Language of document : ECLI:EU:C:2012:827

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 décembre 2012 (*)

«Manquement d’État – Directive 75/442/CEE – Eaux usagées domestiques évacuées au moyen de fosses septiques en milieu rural – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Mesures visant à l’exécution d’un arrêt de la Cour – Sanctions pécuniaires – Astreinte – Somme forfaitaire»

Dans l’affaire C‑374/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 13 juillet 2011,

Commission européenne, représentée par M. E. White, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Irlande, représentée par M. D. O’Hagan et Mme E. Creedon, en qualité d’agents, assistés de M. A. Collins, SC, et Mme M. Gray, BL, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, faisant fonction de président de la quatrième chambre, M. J.-C. Bonichot (rapporteur), Mmes C. Toader, A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. T. Millett, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 octobre 2012,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour:

–        de constater que, en ne prenant pas les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour le 29 octobre 2009, Commission/Irlande (C‑188/08), concernant le manquement de l’Irlande aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-après la «directive 75/442»), l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260 TFUE;

–        de condamner l’Irlande à payer à la Commission une somme forfaitaire de 4 771,20 euros multipliée par le nombre de jours compris entre le prononcé de l’arrêt Commission/Irlande, précité, et la date du présent arrêt (ou la date de pleine exécution dudit arrêt Commission/Irlande, si celle-ci intervient alors que la présente affaire est pendante);

–        de condamner l’Irlande à payer à la Commission une astreinte journalière de 26 173,44 euros à compter de la date de l’arrêt prononcé dans le cadre de la présente procédure et jusqu’à l’exécution par l’Irlande de l’arrêt Commission/Irlande, précité, et

–        de condamner l’Irlande aux dépens.

 Le cadre juridique

2        L’article 4 de la directive 75/442 est libellé comme suit:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et notamment:

–        sans créer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore,

–        sans provoquer d’incommodités par le bruit ou les odeurs,

–        sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.

Les États membres prennent, en outre, les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets.»

3        L’article 8 de cette directive dispose:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets:

–        les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B

ou

–        en assure lui-même la valorisation ou l’élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive.»

4        Aux termes de l’article 13 de la même directive:

«Les établissements ou entreprises qui assurent les opérations visées aux articles 9 à 12 sont soumis à des contrôles périodiques appropriés des autorités compétentes.»

 L’arrêt Commission/Irlande

5        Le 6 mai 2008, la Commission a introduit, en application de l’article 226 CE, un recours en manquement contre l’Irlande ayant pour objet de constater que cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 75/442 en ne transposant pas pleinement et correctement dans sa législation nationale les prescriptions des articles 4 et 8 de cette directive, relatives à l’élimination des eaux usées domestiques en milieu rural au moyen de fosses septiques et d’autres systèmes de traitement individuels des eaux usées (ci-après les «STIEU»).

6        Au point 1 du dispositif de l’arrêt Commission/Irlande, précité, la Cour s’est prononcée comme suit:

«En n’ayant pas pris, sauf dans le comté de Cavan, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 4 et 8 de la directive 75/442 [...], en ce qui concerne les eaux usées domestiques éliminées en milieu rural au moyen de [STIEU], l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.»

 La procédure précontentieuse

7        Par lettre du 23 novembre 2009, la Commission a invité les autorités irlandaises à lui communiquer les mesures prises en vue de l’exécution de l’arrêt Commission/Irlande, précité.

8        Les autorités irlandaises ont, par courrier en date du 22 décembre 2009, répondu à cette lettre en proposant à la Commission un calendrier d’adoption des dispositions législatives et réglementaires envisagées et en indiquant leurs principales caractéristiques. Le courrier annonçait, également, d’une part, la création d’un groupe de travail destiné à déterminer les normes de performance adéquates et les modifications à apporter aux exigences en matière d’aménagement du territoire et de construction et, d’autre part, la publication par l’Agence pour la protection de l’environnement (Environment Protection Agency) d’un «code de bonnes pratiques» relatives aux systèmes de traitement et d’évacuation des eaux usées sur site.

9        Insatisfaite de cette réponse, la Commission a, dans un courrier du 25 novembre 2010, mis en demeure l’Irlande de présenter ses observations sur l’état d’exécution de l’arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

10      Le 3 février 2011, les autorités irlandaises ont répondu à la mise en demeure en informant la Commission de l’état d’avancement des travaux législatifs. Elles indiquaient qu’un avant-projet de loi, modifiant la loi de 2007 sur les services dans le domaine de l’eau (Water Services Act 2007), avait été préparé et serait soumis dès que possible au gouvernement pour approbation.

11      Dans une réponse complémentaire parvenue à la Commission le 10 mai 2011, les autorités irlandaises indiquaient que le projet de texte avait été approuvé par le gouvernement.

12      N’étant toujours pas convaincue des réponses apportées par les autorités irlandaises, la Commission a, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, saisi la Cour.

 La procédure devant la Cour

13      Au cours de la procédure écrite, les autorités irlandaises ont transmis à la Commission la version initiale du projet de loi de 2011 modifiant la loi de 2007 dans le domaine de l’eau (Water Services Amendement Bill 2011). La Commission, se basant sur les dispositions du projet de texte, a considéré, dans son mémoire en réplique, que de telles mesures n’assuraient toujours pas la correcte transposition des articles 4 et 8 de la directive 75/442.

14      Les autorités irlandaises ont informé la Cour, dans leur mémoire en duplique, que ce projet avait été adopté et que la loi de 2012 sur les services dans le domaine de l’eau (Water services Act 2012) était entrée en vigueur.

 Sur le manquement

 Argumentation des parties

15      La Commission, examinant le projet de loi de 2011 modifiant la loi de 2007 dans le domaine de l’eau, considère que l’efficacité du système de contrôle et d’inspection prévu dépend encore des règlements ministériels qui seront ultérieurement approuvés. Elle souligne que le financement du nouveau système d’inspection lui semble incertain, qu’il n’y a pas d’obligation explicite imposant aux autorités compétentes de veiller à ce que des inspections soient effectuées, que le plan national d’inspection ne semble pas contraignant, que le système de recrutement des inspecteurs envisagé ne garantit pas qu’il y en ait un nombre suffisant et que les inspections ne sont ni systématiques ni suffisamment contraignantes.

16      L’Irlande estime avoir pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de la Cour en adoptant la loi de 2012 sur les services dans le domaine de l’eau. Cette loi prévoirait l’établissement d’un nouveau système d’inspection et de surveillance des fosses septiques, des autres installations de traitement des eaux usées sur site ainsi que des écoulements associés à l’évacuation des eaux ménagères. Elle prévoirait également que les propriétaires de telles installations garantissent leur enregistrement auprès de l’autorité compétente en matière de services dans le domaine de l’eau.

17      L’Irlande soutient que, en tout état de cause, il y a lieu de rejeter le recours, au motif que l’introduction de la requête est intervenue trop tôt. La période de vingt et un mois écoulée entre le prononcé de l’arrêt Commission/Irlande, précité, et l’introduction de la requête de la Commission serait insuffisante eu égard aux efforts requis par les autorités irlandaises pour se conformer à l’arrêt et ne tiendrait compte ni du dialogue continu et constructif qui a été entamé avec la Commission dès le prononcé de cet arrêt ni des difficultés liées à l’adoption d’une loi dans un contexte particulièrement complexe.

 Appréciation de la Cour

18      Selon l’article 260, paragraphe 2, TFUE, si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, elle peut saisir la Cour après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations en indiquant le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par l’État membre concerné, qu’elle estime adapté aux circonstances.

19      À cet égard, la date de référence, pour apprécier l’existence d’un manquement au titre de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, est celle de l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure émise en vertu de cette disposition (arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, non encore publié au Recueil, point 67).

20      En l’occurrence, il est constant que, au moment de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure adressée par la Commission le 25 novembre 2010 à l’Irlande, celle-ci n’avait pas adopté toutes les mesures nécessaires afin de se conformer entièrement aux obligations découlant de l’arrêt Commission/Irlande, précité.

21      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de l’Irlande selon lequel le recours est prématuré, il convient de rappeler que, bien que l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt doit intervenir, l’intérêt qui s’attache à une application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige, selon une jurisprudence constante, que cette exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2003, Commission/Espagne, C-278/01, Rec. p. I‑14141, point 27 et jurisprudence citée).

22      Or, en l’espèce, entre le prononcé de l’arrêt Commission/Irlande, précité, et l’introduction de la requête par la Commission, il s’est écoulé un délai d’environ vingt et un mois. Quand bien même l’exécution de cet arrêt Commission/Irlande impliquait des opérations complexes, un tel délai ne saurait, dans les circonstances de l’espèce, être considéré comme insuffisant.

23      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris l’ensemble des mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Irlande, précité, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

 Sur les sanctions pécuniaires

 Arguments des parties

24      La Commission, constatant que l’Irlande ne s’est toujours pas conformée à l’arrêt Commission/Irlande, précité, demande de condamner cet État membre à payer, d’une part, une somme forfaitaire de 4 771,20 euros, multipliée par le nombre de jours compris entre le prononcé cet arrêt et la date de l’arrêt de la Cour à intervenir dans la présente procédure ainsi que, d’autre part, une astreinte journalière de 26 173,44 euros à compter de la date de ce dernier arrêt et jusqu’à l’entière exécution par l’Irlande du premier arrêt.

25      Se référant aux lignes directrices contenues dans sa communication SEC(2005) 1658 du 13 décembre 2005, relative à la mise en œuvre de l’article 228 CE (JO 2007, C 126, p. 15), telle que mise à jour par la communication SEC(2010) 923/3 du 20 juillet 2010, intitulée «Mise en œuvre de l’article 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice dans le cadre de procédures d’infraction», la Commission propose d’appliquer des sanctions calculées sur la base d’un coefficient de gravité de 8 sur 20, compte tenu tant de l’importance des règles de l’Union ayant fait l’objet de l’infraction, à savoir celles d’une directive qui vise à protéger la santé humaine et l’environnement, que du grand nombre de STIEU concernés par les insuffisances du dispositif national au regard des exigences de cette directive, et de l’ampleur du risque de pollution qui en découle. La Commission estime, en outre, qu’il doit être tenu compte de la répétition des comportements infractionnels de l’Irlande qui ont donné lieu à plusieurs condamnations pour manquement prononcées par la Cour contre cet État membre dans le domaine de l’environnement.

26      Pour déterminer la durée de l’infraction, la Commission soutient qu’il convient de calculer le montant de la somme forfaitaire au regard de la période comprise entre le prononcé de l’arrêt Commission/Irlande, précité, dont l’exécution est réclamée, et la date à laquelle elle a décidé de saisir la Cour dans la présente procédure, soit 18 mois environ, ce qui correspond, en application de sa communication du 13 décembre 2005, à un coefficient de durée de 1,8.

27      Enfin, pour arrêter le facteur «n», qui correspond à la capacité financière des différents États membres, la Commission s’appuie sur sa communication du 20 juillet 2010 qui fixe ce facteur, pour l’Irlande, à 2,84. La Commission ajoute que, s’il est vrai que, dans une révision du 1er septembre 2011 [SEC(2011) 1024 final], le coefficient «n» pour l’Irlande a été ramené à 2,71, il n’y a pas lieu de tenir compte de ce dernier coefficient dès lors que le présent recours a été introduit avant cette révision.

28      L’Irlande soutient, pour sa part, qu’il n’y a plus lieu, depuis l’adoption de la loi de 2012 sur les services dans le domaine de l’eau de la condamner au paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte. À supposer que la Cour entende, toutefois, lui imposer de telles sanctions financières, l’Irlande estime que la somme forfaitaire ne devrait pas être supérieure à 630 euros par jour et que l’astreinte ne devrait pas dépasser 5 000 euros par jour.

29      Elle considère, s’agissant du critère de gravité, qu’un coefficient de 3 sur 20 serait plus approprié, en raison des difficultés rencontrées par le législateur irlandais, de l’existence, dans la législation irlandaise, de dispositions qui n’avaient pas pu être prises en compte par la Cour en 2009, car postérieures à la date fixée dans l’avis motivé, de la mise en place par l’Agence pour la protection de l’environnement de critères relatifs à l’eau potable plus sévères et, enfin, de la coopération loyale dont les autorités irlandaises ont fait preuve.

30      L’Irlande considère que la Cour devrait prendre en considération, dans l’appréciation de la durée de l’infraction, l’engagement des autorités irlandaises dans un processus de dialogue constructif avec la Commission sur le contenu du projet de loi qui s’inscrirait dans un cadre législatif complexe exigeant du temps afin d’adopter la législation requise pour exécuter l’arrêt Commission/Irlande, précité.

31      Enfin, les autorités irlandaises contestent la méthode employée par la Commission pour déterminer le coefficient relatif à la capacité de paiement de l’Irlande, dès lors qu’elle ne tient pas compte de la diminution du produit intérieur brut irlandais entre les années 2008 et 2010 ainsi que de la détérioration des finances publiques de l’Irlande. La référence à un produit intérieur brut antérieur de trois années à l’engagement de la procédure serait inadéquate. Le coefficient «n» devrait être ramené à 1. En tout état de cause, si la Cour décidait d’appliquer le coefficient «n» tel que visé dans les communications de la Commission, il conviendrait d’utiliser le coefficient indiqué dans la communication la plus récente.

 Appréciation de la Cour

32      Ayant reconnu que l’Irlande ne s’est pas conformée à l’arrêt Commission/Irlande, précité, dont la Commission poursuit l’exécution, la Cour peut infliger à cet État membre, en application de l’article 260, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte.

 Sur l’astreinte

–       Sur le principe de l’imposition d’une astreinte

33      Selon une jurisprudence constante, l’imposition d’une astreinte ne se justifie en principe que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour (arrêts du 17 novembre 2011, Commission/Italie, C-496/09, non encore publié au Recueil, point 42, et du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, précité, point 96).

34      Il y a lieu de constater en l’espèce que, au moment de cet examen, les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt Commission/Irlande, précité, n’ont pas encore été intégralement adoptées. En particulier, il est constant que la loi de 2012 sur les services dans le domaine de l’eau nécessite des textes d’application qui n’ont pas encore tous été adoptés et que le plan national d’inspection des STIEU n’a pas encore été élaboré. Il n’apparaît pas davantage qu’une date butoir pour l’enregistrement des STIEU aurait été définitivement fixée.

35      Dans ces conditions, la Cour considère que la condamnation de l’Irlande au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’assurer l’exécution complète de l’arrêt Commission/Irlande, précité (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Italie, point 45, et du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, point 114).

–       Sur le montant de l’astreinte

36      Il convient de rappeler que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (arrêt Commission/Italie, précité, point 56 et jurisprudence citée).

37      Dans le cadre de l’appréciation de la Cour, les critères devant être pris en considération afin d’assurer la nature coercitive de l’astreinte en vue de l’application uniforme et effective du droit de l’Union sont, en principe, la durée de l’infraction, son degré de gravité et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, la Cour est appelée à tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts publics et privés en cause ainsi que de l’urgence qu’il y a à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations (arrêt Commission/Italie, précité, point 57).

38      En l’espèce, le manquement identifié par l’arrêt Commission/Irlande, précité, concerne la transposition incomplète de la directive 75/442 dont l’article 2 prévoyait un délai de transposition expirant au plus tard le 1er avril 1993. Dès lors que, plus de 19 ans après cette date, l’Irlande ne s’est toujours pas conformée à l’intégralité de ses obligations découlant de cette directive, qui a pour objectifs principaux la protection de la santé humaine et celle de l’environnement, la Cour ne peut que constater le caractère particulièrement long d’une infraction qui, eu égard à de tels objectifs, revêt en outre une gravité certaine.

39      Si l’Irlande fait valoir que le retard dans l’exécution de l’arrêt Commission/Irlande, précité, serait dû à des difficultés internes liées à la complexité de la mise en œuvre de la directive 75/442, il y a lieu de rappeler qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (arrêt du 31 mars 2011, Commission/Grèce, C‑407/09, non encore publié au Recueil, point 36).

40      Il convient, toutefois, de prendre en compte l’adoption de la loi de 2012 sur les services dans le domaine de l’eau ainsi que de mesures significatives telles que notamment celles visant à la mise en place d’un registre national des STIEU et à la formation des inspecteurs de ces installations, qui manifestent les efforts accomplis par les autorités irlandaises depuis le prononcé de l’arrêt Commission/Irlande, précité, dans la perspective de l’exécution complète de ce dernier.

41      En outre, l’Irlande s’est engagée à mettre en œuvre les dernières mesures nécessaires à l’exécution intégrale de cet arrêt en étroite coopération avec la Commission. Elle indique aussi, notamment, que le recrutement des inspecteurs est en cours et que le plan national d’inspection devrait être finalisé le 31 décembre 2012.

42      Ce faisant, l’Irlande ne conteste pas qu’il lui reste encore à finaliser les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Irlande, précité, constatant le manquement aux exigences découlant des articles 4 et 8 de la directive 75/442. Il est constant à cet égard que la transposition de ladite directive par la loi de 2012 sur les services dans le domaine de l’eau ne pourra être considérée comme effective que lors de l’adoption des mesures visées au point 34 du présent arrêt.

43      Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, la Cour considère que l’imposition d’une astreinte d’un montant de 12 000 euros par jour est appropriée pour obtenir l’exécution de l’arrêt Commission/Irlande, précité, cette somme prenant en compte la capacité de paiement de l’Irlande telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour (voir en ce sens, arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, précité, point 131).

44      En l’espèce, les données fournies par l’Irlande, qui n’ont pas été en substance contestées par la Commission, révèlent que la capacité de paiement de cet État membre a connu une certaine régression dans un contexte de crise économique (voir également, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Commission/Irlande, C-279/11, non encore publié au Recueil, point 79).

45      Dans ces conditions, il y a lieu de condamner l’Irlande à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une astreinte de 12 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Irlande, précité, à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Irlande, précité.

 Sur la somme forfaitaire

–       Sur le principe de l’imposition d’une somme forfaitaire

46      À titre liminaire, il convient de rappeler que, eu égard aux objectifs de la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par cette disposition, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2005, Commission/France, C‑304/02, Rec. p. I‑6263, point 83, et du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, précité, point 140).

47      L’imposition d’une somme forfaitaire doit, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui-ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’imposition ou non d’une telle sanction (arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, précité, point 141).

48      Quant à la présente affaire, la Cour considère que l’ensemble des éléments juridiques et factuels entourant le manquement constaté constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2009, Commission/Grèce, C-369/07, Rec. p. I-5703, point 145, et du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, précité, point 142).

49      En effet, outre le défaut d’exécution de l’arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Irlande, précité, qui donne lieu à la présente procédure, un constat de manquement de l’Irlande à ses obligations découlant du droit de l’Union en matière de qualité des eaux a été opéré, comme le relève la Commission, par les arrêts du 14 novembre 2002, Commission/Irlande (C‑316/00, Rec. p. I‑10527), du 11 mars 2004, Commission/Irlande (C‑396/01, Rec. p. I‑2315), et du 2 juin 2005, Commission/Irlande (C‑282/02, Rec. p. I‑4653). Une telle situation traduit la persistance de cet État membre à se soustraire à ses obligations communautaires dans ce domaine.

–       Sur le montant de la somme forfaitaire

50      Si la Cour décide de l’imposition d’une somme forfaitaire, il lui appartient, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer celle‑ci de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (arrêt du 7 juillet 2009, Commission/Grèce, précité, point 146).

51      Au rang des facteurs pertinents à cet égard figurent notamment des éléments tels que la durée de la persistance du manquement depuis l’arrêt l’ayant constaté ainsi que les intérêts publics et privés en cause (arrêt du 9 décembre 2008, Commission/France, C-121/07, Rec. p. I‑9159, point 64 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, eu égard à tout ce qui précède et notamment aux considérations figurant aux points 38 à 45 du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 2 000 000 euros le montant de la somme forfaitaire que l’Irlande devra acquitter.

53      Par conséquent, il y a lieu de condamner l’Irlande à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une somme forfaitaire de 2 000 000 euros.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de l’Irlande et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas pris l’ensemble des mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Irlande (C‑188/08) constatant le manquement de l’Irlande aux obligations découlant des articles 4 et 8 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

2)      L’Irlande est condamnée à payer à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», une astreinte de 12 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Irlande, précité, à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt Commission/Irlande, précité.

3)      L’Irlande est condamnée à payer à la Commission européenne, sur le compte «Ressources propres de l’Union européenne», la somme forfaitaire de 2 000 000 euros.

4)      L’Irlande est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.