Language of document : ECLI:EU:T:2010:370

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 septembre 2010 (*)

« Concurrence – Abus de position dominante – Marché des appareils de collecte des emballages de boisson usagés – Décision constatant une infraction à l’article 82 CE et à l’article 54 de l’accord EEE – Accords d’exclusivité, engagements quantitatifs et remises de fidélisation faisant partie d’une stratégie d’exclusion des concurrents du marché – Amende – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑155/06,

Tomra Systems ASA, établie à Asker (Norvège),

Tomra Europe AS, établie à Asker,

Tomra Systems GmbH, établie à Hilden (Allemagne),

Tomra Systems BV, établie à Apeldoorn (Pays-Bas),

Tomra Leergutsysteme GmbH, établie à Vienne (Autriche),

Tomra Systems AB, établie à Sollentuna (Suède),

Tomra Butikksystemer AS, établie à Asker,

représentées initialement par M. A. Ryan, solicitor, et Me J. Midthjell, avocat, puis par MM. Ryan et N. Frey, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. É. Gippini Fournier, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2006) 734 final de la Commission, du 29 mars 2006, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire COMP/E.-1/38-113/Prokent-Tomra),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek et V. M. Ciucă (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2010,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Tomra Systems ASA est la société mère du groupe Tomra. Tomra Europe AS coordonne l’activité des filiales de distribution européennes au sein du groupe. Les filiales de distribution concernées par la présente affaire sont Tomra Systems GmbH en Allemagne, Tomra Systems BV aux Pays-Bas, Tomra Leergutsysteme GmbH en Autriche, Tomra Systems AB en Suède et Tomra Butikksystemer AS en Norvège (ci-après, prises ensemble avec Tomra Systems ASA et Tomra Europe AS, les « requérantes »). Le groupe Tomra produit des récupérateurs automatiques d’emballages pour boissons (ci-après les « RVM »), qui sont des appareils de collecte des emballages de boisson usagés identifiant l’emballage apporté en fonction de certains paramètres, comme la forme et/ou le code à barres, et calculant le montant de la consigne qui doit être remboursée au client. Il fournit également des services liés aux RVM dans le monde entier. En 2005, le groupe Tomra avait un chiffre d’affaires d’environ 300 millions d’euros et comptait 1 900 employés.

2        Le 26 mars 2001, la Commission des Communautés européennes a reçu une plainte de Prokent AG, une société allemande qui opérait aussi dans le secteur de la collecte des emballages pour boissons ainsi que des produits et des services connexes. Prokent a demandé à la Commission de déterminer si les requérantes avaient commis un abus de position dominante en l’empêchant d’accéder au marché.

3        Les 26 et 27 septembre 2001, la Commission a inspecté les locaux de Tomra Systems GmbH, en Allemagne, et de Tomra Systems BV, aux Pays-Bas. L’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) a inspecté, à la demande de la Commission, les locaux de Tomra Systems ASA et de ses filiales, en Norvège. Par la suite, la Commission a demandé des renseignements à Tomra Systems ASA et à plusieurs de ses concurrents et de ses clients, en application de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

4        Le 23 décembre 2002, dans une lettre adressée à la Commission, les requérantes ont déclaré mettre fin aux accords d’exclusivité et ne plus appliquer de remises de fidélisation.

5        Le 30 mars 2004, les requérantes ont présenté un programme de conformité à la concurrence pour le groupe Tomra, applicable à partir du 1er avril 2004.

6        Le 1er septembre 2004, la Commission a adressé une communication des griefs à Tomra Systems ASA, à Tomra Europe AS et aux filiales du groupe Tomra dans six États faisant partie de l’Espace économique européen (EEE), à laquelle les requérantes ont répondu le 22 novembre 2004. L’audition a eu lieu le 7 décembre 2004. Le 19 avril 2005, la Commission a demandé d’autres renseignements, que les requérantes ont fournis le 25 avril et le 3 mai 2005.

 Décision attaquée

7        Le 29 mars 2006, la Commission a adopté la décision C (2006) 734 final, relative à une procédure au titre de l’article 82 [CE] et de l’article 54 de l’accord EEE [ci-après la « décision attaquée », un résumé de cette décision étant publié au Journal officiel de l’Union européenne du 28 août (C 219, p. 11)]. Elle y constate que les requérantes ont enfreint l’article 82 CE et l’article 54 de l’accord EEE au cours de la période 1998-2002, en mettant en œuvre une stratégie d’exclusion sur les marchés allemand, néerlandais, autrichien, suédois et norvégien des RVM, au moyen d’accords d’exclusivité, d’engagements quantitatifs individualisés et de régimes de rabais rétroactifs individualisés, fermant ainsi les marchés à la concurrence.

I –  Marché en cause

8        Concernant le marché de produits en cause, la décision attaquée indique que, pour son appréciation, la Commission est partie du principe qu’il existait un marché spécifique des déconsigneurs et autres systèmes haut de gamme, comprenant notamment tous les RVM qui peuvent être installés à travers un mur et reliés à un local technique, et un marché global couvrant tant les appareils haut de gamme que les appareils bas de gamme. La Commission a décidé, cependant, de retenir la définition du marché la plus large comme base de travail, car elle aboutissait à des chiffres plus favorables aux requérantes.

9        Concernant le marché géographique en cause, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les conditions de concurrence n’avaient pas été homogènes dans l’EEE au cours de la période considérée et que les marchés géographiques en cause étaient de dimension nationale.

II –  Position dominante

10      Dans la décision attaquée, la Commission, après avoir considéré, notamment, que les parts de marché des requérantes en Europe avaient constamment été supérieures à 70 % avant 1997, que, depuis 1997, elles dépassaient 95 % et que, sur tous les marchés en cause, la part de marché détenue par les requérantes constituait un multiple des parts de marché de leurs concurrents, a conclu que le groupe Tomra était une entreprise en position dominante au sens de l’article 82 CE et de l’article 54 de l’accord EEE.

III –  Comportement abusif

11      La décision attaquée indique que les requérantes ont conçu une stratégie ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel, tant dans leur pratique qu’au sein de discussions internes au groupe. La Commission y affirme que les requérantes visaient à préserver leur position dominante et leurs parts de marché par des moyens consistant, notamment, à empêcher l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché, à faire en sorte que leurs concurrents restent faibles en limitant leurs possibilités de croissance et à les affaiblir et les éliminer, soit en les rachetant, soit par d’autres moyens. Cette stratégie a été mise en œuvre, est-il précisé, par la signature de 49 accords, entre 1998 et 2002, entre les requérantes et un certain nombre de chaînes de supermarchés, prenant la forme d’accords d’exclusivité, d’accords imposant un objectif quantitatif individualisé et d’accords établissant des régimes de rabais rétroactifs individualisés.

12      Il ressort également de la décision attaquée que, bien que les accords, les clauses et les conditions rencontrés en l’espèce comportent des éléments différents, tels que des clauses d’exclusivité explicites ou de facto, des engagements ou des promesses, de la part des clients, d’acheter des quantités correspondant à une proportion importante de leurs besoins ou des régimes de rabais rétroactifs liés aux besoins desdits clients, ou encore une combinaison de ces éléments, ils doivent tous, selon la Commission, être envisagés dans le contexte de la politique générale des requérantes visant à faire obstacle à l’entrée sur le marché, à l’accès aux débouchés et aux possibilités de croissance des concurrents existants et potentiels et, en fin de compte, à les écarter du marché de manière à créer une situation de quasi-monopole.

13      Tout d’abord, selon la décision attaquée, les clauses d’exclusivité, dans la mesure où elles obligent les clients à s’approvisionner auprès d’un fournisseur dominant pour couvrir la totalité ou une part importante de leurs besoins, sont, par nature, susceptibles d’avoir un effet d’éviction. En l’espèce, les requérantes occupant une position dominante sur le marché et ces clauses d’exclusivité ayant été appliquées à une partie de la demande totale qu’elle estimait pouvoir être qualifiée de substantielle, la Commission en a déduit que ces accords d’exclusivité, conclus par les requérantes, étaient de nature à avoir, et ont effectivement eu, un effet d’éviction qui a faussé le marché. Or, il est constaté dans la décision attaquée qu’il n’existait pas, en l’espèce, de circonstances qui puissent exceptionnellement justifier l’exclusivité ou des clauses similaires et que les requérantes ne sont pas non plus parvenues à justifier leurs pratiques par des économies de coûts.

14      La décision attaquée ajoute, ensuite, que les ristournes accordées pour des quantités individualisées correspondant à la totalité ou à la quasi-totalité de la demande ont le même effet que des clauses expresses d’exclusivité, en ce sens qu’elles amènent le client à s’approvisionner pour la totalité ou pour la quasi-totalité de ses besoins auprès d’une entreprise en position dominante. Il en va de même des rabais de fidélité, autrement dit des rabais qui sont subordonnés à la condition que les clients s’approvisionnent pour la totalité ou la majeure partie de leurs besoins auprès d’un fournisseur en position dominante. Le fait que l’engagement portant sur le volume des achats soit exprimé en termes absolus ou en pourcentage n’est pas, pour la Commission, déterminant quant au caractère d’exclusion des accords ou des conditions en cause. En ce qui concerne les accords conclus par les requérantes, la décision attaquée précise que les objectifs quantitatifs stipulés constituaient des engagements individualisés qui variaient d’un client à l’autre, indépendamment de sa taille et de son volume d’achats, et qui correspondaient à la totalité ou à la majeure partie des besoins du client, voire les dépassaient. La décision attaquée ajoute que la politique des requérantes consistant à lier leurs clients, en particulier leurs clients essentiels, par des accords qui visaient à exclure les concurrents du marché et à leur ôter toute chance d’expansion ressort clairement des documents relatifs à la stratégie des requérantes, à leurs négociations et aux offres qu’elles ont faites à leurs clients. Compte tenu de la nature du marché des systèmes de déconsignation et des caractéristiques du produit lui-même, en particulier la transparence et le caractère relativement prévisible de la demande de RVM par client et par an, la Commission a constaté que les requérantes disposaient de la connaissance nécessaire du marché pour estimer de manière réaliste la demande approximative de chaque client.

15      En outre, concernant les pratiques de rabais, la Commission a fait observer, dans la décision attaquée, que les régimes de rabais étaient propres à chaque client et que les seuils étaient liés à la totalité ou à une part importante des besoins de chacun. Ils étaient établis sur la base des besoins estimés du client et/ou des volumes d’achats réalisés dans le passé. Or, l’incitation à s’approvisionner exclusivement ou presque exclusivement auprès des requérantes était, selon la décision attaquée, particulièrement forte lorsque des seuils, tels que ceux appliqués par les requérantes, étaient combinés à un système en vertu duquel le bénéfice lié au franchissement, selon le cas, du seuil de prime ou d’un seuil plus avantageux se répercutait sur tous les achats effectués par le client pendant la période considérée et pas exclusivement sur le volume d’achats excédant le seuil en question. Pour un client ayant commencé à s’approvisionner auprès des requérantes, ce qui est un scénario très probable compte tenu de la forte position de celles-ci sur le marché, un régime rétroactif créerait ainsi une forte incitation à atteindre le seuil voulu pour réduire le prix de l’ensemble de ses achats aux requérantes. Cette incitation augmentait, est-il indiqué, à mesure que le client s’approchait du seuil en question. Or, la Commission a constaté que la combinaison d’un régime de rabais rétroactif et d’un ou de plusieurs seuils correspondant à la totalité ou à une proportion élevée des besoins représentait une incitation importante à s’approvisionner pour la totalité ou la quasi-totalité des équipements nécessaires auprès des requérantes et augmentait artificiellement le coût du passage à un autre fournisseur, même pour un petit nombre d’unités. La Commission en a conclu que, conformément à la jurisprudence, les régimes de rabais en cause devaient être qualifiés de moyens de fidélisation, et donc de rabais de fidélité.

16      Enfin, la décision attaquée indique que, bien que, comme cela a été jugé dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission (T‑203/01, Rec. p. II‑4071, ci-après l’« arrêt Michelin II », point 239), et du 17 décembre 2003, British Airways/Commission (T‑219/99, Rec. p. II‑5917, point 293), pour établir un abus au sens de l’article 82 CE, il suffise de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature ou susceptible d’avoir un tel effet, la Commission a complété son analyse en examinant les effets probables des pratiques des requérantes sur le marché des RVM. À ce titre, la décision attaquée indique que, pendant toute la période examinée, c’est-à-dire de 1998 à 2002, la part des requérantes sur chacun des cinq marchés nationaux considérés est restée relativement stable. Simultanément, la position de leurs concurrents est restée assez faible et instable. L’un d’eux, le plaignant, qui avait progressé, a quitté le marché en 2003 après être parvenu à prendre 18 % du marché allemand en 2001. D’autres entreprises concurrentes, qui avaient fait la preuve de leur potentiel et de leur capacité d’acquérir des parts de marché plus importantes, ont été éliminées du fait de leur rachat par les requérantes, comme Halton et Eleiko. En outre, selon la Commission, la stratégie d’exclusion pratiquée par les requérantes pendant toute la période 1998-2002 s’est traduite par des modifications dans la répartition des parts du marché lié et dans les ventes des acteurs sur le marché. Par ailleurs, aux termes de la décision attaquée, certains clients ont commencé à acheter un plus grand nombre de produits concurrents après l’expiration de leurs accords d’exclusivité avec les requérantes. Outre l’absence de gains d’efficacité sur les coûts, lesquels seraient de nature à justifier les pratiques des requérantes, il n’y aurait pas à relever non plus, en l’espèce, d’avantages pour les consommateurs. La décision attaquée fait ainsi apparaître que les prix des RVM des requérantes n’ont pas diminué après l’augmentation du volume des ventes et que, bien au contraire, ces prix ont stagné, voire augmenté, pendant la période examinée.

IV –  Amende

17      La décision attaquée précise que l’appréciation de la gravité de l’abus commis par les requérantes doit tenir compte du fait qu’elles avaient délibérément mis en œuvre les pratiques en question dans le cadre de leur stratégie d’exclusion, mais également de la portée géographique de cet abus, à savoir le fait qu’il a couvert le territoire de cinq États faisant partie de l’EEE, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède et la Norvège. À l’inverse, doit également être pris en considération, selon la Commission, le fait que l’infraction n’a pas couvert la totalité de la période examinée sur tous les marchés nationaux considérés et que, sur chacun de ces marchés, son intensité a pu varier dans le temps.

18      En particulier, la décision attaquée précise, au considérant 394, que l’infraction concerne les territoires et périodes suivants :

–        Allemagne : 1998-2002

–        Pays-Bas : 1998-2002

–        Autriche : 1999-2001

–        Suède : 1999-2002

–        Norvège : 1998-2001

19      La Commission a considéré qu’il s’agissait d’une infraction grave et a fixé le montant de base de l’amende à 16 millions d’euros, en se fondant sur la période de cinq ans allant de 1998 à 2002. Le montant de départ de l’amende a été majoré de 10 % pour chacune des années complètes couvertes par l’infraction. Enfin, la décision attaquée indique qu’il n’existe pas de circonstances aggravantes ou atténuantes.

20      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

[Les requérantes] ont enfreint l’article 82 [CE] et l’article 54 de l’accord EEE pendant la période 1998-2002, en mettant en œuvre une stratégie d’exclusion sur les marchés [allemand, néerlandais, autrichien, suédois et norvégien] des [RVM], au moyen d’accords d’exclusivité, d’engagements quantitatifs individualisés et de régimes de rabais rétroactifs individualisés, fermant ainsi les marchés à la concurrence.

Article 2

Pour l’infraction susmentionnée, une amende de 24 millions d’euros est infligée [aux requérantes], conjointement et solidairement.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juin 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 janvier 2010.

24      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire de manière substantielle le montant de l’amende ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés par elles pour constituer une garantie bancaire à l’égard de leur obligation de payer l’amende.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

26      Les requérantes invoquent six moyens. Les cinq premiers moyens tendent, en substance, à l’annulation de la décision attaquée, le sixième à l’annulation ou à la réduction de l’amende. Le premier moyen est tiré de l’utilisation par la Commission de preuves manifestement inexactes et peu fiables pour constater que les requérantes menaient une stratégie d’exclusion. Le deuxième moyen est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise la Commission en considérant que les pratiques des requérantes étaient capables d’éliminer la concurrence et de l’absence de motivation. Le troisième moyen est tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation par la Commission de la question de savoir si lesdites pratiques éliminaient réellement la concurrence. Le quatrième moyen est tiré de l’erreur de droit manifeste qui résulterait de la qualification des pratiques des requérantes d’illégales per se. Le cinquième moyen est tiré de l’erreur manifeste qu’aurait commise la Commission en estimant que des engagements non contraignants pouvaient enfreindre l’article 82 CE. Enfin, le sixième moyen est tiré de la violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination lors de l’infliction de l’amende.

I –  Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

A –  Sur le premier moyen, tiré de l’utilisation de preuves manifestement inexactes et peu fiables pour constater la stratégie d’exclusion et pour prouver l’existence et déterminer le contenu de certains accords entre les requérantes et leurs clients

27      Ce moyen s’articule en deux branches. Premièrement, les requérantes font valoir que la décision attaquée ne contient pas d’éléments de preuve fiables permettant de démontrer qu’elles ont conçu une stratégie pour éliminer la concurrence. Deuxièmement, les requérantes font valoir que la décision attaquée repose sur des éléments de preuve inexacts et peu fiables pour prouver l’existence et le contenu d’au moins 26 des 49 accords auxquels la décision attaquée fait référence.

1.     Sur la première branche, tirée de l’absence d’éléments de preuve fiables permettant de démontrer l’existence d’une stratégie d’exclusion

a)     Arguments des parties

28      En premier lieu, les requérantes contestent l’utilisation en tant que preuve, par la Commission, de leur correspondance interne. À ce titre, les requérantes font valoir que les documents rassemblés par la Commission n’ont pas de lien entre eux et qu’ils sont totalement tirés de leur contexte. En outre, les requérantes prétendent que la Commission a omis des éléments de preuve qui montrent, à l’inverse, qu’elles avaient l’intention de se conformer au jeu normal de la concurrence avec leurs concurrents. Les requérantes font valoir que la décision attaquée ne tient pas compte des documents exprimant leur intention d’utiliser des moyens concurrentiels légitimes.

29      En deuxième lieu, les requérantes déclarent constater que la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas examiné la question de savoir si le groupe Tomra avait eu du succès sur le marché des RVM entre 1998 et 2002, car, de 1997 à 2001, il avait été le seul fournisseur de RVM équipés d’une « nouvelle technologie révolutionnaire ». Selon les requérantes, cela constitue une erreur de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée : leur avantage concurrentiel serait leur technologie et c’est sur la base de cet avantage qu’elles auraient décidé d’opérer sur le marché.

30      En troisième lieu, les requérantes indiquent que, en invoquant les accords prétendument anticoncurrentiels eux-mêmes comme preuves d’une stratégie d’exclusion, la Commission s’enferme dans un argument circulaire, parce qu’elle mentionne à plusieurs reprises, à d’autres endroits de la décision attaquée, leur stratégie d’exclusion pour démontrer que les mêmes accords étaient anticoncurrentiels. En conséquence, ces accords ne pourraient servir de preuve d’une stratégie d’exclusion. Même si la Commission avait été capable de fournir des exemples d’accords violant l’article 82 CE, elle n’aurait toujours pas offert d’explication quant à la manière dont ce fait confirmerait une stratégie à l’échelle de toute l’entreprise, visant à exclure la concurrence entre 1998 et 2002.

31      En quatrième lieu, les requérantes affirment que la Commission, dans la décision attaquée, d’une part, ne considère pas leurs procédures en violation de brevet ou leurs acquisitions comme faisant partie de l’infraction, mais, d’autre part, considère que ces procédures et ces acquisitions représentent des facteurs démontrant la stratégie d’exclusion poursuivie par elles. Toutefois, la Commission n’aurait pas présenté la moindre preuve démontrant que la protection par les requérantes de leurs brevets ou leurs pratiques de coopération avec d’autres sociétés ou d’acquisition de celles-ci aient illustré une stratégie d’exclusion. En particulier, les requérantes font valoir que, d’après une jurisprudence constante selon laquelle l’existence de droits de propriété industrielle ne viole pas le droit de la concurrence, à moins qu’elle ne soit vexatoire, une tentative de faire valider un brevet ou un autre droit de propriété industrielle devant des juridictions nationales ne saurait violer le droit de la concurrence communautaire.

32      La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

33      Il convient, tout d’abord, de relever que la décision attaquée, aux considérants 97 et suivants, résume ce que la Commission a considéré comme étant la stratégie anticoncurrentielle des requérantes. Elle indique, à ce sujet, ce qui suit :

« La stratégie [du groupe] Tomra était fondée sur une politique visant à préserver sa position dominante et ses parts de marché par des moyens consistant notamment à […] empêcher l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché, […] faire en sorte que les concurrents restent faibles en limitant leurs possibilités de croissance et […] finir par les affaiblir et les éliminer, soit en les rachetant, soit par d’autres moyens, [en particulier] les concurrents dont [le groupe] Tomra estimait qu’ils pouvaient devenir des rivaux plus sérieux. Pour atteindre cet objectif, [le groupe] Tomra a eu recours à diverses pratiques anticoncurrentielles, notamment des accords d’exclusivité et des accords de fournisseur privilégié, ainsi que des accords comportant des engagements quantitatifs individualisés ou des régimes de rabais rétroactifs individualisés. »

34      La décision attaquée précise ensuite que « [l]a stratégie globale [du groupe] Tomra n’est pas seulement confirmée par les différentes pratiques employées par le groupe [, mais] a également fait l’objet de discussions intensives au sein du groupe à plusieurs reprises, que ce soit lors de réunions et de conférences ou à l’occasion d’échanges de correspondance, par exemple de courriels ».

35      Il convient donc de relever que la Commission, après avoir fait mention des différentes pratiques anticoncurrentielles utilisées par les requérantes, a, à juste titre, examiné la documentation interne des requérantes. Cette documentation peut indiquer si l’exclusion de la concurrence était envisagée ou, au contraire, suggérer une explication différente des pratiques examinées. En l’espèce, la correspondance interne des requérantes a permis à la Commission de situer leurs pratiques dans leur contexte et de corroborer son évaluation de ces mêmes pratiques. En outre, il y a lieu d’ajouter que les conclusions de la Commission figurant dans la décision attaquée ne sont jamais fondées seulement sur l’un ou l’autre document pris singulièrement, mais sur toute une série d’éléments différents.

36      En premier lieu, s’agissant de l’affirmation selon laquelle la décision attaquée laisserait penser que la Commission n’a pas tenu compte de documents exprimant l’intention des requérantes d’utiliser des moyens concurrentiels légitimes, il convient d’observer qu’il est tout à fait normal que la décision attaquée fasse prioritairement état du comportement anticoncurrentiel des requérantes et non de leurs actions licites, dès lors que c’est précisément ce comportement qu’il incombait à la Commission d’établir. Il y a lieu, au demeurant, de souligner que la décision attaquée n’occulte pas le fait que certains documents internes des requérantes mentionnent aussi d’autres moyens tout à fait légitimes de se conformer au jeu de la concurrence (voir, par exemple, considérant 100 de la décision attaquée).

37      En deuxième lieu, s’agissant du prétendu avantage technologique des requérantes, il convient de relever que la mention, dans la décision attaquée, de cet avantage n’aurait eu aucun impact sur les conclusions de la Commission. En effet, les requérantes ne démontrent pas de quelle façon la technologie qu’elles ont développée aurait pu servir à justifier leurs pratiques. Par ailleurs, si cette technologie était effectivement si nettement supérieure à celle de leurs concurrents que les clients n’auraient, de toute façon, jamais acheté les produits de ces derniers, il devient encore plus difficile de justifier le recours à des accords d’exclusivité ainsi qu’à des engagements quantitatifs et autres systèmes de rabais individualisés.

38      En troisième lieu, s’agissant de la prétendue circularité du raisonnement de la Commission, dans la décision attaquée, en ce qui concerne le rapport entre les accords anticoncurrentiels et la stratégie d’exclusion, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, la notion d’exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 91, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 549).

39      En application de cette jurisprudence, la Commission, aux considérants 97 et suivants de la décision attaquée, a établi que les pratiques des requérantes, examinées dans leur contexte et combinées avec une série d’autres éléments, y compris les documents internes des requérantes, étaient susceptibles d’exclure la concurrence. Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission ne s’est nullement fondée de façon exclusive sur l’intention ou la stratégie des requérantes pour justifier sa conclusion relative à l’existence d’une violation du droit de la concurrence.

40      Enfin, s’agissant des procédures en violation de brevet et des acquisitions des requérantes, il suffit de relever que la décision attaquée, aux considérants 106 et 107, indique clairement que ces pratiques ne font pas partie de l’abus de position dominante. Il s’agit donc uniquement de faits pertinents qui permettent de situer les pratiques des requérantes dans leur contexte, mais qui n’ont aucun impact sur la constatation de l’infraction.

41      Il convient donc de rejeter la première branche du premier moyen.

2.     Sur la seconde branche, tirée de l’utilisation de preuves inexactes et peu fiables pour démontrer l’existence et déterminer le contenu de certains accords entre les requérantes et leurs clients

42      Cette branche peut être divisée en quatre sous-branches. La première sous-branche concerne les accords d’exclusivité antérieurs à 1998, la deuxième sous-branche concerne les accords désignant les requérantes comme « le fournisseur préféré, principal ou premier fournisseur », la troisième sous-branche concerne les engagements sur les quantités individualisés et les mécanismes de rabais rétroactifs individualisés, enfin, la quatrième sous-branche concerne une partie des contrats relatifs à quatre des cinq pays examinés dans la décision attaquée, contrats qui, selon les requérantes, ont été évalués de manière incohérente par la Commission.

a)     Sur les accords d’exclusivité antérieurs à 1998

 Arguments des parties

43      Les requérantes mettent en exergue le fait que 9 des 21 accords d’exclusivité sont antérieurs à la période couverte par la décision attaquée (1998-2002) et ne peuvent donc avoir contribué à l’exclusion des concurrents au cours de cette période. Les requérantes en concluent que ces 9 accords ne devaient pas être mentionnés dans la décision attaquée et devaient également être écartés lors du calcul de l’amende.

44      Même si la Commission affirme, dans le mémoire en défense, qu’elle n’a pas pris en considération, dans son évaluation, certains de ces accords, les requérantes se demandent pour quelle raison ils figurent dans la décision attaquée au considérant 296, comme s’ils étaient pertinents.

45      La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

 Appréciation du Tribunal

46      Il y a lieu de considérer que, en effet, 9 des accords d’exclusivité (à savoir les accords conclus avec AS Butikkdrift pour 1995 et 1996, Kiwi Minipris Norge pour 1996, Køff Hedmark pour 1996, Rema 1000 pour 1996, AKA/Spar Norge pour 1997, Rewe Wiesloch et Rewe Hungen pour 1997, De Boer Unigro pour 1997 et Samenwekende van den Broek Bedrijven pour 1997), mentionnés au considérant 296 de la décision attaquée en tant qu’accords conclus en violation de l’article 82 CE et de l’article 54 de l’accord EEE, concernent une période antérieure à la période couverte par la décision attaquée (1998-2002). Il est donc évident que la Commission a commis une erreur en mentionnant ces accords dans ce considérant, circonstance qui est d’ailleurs reconnue par la Commission elle-même dans ses écritures.

47      Toutefois, il convient d’observer que, d’une part, le calcul de l’amende n’a pris en considération aucun fait antérieur à 1998 et, d’autre part, la Commission affirme, sans être contredite par les requérantes, que les accords applicables avant 1998 n’ont jamais été pris en considération dans son appréciation de la partie de la demande non susceptible d’être conquise par les concurrents des requérantes et que, partant, les constatations relatives à la stratégie d’exclusion pratiquée par les requérantes sont totalement indépendantes de ces neuf accords.

48      La lecture de la décision attaquée dans son ensemble permet de lever toute ambiguïté à cet égard (voir, par exemple, considérants 134, 159, 166, 242, 264, 269, 394, 417 et 418 de la décision attaquée) et de considérer que la Commission n’a, à aucun moment, pris en compte une quelconque infraction avant 1998. Il s’ensuit que ce grief ne saurait être accueilli.

b)     Sur les accords désignant les requérantes comme « fournisseur préféré, principal ou premier fournisseur »

 Arguments des parties

49      Les requérantes affirment que la Commission a « automatiquement » qualifié d’accords d’exclusivité les accords par lesquels le client s’engageait à les conserver comme « fournisseur préféré, principal ou premier fournisseur », alors que ces termes sont trop vagues pour que les accords soient qualifiés d’exclusifs selon le droit des contrats. De plus, en dépit du fait que les clients en question auraient acheté des RVM auprès des concurrents des requérantes au cours du contrat exclusif allégué et que ces mêmes clients auraient affirmé que les accords étaient en fait non exclusifs, la Commission les aurait considérés comme exclusifs.

50      Selon les requérantes, la Commission, dans la décision attaquée, a négligé d’analyser si un droit d’exclusivité exécutoire avait été créé du point de vue du droit national des contrats. En fait, la décision attaquée ne contiendrait aucune analyse des contrats sur la base de la législation nationale. La décision attaquée et les demandes de renseignements envoyées par la Commission avant son adoption mettraient sur un même plan de vagues arrangements, qui ne créeraient pas d’obligation contractuelle contraignante et exécutoire, et des contrats formels exécutoires. Les requérantes soutiennent que, si cela paraît concevable dans le contexte d’une entente au sens de l’article 81 CE, cela ne l’est pas dans le cadre d’un accord d’exclusivité au titre de l’article 82 CE. À moins que son respect ne puisse être imposé sur la base du droit national des contrats, une obligation d’exclusivité n’empêcherait pas un concurrent de vendre au client ni le client d’accepter l’offre. De même, elle ne pourrait produire aucun effet dissuasif ex ante sur les clients.

51      De plus, la décision attaquée ferait état, à l’appui des conclusions de la Commission relatives au statut contractuel des documents, de preuves dépourvues de pertinence, comme des mémorandums internes des requérantes, des communiqués de presse ou le rapport annuel du groupe Tomra, qui sont autant de déclarations unilatérales de ce dernier, auxquelles le client ne s’est pas rallié. La Commission n’aurait effectué aucune analyse de la valeur probante de telles déclarations au regard du droit national applicable aux contrats.

52      Enfin, les requérantes soutiennent que les accords passés avec les deux groupements d’achat Superunie (accord conclu aux Pays-Bas, en 2001) et ICA/Hakon (accord conclu en Suède et en Norvège, pour la période 2000-2002) n’imposaient pas juridiquement aux affiliés de ces groupements de n’acheter des RVM qu’à elles et qu’il n’y a aucune preuve que ces accords aient fortement exercé « une pression ou constitué une forte incitation » pour que les détaillants indépendants leur achètent tous leurs RVM.

53      En particulier, s’agissant de l’accord conclu avec Superunie, les requérantes soutiennent que la décision attaquée n’apporte aucune preuve permettant de considérer que cet accord pouvait lier les magasins indépendants, membres de Superunie, pour les contraindre à leur acheter 130 RVM. À cet égard, la Commission aurait plutôt renversé la charge de la preuve en affirmant qu’« il n’y a[vait] pas de preuve suggérant que les membres individuels ne se sentaient pas liés […] » par l’accord. Si les membres avaient pu conclure une meilleure affaire auprès d’un concurrent des requérantes, la Commission n’aurait pas cherché, selon les requérantes, à expliquer pourquoi les membres décidaient néanmoins d’acheter auprès d’elles, en vertu d’un accord non contraignant passé avec le niveau central de leur organisation.

54      La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

 Appréciation du Tribunal

55      Il convient tout d’abord de contredire l’affirmation des requérantes selon laquelle la Commission aurait qualifié « automatiquement » d’accords d’exclusivité les accords par lesquels le client s’engageait à conserver les requérantes comme « fournisseur préféré, principal ou premier fournisseur ». Les considérants 114 à 122 et 286 et suivants de la décision attaquée témoignent d’ailleurs du contraire, en ce qu’ils expliquent en détail l’approche et les constatations de la Commission à cet égard.

56      En outre, s’il est vrai que certains clients cherchaient à inclure dans les contrats de « fournisseur préféré » une clause leur permettant d’acheter des appareils concurrents à des fins d’essai, cela conforte la conclusion selon laquelle ces contrats étaient conçus comme exclusifs et la possibilité d’acheter des appareils concurrents était une exception limitée seulement à l’essai de ces machines.

57      Par ailleurs, c’est sur la base des éléments de preuve disponibles quant à l’intention des parties que la Commission, dans la décision attaquée, a qualifié d’exclusifs les contrats de « fournisseur préféré ». Ces éléments de preuve montrent qu’ils visaient en effet l’exclusivité et étaient compris comme tels, indépendamment de la question de leur caractère exécutoire en droit national des contrats.

58      Le contrat avec Royal Ahold, par exemple, qualifie le groupe Tomra de « fournisseur principal ». Toutefois, le président de Tomra Systems ASA, au cours de négociations avec ce client, avait déclaré (voir considérant 139 et note en bas de page n° 267 de la décision attaquée) ce qui suit :

« Nous préférons donc que [le groupe] Tomra soit désignée comme le fournisseur ‘exclusif’ mondial de services liés aux déconsigneurs à Ahold. Des mots autres qu’exclusif’ pourraient être inventés pour exprimer l’intention fondamentale des parties. Toutefois, indépendamment du choix des termes, l’accord tel que nous l’avons négocié à tout moment est que [le groupe] Tomra doit avoir le droit d’installer les machines […] dans tout nouveau magasin nécessitant des déconsigneurs et […,] à l’expiration des accords existants, dans tout magasin actuellement desservi par un autre fournisseur de déconsigneurs. »

59      Quant à l’allégation des requérantes relative au fait que la Commission, dans la décision attaquée, n’aurait pas analysé le caractère exclusif des contrats sur la base de la législation nationale applicable, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les pratiques d’une entreprise en position dominante lient les acheteurs par une obligation formelle pour établir qu’elles constituent une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 82 CE. Il suffit que ces pratiques comportent une incitation, vis-à-vis des clients, à ne pas passer par des fournisseurs concurrents et à s’approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise (voir, en ce sens, arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, points 89 et 90).

60      À cet égard, il y a lieu de relever que, souvent, les accords concernés non seulement qualifiaient le groupe Tomra de « fournisseur préféré, principal ou premier fournisseur » du client en question, mais contenaient aussi des engagements quantitatifs ou des rabais rétroactifs progressifs subordonnés à l’achat d’un certain volume. Les accords pour les années 2000 à 2002 conclus avec le groupe néerlandais Royal Ahold et avec ICA/Hakon/Ahold pour la Suède et la Norvège constituent des exemples de ce genre d’accords.

61      Enfin, s’agissant des accords conclus entre les requérantes et des centrales d’achat telles que Superunie et ICA/Hakon, il convient de relever, d’une part, qu’il n’est pas contesté par les requérantes que ces accords revêtaient un caractère contraignant pour les centrales d’achat qui les avaient signés et, d’autre part, que la question de savoir s’ils influaient aussi sur le comportement d’acheteur de leurs membres ne dépend pas d’une analyse formelle.

62      En effet, il y a lieu d’observer, à l’instar de la Commission, que, lorsque les conditions négociées dépendent de l’achat de quantités cibles par la centrale dans son ensemble, il est inhérent à la négociation d’un contrat de ce type que celui-ci incitera les membres de la centrale à effectuer des achats en vue d’atteindre l’objectif fixé.

63      D’ailleurs, la circonstance que l’objectif d’achats fixé par le contrat passé avec ICA Ahold/Hakon a été atteint (voir considérant 171 de la décision attaquée) démontre à quel point l’organisation centrale d’achat avait le pouvoir d’influer sur les comportements des détaillants indépendants.

64      De plus, l’accord avec Superunie mentionnait expressément chacun des différents adhérents et le nombre d’appareils que chacun d’eux était censé acheter.

65      Il convient, enfin, de souligner, comme la Commission l’a relevé à juste titre, que, effectivement, le dossier contient plusieurs indications montrant que le respect de l’accord était étroitement surveillé et que des pressions étaient exercées sur les distributeurs indépendants.

66      À cet égard, il convient de mentionner, par exemple, la lettre du 16 février 2001 adressée par Tomra Europe à ICA Ahold au sujet de l’accord du 13 octobre 2000, qui exprime les inquiétudes des requérantes au sujet du rythme des achats d’ICA en vertu de l’accord, et qui rappelle qu’ICA « s’est engagée à faire de son mieux au niveau central pour soutenir [le groupe] Tomra dans tout son réseau de magasins et pour encourager ses franchisés à accélérer les remplacements de vieux appareils et à rester fidèles à 100 % à cet accord ». La lettre précise que le soutien central d’ICA « n’a manifestement pas été efficace jusqu’ici » et que la communication par ICA des incitations offertes en vertu de l’accord à ses franchisés n’a pas été suffisante. Tomra Europe invitait donc ICA à prendre des mesures d’urgence pour exécuter le plan conformément à l’accord.

67      À la lumière de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter ce grief des requérantes.

c)     Sur les engagements sur les quantités individualisés et les mécanismes de rabais rétroactifs individualisés

 Arguments des parties

68      Les requérantes prétendent qu’il n’est nullement prouvé qu’elles aient été en mesure d’estimer avec précision les besoins du client.

69      Elles font valoir, en premier lieu, que la Commission, dans la décision attaquée, admet que les clients ne les informaient pas du volume de leurs besoins totaux ou quasi totaux de RVM au cours de la période contractuelle.

70      Elles soutiennent, en deuxième lieu, que si la demande pour des RVM était non récurrente et irrégulière, comme indiqué dans la décision attaquée, alors le nombre de RVM qu’un client achetait au cours de l’année précédente ne pouvait pas leur permettre d’estimer la demande totale ou quasi totale du même client au cours de l’année suivante.

71      De plus, les requérantes contestent l’affirmation de la Commission selon laquelle la demande de chaque client est facilement prévisible « puisqu’elle est créée ou augmentée par l’introduction de systèmes de consigne obligatoire ». À ce propos, les requérantes indiquent qu’aucun des cinq États où les infractions alléguées ont eu lieu n’a introduit de système de consigne obligatoire entre 1998 et 2002.

72      En troisième lieu, la Commission aurait indirectement admis que les requérantes n’étaient pas capables d’estimer les besoins totaux ou quasi totaux de leurs clients en RVM, en effaçant, en tant que secrets d’affaires, tous les chiffres ayant trait, directement ou indirectement, aux achats annuels historiques de RVM, et ce dans l’intégralité de la décision attaquée.

73      Enfin, les requérantes affirment qu’il était rare que les engagements et les objectifs de quantité coïncident avec les achats réels des clients. Les achats réels étaient soit très inférieurs, soit très supérieurs à l’engagement des quantités alléguées, alors que le client achetait également des RVM auprès de leurs concurrents. À l’appui de cette affirmation, les requérantes soumettent un rapport préparé par des économistes, qui ont relevé les achats réels effectués par chaque client pertinent et les ont comparés aux engagements sur les quantités alléguées.

74      Les requérantes indiquent que les constatations empiriques de ce rapport montrent que les achats effectifs de RVM ont été systématiquement plus importants que les quantités contractuelles. Cela tiendrait au fait que les requérantes étaient en mesure d’offrir une « technologie révolutionnaire », dont les clients voulaient à toute force disposer dans leurs points de vente. Cela ne concorderait en revanche pas avec la décision attaquée (voir considérant 123), lorsqu’il y est affirmé que les achats prévus dans les accords correspondaient « intégralement, ou presque, » au nombre de RVM que le client finissait par acheter au cours de la période contractuelle.

75      La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

 Appréciation du Tribunal

76      En ce qui concerne les engagements sur les quantités individualisés et les mécanismes de rabais rétroactifs individualisés, les requérantes prétendent que rien n’établit qu’elles aient été en mesure, lors de la période examinée, d’estimer correctement les besoins des clients en RVM. Or, selon les requérantes, l’illégalité de ce type de pratiques dépend justement de la capacité du fournisseur à estimer les besoins des clients.

77      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la Commission, dans la décision attaquée, a effectivement considéré que les engagements sur les quantités et les mécanismes de remises avaient été individualisés pour chaque client et que les seuils avaient trait aux besoins totaux d’un client ou d’une grande proportion de ceux-ci (voir, par exemple, considérant 319 de la décision attaquée).

78      Il peut donc être affirmé, comme le font les requérantes, que la décision attaquée, quant à la thèse relative aux engagements sur les quantités et aux mécanismes de remises qui y figure, repose sur la circonstance que les requérantes étaient à même d’individualiser ce type d’accords tout en connaissant les besoins de chaque client. Or, l’argument des requérantes est tiré du fait que, en réalité, elles n’étaient pas capables d’estimer avec exactitude les besoins des clients et, donc, que la Commission ne pouvait parler d’accords individualisés. Il convient, dès lors, de vérifier si la Commission a commis une erreur à cet égard.

79      Premièrement, il convient de relever que le client indiquait parfois une prévision concernant sa demande future, comme dans le contexte de l’accord avec Rimi Svenska. De plus, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes font valoir que, durant la phase de négociation du contrat, « il [était] normal et nécessaire que les deux parties aient une idée approximative de la quantité, c’est‑à-dire du nombre d’unités susceptibles de faire l’objet du contrat ».

80      Deuxièmement, l’affirmation des requérantes selon laquelle la Commission aurait constaté que les objectifs étaient établis sur la base des seuls achats passés est erronée. Au contraire, la Commission a, à juste titre, considéré, dans la décision attaquée, que, au vu des caractéristiques du marché des RVM, la demande de chaque client était relativement facile à prévoir. Pour prévoir les besoins futurs de leurs clients, les requérantes avaient à leur disposition différents éléments : les indications fournies par les clients eux-mêmes, les achats faits par les clients au cours de l’année précédente ou d’années antérieures, les données transparentes sur les facteurs les plus pertinents (nombre et taille des points de vente, existence ou mise en place prévisible d’un système de consigne) ainsi que les études de marché effectuées par les requérantes elles-mêmes sur la base de leur connaissance approfondie du marché (voir considérant 298 de la décision attaquée).

81      En particulier, concernant l’argument des requérantes selon lequel aucun des cinq pays concernés par la décision attaquée n’a introduit de système de consigne obligatoire entre 1998 et 2002, il y a lieu de relever que la demande de RVM s’est accrue en prévision de l’introduction d’un système de consigne, comme cela s’est vérifié en Allemagne au cours de la période 2000-2001, même si le système n’a effectivement été introduit qu’à la fin de 2002 (voir considérants 188, 219 et 221 de la décision attaquée). De même, des systèmes « volontaires » de collecte des emballages de boisson, comme celui existant en Norvège, ont aussi eu une incidence manifeste et prévisible sur la demande de RVM (voir considérant 242 de la décision attaquée).

82      Il s’ensuit que, contrairement à l’argument des requérantes, une demande « non récurrente » et « irrégulière » peut néanmoins être, comme dans le cas d’espèce, facile à prévoir.

83      Quant au traitement confidentiel, dans la décision attaquée, des informations des clients au sujet des achats effectués auprès de fournisseurs concurrents, il y a lieu d’observer que cette circonstance ne saurait permettre de conclure que les requérantes n’étaient pas en mesure d’estimer la demande de leurs clients. La demande de confidentialité des clients indique simplement qu’ils ne souhaitaient pas révéler aux requérantes les achats qu’ils avaient effectués auprès des concurrents.

84      Enfin, s’agissant du manque de corrélation systématique entre les prétendus engagements sur les quantités et les achats effectivement réalisés par les clients, il convient de relever que l’étude fournie par les requérantes repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la décision attaquée indique que les contrats en question correspondaient généralement à la totalité ou à une proportion élevée des besoins effectifs des clients au cours d’une période contractuelle donnée et non pas que les engagements sur les quantités devaient correspondre exactement à la demande réelle totale telle qu’observée ex post (voir considérants 102, 108, 123, 124 et 127 de la décision attaquée).

85      En outre, la décision attaquée précise que, quand les objectifs fixés par les accords ne correspondaient pas aux besoins totaux du client, ils correspondaient au moins à une valeur comprise entre 75 % et 80 % de sa demande totale (voir, par exemple, considérant 159 de la décision attaquée).

86      En tout état de cause, il y a lieu de relever que l’étude statistique présentée par les requérantes semble confirmer la thèse sur laquelle la décision attaquée est fondée. En effet, l’analyse effectuée a posteriori par les requérantes montre, en substance, que les volumes des achats effectifs sont, dans la plupart des cas, légèrement supérieurs aux volumes prévus dans les engagements quantitatifs. Cette constatation est confirmée par le tableau comparatif fourni par la Commission, dans lequel les engagements quantitatifs et les rabais cibles pratiqués sont comparés aux achats effectivement réalisés par les clients.

87      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter également ce grief.

d)     Sur l’évaluation de certains contrats conclus sur le territoire de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de la Norvège

88      Les requérantes font valoir que, pour quatre des cinq pays sur le territoire desquels l’infraction aurait été commise, la plupart des contrats mentionnés dans la décision attaquée ont été évalués de manière incohérente. Ces contrats n’avaient donc pas à être pris en compte par la Commission et ce motif suffirait à justifier l’annulation de la décision attaquée. Les requérantes ne contestent pas l’analyse des contrats en Autriche. Le premier moyen du recours ne concerne donc pas ce marché.

89      Il convient donc d’examiner ci-après les griefs relatifs aux contrats concernant l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège.

 Allemagne

90      Les requérantes font valoir que plus de la moitié des accords concernant l’Allemagne invoqués par la Commission n’existaient pas ou ne comprenaient aucune clause d’exclusivité, d’engagements sur les quantités ou de remises rétroactives.

91      La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

–       Edeka Bayern-Sachsen-Thüringen (1998-1999)

92      Les requérantes affirment que ce contrat n’était pas exclusif et qu’il prévoyait seulement que le client devait leur acheter des RVM de manière concentrée. Le client était toutefois autorisé à tester des appareils concurrents ainsi qu’à les acheter s’ils présentaient des avantages significatifs.

93      Les requérantes ajoutent que la Commission n’apporte pas la preuve que l’accord pourrait être qualifié d’exclusif.

94      Il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, l’accord était conçu dès l’origine comme un accord d’exclusivité. Un contact verbal entre les deux sociétés, dont la teneur a été diffusée par courriel au sein de la filiale allemande du groupe Tomra, corrobore cet argument.

95      De plus, il y a lieu de souligner que, lorsqu’un accord n’est pas exclusif, le client reste maître de ses choix et peut acheter auprès de n’importe quels concurrents. Il n’est normalement pas nécessaire pour le client de prouver que le concurrent possède un « avantage significatif », comme c’est le cas en l’espèce.

96      Quant à l’argument tiré du fait que l’accord en question prévoit qu’Edeka Bayern-Sachsen-Thüringen peut effectivement tester les produits des concurrents des requérantes, il convient de considérer que, pour qu’un client commande des appareils à un nouveau fournisseur, il doit les avoir essayés pendant un certain temps ; une période d’exclusivité n’est donc pas incompatible avec le fait de se réserver le droit d’essayer des appareils concurrents. Par ailleurs, un contrat qui n’est pas exclusif ne comporte pas, en principe, une telle clause.

97      Il convient donc de relever que, comme l’a justement souligné la Commission, un contrat ne contient pas, normalement, des clauses encadrant ou orientant les choix d’achat opérés par le client. En effet, des clauses telles que celle laissant la possibilité au client d’effectuer des essais sur les appareils concurrents pendant une période restreinte ou une clause ne permettant de se fournir auprès des concurrents que si l’avantage est significatif ne saurait indiquer que l’accord n’est pas exclusif.

98      Il convient, dès lors, de rejeter ce grief.

–       Edeka Handelsgesellschaft Hessenring (1999)

99      Les requérantes contestent la façon dont la Commission a analysé l’accord de 1999, en faisant valoir qu’elle n’apporte aucune preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle le seuil de 2 millions de marks allemands (DEM), requis pour obtenir une supposée remise individuelle de 0,5 %, représentait un système de rabais individualisé fondé sur la totalité ou la quasi-totalité des besoins du client. Les requérantes ajoutent que ce seuil n’a pas été atteint par Edeka Handelsgesellschaft Hessenring en 1999. Ainsi, quand bien même une telle clause de remise dépendant du montant des achats existerait, elle n’aurait pas pu s’appliquer.

100    À ce propos, il y a lieu de relever, à l’instar des requérantes, que, en effet, la Commission ne démontre pas, dans la décision attaquée, que l’accord avec Edeka Handelsgesellschaft Hessenring représentait un système de rabais individualisé fondé sur la totalité ou la quasi-totalité des besoins du client. En l’absence d’autres éléments, le fait qu’Edeka Handelsgesellschaft Hessenring n’ait pas acheté de produits pour un montant dépassant le seuil spécifique pour obtenir la remise semble confirmer cette circonstance.

101    Il convient, toutefois, de souligner que, même si la Commission n’a pas prouvé qu’il s’agissait d’un accord individualisé, il ne peut être nié qu’il s’agit, de toute façon, d’un accord de rabais progressif et rétroactif. En outre, il convient de relever que, dans les cas où le client avait acheté une quantité inférieure au seuil, la Commission affirme, sans être contredite par les requérantes, qu’elle n’a inclus dans la « part liée » que les achats réels auprès de l’entreprise en position dominante pendant la durée de l’accord.

102    Partant, ce grief des requérantes ne saurait être accueilli.

–       Edeka Baden-Würtemberg (2000)

103    Les requérantes prétendent que le contrat en cause ne peut être qualifié d’exclusif. Pour elles, il s’agirait d’une confirmation de commande concernant 1,7 % des points de vente d’Edeka. L’accord ne contiendrait aucune autre information concernant l’éventualité qu’il puisse s’agir d’un accord d’exclusivité.

104    L’argument avancé par les requérantes n’est pas convaincant, dans la mesure où la Commission apporte la preuve à deux reprises qu’il s’agissait bien d’un contrat d’exclusivité. En effet, à l’appui de son argument, la Commission soumet une note interne du 24 septembre 2000, qui fait référence à un accord d’exclusivité en cours (« bestehenden Exclusivvertrag »).

105    De plus, concernant l’argument tiré du fait que la Commission vise Edeka dans son ensemble, il convient de préciser que tel n’est pas le cas. En effet, la Commission spécifie que l’accord est limité aux nouveaux points de vente d’Edeka.

106    Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce grief.

–       COOP Schleswig-Holstein (2000)

107    Les requérantes prétendent qu’il ne s’agit pas d’un contrat d’exclusivité. Elles précisent que la Commission n’a eu entre ses mains qu’une correspondance entre elles et COOP, confirmant l’achat par COOP de 25 RVM. Il ne s’agirait pas d’un contrat d’exclusivité, d’autant que, selon les requérantes, COOP n’aurait acheté que 7 RVM. Les requérantes en concluent que les parties ne se sentaient pas liées par cette lettre.

108    Les requérantes ajoutent que, dans la lettre du 10 mars 2000, aucune clause n’empêchait COOP de se fournir auprès de leurs concurrents.

109    Cependant, la preuve fournie par la Commission selon laquelle la lettre du 10 mars 2000 de Tomra Systems GmbH à COOP visait un « accord-cadre d’exclusivité » suffit à démontrer que l’accord en cause était bien un contrat d’exclusivité.

110    Pour cette raison, il convient de rejeter ce grief des requérantes.

–       Netto

111    Les requérantes soutiennent que le bonus progressif inclus dans le contrat n’a pas pu être distribué, dans la mesure où le client n’avait pas commandé le nombre de RVM nécessaire pour bénéficier dudit bonus. Pour avoir droit à 2 RVM gratuits, Netto aurait dû en commander 150. Or, la commande n’a été que de 109 unités en 2001 et de 126 unités en 2002, selon les requérantes.

112    Les requérantes ajoutent que l’objectif n’a pas été atteint, car les achats réels ont été nettement moindres, et le fait que le contrat a été unilatéralement prorogé par elles au-delà de la date initialement prévue est dépourvu de pertinence, puisque le client ne pouvait s’attendre à ce qu’elles procèdent à cette extension, ce qui exclurait en l’espèce tout effet dissuasif.

113    S’agissant du contrat avec Netto, il convient de relever que, s’il est vrai que les seuils n’ont pas été atteints, la décision attaquée indique au considérant 202 que ledit contrat avait été prorogé, probablement avec l’objectif de permettre au client d’atteindre les seuils successivement. Les requérantes n’ont pas démontré que cette circonstance ne se soit pas vérifiée. Partant, il convient de rejeter ce grief.

–       Rewe Wiesloch et Rewe-Hungen (1997)

114    Les requérantes contestent avoir été le fournisseur exclusif de RVM de ces deux organisations et affirment que le marché de la fourniture de RVM a été attribué à Halton en 1997.

115    Il n’y a pas lieu, toutefois, de statuer sur ce grief, étant donné que l’accord se situe en dehors de la période examinée par la décision attaquée.

–       Rewe Hungen (2000)

116    Les requérantes font valoir que l’accord n’est pas contraire à l’article 82 CE, car la commande effectuée par Rewe auprès d’elles était nettement inférieure (moins de 50 %) aux besoins du client. De plus, à les en croire, le volume effectivement acheté était sensiblement supérieur à l’objectif convenu entre les parties.

117    Il y a lieu de relever que le fait qu’un client ne franchisse pas le seuil fixé par contrat n’enlève rien à l’incitation supplémentaire donnée par le rabais jusqu’à ce que le volume cible soit atteint. En outre, il convient de souligner que, lors du calcul de l’importance du volume non offert à la concurrence, la Commission n’a pris en considération que le volume allant jusqu’au seuil (en l’occurrence 20 appareils) et a considéré le reste des achats du client comme une demande susceptible d’être conquise.

118    Par conséquent, il convient de rejeter ce grief des requérantes.

119    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que la décision attaquée n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les accords conclus en Allemagne.

 Pays-Bas

120    Les requérantes contestent l’appréciation portée par la Commission sur quatre contrats examinés dans la section de la décision attaquée qui traite des Pays-Bas. Selon les requérantes, la décision attaquée qualifie erronément ces contrats, qui ne pouvaient pas être pertinents au titre d’une violation de l’article 82 CE.

121    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

–       Albert Heijn (1998-2000)

122    Les requérantes font valoir que leur confirmation de commande non signée, datée du 30 octobre 1998, qui mentionne le fait qu’Albert Heijn avait commandé par téléphone 200 RVM, ne contient aucune information permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle Albert Heijn était tenu d’acheter 200 RVM ou que le prix changerait si le client choisissait d’acheter un volume inférieur de RVM, ou que cela constituait les besoins totaux ou presque totaux du client. En fait, la Commission reconnaîtrait qu’en avril 2000 Albert Heijn n’avait acheté que 121 RVM auprès des requérantes.

123    Il y a lieu, toutefois, de relever que le document en question stipule expressément qu’Albert Heijn était tenu d’acheter 200 RVM : « Albert Heijn s’engage à acheter 200 appareils automatiques Tomra T600 avant le 31 décembre 2000, avec une prolongation jusqu’au 31 mars 2001 inclus ».

124    En outre, il convient de relever que, comme cela est soutenu par la Commission, les requérantes lui ont transmis cet accord dans le cadre de leur réponse du 14 mars 2002 à la demande de renseignements qu’elle avait formulée au titre de l’article 11 du règlement n° 17 et que, lors de leur réponse à la communication des griefs, elles n’ont fait valoir à aucun moment que l’accord, inclus dans la même communication, n’était pas signé ou n’avait jamais existé.

125    En outre, quant à la constatation qu’en avril 2000 Albert Heijn n’avait acheté que 121 RVM auprès des requérantes, il convient de relever qu’à cette date il restait une année complète avant l’échéance prévue dans l’accord. Il n’est donc pas possible de considérer, au vu de ces éléments, que l’accord n’a pas été respecté.

126    Il convient d’ajouter que l’existence de cet accord est confirmée par l’accord Royal Ahold Global Master, examiné ci-après, qui était un accord d’exclusivité plus large, conclu avec Royal Ahold, groupe auquel appartenait Albert Heijn. L’article 4.2 de cet accord mentionne le précédent accord intervenu avec Albert Heijn et rappelle que, « en vertu de l’accord daté du 30 octobre 1998 », Albert Heijn est encore « tenu d’acheter 79 appareils supplémentaires à [Tomra Systems BV] », ce qui correspond à la différence entre l’engagement initial d’acheter 200 appareils et les 121 appareils déjà achetés.

127    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le document en question témoigne de l’existence d’un contrat en vertu duquel Albert Heijn était tenu d’acheter 200 RVM aux requérantes.

–       Royal Ahold (2000-2002)

128    Les requérantes contestent le fait que l’accord Royal Ahold Global Master était exclusif et elles soutiennent que rien dans cet accord n’empêchait Royal Ahold d’acheter des appareils concurrents. Elles font valoir que la section 1.2 de l’accord mentionne explicitement le fait que Royal Ahold est libre d’acheter auprès d’autres fournisseurs et que Royal Ahold n’est pas tenue de mettre fin à des accords existants avec d’autres fournisseurs de RVM. En fait, les requérantes soutiennent qu’elles étaient censées être seulement le « fournisseur principal », et non pas exclusif.

129    Les requérantes ajoutent que la Commission, dans la décision attaquée elle-même, reconnaît que Royal Ahold a acheté des RVM à d’autres fournisseurs pendant la période du contrat. En outre, elles soutiennent que les déclarations citées dans le mémoire en défense et leurs indications pour expliquer les accords ne constituent pas, aux termes du droit des contrats applicable en l’espèce [c’est-à-dire celui de New York (États-Unis)], des preuves de nature à convaincre une juridiction de faire respecter l’exclusivité contre Royal Ahold. Le fait que Royal Ahold a procédé à des achats auprès de fournisseurs concurrents soulèverait la question de savoir quel a pu être l’effet dissuasif réel de ce contrat.

130    Les arguments des requérantes concernant l’accord avec Royal Ahold ne sauraient être accueillis.

131    En effet, les documents cités dans la décision attaquée confirment que ce contrat était exclusif. Le communiqué de presse des requérantes du 13 avril 2000 indique, par exemple, que « [le groupe] Tomra et [...] Royal Ahold ont signé un accord mondial qui fait [du groupe] Tomra le fournisseur exclusif de Royal Ahold pour les déconsigneurs et les services y afférents pendant une période de trois ans » (voir considérant 139 de la décision attaquée). Il convient, en outre, de relever que les requérantes, dans leur réponse à la communication des griefs, l’ont reconnu expressément.

132    Il est, certes, vrai, comme l’admet d’ailleurs la Commission, que l’accord n’oblige pas Royal Ahold à résilier des accords existants avec d’autres fournisseurs de RVM avant l’échéance. Toutefois, il convient d’observer que la section 1.2 de l’accord prévoyait que les achats d’autres RVM à des concurrents n’étaient « pas interdits », « à condition toutefois que la durée en ce qui concerne ces appareils supplémentaires ne dépasse pas la plus longue durée restant à courir dans le point de vente au détail où des appareils supplémentaires sont installés ».

133    La section 1.2 de l’accord en question prévoit, donc, que les accords avec d’autres fournisseurs devaient être supprimés progressivement et que les contrats avec les concurrents qui viendraient à excéder la plus longue durée restant à courir au niveau de chaque point de vente n’allaient pas être acceptés.

134    Partant, il y a lieu de rejeter ce grief des requérantes.

–       Lidl (1999-2000)

135    Les requérantes font valoir que, en ce qui concerne l’accord du mois d’avril 1999, la Commission a omis de joindre aux éléments de preuve le fait que la commande de Lidl mentionne explicitement que Lidl Nederland GmbH ne s’engage pas à un accord d’exclusivité.

136    En outre, la Commission déformerait les éléments de preuve quand elle affirme que l’intention de Lidl était d’acheter « au moins » 40 RVM, car la lettre mentionne simplement le fait que Lidl avait l’intention d’acheter 40 RVM. La Commission aurait également reconnu que Lidl n’avait acheté que 21 RVM auprès des requérantes en 1999.

137    Les requérantes font observer que, au considérant 142 de la décision attaquée, la Commission se réfère à un accord de 2000, conclu afin de « remplacer 44 vieilles machines Halton et 33 vieilles machines Tomra par 77 nouvelles RVM Tomra d’ici la fin de cette année-là ». Aucune quantité minimale n’étant spécifiée, la lettre confirmerait plutôt que Lidl avait commandé 77 RVM pour remplacer un même nombre d’anciens RVM dans ses magasins. La Commission aurait reconnu que Lidl avait, en fait, acheté 82 RVM auprès des requérantes en 2000. Selon les requérantes, la lettre démontre clairement que Lidl leur demandait de remplacer ses machines, car leur technologie avancée pouvait être adaptée plus spécifiquement aux besoins de Lidl.

138    S’agissant de l’accord du mois d’avril 1999, il convient de constater que la décision attaquée ne qualifie pas l’accord avec Lidl d’exclusif. Cet accord est décrit sous la rubrique « Exclusivité et engagements quantitatifs » au considérant 142 de la décision attaquée et sous la rubrique « Engagements sur les quantités et conditions unilatérales liées à des quantités données » au considérant 302 de la décision attaquée. Quant à la constatation des requérantes selon laquelle Lidl n’avait acheté que 21 appareils en 1999, il convient de souligner que cette circonstance ne saurait infirmer le fait que cet accord obligeait le client à acheter 40 appareils sur une période de deux ans, la période contractuelle de deux ans n’étant pas encore achevée.

139    Il convient donc de rejeter les observations des requérantes relatives à cet accord.

140    S’agissant de l’accord signé le 29 septembre 2000, il suffit de relever, d’une part, que les requérantes ne contestent pas que le client s’était engagé à acheter 77 appareils pour la fin de l’année et, d’autre part, que la décision attaquée n’a pas tenu compte de cet accord pour calculer la part du marché non susceptible d’être conquise par les concurrents des requérantes (voir considérant 163 et note en bas de page n° 335 de la décision attaquée).

141    Par conséquent, ce grief ne saurait non plus être accueilli.

–       Superunie (2001)

142    Les requérantes font valoir, en substance, que Superunie est une organisation centrale d’achat de droit hollandais, que ses membres prennent indépendamment leurs décisions d’achat et que l’accord signé avec ce type d’organisation, qui contenait un engagement d’acheter un minimum de 130 appareils sur une période d’un an et demi, n’est pas contraignant pour ses membres.

143    Les arguments des requérantes ne sauraient être accueillis. À cet égard, il convient de renvoyer aux considérations figurant aux points 61 à 66 ci-dessus, relatives aux accords avec les centrales d’achat.

144    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, en ce qui concerne les quatre contrats des Pays-Bas contestés par les requérantes, la décision attaquée n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

 Suède

145    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée qualifie erronément la plupart des accords conclus en Suède et qu’elle est viciée de ce fait par une erreur manifeste.

146    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

–       ICA Handlares (Suède) et Hakon Gruppen (Norvège) (2000-2002)

147    Les requérantes prétendent que ce contrat, étant une annexe du contrat conclu entre le groupe Tomra et Royal Ahold, ne peut pas être qualifié d’exclusif dans la mesure où l’accord Royal Ahold n’est lui-même pas qualifié d’exclusif.

148    Les requérantes ajoutent que ICA tout comme Hakon sont des « bureaux d’administration centrale » pour des points de vente totalement indépendants. Ainsi, les requérantes soutiennent que, même si l’accord en question avait été exclusif, rien n’empêcherait les points de vente de s’approvisionner en RVM auprès des concurrents des requérantes.

149    En ce qui concerne l’argument tiré de la qualification d’exclusivité du contrat, il convient de relever que le contrat Royal Ahold Global Master a précédemment été examiné et qu’il en a été conclu qu’il s’agissait d’un accord d’exclusivité (voir points 128 à 133 ci-dessus). La Commission a donc conclu à bon droit que, l’accord ICA étant une annexe de ce contrat, il devenait exclusif par définition. Il résulte, en outre, du dossier et, notamment, de la « proposition de remise globale supplémentaire en Norvège et en Suède », que la Commission a pu affirmer, à juste titre, que l’accord contenait également une clause permettant d’obtenir le bénéfice d’une remise supplémentaire lors de l’achat de RVM. En effet, la Commission a qualifié l’accord d’abusif, car il ne contenait pas seulement une clause d’exclusivité. Une remise de 10 % était versée à ICA, en plus du système de rabais spécifique mis en place en Suède, si elle s’engageait à acheter au minimum 1 100 nouveaux RVM pour le territoire de la Suède et de la Norvège, au cours d’une période s’étalant de 2000 à 2002. L’accord avait donc pour objet non seulement d’établir une clause d’exclusivité, mais également de fidéliser la clientèle d’ICA et de Hakon par le biais d’une remise qui était versée au-delà d’une quantité fixe d’achats de RVM.

150    S’agissant de l’argument des requérantes tiré de l’indépendance des points de vente, il suffit de renvoyer aux considérations exposées aux points 61 à 66 ci-dessus, relatives aux organisations centrales d’achat.

151    Pour ces raisons, il convient de rejeter ce grief dans son intégralité.

–       Rimi Svenska (2000)

152    Les requérantes affirment qu’il n’y avait aucun engagement sur les quantités s’agissant de la commande globale du mois d’avril 2000, car Rimi Svenska, au cours de la période couverte par l’accord, n’avait acheté que 23 RVM pour 2,6 millions de couronnes suédoises (SEK), alors que le rabais rétroactif ne devait être payé que si les achats dépassaient 7,5 millions de SEK.

153    Les requérantes indiquent, dans la réplique, que l’objectif prévu n’a pas non plus été atteint dans le cadre du contrat plus vaste conclu avec ICA.

154    Ces arguments ne peuvent être pris en considération, dans la mesure où l’accord avec Rimi Svenska a été remplacé en octobre 2000 par un accord plus large, signé avec ICA Ahold, dont Rimi Svenska est une filiale, qui prévoyait les mêmes rabais de 10 %, mais des conditions plus flexibles pour l’obtention de la remise. Rimi Svenska n’a donc pas perdu le rabais auquel elle avait droit en vertu de l’accord précédent, qui prévoyait également une remise si elle désignait le groupe Tomra comme fournisseur principal.

155    La lettre du 2 novembre 2000, annexée à la requête, ne saurait, à cet égard, être négligée, sachant qu’elle confirme que Rimi Svenska a bénéficié d’une remise rétroactive partielle et que le reste lui aurait été versé en novembre 2000. Le document précise, en outre, que la commande globale est résiliée et remplacée par l’accord ICA, plus général comme il vient d’être rappelé au point 154 ci-dessus. Il convient de relever, en outre, que l’affirmation des requérantes selon laquelle l’objectif prévu n’a pas non plus été atteint dans le cadre du contrat plus vaste conclu avec ICA n’est pas étayée.

156    Il convient, dès lors, de rejeter également ce grief.

–       Spar, Willys et KB Exonen (groupe Axfood) (2000)

157    Les requérantes soutiennent que la Commission n’a produit aucune preuve de l’existence d’un accord donnant à Spar le « droit » aux rabais rétroactifs. Les requérantes font valoir que, dans leur réponse à la communication des griefs, elles avaient explicitement fait référence à la déclaration d’Axfood, qui indique que Spar et Willys effectuaient leurs achats en vertu d’un accord conclu entre D-Gruppen et le groupe Tomra en 2000, qui n’offrait pas de remises fondées sur les volumes.

158    Il y a lieu de relever, à ce propos, que la Commission, dans la décision attaquée, affirme que l’accord en cause contient des remises rétroactives en contrepartie de l’achat d’une quantité déterminée de produits des requérantes. Ces dernières soutiennent que la Commission n’a pas étayé ses dires.

159    Toutefois, les requérantes semblent avancer des arguments contradictoires. En effet, dans un premier temps, dans le cadre des renseignements qu’elles ont fournis à la Commission, les requérantes ont reconnu avoir conclu des accords avec Spar et Willys contenant des clauses de remise rétroactive. Puis, dans un deuxième temps, les requérantes ont affirmé que ces accords, soit étaient compris dans un accord plus large ne comprenant pas de clause de remise, soit n’avaient jamais existé. Enfin, elles ont prétendu que certaines preuves avaient disparu.

160    Au vu des éléments dont le Tribunal dispose, ce grief doit sans conteste être rejeté.

–       Axfood (2001)

161    Les requérantes soutiennent que cet accord n’était pas contraignant et qu’Axfood n’était pas tenue d’acheter les quantités concernées. Elles font valoir qu’Axfood n’a acheté que la moitié de la quantité convenue.

162    Il est constant que cet accord n’est pas exclusif ni ne contient d’engagement sur les quantités.

163    Cet accord est cité au considérant 314 de la décision attaquée, sous le titre « Systèmes de rabais ». Comme l’indiquent le considérant 178 et la note en bas de page n° 389 de ladite décision, il s’agit d’un accord prévoyant des seuils donnant au client le droit à des rabais rétroactifs, en fonction du nombre d’appareils achetés. Les requérantes ne remettant pas en cause cette constatation, il n’y donc pas lieu de se prononcer sur ce grief.

–       Axfood (2003-2004)

164    Les requérantes considèrent que cet accord n’était pas exclusif, parce qu’Axfood était explicitement autorisée à tester des appareils concurrents et que rien dans l’accord ne l’empêchait d’acheter de tels appareils.

165    À cet égard, il suffit de constater que cet accord n’entre pas dans le champ temporel de l’infraction constatée dans la décision attaquée. Il n’est donc pas nécessaire de statuer sur ce grief des requérantes.

166    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que la décision attaquée n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les accords conclus en Suède.

 Norvège

167    Les requérantes font valoir que tous les accords concernant la Norvège (100 % des ventes des requérantes en Norvège) invoqués par la Commission n’existaient pas ou ne comprenaient aucune clause d’exclusivité, d’engagements sur les quantités ou de remises rétroactives.

168    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

–       Køff Hedmark et Rema 1000 (1996), AKA/Spar Norge (1997)

169    Les requérantes soutiennent que les prétendus accords avec les clients susmentionnés ne sont pas des contrats d’exclusivité, mais de simples lettres d’offre mentionnant des prix.

170    De plus, les requérantes soulignent que, les accords datant de 1996 et 1997, ils se trouvent en dehors du champ d’application temporel de la décision attaquée.

171    En considération du fait que ces trois contrats se situent, effectivement, en dehors du champ d’application temporel de la décision, il n’est pas nécessaire de statuer sur ce grief.

–       NorgesGruppen, Hakon Gruppen, NKL (COOP) et Rema 1000 (1999-2000)

172    Les requérantes reprochent à titre liminaire à la Commission de ne pas avoir séparé les différents contrats en cause et, s’agissant des considérants en cause, qu’ils soient « difficiles à lire ».

173    Concernant l’accord avec NorgesGruppen, les requérantes font valoir que l’accord n’est pas exclusif. En effet, elles affirment que la demande totale du client était de 1 300 RVM. Or, seuls 635 RVM auraient été commandés auprès des requérantes. Les besoins étant plus importants que la demande, les requérantes en concluent que l’approvisionnement complémentaire s’est fait auprès d’entreprises concurrentes. Ainsi, la Commission aurait omis de prendre en compte une lettre du 13 octobre 1998 confirmant les besoins effectifs du client.

174    De plus, les requérantes soutiennent que la Commission elle-même aurait reconnu que NorgesGruppen n’était pas contraint d’acheter un minimum de RVM auprès d’elles. La commande de ces derniers et sa confirmation mentionneraient explicitement le fait que le contrat n’était pas exclusif.

175    Enfin, les requérantes font observer que la Commission a soulevé un argument pertinent s’agissant de la remise que NorgesGruppen aurait dû rembourser si elle avait acheté moins de 500 RVM. Or, la réalité démontrerait que tel n’a pas été le cas, car 635 appareils auraient été commandés. La Commission n’aurait pas su démontrer en quoi l’accord différait d’une remise ordinaire sur les volumes.

176    S’agissant d’Hakon Gruppen, les requérantes prétendent qu’aucun seuil minimal d’achats n’a été fixé, dans la mesure où la confirmation de la commande par le client stipule qu’il pouvait acheter un nombre inférieur de RVM même s’il n’avait droit à une remise que pour les machines réellement achetées. Cet élément de preuve n’aurait d’ailleurs pas été contesté par la Commission.

177    De plus, les requérantes reprochent à la Commission de n’avoir pas tenu compte des éléments de preuve induisant que le contrat n’était pas exclusif, et notamment du procès-verbal d’une réunion du « panel pour les boutiques » du 2 février 1999.

178    Concernant NKL (COOP), les requérantes font valoir que le client n’était pas tenu d’acheter le volume convenu et que la décision attaquée ne prouve pas que les requérantes ont ajusté la commande à la demande individuelle du client. De même, les requérantes affirment que NKL se serait également approvisionné auprès du concurrent Lindco durant la période concernée.

179    S’agissant, enfin, de l’accord conclu avec Rema 1000, les requérantes allèguent que le prétendu accord proposant des rabais, au regard d’une commande de 200 machines, n’a pas été signé par le client et qu’il n’obligeait pas Rema 1000 à acheter une quantité minimale de RVM. Elles invoquent des déclarations de Rema 1000 selon lesquelles d’autres fournisseurs ne pouvaient concurrencer la qualité et le niveau de service des requérantes. Elles ajoutent, enfin, que Rema 1000 se serait principalement approvisionné auprès de leurs concurrents.

180    Il convient d’analyser simultanément les accords NorgesGruppen, Hakon Gruppen, NKL (COOP) et Rema 1000. En substance, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir qualifié ces contrats d’exclusifs et d’avoir affirmé qu’elles prévoyaient une remise progressive en échange d’une quantité commandée.

181    Concernant l’argument tiré de l’existence de contrats d’exclusivité, il n’y a pas lieu de se prononcer sur cette question, étant donné que la décision attaquée n’a pas qualifié ces accords d’exclusifs (voir considérant 302 de la décision attaquée).

182    S’agissant de l’argument tiré de la qualification des accords d’engagement sur les quantités en échange de remises conséquentes, la Commission a, à bon droit, précisé que ce qui importe pour conclure qu’il existe des accords d’engagement est de déterminer si les pratiques créent une incitation à ne pas acheter aux concurrents.

183    En effet, s’agissant de l’accord conclu avec Rema 1000, il apparaît que la remise est conséquente, puisque proportionnelle au nombre de machines à acheter (14 % pour 200), sachant que, pour les autres contrats, il existait une remise équivalente, mais pour une quantité d’achats nettement supérieure (500 machines). Par ailleurs, pour tous les autres contrats, les requérantes proposaient de verser la remise avant l’achat des RVM et précisaient que, si la quantité prévue n’était pas atteinte, il reviendrait aux clients de rembourser cette remise du nombre de machines non commandées. Il en résulte, comme le souligne très justement la Commission, une incitation plus grande pour le client que si la remise avait été versée après chaque commande.

184    Par conséquent, il convient de rejeter ce grief.

–       NorgesGruppen (2000-2001)

185    Concernant l’accord NorgesGruppen pour les années 2000 et 2001, les requérantes prétendent qu’aucun accord n’a été passé avec ce client, contrairement à ce qu’affirme la Commission. En effet, il s’agirait d’une lettre d’offre non signée.

186    À cet égard, il convient de relever que la lettre d’offre non signée, jointe à la requête, a été soumise par les requérantes à la Commission dans le cadre de leur réponse à une demande de renseignements, qui demandait aux requérantes d’indiquer tous les accords, y compris ceux qui avaient été conclus d’une manière informelle.

187    Il y a lieu, en outre, d’ajouter que, sur le fondement des éléments contenus dans le dossier, il peut être affirmé que les requérantes ont offert un rabais payé d’avance sur la base d’un objectif de volume de 150 RVM et ont approvisionné le client à un prix réduit (voir considérant 247 et note en bas de page n° 547 de la décision attaquée).

188    Or, s’il est vrai que le document joint à la requête est une lettre d’offre non signée, il n’en reste pas moins que le rabais a été accordé et que les ventes ont été effectuées aux conditions proposées dans ce document. Il en résulte, en outre, que le client n’a rien acheté auprès de fournisseurs concurrents au cours de cette période.

189    Enfin, il convient de relever que la décision attaquée énonce elle-même qu’il s’agissait d’une offre non signée et que l’objectif d’achats n’avait pas été atteint. À la lumière de ces considérations, il convient de rejeter ce grief.

–       NKL (COOP) et Rema 1000 (2000-2001)

190    S’agissant de NKL (COOP), les requérantes reconnaissent qu’une remise de 10 % a été proposée à NKL si l’achat dépassait 150 RVM. Or, les requérantes affirment que NKL n’a pas signé cette offre et que l’accord n’aurait finalement pas été conclu. Les requérantes font valoir que le fait que les achats effectifs du client aient été inférieurs à l’objectif initial de l’offre prouve l’absence d’engagement contraignant.

191    Concernant Rema 1000, les requérantes reprennent le même raisonnement que pour l’accord passé avec NKL (COOP), dans la mesure où il y aurait eu également une offre de remise à l’achat de 70 machines, que le client aurait refusée. Les requérantes contestent donc qu’il y ait eu un accord conclu entre les parties.

192    L’argument des requérantes selon lequel le fait que les achats effectifs de ces deux clients aient été inférieurs à l’objectif initial de l’offre prouve l’absence d’engagement contraignant doit être rejeté.

193    À ce propos, il convient d’observer, en premier lieu, que la décision attaquée n’indique pas que ces deux clients [NKL (COOP) et Rema 1000] étaient contractuellement tenus d’acheter une quantité donnée de machines. En effet, les deux sociétés sont citées au considérant 302 de la décision attaquée sous la rubrique « Engagements sur les quantités et conditions unilatérales liées à des quantités données ». Il s’agissait, dans les deux cas, de rabais subordonnés à l’achat par le client d’une grande quantité d’appareils sur une période d’environ un an. Dans le cas de Rema 1000, le système de rabais prévoyait un rabais conditionnel direct (10 % pour un volume de 70 appareils) et un rabais rétroactif supplémentaire de 3 % pour 85 appareils. Le client a acheté 73 appareils (voir considérant 261 de la décision attaquée).

194    En second lieu, il convient de souligner que la décision attaquée prend en considération les conditions contractuelles relativement souples qui avaient été offertes, par exemple, à NKL (COOP) par rapport aux autres clients norvégiens et en tient compte (voir considérant 256 et, à propos de l’incidence des pratiques des requérantes, note en bas de page n° 604). En fait, la Commission indique ici, à juste titre, qu’il n’était pas nécessairement déterminant de savoir si un objectif donné était atteint ou non, dans la mesure où les achats effectués chez les concurrents étaient nuls ou peu importants (voir considérant 312 de la décision attaquée).

195    Pour ces raisons, il convient de rejeter le présent grief.

196    À la lumière de ce qui précède, l’argument des requérantes selon lequel tous les accords concernant la Norvège ont été erronément qualifiés dans la décision attaquée doit être rejeté.

197    La seconde branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent donc être rejetés.

B –  Sur les deuxième et quatrième moyens, tirés de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la question de savoir si les accords étaient susceptibles d’écarter la concurrence et de l’absence de motivation

198    Les deuxième et quatrième moyens de la requête ont été regroupés dans le présent moyen, qui s’articule en trois branches. Premièrement, la Commission aurait commis une erreur de droit manifeste en jugeant que des accords d’exclusivité, des engagements individualisés sur les quantités et des remises rétroactives individualisées sont per se illégaux en vertu de l’article 82 CE et en n’expliquant pas le test ou les critères qu’elle a utilisés pour apprécier si ces accords étaient susceptibles de restreindre ou d’écarter la concurrence. Deuxièmement, la Commission n’aurait pas examiné si la partie pouvant être conquise du marché des RVM était assez importante pour permettre à des concurrents également efficaces de demeurer sur le marché. Troisièmement, l’appréciation par la Commission de la capacité qu’auraient les remises rétroactives alléguées d’écarter la concurrence reposerait sur des preuves et des hypothèses inexactes et trompeuses.

1.     Sur la prétendue illégalité per se des accords des requérantes et sur l’absence d’explication quant au test ou aux critères utilisés par la Commission pour apprécier si les accords étaient susceptibles de restreindre ou d’écarter la concurrence

a)     Arguments des parties

199    En premier lieu, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur de droit manifeste en n’incluant pas dans son appréciation juridique le contexte du marché dans lequel les trois types d’accord s’inscrivaient.

200    Les requérantes font valoir que la Commission a méconnu le critère retenu dans l’arrêt Michelin II. Elles font valoir qu’en vertu de l’arrêt Michelin II, la décision attaquée doit montrer que les accords sont « susceptibles » de restreindre la concurrence. Cela exigerait un examen du contexte du marché. En effet, rien ou presque rien ne resterait du critère retenu dans l’arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, si, en vertu de l’arrêt Michelin II, la Commission était uniquement tenue d’examiner le contenu d’un accord au titre de l’article 82 CE.

201    Les requérantes ajoutent que le critère per se figurant dans la décision attaquée mènera à l’interdiction d’un grand nombre d’accords au sein du marché intérieur, dans différents secteurs, même s’ils renforcent la concurrence au lieu de la restreindre, selon le contexte du marché. Il n’y aurait aucun fondement en théorie économique ou dans la pratique commerciale pour affirmer que des accords d’exclusivité, des engagements individualisés sur les quantités et des remises individualisées mènent toujours ou presque toujours à une restriction de concurrence, quand ils sont utilisés par une société en position dominante.

202    Les requérantes font valoir qu’en n’examinant pas certains facteurs, la Commission n’a pas apprécié si leurs pratiques étaient, en droit, susceptibles d’avoir un effet restrictif sur la concurrence.

203    Les facteurs non examinés par la Commission résideraient dans le fait que les requérantes étaient le seul fabricant de RVM capable d’offrir la « technologie révolutionnaire » d’alimentation horizontale entre 1997 et 2001, que les concurrents des requérantes pouvaient toujours offrir leurs machines à au moins 61 % de l’ensemble du marché des RVM entre 1998 et 2002, que les requérantes vendaient leurs machines directement au client final (les chaînes de supermarchés), que les accords en question n’auraient pas empêché l’accès des concurrents aux distributeurs et, enfin, que les chaînes de supermarchés sont des acheteurs professionnels, qui auraient été à même de comparer les RVM des requérantes avec les RVM concurrentes et donc de décider eux-mêmes quels RVM avaient le bon prix, les bonnes qualité, fiabilité et technologie et le bon niveau de service.

204    En second lieu, les requérantes font valoir que la décision attaquée est fondée sur l’hypothèse juridique que l’article 82 CE exige seulement que la Commission démontre l’existence et la forme des accords, et qu’elle ne comporte pas de motivation adéquate sur le point de savoir pourquoi l’un quelconque des 49 accords était susceptible d’écarter des concurrents du marché des RVM.

205    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

206    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. Il s’ensuit que l’article 82 CE interdit à une entreprise dominante d’éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. L’interdiction édictée à cette disposition se justifie également par le souci de ne pas causer de préjudice aux consommateurs (arrêt du Tribunal du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, Rec. p. II‑4653, point 157).

207    Si la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique en soi aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée, il lui incombe, indépendamment des causes d’une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 57, et arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 229). De même, si l’existence d’une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d’accomplir les actes qu’elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, on ne peut, cependant, admettre de tels comportements lorsqu’ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d’en abuser (arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 189, et arrêt Michelin II, point 55).

208    Il convient de rappeler, en outre, que, selon la jurisprudence, le fait, pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, de lier – fût-ce à leur demande – des acheteurs par une obligation ou promesse de s’approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 82 CE, soit que l’obligation en question soit stipulée sans plus, soit qu’elle trouve sa contrepartie dans l’octroi de rabais. Il en est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d’accords passés avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c’est-à-dire de remises liées à la condition que le client s’approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès de l’entreprise en position dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 89).

209    En effet, les engagements d’approvisionnement exclusif de cette nature, avec ou sans la contrepartie de rabais ou l’octroi de rabais de fidélité en vue d’inciter l’acheteur à s’approvisionner exclusivement auprès de l’entreprise en position dominante, sont incompatibles avec l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché commun parce qu’ils ne reposent pas sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement et à barrer l’accès du marché aux producteurs (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 90).

210    S’agissant plus particulièrement de l’octroi de rabais par une entreprise en position dominante, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un rabais de fidélité qui est octroyé en contrepartie d’un engagement du client de s’approvisionner exclusivement ou quasi exclusivement auprès d’une entreprise en position dominante est contraire à l’article 82 CE. Un tel rabais tend, en effet, à empêcher, par la voie de l’octroi d’avantages financiers, l’approvisionnement des clients auprès de producteurs concurrents (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 518, et arrêt Michelin II, point 56).

211    Un système de rabais qui a un effet de forclusion sur le marché sera considéré comme étant contraire à l’article 82 CE s’il est appliqué par une entreprise en position dominante. Pour cette raison, la Cour a jugé qu’un rabais lié à la réalisation d’un objectif d’achats violait l’article 82 CE (arrêt Michelin II, point 57).

212    Les systèmes de rabais quantitatifs, liés exclusivement au volume des achats effectués auprès d’une entreprise en position dominante, sont généralement considérés ne pas avoir un effet de forclusion interdit par l’article 82 CE. Si l’augmentation de la quantité fournie se traduit par un coût inférieur pour le fournisseur, celui-ci est, en effet, en droit de faire bénéficier son client de cette réduction par le biais d’un tarif plus favorable. Les rabais de quantité sont donc censés refléter des gains d’efficience et des économies d’échelle réalisées par l’entreprise en position dominante (arrêt Michelin II, point 58).

213    Il s’ensuit qu’un système de rabais dont le taux de la remise augmente en fonction du volume acheté ne violera pas l’article 82 CE, sauf si les critères et les modalités d’octroi du rabais font apparaître que le système ne repose pas sur une contrepartie économiquement justifiée, mais tend, à l’instar d’un rabais de fidélité et d’objectif, à empêcher l’approvisionnement des clients auprès de producteurs concurrents (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 90, et Michelin II, point 59).

214    Pour déterminer l’éventuel caractère abusif d’un système de rabais quantitatifs, il y aura lieu d’apprécier l’ensemble des circonstances, et notamment les critères et les modalités d’octroi des rabais, et d’examiner si les rabais tendent, par un avantage qui ne repose sur aucune prestation économique qui le justifie, à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée (arrêt Michelin II, point 60).

215    Il peut être déduit de cette jurisprudence que, comme le soutiennent d’ailleurs les requérantes, pour vérifier si des accords d’exclusivité, des engagements individualisés sur les quantités et des remises rétroactives individualisées sont compatibles avec l’article 82 CE, il y a lieu d’analyser si, à la suite d’une appréciation de l’ensemble des circonstances et, donc, aussi du contexte dans lequel ces accords s’inscrivent, ces pratiques tendent ou sont susceptibles de restreindre ou d’écarter la concurrence sur le marché en cause.

216    En premier lieu, il convient d’examiner, en l’espèce, si la Commission, dans la décision attaquée, a négligé le contexte dans lequel les accords en question s’inscrivent et, en deuxième lieu, si elle a motivé adéquatement sa conclusion à propos du fait de savoir si les accords étaient susceptibles d’écarter la concurrence.

217    À cet égard, il y a lieu de relever que la décision attaquée, après avoir examiné la structure des marchés en cause, la position qu’y occupaient respectivement les requérantes et leurs concurrents et avoir conclu que celles-ci détenaient une position dominante très importante (voir considérants 12 à 96 de la décision attaquée), a examiné individuellement chacune des pratiques des requérantes (voir considérants 97 à 133 de la décision attaquée). La décision attaquée a, ensuite, consacré de longs développements à l’examen de la capacité de ces pratiques à fausser la concurrence dans les circonstances de l’espèce (voir notamment considérants 159 à 166, 180 à 187, 218 à 226, 234 à 240, 264 à 277 et 286 à 329 de la décision attaquée).

218    En outre, la décision attaquée, après avoir mis en relation les pratiques des requérantes dans chaque marché national concerné avec l’importance des clients, la durée des accords, l’évolution de la demande dans le même marché, le pourcentage de la partie liée de la demande, a établi que ces pratiques pouvaient empêcher l’émergence ou le développement de la concurrence et a conclu à l’existence d’un abus lorsque ces pratiques tendaient à verrouiller une partie significative de la demande. Concernant, en particulier, les systèmes de remises et de rabais employés par les requérantes, la décision attaquée illustre avec des représentations graphiques l’« effet d’aspiration » pour certains de ces systèmes pour chaque pays.

219    La Commission, même si cela n’était pas nécessaire au regard de la jurisprudence, a également analysé, à la lumière des conditions du marché, les effets réels des pratiques des requérantes.

220    S’agissant des autres facteurs que, selon les requérantes, la décision attaquée aurait dû examiner pour démontrer si leurs pratiques étaient susceptibles de restreindre la concurrence, il y a lieu de faire état des considérations suivantes.

221    Premièrement, la prétendue supériorité technique des requérantes, qui auraient été les seuls fabricants de RVM capables d’offrir une « technologie révolutionnaire » d’alimentation horizontale entre 1997 et 2001, ne saurait avoir d’impact sur l’analyse de la question de savoir si les accords étaient susceptibles de restreindre la concurrence. Cet élément pourrait éventuellement avoir un impact seulement sur l’analyse de la position concurrentielle des requérantes sur le marché et donc sur leur position dominante.

222    Deuxièmement, il y a lieu de considérer que le fait que les machines étaient vendues directement au client final serait un facteur qui conforterait la constatation de l’abus de position dominante et non le contraire. En effet, s’il est, certes, vrai que les accords en question n’empêchaient théoriquement pas l’accès des concurrents aux distributeurs, il est toutefois évident que les distributeurs n’avaient aucun intérêt à les acheter, dès lors que les accords des requérantes empêchaient à leurs concurrents d’offrir leurs RVM au client final.

223    Troisièmement, s’agissant du fait que les chaînes de supermarchés sont des acheteurs professionnels qui étaient à même de comparer et de choisir entre les RVM des requérantes et ceux des concurrents, il y a lieu de relever que le comportement des requérantes était manifestement conçu pour introduire des dispositifs incitant les clients à ne pas se fournir auprès d’autres fournisseurs et à maintenir cette situation.

224    Enfin, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les requérantes avaient toute possibilité de présenter une justification économique objective et respectueuse de la concurrence de leurs pratiques. Elles auraient pu expliquer quels gains d’efficience elles entendaient éventuellement retirer des accords d’exclusivité, des engagements quantitatifs et des systèmes de rabais individualisés qu’elles pratiquaient. Toutefois, les requérantes ne soutiennent pas devant le Tribunal que leur comportement ait généré le moindre gain d’efficience discernable, ait été autrement justifié ou ait abouti à une baisse des prix ou à un autre avantage pour les consommateurs.

225    À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait analysé seulement le contenu des accords en question et pas le contexte dans lequel lesdits accords s’inscrivaient.

226    En deuxième lieu, quant au grief tiré d’une insuffisance de motivation de cet aspect de la décision attaquée, force est de relever qu’il ne saurait non plus prospérer.

227    La motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à l’acte en cause et faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19, et du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑114/00, Rec. p. I‑7657, point 62). S’agissant d’une décision adoptée en application de l’article 82 CE, ce principe exige que la décision contestée fasse mention des faits dont dépendent la justification légale de la mesure et les considérations qui ont amené à prendre la décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, point 57, non frappé de pourvoi sur ce point).

228    À cet égard, il y a lieu de renvoyer aux considérations figurant aux points 216 à 218 ci-dessus, desquelles il résulte clairement que la Commission a exposé de façon détaillée les raisons pour lesquelles elle estimait que les accords en question étaient susceptibles de restreindre ou d’écarter la concurrence.

229    Il est donc indéniable que les requérantes ont pu connaître toutes les justifications de cet aspect de la décision attaquée. Il y a lieu de constater, en outre, que le Tribunal a été pleinement en mesure d’exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée. Il en résulte que cet aspect de la décision attaquée est suffisamment motivé.

230    À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter cette branche du deuxième moyen.

2.     Sur la « couverture insuffisante » de la demande totale des RVM par les pratiques des requérantes

a)     Arguments des parties

231    Les requérantes font valoir que, même si la décision attaquée avait démontré que tous les contrats en question avaient pu avoir des effets d’exclusion, cela prouverait uniquement que les concurrents auraient été exclus de l’approvisionnement des clients ayant déjà conclu ces contrats (dont l’existence demeure contestée par elles). Les concurrents resteraient néanmoins libres de rechercher la clientèle d’autres entreprises. Pour établir une violation de l’article 82 CE, la décision attaquée aurait dû démontrer que ces accords couvraient une portion si étendue du marché qu’ils étaient en mesure d’exclure un nombre suffisant de concurrents de l’ensemble du marché, au point de provoquer une réduction significative de la concurrence. La Commission n’expliquerait pas pourquoi le fait que des concurrents ne pouvaient pas vendre leurs RVM à des clients spécifiques mènerait à leur exclusion du marché dans son ensemble.

232    Les requérantes font valoir que la question pertinente serait de savoir si un concurrent pourrait rester de manière rentable sur le marché en ne desservant que la partie de la demande susceptible d’être conquise et que la Commission aurait dû déterminer la taille de viabilité minimale requise pour opérer sur le marché en cause. Si ladite demande était suffisamment importante, et l’échelle de viabilité suffisamment réduite, pour permettre à un concurrent potentiel de pénétrer ou de rester sur le marché aux côtés des requérantes, la Commission aurait dû conclure que les pratiques de ces dernières n’étaient pas abusives. La Commission, en outre, n’aurait pas indiqué clairement la part de marché qui devrait être couverte par les accords pour que ces derniers soient susceptibles d’exclure des concurrents. La décision attaquée ne fournirait aucun critère objectif pour déterminer où le seuil pourrait se trouver.

233    Selon les requérantes, si la Commission avait effectué une telle analyse, il ne lui aurait guère été possible de prouver que les contrats en question aient pu exclure du marché des concurrents ayant la même efficience. Elles soulignent qu’il incombait à la Commission de démontrer, dans la décision attaquée, que leurs pratiques étaient susceptibles de produire un effet d’exclusion. Faute de motivation suffisante dans la décision attaquée, il n’y aurait aucune obligation pour les requérantes de prouver le contraire.

234    Les requérantes indiquent que la nouvelle analyse figurant dans le mémoire en défense, relative à l’effet d’exclusion produit par les pratiques des requérantes, est irrecevable. La question soumise au Tribunal est de savoir si la décision attaquée était suffisamment motivée sur ce point. On ne saurait permettre en effet, d’une façon générale, à la partie défenderesse de réparer les erreurs et omissions de la décision litigieuse en présentant une analyse nouvelle et des éléments de preuve supplémentaires lors du procès devant le Tribunal.

235    Les requérantes rejettent, en outre, l’affirmation selon laquelle ce n’est pas à l’entreprise dominante de déterminer le nombre de concurrents sur le marché, comme dépourvue de pertinence. Des marchés différents peuvent être pleinement concurrentiels même si le nombre des concurrents varie et quelquefois même lorsqu’il n’y en a que deux. C’est, selon elles, à la Commission qu’il appartenait, dans la décision attaquée, de déterminer le seuil de viabilité pour les entreprises sur le marché pertinent et de déterminer si la taille de la portion du marché susceptible d’être conquise permettait à un nombre suffisant d’entre elles d’y opérer de manière à ce que la concurrence soit effective. Cela n’aurait pas été fait en l’espèce.

236    Enfin, les requérantes font valoir que leurs pratiques ne couvraient pas une proportion suffisamment importante de la demande totale. Les requérantes estiment que la portion de la demande susceptible d’être conquise était, pour chaque marché national, d’au moins 30 % et de plus de 50 % dans la majorité des cas et, pour les cinq marchés pris ensemble, en moyenne d’environ 61 %, soit plus de 2 000 appareils par an. Ce chiffre serait supérieur au niveau minimal de ventes nécessaire pour assurer la viabilité d’un producteur de RVM, estimé par les requérantes entre 500 et 1 000 unités par an.

237    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

238    Il convient, tout d’abord, de relever que, en substance, la question qui se pose est celle de savoir si la Commission, pour prouver l’exclusion des concurrents du marché dans son ensemble, aurait dû déterminer la taille de viabilité minimale requise pour opérer sur le marché en cause et ensuite vérifier si la portion du marché non susceptible d’être conquise (c’est-à-dire la partie de la demande liée par les pratiques des requérantes) était suffisamment grande pour être susceptible d’avoir un effet d’exclusion des concurrents.

239    En l’espèce, il y a lieu de considérer que la Commission, dans la décision attaquée, a constaté que, dans les pays et durant les années pour lesquels l’infraction a été retenue, la partie verrouillée de la demande était « substantielle » ou « non négligeable » et que, surtout pendant les « années cruciales » de croissance sur chacun des marchés en cause, elle représentait une proportion très importante (voir considérant 392 de la décision attaquée). La décision attaquée, toutefois, n’a pas établi un seuil précis au-delà duquel les pratiques des requérantes seraient susceptibles d’exclure les concurrents.

240    Or, il convient de relever que la Commission a, à juste titre, considéré que, en verrouillant une partie significative du marché, comme dans le cas d’espèce, l’entreprise dominante a limité l’entrée à un ou quelques concurrents et, donc, a restreint l’intensité de la concurrence dans l’ensemble du marché.

241    En effet, le verrouillage d’une partie substantielle du marché par une entreprise dominante ne peut être justifié par la démonstration que la partie du marché susceptible d’être conquise est encore suffisante pour faire place à un nombre limité de concurrents. En effet, d’une part, les clients qui se trouvent dans la partie verrouillée du marché devraient avoir la possibilité de profiter de tout degré de concurrence qui est possible sur le marché et les concurrents devraient pouvoir se livrer concurrence par les mérites pour l’ensemble du marché et pas seulement pour une partie de celui-ci. D’autre part, le rôle de l’entreprise dominante n’est pas de déterminer combien de concurrents viables sont autorisés à la concurrencer pour la portion de la demande encore susceptible d’être conquise.

242    À ce propos, il y a lieu de souligner que seule une analyse des circonstances de l’espèce, comme celle effectuée par la Commission dans la décision attaquée, peut permettre d’établir si les pratiques d’une entreprise en position dominante sont susceptibles d’exclure la concurrence. Il serait toutefois artificiel d’établir a priori quelle est la portion du marché liée au-delà de laquelle les pratiques d’une entreprise en position dominante peuvent avoir un effet d’exclusion des concurrents.

243    En particulier, en premier lieu, il y a lieu de relever que les pratiques des requérantes verrouillaient, en moyenne, une proportion considérable – deux cinquièmes – de la demande totale au cours de la période et dans les pays examinés. Par conséquent, même en admettant la thèse des requérantes selon laquelle le verrouillage d’une faible portion de la demande serait sans importance, cette portion était loin d’être faible en l’espèce.

244    En deuxième lieu, les pratiques des requérantes ont souvent conduit à une proportion très élevée de demande « liée » au cours des « années cruciales » où la demande était la plus élevée et aurait été la plus susceptible de susciter des entrées couronnées de succès sur le marché, notamment aux cours des années 1999 et 2000 en Autriche, 2001 aux Pays-Bas et 1999 en Norvège (voir, par exemple, considérants 163, 219 et 237 de la décision attaquée).

245    En troisième lieu, il convient de rappeler que les pratiques des requérantes liaient la demande du client final, et non pas des distributeurs. Les concurrents ne pouvaient donc pas se prévaloir de méthodes de distribution différentes qui puissent atténuer les effets des pratiques des requérantes.

246    À la lumière de ces considérations, il convient de rejeter cette branche du deuxième moyen.

3.     Sur les preuves et les hypothèses prétendument inexactes et trompeuses auxquelles il aurait été recouru pour apprécier la capacité des remises rétroactives d’écarter la concurrence

a)     Arguments des parties

247    Les requérantes soutiennent que la thèse de la Commission relative aux remises rétroactives repose sur deux éléments : en premier lieu, sur le fait que les clients ne seraient pas disposés à acheter plus d’un petit nombre d’appareils à un nouveau fournisseur et, en second lieu, sur celui que les rabais rétroactifs permettraient aux requérantes de pratiquer des prix négatifs ou très bas. Elles indiquent que, dans presque tous les exemples utilisés par la Commission, les prix n’étaient jamais susceptibles d’être négatifs et que, dans tous les cas, les concurrents auraient été à même de percevoir des revenus positifs de leurs ventes. Elles indiquent aussi que la Commission n’a pas non plus examiné les coûts des requérantes afin d’établir le niveau en dessous duquel des prix seraient d’exclusion ou prédateurs.

248    Selon les requérantes, lorsque les rabais rétroactifs conduisent à des prix positifs, l’on ne saurait présumer qu’ils seront nécessairement capables de produire des effets d’exclusion. Une telle approche aboutirait en effet à une interdiction per se des rabais rétroactifs.

249    Les requérantes ajoutent que la décision attaquée n’a évalué les prix résultant de leurs rabais ni par rapport à un point de référence ni sur la base d’un critère objectif utilisable. Elle se borne à affirmer que les rabais ont imposé aux concurrents un coût d’opportunité, qu’elle a mal défini, et que les prix en résultant sont donc, dans son opinion subjective, « très bas », sans que la Commission définisse ce qu’il faut entendre par cette dernière expression. Les requérantes estiment que la défenderesse ne saurait s’appuyer sur de telles assertions et opinions subjectives pour établir si des rabais sont ou non susceptibles de produire un effet d’exclusion.

250    Les requérantes font valoir, en outre, que la conclusion de la décision attaquée selon laquelle les remises rétroactives étaient susceptibles d’avoir des effets d’exclusion se fonde sur des diagrammes inexacts.

251    Dans deux des sept cas cités par la décision attaquée (figures 23 et 24 de la décision attaquée, relatives à l’Autriche), la Commission se fonderait sur des diagrammes qui sont inexacts et trompeurs. La thèse de la Commission selon laquelle des concurrents auraient dû facturer des prix négatifs dans ces cas serait inexacte en toutes circonstances.

252    Dans quatre autres cas (figures 15 et 18, relatives respectivement aux Pays-Bas et à la Suède, et figures 21 et 22, relatives à l’Allemagne), la Commission aurait ignoré l’existence de remises dont pouvaient profiter les clients pour des ventes se situant en dessous du seuil que la Commission a utilisé dans son analyse. Une fois l’erreur corrigée, les prix ne seraient négatifs en aucune circonstance dans trois des quatre cas et ne seraient que marginalement négatifs pour les ventes d’une seule unité dans un autre cas.

253    Contrairement à ce qu’affirme la Commission, dans six des sept cas, les concurrents auraient été à même de facturer des prix positifs, même s’ils ne vendaient que de très petites quantités, c’est-à-dire deux ou trois machines.

254    Dans chacun des sept cas, la Commission aurait supposé à tort que les concurrents auraient dû se limiter à vendre un petit nombre d’unités de RVM.

255    Dans chacun des sept cas, la Commission aurait ignoré les preuves pertinentes quant au fonctionnement du marché, ce qui minerait ses conclusions. La Commission aurait notamment ignoré les recettes dérivées des services après-vente et des ventes suivantes de RVM. Compte tenu de ces recettes, les concurrents auraient pu s’attendre à percevoir des revenus positifs, même s’agissant des ventes de RVM faites à des prix négatifs.

256    Les requérantes précisent que, même si les concurrents avaient été contraints de ne vendre qu’un petit nombre de RVM (par exemple un ou deux appareils), la Commission, dans la décision attaquée, n’aurait pas démontré que les rabais pratiqués par les requérantes seraient susceptibles d’exclure de tels concurrents du marché.

257    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

258    Il convient, tout d’abord, de relever que le présent grief est fondé sur une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la circonstance que les systèmes de rabais rétroactifs forcent les concurrents à facturer des prix négatifs aux clients des requérantes bénéficiaires des rabais ne saurait être considéré comme l’un des piliers sur lesquels repose la décision attaquée, pour démontrer que les systèmes de rabais rétroactifs des requérantes sont susceptibles d’avoir des effets anticoncurrentiels.

259    En revanche, la décision attaquée est fondée sur toute une série d’autres considérations relatives aux rabais rétroactifs pratiqués par les requérantes pour conclure que ces types de pratiques étaient susceptibles d’exclure les concurrents en violation de l’article 82 CE.

260    En premier lieu, la décision attaquée constate que l’incitation à s’approvisionner exclusivement ou presque exclusivement auprès des requérantes est particulièrement forte lorsque des seuils, tels que ceux appliqués par les requérantes, sont combinés à un système en vertu duquel le bénéfice lié au franchissement, selon le cas, du seuil de prime ou d’un seuil plus avantageux se répercute sur tous les achats effectués par le client pendant la période considérée et pas exclusivement sur le volume d’achats excédant le seuil en question (voir considérants 132, 297 et 316 de la décision attaquée).

261    En deuxième lieu, la Commission, dans la décision attaquée, fait observer que les régimes de rabais étaient propres à chaque client et les seuils établis sur la base des besoins estimés du client et/ou des volumes d’achats réalisés dans le passé.

262    La décision attaquée fait mention, en particulier, du fait qu’un système de rabais rétroactifs combiné avec un ou plusieurs seuils correspondant à la totalité ou à une proportion élevée des besoins du client représentait une incitation importante à s’approvisionner, pour la totalité ou la quasi-totalité des équipements nécessaires, auprès des requérantes et augmentait artificiellement le coût du passage à un autre fournisseur, même pour un petit nombre d’unités (voir considérants 131 à 133, 297, 321 et 322 de la décision attaquée).

263    En troisième lieu, la Commission constate que les rabais rétroactifs s’appliquaient souvent à certains des plus gros clients des requérantes avec l’objectif de s’assurer de leur fidélité (voir, par exemple, considérants 180 et 240 de la décision attaquée).

264    Enfin, la décision attaquée relève que les requérantes n’ont pas démontré que leur comportement était objectivement justifié ou qu’il produisait des gains d’efficacité substantiels qui l’emportent sur les effets anticoncurrentiels produits sur les consommateurs (voir considérant 391 de la décision attaquée).

265    Il est, certes, vrai que la décision attaquée illustre avec des diagrammes (voir figures 15, 18, 21 à 24 et 27) le fait que les rabais rétroactifs des requérantes produisaient un effet d’éviction en conduisant les concurrents à demander des prix très bas et, parfois, négatifs pour les dernières unités avant de franchir le seuil fixé par le système de rabais (voir considérants 165, 186, 224, 235, 236 et 268 de la décision attaquée).

266    Toutefois, la Commission, dans la décision attaquée, d’une part, n’affirme nullement que les systèmes des rabais ont systématiquement conduit à des prix négatifs et, d’autre part, ne soutient pas non plus qu’une telle démonstration constitue une condition préalable pour constater que ces systèmes de rabais sont abusifs. Par ailleurs, la décision attaquée ne contient pas de représentation graphique pour chacun des systèmes de remises et de rabais employés par les requérantes. Elle contient seulement un ou deux diagrammes par pays qui illustrent l’effet d’éviction des systèmes de rabais des requérantes.

267    Il convient de relever, à ce propos, que le mécanisme d’exclusion que constituent les rabais rétroactifs n’exige pas que l’entreprise dominante sacrifie des profits, car le coût du rabais se trouve réparti sur un grand nombre d’unités. Par l’octroi rétroactif du rabais, le prix moyen obtenu par l’entreprise dominante peut très bien être largement supérieur aux coûts et procurer une marge bénéficiaire moyenne élevée. Toutefois, le système de rabais rétroactifs fait que, pour le client, le prix effectif des dernières unités est très bas en raison de l’effet d’aspiration.

268    À la lumière de ces considérations, il y a lieu de relever que la circonstance que certains diagrammes contiennent des erreurs ne saurait, à elle seule, infirmer les conclusions relatives au caractère anticoncurrentiel des systèmes de rabais pratiqués par les requérantes. Ce grief des requérantes est donc inopérant.

269    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les concurrents ne voyaient pas leur action limitée à la vente d’un petit nombre d’unités à chaque client, il y a lieu de constater qu’il est inhérent à une position dominante forte, telle que celle occupée par les requérantes, que, pour une bonne part de la demande, il n’existe pas de substitut adéquat au produit fourni par l’entreprise qui détient cette position dominante. Le fournisseur en position dominante est donc, dans une large mesure, un partenaire commercial incontournable (voir, en ce sens, arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 41). Il s’ensuit que, dans ces circonstances, la décision attaquée a, à juste titre, indiqué que les clients ne s’adressaient à d’autres fournisseurs que pour une fraction limitée de leurs achats.

270    Pour les mêmes raisons, il est difficile de partager l’argument des requérantes selon lequel un concurrent peut compenser les prix plus bas qu’il est forcé de demander à un client pour les unités en deçà du seuil en vendant des unités supplémentaires au même client (au-delà du seuil). En effet, la demande restante de ce client est, dans la meilleure des hypothèses, limitée, de sorte que le prix moyen du concurrent reste structurellement peu attrayant.

271    Il en va de même de l’affirmation selon laquelle les concurrents pourraient chercher à compenser des pertes ou une faible rentabilité initiales imposées par les pratiques des requérantes par des revenus après-vente (entretien et réparation). En effet, la large base installée des requérantes leur confère également un avantage évident pour la réparation et l’entretien de leurs appareils, de sorte qu’il ne résulte pas clairement de l’argumentaire des requérantes comment les marges structurellement faibles des concurrents sur le marché primaire pourraient être compensées par des profits sur le marché de l’après-vente.

272    À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen, et partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

C –  Sur le troisième moyen, tiré des erreurs manifestes dans l’appréciation de la Commission concernant la question de savoir si les accords éliminaient réellement la concurrence

1.     Arguments des parties

273    Les requérantes considèrent que l’analyse des effets réels fait partie intégrante des conclusions de la décision attaquée relatives à l’exclusion. Les passages de la décision attaquée relatifs à l’« impact » pour chacun des cinq pays confirmeraient cette circonstance.

274    Selon les requérantes, les éléments de preuve de la Commission seraient contradictoires, spéculatifs ou dénués de pertinence de sorte qu’ils ne permettraient pas de conclure que les accords ont réellement supprimé la concurrence.

275    Premièrement, les requérantes font valoir que, dans la majorité des cinq marchés nationaux analysés, leur part de marché décline au cours de la période durant laquelle la Commission relève qu’elles se livraient à des pratiques anticoncurrentielles.

276    Les requérantes considèrent que le graphique présenté par la Commission confirme leurs allégations au regard de leur part de marché, à savoir que celle-ci était en déclin dans trois des cinq pays concernés, ce qui ne pourrait être considéré comme la preuve d’un effet anticoncurrentiel.

277    Deuxièmement, les requérantes contestent la thèse de la Commission selon laquelle la position de leurs concurrents dans chacun des cinq pays demeurait faible au cours de la période analysée. Elles estiment que leurs concurrents ont remporté des parts de marché dans trois pays, que leurs parts de marché sont restées largement inchangées en Allemagne et qu’ils ont perdu des parts de marché seulement en Suède.

278    Troisièmement, les requérantes contestent l’existence d’un lien manifeste entre la taille du marché lié et leur part de marché, dans chacun des cinq marchés nationaux, de 1998 à 2002. En examinant les cinq marchés nationaux dans leur ensemble, il n’y aurait pas de preuve permettant de suggérer qu’une part de marché liée élevée mène à une augmentation de la part de marché des requérantes. Par exemple, aux Pays-Bas et en Norvège, où la part de marché liée par les pratiques des requérantes aurait été la plus élevée, la part de marché des requérantes aurait décliné, alors qu’en Allemagne et en Suède, où la part de marché liée était inférieure, la part de marché des requérantes aurait augmenté ou serait demeurée stable. Ce n’est qu’en Autriche que leur part de marché aurait décliné plus rapidement qu’aux Pays-Bas et en Norvège.

279    Les requérantes allèguent, en outre, qu’il n’y a pas de lien statistiquement significatif entre la part du marché non susceptible d’être conquise et leur part de marché pour les cinq pays examinés au cours de la période analysée.

280    Les requérantes font observer que la Commission s’appuie sur sa propre interprétation subjective des preuves en rejetant tout critère objectif. La Commission soutiendrait que les variables sont « connectées », mais rejetterait toute tentative de soumettre son assertion à un test objectif et statistiquement solide. En outre, la Commission ne fournirait aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle l’analyse statistique des requérantes aurait pu être manipulée.

281    Quatrièmement, les requérantes contestent la thèse de la Commission selon laquelle leurs prix n’auraient pas chuté, et font valoir que la Commission aurait dû examiner les prix nets effectifs après rabais, et non les prix par catalogue.

282    Les requérantes mettent en exergue le fait qu’une analyse correcte des données, telle qu’effectuée dans la requête, montre que les prix ont chuté dans trois pays sur cinq.

283    Cinquièmement, les requérantes allèguent que la sortie de trois concurrents ne prouve pas l’existence d’effets anticoncurrentiels. D’une part, Prokent aurait précisément fait faillite quand les pratiques prétendument anticoncurrentielles des requérantes ont cessé. D’autre part, l’acquisition par les requérantes de Halton et d’Eleiko contredirait la théorie négative de la Commission, parce que, s’il était vrai que les requérantes avaient la capacité de contenir et d’exclure leurs concurrents, elles n’auraient pas eu besoin d’acheter ces deux sociétés pour les écarter du marché.

284    Enfin, les requérantes font valoir que, même si certains faits invoqués par la Commission étaient exacts, ils ne prouveraient pas nécessairement l’effet anticoncurrentiel de leurs prix commerciaux. En premier lieu, la part de marché de l’opérateur historique et la position sur le marché de ses concurrents peuvent demeurer stables dans le temps pour des raisons parfaitement légitimes ; en deuxième lieu, la Commission se contredirait quant aux prix des requérantes et à leur évolution dans le temps en qualifiant leur politique de fixation de prix de prédatrice et, en même temps, en les accusant de maintenir des prix élevés ; et, en troisième lieu, la sortie du marché d’un ou de plusieurs concurrents ne prouverait pas un effet anticoncurrentiel, mais pourrait simplement être le résultat du processus concurrentiel normal.

285    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

2.     Appréciation du Tribunal

286    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier, à suffisance de droit, celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, Rec. p. I‑5603, points 26 à 29).

287    Or, la décision attaquée, aux considérants 285 et 332, indique clairement que, bien que, selon la jurisprudence, pour établir une violation de l’article 82 CE, il suffise de prouver que les pratiques des requérantes tendaient à restreindre la concurrence ou que leur comportement était de nature ou susceptible d’avoir un tel effet, elle a complété son analyse en l’espèce par un examen des effets probables des pratiques des requérantes sur le marché des RVM.

288    Il est donc clair que la Commission n’a pas essayé de fonder sa constatation d’une infraction à l’article 82 CE sur cet examen des effets réels des pratiques des requérantes sur chacun des marchés nationaux examinés, mais qu’elle a simplement complété sa constatation d’une infraction par un court examen des effets probables de ces pratiques.

289    Il convient, en outre, de constater que, en effet, aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, il n’est pas nécessaire de démontrer que l’abus considéré a eu un effet concret sur les marchés concernés. Il suffit, à cet égard, de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature ou susceptible d’avoir un tel effet (arrêts Michelin II, point 239, et British Airways/Commission, précité, point 293).

290    À la lumière de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen comme inopérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les éléments de preuve apportés par la Commission permettaient de conclure que les accords en cause avaient réellement supprimé la concurrence. En effet, même si la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation, comme le prétendent les requérantes, en considérant que lesdits accords éliminaient réellement la concurrence, la légalité de la décision attaquée n’en serait pas affectée.

D –  Sur le cinquième moyen, tiré de l’erreur manifeste qu’aurait commise la Commission en estimant que des engagements non contraignants sur les quantités pouvaient violer l’article 82 CE

1.     Arguments des parties

291    Les requérantes, en faisant référence au premier moyen du recours, affirment que la plupart des 18 accords, énumérés au considérant 302 de la décision attaquée, envisageant des engagements sur les quantités étaient non contraignants. Selon les requérantes, comme pour les accords d’exclusivité non contraignants, un engagement sur les quantités individualisé non contraignant, même s’il représente la totalité ou la quasi-totalité des besoins du client, n’est pas susceptible d’écarter la concurrence. Si un client n’est pas juridiquement tenu de respecter un engagement d’acheter une quantité spécifique auprès d’un fournisseur, il sera libre d’accepter de meilleures offres de fournisseurs concurrents à tout moment. Un engagement sur les quantités individualisé, non contraignant, ne serait rien d’autre qu’une estimation.

292    Les requérantes soutiennent qu’il n’y a pas de fondement juridique dans le droit communautaire permettant d’interdire à un client de donner à ses fournisseurs une estimation de la totalité ou de la quasi-totalité de ses besoins au cours d’une période spécifique, même si l’un des fournisseurs a une position dominante. S’il en est ainsi, ces 18 accords ne seraient pas susceptibles de produire des effets anticoncurrentiels et ne sauraient, dès lors, être invoqués dans la décision attaquée. Écarter 18 des 49 accords sur lesquels la décision attaquée repose minerait le bien-fondé de cette dernière de manière décisive et doit emporter, selon les requérantes, l’annulation de la décision attaquée dans sa totalité.

293    Les requérantes ajoutent que, contrairement à ce qui est dit dans le mémoire en défense, un bon nombre des accords ne lieraient pas le prix au volume acheté, mais pratiqueraient un prix unitaire unique pour chaque appareil commandé (Lidl, COOP, etc.).

294    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

2.     Appréciation du Tribunal

295    Il convient d’observer que, ainsi qu’il a été rappelé aux points 208 et 209 ci-dessus, selon une jurisprudence bien établie, le fait, pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, de lier – fût-ce à leur demande – des acheteurs par une obligation ou promesse de s’approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 82 CE, soit que l’obligation en question soit stipulée sans plus, soit qu’elle trouve sa contrepartie dans l’octroi de rabais. Il en est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d’accords passés avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c’est-à-dire de remises liées à la condition que le client s’approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès de l’entreprise en position dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 89).

296    En effet, les engagements d’approvisionnement exclusif de cette nature, avec ou sans la contrepartie de rabais ou l’octroi de rabais de fidélité en vue d’inciter l’acheteur à s’approvisionner exclusivement auprès de l’entreprise en position dominante, sont incompatibles avec l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché commun parce qu’ils ne reposent pas sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement et à barrer l’accès du marché aux producteurs (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 90).

297    Or, en l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission, dans la décision attaquée, a, à juste titre, examiné les engagements sur les quantités individualisés non seulement de manière purement formelle du point de vue juridique, mais aussi en tenant compte du contexte économique spécifique dans lequel les accords en cause s’inscrivaient. C’est sur cette base que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que les accords en question étaient susceptibles d’exclure les concurrents.

298    En effet, les engagements sur les quantités individualisés, comme ceux auxquels fait référence la décision attaquée au considérant 302, qui lient de facto et/ou incitent l’acheteur à s’approvisionner exclusivement ou pour une part considérable de ses besoins auprès de l’entreprise en position dominante et qui ne reposent pas sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement et à barrer l’accès du marché aux producteurs, et même en admettant qu’ils ne lient pas l’acheteur par une obligation formelle, constituent une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 82 CE (voir, en ce sens, arrêt Van den Bergh Foods/Commission, précité, points 84 et 160).

299    Même si plusieurs exemples confirment que, en ce qui concerne les engagements sur les quantités et les rabais, les requérantes permettaient une certaine flexibilité quant au respect exact des échéances et des objectifs, cette flexibilité, appliquée même à certains accords dont les requérantes admettent qu’ils étaient « contraignants », ne diminue en rien l’exclusion causée par ces pratiques. Au contraire, la Commission a affirmé, à juste titre, dans la décision attaquée, que le volume exact des achats importait moins pour les requérantes que la fidélité du client. En effet, cette flexibilité contribuait à maintenir l’incitation à acheter les RVM des requérantes, même pour les clients qui autrement n’atteindraient pas les seuils requis (voir considérant 312 de la décision attaquée).

300    En outre, il y a lieu de relever que la grande majorité des engagements sur les quantités que les requérantes qualifient de non contraignants sont les accords dans lesquels elles subordonnaient le prix et les conditions commerciales à l’achat d’un certain volume par le client. Ces accords comportaient généralement un rabais expressément subordonné à la réalisation de l’objectif. Le client n’était pas juridiquement obligé d’atteindre l’objectif mais devait y arriver pour obtenir ou conserver le rabais. De tels accords sont présents en l’espèce, par exemple ceux conclus avec Axfood (2001), COOP (2000), NorgesGruppen ou Hakon Gruppen. Ces accords sont proches d’un rabais rétroactif. Le risque de perdre le rabais rétroactivement incite fortement le client à atteindre l’objectif. Le fait que les requérantes puissent finalement ne pas avoir demandé le remboursement du rabais ou l’absence d’acceptation prouvée d’une offre des requérantes par le client ne sont pas pertinents. Ce qui importe, ce sont les attentes du client à l’époque où il a passé les commandes conformément aux conditions de l’offre reçue.

301    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de l’erreur manifeste qu’aurait commise la Commission en estimant que des engagements non contraignants sur les quantités pouvaient violer l’article 82 CE doit être rejeté.

II –  Sur les conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction de l’amende

A –  Arguments des parties

302    Les requérantes considèrent, dans le cadre de leur sixième moyen, que la Commission a violé les principes de proportionnalité et de non-discrimination en fixant l’amende à 8 % du chiffre d’affaires mondial du groupe Tomra.

303    En réponse aux affirmations de la Commission exposées dans le mémoire en défense, les requérantes réitèrent l’affirmation selon laquelle l’amende de 24 millions d’euros infligée par la Commission représente 7,97 % du chiffre d’affaires mondial du groupe en 2005.

304    Premièrement, les requérantes considèrent que, si la Commission est libre d’élever le niveau des amendes, afin de renforcer leur effet dissuasif, la politique de la Commission doit, cependant, respecter les exigences de proportionnalité, en vertu desquelles les amendes sanctionnant les infractions qualifiées de « très graves » doivent présenter un effet dissuasif plus fort que celles sanctionnant les infractions qualifiées de « graves ». Cette logique serait reconnue par les lignes directrices sur le calcul des amendes, qui prévoiraient que les infractions graves seront punies d’une amende de base allant de 1 à 20 millions d’euros et les infractions très graves d’une amende de base supérieure à 20 millions d’euros.

305    Selon les requérantes, la Commission a suivi cette logique quand elle a infligé une amende à Microsoft pour des infractions très graves. Cependant, font-elles valoir à titre de comparaison, l’amende de Microsoft ne représentait que 1,5 % de son chiffre d’affaires mondial, bien que l’infraction ait été considérée comme très grave. Les requérantes déclarent être d’avis que cela mène à la conclusion illogique qu’il est plus important pour la Commission de créer un effet dissuasif par rapport aux requérantes, à savoir un groupe de sociétés ayant un chiffre d’affaires inférieur à 300 millions d’euros, et ce pour une infraction grave, qu’il ne l’était de dissuader Microsoft, l’une des cinq plus grosses entreprises au monde, avec un chiffre d’affaires, en 2003, supérieur à 30 milliards d’euros, et ce pour une infraction très grave. De même, la Commission aurait infligé une amende à AstraZeneca pour deux infractions graves, qui, après avoir tenu compte de la nécessité d’infliger une amende ayant un effet dissuasif proportionnel aux bénéfices pertinents, ne se serait élevée qu’à environ 3 % de son chiffre d’affaires mondial.

306    Les requérantes indiquent que la Cour a reconnu que toute modification significative d’approche par la Commission exige une explication détaillée. La Commission n’aurait néanmoins pas précisé, dans la décision attaquée, pour quelle raison le groupe Tomra, une entreprise qui n’est même pas classée parmi les 50 plus grosses entreprises en Norvège, s’est vu infliger une amende correspondant au « pourcentage le plus élevé du chiffre d’affaires mondial d’une société à laquelle une amende est infligée pour violation des règles de concurrence ».

307    Les requérantes soutiennent, en substance, que la décision attaquée ne contient pas d’explication détaillée permettant d’étayer cette modification significative de l’approche de la Commission en matière d’amendes.

308    Deuxièmement, les requérantes considèrent que le niveau de l’amende est disproportionné, compte tenu du montant limité du chiffre d’affaires qu’elles ont réalisé sur les marchés géographiques en question. Les requérantes estiment que moins de 25 % de leur chiffre d’affaires est généré en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche, en Suède et en Norvège, et moins de 34 % au sein de l’EEE dans son ensemble. Selon les requérantes, la Cour a accepté que le principe de proportionnalité puisse être violé si la Commission ignore le lien entre le chiffre d’affaires mondial et le chiffre d’affaires « représentant les produits pour lesquels l’infraction a été commise ». La Commission ne pouvait pas, pour autant, se contenter de tenir compte du fait que les infractions n’étaient pas continues pendant la période examinée sur tous les marchés nationaux concernés.

309    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

B –  Appréciation du tribunal

310    S’agissant de l’argument des requérantes tiré d’une violation du principe de non-discrimination, en ce que la Commission a fixé l’amende à 8 % du chiffre d’affaires mondial des requérantes, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, la Commission ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement, principe général de droit communautaire qui, selon une jurisprudence constante, n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 104). 

311    Toutefois, il y a lieu de souligner, à cet égard, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. Le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109).

312    Il convient d’ajouter que la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, point 33). Or, les données pertinentes, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés diffèrent selon chaque affaire. Il s’ensuit que la Commission ne saurait être obligée d’imposer à des entreprises des amendes dont le montant correspond à des pourcentages identiques de leurs chiffres d’affaires respectifs dans les affaires comparables sur le plan de la gravité des infractions (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission, T‑67/01, Rec. p. II‑49, points 187 à 189).

313    Les amendes constituant un instrument de la politique de concurrence de la Commission, celle-ci doit pouvoir disposer d’une marge d’appréciation dans la fixation de leur montant afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑49/95, Rec. p. II‑1799, point 53).

314    En l’espèce, il convient donc de rejeter d’emblée l’argument des requérantes tiré de la comparaison entre l’amende infligée aux requérantes et celles infligées par la Commission dans d’autres décisions, car, comme il vient d’être rappelé, la pratique décisionnelle de la Commission ne peut pas servir en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. La Commission ne saurait, en effet, être obligée de fixer des amendes avec une cohérence parfaite par rapport à celles fixées dans d’autres affaires.

315    Quant à l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée marque un changement de politique qui aurait mérité des explications spécifiques, il ne saurait non plus prospérer. En effet, la Commission, en fixant l’amende litigieuse, s’est conformée aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement n° 1/2003 et de ses propres lignes directrices relatives au calcul des amendes, circonstances qui, d’ailleurs, ne sont pas contestées par les requérantes. Le niveau de l’amende fixé par la Commission ne constitue donc pas un changement de sa politique en matière d’amendes, mais, au contraire, une application classique de cette politique.

316    S’agissant du prétendu caractère disproportionné de l’amende en raison du montant limité du chiffre d’affaires respectif des requérantes sur les marchés géographiques concernés, il y a lieu de rappeler que, sous réserve du respect de la limite supérieure que prévoit l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et qui se réfère au chiffre d’affaires global (voir, par analogie, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 119), il est loisible pour la Commission de tenir compte du chiffre d’affaires de l’entreprise en cause afin d’apprécier la gravité de l’infraction lors de la détermination du montant de l’amende, sans toutefois qu’elle puisse y attacher une importance disproportionnée par rapport à d’autres éléments d’appréciation (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 257).

317    En l’espèce, la Commission a fait application de la méthode de calcul définie dans les lignes directrices, qui prévoit la prise en compte d’un grand nombre d’éléments lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction pour fixer le montant de l’amende, parmi lesquels figurent notamment la nature propre de l’infraction, l’impact concret de celle-ci lorsqu’il est mesurable, l’étendue géographique du marché affecté et la nécessaire portée dissuasive de l’amende. Bien que les lignes directrices ne prévoient pas que le montant des amendes soit calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires pertinent, elles ne s’opposent pas à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin de respecter les principes généraux du droit communautaire et lorsque les circonstances l’exigent (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 258 et 260).

318    Il en découle que, s’il ne saurait être nié que le chiffre d’affaires afférent aux produits en cause peut constituer un fondement approprié pour évaluer les atteintes à la concurrence sur le marché desdits produits au sein de l’EEE, il n’en demeure pas moins que cet élément ne constitue pas l’unique critère selon lequel la Commission doit apprécier, et a effectivement apprécié en l’espèce, la gravité de l’infraction.

319    Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ce serait attribuer à cet élément une importance excessive que de limiter l’appréciation du caractère proportionné du montant de l’amende retenu par la Commission à la mise en relation entre ledit montant et le chiffre d’affaires relatif aux produits en question. La nature propre de l’infraction, l’impact concret de celle-ci lorsqu’il est mesurable, l’étendue géographique du marché affecté et la nécessaire portée dissuasive de l’amende sont autant d’éléments, en l’espèce pris en considération par la Commission, pouvant justifier à suffisance de droit le montant de l’amende.

320    En tout état de cause, ainsi que le relève à juste titre la Commission, force est de constater que le chiffre d’affaires réalisé, dans les marchés concernés par l’infraction, par les requérantes représente une part relativement importante de leur chiffre d’affaires global, à savoir environ 25 %. En conséquence, il ne saurait être prétendu que les requérantes n’ont réalisé qu’une part ténue de leur chiffre d’affaires global sur les marchés en cause.

321    Il s’ensuit que le moyen tiré du traitement disproportionné et/ou discriminatoire dont auraient fait l’objet les requérantes, au regard de la pratique décisionnelle de la Commission et du chiffre d’affaires réalisé dans les marchés concernés, doit être rejeté et, partant, que doivent l’être également les conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction de l’amende.

322    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

323    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de décider qu’elles supporteront, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tomra Systems ASA, Tomra Europe AS, Tomra Systems GmbH, Tomra Systems BV, Tomra Leergutsysteme GmbH, Tomra Systems AB et Tomra Butikksystemer AS sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2010.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Décision attaquée

I –  Marché en cause

II –  Position dominante

III –  Comportement abusif

IV –  Amende

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

A –  Sur le premier moyen, tiré de l’utilisation de preuves manifestement inexactes et peu fiables pour constater la stratégie d’exclusion et pour prouver l’existence et déterminer le contenu de certains accords entre les requérantes et leurs clients

1.  Sur la première branche, tirée de l’absence d’éléments de preuve fiables permettant de démontrer l’existence d’une stratégie d’exclusion

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la seconde branche, tirée de l’utilisation de preuves inexactes et peu fiables pour démontrer l’existence et déterminer le contenu de certains accords entre les requérantes et leurs clients

a)  Sur les accords d’exclusivité antérieurs à 1998

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Sur les accords désignant les requérantes comme « fournisseur préféré, principal ou premier fournisseur »

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

c)  Sur les engagements sur les quantités individualisés et les mécanismes de rabais rétroactifs individualisés

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

d)  Sur l’évaluation de certains contrats conclus sur le territoire de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de la Norvège

Allemagne

–  Edeka Bayern-Sachsen-Thüringen (1998-1999)

–  Edeka Handelsgesellschaft Hessenring (1999)

–  Edeka Baden-Würtemberg (2000)

–  COOP Schleswig-Holstein (2000)

–  Netto

–  Rewe Wiesloch et Rewe-Hungen (1997)

–  Rewe Hungen (2000)

Pays-Bas

–  Albert Heijn (1998-2000)

–  Royal Ahold (2000-2002)

–  Lidl (1999-2000)

–  Superunie (2001)

Suède

–  ICA Handlares (Suède) et Hakon Gruppen (Norvège) (2000-2002)

–  Rimi Svenska (2000)

–  Spar, Willys et KB Exonen (groupe Axfood) (2000)

–  Axfood (2001)

–  Axfood (2003-2004)

Norvège

–  Køff Hedmark et Rema 1000 (1996), AKA/Spar Norge (1997)

–  NorgesGruppen, Hakon Gruppen, NKL (COOP) et Rema 1000 (1999-2000)

–  NorgesGruppen (2000-2001)

–  NKL (COOP) et Rema 1000 (2000-2001)

B –  Sur les deuxième et quatrième moyens, tirés de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la question de savoir si les accords étaient susceptibles d’écarter la concurrence et de l’absence de motivation

1.  Sur la prétendue illégalité per se des accords des requérantes et sur l’absence d’explication quant au test ou aux critères utilisés par la Commission pour apprécier si les accords étaient susceptibles de restreindre ou d’écarter la concurrence

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la « couverture insuffisante » de la demande totale des RVM par les pratiques des requérantes

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur les preuves et les hypothèses prétendument inexactes et trompeuses auxquelles il aurait été recouru pour apprécier la capacité des remises rétroactives d’écarter la concurrence

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le troisième moyen, tiré des erreurs manifestes dans l’appréciation de la Commission concernant la question de savoir si les accords éliminaient réellement la concurrence

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

D –  Sur le cinquième moyen, tiré de l’erreur manifeste qu’aurait commise la Commission en estimant que des engagements non contraignants sur les quantités pouvaient violer l’article 82 CE

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

II –  Sur les conclusions tendant à l’annulation ou à la réduction de l’amende

A –  Arguments des parties

B –  Appréciation du tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.