Language of document : ECLI:EU:C:2003:445

ARRÊT DE LA COUR

11 septembre 2003(1)

«Système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche - Modification par le règlement (CE) n° 2012/2000 - Illégalité»

Dans l'affaire C-445/00,

République d'Autriche, représentée par M. H. Dossi, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. A. Lopes Sabino et G. Houttuin, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République fédérale d'Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent, assisté de Me J. Sedemund, Rechtsanwalt,

par

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mmes C. Schmidt et M. Wolfcarius, puis par Mme C. Schmidt et M. W. Wils, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet l'annulation du règlement (CE) n. 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n. 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n. 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche (JO L 241, p. 18),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesisas, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet et R. Schintgen, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mischo,


greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 19 novembre 2002,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 février 2003,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 décembre 2000, la république d'Autriche a, en vertu de l'article 230, premier alinéa, CE, demandé l'annulation du règlement (CE) n° 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n° 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche (JO L 241, p. 18, ci-après le «règlement attaqué»).

Les faits et le cadre juridique

2.
    Le protocole n° 9, sur le transport par route et par rail et le transport combiné en Autriche (ci-après le «protocole»), de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après l'«acte d'adhésion»), instaure, dans sa troisième partie relative au transport par route, un régime spécial pour le trafic de marchandises routier de transit à travers l'Autriche.

3.
    Ce régime trouve son origine dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la république d'Autriche en matière de transit de marchandises par rail et par route, signé à Porto le 2 mai 1992, approuvé au nom de la Communauté par la décision 92/577/CEE du Conseil, du 27 novembre 1992 (JO L 373, p. 4).

4.
    Les éléments essentiels de ce régime sont prévus à l'article 11, paragraphe 2, du protocole, qui est libellé comme suit:

«Jusqu'au 1er janvier 1998, les dispositions suivantes s'appliquent:

a)    Les émissions totales de NOx des camions qui traversent l'Autriche en transit sont réduites de 60 % durant la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2003, conformément au tableau figurant à l'annexe 4.

b)    La réduction des émissions totales de NOx imputables aux camions est gérée à l'aide d'un système d'écopoints. Dans ce système, chaque camion a besoin, pour traverser l'Autriche, d'un certain nombre de points représentant son niveau d'émission de NOx (valeur autorisée dans le cadre de la conformité de la production (COP) ou découlant de la réception par type). La méthode de calcul et de gestion de ces points est décrite à l'annexe 5.

c)    Si le nombre de trajets devait, au cours d'une année, dépasser de plus de 8 % le chiffre obtenu pour l'année 1991, la Commission, agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16, adopte les mesures appropriées conformément au point 3 de l'annexe 5.

d)    [.]

e)    Les écopoints sont distribués par la Commission parmi les États membres, conformément aux dispositions à établir selon le paragraphe 6.»

5.
    L'article 11, paragraphes 3 à 6, du protocole prévoit:

«3.    Avant le 1er janvier 1998, le Conseil réexamine, sur la base d'un rapport de la Commission, le fonctionnement des dispositions concernant le trafic de marchandises routier de transit à travers l'Autriche. Ce réexamen est effectué en conformité avec les principes fondamentaux du droit communautaire, tels que le bon fonctionnement du marché intérieur, notamment la libre circulation des marchandises et la libre prestation de services, la protection de l'environnement dans l'intérêt de la Communauté dans son ensemble, et la sécurité routière. À moins que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après avoir consulté le Parlement européen, n'en décide autrement, la période transitoire est prorogée d'une nouvelle période jusqu'au 1er janvier 2001, au cours de laquelle les dispositions du paragraphe 2 s'appliquent.

4.    Avant le 1er janvier 2001, la Commission, en coopération avec l'Agence européenne de l'environnement, effectue une étude scientifique sur le degré de réalisation de l'objectif concernant la réduction de la pollution fixé au paragraphe 2 point a). Si la Commission arrive à la conclusion que cet objectif a été atteint de façon durable, les dispositions du paragraphe 2 cessent de s'appliquer le 1er janvier 2001. Si, par contre, la Commission arrive à la conclusion que cet objectif n'a pas été atteint de façon durable, le Conseil, statuant en conformité avec l'article 75 du traité CE, peut arrêter des mesures, dans un cadre communautaire, qui assurent une protection équivalente de l'environnement, notamment une réduction de la pollution de 60 %. Si le Conseil n'adopte pas ces mesures, la période transitoire est automatiquement prorogée d'une dernière période de trois ans, au cours de laquelle les dispositions du paragraphe 2 s'appliquent.

5.    Au terme de la période transitoire, l'acquis communautaire est applicable dans sa totalité.

6.    La Commission, agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16, arrête les modalités concernant les procédures relatives au système d'écopoints, à la distribution des écopoints et aux questions techniques liées à l'application du présent article; ces modalités entrent en vigueur à la date d'adhésion de l'Autriche.

[.]»

6.
    Aux termes de l'article 16 du protocole:

«1.    La Commission est assistée par un comité composé des représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission.

2.    Lorsqu'il est fait référence à la procédure prévue au présent article, le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. L'avis est émis à la majorité prévue à l'article 148 paragraphe 2 du traité CE pour l'adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants sont affectées de la pondération définie à l'article précité. Le président ne prend pas part au vote.

3.    La Commission arrête les mesures envisagées lorsqu'elles sont conformes à l'avis du comité.

Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l'avis du comité, ou en l'absence d'avis, la Commission soumet sans tarder au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.

4.    Si, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la saisine du Conseil, celui-ci n'a pas statué, les mesures proposées sont arrêtées par la Commission.»

7.
    L'annexe 5 du protocole, intitulée «Calcul et gestion des écopoints visés à l'article 11 paragraphe 2 point b) du protocole», dispose, à son point 3:

«En cas d'application de l'article 11 paragraphe 2 point c), le nombre d'écopoints pour l'année suivante est établi comme suit:

Les moyennes trimestrielles d'émission de NOx pour les camions durant l'année en cours, calculées conformément au point 2 ci-dessus, seront extrapolées pour déterminer l'émission moyenne de NOx prévue pour l'année suivante. La valeur prévue, multipliée par 0,0658 et par le nombre d'écopoints fixé à l'annexe 4 pour l'année 1991, constituera le nombre d'écopoints pour l'année en question.»

8.
    La Commission a, en application de l'article 11, paragraphe 6, du protocole, adopté le règlement (CE) n° 3298/94, du 21 décembre 1994, arrêtant les modalités des procédures relatives au système de droits de transit (écopoints) pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche, établi à l'article 11 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède (JO L 341, p. 20), règlement modifié par les règlements (CE) n° 1524/96 de la Commission, du 30 juillet 1996 (JO L 190, p. 13), et (CE) n° 609/2000 de la Commission, du 21 mars 2000 (JO L 73, p. 9) (ci-après le «règlement n° 3298/94»).

9.
    L'article 6, paragraphe 2, de ce règlement prévoit:

«Les écopoints imprimés destinés à être appliqués sur des écocartes sont alloués aux États membres tous les ans en deux tranches, la première avant le 1er octobre de l'année précédente, la seconde avant le 1er mars de l'année de validité.

Dans les cas envisagés à l'article 11 paragraphe 2 point c) du protocole n° 9, le nombre d'écopoints pour cette année est réduit selon la méthode présentée à l'annexe 5 point 3 du protocole.»

10.
    Le règlement n° 3298/94 modifie l'annexe 4 du protocole et fixe le nombre total d'écopoints comme suit:

Année Pourcentage d'écopoints Écopoints alloués aux 15 États membres
1991 (année de référence) 100 % 23 556 220
1995 71,7 % 16 889 810
1996 65,0 % 15 311 543
1997 59,1 % 13 921 726
1998 54,8 % 12 908 809
1999 51,9 % 12 225 678
2000 49,8 % 11 730 998
2001 48,5 % 11 424 767
2002 44,8 % 10 533 187
2003 40,0 % 9 422 488

Ledit règlement fixe aussi, à son annexe D, la clé de la répartition des écopoints entre les États membres.

11.
    Le chiffre des trajets en transit à travers l'Autriche pour 1991 étant de 1 490 900, le seuil auquel l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole fait référence équivaut à 1 610 172 trajets en transit.

12.
    Les statistiques des écopoints ont fait apparaître un trafic de 1 706 436 trajets au cours de l'année 1999, correspondant à un dépassement de 14,57 % du chiffre obtenu pour 1991.

13.
    Agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16 du protocole, la Commission a, le 20 mai 2000, soumis un projet de règlement de la Commission au comité prévu à l'article 16 du protocole (ci-après le «comité des écopoints»). Elle a fait valoir que, selon la méthode de calcul figurant à l'annexe 5, point 3, du protocole, le nombre d'écopoints pour l'année 2000 devait être réduit d'environ 20 % (soit une réduction de 2 184 552 écopoints). Selon la Commission, cette réduction aurait eu pour conséquence que, au cours du dernier trimestre de l'année 2000, pratiquement aucun écopoint n'aurait plus été disponible, de sorte que tout transit de camions à travers l'Autriche aurait été interdit. Dès lors, faisant valoir que les dispositions applicables du protocole devaient être interprétées à la lumière des libertés fondamentales, la Commission a proposé de répartir la réduction du nombre d'écopoints sur les quatre dernières années, de 2000 à 2003, faisant l'objet du régime transitoire. 30 % de réduction devaient intervenir en 2000, 30 % en 2001, 30 % en 2002 et les 10 % restants en 2003.

14.
    Considérant que le protocole ne fixait aucune orientation en ce qui concerne la répartition de la réduction entre les États membres, la Commission a également proposé que la charge de la réduction soit supportée par les États membres dont les transporteurs auraient contribué au dépassement du seuil de trajets, prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, au cours de l'année 1999.

15.
    Aucune majorité qualifiée ne s'étant dégagée au sein du comité des écopoints en faveur du projet de la Commission, celle-ci a présenté au Conseil, le 21 juin 2000, une proposition de règlement du Conseil COM(2000) 395 final identique.

16.
    Le 20 septembre 2000, à la lumière de l'évolution du dossier au sein du Conseil, la Commission a habilité le membre de la Commission responsable, Mme de Palacio, à prendre l'initiative suivante: «dans le cas où le Conseil adopterait, à la majorité qualifiée, une décision dans la ligne du compromis actuellement proposé par le Président, modifier la proposition de la Commission en conséquence».

17.
    La présidence française a, le 21 septembre 2000, présenté au Conseil une proposition de compromis qui, tout en retenant la proposition originale de la Commission d'étalement de la réduction des écopoints jusqu'en 2003, adoptait une nouvelle méthode de calcul aboutissant à une réduction de 1 009 501 écopoints. Le membre de la Commission responsable a alors modifié sa proposition initiale dans le sens de la proposition de compromis française, permettant ainsi au Conseil d'adopter à la majorité qualifiée la proposition modifiée de la Commission, laquelle est devenue le règlement attaqué. La république d'Autriche a voté contre.

18.
    Les cinquième à septième considérants du règlement attaqué sont libellés comme suit:

«(5)    L'application du protocole n° 9 doit être faite en conformité avec les libertés fondamentales instaurées par le traité; il s'impose donc de prendre des mesures capables d'assurer la libre circulation des marchandises et le plein fonctionnement du marché intérieur.

(6)    Une imposition de la réduction totale des écopoints sur la seule année 2000 aurait l'effet disproportionné de conduire quasiment à l'arrêt de la circulation de transit à travers l'Autriche; par conséquent, la réduction du nombre total d'écopoints s'échelonnera de 2000 à 2003.

(7)    Pour garantir la proportionnalité de la réduction du nombre d'écopoints, il convient également que les États membres qui ont le plus contribué au dépassement de 8 % du seuil fixé soient soumis à une diminution du nombre d'écopoints qui leur sont alloués, afin que la réduction totale puisse s'effectuer comme prévu. Cette mesure nécessite la révision de la clé de répartition des écopoints entre les États membres.»

19.
    L'article 1er du règlement attaqué modifie comme suit l'annexe 4 du protocole, en vue de fixer le nouveau nombre d'écopoints par année:

Année Pourcentage d'écopoints Écopoints alloués aux 15 États membres
2000 48,5 % 11 428 150
2001 47,2 % 11 121 897
2002 43,5 % 10 250 317
2003 39,6 % 9 321 531

20.
    L'article 2, point 1, du règlement attaqué remplace l'article 6, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 3298/94 par la disposition suivante:

«Dans le cas visé à l'article 11, paragraphe 2, point c), du protocole n° 9, le nombre d'écopoints est réduit. Cette réduction est calculée selon la méthode définie à l'annexe 5, paragraphe 3, du protocole. La réduction du nombre d'écopoints qui en résulte s'échelonne sur plusieurs années.»

21.
    Enfin, l'article 2, point 4, du règlement attaqué modifie l'annexe D du règlement n° 3298/94, en vue d'effectuer une nouvelle répartition des écopoints entre les États membres.

22.
    En application de l'article 11, paragraphe 4, du protocole, la Commission a adopté, le 21 décembre 2000, un rapport COM(2000) 862 final concernant les transports routiers de marchandises en transit par l'Autriche, destiné au Conseil.

23.
    La Commission n'étant pas arrivée, dans ce rapport, à la conclusion que l'objectif concernant la réduction de la pollution de 60 % avait été atteint de façon durable, et le Conseil n'ayant pas arrêté les mesures visées à l'article 11, paragraphe 4, troisième phrase, du protocole, la période transitoire a été automatiquement prorogée d'une dernière période de trois ans, s'étendant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, au cours de laquelle les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, du protocole, et en particulier son point c), s'appliquent.

La procédure

24.
    Le recours de la république d'Autriche a été déposé au greffe de la Cour le 4 décembre 2000.

25.
    Par ordonnances du président de la Cour des 26 janvier et 30 avril 2001, la République fédérale d'Allemagne, la Commission des Communautés européennes et la République italienne ont été admises à intervenir à l'appui des conclusions du Conseil.

26.
    Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 4 décembre 2000, la république d'Autriche a, en vertu des articles 242 CE et 243 CE, demandé qu'il soit sursis à l'application du règlement attaqué et que soient adoptées des mesures provisoires.

27.
    Par ordonnance du 23 février 2001, Autriche/Conseil (C-445/00 R, Rec. p. I-1461), le président de la Cour a ordonné le sursis à l'exécution de l'article 2, point 1, du règlement attaqué jusqu'au prononcé de l'arrêt au principal, a rejeté la demande pour le surplus et a réservé les dépens.

28.
    Sur demande de la Commission, la Cour, par ordonnance du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil (C-445/00, Rec. p. I-9151), a ordonné que l'avis du service juridique de la Commission du 11 avril 2000, produit par la république d'Autriche en annexe de sa requête, soit retiré du dossier de l'affaire et a réservé les dépens.

Les conclusions des parties

29.
    La république d'Autriche conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

-    à titre principal, annuler le règlement attaqué;

-    à titre subsidiaire, annuler les dispositions des articles 1er et 2, points 1 et 4, du règlement attaqué;

-    condamner le Conseil aux dépens.

30.
    Le Conseil, soutenu par la République fédérale d'Allemagne, par la République italienne et par la Commission, conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

-    rejeter comme irrecevables tous les griefs adressés à la Commission, qui n'a pas été mise à la cause par la requérante;

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    à titre subsidiaire, au cas où la Cour accueillerait le recours et annulerait le règlement attaqué, ordonner le maintien de l'ensemble de ses effets;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

31.
    Le Conseil fait valoir que, parmi les moyens invoqués au soutien du recours, les griefs adressés à la Commission ne sont pas recevables parce que la Commission n'a pas été mise à la cause et que l'arrêt à intervenir dans la présente affaire ne sera pas opposable à une institution qui n'est pas partie au litige.

32.
    À cet égard, il faut rappeler qu'un recours en annulation au titre de l'article 230 CE doit être porté contre l'institution qui a adopté l'acte attaqué et qu'un tel recours serait irrecevable en tant que dirigé contre une autre institution (voir, en ce sens, ordonnance du 11 novembre 1987, Nashua Corporation e.a./Conseil et Commission, 150/87, Rec. p. 4421).

33.
    Visant à l'annulation d'un règlement du Conseil, le présent recours ne peut donc être dirigé que contre celui-ci. Néanmoins, les circonstances qui affectent la légalité de l'acte attaqué peuvent être invoquées à l'appui d'un tel recours, même si elles concernent la conduite d'une institution autre que l'institution défenderesse.

34.
    Une institution dont la conduite est ainsi mise en cause ne peut pas être impliquée comme partie principale au litige, mais peut y intervenir au soutien de l'une des parties principales, comme la Commission l'a fait en l'espèce.

35.
    Par voie de conséquence, il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Conseil.

Sur le fond

36.
    Le gouvernement autrichien fonde son recours sur six moyens. Le premier moyen dénonce, à titre principal, une violation des formes substantielles lors de l'adoption du règlement attaqué. Les moyens suivants sont invoqués à titre subsidiaire. Le deuxième moyen est tiré d'une violation du traité ou du protocole en ce que la proposition de la Commission a été modifiée après sa présentation au Conseil. Le troisième moyen allègue un défaut de motivation du règlement attaqué. Le quatrième moyen vise une violation du traité ou du protocole par le règlement attaqué. Le cinquième moyen invoque une violation des dispositions légales et un défaut de motivation dans l'application du mode de calcul visé à l'annexe 5, point 3, du protocole. Enfin, le sixième moyen est tiré de l'absence de base juridique du règlement attaqué.

Premier moyen: violation des formes substantielles lors de l'adoption du règlement attaqué

37.
    Par son premier moyen, le gouvernement autrichien conclut à une violation des formes substantielles lors de l'adoption du règlement attaqué. Il fait valoir, en particulier, que la décision de la Commission de modifier sa proposition de règlement initiale en vue de se rallier au compromis présenté par la présidence du Conseil n'a pas été prise collégialement. Le gouvernement autrichien ajoute qu'une habilitation donnée au commissaire responsable l'autorisant, le cas échéant, à modifier une proposition de la Commission afin de faire sienne une formulation nouvelle recueillant la majorité qualifiée au sein du Conseil ne respecte pas le règlement intérieur de la Commission, lequel limiterait les habilitations à l'adoption de mesures de gestion et d'administration clairement définies.

38.
    Il est constant que, le 20 septembre 2000, soit la veille de l'adoption du règlement attaqué, la Commission a habilité le membre de la Commission responsable à modifier la proposition de règlement présentée au Conseil dans le cas où celui-ci serait prêt à adopter, à la majorité qualifiée, une décision dans la ligne du compromis proposé par la présidence française, ce qui s'est produit.

39.
    Le 21 septembre 2000, la présidence française a présenté au Conseil une proposition de compromis qui, tout en retenant la proposition originale de la Commission d'étalement de la réduction des écopoints jusqu'en 2003, adoptait une nouvelle méthode de calcul aboutissant à une réduction de 1 009 501 écopoints. Le membre de la Commission responsable a alors modifié sa proposition initiale dans le sens de la proposition de compromis de la présidence française, permettant ainsi au Conseil d'adopter à la majorité qualifiée la proposition modifiée de la Commission.

40.
    Selon l'article 13 du règlement intérieur de la Commission, dans sa version en vigueur à la date des faits, la Commission peut «charger un ou plusieurs de ses membres, en accord avec le président, d'adopter le texte définitif [.] d'une proposition à soumettre aux autres institutions, dont elle a défini la substance lors de ses délibérations».

41.
    Il ressort des pièces soumises à la Cour que l'habilitation en question a été octroyée par la Commission agissant de façon collégiale, après qu'elle eut été informée du contenu du compromis qui s'annonçait. Il s'ensuit que le membre de la Commission responsable était dûment habilité à modifier en ce sens la proposition de règlement en cause.

42.
    Il n'y a donc pas eu violation des formes substantielles lors de l'adoption du règlement attaqué.

43.
    Il en résulte qu'il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

Deuxième moyen: violation du traité ou du protocole en ce que la proposition de la Commission a été modifiée après sa présentation au Conseil

44.
    Par son deuxième moyen, le gouvernement autrichien soutient que, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 16 du protocole, la Commission n'était pas compétente pour modifier a posteriori et de façon substantielle la proposition qu'elle avait soumise au Conseil.

45.
    À cet égard, il suffit de rappeler que, aux termes de l'article 250, paragraphe 2, CE, «[t]ant que le Conseil n'a pas statué, la Commission peut modifier sa proposition tout au long des procédures conduisant à l'adoption d'un acte communautaire».

46.
    Il était donc loisible à la Commission de modifier sa proposition de règlement comme elle l'a fait en l'espèce.

47.
    Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

Troisième moyen: défaut de motivation du règlement attaqué

48.
    Par son troisième moyen, le gouvernement autrichien fait valoir que, s'agissant du calcul de la réduction des écopoints, de la répartition de cette réduction entre les États membres, de l'étalement sur quatre ans de ladite réduction, ainsi que de l'introduction d'une règle générale d'étalement de la réduction des écopoints sur plusieurs années en cas de dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, le règlement attaqué ne satisfait pas à l'obligation de motivation.

49.
    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C-76/00 P, Rec. p. I-79, point 81).

50.
    Or, d'une part, les considérants du règlement attaqué font ressortir avec une clarté suffisante les raisons essentielles des positions prises par rapport au calcul de la réduction des écopoints, à la répartition de cette réduction entre les États membres et à l'étalement de ladite réduction sur plusieurs années. D'autre part, il est constant que la république d'Autriche était pleinement informée des raisons ayant conduit au règlement attaqué, et ce notamment du fait de sa participation au comité des écopoints.

51.
    Il en découle que, au vu tant de son contenu que de son contexte, le règlement attaqué est motivé à suffisance de droit.

52.
    Pour ces raisons, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

Première branche du quatrième moyen et sixième moyen: étalement de la réduction des écopoints sur plusieurs années

53.
    Par la première branche de son quatrième moyen, reprise en substance par son sixième moyen, le gouvernement autrichien soutient que le règlement attaqué viole à deux égards le traité et le protocole.

54.
    En premier lieu, selon le gouvernement autrichien, le libellé des dispositions concernées du protocole serait univoque et clair et ne laisserait aucune place à l'interprétation: dès lors qu'un dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole s'était produit en 1999, il y avait lieu de déterminer la réduction du nombre d'écopoints pour l'année 2000 selon le mode de calcul prévu à l'annexe 5, point 3, du protocole. Pourtant, l'article 1er du règlement attaqué ne prévoirait pas d'appliquer en totalité en 2000 la réduction des écopoints découlant du dépassement du seuil de trajets constaté en 1999, mais la répartirait sur quatre années, de 2000 à 2003. Or, le protocole faisant partie du droit primaire, sa modification formelle par le règlement attaqué, qui est un acte de droit dérivé, sans que le Conseil dispose d'une habilitation explicite en droit primaire, constituerait une illégalité manifeste.

55.
    Le gouvernement autrichien considère comme inacceptables les justifications avancées par le Conseil dans les considérants du règlement attaqué, concernant l'effet disproportionné de l'application de la réduction des écopoints en totalité sur la seule année 2000 et l'affirmation selon laquelle l'application du protocole doit se faire en conformité avec les libertés fondamentales instaurées par le traité, dès lors que la méthode d'interprétation utilisée par le Conseil est, selon lui, contraire au libellé clair du protocole.

56.
    En second lieu, l'article 2, point 1, du règlement attaqué, qui modifie l'article 6, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 3298/94, entraînerait aussi une modification des objectifs du droit primaire en tant qu'il prévoit de façon générale qu'une réduction extraordinaire du nombre d'écopoints «s'échelonne sur plusieurs années». La transformation de l'étalement de la réduction des écopoints en règle générale pour tous les cas d'application de l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole ne trouverait aucun fondement juridique dans le protocole et serait manifestement contraire au régime qui y est institué.

57.
    Il convient d'examiner d'abord le second de ces griefs, à savoir celui concernant l'instauration définitive du principe de l'étalement de la réduction des écopoints sur plusieurs années.

58.
    À cet égard, la Commission allègue que l'article 2, point 1, du règlement attaqué a modifié la règle relative à la répartition des écopoints uniquement en ce qui concerne l'année 2000 et ne contient pas de règle générale pour l'avenir. Selon la Commission, si cette disposition comportait réellement une telle règle générale, elle serait effectivement illégale.

59.
    Cet argument ne peut pas être retenu, compte tenu du libellé catégorique de l'article 2, point 1, du règlement attaqué. En effet, celui-ci n'énonce aucune limitation dans le temps et ne se réfère nullement aux circonstances particulières qui se sont présentées au cours de l'année 2000. Il faut lire cette disposition comme visant à effectuer un changement permanent et définitif du régime des écopoints.

60.
    Toutefois, l'annexe 5, point 3, du protocole prévoit que, en cas de réduction, le nombre d'écopoints est établi «pour l'année suivante».

61.
    Il s'ensuit que l'article 2, point 1, du règlement attaqué modifie l'article 6, paragraphe 2, second alinéa du règlement n° 3298/94 dans un sens incompatible avec celui de l'annexe 5, point 3, du protocole.

62.
    Or, les protocoles et annexes d'un acte d'adhésion constituent des dispositions de droit primaire qui, à moins que l'acte d'adhésion n'en dispose autrement, ne peuvent être suspendues, modifiées ou abrogées que selon les procédures prévues pour la révision des traités originaires (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 1988, LAISA et CPC España/Conseil, 31/86 et 35/86, Rec. p. 2285, point 12).

63.
    Il en découle que l'article 2, point 1, du règlement attaqué est invalide en tant qu'il vise à instaurer définitivement un principe d'étalement de la réduction des écopoints sur plusieurs années, contrairement à ce que prévoit le protocole.

64.
    Il convient donc d'annuler cette disposition.

65.
    Quant au grief concernant l'étalement sur les années 2000 à 2003 de la réduction des écopoints résultant du dépassement en 1999 du seuil de trajets prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, la République italienne et le Conseil font valoir en substance que ce dépassement est dû au comportement de la république d'Autriche elle-même, en ce sens qu'elle n'aurait pas pris les mesures suffisantes pour développer les structures ferroviaires existantes en Autriche en vue d'alléger le trafic de marchandises sur les routes, comme elle en aurait eu l'obligation en vertu du protocole. Le gouvernement autrichien conteste ces allégations en observant que les arrangements pour le transport combiné rail-route en Autriche fonctionnent de façon adéquate.

66.
    À cet égard, il convient d'admettre que le protocole porte non seulement sur le transport de marchandises par route, mais également sur le transport par chemin de fer et le transport combiné. Les articles 6 et 7 ainsi que l'annexe 3 du protocole imposent certaines obligations, notamment à la république d'Autriche, en vue de développer et d'utiliser la capacité ferroviaire. Si cette capacité était développée ainsi que prévu, elle serait de nature à décharger les routes transalpines d'une partie des transports de marchandises par camion.

67.
    Toutefois, il faut constater que le protocole ne prévoit aucun mécanisme qui rende inapplicables ses dispositions en matière d'écopoints en cas de manquement de la république d'Autriche à ses obligations concernant le développement de la capacité ferroviaire. En l'absence de tels mécanismes dans le protocole lui-même, il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre du présent recours en annulation, de prendre position sur le respect par la république d'Autriche desdites obligations.

68.
    Pour ce qui concerne le dépassement du nombre de trajets par route autorisés pour l'année 1999, il ressort des informations fournies à la Cour que, si les autorités autrichiennes ont fourni certaines statistiques aux instances communautaires au mois de mars 2000, celles-ci étaient erronées et des statistiques définitives n'ont pu être établies qu'au mois de septembre 2000.

69.
    Compte tenu des délais inhérents à la procédure législative, délais dus notamment à la procédure du comité des écopoints prévue à l'article 16 du protocole, il ne restait plus que le dernier trimestre de l'année 2000 pour mettre en .uvre les réductions découlant des dépassements constatés en 1999.

70.
    Or, le protocole, et notamment son article 11, paragraphe 2, sous c), et son annexe 5, ne contient aucune disposition qui règle spécifiquement la situation créée par la transmission tardive de données statistiques fiables par les autorités autrichiennes.

71.
    En revanche, les articles 11, paragraphe 2, sous c), et 16 du protocole habilitent la Commission et, le cas échéant, le Conseil à adopter «les mesures appropriées» conformément à l'annexe 5, point 3, du protocole. Ces dispositions laissent une marge d'appréciation aux institutions communautaires pour prendre des mesures appropriées face à une situation caractérisée par la transmission tardive de données statistiques fiables par les autorités nationales responsables.

72.
    Dans ce cadre, le Conseil peut tenir compte de ce que le régime des écopoints constitue une dérogation aux règles générales du droit communautaire qui est valable seulement pendant une période transitoire.

73.
    D'une part, en effet, il ressort de l'article 11, paragraphes 3 à 5, du protocole que le régime spécial pour le trafic de marchandises routier de transit à travers l'Autriche, prévu par le protocole, doit être mis en .uvre en conformité avec les principes fondamentaux du droit communautaire, tels le bon fonctionnement du marché intérieur, la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services. D'autre part, ce régime était prévu initialement jusqu'au 1er janvier 1998 et pouvait être renouvelé, sous certaines conditions tenant à son réexamen, pour deux périodes supplémentaires prenant fin au plus tard le 31 décembre 2003. Au terme de cette période transitoire, le protocole prévoit que l'acquis communautaire est applicable dans sa totalité.

74.
    Or, il est constant entre les parties, y compris la république d'Autriche, que l'application de la réduction des écopoints, résultant du dépassement constaté en 1999, sur les seuls mois restants de l'année 2000 aurait eu l'effet disproportionné d'arrêter pratiquement toute circulation de transit de marchandises par route à travers l'Autriche. Un tel effet aurait été contraire aux principes fondamentaux du droit communautaire, et notamment à la libre circulation des marchandises et à la réalisation du marché intérieur.

75.
    Dans ces conditions, le Conseil était fondé à étaler la réduction des écopoints au-delà de la fin de l'année 2000.

76.
    Toutefois, ainsi que le gouvernement autrichien l'a relevé, un étalement sur quatre années de 2000 à 2003 était incompatible avec le protocole. En effet, aucune disposition du protocole ne prévoit un étalement sur plusieurs années. En revanche, l'annexe 5, point 3, du protocole, en visant «l'année suivante», indique clairement une échelle temporelle de l'ordre d'une année. Conformément à cette indication, il aurait été loisible au Conseil d'appliquer la réduction des écopoints sur une période de l'ordre d'une année commençant à courir à une date décalée pour tenir compte des retards imputables à la transmission tardive de données statistiques fiables. En l'espèce, un étalement sur les mois restants de l'année 2000 ainsi que sur l'ensemble de l'année 2001 aurait été admissible.

77.
    Il en découle que l'article 1er du règlement attaqué est contraire au protocole en ce qu'il étale sur les années 2000 à 2003 la réduction des écopoints découlant du dépassement du seuil de trajets constaté pour l'année 1999.

Seconde branche du quatrième moyen: répartition des écopoints entre les États membres

78.
    Par la seconde branche de son quatrième moyen, le gouvernement autrichien fait valoir que la nouvelle répartition des écopoints entre les États membres, prévue à l'article 2, point 4, du règlement attaqué, est incompatible avec le droit communautaire. Selon lui, en l'absence d'indications dans le protocole concernant la méthode de répartition, celle-ci devrait être mise en .uvre dans le cadre des principes généraux du droit, notamment le principe de solidarité, complété par les principes du pollueur-payeur et de proportionnalité.

79.
    Il convient de rappeler que la répartition des écopoints entre les États membres n'a pas été fixée par le protocole, mais par un acte de droit dérivé, à savoir le règlement n° 3298/94, et plus précisément son annexe D, laquelle a été modifiée par l'article 2, point 4, du règlement attaqué.

80.
    En effet, la distribution des écopoints entre les États membres relève de la Commission et, le cas échéant, du Conseil en vertu des articles 11, paragraphe 6, et 16 du protocole.

81.
    Le protocole ne donne toutefois pas d'indication quant à la méthode à suivre concernant le mode de répartition de la réduction des écopoints entre les États membres.

82.
    Les institutions communautaires disposent ainsi d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard.

83.
    Il ressort notamment du septième considérant du règlement attaqué que le Conseil a utilisé son pouvoir d'appréciation en décidant de répartir la réduction des écopoints de manière proportionnelle entre les États membres, en fonction de leur contribution au dépassement du seuil de trajets fixé.

84.
    En adoptant une telle approche, le Conseil n'a pas outrepassé la marge d'appréciation dont il dispose.

85.
    En revanche, dans la mesure où l'article 2, point 4, du règlement attaqué vise à répartir entre les États membres une réduction des écopoints étalée sur quatre ans, telle que prévue à l'article 1er du même règlement, il est affecté de la même illégalité que celui-ci.

Cinquième moyen: violation des dispositions légales et défaut de motivation dans l'application du mode de calcul visé à l'annexe 5, point 3, du protocole

86.
    Selon le gouvernement autrichien, la méthode de calcul de la réduction des écopoints qui a été retenue par le règlement attaqué serait incompatible avec les objectifs généraux du protocole et constituerait ainsi une violation de ce dernier et une application erronée du mode de calcul fixé à son annexe 5, point 3. Cette méthode de calcul aurait abouti à une réduction inférieure à ce que prévoit le protocole. Le gouvernement autrichien précise que les statistiques d'écopoints qu'il a fournies pour 1999 comprenaient non seulement les trajets à travers l'Autriche qui ont effectivement donné lieu à un décompte d'écopoints, mais aussi les trajets en transit «illégaux» qui ont été effectués sans que des écopoints aient été décomptés et pour lesquels une valeur d'émission de NOx égale à zéro a été retenue. Or, pour calculer la réduction des écopoints, le Conseil se serait fondé uniquement sur le niveau effectif moyen d'émission de NOx par camion, omettant ainsi de prendre en considération les trajets «illégaux».

87.
    Le règlement attaqué serait par ailleurs entaché d'un défaut de motivation, étant donné qu'il ne comporterait pas d'indications concrètes sur la méthode de calcul sur laquelle est fondée la réduction des écopoints prévue à son article 1er.

88.
    À cet égard, il convient de relever que, en cas de dépassement du seuil de trajets prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, la réduction du nombre d'écopoints pour l'année suivante est effectuée selon la méthode de calcul définie à l'annexe 5, point 3, du protocole, aux termes de laquelle:

«Les moyennes trimestrielles d'émission NOx pour les camions durant l'année en cours, calculées conformément au point 2 ci-dessus, seront extrapolées pour déterminer l'émission moyenne de NOx prévue pour l'année suivante. La valeur prévue, multipliée par 0,0658 et par le nombre d'écopoints fixé à l'annexe 4 pour l'année 1991, constituera le nombre d'écopoints pour l'année en question.»

89.
    Dans cette méthode de calcul, la seule variable est l'émission moyenne de NOx prévue pour l'année suivant celle en cours. Cette variable a une importance décisive pour la détermination de la réduction du nombre d'écopoints. Elle consiste en une moyenne extrapolée à partir des moyennes trimestrielles d'émission de NOx établies durant l'année en cours, en l'espèce l'année 1999.

90.
    Pour ce qui concerne l'établissement des moyennes trimestrielles d'émission de NOx durant l'année en cours, l'annexe 5, point 2, du protocole prévoit:

«La Commission, agissant conformément aux procédures fixées à l'article 16, calcule tous les trois mois le nombre de trajets ainsi que le niveau moyen d'émission de NOx des camions et en tient les statistiques, ventilées par nationalité.»

91.
    D'après les informations fournies par la Commission et non contestées par les autres parties, le calcul du niveau moyen d'émission de NOx est effectué en se fondant sur la présomption que le nombre d'écopoints utilisé pour chaque trajet en transit est équivalent à l'émission de NOx du camion effectuant ce trajet, ce qui a pour conséquence que le niveau moyen d'émission de NOx est remplacé, dans le calcul, par l'utilisation moyenne d'écopoints. Il apparaît donc que, en pratique, le calcul du niveau moyen d'émission de NOx des camions prévu à l'annexe 5, point 2, du protocole consiste simplement à diviser le nombre total d'écopoints utilisés par le nombre total de trajets enregistrés.

92.
    Or, en l'espèce il est constant que, pour l'année 1999, la république d'Autriche a fourni à la Commission des statistiques qui incluaient l'ensemble des trajets effectués sur son territoire, y compris ceux pour lesquels le transporteur aurait dû utiliser des écopoints mais ne l'a pas fait (trajets dits «illégaux»). Il s'ensuit que, dans les statistiques ainsi fournies, le nombre total d'écopoints utilisés a été divisé, non pas par le nombre de trajets effectués en utilisant des écopoints, mais par un nombre égal à la somme de ces trajets et de ceux qui ont été effectués sans que des écopoints aient été décomptés alors qu'ils auraient dû l'être.

93.
    Dans ce calcul, le nombre total d'écopoints utilisés ne tient aucun compte des trajets «illégaux» puisque, par hypothèse, à chaque trajet «illégal» correspond une utilisation d'écopoints égale à zéro. En revanche, dans ce même calcul, les trajets «illégaux» ont été inclus dans le nombre total de trajets effectués. Le fait d'inclure les trajets illégaux dans le diviseur (à savoir le nombre total de trajets effectués) sans les reprendre dans le dividende (à savoir le nombre total d'écopoints utilisés) a nécessairement eu pour résultat d'infléchir le résultat du calcul vers le bas. Les statistiques pour 1999 ainsi calculées, extrapolées pour l'année suivante selon les termes de l'annexe 5, point 3, du protocole, ont donné une émission moyenne de NOx prévue pour l'année 2000 de 6,159.

94.
    Il est cependant inexact de prétendre que, parce qu'un camion, en effectuant un trajet à travers l'Autriche, n'a utilisé aucun écopoint, il n'a produit aucune émission de NOx lors de ce trajet.

95.
    Les calculs prévus à l'annexe 5, points 2 et 3, du protocole sont fondés sur l'émission de NOx et non sur l'utilisation des écopoints. Ce n'est que par une fiction que cette dernière est utilisée dans les calculs en lieu et place de l'émission de NOx.

96.
    Il en résulte que le mode de calcul décrit aux points 92 et 93 du présent arrêt et préconisé par les autorités autrichiennes n'est pas conforme aux dispositions en vigueur et donne un résultat faux. Selon les informations fournies à la Cour, cette erreur a été décelée au mois d'août 2000 et, après une réunion technique à Vienne, la Commission a révisé les statistiques concernant les moyennes trimestrielles d'émission de NOx pour 1999 ainsi que l'extrapolation de celles-ci pour l'année suivante en application de l'annexe 5, point 3, du protocole. Cette révision a donné comme résultat une émission moyenne de NOx pour 2000 de 6,9975. L'inclusion de ce chiffre dans le calcul prévu à l'annexe 5, point 3, du protocole a eu pour résultat une réduction des écopoints moindre que celle initialement prévue, réduction reprise par le Conseil dans le règlement attaqué.

97.
    Il faut constater que, en procédant ainsi, le Conseil a agi conformément tant à la lettre qu'à l'esprit du protocole. En effet, l'annexe 5, points 2 et 3, vise le niveau moyen d'émission de NOx des camions et non un calcul fictif d'un nombre d'écopoints.

98.
    Il convient donc de rejeter les arguments de la république d'Autriche au sujet de l'application du mode de calcul visé à l'annexe 5, point 3, du protocole.

99.
    En ce qui concerne le grief relatif à un défaut de motivation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Il en est ainsi d'autant plus lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d'élaboration de l'acte litigieux et connaissent donc les raisons qui sont à la base de cet acte (voir arrêt du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C-301/97, Rec. p. I-8853, point 188, et jurisprudence y citée).

100.
    Or, il est constant en l'espèce que c'est la république d'Autriche qui a fourni les statistiques qui sont à la base des calculs en cause, que ces statistiques ont été discutées au cours d'une réunion spéciale tenue à Vienne avec les autorités autrichiennes et que, tant au sein du comité des écopoints qu'au sein du Conseil, le gouvernement autrichien a été informé, à tous les stades, des modifications qui ont conduit à l'adoption des chiffres qu'il met en cause.

101.
    Les arguments du gouvernement autrichien relatifs à un défaut de motivation ne sont donc pas fondés. Il convient par conséquent de rejeter le cinquième moyen dans son ensemble.

Sur le maintien des effets du règlement attaqué

102.
    Le Conseil demande à la Cour, en cas d'annulation du règlement attaqué, de maintenir l'ensemble des effets de celui-ci jusqu'à l'adoption d'un nouvel acte, notamment pour des motifs de sécurité juridique. Le gouvernement autrichien et la Commission se sont ralliés à cette demande lors de l'audience des plaidoiries.

103.
    Il ressort du point 77 du présent arrêt que l'article 1er du règlement attaqué est contraire au protocole dans la mesure où il étale sur les années 2000 à 2003 la réduction des écopoints découlant du dépassement du seuil de trajets constaté pour l'année 1999.

104.
    Toutefois, en application de l'article 231, second alinéa CE, il convient de déclarer définitifs les effets de l'article 1er du règlement attaqué.

105.
    Il ressort du point 85 du présent arrêt que l'article 2, point 4, du règlement attaqué est affecté de la même illégalité que l'article 1er du même règlement, dans la mesure où il vise à répartir entre les États membres une réduction des écopoints étalée sur quatre ans, telle que prévue audit article 1er.

106.
    De même que pour l'article 1er du règlement attaqué, il convient de déclarer définitifs les effets de l'article 2, point 4, dudit règlement.

Sur les dépens

107.
    Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 69, paragraphe 3, du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l'espèce, chaque partie ayant partiellement succombé en ses moyens, il y a lieu de décider que chacune supporte ses propres dépens, y compris ceux de la procédure en référé et de la procédure relative au retrait d'un document du dossier de l'affaire.

108.
    En application de l'article 69, paragraphe 4, deuxième alinéa, du même règlement, la République fédérale d'Allemagne, la République italienne et la Commission, qui sont intervenus au litige, supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1)    L'article 2, point 1, du règlement (CE) n° 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n° 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche, est annulé.

2)    Les articles 1 er et 2, point 4, du même règlement sont annulés, mais leurs effets doivent être considérés comme définitifs.

3)    Le recours est rejeté pour le surplus.

4)    Chacune des parties supporte ses propres dépens, y compris ceux de la procédure en référé et de la procédure relative au retrait d'un document du dossier de l'affaire.

5)    La République fédérale d'Allemagne, la République italienne et la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.

Rodríguez Iglesias

Puissochet

Wathelet

Schintgen

Gulmann

Edward

La Pergola

Jann

Skouris

Macken

Colneric

von Bahr

Cunha Rodrigues

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2003.

Le greffier

Le président

R. Grass

G.C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: l'allemand.