Language of document : ECLI:EU:T:2017:160

Édition provisoire

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 mars 2017 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une semelle de suceur d’aspirateur – Dessin ou modèle communautaire antérieur – Motif de nullité – Caractère individuel – Utilisateur averti – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 »

Dans l’affaire T‑175/16,

Wessel-Werk GmbH, établie à Reichshof (Allemagne), représentée par Me C. Becker, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Schifko, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Wolf PVG GmbH & Co. KG, établie à Vlotho (Allemagne), représentée par Me J. Künzel, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours du 18 février 2016 (affaire R 1725/2014-3), telle que rectifiée, relative à une procédure de nullité entre Wolf PVG et Wessel-Werk,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 13 juillet 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 juillet 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 mai 2007, la requérante, Wessel-Werk GmbH, a déposé une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé, désignant des « semelles de suceur d’aspirateur », est représenté comme suit :

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3        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré le 18 mai 2007, sous le numéro 725932-0008, et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 88/2007, du 19 juin 2007.

4        Le 15 novembre 2013, l’intervenante, Wolf PVG GmbH & Co. KG, a introduit auprès de l’EUIPO, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 25, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 6/2002, une demande en nullité du modèle ou dessin contesté en faisant valoir, notamment, que celui-ci ne montrait pas l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit au sens de l’article 3, sous a), de ce règlement et qu’il était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel au sens des articles 5 et 6 du même règlement.

5        À l’appui de sa demande en nullité, l’intervenante a invoqué le dessin ou modèle communautaire antérieur enregistré sous le numéro 493945-0002 et publié le 18 avril 2006, désignant des « buses d’aspirateurs de poussière », qui est représenté, notamment, par des photographies (D1 à D3), comme suit :

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Image not foundImage not found(D2)

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6        Par décision du 19 juin 2014, la division d’annulation a rejeté l’ensemble des moyens invoqués par l’intervenante et, partant, la demande en nullité et l’a condamnée aux dépens.

7        Le 3 juillet 2014, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 18 février 2016, rectifiée par décision du 14 mars 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’annulation et déclaré nul le dessin ou modèle contesté.

9        À l’appui de cette décision, la chambre de recours a considéré, à titre liminaire, que le motif de nullité relevant de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 6/2002 ne faisait plus l’objet de la procédure de recours (point 13 de la décision attaquée).

10      Dans le cadre de son appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002, la chambre de recours a considéré, en premier lieu, que les buses d’aspirateurs de poussière dotées d’un attrape-fils, tels que représentées par le dessin ou modèle antérieur reproduit dans la photographie D3, ont été divulguées au public avant la date de dépôt du dessin ou modèle contesté (points 15 à 18 de la décision attaquée). En deuxième lieu, l’utilisateur averti pertinent serait en l’espèce la personne qui utilise des aspirateurs. Sans être un concepteur ou un expert technique, cette personne connaîtrait les différents dessins ou modèles existant dans le secteur des buses d’aspirateurs de poussière, y compris leurs composants normaux tels que les attrape-fils, et ferait preuve d’un degré d’attention relativement élevé (points 19 et 20 de la décision attaquée). En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que le degré de liberté du créateur était limitée, premièrement, par la dimension et par la forme de l’attrape-fils qui devait s’adapter à la taille de l’orifice d’aspiration et de la buse, deuxièmement, par les matériaux censés être appropriés pour absorber des fils et des fibres et, troisièmement, par la courbure nécessaire pour assurer une adhérence suffisante (points 21 à 23 de la décision attaquée). En revanche, selon la chambre de recours, il n’existe pas de limitations en ce qui concerne la coloration. À cet égard, elle a essentiellement précisé que l’interdiction d’utilisation du colorant rouge, telle qu’elle ressortait d’une lettre adressée aux clients de la requérante, le 7 février 2007, était motivée par des considérations écologiques et non par des contraintes techniques (point 24 de la décision attaquée).

11      S’agissant de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit, la chambre de recours a considéré que leurs structure et courbure concordaient et que, partant, les différences se limitaient à la longueur et à la coloration des attrape-fils. L’utilisateur averti saurait que la longueur est essentiellement imposée par la structure de la buse d’aspirateur de poussière et il n’attribuerait pas d’importance à cette caractéristique dans l’impression globale. Il serait également conscient du fait que la coloration, contrairement à la structure superficielle, n’a aucune incidence sur la fonction de l’attrape-fils et, partant, sur la liberté du créateur. En outre, ledit utilisateur ne percevrait pas l’attrape-fils isolément, mais comme partie intégrante de la buse d’aspirateur de poussière et de ses fonctions, de sorte qu’il lui attribuerait une importance moindre. Par ailleurs, la faible différence entre la couleur brune du dessin ou modèle contesté et la couleur rouge du dessin ou modèle antérieur ne serait pas suffisante pour créer une impression globale différente aux yeux de l’utilisateur averti et donc justifier l’existence d’un caractère individuel (points 27 à 29 de la décision attaquée).

12      La chambre de recours en a conclu que le dessin ou modèle antérieur s’opposait au caractère individuel du dessin ou modèle contesté et que, dès lors, il n’était plus besoin de se prononcer sur son caractère nouveau (point 30 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, à savoir, premièrement, une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, subdivisée en deux branches visant une interprétation erronée, d’une part, de la notion d’utilisateur averti et, d’autre part, de l’impression globale des dessins et modèles en conflit, deuxièmement, une violation de l’article 63, paragraphe 1, du même règlement et, troisièmement, une violation de l’article 62 dudit règlement et du droit d’être entendu.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002

16      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que les conditions d’application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 ne sont pas remplies puisque le dessin ou modèle contesté présente un caractère individuel au sens de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement.

17      En premier lieu, la requérante conteste l’interprétation par la chambre de recours de la notion d’utilisateur averti. Les attrape-fils seraient des produits intermédiaires destinés aux fabricants d’aspirateurs et feraient l’objet d’une transformation ultérieure, sous le contrôle desdits fabricants, qui les intègrent dans les buses d’aspirateurs de poussière avant de les vendre au consommateur final. Par conséquent, en l’espèce, l’utilisateur averti au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 serait l’industrie se situant à l’étape suivante de la chaîne de production. Grâce à leurs connaissances étendues du secteur concerné, les fabricants d’aspirateurs connaîtraient les caractéristiques des divers attrape-fils, seraient particulièrement vigilants et procéderaient à une comparaison directe des dessins ou modèles en conflit. Leurs caractéristiques techniques découleraient uniquement de la géométrie, de la surface et de la qualité des matériaux, mais elles seraient également d’une importance non négligeable pour la qualité des buses d’aspirateurs de poussière et donc pour les aspirateurs dans leur ensemble. La requérante considère que, si la chambre de recours avait correctement identifié l’utilisateur averti, elle aurait conclu que le dessin ou modèle contesté produisait une impression globale différente de celle du dessin ou modèle antérieur.

18      L’EUIPO demande, à titre liminaire, de rejeter comme irrecevable l’argument – soulevé pour la première fois devant le Tribunal et donc tardivement – selon lequel l’utilisateur averti serait le fabricant d’aspirateurs, cet argument modifiant l’objet du litige au sens de l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal. En tout état de cause, l’EUIPO, soutenu par l’intervenante, relève que cet argument doit être rejeté comme non fondé.

19      À cet égard, il suffit de constater que, au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a correctement considéré, en conformité avec la jurisprudence établie, que l’utilisateur averti n’était ni le fabricant ni le vendeur du produit dans lequel le dessin ou modèle en cause était destiné à être incorporé [arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 62, confirmé sur pourvoi par arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, points 53, 54 et 59], mais la personne qui utilisait le produit en conformité avec sa finalité [arrêts du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme (Cadrans de montre), T‑68/11, EU:T:2013:298, point 58, et du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 25].

20      Ainsi, sans qu’il soit besoin d’apprécier si la première branche du présent moyen équivaut à une modification interdite de l’objet du litige porté devant le Tribunal, cette branche ne saurait être accueillie et il convient d’entériner le constat selon lequel l’utilisateur averti est celui qui utilise un aspirateur et, partant, sa buse conformément à sa fonction d’appareil électroménager destiné au nettoyage. En effet, au point 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a correctement déduit de cette jurisprudence (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59) que cet utilisateur averti, sans être un concepteur ou un expert technique, connaissait les différents dessins ou modèles existant dans le secteur des buses d’aspirateurs de poussière, y compris leurs caractéristiques normales, et faisait preuve d’un degré d’attention relativement élevé.

21      En second lieu, la requérante conteste l’appréciation par la chambre de recours de l’impression globale des dessins ou modèles en conflit, telle qu’exposée aux points 28 et 29 de la décision attaquée. En effet, l’utilisateur averti – qui serait un opérateur industriel – concentrera son attention sur l’attrape-fils en tant que tel et non en tant qu’élément constitutif d’une buse d’aspirateur de poussière dans son ensemble. Pour un tel utilisateur, il serait important de trouver des attrape-fils appropriés pouvant être intégrés dans de telles buses pour optimiser la qualité de l’aspiration. À cet égard, la géométrie et la structure de surface de l’attrape-fils seraient particulièrement importantes. Or, dans de telles circonstances, le fait qu’une couleur se distingue du rouge pour tendre vers le brun serait susceptible d’être perçu par l’utilisateur averti et de créer une impression globale différente dans son esprit.

22      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet de la seconde branche du présent moyen.

23      Il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où l’argumentation de la requérante repose sur la perception du fabricant d’aspirateurs, celle-ci doit être rejetée d’emblée pour les motifs exposés aux points 19 et 20 ci-dessus, l’utilisateur averti étant, en l’espèce, l’utilisateur final d’un aspirateur ou d’une buse d’aspirateur de poussière à des fins de nettoyage.

24      Selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel en fonction de l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti. Il a été reconnu par une jurisprudence constante que l’utilisateur averti est doté d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré. Ainsi, généralement, il procédera à une comparaison directe des dessins ou modèles en cause, sauf quand une telle comparaison est infaisable ou inhabituelle dans le secteur concerné, notamment du fait de circonstances spécifiques ou du fait des caractéristiques des objets que les dessins ou modèles en cause représentent (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, points 53 et 55). En outre, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en cause en conformité avec la finalité à laquelle ce produit est destiné (arrêts du 6 juin 2013, Cadrans de montre, T‑68/11, EU:T:2013:298, point 58, et du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 25).

25      S’agissant du degré d’attention de l’utilisateur averti, il y a lieu de rappeler que, si celui-ci n’est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’est pas non plus l’expert ou l’homme de l’art capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les modèles ou dessins en conflit. Ainsi, le qualificatif « averti » suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (arrêts du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59 ; du 6 juin 2013, Cadrans de montre, T‑68/11, EU:T:2013:298, point 59, et du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 26).

26      Le caractère individuel d’un dessin ou d’un modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [arrêt du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 16 ; voir, également, arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée]. L’appréciation de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par un dessin ou modèle inclut en outre la manière dont le produit représenté par ledit dessin ou modèle est utilisé [voir arrêt du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, point 46 et jurisprudence citée].

27      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à l’absence d’impression globale différente entre les dessins ou modèles en conflit et, partant, de caractère individuel du dessin ou modèle contesté (points 27 à 29 de la décision attaquée).

28      Le Tribunal estime que cette appréciation est dépourvue d’erreur.

29      En effet, c’est à bon droit que la chambre de recours a relevé, au point 28 de la décision attaquée, que l’utilisateur averti considérait les attrape-fils visés par les dessins ou modèles en conflit comme étant une partie intégrante d’une buse d’aspirateur de poussière et, inversement, ne percevait pas l’attrape-fils isolément et lui attribuait une importance mineure, étant donné qu’il ne faisait pas l’objet d’un usage autonome. Ce faisant, la chambre de recours est implicitement mais nécessairement partie de la prémisse correcte selon laquelle lesdites buses d’aspirateurs constituaient des produits complexes qui se composaient de pièces multiples, dont les attrape-fils, au sens de l’article 3, sous c), du règlement n° 6/2002.

30      En outre, force est de constater que, même si l’utilisateur averti d’un aspirateur, doté d’une vigilance particulière et comparant directement lesdits dessins ou modèles en conflit, est, en principe, susceptible de percevoir que ceux-ci, d’une part, représentent, notamment, des attrape-fils et, d’autre part, présentent certaines différences, en particulier en ce qui concerne les longueurs et les couleurs respectives desdits attrape-fils, le caractère faible de la différence de longueur et de coloration – entre « rouge » et « brun-rouge » selon les termes utilisés par la requérante elle-même – n’est pas de nature à créer auprès dudit utilisateur averti une impression globale de différence entre ces dessins ou modèles dans leur ensemble. Cela est d’autant plus vrai que, lors de l’utilisation normale par un utilisateur averti final, au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, du règlement n° 6/2002, d’un aspirateur ou d’une buse d’aspirateur de poussière à des fins de nettoyage, les attrape-fils qui y sont intégrés, quels que soient leur longueur ou leurs couleurs, ne sont pas visibles et donc insusceptibles de fonder le caractère individuel du dessin ou modèle contesté. De même, ainsi que l’a considéré correctement la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, l’utilisateur averti sait que la coloration de l’attrape-fils n’a aucune incidence sur sa fonction et que les différences de coloration relèvent du même spectre de couleurs. Il en résulte que, en effet, l’utilisateur averti n’attribuera pas d’importance particulière auxdites différences dans le cadre de l’impression globale des dessins ou modèles en conflit.

31      Ainsi, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a correctement considéré que la faible différence dans l’impression globale des dessins ou modèles en conflit n’était pas de nature à fonder le caractère individuel du dessin ou modèle contesté au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le grief lié à la liberté du créateur que la requérante a également avancé dans ce contexte.

32      Au regard des considérations qui précèdent, le présent moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002

33      Par le deuxième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, notamment en n’ayant pas tenu compte de certaines annexes présentant des exemples d’attrape-fils au motif que ceux-ci n’étaient pas datés. Selon la requérante, les sites Internet indiqués dans lesdites annexes « auraient permis à l’EUIPO de procéder à l’examen des faits invoqués par la requérante après la date de leur mise sur le marché ». En outre, la chambre de recours aurait omis de prendre en considération d’autres faits plaidant « en faveur de la circonstance que tous les attrape-fils étaient en rouge jusqu’à la date d’enregistrement du dessin ou modèle contesté », ce qui signifierait par ailleurs qu’elle n’a pas respecté le droit d’être entendu en vertu de l’article 62 du règlement n° 6/2002. Enfin, la requérante reproche à la chambre de recours une contradiction de motifs au point 23 de la décision attaquée en ce qu’il y est indiqué que le dessin ou modèle antérieur était susceptible de prouver que la forme allongée était la forme standard établie, alors que ce ne serait pas le cas de la couleur rouge.

34      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet du présent moyen.

35      Il suffit de constater que le présent moyen est inopérant en ce qu’il est dirigé, d’une part, contre le constat fait à titre surabondant, exposé au point 29 de la décision attaquée, selon lequel « les documents produits [par la requérante] ne sont pas suffisants pour prouver [la] pratique [de l’utilisation exclusive de la couleur rouge pour les attrape-fils] par rapport à la date du dépôt de la demande [d’enregistrement du dessin ou modèle] contesté », et, d’autre part, contre le point 6 de ladite décision, qui se limite à évoquer, dans le cadre de la narration des faits, que la requérante avait « produit un ensemble d’impressions d’écrans d’Internet, principalement non datés, avec des reproductions de différentes buses d’aspirateurs de poussière ».

36      En effet, ainsi que l’allèguent, en substance, l’EUIPO et l’intervenante, l’appréciation par la chambre de recours du caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002 et le dispositif de la décision attaquée ne reposent pas sur ces constats, mais, notamment, sur le motif selon lequel l’utilisateur averti d’une buse d’aspirateur de poussière ne concentrera son attention ni sur l’attrape-fils ni sur sa couleur, auxquels il attribuera une importance mineure, mais sur l’impression globale produite par une buse d’aspirateur de poussière dans son ensemble, de sorte que la différence de couleur entre le rouge et le brun-rouge est trop faible pour fonder le caractère individuel du dessin ou modèle contesté (voir, notamment, point 29 in fine de la décision attaquée). En tout état de cause, la requérante a omis de préciser si et de quelle manière, dans le cadre de son appréciation du caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002, la chambre de recours aurait attribué à ces constats et aux éléments de preuve en cause une importance décisive pour la solution du litige et comment ladite chambre aurait manqué à son obligation de l’entendre dans ce contexte. Au contraire, il ressort des points 14 à 31 de la décision attaquée que lesdits éléments de preuve n’ont joué aucun rôle déterminant dans cette appréciation et que, de surcroît, la chambre de recours a tenu compte des différences de couleur et de la couleur rouge des attrape-fils, dont elle n’a pas remis en cause l’existence.

37      Par conséquent, le présent moyen est inopérant dans son ensemble et doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 62 du règlement n° 6/2002 et du droit d’être entendu

38      Par le troisième moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir violé l’article 62 du règlement n° 6/2002 et son droit d’être entendue en s’étant appuyée, aux fins de son appréciation de l’impression globale des dessins ou modèles en conflit, sur une autre représentation (D3) du dessin ou modèle antérieur que celle prise en compte par la division d’annulation (D1).

39      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, estime que le présent moyen doit être rejeté.

40      À titre liminaire, il convient de relever que tant la décision de la division d’annulation que la décision attaquée reposent sur un examen du dessin ou modèle antérieur visé au point 5 ci-dessus. Il n’en demeure pas moins que la chambre de recours s’est fondée principalement sur une autre représentation dudit dessin ou modèle (D3) que celle dont avait tenu compte la division d’annulation (D1). Toutefois, force est de constater que ces deux représentations du dessin ou modèle antérieur ont été soumises par l’intervenante déjà au cours de la procédure devant la division d’annulation et faisaient donc partie intégrante de l’objet du litige porté devant la chambre de recours. En outre, en ce qui concerne les caractéristiques des attrape-fils examinées par la chambre de recours dans la décision attaquée, lesdites représentations ne présentaient pas de différences sensibles ayant pu avoir une incidence sur l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté tel qu’exposée aux points 27 à 31 ci-dessus.

41      Dans ces circonstances, la requérante ne saurait faire valoir n’avoir pas été en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sens de l’article 62 du règlement n° 6/2002 [voir arrêt du 27 juin 2013, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instruments d’écriture), T‑608/11, non publié, EU:T:2013:334, point 42 et jurisprudence citée] au sujet des différentes représentations du dessin ou modèle antérieur. Cela est d’autant moins possible que la chambre de recours était appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de la demande en nullité, tant en droit qu’en fait, et à statuer sur l’objet du litige décrit au point 40 ci-dessus, notamment en exerçant, comme en l’espèce, les compétences de la division d’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2013, Instruments d’écriture, T‑608/11, non publié, EU:T:2013:334, point 56).

42      En tout état de cause, la chambre de recours n’était pas tenue d’informer la requérante, avant l’adoption de la décision attaquée, du fait qu’elle envisageait de fonder son appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté sur une autre représentation – d’ailleurs plus précise pour ce qui est de l’aspect des attrape-fils en cause – du dessin ou modèle antérieur que celle examinée très succinctement par la division d’annulation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 juin 2013, Instruments d’écriture, T‑608/11, non publié, EU:T:2013:334, points 51 et 56).

43      Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent moyen et, par conséquent, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Wessel-Werk GmbH est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mars 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.