dépôt du mémoire en réplique, aucun recours n’était pendant contre l’approbation du règlement de 2006 et que tout recours postérieur à cette date serait prescrit ne saurait être retenu. À supposer que cette dernière affirmation soit exacte, il ne saurait être d’emblée exclu que, à la date à laquelle le Tribunal a statué, FL conservait un intérêt à voir annuler la décision litigieuse.

45.      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, je suis d’avis que la requérante en première instance restait à tout le moins exposée au risque qu’une juridiction nationale ordonne la récupération des aides accordées antérieurement à la vente de l’aéroport de Lübeck. Elle conservait donc un intérêt à demander l’annulation de la décision litigieuse.

46.      Le deuxième moyen du pourvoi doit, dès lors, être écarté.

C –    Sur le troisième moyen, tiré d’une appréciation erronée de la sélectivité du règlement de 2006

1.      Argumentation des parties

47.      Par son troisième moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a fait une interprétation erronée de la notion de « sélectivité » au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en estimant que, afin d’apprécier le caractère éventuellement sélectif du règlement de 2006, il convenait de vérifier s’il s’appliquait de manière non discriminatoire à l’ensemble des entreprises utilisant, ou pouvant utiliser, le bien ou le service déterminé. La circonstance que ce règlement ne s’applique qu’aux compagnies utilisant l’aéroport de Lübeck ne serait pas un critère pertinent.

48.      De l’avis de la Commission, l’appréciation du Tribunal est en contradiction avec la jurisprudence de la Cour (26) selon laquelle une mesure ne constitue pas une mesure générale de politique fiscale ou économique, et a donc un caractère sélectif, si elle ne s’applique qu’à certains secteurs de l’économie ou qu’à certaines entreprises au sein d’un secteur donné. Selon elle, les conditions auxquelles une entreprise publique propose ses propres biens et services constituent toujours des mesures sélectives, la question d’une inégalité ou d’une discrimination étant, dans ce contexte, sans importance pour conclure à l’existence ou non d’une aide. Ce serait donc à tort que le Tribunal s’est référé au critère retenu dans l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (27), critère qui ne s’appliquerait qu’aux mesures fiscales et non aux conditions auxquelles une entreprise publique propose ses propres biens et services (28). Le filtre déterminant serait dans ce dernier cas le critère de l’investisseur privé en économie de marché.

49.      À titre subsidiaire, la Commission soutient que le Tribunal n’a pas respecté la jurisprudence de la Cour selon laquelle ce sont les effets de la mesure qui sont déterminants pour apprécier son caractère sélectif (29) et selon laquelle les mesures dont ne bénéficie qu’un secteur d’activité sont sélectives (30). Elle souligne que, alors même que l’aéroport de Lübeck se trouverait en concurrence directe avec celui de Hambourg (Allemagne), l’avantage conféré par le règlement de 2006 ne profiterait qu’aux compagnies utilisant le premier aéroport, ce qui suffirait à démontrer le caractère sélectif de ce règlement. L’approche retenue par le Tribunal reviendrait à soustraire aux règles relatives aux aides d’État les règlements fixant les redevances aéroportuaires.

50.      À titre encore plus subsidiaire, la Commission soutient que le Tribunal a interprété erronément le critère relatif aux entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée. Pour déterminer quelles entreprises se trouvent dans une telle situation, il faudrait retenir comme critère non pas le champ d’application de la mesure en cause, mais la structure des coûts des entreprises concernées. En l’occurrence, le règlement de 2006 serait sélectif parce qu’il ne respecte pas le principe, inscrit à l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO, qui s’impose à tous les aéroports allemands et donc à toutes les compagnies aériennes, selon lequel les redevances aéroportuaires doivent couvrir les coûts.

51.      Enfin, la Commission avance que le Tribunal a également commis une erreur de droit en ayant omis d’examiner si les remises consenties dans le règlement de 2006 sont sélectives au motif que seules en bénéficient les compagnies aériennes qui remplissent certaines conditions.

52.      La ville de Lübeck fait valoir, en substance, que c’est à bon droit que le Tribunal a constaté que le règlement de 2006 ne favorise pas certaines entreprises ou certaines productions. Selon elle, le traitement différencié des entreprises ou des productions comparables est une condition de la sélectivité (31). Ainsi, le règlement de 2006 ne serait pas sélectif, car il ne traite pas de manière différente des entreprises ou des productions comparables.

53.      La République fédérale d’Allemagne conteste l’allégation de la Commission selon laquelle les conditions auxquelles une entreprise publique propose ses biens et ses services doivent toujours être considérées comme sélectives. Une mesure n’aurait un caractère sélectif que si elle consent des conditions spéciales à un certain groupe d’entreprises et opère une différenciation interne entre les utilisateurs au regard de l’accès aux installations publiques en cause et à leur utilisation. En outre, les utilisateurs des autres aéroports ne se trouveraient pas dans une situation factuelle et juridique comparable.

54.      Le Royaume d’Espagne souscrit à l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE donnée par le Tribunal en ce qui concerne le critère de sélectivité et soutient les arguments de la ville de Lübeck. Il ajoute que le postulat avancé par la Commission selon lequel le fait d’établir les conditions auxquelles une entité publique propose ses biens et ses services constitue une mesure sélective ne découlerait pas de la jurisprudence. Le Royaume d’Espagne attire l’attention sur les éléments retenus dans l’arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (32) pour déterminer si les entreprises sont dans des situations comparables.

2.      Appréciation

55.      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

56.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (33).

57.      Il est ainsi bien établi que, pour qu’une mesure nationale puisse être qualifiée d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (34).

58.      En l’occurrence, seules l’interprétation et l’application de la troisième condition, et plus précisément de l’exigence de « sélectivité », sont mises en cause.

59.      Selon une jurisprudence également bien établie, une mesure est considérée comme sélective lorsqu’elle est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée (35).

60.      En l’occurrence, le Tribunal a, en substance, retenu que le caractère sélectif d’une mesure par laquelle une entité publique offre ses biens et ses services s’évalue au regard de l’ensemble des entreprises utilisant ou pouvant utiliser ce bien ou ce service. Retenant que les redevances fixées en vertu du règlement de 2006 étaient appliquées de manière non discriminatoire, il a conclu que ce règlement ne présentait pas un caractère sélectif.

61.      À cet égard, le point 53 de l’arrêt attaqué semble contenir une pétition de principe ainsi libellée :

« [A]fin d’évaluer le caractère éventuellement sélectif à l’égard de certaines entreprises d’un barème tarifaire établi par une entité publique pour l’utilisation d’un bien ou d’un service spécifique dans un secteur donné, il convient, notamment, de se référer à l’ensemble des entreprises utilisant, ou pouvant utiliser, ce bien ou ce service déterminé et d’examiner si seulement certaines d’entre elles bénéficient, ou sont en mesure de bénéficier, d’un éventuel avantage. La situation des entreprises qui ne veulent pas, ou ne peuvent pas, utiliser le bien ou le service en cause n’est ainsi pas directement pertinente pour apprécier l’existence d’un avantage. En d’autres termes, le caractère sélectif d’une mesure consistant en un barème tarifaire établi par une entité publique pour l’utilisation d’un bien ou d’un service mis à disposition par cette entité ne peut être évalué qu’au regard des clients, actuels ou potentiels, de ladite entité et du bien ou du service spécifique en cause et non au regard, notamment, des clients d’autres entreprises du secteur mettant à disposition des biens et des services similaires. Au demeurant, s’il devait être considéré que tout barème tarifaire non discriminatoire appliqué par une entité publique en contrepartie d’un bien ou d’un service donné possède un caractère sélectif, cela aboutirait, en substance, à élargir de manière excessive la notion d’aides “favorisant certaines entreprises ou certaines productions”, figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Aussi, pour qu’un éventuel avantage accordé par une entité publique, dans le cadre de la fourniture de biens ou de services spécifiques, favorise certaines entreprises, il est nécessaire que des entreprises utilisant, ou souhaitant utiliser, ce bien ou ce service ne bénéficient pas, ou ne puissent pas bénéficier, dudit avantage de la part de cette entité dans ce cadre spécifique. »

62.      De l’avis de la Commission, cette appréciation est erronée. Son argumentation s’articule en quatre branches. Premièrement, elle soutient que les conditions auxquelles une entreprise publique propose ses biens et ses services constituent toujours des mesures sélectives. Deuxièmement, elle considère que le Tribunal a méconnu la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, d’une part, seuls sont déterminants les effets d’une mesure pour apprécier son caractère sélectif et, d’autre part, les mesures dont bénéficie un secteur d’activité sont nécessairement sélectives. Troisièmement, elle fait valoir que le Tribunal a interprété erronément le critère relatif aux « entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif de la mesure concernée ». Quatrièmement, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant omis d’examiner si les remises consenties par le règlement de 2006, qui ne bénéficieraient qu’aux compagnies aériennes remplissant certaines conditions, sont sélectives.

63.      Avant d’aborder tour à tour les différentes branches de l’argumentation de la Commission, je souhaiterais formuler un certain nombre de considérations générales qui m’apparaissent indispensables pour bien saisir le sens et la portée de la condition de sélectivité et qui guideront mon examen du présent moyen.

a)      Considérations générales sur le sens de l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et sur sa portée dans une configuration telle que celle en cause en l’espèce

64.      Ainsi que la Commission l’a souligné, il ressort de l’économie et de la genèse des traités (36) qu’une distinction doit être faite entre les mesures générales de politique fiscale ou économique (qui relèvent désormais des articles 113 et 115 à 117 TFUE) et les mesures spécifiques qui aboutissent à procurer des avantages au moyen de ressources d’État (qui sont, pour leur part, désormais visées par les articles 107 à 109 TFUE).

65.      L’exigence de « sélectivité », selon laquelle les mesures tombant sous le coup de l’interdiction visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE doivent s’adresser à « certaines entreprises ou certaines productions » a pour fonction première, aux fins de respecter la répartition des compétences entre les États membres et l’Union européenne, de distinguer les aides d’État des mesures générales de politique fiscale ou économique.

66.      Envisagée comme déterminante pour distinguer les mesures qui relèvent de la discipline des aides d’État des autres, cette exigence, si elle permet, en principe (37), de faire échapper à l’interdiction édictée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE une mesure étatique qui profite indistinctement à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire national (38), n’implique pas pour autant qu’une mesure édictée au niveau régional ou local doive nécessaire être considérée comme sélective. Si, dans de nombreux cas, le cadre de référence se situe à l’échelle nationale, il n’est pas exclu que ce soit une échelle inférieure qui doive être applicable dans certaines hypothèses. En ce sens, la Cour a précisément indiqué, dans l’affaire dite « des Açores » (39), qu’il ne saurait être exclu qu’une entité infra-étatique dispose d’un statut de droit et de fait la rendant suffisamment autonome par rapport au gouvernement central d’un État membre pour que, par les mesures qu’elle adopte, ce soit cette entité, et non le gouvernement central, qui joue un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises. En pareil cas, c’est le territoire sur lequel l’entité infra-étatique, auteur de la mesure, exerce sa compétence, et non le territoire national dans son ensemble, qui constitue le contexte pertinent pour rechercher si une mesure adoptée par une telle entité favorise certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif poursuivi par la mesure ou le régime juridique concerné (40).

67.      Dans le prolongement de cette considération, il est désormais bien acquis que ce critère impose de vérifier si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (41).

68.      Pour déterminer si une mesure est de nature « sélective » et, partant, est susceptible d’être qualifiée d’« aide d’État », la Cour a itérativement jugé qu’il y avait lieu de s’attacher aux effets produits par celle-ci. Ne sauraient, en revanche, être déterminants les causes et les objectifs des interventions étatiques ainsi que les techniques utilisées pour mettre en œuvre ces interventions (42).

69.      De même, la Cour a précisé que ne sauraient être seuls pertinents, pour conclure au caractère sélectif d’une mesure donnée, le caractère significatif ou non du nombre d’entreprises bénéficiaires de celle-ci, la nature plus ou moins ouverte du cercle des bénéficiaires de cette mesure (43) ou encore la circonstance que toutes les entreprises d’un secteur économique donné sont susceptibles de bénéficier de ladite mesure (44).

70.      En outre, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer (45), l’exigence de sélectivité ou de « spécificité » de la mesure doit être clairement distinguée de la détection d’un avantage économique. Autrement dit, une fois décelée la présence d’un tel avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, il incombe encore à la Commission d’établir que cet avantage s’adresse spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il appartient en particulier à la Commission de démontrer que la mesure introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable (46). Ce qui est proscrit n’est pas l’octroi d’un avantage en tant que tel, mais le fait que cet octroi, effectué de façon discriminatoire et, donc, sélective, est susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres.

71.      Cela étant précisé, l’exigence de sélectivité ne peut, à mon avis, être totalement déconnectée de l’identification concomitante, bien que distincte, d’un avantage économique.

72.      Sur ce point, plusieurs considérations, dont j’avais en partie d’ores et déjà fait état (47), m’apparaissent devoir s’imposer.

73.      Dans le cadre de l’examen d’un régime (48) de nature générale (régimes de subventions, système de tarification, allégements fiscaux, régime dérogatoire de droit commun en matière de faillite, de facilités de paiement de taxes ou de charges diverses, etc.), la sélectivité permet d’identifier si l’avantage supposé, bien que s’adressant à la généralité des opérateurs économiques, ne profite, en réalité et compte tenu des critères objectifs qu’il retient, qu’à certains types d’entreprises ou de groupes d’entreprises.

74.      Cela implique d’identifier si la mesure en question, nonobstant le constat qu’elle procure un avantage de portée générale, le fait au « bénéfice exclusif de certaines entreprises ou certains secteurs d’activités ». Cette démarche vise, selon une autre formule, à s’assurer que des mesures étatiques n’introduisent pas une différenciation entre les entreprises – ou plus précisément entre les opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système national en cause dans une situation factuelle et juridique comparable – non justifiée par la nature et l’économie du système en cause.

75.      En ce sens, il doit être souligné que le concept de sélectivité est lié à celui de discrimination (49). Si, certes, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle identifie avec précision une catégorie d’entreprises ayant des caractéristiques propres qui sont seules favorisées par la mesure litigieuse (50) pour conclure au caractère sélectif de cette dernière, il n’en reste pas moins qu’il doit être établi que, du fait de son caractère dérogatoire du régime commun – qui, ainsi que je l’ai précédemment évoqué, peut être un régime général national, mais qui ne l’est pas toujours – elle est de nature à favoriser certaines entreprises.

76.      Dès lors, pour conclure au caractère sélectif d’une mesure d’aide présumée, il me semble essentiel d’établir que celle-ci induit une dérogation à un régime « commun » ou « normal », et ce, à mon avis, quelle que soit la nature du régime en cause. Il me semble désormais bien établi (51) que, afin d’apprécier la sélectivité d’une mesure, critère qui, à mon sens, est l’expression du principe de non-discrimination, il convient, dans tous les cas, de vérifier si, dans le cadre d’un régime donné, cette mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à certaines autres.

77.      Cette détermination préalable du cadre de référence, reconnue comme étant essentielle en matière fiscale, l’est, à mon sens, tout autant dans l’examen de mesures non fiscales, et en particulier des régimes de redevances destinés notamment à assurer le financement d’infrastructures, à l’instar du règlement de 2006 en cause en l’espèce. De même qu’il a pu être considéré que la détermination du cadre de référence « revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite “normale” » (52), il doit être jugé que l’appréciation de la sélectivité d’une mesure de nature tarifaire nécessite que soit préalablement défini à quel régime « normalement applicable » celle-ci entend déroger (53).

78.      Enfin, à l’instar de la grille d’analyse qui prévaut dans le cadre de l’examen des mesures fiscales, il me semble que, une fois le cadre de référence défini, il faut, dans un deuxième temps, déterminer si la mesure litigieuse procure un avantage pour certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (54) et, le cas échéant, dans un troisième temps, apprécier si l’octroi de cet avantage se justifie par la nature et l’économie du système dans lequel la mesure visée s’inscrit.

79.      Il y a lieu de souligner – point sur lequel je reviendrai dans les développements qui suivent – que, si l’identification d’un avantage économique et, le cas échéant, l’appréciation de son caractère justifié, sont relativement aisées lorsqu’une mesure d’exonération fiscale déroge au régime fiscal normalement applicable, régime « normal » qui est le plus souvent défini au niveau national, une certaine prudence s’impose s’agissant de mesures de nature tarifaire destinées au financement des infrastructures.

b)      Sur la première branche du moyen, pris de ce que le Tribunal aurait méconnu que les conditions auxquelles une entreprise publique propose ses biens et ses services constituent toujours des mesures sélectives

80.      La Commission soutient, à titre principal, que les conditions auxquelles une entreprise publique propose ses propres biens et services constituent toujours des mesures sélectives. Elle s’appuie sur les conclusions rendues dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755) (55) ainsi que sur la jurisprudence (56). Le critère établi dans l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598), qui servait à déterminer si un régime d’impôt ou de taxe était ou non sélectif, ne serait donc pas transposable en l’espèce. De l’avis de la Commission, le point 53 de l’arrêt attaqué atteste de ce que le Tribunal s’est laissé guider par des considérations de politique législative visant à faire soustraire au contrôle des aides d’État les règlements non discriminatoires relatifs aux redevances d’institutions publiques.

81.      Je ne suis guère convaincu par cette argumentation.

82.      Premièrement, contrairement à ce que semble suggérer la Commission, il ne ressort nullement de la jurisprudence de la Cour à laquelle celle-ci s’est référée qu’une mesure fixant les tarifs d’utilisation des biens et des services détenus par une entreprise publique est, par sa nature même, sélective.

83.      Ainsi, dans deux affaires citées par la Commission, à savoir celles ayant donné lieu aux arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (57) et du 29 février 1996, Belgique/Commission (58), il apparaît qu’étaient en cause des tarifs avantageux accordés par une entreprise publique au profit d’un groupe de clients. Quant aux affaires ayant donné lieu aux arrêts du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (59) et du 20 novembre 2003, GEMO (60), elles visaient des hypothèses où les avantages, bien que disponibles à la généralité des opérateurs, n’avaient, en réalité, profité qu’à un groupe restreint de ceux-ci. Pour résumer, ce n’est pas la fourniture de biens ou de services par un organisme public ou une entreprise publique qui a été jugée, en tant que telle, sélective, mais bien le fait que celle-ci avait eu lieu dans des conditions préférentielles.

84.      Plus globalement, rien ne permet d’affirmer que les conditions auxquelles une entreprise publique propose ses produits et ses services, en tout cas lorsque cette proposition prend la forme d’un régime applicable à la généralité des opérateurs souhaitant utiliser ces biens ou ces services, remplissent toujours la condition de sélectivité.

85.      Ainsi que je l’ai rappelé en introduction du présent moyen, afin d’apprécier la sélectivité d’une mesure, il convient d’examiner si, dans le cadre d’un régime donné, cette mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (voir point 67 des présentes conclusions).

86.      Dans ce contexte, l’identification du cadre de référence – et, à partir de celui-ci, de l’avantage éventuellement produit par la dérogation litigieuse – constitue un préalable nécessaire à toute considération sur la sélectivité. Contrairement à ce que soutient la Commission, il n’y a pas lieu de réserver cette vérification au cas des régimes fiscaux ou de taxes. S’il ne saurait être nié que la méthode d’examen du caractère sélectif d’une mesure donnée présente des particularités selon la nature de la mesure, il ne me paraît pas opportun de dégager des critères d’examen différents selon qu’il s’agit d’une mesure de nature fiscale ou d’une mesure établissant les tarifs des services qu’elle fournit à ses usagers.

87.      La jurisprudence de la Cour atteste de ce que l’exercice comparatif prescrit, s’agissant des régimes fiscaux, est également valable s’agissant des autres mesures. Je relève notamment que le critère dégagé dans l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598) ne l’a pas été uniquement pour une mesure de nature fiscale, mais bien pour « une mesure étatique » en général (61).

88.      Il est à noter que la Cour a, par ailleurs, fait cet exercice comparatif s’agissant des mesures liées à la rémunération des frais et à l’utilisation d’infrastructures.

89.      En effet, dans l’arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9) (62), la Cour a pris soin d’examiner, à propos de l’autorisation donnée aux taxis londoniens de circuler dans les couloirs de bus, la question de savoir si ces taxis et les voitures de tourisme avec chauffeur se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable. L’examen du caractère non discriminatoire d’une mesure coïncide, en substance, avec celui du point de savoir si la mesure confère aux entreprises bénéficiaires un avantage économique sélectif.

90.      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que les mesures portant sur les conditions dans lesquelles une entité publique offre des biens et des services ne sont pas nécessairement sélectives (voir points 53, 54 et 57 de l’arrêt attaqué).

91.      Contrairement à la position défendue par la Commission, une telle conclusion n’aboutit pas nécessairement à nier toute possibilité de qualifier d’« aides d’État » les conditions auxquelles une entreprise publique offre ses biens et ses services lorsque ces conditions s’appliquent indistinctement à tous ses contractants. Il est toujours permis, dans une telle hypothèse, de démontrer que ces conditions, bien qu’indistinctement applicables, ne profitent, en définitive, qu’à une ou à plusieurs entreprises bien déterminées, notamment à celles qui répondent à un modèle commercial bien défini.

92.      Si l’on ne peut d’emblée exclure qu’un barème tarifaire soit porteur de sélectivité, encore faut-il démontrer, ce que la Commission avait, ainsi que le Tribunal l’a relevé, omis de faire, qu’il aboutit à discriminer certains opérateurs se trouvant dans une situation comparable.

93.      Aussi, bien que la généralité des termes employés au début du point 53 de l’arrêt attaqué puisse laisser penser que le Tribunal ait entendu faire échapper à l’application de l’article 107 TFUE l’ensemble des conditions auxquelles une entreprise publique offre ses biens et ses services, lorsque ces conditions s’appliquent indistinctement à tous ses contractants, le Tribunal me semble avoir pris soin de préciser, à la fin de ce point, que, « pour qu’un éventuel avantage accordé par une entité publique, dans le cadre de la fourniture de biens ou de services spécifiques, favorise certaines entreprises, il est nécessaire que des entreprises utilisant, ou souhaitant utiliser, ce bien ou ce service ne bénéficient pas, ou ne puissent pas bénéficier, dudit avantage de la part de cette entité dans ce cadre spécifique ».

c)      Sur la deuxième branche du moyen, pris de ce que le Tribunal a méconnu la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, d’une part, seuls sont déterminants les effets d’une mesure pour apprécier son caractère sélectif et, d’autre part, les mesures dont bénéficie un secteur d’activité sont nécessairement sélectives

94.      La Commission relève que l’aéroport de Lübeck se trouve en concurrence directe avec celui de Hambourg et que l’« avantage » conféré par le règlement de 2006 n’est accessible qu’aux compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Lübeck. Ce simple fait suffirait à démontrer que le règlement de 2006 est sélectif par ses effets.

95.      À première vue, les considérations retenues par le Tribunal et notamment le point 53 de l’arrêt attaqué peuvent surprendre.

96.      En effet, le Tribunal, pour conclure que le règlement de 2006 n’est pas sélectif, s’est limité à constater que les dispositions tarifaires du règlement de 2006 s’appliquaient de manière non discriminatoire à toutes les compagnies aériennes qui utilisaient ou souhaitaient utiliser l’aéroport de Lübeck.

97.      Or, compte tenu de la jurisprudence selon laquelle l’article 107, paragraphe 1, TFUE définit les interventions étatiques en fonction de leur effets (63), il pourrait être allégué qu’une simple constatation du caractère formellement non discriminatoire du règlement de 2006 ne soit pas suffisante pour conclure qu’il n’est pas sélectif. Il aurait fallu analyser si le règlement de 2006, par ses effets, avantage certaines entreprises ou certaines productions. Ainsi, dans l’arrêt du 13 février 2003, Espagne/Commission (64), la Cour a précisé que l’argument selon lequel une mesure est régie par des critères objectifs d’application horizontale démontre uniquement que la mesure relève d’un régime d’aide et non d’une aide individuelle, mais ne démontre pas que la mesure n’est pas sélective.

98.      Toutefois, il ne me semble pas que le Tribunal ait méconnu en l’occurrence dans l’arrêt attaqué cette jurisprudence. En considérant que l’égalité de traitement des utilisateurs effectifs ou potentiels de l’aéroport de Lübeck était seule déterminante, le Tribunal a implicitement, mais nécessairement, tenu compte des effets de la mesure. Il ne s’est pas limité à faire état des critères horizontaux d’application du règlement de 2006.

99.      De même, il ne saurait être valablement soutenu qu’une mesure bénéficiant à un « seul secteur », en l’occurrence le groupe des entreprises utilisant l’aéroport de Lübeck, est nécessairement sélective. Ainsi que cela a été relevé en introduction du présent moyen, une telle conclusion ne peut être valable que s’il était conclu que le cadre de référence est celui d’un régime « normal » applicable au niveau national ou, à tout le moins, qu’il dépasse celui dudit aéroport. En effet, le recours à la notion de « sélectivité sectorielle » n’a de sens qu’en présence de mesures adoptées par des autorités publiques d’un État, qu’elles soient centrales, régionales ou locales, qui sont compétentes pour adopter des décisions susceptibles de bénéficier à l’ensemble des entreprises. S’agissant de mesures adoptées par le gestionnaire d’un aéroport, qui n’est compétent que pour adopter des mesures concernant cet aéroport, le critère de sélectivité sectorielle ne devrait pas être applicable. Aussi, lorsque ce gestionnaire détermine lui-même le niveau des redevances aéroportuaires applicables aux compagnies aériennes opérant depuis et vers cet aéroport, il ne déroge pas au système national de tarification, mais met en place une tarification applicable à l’ensemble des compagnies désireuses d’utiliser cet aéroport.

100. Il en ressort qu’une mesure prise par un gestionnaire d’un aéroport à l’égard des compagnies aériennes qui y opèrent n’est pas sélective si elle est accordée sans discrimination à l’ensemble desdites compagnies.

101. Partant de ce point, il y a lieu d’apprécier si la mesure en cause introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation factuelle et juridique comparable (65).

102. Cela nous invite à nous pencher sur la troisième branche de l’argumentation soulevée par la Commission.

d)      Sur la troisième branche du moyen, pris d’un examen erroné du critère relatif aux « entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable »

103. La Commission soutient, premièrement, que, même à supposer que la comparaison requise par l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598) soit applicable à l’examen de la sélectivité des mesures portant fixation des redevances de certaines entités publiques, le Tribunal aurait commis la même erreur que celle qui a été censurée par la Cour dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 87 et 89), ainsi que du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, points 61 à 67). La Commission est, en effet, d’avis que, sauf à adopter un raisonnement circulaire, la comparabilité de la situation factuelle et juridique n’était pas fonction des critères qui définissent le champ d’application de la mesure en cause, mais qu’elle devait se fonder sur la structure des coûts des entreprises concernées.

104. La Commission fait valoir, deuxièmement, que le Tribunal a omis de tenir compte de l’objectif poursuivi par l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO, disposition applicable à l’ensemble des aéroports situés en Allemagne, qui prescrit le prélèvement de redevances aéroportuaires couvrant les coûts, aux fins de garantir l’intérêt public au bon fonctionnement de la navigation aérienne, et qui constitue la base juridique du règlement de 2006.

105. En l’occurrence, se pose la question de savoir si le fait que le règlement de 2006 ne s’applique concrètement qu’aux compagnies aériennes desservant l’aéroport de Lübeck aboutit à créer une différence de traitement d’entreprises se trouvant dans une situation comparable.

106. À cet égard, il y a lieu de relever que, selon le droit national applicable, chaque gestionnaire d’aéroport est habilité à adopter un barème de redevances aéroportuaires applicable à son propre aéroport.

107. Il en résulte que le règlement de 2006 n’avait vocation à s’appliquer qu’à l’aéroport de Lübeck, qui constitue le cadre de référence pertinent. Dans un tel contexte, seul est déterminant le point de savoir si ce règlement opère une différenciation entre les entreprises utilisant ce seul aéroport.

108. L’argumentation avancée par la Commission selon laquelle l’appréciation de la sélectivité du règlement de 2006 ne saurait dépendre du champ d’application de ce règlement, mais devrait uniquement se fonder sur une comparaison des coûts qui font l’objet de l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO n’emporte pas la conviction.

109. Ainsi que l’a souligné la ville de Lübeck, toutes les compagnies aériennes sont en mesure d’utiliser l’aéroport de Lübeck et ainsi de bénéficier des supposés avantages découlant de l’application du règlement de 2006. Le choix des compagnies aériennes d’utiliser certaines infrastructures aéroportuaires dépend généralement d’une stratégie commerciale qui leur est propre, en fonction des avantages et des contraintes qu’elles génèrent.

110. Il me semble également hors de propos d’exiger que soit comparée la situation des compagnies aériennes prétendument favorisées par le règlement de 2006 avec celle des entreprises concurrentes ayant les mêmes postes de dépenses budgétaires. En effet, les compagnies aériennes qui n’opèrent pas depuis et vers l’aéroport de Lübeck ne s’exposent précisément pas à des dépenses en rapport avec les redevances perçues par cet aéroport. L’argumentation de la Commission revient à envisager, à tort, la question de la sélectivité de la mesure dans un cadre différent, qui est de savoir à quelle autre infrastructure de transport – aéroportuaire, ferroviaire ou autre – l’aéroport de Lübeck entre éventuellement en concurrence, indépendamment du statut des entreprises gestionnaires visées et de la nature des prestations qu’elles fournissent (66).

111. De même, ne saurait, selon moi, être retenu en l’espèce l’argument selon lequel il convenait de tenir compte des objectifs devant être remplis par un règlement fixant les redevances d’un aéroport en vertu de l’article 43a, paragraphe 1, de la LuftVZO. Il ressort, en effet, des appréciations factuelles effectuées par le Tribunal que cette disposition n’emporte pas fixation générale des redevances aéroportuaires applicables à l’ensemble des aéroports. Cette disposition habilite uniquement chaque exploitant d’aéroport à adopter son propre barème de redevances en fonction de priorités qu’il lui appartient seul de définir.

112. En définitive, il doit être constaté qu’il n’existe pas, dans la configuration de l’espèce, de réglementation générale de base ou de référence à laquelle entendrait déroger le règlement de 2006 au bénéfice des compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Lübeck. Le cadre de référence pertinent est celui du régime seul applicable à cet aéroport.

e)      Sur la quatrième branche du moyen, pris de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en omettant d’examiner si les remises consenties par le règlement de 2006 sont sélectives au motif qu’elles ne bénéficient qu’à certaines compagnies aériennes

113. La Commission fait valoir, en substance, que, même à supposer que le critère dégagé dans l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598) soit pertinent pour examiner la sélectivité de mesures de nature tarifaire telles que celle en cause en l’espèce, le Tribunal aurait dû examiner si le règlement de 2006 est, en raison des différentes remises qu’il prévoit, de nature sélective en ce qu’il favorise certaines compagnies utilisant l’aéroport de Lübeck au détriment d’autres compagnies utilisant ce même aéroport.

114. Dans ce contexte, la Commission soutient que c’est à tort que le Tribunal s’est limité à examiner la motivation de la décision litigieuse contenue au point 279 de celle-ci. Elle estime que les points 55 à 66 de cette même décision décrivent de manière approfondie le système de remises prévu par le règlement de 2006. La Commission estime par ailleurs que, contrairement à ce que le Tribunal semble suggérer aux points 53 et 55 de l’arrêt attaqué, le fait que le cercle des bénéficiaires des remises en question soit ouvert, du fait que l’octroi de ces remises est accordé selon des critères objectifs d’application horizontale, ne lui ôte pas son caractère sélectif (67).

115. En l’occurrence, j’estime que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu que le cadre de référence pertinent était celui des redevances applicables aux seules compagnies aériennes utilisant le seul aéroport de Lübeck.

116. La question se pose désormais de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en n’examinant pas si le système de remises accordées en vertu du règlement de 2006 aboutissait à créer une différenciation entre ces compagnies.

117. À cet égard, il ne saurait être exclu qu’un barème tarifaire présente un caractère sélectif du fait des critères et des systèmes de remises qu’il prévoit.

118. Cela étant précisé, il doit être souligné que la Commission ne s’est pas fondée, au point 279 de la décision litigieuse, sur cet aspect pour conclure au caractère sélectif du règlement de 2006, mais uniquement sur la circonstance que « les avantages en cause bénéficient uniquement aux compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Lübeck ». Si la problématique des « rabais et remises » prévus par le règlement de 2006 a, certes, été évoquée dans la décision litigieuse, notamment à ses points 268 à 277, elle ne l’a pas été dans le cadre de l’examen de la sélectivité de ce règlement, mais uniquement dans l’appréciation de l’existence d’un « avantage » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

119. Dans de telles circonstances, le grief formulé par la Commission me semble devoir être écarté comme étant irrecevable. En effet, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (68).

120. En tout état de cause, il est fait observer que la Commission n’a pas établi que le système de remises et de rabais prévus par le règlement de 2006 et accordés aux compagnies aériennes ayant un nombre élevé de passagers – et qui semble donc reposer sur un critère d’ordre quantitatif usuel – ne pouvait pas se justifier.

121. En conclusion, je suis d’avis que le troisième moyen doit être rejeté.

D –    Sur le quatrième moyen, tiré de défauts de motivation et d’une motivation contradictoire

1.      Argumentation des parties

122. La Commission fait valoir, premièrement, que l’arrêt du Tribunal est entaché de trois défauts de motivation. Tout d’abord, le Tribunal aurait négligé un élément essentiel de l’examen de la sélectivité, à savoir la détermination de l’objectif poursuivi par le règlement de 2006. Ce serait en effet à la lumière de cet objectif qu’il convient de déterminer quelles entreprises se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable. Ensuite, le Tribunal aurait omis d’indiquer pour quels motifs la sélectivité de l’aide ne découle pas au moins du système de remises prévu par le règlement de 2006. Enfin, l’arrêt attaqué omettrait d’indiquer pour quelles raisons le règlement de 2006 présentait un caractère non sélectif tellement manifeste que la Commission n’était pas en droit d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

123. La Commission considère, deuxièmement, que le raisonnement du Tribunal serait contradictoire, en ce que celui-ci applique, tout d’abord, la jurisprudence relative au caractère sélectif de mesures fiscales (points 51 et 53 de l’arrêt attaqué) et la déclare, ensuite, sans pertinence (point 57 de l’arrêt attaqué).

124. La ville de Lübeck, soutenue par la République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne, estime que l’arrêt attaqué est dûment motivé et conclut au rejet du moyen.

2.      Appréciation

125. Ce moyen ne me semble pouvoir prospérer.

126. S’agissant, en premier lieu, du point de savoir si le Tribunal a suffisamment motivé l’arrêt attaqué quant à l’appréciation de la sélectivité du règlement de 2006, il apparaît, tout d’abord, que le Tribunal a implicitement identifié l’objectif et le contexte d’élaboration du règlement de 2006. Ensuite, il est rappelé que le Tribunal n’avait pas à exposer pour quelles raisons la sélectivité du règlement de 2006 ne découlait pas du système de remises, puisque, ainsi que je l’ai précédemment mentionné, cette question n’a précisément pas été discutée devant le Tribunal. Enfin, j’estime que le Tribunal n’avait pas davantage à expliciter pour quelles raisons l’erreur commise par la Commission dans l’appréciation de la sélectivité de la mesure litigieuse était si manifeste qu’elle devait aboutir à l’annulation de la décision litigieuse.

127. S’agissant, en second lieu, du grief pris d’une contradiction de motifs en ce qui concerne la pertinence de la jurisprudence en matière de mesures de nature fiscale, je ne perçois aucune incohérence entre les considérations retenues aux points 51 et 53 de l’arrêt attaqué et l’affirmation contenue au point 57 de cet arrêt.

E –    Sur le cinquième moyen, pris d’une méconnaissance du contrôle restreint devant être exercé sur une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen des mesures d’aides

1.      Argumentation des parties

128. La Commission fait valoir que le Tribunal, bien qu’il rappelle, à juste titre, au point 42 de l’arrêt attaqué, que le contrôle juridictionnel exercé sur une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen est restreint, a outrepassé les limites de ce contrôle.

129. Elle soutient notamment que FL, alors exploitante de l’aéroport de Lübeck, avait proposé le règlement de 2006 dans le but d’échapper au contrôle des aides d’État en ce qui concerne sa politique de fixation des prix à l’égard des compagnies aériennes à bas coûts. Or, la Commission aurait été confrontée à une situation dans laquelle un examen préliminaire des faits ne lui avait pas permis de lever tous les doutes sur le caractère sélectif ou non dudit règlement. En conséquence, la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen. L’arrêt attaqué ne contiendrait aucune explication quant aux raisons pour lesquelles le règlement de 2006 présentait un caractère non sélectif tellement manifeste que la Commission n’était pas en droit d’ouvrir une procédure formelle d’examen.

130. La ville de Lübeck, soutenue sur ce point par la République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne, conclut au rejet du moyen. Elle considère que le caractère non sélectif de la mesure litigieuse, à savoir le règlement de 2006, étant manifeste, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que la décision litigieuse était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

2.      Appréciation

131. Je ne suis pas davantage convaincu que le Tribunal a outrepassé les limites du contrôle juridictionnel portant ouverture d’une procédure formelle d’examen.

132. Certes, il ne saurait être nié que la décision portant ouverture d’une procédure formelle d’examen repose sur une analyse, nécessairement provisoire, des éléments portés à la connaissance de la Commission au cours de la phase préliminaire d’examen. Ces éléments étant par définition « fragmentaires », la Commission ne peut, à l’issue de cette phase préalable, faire état que de suppositions sur l’existence ou non d’une aide et, par conséquent, sur la réunion des conditions cumulatives énoncées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

133. Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, il faut distinguer la procédure préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide, de la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui permet – et, me semble-t-il exige – un examen approfondi des mesures étatiques et répond à une double finalité (69).

134. Compte tenu de la différence nécessaire existant entre ces deux phases d’examen des mesures, il n’est pas possible de soumettre la phase préliminaire aux mêmes exigences juridiques que celles qui s’imposent dans le cadre de la procédure formelle.

135. Par conséquent, la Commission est habilitée à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, dès lors qu’elle dispose d’éléments suffisants pour considérer qu’une mesure remplit toutes les conditions pour pouvoir être qualifiée d’« aide d’État » interdite par l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

136. Il ne saurait toutefois en être conclu que la Commission puisse se limiter, à l’appui de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à faire état d’affirmations générales quant à la réunion des conditions requises par l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi qu’il ressort de l’article 6 du règlement n° 659/1999, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun.

137. Aussi, bien que limité au point de savoir si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait pas surmonter toutes les difficultés quant à la qualification de la mesure litigieuse d’« aide d’État » au cours d’un premier examen de cette mesure (70), le contrôle exercé par le Tribunal sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, et, en particulier, sur le point de savoir si les conditions requises par l’article 107, paragraphe 1, TFUE étaient, prima facie, réunies, n’en doit pas moins être effectif. Il importe, en effet, de rappeler, dans le prolongement des considérations retenues dans le cadre du deuxième moyen, que les décisions d’ouverture d’examen préliminaire peuvent avoir des effets juridiques spécifiques et significatifs pour les parties concernées.

138. Or, en se limitant, au point 279 de la décision litigieuse, à indiquer que « les avantages [découlant du règlement de 2006] sont accordés uniquement aux compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Lübeck [et sont donc] sélectifs au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE », la Commission a omis de préciser à quelle réglementation d’ordre général, le règlement de 2006 entend déroger. Elle a, ce faisant, omis de définir le cadre de référence pertinent et ainsi commis une erreur manifeste dans son appréciation de la mesure litigieuse, qui est, à mon sens, sans rapport avec l’existence d’appréciations économiques complexes.

139. À cet égard, il ne saurait être valablement soutenu que le Tribunal n’aurait pas dû limiter son examen à l’appréciation contenue au point 279 de la décision litigieuse, mais qu’il aurait dû tenir compte de la description du système de remises figurant aux points 268 à 274 de cette même décision, ces derniers points ayant trait à l’identification d’un avantage supposé découlant du règlement de 2006 et non à la sélectivité de ce dernier.

140. Dès lors, je suis d’avis que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Tribunal a pu conclure que la Commission n’avait pas exposé, à suffisance de droit, pour quels motifs elle n’a pas été en mesure d’indiquer, au stade de son examen préliminaire, les raisons pour lesquelles le règlement de 2006 était sélectif, de telle sorte qu’elle était tenue d’engager la procédure formelle d’examen ou, à tout le moins, qu’elle y était habilitée.

V –    Conclusion

141. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission européenne à ses dépens ainsi qu’à ceux de Hansestadt Lübeck. La République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne supporteront leurs propres dépens.


1 – Langue originale : le français.


2–      T‑461/12, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2014:758.


3 –      Décision du 22 février 2012 concernant les aides d’État SA.27585 et SA.31149 (2012/C) (ex NN/2012, ex CP 31/2009 et CP 162/2010) – Allemagne (ci-après la « décision litigieuse »).


4 –      C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:624, point 5.


5 – BGB1. I, p. 370.


6–      Règlement du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1990, L 83, p. 1).


7 – 282/85, EU:C:1986:316.


8 – 282/85, EU:C:1986:316.


9 – Voir arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, 223) ; du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 72), ainsi que du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission (C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 46).


10 – Voir, par analogie, arrêts du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission (T‑214/95, EU:T:1998:77, points 29 et 30), ainsi que du 15 juin 1999, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission (T‑288/97, EU:T:1999:125, points 31 et 34). Voir, a contrario, arrêt du 10 juillet 1986, DEFI/Commission (282/85, EU:C:1986:316, point 18), dans lequel il a été, en revanche, jugé que le gouvernement français disposait incontestablement du pouvoir de déterminer la gestion et la politique du comité DEFI et donc de définir également les intérêts que cet organisme devait défendre.


11 – Il apparaît que les règlements portant fixation des redevances aéroportuaires sont repris, à l’instar de conditions générales, dans les contrats conclus entre l’entreprise gestionnaire de l’aéroport et les compagnies aériennes.


12–      Voir arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission (C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 63), ainsi que du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79 et jurisprudence citée).


13 – Voir arrêt du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 80 et jurisprudence citée).


14–      Arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 98), ainsi que du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission (C‑260/09 P, EU:C:2011:62, point 53).


15–      Conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2013:766, point 42 et jurisprudence citée).


16 – 282/85, EU:C:1986:316.


17 – À l’appui de cette argument, la Commission se réfère aux arrêts du 16 octobre 2014, Alro/Commission (T‑517/12, EU:T:2014:890, points 19 à 67), ainsi que du 16 octobre 2014, Alpiq RomIndustries et Alpiq RomEnergie/Commission (T‑129/13, non publié, EU:T:2014:895, points 18 à 31).


18 – Voir, notamment, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 58 et 62 ainsi que jurisprudence citée).


19 – Voir arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331, points 61 à 65 ainsi que jurisprudence citée).


20 – Voir arrêt du 24 octobre 2013, Deutsche Post/Commission (C‑77/12 P, non publié, EU:C:2013:695, points 52 et 53).


21 – Arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, point 37).


22 – Arrêt du 24 octobre 2013, Deutsche Post/Commission (C‑77/12 P, non publié, EU:C:2013:695, point 52).


23 – Arrêt du 24 octobre 2013, Deutsche Post/Commission (C‑77/12 P, non publié, EU:C:2013:695, point 53 et jurisprudence citée).


24–      Arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, point 42).


25–      Voir arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, points 42 et 43), ainsi qu’ordonnance du président de la Cour du 4 avril 2014, Flughafen Lübeck (C‑27/13, non publiée, EU:C:2014:240, points 25 et 26).


26–      La Commission se réfère notamment aux arrêts du 20 novembre 2003, GEMO (C‑126/01, EU:C:2003:622, points 35 à 39), ainsi que du 15 décembre 2005 Italie/Commission (C‑66/02, EU:C:2005:768, points 95 à 101).


27 – C‑143/99, EU:C:2001:598, point 41.


28 – La Commission s’appuie sur les conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:442). Elle mentionne également les arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, points 28 et 29) ; du 29 février 1996, Belgique/Commission (C‑56/93, EU:C:1996:64, point 10) ; du 20 novembre 2003, GEMO (C‑126/01, EU:C:2003:622, points 35 à 39) ; du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, points 63 à 67), ainsi que du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732).


29 – La Commission cite les arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 85 à 89) ; du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 51), ainsi que du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 87 à 109).


30 – La Commission se réfère aux arrêts du 17 juin 1999, Belgique/Commission (C‑75/97, EU:C:1999:311, point 33) ; du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano (C‑148/04, EU:C:2005:774, point 45), ainsi que du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium (C‑393/04 et C‑41/05, EU:C:2006:403, points 31 et 32).


31 – La ville de Lübeck se réfère à l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, points 41 et 42).


32 – C‑518/13, EU:C:2015:9, point 61.


33–      Voir, notamment, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post (C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 38 et jurisprudence citée).


34–      Arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post (C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 39 et jurisprudence citée).


35–      Arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, point 41).


36 – Voir tout particulièrement le Rapport Spaak (Rapport du comité intergouvernemental créé par la conférence de Messine aux ministres des Affaires étrangères, Bruxelles, 21 avril 1956, p. 59), aux termes duquel « il y a lieu de noter que certains régimes d’intervention qui formellement sont des aides ou des subventions ne s’adressent pas spécifiquement a des entreprises ou à des secteurs, mais affectent l’économie générale. Dans ce cas, la Commission n’a pas compétence pour décider par elle seule de l’incompatibilité ».


37 – La jurisprudence a précisé que des interventions qui, à première vue, sont applicables à la généralité des entreprises peuvent présenter une certaine sélectivité – notamment lorsque l’organisme qui octroie des avantages financiers dispose d’un pouvoir discrétionnaire qui lui permet de déterminer les bénéficiaires ou les conditions de la mesure accordée – et, partant, être considérées comme des mesures destinées à favoriser certaines entreprises ou certaines productions (voir, notamment, arrêt du 29 juin 1999, DM Transport, C‑256/97, EU:C:1999:332, point 27 et jurisprudence citée).


38 – Voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, points 35 et 36).


39 – Arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511).


40 – Arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 58).


41 – Arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 82), ainsi que du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, points 54 et 55).


42 – Voir, notamment, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 85 et 89), ainsi que du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 87).


43 – Voir, notamment, arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 50 et jurisprudence citée).


44 – Arrêt du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium (C‑393/04 et C‑41/05, EU:C:2006:403, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).


45 – Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:32, point 47).


46 – Voir arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 62).


47 – Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:32, points 50 à 55).


48 – S’agissant d’une mesure de nature individuelle, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa « spécificité » et, partant, de conclure qu’il présente également un caractère sélectif.


49 – Voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 101), ainsi que du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, point 53). Voir point 54 de mes conclusions présentées dans l’affaire Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:32) et point 29 des conclusions que l’avocat général Bobek a présentées dans l’affaire Belgique/Commission (C‑270/15 P, EU:C:2016:289).


50 –      Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Wathelet dans les affaires jointes Commission/Banco Santander et Santusa (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:624, notamment points 7, 10 et 80 à 87).


51 – Voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 82 et 83 ainsi que jurisprudence citée).


52 – Voir, sur ce point, arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 56).


53 – Je relève que la Commission a, dans sa récente communication 2016/C 262/01, relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] (JO 2016, C 262, p. 1), indiqué que « [l]e système de référence constitue l’élément à partir duquel la sélectivité d’une mesure est appréciée ».


54 – Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 61), la Cour a dit pour droit, s’agissant d’une mesure portant fixation de redevances minières liées à l’extraction d’hydrocarbures, que « le paramètre de comparaison pertinent pour établir la sélectivité de la mesure contestée dans la présente affaire consistait à vérifier si [elle] introduit une différenciation entre les opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation factuelle et juridique comparable, non justifiée par la nature et l’économie du système en cause ».


55 – Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:442).


56 – Il s’agit des arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, points 28 et 29) ; du 29 février 1996, Belgique/Commission (C‑56/93, EU:C:1996:64, point 10) ; du 20 novembre 2003, GEMO (C‑126/01, EU:C:2003:622, points 35 à 39) ; du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, points 63 à 67), ainsi que du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732).


57 –      67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38.


58 – C‑56/93, EU:C:1996:64.


59 – C‑39/94, EU:C:1996:285.


60 –      C‑126/01, EU:C:2003:622, points 35 à 39.


61 – Voir, notamment, point 41.


62 – Voir, notamment, points 54 à 61.


63–      Voir, notamment, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 85 et 89), ainsi que du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 87, 88 et 92).


64–      C‑409/00, EU:C:2003:92, point 49.


65–      Arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, point 55).


66 – Voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, points 59 à 61).


67 – La Commission se réfère aux arrêts du 13 février 2003, Espagne/Commission (C‑409/00, EU:C:2003:92, point 48) ; du 15 juillet 2004, Espagne/Commission (C‑501/00, EU:C:2004:438, points 118 à 128), ainsi que du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 50).


68 – Voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 99 ainsi que jurisprudence citée).


69 –      Voir, notamment, arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C‑390/06, EU:C:2008:224, point 57), ainsi que du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 57). Sur la différence entre la phase préliminaire d’examen et la phase formelle, voir, en dernier lieu, mes conclusions dans l’affaire Club Hotel Loutraki e.a./Commission, (C‑131/15 P, EU:C:2016:617, points 25 à 27).


70 –      Voir, notamment, arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 61).