Language of document : ECLI:EU:C:2011:859

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

21 décembre 2011 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Régime d’aides accordées à des entreprises de services publics – Exonérations fiscales – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché commun – Recours en annulation – Recevabilité – Qualité pour agir – Intérêt à agir»

Dans l’affaire C‑329/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 14 août 2009,

Iride SpA, anciennement Azienda Mediterranea Gas e Acqua SpA, établie à Turin (Italie), représentée par Mes L. G. Radicati di Brozolo, M. Merola et T. Ubaldi, avvocati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par Mme E. Righini ainsi que par MM. V. Di Bucci et D. Grespan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

A2A SpA, anciennement ASM Brescia SpA, établie à Brescia (Italie),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Rosas, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juillet 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Iride SpA (ci-après «Iride»), anciennement Azienda Mediterranea Gas e Acqua SpA (ci-après «AMGA»), demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 11 juin 2009, AMGA/Commission (T‑300/02, Rec. p. II‑1737, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté sa demande d’annulation des articles 2 et 3 de la décision 2003/193/CE de la Commission, du 5 juin 2002, relative à une aide d’État aux exonérations fiscales et prêts à des conditions préférentielles consentis par l’Italie à des entreprises de services publics dont l’actionnariat est majoritairement public (JO 2003, L 77, p. 21, ci-après la «décision litigieuse»).

2        Dans son mémoire en réponse, la Commission européenne, tout en concluant au rejet du pourvoi, invite la Cour à procéder à une substitution de motifs.

 Les antécédents du litige

3        AMGA était une société de capitaux détenue à 51,01 % par la commune de Gênes (Italie), où elle exerçait ses activités. Créée au cours de l’année 1995 à partir de l’entreprise municipalisée du même nom, elle était active dans les secteurs de l’énergie et du gaz ainsi que de l’eau.

4        La loi n° 142, portant organisation des autonomies locales (legge n. 142 – ordinamento delle autonomie locali), du 8 juin 1990 (GURI n° 135, du 12 juin 1990), a introduit une réforme des instruments d’organisation légaux à la disposition des communes pour la gestion des services publics, notamment dans les secteurs de la distribution de l’eau, du gaz et de l’électricité. À cette fin, l’article 22 de ladite loi, telle que modifiée, a prévu la possibilité pour les communes de créer, notamment, des sociétés commerciales ou à responsabilité limitée à actionnariat majoritairement public (ci-après les «sociétés loi nº 142/90»).

5        Les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 70, de la loi nº 549, relative à des mesures de rationalisation des finances publiques (legge n. 549 – misure di razionalizzazione della finanza pubblica), du 28 décembre 1995 (supplément ordinaire à la GURI nº 302, du 29 décembre 1995), et de l’article 66, paragraphe 14, du décret-loi nº 331, sur l’harmonisation des dispositions en matière d’impôts dans divers domaines (decreto-legge n. 331 – armonizzazione delle disposizioni in materia di imposte sugli oli minerali, sull’alcole, sulle bevande alcoliche, sui tabacchi lavorati e in materia di IVA con quelle recate da direttive CEE e modificazioni conseguenti a detta armonizzazione, nonché disposizioni concernenti la disciplina dei centri autorizzati di assistenza fiscale, le procedure dei rimborsi di imposta, l’esclusione dall’ILOR dei redditi di impresa fino all’ammontare corrispondente al contributo diretto lavorativo, l’istituzione per il 1993 di un’imposta erariale straordinaria su taluni beni ed altre disposizioni tributarie), du 30 août 1993 (GURI nº 203, du 30 août 1993), ont introduit en faveur des sociétés loi nº 142/90 l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés, à savoir l’impôt sur le bénéfice des personnes morales et l’impôt local sur le revenu, pendant trois ans, et au plus tard jusqu’à l’exercice 1999 (ci-après l’«exonération triennale»).

6        À la suite d’une plainte concernant, notamment, cette mesure et d’échanges à ce sujet avec les autorités italiennes, la Commission a notifié à ces dernières, par lettre du 17 mai 1999, sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

7        Le 5 juin 2002, la Commission a adopté la décision litigieuse.

8        Dans cette décision, la Commission a souligné que son examen ne porte que sur les régimes d’aides de portée générale institués par les mesures litigieuses et non sur les aides individuelles octroyées à différentes entreprises. À cet égard, elle a déclaré que la République italienne «n’a pas accordé d’avantages fiscaux à titre individuel et [ne lui] a notifié […] aucun cas individuel d’aide en lui communiquant tous les renseignements nécessaires à son appréciation».

9        La Commission a indiqué qu’elle s’estime, en conséquence, tenue de procéder à un examen général et abstrait des régimes en cause tant sur le plan de leur qualification que sur le plan de leur compatibilité avec le marché commun.

10      Selon la Commission, l’exonération triennale est une aide d’État incompatible avec le marché commun dès lors qu’elle ne satisfait ni aux conditions énoncées à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE, ni à celles prévues à l’article 86, paragraphe 2, CE et qu’elle viole, en outre, l’article 43 CE.

11      Les articles 2 et 3 de la décision litigieuse sont libellés comme suit:

«Article 2

L’exonération triennale de l’impôt [sur les] sociétés […] et […] constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].

Ces aides ne sont pas compatibles avec le marché commun.

Article 3

L’Italie prend toutes les mesures qui s’imposent pour exiger du bénéficiaire qu’il restitue l’aide décrite à l’article 2 qui lui a été accordée illégalement.

Le recouvrement de l’aide intervient immédiatement, conformément aux procédures nationales, dans la mesure où elles permettent l’exécution effective et immédiate de la décision [litigieuse].

L’aide à recouvrer comprend les intérêts à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a perçu l’aide illégale jusqu’à la date de son remboursement effectif. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l’équivalent subvention des aides à finalité régionale.

[…]»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2002, AMGA a introduit un recours tendant à l’annulation des articles 2 et 3 de la décision litigieuse.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 janvier 2003, ASM Brescia SpA a demandé à intervenir dans la procédure au soutien des conclusions d’AMGA. Par ordonnance du 12 mai 2003, le Tribunal a admis cette intervention.

14      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 janvier 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

15      Par ordonnance du 5 août 2004, le Tribunal a décidé de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

16      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé, par écrit, des questions aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu dans le délai imparti.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 16 avril 2008.

18      Considérant qu’AMGA n’était pas individuellement concernée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par la décision litigieuse, le Tribunal a rejeté, par l’arrêt attaqué, le recours comme étant irrecevable.

19      À cet égard, le Tribunal a considéré, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué, qu’une personne physique ou morale autre que le destinataire d’une décision de la Commission ne saurait prétendre être concernée individuellement par celle-ci que si ladite décision l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait. Partant, une entreprise ne saurait, en principe, être recevable à introduire un recours en annulation d’une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime.

20      Toutefois, aux points 48 et 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que, dès lors qu’une entreprise est concernée par une décision de la Commission non seulement en tant qu’entreprise d’un secteur économique, potentiellement bénéficiaire du régime d’aides y afférent, mais également en sa qualité de bénéficiaire effectif d’une aide individuelle octroyée au titre de ce régime et dont la Commission a ordonné la récupération, elle est individuellement concernée par une telle décision et son recours dirigé contre celle-ci est recevable. Par conséquent, le Tribunal a considéré qu’il y avait lieu de vérifier si AMGA avait la qualité de bénéficiaire effectif d’une aide individuelle octroyée au titre d’un régime d’aides sectoriel et dont la Commission a ordonné la récupération.

21      À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 50 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait de la réponse de la République italienne et de celle d’AMGA aux questions écrites posées par le Tribunal «que cette dernière a, au cours de la période concernée, réalisé exclusivement des pertes». Il en a déduit qu’AMGA n’a pas bénéficié de l’exonération triennale et que, partant, elle ne pouvait être regardée comme étant individuellement concernée par la décision litigieuse. En conséquence, le Tribunal a déclaré irrecevable le recours formé par AMGA.

 Les conclusions des parties

22      Iride, venant aux droits d’AMGA, demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        de déclarer recevable le recours formé dans l’affaire T-300/02 et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue au fond;

–        de rejeter la demande de substitution de motifs, et

–        de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

23      La Commission demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi en procédant à une substitution de motifs;

–        à titre subsidiaire, de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner Iride aux dépens des deux instances.

 Sur le pourvoi et la demande de substitution de motifs

 Sur le moyen unique d’Iride, tiré d’une dénaturation des éléments de preuve

24      À l’appui de son pourvoi, Iride invoque un moyen unique tiré d’une dénaturation des éléments de preuve ayant entraîné une erreur de droit.

 Argumentation des parties

25      Iride fait valoir que, au point 50 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les réponses d’AMGA et celles de la République italienne aux questions qui leur ont été adressées dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure. Il aurait également méconnu les précisions apportées par AMGA à cet égard dans sa requête.

26      AMGA aurait expressément affirmé, au point 4 de sa requête, que, en vertu de l’exonération triennale, l’impôt des sociétés n’a pas été payé sur les bénéfices qu’elle a réalisés au cours des exercices 1996 à 1999. Dans sa réponse à la question posée par le Tribunal, AMGA aurait confirmé qu’elle a bénéficié de l’exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés prévue par l’exonération triennale au cours des exercices 1996 à 1999.

27      Partant, l’affirmation du Tribunal, au point 50 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ressortirait de la réponse apportée par AMGA que, au cours de la période concernée, elle a réalisé exclusivement des pertes et que, par conséquent, elle n’a pas bénéficié de l’exonération triennale, serait manifestement erronée et dénaturerait la réponse donnée.

28      Par ailleurs, selon Iride, la République italienne a confirmé, dans sa réponse à la question posée par le Tribunal, qu’AMGA relevait du régime de l’exonération triennale et qu’elle avait donc bénéficié de cette exonération.

29      En outre, dans l’avis motivé émis conformément à l’article 228 CE et adressé au cours du mois de janvier de l’année 2008 à la République italienne, qui n’aurait pas adopté les mesures d’exécution de l’arrêt du 1er juin 2006, Commission/Italie (C‑207/05), la Commission aurait mentionné AMGA en tant que bénéficiaire de l’exonération triennale. Iride estime que, dès lors, la Commission s’est contredite lorsqu’elle a affirmé devant le Tribunal qu’AMGA n’avait pas d’intérêt individuel à former un recours en annulation de la décision litigieuse.

30      Iride souligne que la circonstance qu’AMGA a bénéficié de l’exonération triennale ne saurait être mise en cause par la réponse apportée par la République italienne à la question du Tribunal relative au montant de l’aide dont cette société aurait bénéficié, selon laquelle les déclarations de revenus d’AMGA pour les exercices d’imposition de 1996 à 1999 faisaient état de pertes, de sorte que la liquidation des déclarations n’aurait pas révélé d’économies d’impôt en application de l’exonération en cause.

31      En effet, selon Iride, les données figurant dans lesdites déclarations fiscales ne tiennent pas compte des bénéfices réalisés par AMGA dans les secteurs des services publics locaux entre l’année 1996 et l’année 1999, pour lesquels AMGA aurait bénéficié de l’exonération triennale. À l’époque, ces bénéfices n’auraient pas fait l’objet d’une déclaration fiscale en raison de l’absence de concurrence et d’échanges entre États membres dans les secteurs concernés.

32      Or, à l’issue de contrôles fiscaux à l’égard d’Iride, concernant la situation fiscale d’AMGA pour lesdits exercices d’imposition, les autorités italiennes réclameraient à présent la restitution de l’impôt des sociétés non versé en raison de l’exonération triennale et les intérêts y relatifs, et ce pour un montant de 28 940 069 euros, au titre des impôts, et un montant de 29 025 107 euros, au titre des intérêts.

33      En tout état de cause, Iride est d’avis que la question du montant de l’aide dont les autorités italiennes réclament la restitution est différente de celle de la qualification d’AMGA en tant que bénéficiaire effectif d’une aide octroyée sur la base du régime litigieux et dont la Commission a ordonné la récupération.

 Appréciation de la Cour

34      Il importe de rappeler qu’il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 51, et du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, non encore publié au Recueil, point 179).

35      La Cour a précisé, également, que l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêts du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 85, ainsi que ThyssenKrupp Nirosta/Commission, précité, point 180).

36      À cet égard, il importe de rappeler qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêts General Motors/Commission, précité, point 54; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 98, et du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission, C‑260/09 P, non encore publié au Recueil, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il convient de relever que le Tribunal a, sur le fondement des réponses apportées par la République italienne et AMGA aux questions écrites posées par le Tribunal, conclu, au point 51 de l’arrêt attaqué, à l’irrecevabilité de la requête formée par AMGA. Il résulterait de ces réponses qu’AMGA «a, au cours de la période concernée, réalisé exclusivement des pertes», ce qui a conduit le Tribunal à considérer, au point 50 de cet arrêt, qu’elle n’a pas bénéficié de l’exonération triennale.

38      Il ressort de la réponse de la République italienne auxdites questions qu’AMGA n’a réalisé que des pertes pour les exercices d’imposition 1996 à 1999, de sorte que la liquidation des déclarations n’a mis en évidence aucune économie d’impôt effective au titre de l’exonération triennale.

39      S’agissant de la réponse d’AMGA, cette dernière a, certes, affirmé avoir bénéficié de l’exonération triennale, mais elle a également indiqué que les autorités italiennes ont estimé qu’elle n’était tenue à aucune restitution au titre de ladite exonération.

40      En outre, dans la mesure où Iride s’appuie tant sur sa réponse à la question du Tribunal que sur sa propre affirmation, figurant au point 4 de sa requête, selon laquelle l’impôt des sociétés n’a pas été payé sur les bénéfices des exercices 1996 à 1999 en vertu de l’exonération triennale, la Commission fait valoir à bon droit que, sauf aveu, les seules affirmations d’un requérant ne sauraient être considérées comme étant un élément de preuve susceptible d’être dénaturé.

41      Partant, il n’apparaît pas de manière manifeste que les constatations effectuées par le Tribunal contiennent une dénaturation d’éléments de preuve.

42      Enfin, pour autant qu’Iride fait valoir que les données figurant dans lesdites déclarations fiscales ne tiennent pas compte des bénéfices réalisés par AMGA dans les secteurs des services publics locaux entre l’année 1996 et l’année 1999, pour lesquels AMGA aurait bénéficié de l’exonération triennale, elle fait valoir, par ces affirmations, soit l’inexactitude matérielle des éléments de preuve sur lesquels le Tribunal s’est appuyé, soit des erreurs d’appréciation commises par ce dernier.

43      Il s’ensuit que, par cet argument, Iride demande à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits, ce que cette dernière ne saurait utilement faire, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 35 et 36 du présent arrêt.

44      Dans ces conditions, le moyen unique soulevé par Iride doit être écarté.

45      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le pourvoi.

 Sur la demande de substitution de motifs

 Argumentation des parties

46      À l’appui de sa demande de substitution de motifs, la Commission invoque deux moyens, tirés d’erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal quant à l’appréciation de la qualité pour agir et de l’intérêt à agir d’AMGA. En effet, la Commission estime, d’une part, qu’AMGA n’avait pas qualité pour agir à l’encontre de la décision litigieuse et, d’autre part, qu’il incombait au Tribunal de vérifier d’office si AMGA avait un intérêt à obtenir l’annulation de la décision litigieuse. Or, un tel intérêt lui aurait fait défaut, dès lors qu’il n’aurait été ni certain ni actuel. Partant, la Commission demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs.

 Appréciation de la Cour

47      La Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation relative à la qualité pour agir d’AMGA et a omis d’effectuer un examen d’office de l’intérêt à agir de cette dernière. Aussi, demande-t-elle à la Cour de procéder à une substitution de motifs sur cette question tout en maintenant le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué.

48      Partant, il y a lieu de constater que la demande de la Commission ne constitue pas une défense contre le moyen formé par Iride, celui-ci portant sur la dénaturation d’éléments de preuve. Il ne s’agit pas non plus d’un pourvoi incident contre l’arrêt attaqué, dès lors que la Commission ne demande pas l’annulation totale ou partielle du dispositif dudit arrêt.

49      Dans ces conditions, il est constant que les moyens invoqués par la Commission ne sauraient être susceptibles d’avoir une influence sur le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, lequel constate l’irrecevabilité du recours d’AMGA. Partant, ces moyens ne sauraient lui procurer un bénéfice susceptible de fonder un intérêt à agir.

50      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’existence d’un intérêt à agir suppose qu’une demande telle que celle faite par la Commission soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intentée (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, Rec. p. I‑9291, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

51      Par conséquent, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande de substitution de motifs de la Commission.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53      Aux termes de l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, la Cour peut, notamment, répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

54      La Commission ayant conclu à la condamnation d’Iride et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents au pourvoi.

55      Iride ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents à la demande de substitution de motifs.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Iride SpA est condamnée aux dépens afférents au pourvoi.

3)      La Commission européenne est condamnée aux dépens afférents à la demande de substitution de motifs.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.