Language of document : ECLI:EU:C:2018:489

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

12 juin 2018 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑202/18,

ayant pour objet un recours au titre de l’article 14.2, deuxième alinéa, du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, introduit le 16 mars 2018,

Ilmārs Rimšēvičs, représenté par Mes S. Vārpiņš et M. Kvēps, advokāti, ainsi que par Me I. Pazare, advokāte,

partie requérante,

contre

République de Lettonie,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. J.-C. Bonichot, et l’avocat général, Mme J. Kokott, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        Le recours, introduit par M. Ilmārs Rimšēvičs, gouverneur de la Latvijas Banka (banque de Lettonie), qui est la banque centrale nationale, en application de l’article 14.2, deuxième alinéa, du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (ci-après le « protocole sur le SEBC et la BCE »), est dirigé contre la décision du 19 février 2018 par laquelle le Korupcijas novēršanas un apkarošanas birojs (bureau de prévention et de lutte contre la corruption, Lettonie) (ci-après le « KNAB ») a adopté plusieurs mesures de sûreté à l’égard du requérant, consistant notamment en l’interdiction d’exercer certaines activités officielles liées à ses fonctions de décision, de contrôle et de surveillance au sein de la banque de Lettonie, en particulier l’interdiction d’occuper les fonctions de gouverneur de cette banque, en l’obligation de verser une caution ainsi qu’en l’interdiction d’approcher certaines personnes et de quitter le pays sans autorisation préalable (ci-après la « décision du 19 février 2018 »).

2        Il ressort de la requête que, le 17 février 2018, le gouverneur de la banque de Lettonie a été arrêté à la suite de l’ouverture d’une enquête préliminaire diligentée par le KNAB et qu’il a été remis en liberté sous réserve de respecter les conditions mentionnées au point précédent, le 19 février suivant. Il serait soupçonné d’avoir sollicité et accepté un pot-de-vin en sa qualité de gouverneur de la banque de Lettonie. Selon la requête, le 27 février 2018, la Rīgas rajona tiesa (tribunal de district de Riga, Lettonie) a rejeté le recours formé par le gouverneur de la banque de Lettonie contre deux des mesures de sûreté imposées par le KNAB, à savoir l’interdiction d’exercer certaines activités officielles et celle de quitter le pays sans autorisation.

3        M. Rimšēvičs fait valoir, en premier lieu, que la mesure d’interdiction d’occuper les fonctions de gouverneur de la banque de Lettonie adoptée à son égard doit être assimilée à une mesure relevant ce dernier de ses fonctions au sens de l’article 14.2, deuxième alinéa, du protocole sur le SEBC et la BCE.

4        En deuxième lieu, le requérant prétend que cette mesure est liée à des intérêts politiques, comme en témoigneraient le fait que le KNAB se trouve sous le contrôle du conseil des ministres, le fait que la mesure prise par cette autorité a été annoncée par des déclarations publiques de membres du gouvernement ainsi que le fait que les besoins de l’enquête n’exigeaient pas une telle mesure et que celle-ci a été prise quelques jours seulement après l’ouverture de la procédure pénale, sans que les preuves requises aient été recueillies.

5        En troisième lieu, M. Rimšēvičs conteste catégoriquement les soupçons exprimés par le KNAB. Non seulement la source des informations à l’origine de l’enquête ne serait pas digne de foi mais, de plus, ses fonctions de gouverneur de la banque de Lettonie ne lui auraient pas permis, en tout état de cause, de favoriser une banque privée, comme il lui est reproché. Il observe, à cet égard, qu’aucun agissement déterminé ne lui est reproché.

6        En quatrième lieu, la décision du 19 février 2018 serait contraire tant au droit letton qu’au droit de l’Union. D’une part, en vertu de l’article 22, quatrième alinéa, du likums par Latvijas Banku (loi relative à la banque de Lettonie), le Parlement letton serait seul habilité à relever de ses fonctions le gouverneur de cette banque. D’autre part, aux termes de l’article 14.2 du protocole sur le SEBC et la BCE, un gouverneur d’une banque centrale nationale peut être relevé de ses fonctions « s’il ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de ses fonctions ou s’il a commis une faute grave ». Or, aucune de ces hypothèses limitatives n’aurait été vérifiée ni même mentionnée par le KNAB. En outre, la décision du 19 février 2018 aurait méconnu l’indépendance de la banque de Lettonie et du Système européen de banques centrales, garantie à la fois par le droit de l’Union et le droit letton.

7        En cinquième lieu, le requérant n’aurait disposé à l’encontre de la mesure de sûreté litigieuse que d’un recours devant le juge d’instruction, dont le contrôle serait limité par le code de procédure pénal letton à la vérification que la mise en œuvre de la mesure n’est pas en pratique impossible, ce qui n’inclurait donc pas le contrôle de légalité de la mesure. De surcroît, la décision du juge d’instruction ne serait pas susceptible de recours.

8        Conformément à l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, le président de la Cour peut d’office, à titre exceptionnel, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, les parties, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre une affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 133, paragraphe 1, du règlement de procédure, dérogeant aux dispositions de ce règlement.

9        Conformément à l’article 133, paragraphe 3, dudit règlement, M. Rimšēvičs et la République de Lettonie ont été invités à présenter leurs observations. La République de Lettonie n’a pas présenté d’observations. M. Rimšēvičs a fait savoir qu’il était favorable à ce que la présente affaire soit soumise d’office à la procédure accélérée.

10      À cet égard, il y a lieu d’indiquer que, par une ordonnance de ce jour, le président de la Cour a fait droit à une demande de la BCE visant à ce que l’affaire C‑238/18, concernant un recours introduit par cette institution, en application de l’article 14.2, deuxième alinéa, du protocole sur le SEBC et la Banque centrale européenne (BCE), contre la décision du 19 février 2018, visée également dans la présente affaire, soit soumise à une procédure accélérée, conformément à l’article 133, paragraphe 1, du règlement de procédure.

11      La présente affaire et l’affaire C‑238/18 ayant le même objet, les motifs pour lesquels il convient de soumettre cette dernière affaire à la procédure accélérée valent également pour la présente affaire.

12      En particulier, il y a lieu de constater, ainsi qu’il est également relevé aux points 16 et 17 de l’ordonnance de ce jour adoptée dans l’affaire C‑238/18, que, eu égard à l’importance du rôle du conseil des gouverneurs de la BCE dans le cadre de la politique monétaire de l’Union ainsi que dans la surveillance prudentielle des établissements de crédit, tout dysfonctionnement éventuel dans l’opération de cet organe serait susceptible d’avoir une incidence négative importante, aux plans systémique et institutionnel, sur la gestion de cette politique et de cette surveillance. Or, dès lors qu’il existe une incertitude quant au fonctionnement adéquat dudit conseil dans l’attente de la décision mettant fin à l’instance dans la présente affaire, il importe, afin de prévenir toute entrave éventuelle à l’accomplissement par la BCE des missions qui lui ont été confiées, que l’incertitude de nature systémique et institutionnelle à laquelle donnent lieu les circonstances qui sont à l’origine du présent litige puisse être levée dans de brefs délais au sens de l’article 133, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du président de la Cour du 15 février 2017, Mengesteab, C-670/16, non publiée, EU:C:2017:120, point 11).

13      En conséquence, il y a lieu de soumettre la présente affaire à la procédure accélérée.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

L’affaire C-202/18 est soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 133 du règlement de procédure de la Cour.

Signatures


*      Langue de procédure : le letton.