Language of document : ECLI:EU:C:2012:633

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 octobre 2012 (*)

«Manquement d’État – Pollution et nuisances – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Directive 91/271/CEE – Articles 3, 4 et 10 – Annexe I, points A et B»

Dans l’affaire C‑301/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 16 juin 2010,

Commission européenne, représentée par Mmes S. Pardo Quintillán, A.-A. Gilly et A. Demeneix, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. L. Seeboruth, en qualité d’agent, assisté de M. D. Anderson, QC, Mme S. Ford et M. B. McGurk, barristers,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur), M. Ilešič, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 novembre 2011,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ne procédant pas, d’une part, à la mise en place de systèmes de collecte appropriés, conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, et à l’annexe I, point A, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), à Whitburn ainsi qu’à Beckton et Crossness à Londres, et d’autre part, au traitement approprié des eaux résiduaires des stations d’épuration de Beckton, de Crossness et de Mogden à Londres, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 3, à l’article 10, ainsi qu’à l’annexe I, point B, de la directive 91/271, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions.

 Le cadre juridique

2        Aux termes de son article 1er, la directive 91/271 concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels. Elle a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires.

3        L’article 2 de la directive 91/271 dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)      ‘eaux urbaines résiduaires’: les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles et/ou des eaux de ruissellement;

[…]

5)      ‘système de collecte’: un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires;

6)      ‘un équivalent habitant (EH)’: la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour;

[…]»

4        L’article 3 de la directive 91/271 prévoit:

«1.      Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:

–      au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

[…]

2.      Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I point A. […]»

5        Aux termes de l’article 4 de cette directive:

«1.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:

–      au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000,

[…]

3.      Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 répondent aux prescriptions de l’annexe I point B. […]

4.      La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations.»

6        L’article 10 de la directive 91/271 prévoit:

«Les États membres veillent à ce que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences des articles 4, 5, 6 et 7 soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées. Il convient de tenir compte des variations saisonnières de la charge lors de la conception de ces installations.»

7        L’annexe I de la directive 91/271, intitulée «Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires», prévoit, à son point A, intitulé «Systèmes de collecte»:

«Les systèmes de collecte tiennent compte des prescriptions en matière de traitement des eaux usées.

La conception, la construction et l’entretien des systèmes de collecte sont entrepris sur la base des connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner les coûts excessifs, notamment en ce qui concerne:

–      le volume et les caractéristiques des eaux urbaines résiduaires,

–      la prévention des fuites,

–      la limitation de la pollution des eaux réceptrices résultant des surcharges dues aux pluies d’orage.»

8        La note 1 en bas de page de l’annexe I, point A, de la directive 91/271, accolée au titre «Systèmes de collecte» est libellée comme suit:

«Étant donné qu’en pratique il n’est pas possible de construire des systèmes de collecte et des stations d’épuration permettant de traiter toutes les eaux usées dans des situations telles que la survenance de précipitations exceptionnellement fortes, les États membres décident des mesures à prendre pour limiter la pollution résultant des surcharges dues aux pluies d’orage. Ces mesures pourraient se fonder sur les taux de dilution ou la capacité par rapport au débit par temps sec ou indiquer un nombre acceptable de surcharges chaque année.»

9        L’annexe I, point B, de la directive 91/271, intitulé «Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices», fixe les prescriptions auxquelles doivent satisfaire les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires déversées dans les eaux réceptrices. La note de bas de page de l’annexe I, point A, de cette directive, citée au point précédent, est reproduite à l’annexe I, point B, de ladite directive.

 La procédure précontentieuse

10      La Commission a été saisie d’une plainte concernant la station de pompage de Whitburn Steel ainsi que d’autres plaintes en ce qui concerne des surcharges excessives dues aux pluies d’orage dans d’autres parties du Royaume-Uni.

11      Le 3 avril 2003, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au Royaume-Uni dans laquelle elle indiquait que la station de pompage de Whitburn Steel ne respectait pas les obligations relatives à la collecte des eaux urbaines résiduaires imposées par l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que par l’annexe I, point A, de la directive 91/271.

12      Dans sa réponse du 3 juin 2003, le Royaume-Uni a fait valoir que l’agglomération concernée satisfaisait aux obligations relatives à la collecte visées à l’article 3 de la directive 91/271. Toutefois, il admettait que, à la suite de recherches supplémentaires effectuées sur le système de collecte du secteur, il était nécessaire d’améliorer le débit de transit de ce système. De plus, le Royaume-Uni a expliqué que les conditions d’autorisation des rejets imposées à la compagnie des eaux pour l’exploitation de la station de pompage des eaux usées de Whitburn Steel avaient été modifiées, ce qui devait donc réduire le nombre de rejets. Ces améliorations devaient être terminées au plus tard le 31 mars 2004.

13      Le 21 mars 2005, la Commission a adressé une seconde lettre de mise en demeure au Royaume-Uni dans laquelle elle indiquait que les systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires du secteur de Londres ne respectaient pas les obligations relatives à la collecte et au traitement des eaux urbaines résiduaires imposées par l’article 3, paragraphe 1, l’article 4, paragraphes 1 et 3, l’article 10 ainsi que l’annexe I, points A et B, de la directive 91/271. La Commission a précisé que des eaux usées non traitées étaient rejetées dans la Tamise, même dans des conditions de précipitations modérées et qu’aucune mesure immédiate n’était prévue pour résoudre ce problème qui donc persisterait voire s’aggraverait.

14      Dans sa réponse du 20 mai 2005, le Royaume-Uni a expliqué que le système de collecte des eaux résiduaires de Londres était un système mixte qui collectait et acheminait aussi bien les eaux usées ménagères et industrielles que les eaux de ruissellement à partir d’un bassin de 557 km2 pour les soumettre à un traitement secondaire dans les stations d’épuration de Beckton, de Mogden, de Crossness, de Long Reach, et de Riverside, avant leur rejet dans la Tamise. Toutefois, il a reconnu les problèmes liés au volume, à la charge et à la fréquence des rejets par temps humide provenant de surcharges, en annonçant sa décision de réaliser l’étude stratégique de l’estuaire de la Tamise («Thames Tideway Strategic Study» ci-après la «TTSS») afin d’évaluer les effets de ces rejets sur l’environnement.

15      Quant à ses obligations d’assurer un traitement adéquat des eaux urbaines résiduaires, le Royaume-Uni a déclaré que, bien que des améliorations seraient réalisées dès que possible, les stations d’épuration desservant l’agglomération de Londres étaient conformes aux prescriptions prévues par la directive 91/271 depuis le 31 décembre 2000. De plus, le Royaume-Uni a expliqué que les rejets survenus au mois d’août 2004 étaient la conséquence de précipitations exceptionnellement fortes.

16      N’étant pas satisfaite de la réponse fournie par le Royaume-Uni, la Commission a, par lettre du 10 avril 2006, transmis à cet État membre un avis motivé, indiquant que, selon elle, celui-ci avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 2, et de l’annexe I, point A, de la directive 91/271 en ce qui concerne Whitburn et aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 4, paragraphes 1 et 3, de l’article 10 ainsi que de l’annexe I, points A et B, de la directive 91/271 en ce qui concerne les neuf stations d’épuration desservant le secteur du Grand Londres.

17      En réponse audit avis motivé, le Royaume-Uni a, par lettre du 15 juin 2006, fait valoir que l’ensemble du système de collecte et les stations d’épuration desservant Whitburn et l’agglomération métropolitaine de Sunderland étaient conformes à la directive 91/271.

18      À la suite d’une réunion tenue le 6 juillet 2007 entre les représentants de la Commission et ceux du Royaume-Uni, ce dernier a apporté des éclaircissements sur ce point par une lettre du 23 octobre 2007.

19      En ce qui concerne la situation de Londres, le Royaume-Uni a répondu que, bien que des améliorations dussent être apportées aux stations d’épuration de Beckton, de Crossness et de Mogden, cela ne signifiait pas que ces stations étaient en infraction avec la directive 91/271. Le Royaume-Uni, en concédant ces améliorations, montrait simplement son envie de fournir un meilleur niveau de protection de l’environnement.

20      Lors d’une réunion du 26 janvier 2007, les représentants de la Commission et du Royaume-Uni ont discuté des deux options possibles pour Londres, suggérées par le rapport de la TTSS, et le Royaume-Uni a décidé d’opter pour le tunnel unique de 30 km le long de la Tamise et pour le tunnel séparé pour son affluent, la Lee. L’ensemble du projet devait être achevé avant 2020.

21      À la suite de deux lettres complémentaires des 29 juin 2007 et 4 février 2008 communiquées par le Royaume-Uni, la Commission, n’étant toujours pas satisfaite des réponses fournies par cet État, a, par lettre du 1er décembre 2008, émis un avis motivé complémentaire par lequel elle a précisé son interprétation de la directive 91/271 en ce qui concerne les obligations incombant aux États membres de contrôler les rejets d’eaux urbaines résiduaires par les déversoirs d’orage. Elle a également confirmé les craintes qu’elle avait concernant l’inadéquation du système de collecte mis en place dans les environs de Whitburn, des systèmes de collecte de Beckton et de Crossness ainsi que des stations d’épuration de Mogden, de Beckton et de Crossness.

22      Toutefois, la Commission a décidé de ne pas poursuivre la procédure engagée en ce qui concerne les systèmes de collecte et les stations d’épuration de Beddington, d’Esher, de Crawley, de Deephams, d’Hogsmill, de Long Reach et de Riverside. La Commission a donc invité le Royaume-Uni à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis complémentaire dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

23      Plusieurs échanges de courriers et des réunions ont alors suivi entre la Commission et le Royaume-Uni sans toutefois aboutir à une solution.

24      N’étant toujours pas satisfaite de la réponse apportée par le Royaume-Uni, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

25      Les principaux points de désaccord entre la Commission et le Royaume-Uni concernent l’interprétation de la directive 91/271.

26      Selon la Commission, les États membres sont tenus de veiller à ce que le système de collecte soit conçu et construit de manière à collecter toutes les eaux urbaines résiduaires générées par l’agglomération qu’il dessert et de veiller à leur acheminement en vue de leur traitement. La capacité du système de collecte devrait donc être en mesure de tenir compte des conditions climatiques naturelles (temps sec, temps humide, voire temps orageux), ainsi que des variations saisonnières telles que les populations non résidentielles, les touristes et les activités économiques saisonnières.

27      Elle estime que les «surcharges dues aux pluies d’orage», auxquelles l’annexe I, point A, de la directive 91/271 fait référence, font partie intégrante des systèmes de collecte et des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires. Cette directive devrait être interprétée en ce sens qu’elle prévoit l’obligation absolue d’éviter les rejets de déversoirs d’orage sous réserve de circonstances exceptionnelles. En effet, ce raisonnement serait illustré par la note 1 de l’annexe I, point A, de la directive 91/271 qui dispose que, en pratique, il n’est pas possible de collecter et de traiter toutes les eaux usées «dans des situations telles que la survenance de précipitations exceptionnellement fortes».

28      La Commission met en avant des facteurs tels que la fréquence et le volume des déversements pour montrer que l’on se trouve en présence d’un manquement à la directive 91/271. Ainsi, contrairement à ce que craint le Royaume-Uni, elle ne propose pas une règle stricte de 20 rejets, mais souligne que plus un déversoir s’écoule, notamment pendant les périodes marquées uniquement par des précipitations modérées, plus il est probable que le fonctionnement de ce déversoir ne soit pas conforme à la directive 91/271.

29      La Commission et le Royaume-Uni sont également en désaccord en ce qui concerne la portée qu’il convient d’attribuer à la notion des «connaissances techniques les plus avancées sans entraîner les coûts excessifs» (ci-après le «BTKNEEC» qui est le sigle de l’expression anglaise «best technical knowledge not entailing excessive costs») prévue à l’annexe I, point A, de la directive 91/271.

30      La Commission avance que cette notion doit être lue dans le contexte de la directive 91/271, de son but et de ses objectifs, à savoir protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires.

31      Elle estime que la notion de BTKNEEC permet aux États membres de choisir entre plusieurs solutions qui, à la fois, encouragent le respect des dispositions et de l’objectif de la directive 91/271, comme construire de nouvelles infrastructures de stockage, agrandir celles qui existent déjà, ou encore détourner les eaux de pluie avant qu’elles ne puissent pénétrer dans les systèmes de collecte.

32      Selon le Royaume-Uni, la directive 91/271 doit être interprétée en ce sens qu’elle laisse aux États membres le soin de déterminer de quelle manière il convient de collecter et de traiter les eaux urbaines résiduaires afin de réaliser l’objectif de cette directive, qui est de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires.

33      Le Royaume-Uni estime que l’interprétation de la directive 91/271 doit être faite en se référant en particulier à l’impact environnemental des rejets sur les eaux réceptrices.

34      En ce qui concerne la notion de «précipitations exceptionnellement fortes», le Royaume-Uni considère que le fait que la note 1 de l’annexe I, point A, de la directive 91/271 reconnaît expressément qu’il ne sera pas possible d’éviter les rejets dans des circonstances particulières, notamment lors de précipitations exceptionnellement fortes, n’impose pas l’obligation absolue d’éviter les rejets dans d’autres circonstances. Il estime que la question de savoir si des rejets sont appropriés dans d’autres circonstances doit être déterminée par application de la notion de BTKNEEC et par une appréciation de l’impact environnemental des rejets sur les eaux réceptrices.

35      Selon cet État membre, la directive 91/271 ne prévoit rien sur les circonstances ou la fréquence avec laquelle les rejets peuvent être effectués dans les eaux réceptrices. Pour évaluer si des systèmes de collecte ou des stations d’épuration sont conformes à la directive 91/271, il faudrait procéder à une évaluation détaillée du rendement du système de collecte ou de la station d’épuration concernée en examinant l’impact environnemental des rejets sur les eaux réceptrices.

36      La notion de «rendement suffisant» prévue à l’article 10 de la directive 91/271 devrait, elle aussi, être appréciée à la lumière de l’objectif de protection de l’environnement prévu à l’article 1er de cette directive et donc en fonction de l’impact sur les eaux réceptrices.

37      Bien que la méthode utilisée par le Royaume-Uni pour calculer ce que représente un rejet unique ne soit pas contestée par la Commission, cela ne résout pas, selon cet État membre, le problème lié au fait que la définition de ce que constitue un déversement peut différer d’un État membre à l’autre. La cohérence des politiques des différents États membres ne serait donc pas garantie si la conformité à la directive 91/271 devait être déterminée eu égard à la survenance et à la fréquence des déversements.

38      De plus, le Royaume-Uni soutient que la Commission commet une erreur en se basant sur le volume des rejets pour vérifier la conformité des systèmes de collecte et des stations d’épuration à la directive 91/271.

39      En ce qui concerne plus particulièrement l’agglomération de Sunderland (Whitburn), la Commission reproche au Royaume-Uni le fait que, à la date d’expiration de l’échéance fixée dans l’avis motivé complémentaire, des surcharges excessives dues aux pluies d’orage provenant de la partie du système de collecte de Sunderland située à Whitburn étaient encore rejetées et que ce système n’était donc pas conforme à l’article 3 ainsi qu’à l’annexe I, point A, de la directive 91/271.

40      En effet, bien que les fréquences des rejets aient diminué (au cours des années 2002 à 2004, entre 56 et 91 rejets par an et des volumes annuels d’eaux urbaines résiduaires rejetées sans traitement compris entre 359 640 m3 et 529 290 m3), le système de collecte ne serait toujours pas conforme aux prescriptions de la directive 91/271, notamment compte tenu de la proximité des eaux de baignade de Whitburn et de Seaham et des nombreuses plaintes dont la Commission a été saisie concernant des déchets sur les plages des environs de Whitburn.

41      Le Royaume-Uni considère que ces surcharges dues aux pluies d’orage sont conformes à la directive 91/271.

42      Le Royaume-Uni estime, également, que les eaux de baignade des environs de Whitburn ont été jugées conformes à la directive 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade (JO L 31, p. 1), et que, ainsi elles sont conformes à la directive 91/271. En outre, les déchets proviendraient probablement non pas de Whitburn, mais plutôt de la Tyne où les déversoirs n’auraient été équipés de dégrilleurs qu’à la fin du mois de mars 2010.

43      Pour ce qui est de l’agglomération de Londres, la Commission reproche au Royaume-Uni la fréquence et la quantité des rejets d’eaux usées non traitées provenant des systèmes de collecte de Beckton et de Crossness et des stations d’épuration de Beckton, de Crossness et de Mogden qui sont d’une ampleur telle qu’elles constituent une violation des articles 3 et 4 ainsi que de l’annexe I, point A, de la directive 91/271, et cela en particulier parce que ces rejets ont lieu même lors de périodes de précipitations modérées.

44      De plus, elle estime que l’article 10 de la directive 91/271 exige que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences de l’article 4 de ladite directive soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées.

45      Le Royaume-Uni considère que ces stations d’épuration respectent les dispositions de la directive 91/271.

46      Il fait également remarquer que le réseau d’assainissement de Londres est très ancien et a fait l’objet de modernisations progressives depuis 1875. Des améliorations ont été étudiées et réalisées depuis l’adoption de la directive 91/271. Par ailleurs, l’envergure et la nature exceptionnelle des travaux qui sont exécutés sur la Tamise, pour 4,4 milliards de GBP, requièrent beaucoup de temps. Il estime que la mise en œuvre, à long terme, d’une solution ambitieuse ne peut le pénaliser.

 Appréciation de la Cour

 Sur l’interprétation de la directive 91/271

47      Ainsi qu’il résulte de son article 1er, second alinéa, la directive 91/271 a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux urbaines résiduaires (voir, notamment, arrêt du 23 septembre 2004, Commission/France, C‑280/02, Rec. p. I‑8573, point 13).

48      L’objectif poursuivi par la directive 91/271 va au-delà de la seule protection des écosystèmes aquatiques et tend à préserver l’homme, la faune, la flore, le sol, l’eau, l’air et les paysages de toute incidence négative notable du développement accéléré d’algues et de végétaux d’espèces supérieures consécutif aux rejets d’eaux urbaines résiduaires (arrêt Commission/France, précité, point 16).

49      C’est à la lumière de cet objectif, mais également de l’article 191 TFUE qu’il convient d’interpréter les notions de «rendement suffisant» figurant à l’article 10 de la directive 91/271, de «précipitations exceptionnellement fortes» mentionnée dans la note 1 de l’annexe I de ladite directive, et de «connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner les coûts excessifs» (BTKNEEC) citée au point A de l’annexe I de cette même directive.

50      Premièrement, s’agissant de la notion de «rendement suffisant» qui concerne uniquement les stations d’épuration, force est de constater qu’aucun élément chiffré ne la délimite, l’article 10 de la directive 91/271 prévoyant uniquement que les stations d’épuration doivent avoir un «rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées» et compte tenu des variations saisonnières de la charge lors de la conception de ces installations.

51      À cet égard, la Cour a déjà constaté l’existence d’un manquement dans des cas où le taux de collecte des eaux urbaines résiduaires ou leur traitement s’élevait à 80 % voire à 90 % de la charge existante (arrêts du 7 mai 2009, Commission/Portugal, C‑530/07, points 28 et 53, ainsi que du 14 avril 2011, Commission/Espagne, C‑343/10, points 56 et 62).

52      En effet, étant donné l’objectif poursuivi par la directive 91/271, rappelé aux points 47 et 48 du présent arrêt, l’absence de traitement des eaux urbaines résiduaires ne peut être admise dans des conditions climatiques et saisonnières habituelles sous peine de vider la directive 91/271 de son sens.

53      Ainsi, pour répondre à l’objectif de protection de l’environnement, il est constant que la notion de «rendement suffisant», bien que n’étant pas chiffrée, doit s’entendre comme signifiant que, dans des conditions climatiques habituelles et en tenant compte des variations saisonnières, la totalité des eaux urbaines résiduaires doit être collectée et traitée.

54      En conséquence, l’absence de traitement des eaux urbaines résiduaires ne peut être tolérée que lors de circonstances sortant de l’ordinaire et la survenance régulière de déversements d’eaux urbaines résiduaires non traitées viendrait à l’encontre de la directive 91/271.

55      Deuxièmement, pour ce qui est de la notion de «précipitations exceptionnellement fortes» prévue à la note 1 de l’annexe I de la directive 91/271, il convient de souligner que cette notion s’applique aux systèmes de collecte prévus à l’article 3 de cette directive ainsi qu’aux stations d’épuration prévues à l’article 4 de celle-ci.

56       Par ladite note, le législateur de l’Union a reconnu qu’il existe des situations dans lesquelles la totalité des eaux urbaines résiduaires ne pourra pas être collectée ou traitée. En particulier, il a constaté «qu’en pratique il n’est pas possible de construire des systèmes de collecte et des stations d’épuration permettant de traiter toutes les eaux usées» et prévu que l’absence de collecte et de traitement des eaux usées peut être tolérée dans des «situations telles que la survenance de précipitations exceptionnellement fortes». Toutefois, dans ce cas, il appartient aux États membres de décider des «mesures à prendre pour limiter la pollution résultant des surcharges dues aux pluies d’orage».

57      Or, force est de constater que l’expression «précipitations exceptionnellement fortes» n’est mentionnée à la note 1 de l’annexe I de la directive 91/271 qu’à titre indicatif, cette expression étant précédée des termes «dans des situations telles que». Ainsi, l’absence de collecte ou de traitement des eaux usées peut également être admise dans d’autres circonstances.

58      Toutefois, contrairement à ce que prétend le Royaume-Uni, l’objectif poursuivi par la directive 91/271 ne permet pas de considérer que ces autres circonstances adviennent de façon ordinaire et courante d’autant plus que le terme «exceptionnellement» indique bien que l’absence de collecte ou de traitement des eaux usées ne peut pas intervenir dans des conditions ordinaires.

59      L’argumentation du Royaume-Uni qui tend à admettre que des rejets pourraient avoir lieu même en dehors de situations exceptionnelles ne saurait dès lors être retenue.

60      En outre, il importe de préciser que, lorsqu’un État membre se trouve confronté à une situation exceptionnelle ne lui permettant pas de collecter ou de traiter les eaux usées, il reste tenu de prendre les mesures appropriées pour limiter la pollution conformément à la note 1 de l’annexe I de la directive 91/271.

61       Par ailleurs, la notion de «précipitations exceptionnellement fortes» n’étant pas définie par cette directive, il est légitime que la Commission, dans le cadre de son contrôle du respect du droit de l’Union, adopte des lignes directrices et la Cour n’étant pas compétente pour chiffrer des obligations prévues par la directive 91/271, la notion de «précipitations exceptionnellement fortes» doit dès lors s’apprécier à la lumière de l’ensemble des critères et des conditions fixés par cette directive, et, notamment, de la notion de BTKNEEC.

62      Troisièmement, la notion de BTKNEEC qui est mentionnée à l’annexe I, point A, de la directive 91/271 doit, comme les différentes notions visées par la directive 91/271 et développées précédemment, également être examinée eu égard à l’objectif de protection de l’environnement. De même, il convient de noter que les obligations de cette directive qui prévoient la collecte et le traitement de toutes les eaux résiduaires, sauf dans des cas d’évènements exceptionnels ou imprévisibles, doivent être respectées à la date fixée par ladite directive.

63      La notion de BTKNEEC, bien que n’étant prévue à l’annexe I, point A, de la directive 91/271 qu’en ce qui concerne les systèmes de collecte, constitue toutefois une notion intrinsèque à l’ensemble des dispositions de la directive 91/271 visant à assurer l’objectif de protection de l’environnement de cette dernière tout en évitant une application trop stricte des règles prévues. Ainsi, cette notion devra également être étendue aux stations d’épuration dans la mesure où elle permet, dans certains cas, des rejets d’eaux usées non traitées bien qu’ils aient des effets négatifs sur l’environnement.

64      La notion de BTKNEEC permet donc de garantir le respect des obligations de la directive 91/271 sans mettre à la charge des États membres des obligations irréalisables qu’ils ne pourraient remplir ou seulement à des coûts disproportionnés.

65      Toutefois, pour qu’il ne soit pas porté atteinte au principe rappelé au point 53 du présent arrêt, selon lequel la totalité des eaux résiduaires doit être collectée et traitée, il importe que les États membres n’invoquent qu’à titre exceptionnel l’existence de tels coûts disproportionnés.

66      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de difficultés pratiques ou administratives pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive. Il en va de même pour les difficultés financières qu’il appartient aux États membres de surmonter en prenant les mesures appropriées (arrêt du 30 novembre 2006, Commission/Italie, C‑293/05, point 35 et jurisprudence citée).

67      La notion de BTKNEEC doit être examinée en mettant en balance, d’une part, la technologie la plus avancée ainsi que les coûts envisagés et, d’autre part, les avantages qu’un système de collecte ou de traitement des eaux plus performant peut apporter. Dans ce cadre, les coûts occasionnés ne sauraient être disproportionnés par rapport aux avantages procurés.

68      Dans ce contexte, devront être pris en compte, comme le soutient le Royaume-Uni, les effets sur l’environnement et notamment sur les eaux réceptrices des rejets d’eaux résiduaires non traitées. Les conséquences que ces rejets ont sur l’environnement permettraient ainsi d’examiner le caractère proportionné ou non des coûts qui doivent être engagés pour effectuer les travaux nécessaires pour que toutes les eaux urbaines résiduaires soient traitées par rapport à l’avantage que cela apporterait à l’environnement.

69      Dans le cas où la collecte et le traitement de la totalité des eaux usagées s’avéreraient impossibles ou très difficiles, il incombera à l’État membre concerné de démontrer que les conditions d’application de la notion de BTKNEEC sont réunies.

70      La jurisprudence de la Cour prévoit, certes, que, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est donc elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur des présomptions quelconques (voir, notamment, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, Rec. p. I‑3331, point 41; Commission/Portugal, précité, point 32; du 6 octobre 2009, Commission/Finlande, C‑335/07, Rec. p. I‑9459, point 46, et du 10 décembre 2009, Commission/Royaume-Uni, C‑390/07, point 43).

71      Les États membres sont cependant tenus, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission, qui consiste, notamment, selon l’article 17, paragraphe 1, TUE, à veiller à l’application des dispositions du traité FUE ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci. En particulier, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective d’une directive, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants ainsi que par l’État membre concerné (voir, notamment, arrêts précités Commission/Irlande, points 42 et 43, ainsi que Commission/Royaume-Uni, point 44).

72      Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (voir arrêts précités Commission/Irlande, point 44 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Royaume-Uni, point 45).

73      Il en résulte, aux fins de l’examen du présent recours, que, dans un premier temps, la Cour devra examiner si les rejets provenant des systèmes de collecte ou des stations d’épuration des différentes agglomérations du Royaume-Uni sont dus à des circonstances présentant un caractère exceptionnel ou non et, si tel n’est pas le cas, vérifier, dans un second temps, si le Royaume-Uni a pu démontrer que les conditions d’application de la notion de BTKNEEC étaient réunies.

 Whitburn

74      S’agissant de l’obligation de disposer d’un système de collecte au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/271, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, Commission/Royaume-Uni, précité, point 50, ainsi que Commission/Espagne, précité, point 54).

75      À cet égard, il convient de relever que l’avis motivé complémentaire, daté du 1er décembre 2008, impartissait au Royaume-Uni un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis pour se conformer à ses obligations résultant de la directive 91/271. Or, il y a lieu de constater que, à la date fixée dans l’avis motivé, les rejets par les déversoirs d’orage d’eaux urbaines résiduaires non traitées existaient toujours. Le nombre de rejets ainsi que leur volume ne sont pas contestés par le Royaume-Uni, ce dernier faisant valoir uniquement que, contrairement à ce qui est avancé par la Commission, les déchets retrouvés sur les plages environnant Whitburn ne sauraient provenir du système de collecte de Whitburn étant donné que l’émissaire en mer utilisé pour le rejet des eaux usées est équipé de dégrilleurs de 6 mm, ces déchets provenant probablement de la Tyne où les déversoirs n’ont été équipés de dégrilleurs qu’à la fin du mois de mars 2010.

76      Afin de vérifier si le Royaume-Uni a manqué à ses obligations découlant de l’article 3 et de l’annexe I, point A, de la directive 91/271, comme le soutient la Commission dans son grief, il conviendra d’effectuer l’examen développé au point 73 du présent arrêt.

77      Force est de constater, premièrement, que, suivant la lettre du 2 mars 2005 adressée par le Royaume-Uni à la Commission, le nombre de rejets d’eaux usées indiqué pour l’année 2001 s’élevait à 310 pour un volume annuel de 561 240 m3 et que, au cours de la période couvrant les années 2002 à 2004, ce nombre a varié entre 56 et 91 pour des volumes compris entre 359 640 m3 et 529 290 m3. De même, il convient de noter que, entre 2006 et 2008, le nombre de rejets d’eaux usées par an a varié entre 25 à 47 rejets pour un volume allant de 248 130 m3 à 732 150 m3, ainsi qu’un volume de 762 300 m3 pour l’année 2009. La Commission, en basant ses observations sur la fréquence de ces rejets ainsi que leur intensité, a clairement démontré qu’ils ont, tant avant qu’après l’expiration du délai fixé par l’avis motivé complémentaire, eu lieu de manière ordinaire, un tel nombre de rejets ne pouvant être lié à des circonstances exceptionnelles. La nature exceptionnelle de ces rejets n’est d’ailleurs pas avancée par le Royaume-Uni dans ses observations.

78      Deuxièmement, il convient de relever que, selon une étude réalisée en 2010, il serait possible, d’un point de vue technologique, de réduire le nombre de rejets d’eaux usées du système de collecte de Whitburn en élargissant le tunnel d’interception déjà existant, ce qui n’a pas été contesté par le Royaume-Uni.

79      En ce qui concerne les coûts devant être engagés ainsi que les avantages procurés, il ressort de ladite étude qu’une amélioration de 0,3 % sur la qualité des eaux réceptrices pourrait être obtenue par les travaux d’élargissement du tunnel, cela en se basant sur 20 rejets par an.

80      Bien que l’amélioration sur la qualité des eaux apparaisse marginale et que, ainsi que l’avance le Royaume-Uni, la directive 76/160 soit respectée, ce qui peut être pris en compte dans l’examen général des conditions d’application de la notion de BTKNEEC, force est de constater que, à aucun moment, dans les observations des parties ou dans les rapports ou études réalisés, les coûts que représenterait un tel élargissement du tunnel ne sont mentionnés.

81      Ainsi, la Cour n’est pas en mesure d’examiner si, effectivement, les coûts correspondant à de tels travaux sont excessifs et disproportionnés par rapport à l’avantage procuré sur l’environnement.

82      Il s’ensuit que le Royaume-Uni n’a pas démontré à suffisance de droit que les coûts de travaux d’augmentation de la capacité du système de collecte étaient disproportionnés par rapport à l’amélioration de la situation environnementale.

83      Dès lors, la Commission a constaté à juste titre que la mise en place du système de collecte de Whitburn ne répond pas aux obligations prévues à l’article 3 et à l’annexe I, point A, de la directive 91/271.

 Londres

84      S’agissant de l’agglomération de Londres, il est constant, selon les indications mêmes du Royaume-Uni, que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire, cette agglomération ne disposait ni de stations d’épuration à Beckton, à Crossness et à Mogden, assurant le traitement secondaire de la totalité des eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans le système de collecte, conformément aux articles 4, paragraphe 1 et 10, de la directive 91/271, et garantissant que les rejets en émanant répondent aux prescriptions du point B de l’annexe I de celle-ci, ni de systèmes de collecte à Beckton et à Crossness ayant une capacité suffisante, conformément à l’article 3 de cette directive.

85      La Commission, se basant sur un rapport de la TTSS du mois de février 2005, relève qu’il y a eu approximativement 60 rejets par an d’eaux usées provenant des déversoirs d’orage de Londres et cela même lors de périodes de précipitations modérées, un volume de plusieurs millions de tonnes d’eaux non traitées étant ainsi déversées tous les ans dans la Tamise.

86      En ce qui concerne les stations d’épuration du système de collecte de Londres, ce même rapport montre que leur capacité est suffisante par temps sec, mais aucunement en cas de précipitations.

87      Le Royaume-Uni ne conteste pas les faits invoqués par la Commission, et rappelle que, effectivement, est en cours un projet de construction d’un nouveau tunnel de 30 km de long sous la partie fluvio-maritime de la Tamise pour intercepter les rejets des déversoirs du système de collecte et les acheminer vers la station d’épuration de Beckton en vue de leur traitement. De même, il est envisagé de construire un autre tunnel, le Lee Tunnel, dans le but de réduire les rejets des déversoirs des systèmes de collecte de Beckton et de Crossness. Enfin, des travaux d’amélioration en vue d’augmenter la capacité des stations d’épuration de Beckton, de Crossness et de Mogden sont en cours.

88      Afin de vérifier si le Royaume-Uni a manqué à ses obligations découlant des articles 3, 4 et 10 ainsi que de l’annexe I, point A, de la directive 91/271, ainsi que le soutient la Commission dans son grief, il conviendra également d’effectuer l’examen prévu au point 73 du présent arrêt.

89      Force est de constater que la Commission, en se basant sur le rapport de la TTSS, mentionné au point 85 du présent arrêt et non contesté par le Royaume-Uni, qui indique que la fréquence des rejets ainsi que leur volume se produisent non seulement lors d’évènements exceptionnels, mais également en cas de pluies modérées, a démontré de manière évidente le caractère ordinaire des rejets d’eaux usées dans la Tamise.

90      Pour ce qui est de l’impossibilité technologique de réduire le nombre de rejets d’eaux usées du système de collecte de Londres ainsi que le caractère disproportionné des coûts par rapport à l’avantage procuré sur l’environnement, il convient de noter que le Royaume-Uni a décidé, au mois d’avril 2007, de mettre en œuvre les travaux proposés par le rapport de la TTSS du mois de novembre 2005 consistant notamment en la construction d’un nouveau tunnel souterrain. Ainsi, il existe des solutions technologiques au problème du système de collecte de Londres et leurs coûts ne sauraient être considérés comme disproportionnés étant donné que le Royaume-Uni a déjà pris la décision de les mettre en œuvre.

91      En ce qui concerne l’argument du Royaume-Uni selon lequel il ne peut être retenu qu’il a manqué à ses obligations étant donné que des projets visant à assurer la conformité avec la directive 91/271 ont été examinés dès l’entrée en vigueur de cette directive et que les travaux ayant été décidés sont coûteux et réalisables seulement sur plusieurs années, il convient de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre défendeur telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire et qu’un État membre ne peut obtenir le rejet du recours du seul fait que les activités et les travaux qui conduiront, dans le futur, à l’élimination du manquement sont en cours. En effet, en l’absence d’une modification d’une directive par le législateur de l’Union pour prolonger les délais de mise en œuvre, les États membres sont tenus de se conformer aux délais fixés à l’origine (voir arrêt du 8 juillet 2004, Commission/Belgique, C‑27/03, point 39).

92      Il incombait, donc, au Royaume-Uni, d’engager en temps utile les procédures nécessaires pour transposer la directive 91/271 dans l’ordre juridique national, en sorte que ces procédures soient achevées dans le délai prescrit aux articles 3, paragraphe 1, premier tiret, et 4, paragraphe 1, premier tiret, de cette directive, à savoir le 31 décembre 2000.

93      Dès lors, la Commission a constaté à juste titre que la mise en place du système de collecte de Londres (Beckton et Crossness) ne répond pas aux obligations prévues à l’article 3 et à l’annexe I, point A, de la directive 91/271 et que, en omettant de soumettre à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent, conformément à l’article 4 de cette directive, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de Londres (Beckton, Crossness et Mogden), le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 91/271.

94      Il résulte de ce qui précède que le manquement reproché par la Commission au Royaume-Uni est établi pour l’ensemble des agglomérations visées dans sa requête.

95      Par conséquent, il y a lieu de constater que, en n’assurant pas:

–        une collecte appropriée des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de plus de 15 000 EH de Sunderland (Whitburn) ainsi que de Londres (systèmes de collecte de Beckton et de Crossness), conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi qu’à l’annexe I, point A, de la directive 91/271, et

–        un traitement approprié des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de plus de 15 000 EH de Londres (stations d’épuration de Beckton, de Crossness et de Mogden), conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 3, à l’article 10, ainsi qu’à l’annexe I, point B, de la directive 91/271,

le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

 Sur les dépens

96      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume-Uni et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En n’assurant pas:

–        une collecte appropriée des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de plus de 15 000 équivalents habitants de Sunderland (Whitburn) ainsi que de Londres (systèmes de collecte de Beckton et de Crossness), conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi qu’à l’annexe I, point A, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, et

–        un traitement approprié des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de plus de 15 000 équivalents habitants de Londres (stations d’épuration de Beckton, de Crossness et de Mogden), conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 3, à l’article 10, ainsi qu’à l’annexe I, point B, de la directive 91/271,

le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2)      Le Royaume-Uni est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.