Language of document : ECLI:EU:T:2011:108

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 mars 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des raccords en cuivre et en alliage de cuivre – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Durée de la participation à l’infraction – Amendes – Fixation du montant de départ de l’amende – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑377/06,

Comap SA, établie à Paris (France), représentée initialement par Mes A. Wachsmann et C. Pommiès, puis par Mes Wachsmann et D. Nourissier, et enfin par Mes Wachsmann et S. de Guigné, avocats.

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Nijenhuis et V. Bottka, en qualité d’agents, assistés de Me N. Coutrelis, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 4180 de la Commission, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords), ainsi qu’une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans ladite décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 février 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et décision attaquée

1        Par la décision C (2006) 4180, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords) (résumé au JO 2007, L 283, p. 63, ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, au cours de différentes périodes comprises entre le 31 décembre 1988 et le 1er avril 2004, à une infraction unique, complexe et continue aux règles communautaires de concurrence revêtant la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels et de pratiques concertées sur le marché des raccords en cuivre et en alliage de cuivre, qui couvraient le territoire de l’EEE. L’infraction consistait à fixer les prix, à convenir de listes de prix, de remises et de ristournes et de mécanismes d’application des hausses des prix, à répartir les marchés nationaux et les clients et à échanger d’autres informations commerciales ainsi qu’à participer à des réunions régulières et à entretenir d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction.

2        La requérante, Comap SA, un producteur de raccords en cuivre, et sa société mère à l’époque des faits, la holding Legris Industries SA, figurent parmi les destinataires de la décision attaquée.

3        Le 9 janvier 2001, Mueller Industries Inc., un autre producteur de raccords en cuivre, a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des raccords, et dans d’autres industries connexes sur le marché des tubes en cuivre, et de sa volonté de coopérer au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 ») (considérant 114 de la décision attaquée).

4        Les 22 et 23 mars 2001, dans le cadre d’une enquête concernant les tubes et les raccords en cuivre, la Commission a effectué, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), des vérifications inopinées dans les locaux de plusieurs entreprises (considérant 119 de la décision attaquée).

5        À la suite de ces premières vérifications, la Commission a, en avril 2001, scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir la procédure relative à l’affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), celle relative à l’affaire COMP/F‑1/38.121 (Raccords) et celle relative à l’affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) (considérant 120 de la décision attaquée).

6        Les 24 et 25 avril 2001, la Commission a effectué d’autres vérifications inopinées dans les locaux de Delta plc, société à la tête d’un groupe de génie international dont le département « Ingénierie » regroupait plusieurs fabricants de raccords. Ces vérifications portaient uniquement sur les raccords (considérant 121 de la décision attaquée).

7        À partir de février/mars 2002, la Commission a adressé aux parties concernées plusieurs demandes de renseignements en application de l’article 11 du règlement nº 17, puis de l’article 18 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérant 122 de la décision attaquée).

8        En septembre 2003, IMI plc a présenté une demande visant à bénéficier de la communication sur la coopération de 1996. Cette demande a été suivie par celles du groupe Delta (mars 2004) et de FRA.BO SpA (juillet 2004). La dernière demande de clémence a été présentée en mai 2005 par Advanced Fluid Connections plc (considérants 115 à 118 de la décision attaquée).

9        Le 22 septembre 2005, la Commission a, dans le cadre de l’affaire COMP/F‑1/38.121 (Raccords), engagé une procédure d’infraction et a adopté une communication des griefs, laquelle a notamment été notifiée à la requérante (considérants 123 et 124 de la décision attaquée).

10      Le 20 septembre 2006, la Commission a adopté la décision attaquée.

11      À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait enfreint les dispositions de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE entre le 31 janvier 1991 et le 1er avril 2004.

12      Pour cette infraction, la Commission a, à l’article 2, sous g), de la décision attaquée, infligé à Legris Industries une amende d’un montant de 46,8 millions d’euros, pour le paiement de laquelle la requérante a été tenue solidairement responsable à hauteur de 18,56 millions d’euros.

13      Aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, de la méthode définie dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

14      S’agissant, d’abord, de la fixation du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a qualifié l’infraction de très grave, en raison de sa nature même et de sa portée géographique (considérant 755 de la décision attaquée).

15      Estimant ensuite qu’il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se fondant à cet effet sur leur importance relative sur le marché en cause déterminée par leurs parts de marché. Sur cette base, elle a réparti les entreprises concernées en six catégories (considérant 758 de la décision attaquée).

16      La requérante a été classée dans la quatrième catégorie, catégorie pour laquelle le montant de départ de l’amende a été fixé à 14,25 millions d’euros (considérant 765 de la décision attaquée).

17      Du fait de la durée de la participation de la requérante à l’infraction (treize ans et deux mois), la Commission a ensuite majoré le montant de l’amende de 130 % (considérant 775 de la décision attaquée), ce qui a abouti à fixer le montant de base de l’amende à 32,7 millions d’euros (considérant 777 de la décision attaquée).

18      Ensuite, la poursuite de la participation à l’infraction après les inspections de la Commission a été considérée comme une circonstance aggravante justifiant une majoration de 60 % du montant de base de l’amende infligée à la requérante (considérant 785 de la décision attaquée).

19      En application du plafond de 10 % sur les amendes infligées conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, la Commission a réduit le montant de l’amende infligée à la requérante à 18,56 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante et la Commission ont été invitées à répondre par écrit à certaines questions, auxquelles elles ont répondu, respectivement, le 19 novembre 2009 et le 26 novembre 2009.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 4 février 2010.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en tant que la Commission l’a condamnée pour d’autres périodes que celle comprise entre décembre 1997 et mars 2001 ;

–        réformer les articles 1er et 2 de la décision attaquée en réduisant le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Lors de l’audience, à la suite d’une question posée par le Tribunal, la requérante a indiqué qu’elle ne contestait pas sa participation à l’entente pour la période 1995-1997.

 En droit

26      La requérante avance deux séries de moyens, à savoir, d’une part, des moyens relatifs à la durée de sa participation à l’infraction et, d’autre part, des moyens propres au calcul du montant de l’amende.

 Sur la durée de la participation de la requérante à l’infraction

 Arguments des parties

27      La requérante conteste sa participation à l’entente en ce qui concerne la période postérieure aux enquêtes sur place de la Commission en mars 2001. Elle fait également valoir que l’infraction alléguée a cessé pendant la période allant de septembre 1992 à décembre 1994 (soit 27 mois) et que, par conséquent, les faits antérieurs à décembre 1994 sont prescrits.

–       Sur la période postérieure à mars 2001

28      Après avoir rappelé la jurisprudence concernant la charge de la preuve et le niveau de preuve requis, la requérante fait valoir que, en ce qui concerne la prétendue poursuite de l’infraction au-delà des vérifications effectuées chez certains concurrents en mars 2001, la Commission s’est contredite. À cet égard, elle se réfère au considérant 590 de la décision attaquée dans lequel la Commission a affirmé que, postérieurement à mars 2001 (et jusqu’en juin 2003 au moins), l’entente aurait connu une « période d’intensité réduite, avec des contacts limités », tout en prétendant, au considérant 600 de la décision attaquée, que, jusqu’en avril 2004, « les participants n’ont pas eu à mettre en place un nouveau système ou une nouvelle forme de coordination », et ce alors que toute référence à l’European Fittings Manufacturers Association (EFMA, Association européenne des producteurs de raccords), qui constitue le « pivot » autour duquel se seraient organisées les pratiques anticoncurrentielles mises en cause par la Commission, disparaissait de la décision attaquée à compter d’avril 2001.

29      D’après la requérante, l’ensemble des contacts qui ont eu lieu entre les concurrents en cause pour cette période se sont déroulés de façon bilatérale, à l’exception de ceux noués lors des réunions du comité logistique de la Fédération française des négociants en appareils sanitaires, chauffage, climatisation et canalisations (FNAS), qui constituaient des événements tout à fait légitimes ou sporadiques et concernaient des zones géographiques sans rapport avec celle qu’auraient impliqué les arrangements paneuropéens visés durant la période précédente. De même, ces contacts auraient mis en scène des individus non visés durant la période précédente, et surtout, leur existence aurait été seulement fondée sur les prétendues preuves apportées par FRA.BO ainsi que sur des comptes rendus officiels de réunions organisées et présidées par la FNAS.

30      En effet, dans la décision attaquée, la Commission aurait fait une distinction entre trois séries de faits, à savoir les contacts bilatéraux avec FRA.BO, l’épisode de la foire d’Essen (Allemagne) et les réunions du comité logistique de la FNAS, qui, selon la requérante, ne présentent aucun lien de continuité entre eux.

31      S’agissant des contacts bilatéraux avec FRA.BO, la requérante fait tout d’abord valoir que les allégations contenues dans la demande de clémence de FRA.BO ne sont pas fondées. Celles-ci seraient imprécises et ne seraient pas corroborées et/ou ne seraient pas crédibles par rapport à la situation réelle telle qu’elle est exposée par la requérante et dans les documents fournis dans sa réponse à la communication des griefs et ses observations des 20 février et 15 mars 2006.

32      Ensuite, premièrement, la requérante soutient que lesdits contacts bilatéraux sont légitimes pour des considérations d’ordre industriel et commercial. À cet égard, elle se réfère aux livraisons croisées qui justifiaient de tels contacts ainsi qu’aux informations chiffrées précises pour la période 2001-2005 s’y rapportant qu’elle a mentionnées dans sa réponse à la communication des griefs.

33      Deuxièmement, il y aurait également eu des contacts avec FRA.BO au sujet d’une possible coopération industrielle, FRA.BO ayant souhaité vendre une partie de ses surplus en matière de raccords en cuivre et de coffrets gaz de son usine Meteor, située dans la région lyonnaise (France), ce qui aurait généré une série de contacts tant téléphoniques que directs.

34      Troisièmement, il y aurait également eu des contacts répétés liés au souhait de FRA.BO de lancer un nouveau type de raccord sur le marché européen, le « raccord mixte eau-gaz ». Bien que ce nouveau type de raccord ait déjà été homologué en Italie, le Comité européen de normalisation (CEN) aurait refusé, pour des raisons de sécurité, de donner son approbation à l’extension de l’homologation de celui-ci « à l’ensemble de l’Europe ». Pour cette raison, FRA.BO aurait contacté ses concurrents afin de tenter de monter un dossier conjoint en faveur dudit type de raccord et d’exercer une action de lobbying à Bruxelles (Belgique). Outre le fait qu’elle n’aurait pas réussi dans sa démarche, celle-ci aurait entraîné des contacts. Les contacts des 4 et 5 juin 2003, entre Mme P. (FRA.BO) et M. Le. (membre du personnel de la requérante) devraient être appréhendés sous cet angle.

35      Enfin, les allégations de FRA.BO, telles qu’elles sont relayées par la Commission, ne seraient pas étayées. À cet égard, premièrement, la requérante conteste l’affirmation de FRA.BO selon laquelle elle l’aurait avertie par avance, lors d’un entretien téléphonique entre M. Le. et Mme P. le 5 février 2004, de ses décisions en matière de prix pour 2004 en ce qui concerne la France et l’Espagne ainsi que pour sa filiale grecque. La requérante souligne que l’annonce de l’augmentation de ses prix par sa filiale grecque a été faite le 12 janvier 2004 et qu’elle était donc déjà publique lors de cette conversation téléphonique. En France, la hausse des prix des raccords en cuivre aurait été de 14 % en 2004, et non de 8 % comme le prétend FRA.BO. Par ailleurs, contrairement à l’affirmation de FRA.BO selon laquelle elle aurait indiqué ne pas avoir l’intention d’annoncer de hausses de prix en ce qui concerne l’Espagne, elle aurait procédé à une hausse de 2,5 % en 2004.

36      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission a, au considérant 514 de la décision attaquée, repris à son compte les éléments les plus vagues des déclarations de FRA.BO en mentionnant « des réunions dans le cadre des foires industrielles et dans des aéroports ». Elle critique le fait que FRA.BO ne donne aucun exemple précis d’échanges anticoncurrentiels. La seule rencontre entre des représentants de FRA.BO et de la requérante aurait eu lieu lors d’une foire à Padoue (Italie) au mois d’avril 2003 durant laquelle la situation sur le marché italien n’aurait été évoquée que de manière générale. La requérante estime que, en l’absence de corroboration et eu égard à leur caractère extrêmement vague, les déclarations de FRA.BO ne peuvent pas être reconnues et utilisées par la Commission comme des preuves recevables à son égard.

37      S’agissant de la foire d’Essen, la requérante fait valoir que, au titre des rencontres fortuites, la Commission tire également argument d’un contact qui aurait eu lieu entre MM. K. (membre du personnel de la requérante) et H. (IBP Ltd) lors de ladite foire le 18 mars 2004 afin de démontrer la continuité de l’infraction après 2001 et sa portée géographique. La requérante avance qu’il s’agissait d’une rencontre sans caractère anticoncurrentiel, qui ne saurait être rattachée aux événements antérieurs à mars 2001, et qu’elle avait, à l’époque de cette rencontre, une claire conscience de ses responsabilités en termes de droit de la concurrence.

38      La requérante rappelle que, selon la déclaration d’IBP, M. K. aurait demandé à M. H. de lui donner des indications quant à l’évolution de la politique tarifaire d’IBP en Allemagne. En réalité, d’après la requérante, la discussion s’inscrivait dans le cadre de la veille concurrentielle qu’elle exerçait, car elle avait entendu parler par ses clients de la prochaine hausse des tarifs d’IBP. Elle ajoute que M. H. n’a donné qu’une réponse très vague à la question de M. K., sans aucune indication du pourcentage de la hausse, ni de la date de son annonce pourtant toute proche. À cet égard, la requérante explique que la nouvelle liste de prix d’IBP a été publiée à peine plus de dix jours après ladite conversation. En outre, il n’y aurait pas eu d’échange bilatéral entre MM. H. et K. La déclaration d’IBP ne donnerait aucune indication sur le fait que M. K. ait livré quelques informations à M. H.

39      La requérante souligne que cette rencontre lors de la foire d’Essen constitue un contact bilatéral et occasionnel qui n’était pas de nature anticoncurrentielle. Étant donné que l’existence de quelques contacts bilatéraux dans un contexte globalement concurrentiel ne suffirait pas à établir à suffisance de droit la continuité d’une entente, la Commission aurait dû écarter la rencontre fortuite d’Essen de son dossier. D’après la requérante, il n’existe, en tout état de cause, aucun indice d’une volonté d’établir une concertation entre elle et IBP de leurs comportements respectifs sur le marché, ni de l’existence d’une concordance de volontés en vue d’adopter un comportement déterminé sur le marché allemand en mars 2004. De plus, outre le fait que les déclarations d’une entreprise dans le cadre de sa demande de clémence ne constitueraient qu’une preuve ayant une faible valeur probante, la requérante relève qu’aucun autre élément du dossier de la Commission n’apporte la moindre preuve d’une infraction aux règles de concurrence sur le marché allemand en mars 2004.

40      La requérante fait également observer que la conversation évoquée dans la déclaration d’IBP est sans rapport direct avec l’entente condamnée par la Commission. D’après elle, aucun échange anticoncurrentiel n’a eu lieu après les enquêtes sur place de la Commission en mars 2001. Ainsi, il serait artificiel de prétendre établir un « lien entre le cœur de la [d]écision [attaquée] et une brève entrevue dans les allées d’une foire ». Cette entrevue n’aurait d’ailleurs aucun rapport avec l’EFMA et la structure des prix en Europe et aurait eu lieu entre deux personnes dont il n’est pas prétendu qu’elles aient participé aux pratiques litigieuses antérieures. En outre, elle serait intervenue tout au plus trois ans après la cessation de ces pratiques, à la suite des investigations de la Commission. La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en prétendant établir ainsi, par cet événement tout à fait mineur, la continuité avec l’infraction antérieure.

41      De même, la requérante avance que son président-directeur général (PDG), M. B., a envoyé une lettre à la FNAS le 16 mars 2004 afin de prendre ses distances en ce qui concerne des « écarts de langage » commis lors de la réunion du 20 janvier 2004 et de la conférence téléphonique du 16 février 2004 du comité logistique de la FNAS. Cette distanciation montrerait qu’elle n’avait aucune intention de participer à des échanges anticoncurrentiels.

42      S’agissant du comité logistique de la FNAS, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs de droit, de fait et d’appréciation en considérant que les réunions du comité logistique de la FNAS, mentionnées aux considérants 522 à 526 de la décision attaquée, avaient un objet anticoncurrentiel qui permettait de les rattacher aux événements antérieurs aux vérifications sur place de la Commission en mars 2001. À cet égard, elle note que les sujets évoqués lors de ces réunions étaient très éloignés du contexte d’une prétendue « entente paneuropéenne », organisée autour des réunions de l’EFMA, qui constitue le cœur de la décision attaquée. À titre subsidiaire, elle fait observer que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs en ce que la Commission y écarte la responsabilité de la FNAS et de ses membres (les grossistes), dont certains siégeaient au comité logistique, mais y retient la sienne. La requérante précise que la FNAS était l’organisatrice des réunions et en préparait les comptes rendus. Étant donné que la FNAS n’a pas été condamnée en tant que forum pour les participants à la prétendue entente, c’est bien la preuve, d’après la requérante, qu’il n’existe aucun élément suffisant pour que l’infraction alléguée soit constituée.

43      Après avoir expliqué le but et l’organisation de la FNAS, la requérante précise tout d’abord que, contrairement aux événements antérieurs aux investigations de mars 2001, les réunions du comité logistique de la FNAS se sont tenues en toute transparence, ce qui ne concorde donc pas avec l’observation de la Commission, au considérant 548 de la décision attaquée, selon laquelle il serait usuel que les activités d’une entente telle que celle en l’espèce se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum.

44      Ensuite, la requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel les réunions du comité logistique de la FNAS auraient eu une portée géographique européenne. Dans aucun des comptes rendus de ces réunions, il ne serait indiqué que ces dernières auraient pu avoir un autre objet que celui d’examiner la question du conditionnement des raccords en cuivre en France. D’après elle, si des parallèles ont été faits avec la situation dans d’autres pays, c’était uniquement afin de servir d’exemples et non pour changer le conditionnement des raccords dans ces autres pays.

45      En ce qui concerne les réunions en cause, la requérante précise qu’il ressort du compte rendu de la première réunion du comité logistique de la FNAS, du 25 juin 2003, que tant les grossistes que les fabricants ont exprimé leurs inquiétudes face à la baisse du marché et que les grossistes ont demandé aux fabricants d’adapter leur conditionnement afin de mieux concurrencer les autres réseaux de distribution tels que la vente par correspondance. En réponse, les fabricants se seraient inquiétés de l’impact sur les coûts de revient que la mise en place de ce nouveau type de conditionnement engendrerait. Les discussions s’y rapportant n’auraient en aucun cas présenté un caractère anticoncurrentiel.

46      Il en serait allé de même pour la deuxième réunion, qui s’est tenue le 15 octobre 2003.

47      S’agissant de la réunion du 3 novembre 2003, elle aurait porté, pour l’essentiel, sur la négociation entre les grossistes et les fabricants français de la liste des produits devant faire l’objet d’une modification de leurs emballages. Contrairement aux allégations d’Oystertec plc, reprises par la Commission, il ne s’agissait en aucun cas pour les fabricants, selon la requérante, d’organiser une quelconque fixation en commun des prix des raccords en cuivre sur le territoire de l’Union européenne.

48      En ce qui concerne la réunion du 20 janvier 2004 et la conférence téléphonique du 16 février 2004, la requérante souligne sa réaction ferme à propos de deux « dérapages » de M. La. (représentant de la requérante au comité logistique de la FNAS), le premier lors de la réunion du 20 janvier 2004, lorsqu’il a fait mention d’un « surcoût de 13 % (au lieu des 10 % initialement prévus) » et le second, relevé dans le compte rendu de la conférence téléphonique du 16 février 2004, en ce qui concerne l’invocation d’une augmentation de 5 % des prix des fournisseurs en avril 2004. Elle se serait distanciée de ce type d’échanges, tout d’abord lors d’une rencontre avec le président de la FNAS, le 3 mars 2004, puis par le biais d’une lettre adressée à la FNAS. Selon la requérante, conformément à la jurisprudence, cette lettre constitue une distanciation publique. En outre, contrairement à ce que prétend la Commission, les termes de cette lettre ne seraient pas vagues et cette dernière aurait été rapidement diffusée à tous les membres de la FNAS.

49      Dans la réplique, la requérante remet en question certaines dates figurant dans le tableau chronologique préparé par la Commission dans le contexte de sa défense, qui, selon elle, ne la concernent pas et, par conséquent, devraient être écartées.

–       Sur la période comprise entre 1992 et 1994

50      La requérante fait valoir que, pour la période comprise, au minimum, entre le 10 septembre 1992 et le 13 décembre 1994, soit une période de 27 mois, il n’existe aucun élément de preuve visant des agissements anticoncurrentiels la concernant. Dès lors, cette interruption de 27 mois aurait eu pour conséquence juridique la prescription.

51      S’agissant de la télécopie du 14 juin 1993 concernant sa liste de prix pour la période qui a débuté le 1er juillet 1993, évoquée au considérant 218 de la décision attaquée, la requérante fait valoir qu’aucun élément ne permet de conclure que cette liste aurait été obtenue par IMI avant sa diffusion à ses clients. En effet, premièrement, elle aurait déjà été imprimée avant cette date et, deuxièmement, elle aurait également été diffusée auprès des clients, préalablement à sa mise en œuvre.

52      La requérante fait également remarquer que quatre sessions de l’EFMA ont eu lieu durant ladite période, sans que la Commission allègue que des réunions anticoncurrentielles ou des réunions dites « Super EFMA » aient eu lieu à l’occasion des réunions officielles.

53      Par ailleurs, la requérante estime qu’il ressort de la décision attaquée que, durant la période en cause, elle a agi en tant que concurrent autonome sur le marché, sans suivre, de quelque manière que ce soit, les conclusions d’une quelconque concertation avec des concurrents. Se référant aux points 71 à 77 de l’arrêt du Tribunal du 14 octobre 2004, Bayerische Hypo- und Vereinsbank/Commission (T‑56/02, Rec. p. II‑3495), la requérante fait valoir que le constat qui avait été fait dans cette affaire est transposable à la présente affaire pour la période en cause. À l’appui de cette thèse, elle avance que la télécopie de Mueller Industries à Viega GmbH & Co. KG, du 12 mai 1992, évoquée par la Commission au considérant 217 de la décision attaquée, la note de M. P. (IMI Italia), mentionnée au considérant 221 de cette décision, ainsi que la télécopie du distributeur grec d’IMI du 6 septembre 1994, citée au considérant 229 de ladite décision, démontrent son comportement concurrentiel et autonome.

54      Étant donné qu’aucun comportement anticoncurrentiel, pour la période comprise entre le 10 septembre 1992 et le 13 décembre 1994, ne saurait être allégué à son égard, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir respecté les règles applicables en matière d’interruption d’une infraction et de prescription. Elle rappelle à cet égard la jurisprudence selon laquelle, afin d’établir la continuité de l’infraction alléguée, la Commission doit rapporter des « éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps ». Un laps de temps de 27 mois entre deux réunions l’impliquant ne pourrait être considéré comme étant « rapproché dans le temps » au sens de l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission (T‑43/92, Rec. p. II‑441). Du fait de l’interruption de l’infraction alléguée, la Commission aurait dû constater, à tout le moins, qu’une durée supérieure à cinq ans s’était écoulée entre la cessation de la première période, le 10 septembre 1992, et le début de l’enquête de la Commission en 2001, à la suite de la première demande de clémence déposée par Mueller Industries le 9 janvier 2001.

55      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

56      À titre liminaire, le Tribunal rappelle, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que la Commission doit rapporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20). L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 215).

57      Il est également de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et la jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 51).

59      À cet égard, il est à noter que les déclarations faites dans le cadre de la politique de clémence jouent un rôle important. Ces déclarations, faites au nom d’entreprises ont une valeur probante non négligeable, dès lors qu’elles induisent des risques juridiques et économiques considérables (voir, en ce sens, arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 57 supra, points 205 et 211, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 58 supra, point 103). Toutefois, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 57 supra, point 219, et la jurisprudence citée).

60      S’agissant de la durée de l’infraction, il appartient également à la Commission de la prouver, étant donné que la durée est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE. Les principes mentionnés ci-dessus s’appliquent à cet égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 94 à 96). En outre, la jurisprudence exige que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 51, et la jurisprudence citée).

–       Sur la période postérieure à mars 2001

61      Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas avoir participé à l’entente avant les vérifications de la Commission en mars 2001.

62      Il y a également lieu de relever que les événements reprochés à la requérante par la Commission, à savoir la participation aux réunions de la FNAS, les contacts entre la requérante et FRA.BO ainsi que les contacts pris lors de la foire d’Essen, ne sont pas, en eux-mêmes, contestés par la requérante. Elle conteste, en revanche, le caractère anticoncurrentiel de ces événements et le fait qu’ils s’inscrivent dans le cadre de l’infraction unique, complexe et continue constatée pour la période antérieure au mois de mars 2001.

63      Enfin, il y a lieu de noter que la requérante met en doute la fiabilité des déclarations de FRA.BO.

64      Il convient, par conséquent, de déterminer si les comportements constatés après des inspections de la Commission en mars 2001 doivent être qualifiés de contacts anticoncurrentiels et s’ils permettent de conclure à la prolongation d’une même infraction.

65      S’agissant, premièrement, des contacts bilatéraux, il ressort de la déclaration de FRA.BO faite dans le cadre de sa demande de clémence et de quelques preuves documentaires qu’elle a fournies lors de la procédure administrative que des échanges d’informations sensibles entre les concurrents se sont poursuivis postérieurement aux inspections de la Commission.

66      Les éléments de preuve invoqués à l’encontre de la requérante consistent en des relevés téléphoniques de FRA.BO et en quelques notes manuscrites figurant dans l’agenda de Mme P. (FRA.BO).

67      Les arguments de la requérante selon lesquels il s’agirait de contacts légaux, portant notamment sur des livraisons croisées, sur un projet de coopération industrielle ou sur une stratégie commune souhaitée par FRA.BO vis-à-vis du CEN en ce qui concerne la question de l’homologation d’un type de raccord, ne remettent pas en cause le fait que des échanges d’informations sensibles, des coordinations de prix et des hausses de prix ont eu lieu. En outre, lesdits arguments ne sont étayés par aucune preuve, telle que des factures ou des bons de commande, portant sur la période en cause. En effet, mis à part le fait que la requérante a joint, pour la première fois, au stade de la réplique, donc tardivement, quelques factures concernant des livraisons croisées, il y a lieu de relever que ces documents ne couvrent que la période postérieure à 2004.

68      De plus, il y a lieu de remarquer que la Commission ne s’est pas uniquement fondée sur les déclarations de FRA.BO. En effet, il ressort de notes manuscrites de Mme P. (FRA.BO) que, lors de l’entretien du 5 juin 2003, la requérante et FRA.BO ont discuté des prix pratiqués par IBP en France, ce qui est sans rapport avec la question de l’homologation d’un nouveau type de raccord. De même, il ressort de notes manuscrites figurant dans l’agenda de Mme P. concernant une conversation téléphonique du 5 février 2004 que les prévisions de hausses de prix en France et en Grèce ont été abordées. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que les augmentations réelles ont pu être différentes de celles mentionnées dans l’agenda de Mme P. ne remet nullement en cause le fait que ces deux entreprises ont échangé des informations sur leurs prix.

69      S’agissant, deuxièmement, de la rencontre entre M. H. (IBP) et le représentant de la requérante lors de la foire d’Essen le 18 mars 2004, il ressort de la déclaration de M. H. qu’il a répondu à une question liée aux prix et qu’IBP avait prévu une augmentation des prix à la fin du mois de mars 2004. Dès lors que la requérante n’a pas prouvé que cette information était déjà publique et que la lettre officielle d’IBP concernant cette hausse n’a été transmise que le 30 mars 2004, il y a lieu de constater qu’il s’agissait d’un contact, qu’il ait été ou non isolé, lié à la politique tarifaire sur le marché allemand.

70      Par ailleurs, l’argument selon lequel cet échange n’aurait pas un caractère anticoncurrentiel en raison de l’absence de réciprocité ou du fait que la requérante avait déjà décidé elle-même d’une hausse de prix, n’est pas pertinent. La jurisprudence n’exige pas qu’un échange d’informations soit réciproque pour porter atteinte au principe du comportement autonome sur le marché. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que la divulgation d’informations sensibles élimine l’incertitude relative au comportement futur d’un concurrent et influence ainsi, directement ou indirectement, la stratégie du destinataire des informations (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 51, et la jurisprudence citée).

71      S’agissant, troisièmement, de la participation de la requérante aux réunions de la FNAS, il ressort notamment des procès-verbaux de ces réunions, que, lors des réunions du comité logistique de la FNAS, des questions relatives aux prix, telles que les marges sur les ventes et les augmentations de prix des raccords, ont été discutées.

72      À cet égard, il y a lieu de relever que le procès-verbal du 25 juin 2003 fait référence à la résolution de concurrents selon laquelle « l’objectif à atteindre serait d’assurer, a minima, que les prix se stabilisent ». Il ressort du procès-verbal du 15 octobre 2003 qu’Aquatis France SAS, IBP et la requérante ont fourni aux autres fabricants des informations sur la répartition de leurs ventes entre certaines catégories de produits ainsi que sur leurs marges. Lors de la réunion du 3 novembre 2003, un échange d’informations portant sur des hausses de prix futures a eu lieu. De même, il résulte du procès-verbal du 20 janvier 2004 que, après quelques échanges de vues, M. La. a proposé que « les fabricants informent leurs clients de l’éventualité d’une augmentation de 6 % liée à celle des coûts matière afin de tester la réaction du marché et d’améliorer parallèlement le coût des conditionnements ». D’après ce procès-verbal, « [c]ette hausse de coûts matière dev[ait] passer dans l’ensemble de la gamme » et « [l]e prix unitaire des nouveaux conditionnements [devait donc] se trouv[er …] majoré de 5,3 ou 5,4 % ». Enfin, à la suite de cette réunion, une conférence téléphonique a eu lieu, le 16 février 2004, au cours de laquelle chaque fabricant a donné son avis quant à la hausse de prix envisagée.

73      Quand bien même les discussions avec les fournisseurs relatives à leur demande d’adaptation de l’emballage étaient sans conséquence en ce qui concerne le droit de la concurrence et qu’une telle demande entraînait des coûts de production supplémentaires, il n’en demeure pas moins qu’une concertation portant sur le pourcentage qui serait répercuté sur les fournisseurs ou sur la partie des coûts qui serait absorbée par les fabricants n’est pas, en elle-même, sans effet sur le marché. Il s’agit-là d’une question qu’une entreprise doit régler de façon autonome. Il en va de même en ce qui concerne les marges sur les ventes et les augmentations de prix des raccords.

74      S’agissant de la portée géographique des discussions menées dans le cadre des réunions de la FNAS, il convient de relever que, contrairement à ce que la Commission a considéré aux considérants 575 et 584 de la décision attaquée, lesdites discussions portaient uniquement sur le marché français. En effet, il ne ressort nullement des comptes rendus desdites réunions que celles-ci portaient également « sur l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le marché européen en général ». Dès lors, il y a lieu de constater que la collusion dans le cadre des réunions de la FNAS n’avait pas une portée paneuropéenne. Le fait que les réunions de la FNAS avaient lieu entre les représentants d’entreprises d’envergure européenne, comme l’a fait remarquer la Commission, ne remet pas en cause ce constat.

75      S’agissant de la lettre du 16 mars 2004 du PDG de la requérante au président de la FNAS, qui, selon la requérante, aurait constitué une distanciation publique avec les infractions commises lors de la réunion du 20 janvier 2004 et lors de la conférence téléphonique du 16 février suivant du comité logistique de la FNAS, auxquelles avait notamment participé M. La., il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion de distanciation publique en tant qu’élément d’exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive (voir arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 103, et la jurisprudence citée).

76      Il ressort de la jurisprudence que la communication ayant pour but de se distancier publiquement d’une pratique anticoncurrentielle doit se manifester d’une façon ferme et claire, de sorte que les autres participants à l’entente comprennent bien l’intention de l’entreprise concernée (arrêt de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 120).

77      En l’espèce, il y a lieu de constater que la formulation utilisée par le PDG de la requérante dans sa lettre au président de la FNAS est de nature trop générale pour conclure à une distanciation publique. En effet, la lettre ne fait état que d’une inquiétude portant sur les discussions relatives aux prix qui auraient pu avoir lieu entre les participants et d’un rappel de la politique interne de la requérante en matière du droit de la concurrence et, dans ce cadre, de la demande adressée au président de la FNAS de prendre des mesures afin d’éviter une telle pratique anticoncurrentielle, sans même indiquer qu’elle avait effectivement eu lieu et que cette lettre était liée au fait que son représentant avait initié des concertations portant sur les prix.

78      En outre, il y a lieu de constater que, en premier lieu, ladite lettre a seulement été adressée au président de la FNAS et qu’aucune « copie conforme » de ce courrier n’a été envoyée par la requérante aux autres participants.

79      En second lieu, ladite lettre ne contient pas non plus de demande adressée en ce sens à la FNAS. Dès lors, le fait qu’elle ait été diffusée, le 7 avril 2004, aux membres du comité logistique de la FNAS, à l’initiative de celle-ci, accompagnée de la réponse du président de la FNAS, du 31 mars 2004, à cette lettre rappelant le but du groupe de travail mis en place dans le cadre du comité logistique de la FNAS n’est pas pertinent pour conclure à la distanciation de la requérante vis-à-vis de l’entente.

80      Enfin, à supposer même que la lettre du PDG de la requérante au président de la FNAS puisse être considérée comme une distanciation publique, il y a lieu de noter, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission, que cette lettre est seulement arrivée vers la fin de la période au cours de laquelle l’infraction a été constatée et ne permet donc pas de remettre en cause les constatations de la Commission relatives à la participation de la requérante à l’entente antérieurement au 16 février 2004, date de la dernière réunion.

81      À ce stade, il y a donc lieu de conclure que les comportements reprochés ayant eu lieu après les vérifications de la Commission en mars 2001 avaient un caractère anticoncurrentiel. En outre, ils ont été prouvés à suffisance de droit.

82      En ce qui concerne la question de savoir s’il s’agissait de la continuation de l’infraction constatée avant mars 2001, il y a lieu de relever que cette dernière consistait en une organisation régulière, pendant plusieurs années, de contacts multi- et bilatéraux entre producteurs concurrents dont l’objet était l’établissement de pratiques illicites, destinées à organiser artificiellement le fonctionnement du marché des raccords, notamment sur les niveaux de prix.

83      Lesdits contacts étaient pris lors de réunions organisées dans le cadre d’associations professionnelles, plus spécifiquement, dans le cadre de l’EFMA (lors des réunions dites « Super EFMA »), de foires commerciales, de réunions ad hoc et d’échanges de vues bilatéraux. En général, les initiatives visant à discuter d’une augmentation de prix étaient prises au niveau européen et le résultat exécuté au niveau national, les producteurs ayant un processus de coordination des prix propre à chaque pays et des arrangements locaux qui venaient compléter les arrangements pris au niveau européen.

84      Les comportements reprochés après mars 2001 ont également consisté en des contacts pris dans le cadre d’associations professionnelles (réunions de la FNAS), en des contacts bilatéraux portant sur les paramètres de la concurrence et en des contacts pris lors de foires commerciales (foire d’Essen).

85      Dès lors que l’objectif des pratiques anticoncurrentielles n’a pas changé, à savoir la concertation sur les prix, le fait que certaines caractéristiques ou que l’intensité de ces pratiques aient changé n’est pas pertinent en ce qui concerne la continuation de l’entente en cause. À cet égard, il y a lieu d’observer qu’il est plausible que, après les vérifications de la Commission, l’entente ait connu une forme moins structurée et une activité d’intensité plus variable. Reste que le fait qu’une entente puisse connaître des périodes d’activité d’intensités variables n’implique pas pour autant qu’il puisse être conclu qu’elle ait cessé.

86      À cet égard, il y a lieu de constater que, même si, après les inspections de mars 2001, le nombre des participants à l’entente est passé de neuf à quatre, les principaux participants à l’entente avant ces inspections (à savoir la requérante, IBP ainsi que les anciennes filiales d’IMI) étaient, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, toujours impliqués dans l’entente. De même, quelques-unes des personnes qui avaient déjà été impliquées dans l’entente antérieurement à mars 2001 étaient également impliquées dans les comportements reprochés après cette date.

87      En ce qui concerne la portée géographique de l’infraction unique et continue, bien que les réunions de la FNAS se soient uniquement rapportées au marché français (voir point 74 ci-dessus), il apparaît que d’autres marchés nationaux, tels que les marchés allemand, grec, espagnol et italien, étaient également visés par les contacts anticoncurrentiels entre concurrents après mars 2001, ainsi qu’il ressort des contacts téléphoniques entre la requérante et FRA.BO ou du contact pris lors de la foire d’Essen entre la requérante et IBP.

88      Étant donné que le comportement de chacun des participants, y compris celui de la requérante, visait à poursuivre le même objectif anticoncurrentiel, à savoir contrôler et restreindre le jeu de la concurrence sur le marché des raccords par la coordination des prix et des hausses de prix ainsi que l’échange d’informations sensibles, la Commission a pu à bon droit considérer qu’il s’agissait de la poursuite d’une infraction antérieure.

89      Enfin, les autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre de ce moyen, à savoir ceux tirés du fait que la FNAS aurait été l’organisatrice des réunions et en aurait préparé les comptes rendus, que la FNAS elle-même ne serait pas destinataire de la décision attaquée ou encore que les réunions se seraient tenues en toute transparence, ne remettent pas en cause ce constat.

90      S’agissant, en premier lieu, de l’argument selon lequel les comptes rendus des réunions auraient été préparés par la FNAS, il est sans pertinence tant il est constant que la requérante a été représentée lors de ces réunions. Dès lors, étant donné que lesdits comptes rendus lui étaient distribués, la requérante avait la possibilité soit par écrit, soit lors de la réunion suivante, de les corriger ou de signaler les points sur lesquels elle était en désaccord.

91      S’agissant, en second lieu, de l’argument selon lequel la FNAS elle-même ne serait pas destinataire de la décision attaquée, il est également dénué de pertinence. À cet égard, il convient de remarquer qu’il ressort du considérant 606 de la décision attaquée que la Commission a considéré que, « si l’on dispose d’éléments démontrant que les fabricants ont conclu un accord que, selon Advanced Fluid Connections, ils ont mis en œuvre, aucun élément n’indique que la FNAS a accepté activement la mission que lui avaient confiée les fabricants ou qu’elle a facilité la mise en œuvre de l’accord ». Dès lors, c’est à juste titre que, au considérant 607 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la FNAS n’avait pas participé à l’accord en cause et donc ne saurait figurer au nombre des destinataires de la décision attaquée.

92      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de l’absence de participation de la requérante à l’entente après mars 2001 doit être rejeté.

–       Sur la période comprise entre 1992 et 1994

93      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas les faits constatés en ce qui concerne sa participation à l’entente pour la période comprise entre le 31 décembre 1991 et le 10 septembre 1992, ni pour la période comprise entre décembre 1997 et mars 2001. En outre, il est rappelé que la requérante a indiqué lors de l’audience qu’elle ne contestait pas sa participation à l’entente pour la période 1995-1997. Dès lors, il reste uniquement à examiner la décision attaquée en ce que la Commission y a constaté la participation de la requérante à l’infraction au titre de la période comprise entre le 10 septembre 1992 et le 13 décembre 1994.

94      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes pour infractions aux dispositions du droit de la concurrence est soumis, en principe, à un délai de prescription de cinq ans. Aux termes de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n 1/2003, « pour les infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin ». En vertu de l’article 25, paragraphes 3 et 5, du règlement n° 1/2003, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction et court à nouveau à partir de chaque interruption.

95      En l’espèce, la Commission a commencé ses investigations avec les vérifications du 22 mars 2001. Il en résulte qu’aucune amende ne peut être infligée au titre d’un comportement infractionnel qui a cessé avant le 22 mars 1996. Par conséquent, il importe de déterminer si les différents faits invoqués dans la décision attaquée démontrent que la participation de la requérante à l’entente a continué ou a cessé au cours de la période allant du 10 septembre 1992 au 13 décembre 1994.

96      À cet égard, il y a lieu d’observer que l’ensemble des éléments de preuve invoqués à l’appui des faits mentionnés aux considérants 214, 217, 218, 221, 224, 225, 229 et 232 de la décision attaquée suffisaient pour conclure que la requérante n’avait pas cessé de participer à l’entente pendant la période visée.

97      Il convient, en particulier, de remarquer que, au considérant 214 de la décision attaquée, la Commission a évoqué des notes manuscrites datant du milieu ou de la fin de l’année 1992 et mentionnant le nom de la requérante, dans lesquelles il est fait état d’une liste de prix, dont l’entrée en vigueur était fixée au mois de janvier 1993 (pour tous les pays à l’exception de la France) et au mois d’avril 1993 (pour la France). De même, au considérant 217, il est fait mention d’une télécopie, du 12 mai 1993, envoyée par Mueller Industries à Viega, dans laquelle il est reproché à la requérante de ne pas systématiquement respecter les termes de l’accord dont elle est partie. Il peut donc en être déduit que la requérante ne s’était pas retirée de l’accord. Il en va de même de la télécopie du 6 septembre 1994, envoyée par un importateur et distributeur à M. W. (IMI) (considérant 229 de la décision attaquée), dans laquelle il est indiqué que la requérante ne respectait pas les « accords » comme il se devait.

98      S’agissant de ce dernier point, il suffit de relever que le fait de ne pas respecter une entente ne change rien à son existence même. En l’espèce, il ne saurait donc être considéré que la participation de la requérante à l’infraction avait cessé durant la période examinée, du simple fait que la requérante a utilisé l’entente à son profit, en ne respectant pas pleinement les prix convenus.

99      En effet, les membres d’une entente demeurent des concurrents dont chacun peut être tenté, à chaque moment, de profiter de la discipline des autres en matière de prix cartellisés pour baisser ses propres prix dans le but d’augmenter sa part de marché, tout en maintenant un niveau général de prix relativement élevé. En tout état de cause, le fait que la requérante n’a pas entièrement appliqué les prix convenus n’implique pas que, ce faisant, elle ait appliqué des prix qu’elle aurait pu facturer en l’absence de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, points 74 et 75).

100    Enfin, il ressort également de la note de M. P., du 15 mars 1994, évoquée au considérant 221 de la décision attaquée, que la requérante était présente lors des discussions ayant eu lieu les 11 et 13 mars 1994 concernant le marché italien.

101    Même si la requérante n’a pas participé à quelques-unes des réunions qui se seraient tenues entre le 10 septembre 1992 et le 13 décembre 1994 dans le cadre de l’entente, voire à aucune d’entre elles, cela n’implique pas que la requérante s’était retirée de l’entente entre-temps, compte tenu des particularités de l’entente en cause, qui est caractérisée par des contacts multilatéraux, des contacts bilatéraux, avec une fréquence d’au moins une ou deux fois par an, des contacts ad hoc et le fait qu’il n’était pas exceptionnel qu’un membre de l’entente ne participe pas systématiquement à chaque réunion.

102    En outre, il y a également lieu de constater que la requérante ne s’est pas distanciée publiquement de l’entente. Or, il est de jurisprudence constante que, en l’absence d’une distanciation explicite, la Commission peut considérer qu’il n’a pas été mis fin à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Archer Daniels Midland/Commission, point 76 supra, points 119 et suivants, et la jurisprudence citée).

103    Il s’ensuit que l’argument lié à l’interruption de la participation de la requérante à l’infraction au cours de la période allant du 10 septembre 1992 au 13 décembre 1994 doit être écarté.

104    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le calcul du montant de l’amende

 Arguments des parties

105    À titre subsidiaire, la requérante reproche à la Commission d’avoir méconnu les règles relatives au calcul du montant des amendes. Ni les lignes directrices de 1998 ni la communication sur la coopération de 1996 n’auraient été respectées. Premièrement, le montant de départ de l’amende qui lui a été infligée serait disproportionné par rapport à celui des amendes infligées aux autres entreprises. Deuxièmement, elle n’aurait pas joué un rôle de meneur. Troisièmement, la Commission aurait dû moduler le montant de l’amende en fonction de la portée géographique et de l’intensité de la coordination. Enfin, ce serait à tort que la Commission a refusé le bénéfice d’une réduction du montant de l’amende au titre de son absence de contestation d’une partie substantielle des griefs.

106    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

107    S’agissant du premier grief, tiré du caractère disproportionné du montant de départ de l’amende, il y a lieu de rappeler que la Commission est en droit de répartir les membres d’une entente en catégories, en fonction notamment des parts de marché détenues par chacune des entreprises. À cet égard, il y a lieu d’observer que la Commission a expliqué, dans le mémoire en défense, que le chiffre d’affaires et la part de marché du groupe Legris Industries en ce qui concerne les raccords représentaient en 2000 approximativement le triple du chiffre d’affaires et de la part de marché de FRA.BO et de Mueller Industries, deux fois et demie ceux de Flowflex Holding Ltd et plus du double de ceux de Sanha Kaimer GmbH & Co. KG. Dans ce contexte, c’est à juste titre que la Commission a retenu un montant de départ de l’amende infligée à la requérante (14,25 millions d’euros) entre deux et trois fois plus élevé que celui des entreprises précitées (5,5 millions d’euros). S’il est vrai que le tableau annexé à la décision attaquée, qui, pour des raisons de confidentialité, ne contient que de larges fourchettes indicatives de la taille et de l’importance relative des entreprises, il ressort de la version confidentielle de ce tableau et des données sous-jacentes que la Commission a réparti les membres de l’entente en catégories d’une façon cohérente et objectivement justifiée.

108    L’argument de la requérante selon lequel le montant de départ de l’amende qui lui a été imposée serait, en tout état de cause, disproportionné, car celui-ci représente 77 % du montant maximal de l’amende qui pouvait lui être infligée au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, doit être rejeté.

109    Premièrement, il y a lieu de rappeler que la requérante et sa société mère formaient, à l’époque des faits, une entreprise unique ayant commis, en tant qu’auteur, l’infraction qui leur est reprochée dans la décision attaquée. Dès lors, la Commission était en droit de se fonder sur les données de cette entreprise lors du calcul du montant de départ de l’amende.

110    Deuxièmement, il importe surtout que le montant de départ de l’amende soit proportionné à l’infraction appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la fixation du montant de départ de l’amende, le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise n’est pas un critère déterminant pour apprécier la gravité de l’infraction. En outre, l’infraction en cause figure, de par sa nature même, parmi les violations les plus graves visées à l’article 81 CE, ce qui peut entraîner, selon les lignes directrices de 1998, un montant de départ d’amende supérieur à 20 millions d’euros.

111    Troisièmement, il y a lieu de noter que l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, intervient dans l’une des dernières étapes du calcul du montant de l’amende, c’est-à-dire après le calcul de l’amende en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction et après la prise en compte des éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si plusieurs destinataires constituaient l’« entreprise » à la date d’adoption de la décision, le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise. En revanche, si, comme en l’espèce, cette entité économique s’est scindée pour constituer deux entités distinctes au moment de l’adoption de la décision, chaque destinataire de celle-ci est en droit de se voir individuellement appliquer ledit plafond. Or, ce droit est indépendant de l’application du critère de proportionnalité dans le cadre de la détermination du montant de départ de l’amende. Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, seul le montant final de l’amende ne peut pas dépasser la limite de 10 % du chiffre d’affaires total. En revanche, il n’est pas interdit que, lors du calcul de l’amende, le montant intermédiaire dépasse cette même limite (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 277 et 278).

112    S’agissant du deuxième grief, tiré de ce que la requérante n’aurait pas été le meneur de l’entente, mais de ce qu’elle aurait eu un prétendu rôle passif ou suiviste justifiant une réduction du montant de l’amende, il suffit de constater que, lors des 160 réunions collusoires ayant eu lieu pendant la période 1991-2001, la requérante était présente une fois sur deux, comme elle l’a admis elle-même. Certes, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à caractériser le rôle passif d’une entreprise, peut être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de sa participation aux réunions par rapport à celle de ses concurrents. Toutefois, la requérante ne peut valablement prétendre que la fréquence de sa participation aux réunions, huit fois par an, doit être qualifiée de « sensiblement plus sporadique » que celle des autres participants et que, partant, celle-ci correspondrait à un rôle exclusivement passif ou suiviste.

113    Quant au troisième grief, tiré du fait que la Commission aurait dû moduler le montant de l’amende en fonction de la portée géographique et de l’intensité de la coordination, il suffit de remarquer que le fait que l’intensité de l’entente a été moindre après les vérifications de la Commission n’a aucune incidence sur la qualification de cette entente de très grave et de longue durée justifiant une majoration de 10 % par année d’infraction, ainsi qu’il est précisé dans les lignes directrices de 1998. En outre, bien que, au début, cette entente ait revêtu une dimension territoriale limitée, elle a pris une dimension paneuropéenne par la suite, de sorte qu’il n’existe aucune raison de différencier les taux de majoration appliqués au titre de la durée selon la dimension géographique de celle-ci.

114    Enfin, le quatrième grief doit également être rejeté. Il ressort en effet de la jurisprudence qu’une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération lors de la procédure administrative n’est justifiée que si le comportement de l’entreprise en cause a permis à la Commission de constater l’existence d’une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d’y mettre fin (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C‑297/98 P, Rec. p. I‑10101, point 36). Il ressort également de la jurisprudence qu’une réduction du montant de l’amende sur le fondement de la communication sur la coopération de 1996 ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l’entreprise concernée pourraient à cet égard être considérés comme démontrant une véritable coopération de sa part (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 111 supra, points 388 à 403, en particulier point 395). Or, il ressort du dossier que, en réalité, l’absence de contestation de la matérialité des faits n’a porté que sur la période allant de décembre 1997 à mars 2001, soit trois années sur une durée totale de participation à l’infraction de plus de treize ans. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que les arguments visant à contester la participation de la requérante à l’infraction après les vérifications ainsi que pour la période 1992-1994 ont été rejetés. Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de prendre en compte l’absence de contestation partielle des faits par la requérante au titre des dispositions énoncées sous le titre D de la communication sur la coopération de 1996.

115     Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

116    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

117    En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Comap SA est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2011.

Signatures


* Langue de procédure : le français.