Language of document : ECLI:EU:C:2017:498

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

28 juin 2017 (1)

« Pourvoi – Médicaments à usage humain – Autorisation de mise sur le marché – Règlement (CEE) n° 2309/93 – Procédure centralisée au niveau de l’Union – Développement d’un médicament ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché pour d’autres indications thérapeutiques – Autorisation de mise sur le marché distincte et nouveau nom commercial – Directive 2001/83/CE – Article 6, paragraphe 1, second alinéa, et article 10, paragraphe 1 – Notion d’“autorisation globale” – Période de protection réglementaire des données »

Dans les affaires jointes C‑629/15 P et C‑630/15 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 24 novembre 2015,

Novartis Europharm Ltd, établie à Camberley (Royaume-Uni), représentée par Me C. Schoonderbeek, advocaat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. K. Mifsud-Bonnici et A. Sipos ainsi que par Mme M. Šimerdová, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Teva Pharma BV, établie à Utrecht (Pays-Bas), représentée par Mme K. Bacon, QC, mandatée par M. C. Firth, solicitor,

partie intervenante en première instance (C-629/15 P),

Hospira UK Ltd, établie à Maidenhead (Royaume-Uni), représentée par Mme J. Stratford, QC, mandatée par MM. E. Vickers et N. Stoate, solicitors,

partie intervenante en première instance (C-630/15 P),

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, faisant fonction de président de chambre, MM. M. Safjan et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 décembre 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses pourvois, Novartis Europharm Ltd (ci-après « Novartis ») demande l’annulation, respectivement dans les affaires C‑629/15 P et C‑630/15 P, des arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 15 septembre 2015, Novartis Europharm/Commission (T‑472/12, EU:T:2015:637), et Novartis Europharm/Commission (T‑67/13, non publié, EU:T:2015:636) (ci-après, ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels celui-ci a rejeté ses recours introduits contre, respectivement, la décision d’exécution C (2012) 5894 final de la Commission, du 16 août 2012, accordant une autorisation de mise sur le marché conformément au règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil pour le médicament à usage humain Zoledronic acid Teva Pharma – zoledronic acid, et la décision d’exécution C (2012) 8605 final de la Commission, du 19 novembre 2012, accordant une autorisation de mise sur le marché conformément au règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil pour le médicament à usage humain Zoledronic acid Hospira – zoledronic acid (ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses »).

 Le cadre juridique

 La directive 65/65

2        La directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux médicaments (JO 1965, 22, p. 369), telle que modifiée par la directive 93/39/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 (JO 1993, L 214, p. 22) (ci-après la « directive 65/65 »), a été abrogée par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67). L’article 4 de la directive 65/65 disposait :

« En vue de l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché prévue à l’article 3, le responsable de la mise sur le marché introduit une demande auprès de l’autorité compétente de l’État membre.

[...]

À cette demande doivent être joints les renseignements et les documents suivants :

[...]

8.      Résultats des essais :

–        physico‑chimiques, biologiques ou microbiologiques ;

–        pharmacologiques et toxicologiques ;

–        cliniques.

Toutefois, et sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle et commerciale :

a)      Le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais pharmacologiques et toxicologiques ni les résultats des essais cliniques s’il peut démontrer :

[...]

iii)      soit que le médicament est essentiellement similaire à un produit autorisé, selon les dispositions communautaires en vigueur, depuis au moins six ans dans la Communauté et commercialisé dans l’État membre concerné par la demande ; [...] un État membre peut également étendre cette période à dix ans, par une décision unique couvrant tous les produits mis sur le marché de son territoire, s’il estime que les besoins de la santé publique l’exigent [...]

[...] »

 La directive 2001/83

3        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006 (JO 2006, L 378, p. 1) (ci-après la « directive 2001/83 »), prévoit :

« Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché n’ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation n’ait été délivrée conformément aux dispositions du [règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1)] [...]

Lorsqu’un médicament a obtenu une première autorisation de mise sur le marché conformément au premier alinéa, tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires, ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une autorisation conformément au premier alinéa ou être inclus dans l’autorisation de mise sur le marché initiale. Toutes ces autorisations de mise sur le marché sont considérées comme faisant partie d’une même autorisation globale, notamment aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 1. »

4        L’article 8, paragraphe 3, de cette directive dispose :

« À la demande [d’autorisation de mise sur le marché] doivent être joints les renseignements et les documents suivants [...] :

[...]

i)      résultat des essais :

–        pharmaceutiques (physico‑chimiques, biologiques ou microbiologiques) ;

–        précliniques (toxicologiques et pharmacologiques) ;

–        cliniques ;

[...] »

5        Aux termes de l’article 10, paragraphes 1 et 2, de ladite directive :

« 1.      Par dérogation à l’article 8, paragraphe 3, point i), et sans préjudice de la législation relative à la protection de la propriété industrielle et commerciale, le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’un médicament de référence qui est ou a été autorisé au sens de l’article 6 depuis au moins huit ans dans un État membre ou dans la Communauté.

Un médicament générique autorisé en vertu de la présente disposition ne peut être commercialisé avant le terme de la période de dix ans suivant l’autorisation initiale du médicament de référence.

[...]

La période de dix ans visée au deuxième alinéa est portée à onze ans au maximum si le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché obtient pendant les huit premières années de ladite période de dix ans une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles qui sont jugées, lors de l’évaluation scientifique conduite en vue de leur autorisation, apporter un avantage clinique important par rapport aux thérapies existantes.

2.      Aux fins du présent article, on entend par :

a)      “médicament de référence”, un médicament autorisé au sens de l’article 6, conformément à l’article 8 ;

b)      “médicament générique”, un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. [...] »

 Le règlement (CEE) n° 2309/93

6        Le règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments (JO 1993, L 214, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement n° 726/2004. L’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 2309/93 prévoyait :

« Les médicaments autorisés par la Communauté conformément aux dispositions du présent règlement bénéficient de la période de protection de dix ans visée à l’article 4 paragraphe 2 point 8 de la directive [65/65]. »

 Le règlement n° 726/2004

7        L’article 14, paragraphe 11, du règlement n° 726/2004 dispose :

« Les médicaments à usage humain autorisés conformément aux dispositions du présent règlement bénéficient, sans préjudice du droit concernant la protection de la propriété industrielle et commerciale, d’une période de protection des données d’une durée de huit ans et d’une période de protection de la mise sur le marché d’une durée de dix ans portée à onze ans au maximum si le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché obtient pendant les huit premières années de ladite période de dix ans une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles qui sont jugées, lors de l’évaluation scientifique conduite en vue de leur autorisation, apporter un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes. »

8        L’article 89 de ce règlement est libellé comme suit :

« Les périodes de protection prévues [notamment à l’article] 14, paragraphe 11, [...] ne s’appliquent pas aux médicaments de référence pour lesquels une demande d’autorisation a été présentée avant [le 20 novembre 2005]. »

 Le règlement (CE) n° 1085/2003

9        Le règlement (CE) n° 1085/2003 de la Commission, du 3 juin 2003, concernant l’examen des modifications des termes d’une autorisation de mise sur le marché de médicaments à usage humain et de médicaments vétérinaires relevant du règlement n° 2309/93 (JO 2003, L 159, p. 24), a été abrogé par le règlement (CE) n° 1234/2008 de la Commission, du 24 novembre 2008, concernant l’examen des modifications des termes d’une autorisation de mise sur le marché de médicaments à usage humain et de médicaments vétérinaires (JO 2008, L 334, p. 7). C’est néanmoins le règlement n° 1085/2003 qui est applicable ratione temporis aux présentes affaires.

10      L’article 2 du règlement n° 1085/2003, intitulé « Champ d’application », était libellé comme suit :

« Le présent règlement ne s’applique pas aux :

a)      extensions d’autorisations de mise sur le marché qui remplissent les conditions fixées à l’annexe II du présent règlement ;

[...]

Les extensions mentionnées au point a) du paragraphe 1 sont évaluées conformément [au règlement n° 2309/93] [...] »

11      L’article 3 de ce règlement, intitulé « Définitions », disposait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

3)      “modification d’importance majeure” de type II : une modification qui ne peut être considérée comme une modification d’importance mineure ou comme une extension de l’autorisation de mise sur le marché ;

[...] »

12      L’article 6 dudit règlement, intitulé « Procédure d’autorisation applicable aux modifications d’importance majeure de type II », était rédigé comme suit :

« [...]

2.      Une demande ne doit porter que sur une seule modification de type II. Lorsque plusieurs modifications de type II doivent être apportées aux termes d’une même autorisation de mise sur le marché, le titulaire de l’autorisation adresse une demande distincte pour chaque modification souhaitée ; il indique également dans chacune d’elles l’existence des autres demandes.

[...]

6.      Le comité compétent au sein de l’[Agence européenne pour l’évaluation des médicaments, devenue l’Agence européenne des médicaments (EMA)] rend un avis dans les soixante jours qui suivent le début de la procédure.

[...]

Ce délai peut être porté à quatre-vingt-dix jours pour des modifications concernant le changement ou l’ajout d’indications thérapeutiques.

[...] »

13      Aux termes de l’annexe II du même règlement, intitulée « Modifications apportées à une autorisation de mise sur le marché nécessitant l’introduction d’une demande d’extension conformément à l’article 2 » :

« Ces changements, dont la liste figure ci‑dessous, seront considérés comme une demande d’“extension”, conformément à l’article 2.

Une extension ou une modification de l’autorisation de mise sur le marché existante devra être délivrée par la Communauté.

Le nom du médicament sera identique pour l’“extension” et pour l’autorisation de mise sur le marché existante.

[...]

Changements nécessitant une demande d’extension

[...]

2.      Changements du dosage, de la forme pharmaceutique et de la voie d’administration :

[...]

iii)      modification d’un dosage/d’une activité ou ajout d’un nouveau/d’une nouvelle ;

[...] »

 Les antécédents du litige

14      Les antécédents du litige, tels qu’ils ont été exposés dans les arrêts attaqués, peuvent être résumés comme suit.

15      Les deux pourvois introduits par Novartis sont relatifs à deux décisions de la Commission européenne, adoptées dans le courant de l’année 2012, portant octroi d’une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM »), selon la procédure centralisée, régie alors par le règlement n° 726/2004, pour deux médicaments génériques, à savoir le Zoledronic acid Teva Pharma – zoledronic acid (ci-après le « Z.a. Teva »), produit par Teva Pharma BV (ci‑après « Teva »), et le Zoledronic acid Hospira – zoledronic acid (ci-après le « Z.a. Hospira »), produit par Hospira UK Ltd (ci‑après « Hospira »). Ces médicaments génériques ont tous deux comme médicament de référence l’Aclasta, fabriqué par Novartis.

16      Le 20 mars 2001, Novartis a obtenu une AMM, dans le cadre de la procédure centralisée, pour le médicament Zometa, dont la substance active est l’acide zolédronique, pour un ensemble d’indications oncologiques, sur la base du règlement n° 2309/93. Il découle de l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 2309/93, qui renvoie à l’article 4, paragraphe 2, point 8, de la directive 65/65, que le Zometa bénéficiait d’une période de protection de dix ans à compter du 20 mars 2001.

17      Novartis a poursuivi ses recherches sur la même substance active, mais pour des indications non oncologiques, ce qui a donné lieu à un programme de développement clinique différent, portant sur une autre population de patients et recourant à d’autres dosages. Le 15 avril 2005, elle a obtenu, toujours sur la base du règlement n° 2309/93, une AMM pour le médicament issu de ces recherches complémentaires, l’Aclasta. Ce dernier est donc un médicament dont la substance active est la même que celle du Zometa, à savoir l’acide zolédronique, mais dont les indications thérapeutiques sont différentes de celles du Zometa et dont le dosage a été adapté à ces nouvelles indications.

18      Respectivement les 25 mai et 22 juin 2011, c’est-à-dire après l’expiration de la période de protection des données dont bénéficiait le Zometa, Teva et Hospira ont introduit une demande d’AMM sur la base du règlement n° 726/2004 pour leurs médicaments respectifs, à savoir le Z.a. Teva et le Z.a. Hospira, dont la substance active est aussi l’acide zolédronique. La demande de Teva portait sur une copie générique de l’Aclasta. La demande de Hospira, quant à elle, portait sur quatre présentations différentes, dont trois constituaient des copies génériques soit du Zometa, soit de l’Aclasta.

19      Dans lesdites demandes, Teva et Hospira se référaient aux résultats des essais précliniques et cliniques présentés par Novartis dans les demandes d’AMM pour le Zometa et l’Aclasta.

20      Par les décisions litigieuses, la Commission a accordé des AMM pour le Z.a. Teva et pour le Z.a. Hospira.

 La procédure devant le Tribunal et les arrêts attaqués

21      Par ses requêtes déposées devant le Tribunal respectivement le 30 octobre 2012 (affaire T‑472/12) et le 1er février 2013 (affaire T‑67/13), Novartis a demandé l’annulation des décisions litigieuses en tant qu’elles accordent des AMM pour le Z.a. Teva et pour la présentation du Z.a. Hospira, les deux constituant, chacun, une copie générique de l’Aclasta (ci‑après les « copies génériques de l’Aclasta »).

22      Au soutien de chacun de ses recours, Novartis a présenté un moyen unique, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83 et de l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 2309/93, lus en combinaison avec l’article 14, paragraphe 11, et l’article 89 du règlement n° 726/2004.

23      Dans le cadre de ces recours, Novartis a allégué qu’elle bénéficiait d’une période de protection des données de dix ans en ce qui concerne l’Aclasta, conformément à l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 2309/93, de sorte qu’aucune demande d’AMM pour un médicament générique de l’Aclasta ne pouvait être acceptée avant le 15 avril 2015. Partant, en tant qu’elles font droit aux demandes d’AMM pour les copies génériques de l’Aclasta, introduites avant cette date, les décisions litigieuses seraient contraires à l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 2309/93.

24      La Commission, soutenue par Teva et par Hospira, intervenues volontairement devant le Tribunal dans la procédure relative à la copie générique de l’Aclasta qui les concerne respectivement, a justifié cette décision en alléguant que, l’AMM de l’Aclasta ne portant que sur de nouvelles indications thérapeutiques de la substance active du Zometa, l’AMM de l’Aclasta est incluse dans l’AMM du Zometa, délivrée le 20 mars 2001, qui serait une « autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, de sorte que Novartis n’aurait pas bénéficié d’une période de protection des données indépendante pour l’Aclasta.

25      Aux points 44 à 46 de chacun des arrêts attaqués, le Tribunal a analysé l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83 et en a déduit que « l’AMM pour tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires ainsi que pour toute modification et extension d’un médicament initial est incluse dans l’autorisation globale de celui-ci », de sorte que « l’octroi de l’AMM pour de tels développements ne donne pas lieu à une période de protection réglementaire des données indépendante ». À cet égard, faisant référence aux arrêts du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583) ; du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals (C‑106/01, EU:C:2004:245), ainsi que du 9 décembre 2004, Approved Prescription Services (C‑36/03, EU:C:2004:781), le Tribunal a souligné, au point 45 des arrêts attaqués, que les nouvelles indications thérapeutiques, les nouveaux dosages, posologies et voies d’administration, ainsi que les nouvelles formes pharmaceutiques d’un médicament initial relèvent de la notion d’« autorisation globale », et, partant, ne bénéficient pas d’une période de protection réglementaire des données indépendante.

26      Au point 47 de chacun des arrêts attaqués, le Tribunal a constaté que l’Aclasta possède la même substance active que le Zometa et s’en distingue par de nouvelles indications thérapeutiques, non oncologiques, et par un dosage différent, adapté à ces nouvelles indications. Il a considéré que ces nouvelles indications thérapeutiques constituaient des modifications majeures de type II, au sens du règlement n° 1085/2003, et que la modification de dosage ou l’ajout d’un nouveau dosage constituait une extension d’AMM, par référence au point 2, sous iii), de l’annexe II de ce règlement.

27      Poursuivant, au point 52 de chacun des arrêts attaqués, l’analyse de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, le Tribunal a constaté que les termes de cette disposition n’opèrent aucune distinction entre le développement d’un médicament initial autorisé au moyen de la modification de l’AMM de ce médicament et le développement d’un médicament initial autorisé au moyen de l’obtention d’une AMM distincte sous un nom distinct, comme en l’occurrence. Dès lors, la notion d’« autorisation globale » au sens de cette disposition devrait recevoir une interprétation fonctionnelle et pourrait englober plusieurs AMM distinctes d’un point de vue formel. Ainsi, il serait indifférent qu’un dosage, une forme pharmaceutique, une voie d’administration ou une présentation supplémentaires d’un médicament initial ou encore une modification ou une extension ait donné lieu à une modification de l’AMM initiale ou à une AMM distincte sous un nom distinct. Dans les deux cas, il y aurait lieu de prendre en considération une même AMM globale en ce qui concerne la période de protection des données.

28      Dès lors, au point 53 de chacun des arrêts attaqués, le Tribunal a écarté l’interprétation de la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, prônée par Novartis, selon laquelle une autorisation globale viserait uniquement les développements donnant lieu à une modification ou à une extension de l’AMM du médicament initial telles que visées par le règlement n° 1085/2003, et non à l’octroi d’une AMM distincte pour un médicament portant un nom différent.

29      Par ailleurs, aux points 54 à 60 de chacun des arrêts attaqués, le Tribunal a relevé que la réglementation de l’Union en matière de médicaments applicable au moment où la demande d’AMM a été introduite pour l’Aclasta ne régissait pas la question de savoir si un développement de ce médicament devait être autorisé par une modification des termes de l’AMM initiale ou s’il pouvait l’être par l’octroi d’une AMM distincte. En effet, ce ne serait qu’à la suite de l’entrée en vigueur du règlement n° 726/2004 qu’une restriction en ce qui concerne l’octroi de plusieurs AMM a été introduite. Partant, au moment où elle a déposé sa demande d’AMM relative à l’Aclasta, Novartis était en droit de choisir d’introduire soit une demande de modification des termes et d’extension de l’AMM du Zometa, soit une demande d’AMM distincte pour un médicament portant un autre nom, comme elle l’a fait pour des raisons commerciales, ainsi qu’en attesterait le contenu de sa lettre adressée le 26 février 2001 à l’EMA, et du rapport public d’évaluation relatif à l’Aclasta. Or, selon le Tribunal, la stratégie de marché d’une entreprise ne saurait avoir d’incidence en ce qui concerne la période de protection des données pour une substance active donnée. Il s’est référé, à cet égard, au point 57 des conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Novartis Pharmaceuticals (C‑106/01, EU:C:2003:49, point 57), selon lesquelles, sous peine de faire primer la forme sur le fond et de permettre d’obtenir une protection supplémentaire des données en contournant la jurisprudence résultant de l’arrêt du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583), l’application de cette jurisprudence ne saurait être écartée lorsqu’une variante d’un médicament de référence, autorisée postérieurement à ce dernier, fait l’objet d’une nouvelle désignation. En effet, selon le Tribunal, si l’autorisation d’une modification consistant en une amélioration d’un médicament de référence par l’octroi d’une AMM distincte faisait automatiquement courir une période indépendante de protection des données, le titulaire de l’AMM d’un médicament de référence serait en mesure de prolonger indéfiniment la période de protection des données relative à ce médicament.

30      Aux points 62 à 66 de chacun des arrêts attaqués, le Tribunal a considéré qu’une telle possibilité serait contraire aux objectifs poursuivis à cet égard par le législateur de l’Union européenne, tels qu’ils ressortent des considérants 9 et 10 de la directive 2001/83, à savoir concilier, d’une part, la protection suffisante des travaux de recherche et de développement entrepris par les entreprises pharmaceutiques innovantes, et, d’autre part, la volonté d’éviter les essais superflus sur l’homme et sur l’animal. Cette possibilité serait également en contradiction avec la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, l’objectif poursuivi étant de permettre l’économie du temps et des coûts nécessaires pour rassembler les résultats des essais précliniques et cliniques, ainsi que d’éviter la répétition des essais sur l’homme ou sur l’animal. Par ailleurs, il serait vain d’invoquer la nécessité de protéger les investissements pouvant être requis pour améliorer ou développer un médicament initial, puisque le législateur de l’Union aurait expressément réglé cette question à l’article 10, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 2001/83 et à l’article 14, paragraphe 11, du règlement n° 726/2004, en prévoyant une année de protection supplémentaire en cas d’octroi d’une autorisation pour une innovation significative pendant les huit premières années après l’obtention de l’AMM initiale. Le Tribunal relève, au passage, que cette protection complémentaire serait inutile si l’obtention d’une AMM distincte pour de nouvelles indications thérapeutiques et un nouveau dosage d’un médicament permettait aux demandeurs d’obtenir d’office une nouvelle période de protection réglementaire des données à compter de l’obtention de cette AMM distincte.

31      Par les arrêts attaqués, le Tribunal a rejeté les recours de Novartis dans leur intégralité et a condamné celle-ci aux dépens.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

32      Par ordonnance du président de la Cour du 4 octobre 2016, les affaires C‑629/15 P et C‑630/15 P ont été jointes aux fins de la procédure orale ainsi que de l’arrêt, conformément à l’article 54 du règlement de procédure de la Cour.

33      Dans chacune des deux affaires, Novartis demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

34      Dans chacune des deux affaires, la Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner Novartis aux dépens.

35      Dans l’affaire C‑629/15 P, Teva demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner Novartis aux dépens.

36      Dans l’affaire C‑630/15 P, Hospira demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner Novartis aux dépens.

 Sur les pourvois

37      Au soutien de ses deux pourvois, Novartis fait valoir, en substance, deux moyens identiques, tirés, le premier, d’une violation de la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, et, le second, de l’insuffisance de motivation à l’appui de l’interprétation de cette disposition.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

38      Novartis soutient que les arrêts attaqués violent la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, en ce qu’ils décideraient que toute autorisation accordée dans le cadre du développement, sous la forme d’une nouvelle indication thérapeutique ou d’un nouveau dosage d’un médicament existant, fait, en toute hypothèse, partie de l’« autorisation globale » de ce médicament. Selon Novartis, cette disposition devrait être interprétée en ce sens qu’une telle assimilation n’interviendrait que lorsque l’AMM afférente au développement dudit médicament a été délivrée à la suite d’une demande visant expressément la modification de l’AMM initiale, et non pas lorsque ce développement a fait l’objet d’une AMM distincte, délivrée dans le cadre de la procédure centralisée, pour un médicament portant un nouveau nom.

39      Par la première branche de son premier moyen, Novartis reproche dès lors au Tribunal d’avoir retenu une interprétation large de la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, en se basant, erronément, au point 45 des arrêts attaqués, sur la jurisprudence de la Cour, notamment sur les arrêts du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583) ; du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals (C‑106/01, EU:C:2004:245), ainsi que du 9 décembre 2004, Approved Prescription Services (C‑36/03, EU:C:2004:781). En effet, plusieurs motifs s’opposeraient à ce qu’une telle interprétation puisse être déduite de cette jurisprudence.

40      En premier lieu, ladite jurisprudence serait relative à la réglementation de l’Union précédemment en vigueur. Or, cette dernière se singulariserait à deux égards par rapport à celle applicable aux présentes affaires. D’une part, elle aurait régi la question de la protection des données par référence à un critère unique, à savoir que deux médicaments soient « essentiellement similaires ». D’autre part, la réglementation de l’Union précédemment en vigueur n’aurait pas restreint la possibilité pour le demandeur de solliciter, pour le développement d’un médicament déjà autorisé, une nouvelle AMM de celui-ci, sous un nouveau nom.

41      En deuxième lieu, le législateur de l’Union, lorsqu’il a introduit, par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, modifiant la directive 2001/83 (JO 2004, L 136, p. 34), la notion d’« autorisation globale » à l’article 6 de la directive 2001/83, n’aurait pas pu tenir compte, ratione temporis, des arrêts du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals (C‑106/01, EU:C:2004:245), et du 9 décembre 2004, Approved Prescription Services (C‑36/03, EU:C:2004:781).

42      En troisième lieu, quant à l’arrêt du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583), en ce qu’il décide que le développement d’un médicament consistant en une nouvelle indication thérapeutique ne bénéficie pas d’une protection des données autonome, cette interprétation n’aurait pas été confirmée par le législateur de l’Union, dès lors que l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83 ne mentionne pas les nouvelles indications thérapeutiques parmi les modifications entrant, en toute hypothèse, dans le cadre de l’« autorisation globale ».

43      Par la deuxième branche de son premier moyen, Novartis fait grief au Tribunal d’avoir considéré, notamment aux points 47 et 56 des arrêts attaqués, que, compte tenu du fait que l’Aclasta et le Zometa contiennent la même substance active, l’Aclasta aurait pu être autorisé en tant que modification (de type II) du Zometa, ce qui aurait eu pour effet d’inclure l’Aclasta dans l’AMM globale du Zometa. Ainsi, la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, engloberait tout développement susceptible d’être autorisé en tant que modification ou extension de l’AMM du médicament initial, indépendamment du fait qu’un tel développement a, en réalité, donné lieu à l’octroi d’une AMM nouvelle en tant que nouveau médicament avec un nouveau nom.

44      Cette interprétation serait contraire au libellé de cette disposition. En effet, cette dernière viserait, en tant qu’autorisations devant être incluses dans l’« autorisation globale », uniquement celles qui ont été effectivement délivrées au titre d’un changement de dosage, de forme pharmaceutique, de voie d’administration et de présentation d’un médicament couvert par une première AMM, ainsi que de toute modification et extension, et non pas, de manière beaucoup plus large, les autorisations qui auraient pu être incluses dans cette autorisation globale, sur le fondement de ladite disposition. Une interprétation aussi large de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83 ne serait d’ailleurs pas conforme à l’intention du législateur de l’Union, dans la mesure où, s’il indique, de manière générale, que l’autorisation relative à « toute modification et extension » d’un médicament couvert par une première AMM fait partie, avec cette dernière, d’une même autorisation globale, cette disposition précise que cela vaut également s’agissant d’une autorisation relative à « tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires » d’un tel médicament. Selon Novartis, si l’intention du législateur de l’Union avait été de considérer que, de manière générale, tous les changements qui « auraient pu » être autorisés en tant que modification ou extension d’un médicament couvert par une première AMM devaient être réputés comme étant inclus dans l’AMM globale, il n’aurait pas fait référence, en outre, à ces changements spécifiques, puisque ces derniers auraient été compris dans la notion de « toute modification et extension ».

45      En outre, la sécurité juridique serait compromise si le mode effectif d’autorisation par voie de modification ou d’extension de l’AMM initiale ou par voie de nouvelle AMM avec un nouveau nom n’était pas décisif pour déterminer ce qui est couvert par la notion d’« autorisation globale ».

46      Enfin, Novartis reproche au Tribunal de ne pas avoir abordé la question de savoir si son interprétation de la notion d’« autorisation globale » offre une récompense équitable pour les recherches nouvelles et innovantes des entreprises pharmaceutiques.

47      Par la troisième branche de son premier moyen, Novartis soutient que le Tribunal a considéré à tort, aux points 54 et suivants des arrêts attaqués, que Novartis disposait du choix de demander soit une modification de l’AMM du Zometa couvrant les nouvelles indications thérapeutiques et d’extension pour les nouveaux dosages de ce médicament, soit une nouvelle demande d’AMM, avec un nouveau nom commercial.

48      En effet, selon Novartis, conformément au règlement n° 1085/2003, une demande portant sur une nouvelle indication thérapeutique pour la substance active du Zometa aurait été traitée, par défaut, comme une demande de modification de l’AMM du Zometa et, à supposer même que cette demande ait donné lieu à une AMM de ce médicament en tant qu’extension de l’AMM initiale, le nom du médicament aurait dû demeurer le même, soit non pas Aclasta, mais Zometa, conformément à l’annexe II, troisième alinéa, de ce règlement. En l’espèce, pour obtenir une nouvelle AMM sous un nouveau nom, Novartis aurait été contrainte de présenter sa demande sur la base d’un dossier complet et de soumettre celle-ci à une évaluation dans le cadre de la procédure centralisée, dans le respect des critères établis par la réglementation en vigueur. Selon Novartis, cela n’a pu être le cas, en l’occurrence, qu’en raison du fait que le développement que constitue l’Aclasta est une innovation significative sur le plan thérapeutique, scientifique ou technique. En effet, la procédure centralisée, que ce soit sous l’empire du règlement n° 2309/93 ou du règlement n° 726/2004, applicable aux présentes affaires, permettrait d’octroyer une AMM distincte en tant que nouveau médicament, avec un nouveau nom, à certaines innovations qui pourraient théoriquement être autorisées en tant que modification ou extension d’une AMM existante. L’affirmation du Tribunal selon laquelle la réglementation de l’Union ne trancherait pas la question de savoir quand le développement d’un médicament doit être autorisé par voie de modification de l’AMM existante ou par voie d’une AMM distincte serait, dès lors, inexacte, ou, en tout cas, incompréhensible à défaut d’explication.

49      Par la quatrième branche de son premier moyen, Novartis soutient que le Tribunal a erronément justifié, aux points 60 et 61 des arrêts attaqués, son interprétation de la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, en jugeant que, si une AMM distincte octroyée pour le développement d’un médicament n’était pas considérée comme faisant partie, avec l’AMM initiale de ce médicament, d’une « autorisation globale », la période de protection des données pour un même médicament pourrait être indéfiniment prolongée, en contradiction avec les objectifs de la réglementation.

50      En effet, la possibilité d’obtenir une AMM distincte pour un médicament portant un nouveau nom commercial, alors qu’il s’agirait en réalité du développement de ce même médicament précédemment autorisé, serait strictement encadrée et limitée aux cas exceptionnels dans lesquels les critères spécifiques de la procédure centralisée sont remplis. En outre, dans ce cas, dès lors qu’il s’agirait d’une AMM distincte octroyée pour un nouveau médicament et avec une nouvelle inscription au registre communautaire des médicaments, il existerait une protection des données indépendante et, partant, dépourvue d’effet en ce qui concerne la protection des données relatives à tout autre médicament, en l’occurrence celle relative au Zometa pour les indications thérapeutiques de celui-ci.

51      La Commission, Teva et Hospira concluent au rejet du premier moyen.

 Appréciation de la Cour

52      La première branche du premier moyen est fondée sur le grief selon lequel le Tribunal aurait, à tort, retenu une interprétation large de la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, sur la base d’une jurisprudence de la Cour non pertinente en l’espèce.

53      À cet égard, il convient de constater que le Tribunal a, certes, fait référence, aux points 45 et 64 des arrêts attaqués, à la jurisprudence de la Cour relative à la réglementation précédemment en vigueur concernant la protection des données des médicaments. Toutefois, dans son interprétation de la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, le Tribunal s’est fondé, ainsi qu’il ressort des points 52 à 67 des arrêts attaqués, sur une analyse propre des textes, du contexte et du système relatifs à la protection des données dans le cadre de cette directive.

54      Quant à la pertinence de la jurisprudence de la Cour à laquelle le Tribunal s’est référé dans les arrêts attaqués, il convient de rappeler que la Cour a défini, au point 36 de l’arrêt du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583), la notion de spécialités pharmaceutiques « essentiellement similaires » dans le cadre de la directive 65/65. La Cour a jugé, au point 42 de ce dernier arrêt, que l’identité des indications thérapeutiques ne figure pas au nombre des critères qui doivent être satisfaits afin que deux spécialités pharmaceutiques puissent être considérées comme essentiellement similaires. Cette définition a amené la Cour à conclure, au point 43 dudit arrêt, que, dans le cadre de la procédure abrégée, un demandeur peut recourir non seulement aux données fournies pour le médicament initial, mais aussi aux données plus récentes relatives aux indications thérapeutiques de ce médicament initial qui ont été développées ultérieurement. Il ressort de cette jurisprudence que les données présentées pour les nouvelles indications thérapeutiques n’ouvrent aucune période de protection réglementaire autonome.

55      À cet égard, il convient de noter que le contexte réglementaire concernant la protection des données des médicaments de référence n’a pas été fondamentalement modifié par rapport à celui dans lequel est intervenu l’arrêt du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583). En effet, à la notion de « médicament essentiellement similaire », qui gouvernait la question de l’utilisation des données pour une demande d’AMM pour un médicament générique dans le cadre de la directive 65/65, correspondent désormais les notions de « médicament générique » et de « médicament de référence ». Or, la définition de la notion de « médicament générique » figurant à l’article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83 reprend les trois critères de la notion de « médicament essentiellement similaire » que la Cour avait dégagés au point 36 dudit arrêt.

56      En outre, conformément à l’article 6 du règlement n° 1085/2003, applicable dans le cadre des présentes affaires, l’ajout de nouvelles indications thérapeutiques est considéré comme une modification d’importance majeure de type II qui inclut ce développement dans l’AMM initiale et n’ouvre donc pas une période de protection des données indépendante. Il en découle que, s’agissant de la période de protection des données pour les nouvelles indications thérapeutiques, le législateur ne s’est pas écarté de l’interprétation retenue par la Cour dans l’arrêt du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583).

57      En ce qui concerne la pertinence des arrêts du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals (C‑106/01, EU:C:2004:245), et du 9 décembre 2004, Approved Prescription Services (C‑36/03, EU:C:2004:781), il convient de noter que la solution qu’ils retiennent, à savoir que le nouveau dosage, la nouvelle voie d’administration et la nouvelle forme pharmaceutique ne bénéficient pas d’une période de protection des données indépendante, est désormais reprise à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83.

58      Il ressort de ce qui précède que, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 79 de ses conclusions, il existe une continuité avec le régime légal antérieur concernant la protection des données des médicaments de référence, tel qu’il a été aussi développé par la jurisprudence de la Cour.

59      Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en se référant, afin d’interpréter la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, aux arrêts de la Cour visés aux points 54 et 57 du présent arrêt, bien qu’ils soient relatifs à une réglementation qui n’était plus applicable aux présentes affaires.

60      Partant, la première branche du premier moyen doit être écartée comme non fondée.

61      Quant aux deuxième et troisième branches du premier moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, Novartis critique, respectivement, le fait, pour le Tribunal, d’avoir considéré que le développement d’un médicament, qui aurait pu être autorisé par la voie d’une modification ou d’une extension de l’AMM de ce médicament, ferait partie d’une même « autorisation globale », indépendamment du fait que ce développement ait fait l’objet d’une AMM distincte, et la considération du Tribunal selon laquelle Novartis avait le choix entre une modification de l’AMM du médicament initial et une demande d’AMM distincte.

62      À cet égard, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/83, aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une AMM ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à cette directive, ou qu’une autorisation ait été délivrée conformément aux dispositions du règlement n° 2309/93, applicable au moment de l’octroi de l’AMM pour l’Aclasta.

63      La notion d’« autorisation globale » est visée à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, qui prévoit que, « [l]orsqu’un médicament a obtenu une première [AMM] conformément au premier alinéa [de ce paragraphe 1], tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires, ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une autorisation conformément au premier alinéa [dudit paragraphe 1] ou être inclus dans l’[AMM] initiale. Toutes ces [AMM] sont considérées comme faisant partie d’une même autorisation globale, notamment aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 1[, de cette directive] ».

64      Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83 renvoie à l’article 10, paragraphe 1, de cette directive et lie ainsi expressément la notion d’« autorisation globale » à la période de protection réglementaire des données des médicaments de référence, figurant audit article 10, paragraphe 1, indépendamment du fait que cette notion couvre des développements divers du médicament initial pour lesquels des données distinctes doivent être fournies à différents moments.

65      Il en ressort que l’« autorisation globale » ne s’accompagne que d’une seule période de protection réglementaire des données qui s’applique tant aux données relatives au médicament initial qu’aux données présentées pour ses développements, tels que le dosage, la forme pharmaceutique, la voie d’administration et la présentation supplémentaires, ainsi que la modification et l’extension. Ladite période débute par la délivrance de l’AMM du médicament initial.

66      Il y a lieu de relever que les termes « toute modification et extension » figurant à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83 visent effectivement une « modification des termes d’une [AMM] » ou une « extension d’[AMM] », au sens du règlement n° 1085/2003, applicable dans le cadre des présentes affaires. En effet, ces modifications reviennent précisément à « inclure dans l’[AMM] initiale » les développements concernés et doivent donc être considérées comme faisant partie de l’« autorisation globale ».

67      À cet égard, il est à noter que Novartis ne critique pas la constatation du Tribunal selon laquelle le Zometa et l’Aclasta se distinguent par de nouvelles indications thérapeutiques et par un dosage différent adapté à ces nouvelles indications.

68      Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l’a considéré au point 47 des arrêts attaqués, d’une part, la modification d’un dosage ou l’ajout d’un dosage est considéré comme une « extension », conformément au point 2, sous iii), de l’annexe II, du règlement n° 1085/2003, et, d’autre part, l’ajout de nouvelles indications thérapeutiques constitue une modification de type II, conformément à l’article 6 de ce règlement.

69      Il en résulte que des changements apportés par le titulaire d’une AMM au dosage ainsi qu’à l’indication thérapeutique d’un médicament constituent des « modifications », au sens du règlement n° 1085/2003, soit des développements de ce médicament, visés à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, de sorte que, ainsi qu’il ressort du point 65 du présent arrêt, l’octroi de l’AMM pour de tels développements ne donne pas lieu à une période de protection réglementaire des données indépendante.

70      Il est vrai que Novartis a sollicité une AMM pour l’Aclasta non pas en tant que modification du médicament Zometa, au titre du règlement n° 1085/2003, mais en tant que nouveau médicament avec un nouveau nom, bénéficiant, à ce titre, d’une AMM distincte.

71      Toutefois, en énonçant que « tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires, ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une [AMM] conformément au premier alinéa ou être inclus dans l’[AMM] initiale », l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83 ne fait aucune distinction, comme l’a relevé à bon droit le Tribunal au point 52 des arrêts attaqués, entre les développements autorisés au moyen de l’obtention d’une AMM distincte et les développements du médicament initial autorisés au moyen de la modification des termes d’une AMM initiale.

72      Il en découle que la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, englobe tous les développements ultérieurs du médicament initial, quelles que soient leurs procédures d’autorisation, à savoir au moyen de la modification de l’AMM initiale de ce médicament ou au moyen de l’obtention d’une AMM distincte.

73      Dans ce contexte, la question de savoir si Novartis avait ou non la possibilité de choisir librement entre ces deux procédures d’AMM pour l’Aclasta n’est pas déterminante.

74      Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 87 des arrêts attaqués, que le développement que constitue l’Aclasta par rapport au Zometa relève d’une situation visée à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, dans la mesure où l’Aclasta constitue un dosage supplémentaire et une modification, consistant en de nouvelles indications thérapeutiques, par rapport au Zometa et doit donc être inclus dans l’« autorisation globale » de celui‑ci aux fins de la période de protection réglementaire des données.

75      En ce qui concerne l’argumentation de Novartis selon laquelle il serait nécessaire de récompenser les recherches innovantes relatives à de nouvelles indications pour un médicament déjà présent sur le marché, il y a lieu de relever que la Cour a déjà jugé, au point 52 de l’arrêt du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C‑368/96, EU:C:1998:583), que, en l’état du droit de l’Union en vigueur à ce moment-là, aucune protection particulière n’existait et qu’il appartenait, le cas échéant, au législateur de l’Union de prendre des mesures visant à renforcer le régime de protection en cas de mise au point de nouvelles indications thérapeutiques relativement à des médicaments ayant déjà fait l’objet d’une AMM.

76      Or, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 69 de ses conclusions, l’article 10, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 2001/83 constitue la réaction du législateur de l’Union à ces considérations de la Cour.

77      En effet, cette disposition précise désormais que la période d’exclusivité commerciale de dix ans dont bénéficie un médicament de référence est augmentée d’une année « si le titulaire de l’[AMM] obtient pendant les huit premières années de ladite période de dix ans une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles qui sont jugées, lors de l’évaluation scientifique conduite en vue de leur autorisation, apporter un avantage clinique important par rapport aux thérapies existantes ».

78      Cette nouvelle disposition est motivée, ainsi que l’a souligné, en substance, M. l’avocat général aux points 65 et 66 de ses conclusions, dans l’exposé des motifs de la proposition ayant donné lieu à l’adoption de la directive 2004/27 qui a introduit cet article 10 dans la directive 2001/83, par la volonté « de favoriser la recherche de nouvelles indications thérapeutiques présentant un bénéfice clinique important ainsi qu’amenant une amélioration du bien-être et de la qualité de vie du patient » tout en veillant à « maintenir le nécessaire équilibre entre la promotion de telles innovations et le besoin de favoriser la production de médicaments génériques ». Cette augmentation d’une année de la période d’exclusivité commerciale constitue ainsi, aux yeux du législateur de l’Union, l’avantage approprié pour récompenser les investissements dans de nouvelles indications thérapeutiques.

79      Partant, les deuxième et troisième branches du premier moyen du pourvoi sont non fondées.

80      Quant à la quatrième branche du premier moyen, Novartis reproche au Tribunal d’avoir considéré, aux points 60 et 61 des arrêts attaqués, que sa thèse permettrait de prolonger indéfiniment la période de protection des données relatives au médicament initial.

81      À cet égard, il convient de relever que l’appréciation des conséquences en fait qui résulteraient de l’application de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83 si cette disposition devait être interprétée conformément à la thèse défendue par Novartis n’est pas pertinente aux fins de déterminer si l’interprétation retenue par le Tribunal dans les arrêts attaqués est entachée d’une erreur de droit.

82      Il s’ensuit que la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant inopérante.

83      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant, pour partie, non fondé et, pour partie, inopérant.

 Sur le second moyen

 Argumentation des parties

84      Par son second moyen, Novartis soutient que le Tribunal n’a pas fourni de « motivation adéquate » à l’appui de l’interprétation qu’il a donnée de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83. En effet, le Tribunal n’aurait pas fourni d’explication concrète concernant la définition exacte et le champ d’application de la notion d’« autorisation globale ». Il se serait limité à expliquer pourquoi les arguments en faveur de l’interprétation prônée par Novartis ne sont pas fondés. Or, une telle motivation ne serait pas suffisante parce qu’elle ne permettrait pas de lever les incertitudes quant au champ d’application de ladite « autorisation globale ».

85      La Commission et Teva concluent au rejet du second moyen.

 Appréciation de la Cour

86      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 36 et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 38).

87      Or, Novartis reproche au Tribunal non pas d’avoir négligé de répondre à ses arguments, mais de s’être limité à y répondre, de sorte qu’il n’aurait, de ce fait, pas interprété la notion d’« autorisation globale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, d’une manière suffisamment complète et propre à lever les incertitudes quant au champ d’application de cette notion.

88      À cet égard, il convient de constater que la motivation du Tribunal, figurant notamment aux points 52 à 67 des arrêts attaqués, a permis aux intéressées de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal s’est basé pour écarter leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre des présents pourvois.

89      Dès lors, le second moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

90      Partant, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

91      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

92      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

93      La Commission, Teva et Hospira ayant conclu à la condamnation de Novartis aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Les pourvois dans les affaires C-629/15 P et C-630/15 P sont rejetés.

2)      Novartis Europharm Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, par Teva Pharma BV et par Hospira UK Ltd dans les affaires C-629/15 P et C-630/15 P.

Signatures


1      Langue de procédure : l’anglais.