Language of document : ECLI:EU:C:2017:886

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

23 novembre 2017 (*)

« Pourvoi – Santé publique – Protection des consommateurs – Règlement (CE) nº 1924/2006 – Allégations de santé portant sur les denrées alimentaires – Article 13, paragraphe 3 – Liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires – Substances botaniques – Allégations de santé en suspens – Recours en carence – Article 265 TFUE – Prise de position par la Commission européenne – Intérêt à agir – Qualité pour agir »

Dans les affaires jointes C‑596/15 P et C‑597/15 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 13 novembre 2015,

Bionorica SE, établie à Neumarkt (Allemagne) (C‑596/15 P),

et

Diapharm GmbH & Co. KG, établie à Münster (Allemagne) (C‑597/15 P),

représentées par Mes M. Weidner, T. Guttau et N. Hußmann, Rechtsanwälte,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme S. Grünheid et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur), D. Šváby et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, Bionorica SE et Diapharm GmbH & Co. KG demandent l’annulation des ordonnances du Tribunal de l’Union européenne du 16 septembre 2015, Bionorica/Commission (T‑619/14, non publiée, ci-après l’« ordonnance dans l’affaire T‑619/14 », EU:T:2015:723), et du 16 septembre 2015, Diapharm/Commission (T‑620/14, non publiée, ci-après l’« ordonnance dans l’affaire T‑620/14 », EU:T:2015:714), par lesquelles celui-ci a rejeté leurs recours tendant à faire constater la carence de la Commission européenne en ce que celle-ci se serait illégalement abstenue de demander à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) d’évaluer les allégations de santé relatives aux substances botaniques aux fins de l’adoption, conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires (JO 2006, L 404, p. 9, et rectificatif JO 2007, L 12, p. 3), tel que modifié par le règlement (CE) nº 109/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008 (JO 2008, L 39, p. 14) (ci-après le « règlement nº 1924/2006 »), de la liste définitive des allégations de santé autorisées.

 Le cadre juridique

 La décision 1999/468

2        L’article 5 bis de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23), telle que modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil, du 17 juillet 2006 (JO 2006, L 200, p. 11) (ci-après la « décision 1999/468 »), régit la procédure de réglementation avec contrôle.

3        La décision 1999/468 a été abrogée en vertu de l’article 12, premier alinéa, du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13). Néanmoins, conformément à l’article 12, second alinéa, de ce règlement, les effets de l’article 5 bis de la décision 1999/468 sont maintenus aux fins des actes de base existants qui y font référence. 

 Le règlement (CE) n178/2002

4        L’article 3 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), intitulé « Autres définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

2)      “entreprise du secteur alimentaire”, toute entreprise publique ou privée assurant, dans un but lucratif ou non, des activités liées aux étapes de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires ;

3)      “exploitant du secteur alimentaire”, la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l’entreprise du secteur alimentaire qu’elles contrôlent ;

[...] »

 Le règlement n1924/2006

5        Aux termes du considérant 23 du règlement nº 1924/2006, « [l]e recours, dans la Communauté, à des allégations de santé ne devrait être autorisé qu’après une évaluation scientifique répondant aux exigences les plus élevées. Pour garantir une évaluation scientifique harmonisée de ces allégations, il conviendrait que ladite évaluation soit effectuée par l’[EFSA] ».

6        L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », énonce, à son paragraphe 1, sous a), et à son paragraphe 2, point 5:

« 1.      Aux fins du présent règlement :

a)      les définitions des termes [...] “exploitant du secteur alimentaire”, [...] figurant à [...] l’article 3, [point 3, du règlement nº 178/2002], sont applicables ;

[...]

2.      Les définitions suivantes sont également applicables :

[...]

5)      “allégation de santé” : toute allégation qui affirme, suggère ou implique l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé ;

[...] »

7        L’article 3 du règlement nº 1924/2006, intitulé « Principes généraux applicables à toutes les allégations », prévoit, à son second alinéa, sous a), que les allégations nutritionnelles et de santé ne doivent notamment pas « être inexactes, ambiguës ou trompeuses ».

8        L’article 6 de ce règlement, intitulé « Justification scientifique des allégations », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les allégations nutritionnelles et de santé reposent sur des preuves scientifiques généralement admises et sont justifiées par de telles preuves. »

9        L’article 10 dudit règlement, intitulé « Conditions spécifiques », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les allégations de santé sont interdites sauf si elles sont conformes aux prescriptions générales du chapitre II et aux exigences spécifiques du présent chapitre et si elles sont autorisées conformément au présent règlement et figurent sur les listes d’allégations autorisées visées aux articles 13 et 14. »

10      L’article 13 du même règlement, intitulé « Allégations de santé autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles », énonce :

« 1.      Les allégations de santé qui décrivent ou mentionnent :

a)      le rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l’organisme ; ou

b)      les fonctions psychologiques et comportementales ; ou

c)      sans préjudice de la directive 96/8/CE [de la Commission, du 26 février 1996, relatives aux denrées alimentaires destinées à être utilisées dans les régimes hypocaloriques destinés à la perte de poids (JO 1996, L 55, p. 22)], l’amaigrissement, le contrôle du poids, la réduction de la sensation de faim, l’accentuation de la sensation de satiété ou la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire,

et qui sont indiquées dans la liste prévue au paragraphe 3 peuvent être faites sans être soumises aux procédures établies aux articles 15 à 19, si elles :

i)      reposent sur des preuves scientifiques généralement admises ; et

ii)      sont bien comprises par le consommateur moyen.

2.      Au plus tard le 31 janvier 2008, les États membres fournissent à la Commission des listes des allégations visées au paragraphe 1 ainsi que les conditions qui leur sont applicables et les références aux justifications scientifiques pertinentes.

3.      Après consultation de l’[EFSA], la Commission adopte [...] une liste communautaire destinée à modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, des allégations autorisées visées au paragraphe 1 ainsi que toutes les conditions nécessaires pour l’utilisation de ces allégations, au plus tard le 31 janvier 2010.

4.      Toute modification de la liste visée au paragraphe 3, fondée sur des preuves scientifiques généralement admises et ayant pour objet de modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, est adoptée [...] après consultation de l’[EFSA], à l’initiative de la Commission ou à la suite d’une demande présentée par un État membre.

5.      Tout ajout d’allégations à la liste visée au paragraphe 3 qui est basé sur des preuves scientifiques nouvellement établies [...] est adopté suivant la procédure établie à l’article 18, à l’exception des allégations se rapportant au développement et à la santé infantiles [...] »

11      L’article 17 du règlement nº 1924/2006, intitulé « Autorisation communautaire », dispose, à son paragraphe 5 :

« Les allégations de santé figurant sur les listes prévues aux articles 13 et 14 peuvent être utilisées, conformément aux conditions qui leur sont applicables, par tout exploitant du secteur alimentaire [...] »

12      L’article 25 de ce règlement, intitulé « Procédure de comité », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et l’article 7 de la décision [1999/468] s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de celle-ci. »

13      L’article 28 dudit règlement, intitulé « Mesures transitoires », énonce, à ses paragraphes 5 et 6 :

« 5.      Les allégations de santé visées à l’article 13, paragraphe 1, point a), peuvent être faites à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement et jusqu’à l’adoption de la liste visée à l’article 13, paragraphe 3, sous la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire, à condition qu’elles soient conformes au présent règlement et aux dispositions nationales existantes qui leur sont applicables, sans préjudice de l’adoption des mesures de sauvegarde visées à l’article 24.

6.      Les allégations de santé autres que celles visées à l’article 13, paragraphe 1, point a), et à l’article 14, paragraphe 1, point a), qui ont été utilisées conformément aux dispositions nationales avant la date d’entrée en vigueur du présent règlement, sont soumises aux exigences suivantes :

a)      les allégations de santé qui ont fait l’objet d’une évaluation et d’une autorisation dans un État membre sont autorisées selon les modalités suivantes :

i)      les États membres communiquent ces allégations à la Commission, au plus tard le 31 janvier 2008, accompagnées d’un rapport d’évaluation des données scientifiques étayant chaque allégation ;

ii)      après consultation de l’[EFSA], la Commission adopte [...] une décision concernant les allégations de santé qui ont été autorisées de la sorte, ayant pour objet de modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant.

Les allégations de santé non autorisées en vertu de cette procédure peuvent continuer à être utilisées pendant une période de six mois après l’adoption de la décision ;

b)      les allégations de santé qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation et d’une autorisation dans un État membre sont soumises aux dispositions suivantes : ces allégations peuvent continuer à être utilisées à condition qu’une demande ait été faite conformément au présent règlement avant le 19 janvier 2008 ; les allégations de santé non autorisées en vertu de cette procédure peuvent continuer à être utilisées pendant six mois après qu’une décision a été prise en application de l’article 17, paragraphe 3. »

 Le règlement (UE) n432/2012

14      Aux termes des considérants 10 et 11 du règlement (UE) nº 432/2012 de la Commission, du 16 mai 2012, établissant une liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles (JO 2012, L 136, p. 1) :

« 10)      La Commission a recensé un certain nombre d’allégations, transmises pour évaluation, qui portent sur les effets de substances végétales ou à base de plantes, dites “substances botaniques”, dont l’[EFSA] doit encore parachever l’évaluation scientifique. En outre, pour certaines allégations de santé, une évaluation complémentaire est nécessaire avant que la Commission puisse se prononcer sur leur inclusion dans la liste des allégations autorisées, tandis que pour d’autres, l’évaluation est terminée mais d’autres facteurs légitimes empêchent la Commission de se prononcer à ce stade.

11)      Les allégations dont l’[EFSA] n’a pas terminé l’évaluation ou celles sur lesquelles la Commission ne s’est pas encore prononcée seront publiées sur le site internet de la Commission [...] et peuvent continuer à être utilisées conformément à l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement [no 1924/2006]. »

15      L’article 2 de ce règlement, intitulé « Entrée en vigueur et mise en application », dispose, à son troisième alinéa, que ledit règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

 Les antécédents des litiges

16      Les antécédents pertinents des litiges, tels qu’ils ont été exposés dans les ordonnances dans les affaires T‑619/14 et T‑620/14, peuvent être résumés comme suit.

17      Bionorica est une entreprise qui fabrique et commercialise des produits pharmaceutiques et des compléments alimentaires sur le marché européen et qui, à ce titre, utilise des allégations de santé apposées sur ses produits et dans la publicité pour ceux-ci.

18      Diapharm est une entreprise qui fournit, à l’échelle internationale, une gamme intégrée de services à l’industrie de la santé. Une partie importante de son activité consiste à conseiller des entreprises en matière d’allégations de santé portant sur des denrées alimentaires, en particulier s’agissant des compléments alimentaires.

19      À la suite de l’adoption du règlement nº 1924/2006, la Commission a reçu, au titre de l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement, un total d’environ 44 000 allégations de santé de la part des États membres. Sur la base de ces listes nationales d’allégations de santé, la Commission a constitué une liste consolidée de celles-ci.

20      Le 24 juillet 2008, la Commission a formellement transmis à l’EFSA une demande d’avis scientifique concernant lesdites allégations, conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006. À cette occasion, la Commission a communiqué à l’EFSA une première partie de la liste consolidée des allégations de santé. Les parties restantes de cette liste ont été transmises à l’EFSA aux mois de novembre et de décembre 2008, ainsi que, moyennant un addendum, au mois de mars 2010, portant le nombre final d’allégations de santé à examiner à 4 637. Entre les mois d’octobre 2009 et de juillet 2011, l’EFSA a procédé à l’évaluation scientifique des allégations de santé transmises par la Commission.

21      Le 27 septembre 2010, la Commission a publié sur son site Internet un communiqué de presse dans lequel celle-ci a annoncé que, au vu du grand nombre d’allégations de santé et du retard dans le traitement de celles-ci, elle était favorable à l’établissement d’un processus permettant une adoption progressive de la liste des allégations de santé autorisées dans l’Union européenne. Par ailleurs, selon la Commission, la redéfinition des priorités du processus d’adoption de cette liste était notamment motivée par des tensions signalées quant au traitement des ingrédients végétaux en vertu de la législation sur les allégations de santé et en vertu de celle sur les médicaments traditionnels à base de plantes ainsi que par la nécessité de poursuivre la réflexion portant sur le traitement cohérent de ces ingrédients. En conséquence, la Commission a invité l’EFSA à suspendre provisoirement l’évaluation des allégations de santé concernant les substances botaniques et à concentrer son analyse sur toutes les autres allégations transmises afin d’adopter une liste les englobant dans les meilleurs délais. Dans ce contexte, la Commission a expliqué que l’analyse des allégations de santé concernant les substances autres que botaniques serait abordée dans un premier temps, alors que celle des allégations concernant les substances botaniques serait examinée dans un second temps.

22      Le 16 mai 2012, la Commission a adopté le règlement nº 432/2012. Dans ce règlement, la Commission a autorisé une liste partielle de 222 allégations de santé, correspondant à 497 entrées inscrites sur la liste consolidée des allégations de santé, pour lesquelles l’EFSA était arrivée à la conclusion que les données présentées permettaient d’établir un lien de cause à effet entre une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants, et l’effet allégué.

23      À la même date, la Commission a identifié une liste de plus de 2 000 allégations de santé dont l’EFSA n’avait pas clôturé l’évaluation ou sur lesquelles elle-même ne s’était pas encore prononcée, et a publié cette liste sur son site Internet. Selon la Commission, ces allégations, qui portaient principalement sur les effets des substances botaniques, demeuraient en suspens et pouvaient dès lors continuer à être utilisées conformément au régime transitoire prévu à l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement nº 1924/2006. Alors que la liste partielle des allégations de santé autorisées établie par le règlement n° 432/2012 a été ultérieurement mise à jour par la Commission, les allégations de santé portant sur les substances botaniques sont demeurées en suspens.

24      Par lettres des 22 et 24 avril 2014, respectivement Bionorica et Diapharm ont invité la Commission à reprendre l’évaluation des allégations de santé portant sur les substances botaniques et, en particulier, à demander à l’EFSA de poursuivre sans délai cette évaluation afin que puisse être adoptée la liste complète des allégations de santé, telle que requise à l’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 1924/2006. Elles ont également annoncé leur intention de saisir le Tribunal en cas d’absence d’action de la part de la Commission.

25      Par lettres du 19 juin 2014 (ci-après les « lettres du 19 juin 2014 »), la Commission a répondu auxdites invitations à agir de Bionorica et de Diapharm, en indiquant notamment ce qui suit :

« Ainsi que vous le savez, la Commission a initié une réflexion sur les allégations de santé relatives aux “substances botaniques” après que des inquiétudes ont été soulevées par les États membres et les parties prenantes en ce qui concerne le traitement différencié appliqué aux produits contenant lesdites substances conformément à la législation sur les allégations de santé et celle sur les médicaments traditionnels à base de plantes.

Dans l’attente des résultats de cette réflexion, la Commission a demandé à l’[EFSA] d’interrompre son évaluation scientifique des allégations de santé sur les substances botaniques. La Commission reconnaît l’importance de ce problème complexe à la fois pour les consommateurs et pour les opérateurs économiques. Cependant, afin de déterminer la ligne de conduite optimale requise, la Commission devrait disposer du temps et du contexte nécessaire à cette fin. »

 La procédure devant le Tribunal et les ordonnances dans les affaires T619/14 et T620/14

26      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 19 août 2014, Bionorica et Diapharm ont demandé au Tribunal de constater la carence de la Commission en ce que celle-ci se serait illégalement abstenue d’ordonner à l’EFSA de procéder à l’évaluation des allégations de santé relatives aux substances botaniques aux fins de l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées conformément à la procédure prévue à l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006.

27      Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal le 20 novembre 2014, la Commission a soulevé des exceptions d’irrecevabilité, sur lesquelles Bionorica et Diapharm ont présenté leurs observations le 19 décembre 2014, en demandant au Tribunal de rejeter celles-ci et de statuer sur le fond.

28      Par l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et par l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, le Tribunal a rejeté, respectivement, les recours de Bionorica et de Diapharm et a condamné celles-ci aux dépens.

29      En premier lieu, le Tribunal a examiné si les recours en carence de Bionorica et de Diapharm respectaient les conditions prévues à l’article 265 TFUE et a déclaré ces recours, aux points 26 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, irrecevables en raison du non-respect de ces conditions.

30      Plus précisément, après avoir rappelé, aux points 19 et 20 de ces ordonnances, que les conditions de recevabilité d’un recours en carence, fixées à l’article 265 TFUE, ne sont pas remplies lorsque l’institution invitée à agir a pris position sur cette invitation avant l’introduction du recours, le Tribunal a considéré, aux points 23 desdites ordonnances, que les lettres du 19 juin 2014, lues dans leur ensemble, dans la mesure où ces dernières ont décrit la raison pour laquelle il avait été convenu d’interrompre la procédure d’évaluation des allégations en cause et informé Bionorica et Diapharm que, pour l’examen de cette dernière question, plus de temps et un contexte plus précis étaient nécessaires à la Commission, étaient suffisamment explicites et précises pour permettre à celles-ci de connaître la position de la Commission à l’égard de leurs demandes, à savoir qu’elle n’ordonnerait pas à l’EFSA de procéder à l’évaluation sollicitée.

31      En conséquence, le Tribunal a qualifié, aux points 24 de ces mêmes ordonnances, lesdites lettres comme constituant une prise de position au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, mettant fin à la carence de la Commission.

32      Le Tribunal a relevé à cette occasion, aux points 25 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que le fait que la réponse de la Commission ne donne pas satisfaction à Bionorica et à Diapharm était, à cet égard, indifférent. En effet, l’article 265 TFUE viserait la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position et non du fait de l’adoption d’un acte différent de celui que les intéressés auraient souhaité.

33      En deuxième lieu, le Tribunal a examiné, à titre surabondant, la fin de non-recevoir invoquée par la Commission, tirée de l’absence d’intérêt à agir de Bionorica et de Diapharm, et a déclaré, au point 56 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et au point 55 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, leurs recours en carence irrecevables également pour défaut d’intérêt à agir.

34      À cet égard, le Tribunal est arrivé à la conclusion, énoncée aux points 39 et 55 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 39 et 54 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que ni Bionorica ni Diapharm n’avaient fourni d’éléments démontrant à suffisance en quoi la reprise des évaluations par l’EFSA des allégations de santé relatives aux substances botaniques et l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées auraient été susceptibles de leur procurer un bénéfice certain.

35      Premièrement, le Tribunal a considéré, aux points 38, 42 et 43 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 38, 41 et 42 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, qu’il résulte du libellé de l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement nº 1924/2006 que l’application des mesures transitoires est prévue, depuis l’adoption de ce règlement, pour les allégations de santé qui se trouvent en cours d’évaluation et pour lesquelles aucune décision n’a été adoptée par la Commission. Dans ces circonstances, les entreprises concernées par des allégations de santé en suspens pourraient continuer à utiliser celles-ci dans le respect du régime transitoire prévu à l’article 28, paragraphes 5 et 6, dudit règlement. En conséquence, selon le Tribunal, l’article 17, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006, qui autorise, en principe, tout exploitant du secteur alimentaire à utiliser les allégations de santé autorisées figurant sur ladite liste définitive, place ces allégations dans la même situation que celle des allégations de santé en suspens, c’est-à-dire dans la situation où elles peuvent être utilisées pour la commercialisation des denrées alimentaires.

36      De surcroît, le Tribunal a constaté, aux points 44 et 45 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 43 et 44 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que, en tout état de cause, même si des conséquences affectant la situation juridique de Bionorica et des autres exploitants du secteur alimentaire pouvaient être constatées en vertu de l’article 17, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006, par rapport notamment au régime transitoire prévu à l’article 28, paragraphes 5 et 6, de ce règlement, un tel bénéfice reposerait, par définition, sur la prémisse que les allégations de santé en suspens qui les concernent seraient autorisées à la suite de l’évaluation de l’EFSA et de la décision finale de la Commission. Cependant, le Tribunal a relevé que cette prémisse n’était actuellement pas concrète et ne pouvait, pour cette raison, satisfaire aux exigences de sa jurisprudence, selon laquelle, si l’intérêt dont se prévaut une partie requérante concerne une situation juridique future, elle doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine. À cet égard, le Tribunal a rappelé que, par le règlement nº 432/2012, qui a établi la liste partielle des allégations de santé autorisées, la Commission n’avait autorisé que 222 allégations de santé parmi un total de plus de 2 000 allégations examinées, de sorte que le régime transitoire pourrait s’avérer plus avantageux pour les opérateurs que la liste définitive des allégations de santé autorisées.

37      Deuxièmement, le Tribunal a rejeté, aux points 47 et 48 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 46 et 47 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, les arguments de Bionorica et de Diapharm selon lesquels le fait que certaines allégations de santé ont fait l’objet d’une évaluation par l’EFSA et que d’autres allégations demeurent en suspens créait des conditions de concurrence inégales sur le marché, en jugeant qu’une telle situation d’inégalité n’était susceptible d’affecter que les intérêts des producteurs dont les allégations de santé ont été rejetées à la suite de l’adoption du règlement nº 432/2012, et non pas ceux des producteurs dont les allégations de santé demeuraient en suspens.

38      Troisièmement, le Tribunal n’a pas accueilli les affirmations de Bionorica et de Diapharm selon lesquelles celles-ci étaient fortement affectées par l’insécurité juridique qui régnait sur le marché en raison de l’absence d’une décision définitive et complète de la Commission sur l’autorisation des allégations de santé. Le Tribunal a souligné à cet égard, aux points 51 et 52 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 50 et 51 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient claires et précises et que leurs conséquences soient prévisibles. Or, selon le Tribunal, les règles applicables tant, d’une part, aux allégations de santé autorisées ou rejetées que, d’autre part, aux allégations de santé en suspens, remplissaient de telles conditions. En particulier, les règles auxquelles les allégations de santé en suspens étaient soumises découleraient de manière expresse du règlement nº 1924/2006 et, en particulier, de son article 28, paragraphes 5 et 6, lequel exposerait le régime applicable, depuis l’adoption de ce règlement, aux allégations de santé en attente d’évaluation et de décision définitive.

39      Quatrièmement, au point 54 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et au point 53 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, le Tribunal a écarté les allégations de Bionorica et de Diapharm concernant les préjudices financiers que ces dernières auraient subis du fait de l’inaction de la Commission, en relevant qu’elles n’avaient expliqué ni comment lesdits dommages se seraient produits, ni comment ils pourraient disparaître si la Commission venait ordonner à l’EFSA de poursuivre l’évaluation des allégations de santé en suspens.

40      Enfin, en troisième lieu, le Tribunal a examiné et accueilli, uniquement dans l’affaire T‑620/14, la fin de non-recevoir invoquée par la Commission, tirée de l’absence de qualité pour agir de Bionorica et de Diapharm. Le Tribunal a estimé à cet égard, au point 56 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que Diapharm, qui est une société fournissant des services de conseil et de soutien aux entreprises de l’industrie de la santé, y compris en matière d’allégations de santé portant sur les denrées alimentaires, ne produit ni ne commercialise ce type de produits sur le marché de l’Union. De ce fait, selon le Tribunal, l’activité de Diapharm n’est pas suffisamment liée à ces dernières activités pour qu’elle puisse être considérée comme étant directement concernée par l’acte à adopter par la Commission à la suite de la constatation de l’éventuelle carence de cette dernière.

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

41      Par leurs pourvois respectifs, Bionorica et Diapharm demandent à la Cour :

–        d’annuler, respectivement, l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14 et

–        de condamner la Commission aux dépens.

42      La Commission demande à la Cour de rejeter les pourvois comme étant manifestement non fondés et de condamner les requérantes aux dépens.

43      Par décision du président de la Cour du 21 janvier 2016, les affaires C‑596/15 P et C‑597/15 P ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt, conformément à l’article 54 du règlement de procédure de la Cour.

 Sur les pourvois

44      À l’appui de leurs pourvois, Bionorica et Diapharm invoquent chacune trois moyens, lesquels se recoupent en partie.

 Sur le deuxième moyen dans l’affaire C596/15 P et le premier moyen dans l’affaire C597/15 P

 Argumentation des parties

45      Par leurs deuxième et premier moyens respectifs, Bionorica et Diapharm reprochent au Tribunal, en substance, d’avoir commis une erreur de droit en ayant jugé, aux points 24 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que les lettres du 19 juin 2014 constituaient une prise de position au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, mettant fin à la carence de la Commission.

46      Selon les requérantes, la constatation opérée par le Tribunal aux points 23 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, selon laquelle les lettres du 19 juin 2014, « lue[s] dans [leur] ensemble, étai[ent] suffisamment explicite[s] et précise[s] pour permettre [à Bionorica et à Diapharm] de connaître la position de la Commission à l’égard de [leurs demandes], en particulier, le fait que celle-ci n’ordonnerait pas à l’EFSA d’entamer l’évaluation sollicitée ainsi que les raisons motivant une telle position » témoigne notamment de ce que le Tribunal n’a pas procédé à un examen précis de la teneur de ces lettres.

47      À cet égard, Bionorica et Diapharm font valoir que, dans les deux premières phrases de ces lettres, la Commission s’est contentée d’exprimer le statu quo qui existait à l’égard de l’évaluation des allégations de santé concernant les substances botaniques. Les requérantes auraient elles-mêmes déjà résumé cette situation dans leurs lettres invitant la Commission à agir. En outre, elles soutiennent que le processus de réflexion auquel la Commission se réfère dans les lettres du 19 juin 2014, dans le cadre duquel un document consultatif portant sur la suite de l’évaluation de ces allégations a été envoyé aux États membres, a été entamé par cette institution au mois de juillet 2012 et s’est achevé à la fin de l’année 2012 avec la majorité des États membres se prononçant en faveur de la poursuite de l’évaluation selon l’approche scientifique jusque-là appliquée, y compris des allégations de santé en suspens. Selon Bionorica et Diapharm, les lettres du 19 juin 2014 sont à tout le moins ambiguës dans la mesure où elles se réfèrent potentiellement à un nouveau processus de réflexion.

48      Bionorica et Diapharm relèvent également que, dans la troisième phrase des lettres du 19 juin 2014, la Commission a simplement reconnu, quant à l’évaluation des allégations de santé concernant les substances botaniques, l’importance « de ce problème complexe » tant pour les consommateurs que pour les opérateurs économiques. Dans la quatrième et dernière phrase, la Commission se serait contentée d’expliquer qu’elle devait disposer du temps et du contexte nécessaires afin de déterminer la « ligne de conduite optimale requise », sans toutefois expliquer ce qu’elle considérait comme nécessaire en l’espèce.

49      En conséquence, il serait impossible de déduire des lettres du 19 juin 2014 la position que la Commission a adoptée sur les invitations à agir qui lui ont été adressées, et notamment si et, le cas échéant, à quel moment elle entendait demander à l’EFSA de poursuivre son évaluation des allégations de santé relatives aux substances botaniques. Conformément à l’arrêt de la Cour du 22 mai 1985, Parlement/Conseil (13/83, EU:C:1985:220, point 25), une telle réponse évasive ne serait pas de nature à constituer une prise de position suffisante mettant fin à la carence.

50      La Commission soutient que le Tribunal a jugé à bon droit que les lettres du 19 juin 2014 permettaient à Bionorica et à Diapharm de comprendre que cette institution ne ferait pas droit à leur demande de mettre fin à la suspension de l’évaluation des allégations de santé concernant les substances botaniques. En effet, selon la Commission, le contexte dans lequel ces lettres s’inscrivaient renseignait les requérantes sur le fait qu’elle avait revu ses priorités et tenu en suspens l’évaluation des allégations de santé relatives à ces substances pour examiner d’abord les allégations de santé concernant des substances autres que botaniques. Partant, il ressortirait des lettres du 19 juin 2014 et de leur contexte que la Commission estimait, au moment où elle a adressé ces lettres à Bionorica et à Diapharm, que les circonstances ne justifieraient pas de faire droit à leurs invitations à agir.

 Appréciation de la Cour

51      En vertu de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, le recours en carence n’est recevable que si l’institution, l’organe ou l’organisme en cause a été préalablement invité à agir. Si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution, l’organe ou l’organisme n’a pas pris position, ce recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois.

52      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’article 265 TFUE vise la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position (arrêts du 13 juillet 1971, Deutscher Komponistenverband/Commission, 8/71, EU:C:1971:82, point 2, et du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑196/12, EU:C:2013:753, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

53      À cet égard, le recours en carence peut être formé non seulement contre l’omission d’adopter un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, mais également contre l’omission d’adopter un acte préparatoire, s’il constitue le préalable nécessaire au déroulement d’une procédure devant déboucher sur un acte produisant des effets juridiques obligatoires (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1988, Parlement/Conseil, 302/87, EU:C:1988:461, point 16).

54      Quant à l’invitation d’une institution à agir, elle doit être suffisamment explicite et précise pour lui permettre de connaître de manière concrète le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre et doit également faire ressortir qu’elle entend contraindre cette institution à prendre position (voir, par analogie, arrêt du 10 juin 1986, Usinor/Commission, 81/85 et 119/85, EU:C:1986:234, point 15, et ordonnance du 18 novembre 1999, Pescados Congelados Jogamar/Commission, C‑249/99 P, EU:C:1999:571, point 18).

55      Par ailleurs, il convient de rappeler que la qualification juridique d’un fait ou d’un acte, tel qu’une lettre, opérée par le Tribunal, est une question de droit qui peut être soulevée dans le cadre d’un pourvoi [voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356, point 90 ainsi que jurisprudence citée]. Partant, la question de savoir si une lettre envoyée par une institution en réponse à une invitation à agir a mis fin, ou non, à la carence alléguée de cette institution est une question de droit qui est susceptible d’être examinée au stade du pourvoi.

56      En l’occurrence, il est constant que, en vertu de l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006, la Commission était tenue de consulter l’EFSA afin d’adopter ensuite la liste définitive des allégations de santé autorisées dans le délai y imparti, à savoir au plus tard le 31 janvier 2010, et que cette liste n’a été adoptée que partiellement par le règlement nº 432/2012, en date du 16 mai 2012. Il n’est pas davantage contesté que Bionorica et Diapharm, par leurs lettres respectives du 22 et du 24 avril 2014, visées au point 24 du présent arrêt, ont dûment invité la Commission à agir, c’est-à-dire à demander à l’EFSA de reprendre sans délai l’évaluation des allégations de santé relatives aux substances botaniques aux fins de l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées et que, en réponse à ces lettres, la Commission s’est bornée à conclure, dans les lettres du 19 juin 2014, visées au point 25 du présent arrêt, que, « afin de déterminer la ligne de conduite optimale requise, [elle] devrait disposer du temps et du contexte nécessaire à cette fin ».

57      À cet égard, il importe d’observer que, en décrivant, d’abord, le statu quo qui existait à l’égard de l’évaluation des allégations de santé concernant les substances botaniques depuis son communiqué du 27 septembre 2010, visé au point 21 du présent arrêt, et en se référant, ensuite, au temps et au contexte nécessaires, sans toutefois préciser ce qu’elle considérait comme nécessaire pour poursuivre le processus d’évaluation en cause, la Commission n’a pas indiqué, d’une manière non ambiguë, son intention quant au fait de charger l’EFSA de la poursuite de cette évaluation, ou de ne pas l’en charger.

58      En d’autres termes, la Commission n’a ni procédé à la consultation de l’EFSA, comme le lui demandaient Bionorica et Diapharm, ni indiqué dans ses lettres du 19 juin 2014, d’une manière univoque, si et quand elle procéderait à une telle consultation, ce qui répond aux hypothèses indiquées au point 52 du présent arrêt.

59      Il ressort de ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant jugé, aux points 24 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que les lettres du 19 juin 2014 avaient mis fin à la carence de la Commission.

60      En conséquence, le deuxième moyen dans l’affaire C‑596/15 P et le premier moyen dans l’affaire C‑597/15 P doivent être accueillis.

61      Toutefois, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a analysé, à titre surabondant, l’existence d’un intérêt à agir de Bionorica et de Diapharm et, ayant considéré qu’il faisait défaut en ce qui concerne ces deux entreprises, il a conclu que leurs recours respectifs devaient être rejetés comme irrecevables également pour ce motif. Partant, avant de pouvoir procéder, le cas échéant, à l’annulation des ordonnances dans les affaires T‑619/14 et T‑620/14, il y a lieu d’examiner les moyens respectifs dans les affaires C‑596/15 P et C‑597/15 P, qui portent sur le volet de ces ordonnances relatif à l’intérêt à agir.

 Sur les premier et troisième moyens dans l’affaire C596/15 P et le deuxième moyen dans l’affaire C597/15 P

62      Dans la mesure où, respectivement les premier et troisième moyens dans l’affaire C‑596/15 P et le deuxième moyen dans l’affaire C‑597/15 P sont dirigés, en substance, contre la constatation, opérée par le Tribunal, d’un défaut d’intérêt à agir de Bionorica et de Diapharm, il convient d’examiner ces moyens ensemble.

 Argumentation des parties

–       En ce qui concerne le premier moyen dans l’affaire C596/15 P

63      Par son premier moyen, Bionoricareproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de procédure en ce qu’il s’est fondé en partie sur des faits inexacts et qu’il l’a ainsi erronément qualifiée, aux points 1 et 48 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14, d’entreprise qui produisait et commercialisait des compléments alimentaires ou des denrées alimentaires sur le marché européen. En conséquence, selon Bionorica, le Tribunal est parvenu à une décision erronée en sa défaveur, en jugeant qu’elle n’était pas concernée par les allégations de santé en suspens et que l’existence de conditions concurrentielles inégales n’aurait su, dès lors, fonder son intérêt à agir en l’espèce.

64      Or, il ressortirait de sa requête devant le Tribunal qu’elle était l’un des premiers fabricants mondiaux de médicaments à base de plantes, parmi lesquels ceux cités en exemple dans sa requête contenaient des substances dotées d’effets thérapeutiques pour lesquelles des allégations de santé en suspens ont été demandées.

65      La Commission conteste les arguments de Bionorica.

66      Ainsi qu’il ressortirait d’une comparaison des pièces du dossier avec l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14, les constatations de fait contestées par Bionorica, qui figurent aux points 1 et 48 de l’ordonnance attaquée, ne sont aucunement erronées, voire sont plutôt favorables pour celle-ci, puisque le Tribunal a retenu, sans la mettre en doute, la simple affirmation de cette société que celle-ci avait l’intention d’utiliser des allégations de santé concernant les substances botaniques en tant qu’opérateur dans le secteur alimentaire. La Commission indique que cette constatation est conforme aux indications figurant dans la requête.

–       En ce qui concerne le troisième moyen dans l’affaire C596/15 P et le deuxième moyen dans l’affaire C597/15 P

67      Par leurs troisième et deuxième moyens respectifs, Bionorica et Diapharm reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ayant jugé, à titre surabondant, aux points 55 et 56 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 54 et 55 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, leurs recours en carence irrecevables pour défaut d’intérêt à agir, au motif qu’elles ne sauraient tirer aucun bénéfice certain de l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées.

68      Bionorica et Diapharm font valoir, en premier lieu, que l’utilisation des allégations de santé autorisées et l’utilisation des allégations de santé en suspens sont soumises à des exigences différentes et, dès lors, ne peuvent pas être placées dans la même position. Elles indiquent, à cet égard, que les paragraphes 5 et 6 de l’article 28 du règlement n° 1924/2006 ne permettent pas d’utiliser sans condition les allégations de santé en suspens, mais soumettent leur utilisation à des conditions, ces allégations devant en particulier être « conformes [à ce] règlement et aux dispositions nationales existantes qui leur sont applicables ».

69      Cela impliquerait notamment que, conformément au règlement n° 1924/2006, les allégations de santé en suspens ne doivent pas être trompeuses et doivent se fonder sur des données scientifiques généralement admises. À cet égard, la question de savoir si ces conditions sont remplies ou si les acheteurs sont induits en erreur serait soumise, outre au contrôle effectué par les autorités étatiques compétentes en matière de contrôle des denrées alimentaires, à l’examen au cas par cas par les juridictions nationales, saisies par les autres opérateurs du marché. Or, dans la pratique allemande, un tel contrôle judiciaire, qui est susceptible d’aboutir à une interruption immédiate des ventes sur le territoire de l’Allemagne, serait effectué dans le cadre d’un examen sommaire, ne donnant pas systématiquement lieu à des résultats matériellement justifiables, lesquels, en outre, seraient susceptibles de différer radicalement, pour une même allégation de santé, d’une juridiction à l’autre, surtout dans le contexte du critère juridique imprécis des données scientifiques généralement admises, offrant une marge d’interprétation considérable.

70      Par conséquent, il n’existerait à aucun moment une quelconque sécurité juridique, ni pour Bionorica et Diapharm ni pour d’autres entreprises, quant au fait que les allégations de santé restant en suspens puissent être légalement utilisées. En revanche, il en irait différemment des allégations de santé autorisées incluses dans une liste positive et exhaustive qui mettrait fin à des examens au cas par cas. Par ailleurs, Bionorica et Diapharm soutiennent, à cet égard, que le législateur de l’Union n’a pas prévu explicitement de mesures transitoires pour la période s’étendant après le 31 janvier 2010, à savoir après le délai fixé à l’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 1924/2006 pour l’adoption de la liste des allégations de santé autorisées.

71      En réponse à la constatation du Tribunal, opérée au point 45 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et au point 44 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, selon laquelle l’application de mesures transitoires pourrait être plus bénéfique que le rejet des allégations de santé, Bionorica et Diapharm exposent que, en termes de sécurité juridique à laquelle elles aspirent lors de l’utilisation des allégations de santé, et partant, de leur bénéfice, les allégations de santé définitivement autorisées constituent un indicateur tout aussi fiable que celles définitivement rejetées.

72      En deuxième lieu, Bionorica et Diapharm soutiennent que, en ayant estimé, aux points 47 et 48 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 46 et 47 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que des conditions de concurrence inégales ne peuvent être créées qu’à l’égard des producteurs dont les allégations de santé ont été rejetées à la suite de l’adoption du règlement nº 432/2012 par rapport à ceux dont les allégations de santé ont été autorisées en vertu de celui-ci et non à l’égard des producteurs dont les allégations de santé sont demeurées en suspens, le Tribunal s’est fondé sur la fausse interprétation selon laquelle les allégations de santé autorisées et celles en suspens devraient bénéficier du même traitement. Or, tandis qu’il serait clair, dans les cas respectivement des allégations de santé autorisées et de celles rejetées, qu’elles peuvent être utilisées ou qu’elles ne peuvent pas l’être, la même sécurité juridique n’existerait pas dans le cas des allégations de santé en suspens.

73      Enfin, en troisième lieu, Bionorica et Diapharm relèvent, en se référant aux points 51 à 53 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 50 à 52 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que c’est à tort que le Tribunal a considéré que les règles applicables tant aux allégations de santé autorisées et rejetées qu’à celles en suspens sont suffisamment claires et précises et que les conséquences qui en résultent sont suffisamment prévisibles. En effet, les mesures transitoires applicables aux allégations de santé en suspens, qui, d’une part, impliquent, pour chaque cas, une analyse nouvelle bénéficiant, en ce qui concerne l’appréciation de preuves scientifiques, d’une marge d’appréciation considérable, et qui, d’autre part, peuvent aboutir à des résultats très divers, voire contradictoires, notamment dans la pratique judiciaire en Allemagne, ne produiraient pas de conséquences juridiques suffisamment prévisibles.

74      La Commission fait valoir que, dans la mesure où ni Bionorica ni Diapharm n’exerçait d’activité productrice en tant qu’entreprise du secteur alimentaire au moment de l’introduction des recours, aucune de ces deux entreprises ne saurait tirer un bénéfice certain de l’autorisation définitive d’allégations de santé portant sur les denrées alimentaires concernant des substances botaniques, étant donné qu’elles ne seraient pas elles-mêmes engagées dans la fabrication ou la commercialisation de denrées alimentaires susceptibles d’être promues au moyen d’allégations de ce type.

75      Tout d’abord, à l’argument de Bionorica et de Diapharm, selon lequel le Tribunal avait placé, à tort, dans la même situation, les allégations de santé autorisées et celles qui sont restées en suspens, la Commission objecte que le Tribunal s’est contenté de relever, respectivement aux points 43 et 42 des ordonnances dans les affaires T‑619/14 et T‑620/14, que l’utilisation d’allégations de santé était autorisée dans les deux cas. Selon la Commission, cette constatation est correcte en droit à la lumière des dispositions de l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement n° 1924/2006. En revanche, il irait de soi que l’utilisation licite d’allégations de santé, que celles-ci soient autorisées ou en suspens, suppose que les conditions posées à cet effet par le législateur de l’Union sont remplies dans chaque cas d’espèce. Par ailleurs, les considérations des requérantes relatives aux effets négatifs allégués du maintien de l’application du droit national en vigueur seraient dirigées, sur le fond, non pas contre le Tribunal, mais, d’une part, contre le législateur allemand et les juridictions allemandes et, d’autre part, contre le législateur de l’Union qui a adopté les dispositions transitoires concernées.

76      Ensuite, en réponse à l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal a considéré à tort qu’elles ne pouvaient tirer qu’un bénéfice futur et incertain de l’autorisation des allégations de santé en suspens, la Commission observe que les requérantes ne contestent pas, dans ce contexte, que le Tribunal ait considéré à bon droit que l’autorisation d’allégations de santé concernant des substances botaniques était une circonstance qui ne s’était pas encore concrétisée et qui ne pouvait donc pas remplir les critères d’une jurisprudence constante selon laquelle il incombe à la partie requérante, lorsque l’intérêt qu’elle fait valoir concerne une situation juridique future, d’apporter la preuve que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine.

77      Or, Bionorica et Diapharm estimeraient que, même un refus d’autorisation des allégations de santé concernant des substances botaniques pourrait leur conférer un avantage. Selon la Commission, cet argument, qui ne pourrait en aucun cas émaner d’une entreprise du secteur alimentaire souhaitant utiliser une allégation de santé, montre précisément que les requérantes attachent de l’importance non pas à l’autorisation des allégations de santé concernant des substances botaniques, mais uniquement à l’existence d’une liste quelconque, qui pourrait certes avoir des effets sur la situation juridique d’autres entreprises mais qui, au regard des activités commerciales des requérantes, ne peut concerner que leur situation de fait.

78      Dans le cas de Bionorica, un tel refus signifierait que les entreprises du secteur alimentaire n’auraient plus le droit d’utiliser ces allégations, ce qui permettrait à Bionorica, en tant que fabricant de médicaments à base de plantes, de tenir à distance des concurrents indésirables du secteur alimentaire. Quant à Diapharm, le refus ou l’autorisation ou encore le maintien de la suspension des allégations de santé concernant des substances botaniques serait également sans aucun effet sur sa situation juridique, étant donné que cette société peut exercer ses activités de conseil dans tous les cas de figure.

79      Enfin, la Commission conclut au rejet des arguments des requérantes tirés d’une prétendue insécurité juridique du fait de l’application de dispositions transitoires, en faisant valoir que la validité des constatations du Tribunal au sujet de la sécurité juridique, contestées par les requérantes, est pleinement confirmée par la jurisprudence en la matière.

 Appréciation de la Cour

–       En ce qui concerne le premier moyen dans l’affaire C596/15 P

80      Il ressort de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 que, même si, dans son appréciation de l’intérêt à agir de Bionorica, le Tribunal est parti de la prémisse selon laquelle elle était un producteur de denrées alimentaires, il ne s’est pas fondé sur cette qualité alléguée de Bionorica pour conclure qu’elle ne disposait pas d’un intérêt à agir.

81      Dans ces conditions, il convient de constater que, dans la mesure où les conséquences que Bionorica tire de la dénaturation, par le Tribunal, des faits la concernant procèdent d’une lecture erronée de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14, les arguments présentés par cette dernière à cet égard doivent être écartés comme étant inopérants en ce qu’ils ne sont pas susceptibles d’aboutir à l’annulation de cette ordonnance (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 87 et 88, ainsi que du 26 juillet 2017, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P, non publié, EU:C:2017:598, points 63 à 65).

82      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans l’affaire C‑596/15 P.

–       En ce qui concerne le troisième moyen dans l’affaire C596/15 P et le deuxième moyen dans l’affaire C597/15 P

83      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il appartient au requérant d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir, en ce sens, ordonnance du 31 juillet 1989, S./Commission, 206/89 R, EU:C:1989:333, point 8, et arrêt du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 27).

84      L’intérêt à agir d’un requérant doit être né et actuel et ne peut concerner une situation future et hypothétique. Cet intérêt doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui‑ci, sous peine d’irrecevabilité, et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non‑lieu à statuer (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 56 et 57 ainsi que jurisprudence citée).

85      L’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice personnel à la partie qui l’a intenté (arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 ainsi que jurisprudence citée ; du 17 avril 2008, Flaherty e.a./Commission, C‑373/06 P, C‑379/06 P et C‑382/06 P, EU:C:2008:230, point 25, et du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 25). En revanche, l’intérêt à agir fait défaut lorsque l’issue favorable d’un recours ne serait pas de nature, en tout état de cause, à donner satisfaction au requérant (voir, par analogie, arrêt du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, EU:C:2011:370, point 49 et jurisprudence citée).

86      En l’occurrence, en premier lieu, aux points 38 à 43 et 45 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 38 à 42 et 44 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, le Tribunal a accueilli l’argument de la Commission selon lequel Bionorica et Diapharm ne sauraient tirer aucun bénéfice certain de l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées dans la mesure où, en substance, le régime transitoire applicable place déjà les allégations de santé en suspens dans une situation aussi bénéfique que celle des allégations de santé autorisées.

87      Or, une telle constatation d’équivalence des régimes transitoire et définitif ne saurait être accueillie. À cet égard, s’il est vrai, comme l’a jugé le Tribunal respectivement au point 43 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et au point 42 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que les allégations de santé autorisées et les allégations de santé en suspens peuvent, en principe, être utilisées pour la commercialisation des denrées alimentaires, il n’en demeure pas moins que ces deux catégories d’allégations de santé sont soumises à des exigences différentes et ne jouissent pas des mêmes conditions.

88      En effet, tandis que l’article 17, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006 autorise, en principe, tout exploitant du secteur alimentaire à utiliser les allégations de santé autorisées, figurant sur ladite liste définitive et unique pour l’Union, les allégations de santé en suspens soumises au régime transitoire doivent notamment être conformes, en vertu de l’article 28, paragraphes 5 et 6, de ce règlement, à ce dernier ainsi qu’aux dispositions nationales qui leur sont applicables.

89      Cela implique, notamment, d’une part, que, conformément à l’article 3, second alinéa, sous a), et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 1924/2006, toutes les allégations de santé ne doivent pas être ambiguës ou trompeuses et doivent reposer sur des preuves scientifiques généralement admises. D’autre part, les allégations de santé en suspens doivent répondre également, dans chaque État membre, aux exigences de son propre régime national. En conséquence, leur examen au cas par cas comporte un risque de donner lieu à des résultats divergents à l’issue des procédures administratives et judiciaires nationales relatives à l’autorisation de telles allégations, non seulement d’un État membre à un autre, mais aussi à l’intérieur d’un même État membre.

90      À cet égard, la Commission a indiqué, lors de l’audience devant la Cour, que les dispositions nationales des États membres diffèrent notamment sur la question de savoir si une substance botanique est sûre.

91      Or, il importe d’observer qu’une telle situation transitoire, prolongée d’une manière indéfinie au‑delà de la période devant prendre fin, en vertu de l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006, au plus tard le 31 janvier 2010, ne répond pas aux exigences de ce dernier règlement, formulées au considérant 23 de celui-ci, selon lesquelles, pour garantir une évaluation scientifique des allégations de santé harmonisée et répondant aux exigences les plus élevées, il conviendrait que ladite évaluation soit effectuée par l’EFSA (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Verband Sozialer Wettbewerb, C‑19/15, EU:C:2016:563, point 41).

92      Au vu des considérations exposées aux points 87 à 91 du présent arrêt, il y a lieu de relever que, aux points 47 et 48 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et aux points 46 et 47 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, le Tribunal a fondé son raisonnement sur la prémisse erronée de l’équivalence des régimes transitoire et définitif et est arrivé, à tort, à la conclusion que des conditions de concurrence inégales ne peuvent être créées qu’à l’égard des producteurs dont les allégations de santé ont été rejetées à la suite de l’adoption du règlement nº 432/2012 par rapport à ceux dont les allégations de santé ont été autorisées en vertu de celui-ci, et non pas à l’égard des producteurs dont les allégations de santé sont demeurées en suspens.

93      Quant à la constatation opérée par le Tribunal au point 45 de l’ordonnance dans l’affaire T‑619/14 et au point 44 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, selon laquelle milite contre la reconnaissance de l’intérêt à agir de Bionorica et de Diapharm la circonstance que le régime transitoire est susceptible d’être plus avantageux que le rejet définitif d’une allégation de santé eu égard au fait que, par le règlement nº 432/2012, qui a établi une liste partielle des allégations de santé autorisées, la Commission n’avait autorisé que 222 allégations parmi un total de plus de 2 000 allégations examinées, il convient de relever qu’elle est entachée d’erreurs.

94      En effet, retenir une telle approche reviendrait à accepter, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, qu’un requérant n’aurait intérêt à introduire un recours en carence que si l’issue potentielle la plus défavorable de ce recours était plus bénéfique que la situation actuelle.

95      Or, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 85 du présent arrêt, l’intérêt à agir fait défaut seulement lorsque l’issue favorable d’un recours ne serait pas de nature, en tout état de cause, à donner satisfaction au requérant.

96      À cet égard, même le rejet d’une allégation de santé peut procurer un bénéfice, en termes de sécurité juridique, pour un opérateur économique qui planifie son entrée sur le marché des denrées alimentaires ou des compléments alimentaires. En effet, une détermination univoque du statut juridique des allégations de santé jusqu’ici en suspens permettrait ainsi à un tel opérateur d’adapter sa stratégie commerciale.

97      Dans ces conditions, au vu des erreurs de droit commises par le Tribunal, constatées aux points 87 à 96 du présent arrêt, il y a lieu de déclarer le troisième moyen dans l’affaire C‑596/15 P fondé. En conséquence, il convient d’accueillir le pourvoi dans l’affaire C‑596/15 P.

98      En ce qui concerne le deuxième moyen dans l’affaire C‑597/15 P, ainsi qu’il découle des pièces déposées par Diapharm dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, cette dernière est une entreprise de conseil, y compris en matière d’allégations de santé concernant des compléments alimentaires ou des denrées alimentaires. Dans son pourvoi, elle soutient intervenir déjà au stade de la conception et de la création des produits concernés, et fournir à ses clients notamment des recettes de produits prêtes à être appliquées, des propositions d’emballage et d’étiquetage, une aide relative aux questions de droit de la propriété intellectuelle ainsi que des stratégies commerciales et promotionnelles complètes.

99      En revanche, ainsi que Diapharm l’a confirmé devant la Cour, son activité n’inclut ni la production ni la commercialisation de compléments alimentaires ou de denrées alimentaires.

100    Dans son pourvoi, Diapharm affirme que le défaut d’adoption par la Commission de la liste définitive des allégations de santé relatives aux substances botaniques lui porte préjudice en ce qu’il réduit la demande pour ses services, ce qui se traduit par une perte importante de revenus. En effet, en l’absence de cette liste, Diapharm ne serait pas en mesure de fournir des conseils fiables sur d’éventuelles possibilités de commercialisation de compléments alimentaires ou de denrées alimentaires.

101    En l’occurence, il ne peut pas être admis que Diapharm a démontré son intérêt à agir dans la mesure où elle ne peut tirer, conformément à la jurisprudence citée au point 85 du présent arrêt, aucun bénéfice personnel de la reprise, par l’EFSA, de l’évaluation des allégations de santé relatives aux substances botaniques et de l’adoption consécutive d’une liste définitive d’allégations de santé autorisées.

102    En effet, en sa qualité d’opérateur économique qui se situe en amont du processus de production ou de commercialisation de compléments alimentaires ou de denrées alimentaires, Diapharm ne sera pas en mesure d’utiliser elle-même les allégations concernées, pas plus qu’elle ne sera en concurrence directe avec des opérateurs utilisant ces allégations.

103    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en ayant jugé, au point 55 de l’ordonnance dans l’affaire T‑620/14, que le recours en carence de Diapharm doit être rejeté également pour défaut d’intérêt à agir, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

104    Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer le deuxième moyen dans l’affaire C‑597/15 P non fondé.

 Sur le troisième moyen dans l’affaire C597/15 P

105    Par son troisième moyen, Diapharm reproche au Tribunal d’avoir jugé à tort que son activité en tant qu’entreprise de conseil ne présentait pas un lien suffisant avec la production des denrées alimentaires concernées, de telle sorte qu’elle ne remplissait pas la condition d’affectation directe, déterminant sa qualité pour agir.

106    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’intérêt à agir et la qualité pour agir constituent des conditions de recevabilité distinctes qu’une personne physique ou morale doit remplir de façon cumulative afin d’être recevable à former un recours en carence au titre de l’article 265, troisième alinéa, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62).

107    Or, au vu de la réponse apportée au deuxième moyen dans l’affaire C‑597/15 P, selon laquelle le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en ayant jugé que Diapharm n’avait pas d’intérêt à agir, il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen.

108    En conséquence, il convient de rejeter le pourvoi dans l’affaire C‑597/15 P.

 Sur le recours devant le Tribunal

109    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle‑même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

110    En l’occurrence, la Cour estime qu’elle dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission au cours de la procédure en première instance dans l’affaire T‑619/14.

111    La Commission a invoqué, en substance, trois fins de non-recevoir, tirées de ce que le recours n’aurait pas d’objet licite, de l’absence d’intérêt à agir et du défaut de qualité pour agir de Bionorica.

112    Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, la fin de non-recevoir de la Commission tirée de l’absence d’intérêt à agir de Bionorica.

113    À cet égard, ainsi qu’il résulte des éléments présentés par Bionorica devant le Tribunal, notamment des points 13 et 29 de sa requête ainsi que des annexes 8 et 9 de celle-ci, et ainsi qu’elle l’a déclaré devant la Cour, au moment de l’introduction de son recours, elle n’exerçait pas d’activité de fabricant sur le marché des denrées alimentaires ou des compléments alimentaires de l’Union. En effet, Bionorica était un fabricant de médicaments à base de plantes, lesquels ne sont pas visés par les dispositions du règlement n° 1924/2006, qui ne porte que sur les allégations de santé portant sur les denrées alimentaires.

114    Certes, Bionorica soutient que, compte tenu de sa présence sur le marché des médicaments à base de plantes contenant les mêmes substances botaniques que celles visées par les allégations de santé en suspens, elle est prête à entrer sur le marché des compléments alimentaires si les allégations de santé en cause sont autorisées.

115    Toutefois, une simple déclaration d’intention, dans la mesure où elle porte sur une situation future et incertaine, ne saurait suffire, conformément à la jurisprudence citée au point 84 du présent arrêt, pour établir l’intérêt à agir né et actuel de Bionorica (voir également, en ce sens, arrêt du 20 juin 2013, Cañas/Commission, C‑269/12 P, non publié, EU:C:2013:415, points 16 et 17).

116    Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la Commission, il y a lieu de rejeter le recours de Bionorica dans l’affaire T‑619/14 comme irrecevable.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 2, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.

118    Le pourvoi de Bionorica étant accueilli, mais son recours en carence étant rejeté, Bionorica et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens, exposés tant en première instance qu’à l’occasion du pourvoi.

119    La Commission ayant conclu à la condamnation de Diapharm, et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens afférents au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

1)      L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 16 septembre 2015, Bionorica/Commission (T619/14, non publiée, EU:T:2015:723), est annulée.

2)      Le recours en carence introduit par Bionorica SE dans l’affaire T619/14 est rejeté comme étant irrecevable.

3)      Le pourvoi dans l’affaire C597/15 P est rejeté.

4)      Bionorica SE et la Commission européenne supportent chacune leurs propres dépens, exposés tant en première instance dans l’affaire T619/14 qu’à l’occasion du pourvoi dans l’affaire C596/15 P.

5)      Diapharm GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens afférents au pourvoi dans l’affaire C597/15 P.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.