Language of document : ECLI:EU:T:2012:676

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 décembre 2012 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du carbure de calcium et du magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition du marché – Droits de la défense – Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection – Infraction unique et continue – Amendes – Coopération durant la procédure administrative – Proportionnalité – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 »

Dans l’affaire T‑410/09,

Almamet GmbH Handel mit Spänen und Pulvern aus Metall, établie à Ainring (Allemagne), représentée par Mes S. Hautbourg et C. Renner, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan, V. Bottka et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier), en ce qu’elle vise la requérante, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante par ladite décision,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par sa décision C (2009) 5791 final, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier) (ci‑après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que les principaux fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, du 7 avril 2004 au 16 janvier 2007, à une infraction unique et continue. Celle‑ci se traduisait par un partage de marchés, une fixation de quotas, une répartition des clients, une fixation des prix et un échange d’informations commerciales sensibles concernant les prix, les clients et les volumes de vente dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni.

2        La procédure a été ouverte à la suite d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la clémence »), déposée par Akzo Nobel NV (ci‑après la « déclaration d’Akzo Nobel »).

3        La requérante, Almamet GmbH Handel mit Spänen und Pulvern aus Metall, est une société établie en Allemagne qui est notamment active dans la commercialisation du carbure de calcium en poudre et du magnésium en granulés dans l’EEE. Elle se procure principalement en Chine les granulés de magnésium qu’elle commercialise. Par ailleurs, en vertu d’un accord‑cadre qu’elle a conclu avec Novácke chemické závody a.s. (ci‑après « NCHZ »), un autre participant à l’entente également sanctionné par la décision attaquée, elle est responsable de la vente, dans l’EEE, du carbure de calcium en poudre produit par NCHZ. En contrepartie des services fournis en application de cet accord‑cadre, la requérante perçoit des honoraires déterminés en fonction des produits vendus.

4        Après avoir constaté à l’article 1er, sous a), de la décision attaquée que la requérante avait participé à l’infraction du 22 avril 2004 au 16 janvier 2007, la Commission lui a infligé une amende d’un montant de 3,04 millions d’euros à l’article 2, premier alinéa, sous a), de la même décision.

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2009, la requérante a introduit le présent recours.

6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 6 novembre 2009 et enregistré sous la référence T‑410/09 R, la requérante a également présenté une demande en référé, au sens de l’article 243 CE et des articles 104 et suivants du règlement de procédure du Tribunal, tendant notamment à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Par ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission (T‑410/09 R, non publiée au Recueil), cette demande en référé a été rejetée.

7        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la même chambre.

8        Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions et à produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

9        Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 13 juin 2012.

10      Lors de l’audience, la Commission a indiqué, en réponse à une question du Tribunal, que, malgré une indication en ce sens dans le bordereau des annexes, elle avait par inadvertance omis d’annexer à son mémoire en défense une lettre du 29 août 2007 que lui avait adressée la société Ecka Granulate GmbH & Co. KG. Ainsi qu’il ressort des considérants 18 à 21 de la décision attaquée, cette société, ensemble avec sa filiale détenue à 100 % Aluma GmbH et avec la société non ferrum Metallpulver GmbH & Co. KG, filiale de Aluma détenue à 100 % par cette dernière, constituaient l’entreprise Ecka (ci‑après « Ecka »), qui a participé à l’entente litigieuse. La Commission a produit lors de l’audience une copie de ladite lettre qui a été versée au dossier de l’affaire par décision du Tribunal. Par ailleurs, elle a indiqué qu’elle avait produit, en réponse à une autre demande de production de documents que lui avait adressée le Tribunal, la version non confidentielle de certains documents saisis lors d’une inspection dans les locaux d’Ecka et, plus particulièrement, de non ferrum Metallpulver. La Commission a précisé qu’elle serait prête à produire la version confidentielle des mêmes documents dans l’hypothèse de l’adoption par le Tribunal d’une mesure d’instruction en ce sens. Enfin, elle a indiqué, en réponse à une observation de la requérante, qu’un tableau produit en réponse à une autre demande de production de documents n’était pas celui demandé par le Tribunal et elle s’est engagée à produire le tableau demandé, ce qu’elle a fait par lettre du 20 juin 2012, versée au dossier par décision du Tribunal. À la suite du dépôt de cette pièce, la procédure écrite a été close par décision du 25 juin 2012.

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante a invoqué sept moyens. Les trois premiers moyens, tirés, premièrement, de la violation des droits de la défense de la requérante du fait de l’utilisation à son encontre, par la Commission, de certains documents saisis dans les locaux d’Ecka en dehors du champ d’application de la décision d’inspection de la Commission du 10 janvier 2007 (ci-après la « décision d’inspection »), deuxièmement, de l’absence de preuve suffisante de l’infraction litigieuse en ce qui concerne le magnésium et, troisièmement, de la qualification erronée d’infraction unique et continue des aspects de l’entente relatifs au carbure de calcium en poudre et au magnésium en granulés, ont été invoqués à l’appui du chef de conclusions principal de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée. Les quatre moyens suivants, tirés, premièrement, de la violation de la communication sur la clémence, deuxièmement, de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que du paragraphe 32 des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices »), en raison du dépassement allégué du plafond légal de 10 % du chiffre d’affaires global de la requérante par le montant de l’amende qui lui a été infligée, troisièmement, du caractère prétendument disproportionné de ladite amende et, quatrièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a rejeté la demande de la requérante tendant à la prise en compte de son absence de capacité contributive, au sens du paragraphe 35 des lignes directrices, ont été invoqués à l’appui du chef de conclusions présenté à titre subsidiaire et tendant à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée. Toutefois, lors de l’audience, la requérante s’est désistée de son septième et dernier moyen, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense de la requérante, du fait de l’utilisation à son encontre, par la Commission, de certains documents saisis dans les locaux d’Ecka en dehors du champ d’application de la décision d’inspection de la Commission

 Faits pertinents et décision attaquée

14      Par son premier moyen, la requérante fait valoir une violation de ses droits de la défense du fait que la Commission a utilisé à son encontre des éléments de preuve qui avaient été saisis dans les locaux d’Ecka et qui concernaient le magnésium, en violation du champ d’application de la décision d’inspection pertinente qui ne concernait que le carbure de calcium.

15      À titre liminaire, il convient de relever que, à l’étude du dossier, le Tribunal considère que la production de la version confidentielle des documents saisis dans les locaux d’Ecka lors de l’inspection en cause (ci‑après les « documents saisis ») n’est pas nécessaire. En effet, les documents évoqués par les parties dans leur argumentation figurent déjà tous dans la version non confidentielle des documents saisis. En outre, cette dernière version contient suffisamment d’informations quant à la teneur des documents occultés, pour permettre au Tribunal de conclure que ceux-ci ne présentent aucune pertinence pour la solution du litige. Partant, il n’est pas nécessaire d’adopter une mesure d’instruction tendant à la production de la version confidentielle des documents saisis.

16      Ensuite, il convient de rappeler que l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 dispose ce qui suit :

« Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée. »

17      Il ressort du dossier que, par décision du 10 janvier 2007, arrêtée sur la base de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, la Commission a ordonné une inspection dans les locaux de certaines entreprises, dont Ecka. Il résulte de l’article 1er de la décision d’inspection que ladite inspection concernait l’éventuelle participation des entreprises en question, en violation des règles de concurrence, à des accords ou à des pratiques concertées relatifs au carbure de calcium.

18      Selon le considérant 48 de la décision attaquée, le 16 janvier 2007, la Commission a effectué une inspection dans les locaux d’Ecka, sur la base de la décision d’inspection. Ainsi qu’il a déjà été relevé, la version non confidentielle des documents saisis lors de cette inspection a été produite par la Commission en réponse à une demande en ce sens du Tribunal. Parmi ces documents figurent, notamment, des tableaux et des notes manuscrites qui, selon la décision attaquée, portaient sur le magnésium.

19      Il ressort du considérant 155 de la décision attaquée que la requérante avait déjà, lors de la procédure administrative, contesté le droit de la Commission de se fonder sur les documents saisis, au motif qu’ils ne relevaient pas de l’objet de l’inspection et étaient, dès lors, irrecevables en tant qu’éléments de preuve. Selon la requérante, dès lors que la décision d’inspection portait sur le carbure de calcium, la Commission n’était en droit ni de saisir ni d’utiliser lesdits documents. La requérante a invoqué, sur le fondement de ces allégations, une violation de ses droits de la défense.

20      La Commission a rejeté cette contestation, sur la base des considérations suivantes, qui figurent aux considérants 156 à 160 de la décision attaquée :

« (156) La Commission estime – sans détailler la base sur laquelle ces documents ont été copiés pendant l’inspection chez Ecka – qu’elle était en droit d’obtenir ces preuves et que les droits de la défense d’Almamet n’ont pas été violés.

(157) Le 11 juillet 2007, la Commission a explicitement demandé à Ecka, au moyen d’une demande de renseignements en vertu de l’article 18 du règlement n° 1/2003, de lui soumettre des documents préexistants concernant le magnésium […] Dans le cadre de cette demande officielle, la Commission a précisé que l’objet et le but de la demande incluaient le magnésium destiné à l’industrie de l’acier.

(158) Ecka a soumis une nouvelle fois les documents obtenus lors des inspections en s’y référant dans sa réponse à la demande de renseignements […] Par ailleurs, la Commission a demandé et obtenu d’autres informations concernant les documents en question par le biais d’une autre demande de renseignements en vertu de l’article 18 du règlement n° 1/2003 […] Ecka n’a jamais estimé que les documents obtenus lors des inspections avaient été saisis de manière illicite […]

(159) Par conséquent, les preuves ont été légalement incluses dans le dossier de l’affaire et les droits de la défense d’Almamet n’ont pas été violés.

(160) Il convient de noter qu’une demande de renseignements quasi identique a été envoyée à Almamet, dont il ressortait de manière évidente pour Almamet que la portée de la vérification couvrait également le magnésium. Dans sa réponse, Almamet a déclaré qu’elle n’avait aucune information supplémentaire disponible en plus des preuves déjà soumises concernant le carbure de calcium […] Elle ne s’est pas plainte de la prétendue violation de ses droits de la défense par ces questions concernant le magnésium. Almamet a eu accès à toutes les preuves présentes dans le dossier de la Commission concernant le magnésium et était en mesure de se défendre contre les griefs exposés. Il faut souligner qu’aucun des autres destinataires de la communication des griefs n’a contesté les faits en relation avec le magnésium. »

 Sur les droits de la défense de la requérante

21      Il est de jurisprudence constante que les droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, telle que celle prévue par le règlement n° 1/2003, constituent des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC‑Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, point 46, et la jurisprudence citée).

22      En outre, l’exigence d’une protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère privée d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées, constitue un principe général du droit de l’Union (arrêts de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. I‑2859, point 19, et du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec. p. I‑9011, point 27).

23      S’agissant de la détermination de la portée dudit principe, en ce qui concerne la protection des locaux commerciaux des sociétés, la Cour a jugé qu’il convenait de tenir compte de la considération selon laquelle la protection de la vie privée prévue à l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi qu’à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1), devait être respectée et la protection du domicile être étendue aux locaux commerciaux des sociétés (arrêt Roquette Frères, point 22 supra, point 29, et ordonnance de la Cour du 17 novembre 2005, Minoan Lines/Commission, C‑121/04 P, non publiée au Recueil, point 31).

24      Il convient de rappeler également que la procédure administrative relevant du règlement n° 1/2003, qui se déroule devant la Commission, se divise en deux phases distinctes et successives dont chacune répond à une logique interne propre, à savoir une phase d’instruction préliminaire, d’une part, et une phase contradictoire, d’autre part. La phase d’instruction préliminaire, durant laquelle la Commission fait usage des pouvoirs d’instruction prévus par ce règlement et qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant ou non l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et de prendre une première position sur l’orientation ainsi que sur la suite ultérieure à réserver à la procédure. En revanche, la phase contradictoire, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (voir arrêt AC‑Treuhand/Commission, point 21 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

25      D’une part, s’agissant de la phase d’instruction préliminaire, cette phase a pour point de départ la date à laquelle la Commission, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 18 et 20 du règlement n° 1/2003, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées (arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 182, et du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, point 38). D’autre part, il ressort de la jurisprudence que ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d’un droit d’accès au dossier afin de garantir l’exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense (voir arrêt AC‑Treuhand/Commission, point 21 supra, point 48, et la jurisprudence citée). En effet, si ces droits étaient étendus à la phase précédant l’envoi de la communication des griefs, l’efficacité de l’enquête de la Commission serait compromise, puisque l’entreprise concernée serait, déjà lors de la phase d’instruction préliminaire, en mesure d’identifier les informations qui sont connues de la Commission et, partant, celles qui peuvent encore lui être cachées (arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 60).

26      Il n’en reste pas moins que les mesures d’instruction prises par la Commission au cours de la phase d’instruction préliminaire, notamment les demandes de renseignements et les inspections au titre des articles 18 et 20 du règlement n° 1/2003, impliquent par nature le reproche d’une infraction et sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. Partant, il importe d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase de la procédure administrative dès lors que les mesures d’instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement de preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (arrêt AC‑Treuhand/Commission, point 21 supra, points 50 et 51 ; voir également, en ce sens, arrêt Hoechst/Commission, point 22 supra, point 15).

27      De même, il convient de noter l’existence de diverses garanties résultant du droit de l’Union, offertes aux entreprises concernées, contre des interventions de la puissance publique dans leur sphère d’activités privées qui seraient arbitraires ou disproportionnées (arrêt Roquette Frères, point 22 supra, point 43, et arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T‑66/99, Rec. p. II‑5515, point 53).

28      C’est ainsi que l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 impose à la Commission de motiver la décision ordonnant une inspection en indiquant l’objet et le but de cette dernière, ce qui constitue une exigence fondamentale en vue de faire apparaître le caractère justifié de l’intervention envisagée à l’intérieur des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles‑ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de la défense (arrêts Hoechst/Commission, point 22 supra, point 29, Roquette Frères, point 22 supra, point 47, et Minoan Lines/Commission, point 27 supra, point 54).

29      Il s’ensuit que la portée de l’obligation de motivation de ces décisions ne peut pas être restreinte en fonction de considérations tenant à l’efficacité de l’investigation. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, s’il est vrai que la Commission n’est pas tenue de communiquer au destinataire d’une telle décision toutes les informations dont elle dispose à propos d’infractions présumées ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, elle doit, en revanche, indiquer clairement les présomptions qu’elle entend vérifier (arrêts de la Cour Hoechst/Commission, point 22 supra, point 41, et du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec. p. 3137, points 8 et 9 ; arrêt AC‑Treuhand/Commission, point 21 supra, point 54). Il incombe ainsi à la Commission d’indiquer, avec autant de précision que possible, ce qui est recherché et les éléments sur lesquels doit porter l’inspection. Une telle exigence est propre à préserver les droits de la défense des entreprises concernées, dans la mesure où de tels droits seraient gravement compromis si la Commission pouvait invoquer à l’égard des entreprises des preuves qui, obtenues au cours d’une inspection, seraient étrangères à l’objet et à la finalité de celle‑ci (arrêt Minoan Lines/Commission, point 27 supra, point 55).

30      Toutefois, on ne saurait en conclure qu’il serait interdit à la Commission d’ouvrir une procédure d’enquête afin de vérifier l’exactitude ou de compléter des informations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d’une inspection antérieure au cas où ces informations indiqueraient l’existence de comportements contraires aux règles de concurrence (arrêts Dow Benelux/Commission, point 29 supra, point 19, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 25 supra, point 301). Dans le cadre d’une telle nouvelle enquête, la Commission est en droit de demander de nouvelles copies des documents obtenus lors de la première enquête et de les utiliser alors comme moyens de preuve dans l’affaire concernée par la seconde enquête, sans que les droits de la défense des entreprises concernées s’en trouvent affectés (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 25 supra, points 303 à 305).

31      Il y a également lieu de rappeler qu’une entreprise à l’encontre de laquelle la Commission a ordonné une inspection peut former un recours en annulation contre une telle décision devant le juge de l’Union. Au cas où ladite décision serait annulée par ce dernier, la Commission se verrait empêchée, de ce fait, d’utiliser à l’effet de la procédure d’infraction aux règles de concurrence, tous documents ou pièces probantes qu’elle aurait réunis dans le cadre de cette inspection, sous peine de s’exposer au risque de voir le juge de l’Union annuler la décision relative à l’infraction dans la mesure où elle serait fondée sur de tels moyens de preuve (voir arrêt Minoan Lines/Commission, point 27 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

32      C’est à la lumière des considérations précédentes qu’il convient de déterminer si, comme le fait valoir la requérante, ses droits de la défense ont en l’espèce été violés du fait de la prise en considération, par la Commission, des documents saisis.

33      Il est constant que ces documents ont été obtenus par la Commission au cours d’une inspection dans les locaux d’Ecka. Il convient, par ailleurs, de constater que la Commission a affirmé, tant dans ses écrits que lors de l’audience, que ces documents étaient détenus par M. S., un directeur commercial d’Ecka, et que la requérante n’avait ni contredit cette affirmation ni fait valoir que lesdits documents lui appartenaient ou qu’elle avait un quelconque droit spécifique à leur égard.

34      Il en ressort que, si les considérations exposées aux points 21 à 31 ci‑dessus justifient d’assurer, dès la phase d’instruction préliminaire, la protection des droits de la défense d’Ecka par rapport auxdits documents, une considération analogue n’est, en revanche, aucunement justifiée à l’égard de la requérante, dans la mesure où l’inspection en cause n’a ni été effectuée dans ses propres locaux ni porté sur des documents lui appartenant ou à l’égard desquels elle avait un quelconque droit à faire valoir. En effet, la protection des droits de la défense de la requérante est suffisamment assurée si, au début de la phase contradictoire administrative, la Commission lui donne accès aux documents saisis, lui permettant de les prendre en considération dans la formulation de sa réponse à la communication des griefs, dans laquelle elle peut, notamment, présenter ses observations relatives auxdits documents.

35      Or, ainsi que le relève la Commission dans la décision attaquée, au considérant 159 de cette dernière, les documents saisis ont figuré dans le dossier de la procédure administrative. Il ressort du considérant 51 de la même décision que, peu après l’envoi de la communication des griefs et avant le dépôt de sa réponse à celle‑ci, la requérante a demandé et obtenu un CD‑ROM comportant une copie des éléments compris dans le dossier administratif de la Commission. Elle a également demandé et obtenu l’accès à certains documents et déclarations qui n’étaient accessibles que dans les locaux de la Commission, ainsi que cela ressort également du considérant 51 de la décision attaquée et de la note en bas de page n° 95 sous ledit considérant. Il s’ensuit que la requérante a eu pleinement accès aux documents saisis avant la rédaction de sa réponse à la communication des griefs ce qui, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, était suffisant pour assurer la protection de ses droits de la défense.

36      Il en résulte que, indépendamment de la question de savoir si les griefs avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen sont susceptibles de révéler une violation d’un autre de ses droits ou, plus généralement, une autre illégalité dont serait entachée la décision attaquée, cette question étant examinée ci‑après, la requérante ne saurait, en tout état de cause, invoquer sur la base de ces griefs une violation de ses droits de la défense.

 Sur la recevabilité des documents saisis en tant qu’éléments de preuve

37      Dans ses écrits, la requérante fait valoir, par analogie avec l’arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 411), qu’il lui est loisible de contester non seulement la légalité de la décision d’inspection, mais, à plus forte raison, celle de la saisie de documents sur la base de cette décision, et ce indépendamment du fait de savoir si Ecka l’a ou non contestée. Elle rejette, en outre, la thèse selon laquelle l’absence de contestation par Ecka de la décision d’inspection démontrerait que le présent moyen est dépourvu de fondement. Selon la requérante, l’appréciation juridique d’une question par l’une des parties d’une entente ne saurait lier les autres parties de la même entente.

38      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 273, et Dalmine/Commission, T‑50/00, p. II‑2395, point 72).

39      Néanmoins, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence également constante, le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union et ne sauraient être admises dans l’Union des mesures incompatibles avec le respect de ceux-ci (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 284, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 70). Le droit de l’Union ne saurait, par conséquent, admettre des preuves recueillies en méconnaissance totale de la procédure prévue pour leur établissement et visant à protéger les droits fondamentaux des intéressés dont, notamment, le droit à la vie privée et la protection du domicile. Le recours à cette procédure doit, dès lors, être regardé comme une forme substantielle, au sens de l’article 230, paragraphe 2, CE. Or, selon la jurisprudence, la violation d’une forme substantielle entraîne des conséquences, indépendamment de la question de savoir si cette violation a causé un préjudice à celui qui l’invoque (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, Rec. p. I‑2341, points 42 et 52).

40      Il s’ensuit que tout participant à une entente peut invoquer l’irrecevabilité de preuves de cette entente recueillies par la Commission en méconnaissance de la procédure prévue pour leur établissement, telle que la procédure d’inspection prévue à l’article 20 du règlement no 1/2003, sans qu’il soit nécessaire d’invoquer et, encore moins, de prouver que le non-respect de cette procédure lui a causé un préjudice. En effet, des éléments recueillis en dehors de la procédure prévue à cet effet ne sauraient être considérés comme étant des preuves légalement constituées et susceptibles d’être utilisées par la Commission dans son enquête.

41      En revanche, si la Commission a recouru à la procédure appropriée prévue pour l’établissement de ces preuves, les éventuelles irrégularités procédurales peuvent seulement être invoquées par ceux qu’elles concernent directement (voir, en ce sens, ordonnance Minoan Lines/Commission, point 23 supra, point 46) c’est‑à‑dire, dans le cas d’une inspection, en principe par celui qui est soumis à l’inspection.

42      Ainsi, dans l’hypothèse, qui est celle de l’espèce, où la violation, lors d’une inspection effectuée par la Commission en vertu de l’article 20 du règlement no 1/2003, des garanties visant à assurer le respect des droits fondamentaux est invoquée par une partie autre que celle ayant été soumise à l’inspection, le Tribunal doit se limiter à contrôler que la Commission a effectivement utilisé la procédure prévue à cet effet, sans entrer dans les détails du déroulement de cette procédure, à moins que ladite partie invoque une irrégularité procédurale susceptible de la concerner directement.

43      En outre, il doit nécessairement être tenu compte, lors du contrôle évoqué ci-dessus, du fait que, si le détenteur d’un élément de preuve obtenu par la Commission, en pleine connaissance de ses droits, décide de ne pas s’opposer à son utilisation par cette dernière, quand bien même il aurait pu le faire, il ne saurait, à l’évidence, être fait grief à la Commission d’avoir utilisé cet élément dans son enquête.

44      Dans ces conditions, il convient de vérifier, à la lumière des considérations exposées ci‑dessus et de l’argumentation avancée par la requérante à l’appui du présent moyen, si c’est à juste titre que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur les documents saisis, en tant qu’éléments de preuve de l’entente litigieuse.

45      Il y a lieu de relever, à cet égard, qu’il est constant entre les parties que les documents saisis ont été obtenus par la Commission lors de l’inspection effectuée le 16 janvier 2007 dans les locaux d’Ecka (voir point 18 ci‑dessus) et que lesdits documents concernaient le magnésium, alors que la décision d’inspection ordonnait à ses destinataires, dont Ecka, de se soumettre à une inspection concernant leur éventuelle participation à des accords ou à des pratiques concertées relatifs au seul carbure de calcium.

46      Sur la base des éléments factuels résumés au point précédent, la requérante soutient que les documents saisis se situaient manifestement en dehors du champ d’application de la décision d’inspection. En effet, ce ne serait que longtemps après l’obtention desdits documents que la Commission aurait élargi le champ de son enquête pour inclure le magnésium.

47      La Commission a fait valoir que, quand bien même la décision d’inspection ne mentionnerait que le carbure de calcium, elle était en droit d’obtenir les documents saisis relatifs au magnésium. Il n’est toutefois pas nécessaire d’analyser cet argument dès lors que, en tout état de cause, la Commission a également affirmé qu’elle n’était pas consciente, lors de la saisie des documents, que ceux-ci portaient sur le magnésium et non sur le carbure de calcium. C’est l’exactitude de cette dernière affirmation qu’il convient de contrôler par la suite.

48      La Commission a relevé, à cet égard, que les tableaux de répartition de marché figurant parmi les documents saisis ne précisaient pas quel était le produit concerné et présentaient des caractéristiques extérieures analogues à d’autres tableaux relatifs au carbure de calcium qui étaient déjà en sa possession. De plus, les documents saisis auraient été trouvés au même endroit dans les locaux d’Ecka que des documents portant sur le carbure de calcium. Ils auraient été détenus par M. S. qui, selon les informations dont aurait disposé à l’époque la Commission, aurait participé aux réunions de l’entente. Dans ces circonstances, les agents de la Commission ayant participé à l’inspection auraient considéré que les documents saisis relevaient de l’objet de l’enquête et ils en auraient demandé et obtenu des copies.

49      Ces explications de la Commission figurent, en substance, au considérant 117 de la décision attaquée. Elles ne sont pas contredites par la requérante, mais sont, au contraire, confirmées par la lecture des copies des documents saisis, produites par la Commission en réponse à la demande en ce sens du Tribunal. Il ressort effectivement desdits documents qu’ils ne mentionnent aucun produit et que les tableaux qu’ils comportent présentent une grande similitude avec d’autres tableaux, relatifs au carbure de calcium, qui avaient été dressés par les participants à l’entente et ont également été produits par la Commission.

50      Il s’ensuit que la Commission a obtenu les documents saisis en ayant l’impression légitime qu’ils concernaient le carbure de calcium. Bien qu’elle se soit, par la suite, révélée erronée, cette impression était justifiée lors de la saisie, au regard des caractéristiques desdits documents et des indications de la Commission, non contestées par la requérante, quant à l’endroit où ils ont été trouvés. Il ne saurait,dès lors être reproché à la Commission une quelconque violation des garanties visant à protéger les droits fondamentaux d’Ecka, du seul fait que, ayant l’impression que lesdits documents concernaient le carbure de calcium, elle les a copiés lors de l’inspection. Cela est d’autant plus le cas qu’Ecka n’a ni affirmé que ces documents ne portaient pas sur le produit faisant l’objet de l’enquête ni protesté contre l’intention de la Commission de les copier.

51      Sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si la Commission était en droit d’ouvrir une procédure d’enquête relative au magnésium sur la base d’informations dont elle n’aurait eu connaissance que par les documents saisis, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 49 de la décision attaquée, peu après l’inspection effectuée le 16 janvier 2007 dans les locaux d’Ecka, la Commission a reçu des informations selon lesquelles l’entente litigieuse portait également sur le magnésium. En particulier, le 25 janvier 2007, Donau Chemie AG a présenté une demande d’immunité d’amende ou de réduction de son montant (ci‑après la « déclaration de Donau Chemie ») qui mentionnait également le magnésium parmi les produits ayant fait l’objet de l’entente litigieuse. De même, le 26 février 2007, Evonik Degussa GmbH (ci‑après « Degussa ») a présenté une demande analogue (ci-après la « déclaration de Degussa ») qui mentionnait également le magnésium en tant que produit concerné par l’entente. Il s’ensuit que, indépendamment des documents saisis, la Commission disposait de suffisamment d’éléments justifiant l’ouverture d’une nouvelle enquête portant sur le magnésium ou l’extension du champ de l’enquête déjà ouverte pour inclure ce produit.

52      La requérante a contesté la véracité des déclarations de Donau Chemie et de Degussa et elle a, en outre, affirmé que des déclarations orales de demandeurs de mesures de clémence ne pouvaient pas élargir la portée d’une inspection, après que celle‑ci a été effectuée. S’agissant de la véracité desdites déclarations, il convient de relever qu’il s’agit d’une question dépourvue de pertinence dans le cadre du présent moyen. Ce qui importe n’est pas le caractère exact des déclarations en cause, mais le fait que, en raison de celles‑ci, fussent‑elles inexactes, la Commission a été amenée à élargir le champ de son enquête pour inclure le magnésium.

53      S’agissant du prétendu élargissement rétroactif de l’objet de l’inspection effectuée dans les locaux d’Ecka, il suffit de relever qu’aucune affirmation en ce sens n’a été faite par la Commission dans la décision attaquée. La Commission a uniquement relevé que l’utilisation des documents saisis lors de cette inspection était justifiée, en substance, par le fait qu’Ecka y avait fait référence dans sa réponse à une demande de renseignements relative, notamment, au magnésium, qu’elle lui avait adressée.

54      La requérante fait en outre valoir que la jurisprudence citée au point 30 ci‑dessus ne saurait trouver application en l’espèce, dès lors que la Commission n’a pas ouvert une nouvelle enquête relative au magnésium, mais a simplement étendu la portée de l’enquête qui était déjà en cours.

55      Cet argument ne saurait prospérer. En ce qui concerne l’applicabilité de la jurisprudence en cause, aucune distinction n’est faite entre l’ouverture d’une nouvelle enquête et l’extension du champ d’une enquête déjà en cours. Le choix entre ces deux options dépend d’autres facteurs, dont l’éventuelle existence d’une infraction unique et continue, qui n’ont pas d’importance pour la question soulevée par le présent moyen. Ce qui importe pour l’application de la jurisprudence en question est le fait que, après l’ouverture d’une nouvelle enquête ou, le cas échéant, l’extension du champ de l’enquête existante, la Commission ne se fonde pas sur les éléments dont elle a eu incidemment connaissance, mais demande une nouvelle fois leur production. En effet, cette nouvelle demande permet aux intéressés de bénéficier des garanties procédurales prévues, en pleine connaissance de l’objet de l’enquête, et de faire ainsi valoir leurs droits par rapport aux documents concernés.

56      C’est donc à juste titre que la Commission a considéré, ainsi qu’il ressort du considérant 157 de la décision attaquée, que, après l’extension du champ de son enquête pour inclure le magnésium, elle était en droit de demander à nouveau les documents saisis, par une nouvelle demande de renseignements.

57      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante tiré de la « protection des droits de la défense d’éventuels demandeurs de mesures de clémence ». La requérante soutient à cet égard que la définition précise de l’objet d’une inspection détermine, à l’égard de tels demandeurs, leur devoir de coopération. Elle fait valoir que, en l’espèce, la Commission a procédé à un élargissement du champ de l’enquête, sans lui donner la possibilité d’évaluer son devoir de collaboration, notamment dans la perspective du dépôt d’une demande tendant à bénéficier de la communication sur la clémence. Elle souligne qu’il ressort des termes de sa demande de clémence, déposée le 6 février 2007, après des inspections effectuées dans ses propres locaux en vertu de la décision d’inspection, qu’elle considérait que l’enquête se rapportait uniquement au secteur du carbure de calcium.

58      Il ressort de cette argumentation que la requérante considère que les entreprises faisant l’objet d’une enquête de la Commission relative à d’éventuelles infractions aux règles de concurrence disposeraient d’un droit, que la requérante qualifie de « droit de la défense », d’être informées au préalable de l’objet de cette enquête, afin de pouvoir évaluer en temps utile s’il serait dans leur intérêt de soumettre une demande en vue de profiter de la communication sur la clémence.

59      Or, d’une part, un tel droit hypothétique ne fait pas partie des droits de la défense et c’est à tort que la requérante le qualifie de tel. L’étendue des droits de la défense des entreprises qui, comme la requérante en l’espèce, sont visées par une enquête de la Commission pour violation des règles de concurrence, par rapport à une inspection qui a été effectuée dans les locaux d’une autre entreprise et qui ne les concerne donc pas directement, a été résumée au point 34 ci‑dessus. Ces droits n’incluent pas le droit d’être informé au préalable de l’objet précis d’une telle inspection.

60      D’autre part, un tel droit ne découle d’aucune autre disposition ou principe du droit de l’Union. Au demeurant, la reconnaissance d’un tel droit serait contraire à la lettre et à l’esprit de la communication sur la clémence. Ainsi que l’a jugé la Cour dans ses arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 395), et du 29 juin 2006, Commission/SGL Carbon (C‑301/04 P, Rec. p. I‑5915, point 68), à propos de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 18 juillet 1996 (JO C 207, p. 4), dont les termes pertinents sont substantiellement les mêmes que ceux de la communication sur la clémence, une réduction du montant de l’amende ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l’entreprise concernée pourraient à cet égard être considérés comme démontrant une véritable coopération de sa part.

61      Il s’ensuit qu’une entreprise qui souhaite bénéficier des engagements pris par la Commission dans la communication sur la clémence doit porter à la connaissance de celle‑ci toutes les informations et éléments de preuve dont elle dispose et qui sont relatifs à une entente, indépendamment de la question de savoir si la Commission a déjà ouvert une enquête portant sur cette entente et, dans l’affirmative, de la portée exacte de cette enquête. Une telle entreprise ne saurait, en revanche, déterminer la portée de sa coopération en fonction de la portée de l’enquête de la Commission. Pareil comportement, qui vise, en définitive, à éviter la révélation à la Commission d’informations ou d’éléments de preuves dont celle‑ci ne soupçonne même pas l’existence, ne constitue pas, à l’évidence, une coopération véritable au sens de la jurisprudence évoquée au point précédent.

62      Il convient par la suite d’examiner la contestation par la requérante de la conclusion figurant au considérant 158 de la décision attaquée selon laquelle la Commission était en droit d’utiliser les documents saisis, dès lors qu’Ecka y avait fait référence dans sa réponse à une demande de renseignements qu’elle lui avait adressée et par laquelle le champ de l’enquête avait été élargi pour inclure le magnésium.

63      Ainsi qu’il ressort du considérant 157 de la décision attaquée, il s’agit, en particulier, de la réponse d’Ecka à une demande de renseignements du 11 juillet 2007 que la Commission lui avait adressée. Il est certes exact que cette demande indiquait en objet « Affaire COMP/F/39.396 – Carbure de calcium (et.al.) ». Comme le fait valoir la requérante, le simple ajout de la mention « et.al » dans l’objet de la demande n’était pas suffisant pour indiquer que l’objet de l’enquête avait été élargi pour inclure le magnésium.

64      Toutefois, ainsi que l’a fait remarquer à juste titre la Commission, le texte de la demande indiquait de manière claire et précise que le magnésium était également couvert par l’objet de l’enquête. En particulier, le paragraphe 1 de la demande en cause relevait ce qui suit :

« La Commission enquête actuellement sur un comportement contraire aux règles de concurrence en rapport avec le carbure de calcium pour l’industrie métallurgique et gazière et d’autres produits connexes tels que les réactifs à base de magnésium pour l’industrie métallurgique dans l’Union européenne. »

65      Ecka, le destinataire de la demande de renseignements, ne pouvait ignorer, à la lecture de ce paragraphe, que l’objet de l’enquête couvrait désormais également le magnésium.

66      Il est également affirmé, au considérant 158 de la décision attaquée, que, en réponse à la demande de renseignements, Ecka a soumis une nouvelle fois les documents saisis. Il ressort de la note en bas de page n° 373, à laquelle renvoie le considérant 158 de la décision attaquée, et la Commission l’a d’ailleurs confirmé lors de l’audience, que cette affirmation est fondée sur le fait que, dans sa réponse à la demande de renseignements du 11 juillet 2007, soumise par la lettre du 29 août 2007 dont il est question au point 10 ci‑dessus, Ecka s’est référée de manière générale aux documents saisis.

67      En particulier, à la note en bas de page n° 373 de la décision attaquée, la Commission a relevé ce qui suit :

« Ecka a répondu à la demande [de renseignements] de la Commission du 11. 7. 2007 de soumettre des documents spécifiques existants à des dates correspondantes en se référant de manière générale aux documents obtenus lors des inspections dont la Commission était en possession […] De plus, Ecka a répondu par la négative à une autre question de la Commission dans la même demande de renseignements concernant la soumission de documents complémentaires. Cette réponse négative démontre que la référence antérieure aux documents obtenus lors des inspections les couvrait dans leur intégralité. Ecka a confirmé cette interprétation en répondant sans restriction à toutes les questions factuelles consécutives portant sur les documents concernés. »

68      Il ressort de la lecture de la demande de renseignements du 11 juillet 2007 que les questions pertinentes étaient celles portant les numéros 40 à 43. La question n° 40 mentionnait une liste de 20 réunions au total et demandait à Ecka si un membre de son personnel ou un représentant de l’entreprise avaient participé à l’une ou à l’autre d’entre elles. Cette liste comportait, notamment, une réunion du 2 mai 2006 qui, selon les considérants 129 et 130 de la décision attaquée, portait sur le magnésium, ainsi que certaines autres réunions qui, selon la décision attaquée, ont porté sur le carbure de calcium. En réponse à cette question, Ecka a indiqué qu’elle ne pouvait donner des indications qu’au sujet de deux réunions, celles des 11 juillet et 10 octobre 2006, pour lesquelles elle a indiqué qu’elle avait été représentée par M. S. qui avait, entre-temps, quitté l’entreprise. Il ressort respectivement des considérants 85 et 88 de la décision attaquée que ces deux réunions portaient sur le carbure de calcium en poudre.

69      La question n° 41 de la même demande de renseignements portait sur les réunions au sujet desquelles Ecka pouvait confirmer la participation d’un membre de son personnel. Il lui était notamment demandé la production de tous les documents en sa possession relatifs aux réunions concernées. La réponse d’Ecka à cette partie de la question était ainsi libellée : « seulement les documents saisis ».

70      La question n° 42, portait sur les réunions énumérées à la question n° 40, pour lesquelles Ecka ne pouvait pas confirmer sa participation. Il lui était demandé, sous a), de transmettre des extraits de l’agenda de son collaborateur qui avait participé aux autres réunions, portant sur le jour de la réunion en cause ainsi que la veille et le lendemain. Il lui était également demandé, respectivement sous b) et sous c), de produire tout document en sa possession relatif à la réunion en cause ou à une éventuelle annulation de celle‑ci. Dans sa réponse, Ecka a indiqué, en réponse à la partie sous a) de la question, que des copies du calendrier de M. S. se trouvaient parmi les documents saisis, en réponse à la partie sous b) de la question, que l’ensemble des documents pertinents se trouvaient parmi les documents saisis et, enfin, en réponse à la partie sous c) de la question, qu’elle ne disposait d’aucun document.

71      Enfin il était demandé à Ecka, par la question n° 43, de mettre à la disposition de la Commission tout document en sa possession relatif à d’autres réunions éventuelles pendant la période allant de 2000 à 2007, portant sur le carbure de calcium ou le magnésium et non reprises dans la liste figurant à la question 40. Ecka a répondu qu’elle ne disposait d’aucun document de cette nature.

72      La requérante soutient, au regard des éléments résumés aux points précédents, qu’il est impossible de conclure qu’Ecka s’était référée, dans ses réponses aux questions susvisées, aux documents saisis. Cette dernière aurait clairement indiqué qu’elle n’avait connaissance d’aucune réunion autre que les deux réunions relatives au carbure de calcium auxquelles M. S. avait participé. Elle n’aurait ni fourni ni expressément mentionné de documents relatifs à d’autres réunions ou de documents portant sur un produit différent, en l’occurrence le magnésium. Cette appréciation serait confirmée par la réponse d’Ecka à la question n° 43.

73      Cette argumentation ne saurait prospérer. Elle méconnaît le fait qu’une des réunions relatives au magnésium, celle du 2 mai 2006, était effectivement mentionnée parmi les réunions énumérées à la question n° 40. Cette réunion était concernée par la question n° 42, relative aux réunions pour lesquelles Ecka ne pouvait pas confirmer sa participation. Or, en réponse à la demande de transmission de tous documents relatifs à ces réunions, Ecka s’est expressément référée aux documents saisis.

74      De manière plus générale, il convient de constater qu’Ecka qui, à la lecture du texte de la demande de renseignements du 11 juillet 2007, était certainement consciente du fait que l’enquête portait désormais également sur le magnésium, a fait référence, dans ses réponses aux questions nos 41 et 42, aux documents saisis, sans émettre une quelconque réserve ou protestation et sans demander le retour desdits documents ou d’une partie de ceux‑ci. Cette circonstance tend à démontrer que, en pleine connaissance de la portée de l’enquête, Ecka a choisi de ne pas s’opposer à l’utilisation desdits documents par la Commission et qu’elle a ainsi, implicitement mais nécessairement, marqué son accord à une telle utilisation. Dans ces circonstances, et compte tenu également de la considération énoncée au point 43 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir utilisé ces documents.

75      Il importe peu, à cet égard, que, lorsqu’elle a fait référence aux documents saisis dans ses réponses aux questions nos 41 et 42, Ecka ait su que ces documents concernaient, en tout ou en partie, le magnésium. Ce qui importe est le fait que, contrairement à ce qui était le cas lors de l’inspection du 16 janvier 2007, après la réception de la demande de renseignements du 11 juillet 2007, Ecka était consciente du fait que l’enquête de la Commission portait également sur le magnésium. Au regard de cette information, elle était en mesure de contester l’obtention de tout document qu’elle considérait que la Commission avait obtenu irrégulièrement lors de l’inspection et d’en demander le retour. Or, elle n’a formulé aucune contestation en ce sens, mais a, au contraire, expressément fait référence aux documents saisis, de manière à indiquer qu’elle n’avait aucune objection à formuler à l’encontre de leur utilisation par la Commission. Il ne saurait, dans ces conditions, être soutenu que cette utilisation avait violé un quelconque de ses droits.

76      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission a obtenu les documents saisis lors d’une inspection effectuée dans le respect de la procédure prévue pour garantir le respect des droits de l’entreprise soumise à cette inspection, à savoir Ecka. Toutefois, à l’époque de cette inspection, l’enquête de la Commission portait uniquement sur le carbure de calcium et c’est ce qui était indiqué dans la décision d’inspection. Les documents saisis ont été obtenus dans le cadre de cette inspection, dès lors que la Commission pouvait légitimement avoir l’impression, justifiée par les circonstances et bien qu’elle se soit révélée erronée par la suite, qu’ils portaient sur le carbure de calcium.

77      Il résulte également de tout ce qui précède que, peu après l’inspection en cause, la Commission a été informée par d’autres participants à l’entente que cette dernière portait également sur le magnésium. Elle a, par la suite, adressé une demande de renseignements à Ecka qui indiquait clairement que la portée de son enquête avait, entre-temps, été élargie pour inclure le magnésium. Ecka qui, à la réception de cette demande, ne pouvait ignorer que l’objet de l’enquête de la Commission incluait désormais le magnésium, n’a pas contesté l’obtention par la Commission des documents saisis et n’a pas demandé leur retour, mais a, au contraire, fait à plusieurs reprises référence à ceux-ci dans ses réponses, de manière à indiquer clairement qu’elle n’avait aucune objection à formuler à l’encontre de leur utilisation par la Commission. Il convient, dès lors, de conclure, en tenant également compte des considérations énoncées aux points 40 à 43 ci‑dessus, que la Commission était en droit d’utiliser, lors de la procédure administrative, lesdits documents, ainsi qu’elle l’a elle‑même relevé à juste titre au considérant 159 de la décision attaquée.

78      S’agissant du considérant suivant (160) de la décision attaquée, également contesté par la requérante, il convient de relever qu’il ne concerne pas le respect des droits d’Ecka, mais porte sur les droits de la défense de la requérante qui n’était pas le détenteur des documents saisis. Contrairement à ce que semble supposer cette dernière, la Commission n’a pas considéré qu’elle aurait dû contester l’utilisation des documents saisis à un stade antérieur à sa réponse à la communication des griefs. La Commission s’est simplement limitée à constater audit considérant que les droits de la défense de la requérante n’avaient pas été violés, dès lors qu’elle a également été informée de l’extension du champ de l’enquête pour inclure le magnésium et qu’elle a eu accès aux documents saisis avant la préparation de sa réponse à la communication des griefs. Cette constatation est du reste correcte, ainsi qu’il résulte des points 33 à 36 ci‑dessus.

79      Il en résulte qu’aucun des arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen n’est fondé, de sorte que ce moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de preuve suffisante de l’infraction litigieuse, en ce qui concerne le magnésium

80      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence de l’infraction litigieuse en ce qui concerne le magnésium, et ce quand bien même les documents saisis, concernés par le premier moyen, seraient pris en considération.

 Décision attaquée

81      Le volet de l’infraction litigieuse relatif au magnésium est décrit aux considérants 113 à 135 de la décision attaquée. Selon le considérant 114, les trois fournisseurs de granulés de magnésium destinés à l’industrie sidérurgique les plus importants dans l’EEE étaient la requérante, Ecka et SKW Stahl‑Metallurgie GmbH (ci‑après « SKW »). Le même considérant relève que ces trois entreprises avaient coordonné leurs livraisons de granulés de magnésium dans le cadre de cinq réunions au moins, qui ont eu lieu en 2005 et en 2006. Les considérants 124 et 125 de la décision attaquée relèvent qu’au moins six réunions multilatérales relatives au magnésium en granulés ont eu lieu pendant la période allant de la fin de 2004 ou du début de 2005 au mois d’octobre 2006. Les considérants 125 à 134 de la décision attaquée se réfèrent de manière plus détaillée à cinq réunions ayant eu lieu les 14 juillet 2005 (considérants 125 et 126), 23 novembre 2005 (considérants 127 et 128), 2 mai 2006 (considérants 129 et 130), 12 juillet 2006 (considérants 131 et 132) et 13 octobre 2006 (considérants 133 et 134). Selon le considérant 125, la réunion du 14 juillet 2005 faisait suite à une première réunion, ayant eu lieu à la fin de 2004 ou au début de 2005, mais dont la date exacte n’avait pas pu être établie. Enfin, le considérant 135 de la décision attaquée relève qu’une nouvelle réunion multilatérale était programmée pour le 15 janvier 2007, mais a été annulée en décembre 2006.

82      Ainsi qu’il ressort du considérant 153 de la décision attaquée, la requérante avait déjà, lors de la procédure administrative, contesté le caractère suffisant des preuves de sa participation au volet de l’infraction litigieuse relatif au magnésium. Cette contestation a été rejetée par la Commission pour les motifs exposés aux considérants 161 à 167 de la décision attaquée.

83      Il ressort du considérant 161 de la décision attaquée que les preuves relatives au volet de l’infraction portant sur le magnésium consistaient en des éléments de preuve mis à disposition de manière volontaire par Degussa et par Donau Chemie, ainsi qu’en des éléments obtenus lors des inspections et en réponse à des demandes de renseignements adressées aux membres de l’entente.

84      Au considérant 162 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les éléments mis à disposition par Degussa consistaient en des déclarations et des documents. Dès lors qu’ils émaneraient d’un participant direct à l’entente et seraient précis, ils auraient une valeur probante importante et établiraient déjà, en eux‑mêmes, l’existence d’une infraction. En outre, l’existence des pratiques anticoncurrentielles serait confirmée par les déclarations de Donau Chemie.

85      Selon le considérant 163 de la décision attaquée, la requérante n’a pas été en mesure de prouver que les déclarations de Degussa et de Donau Chemie étaient matériellement erronées ou de fournir une explication alternative crédible. Le contenu des documents de cette période, en possession de la Commission, prouverait clairement que des informations commerciales telles que les prix, les quotas, les clients et les volumes faisaient l’objet d’un partage et d’une discussion. Ces documents ne contiendraient aucune référence aux sujets évoqués par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, à savoir le recyclage du magnésium ou de la ferraille ou les groupes de travail techniques. Le considérant 164 ajoute, à cet égard, que les tableaux de partage du marché et les notes manuscrites d’Ecka relatives aux réunions de l’entente sont explicites et précis.

86      Le considérant 165 de la décision attaquée relève que les réunions étaient de nature informelle et avaient toutes eu lieu aux alentours de Salzbourg (Autriche), à proximité des sièges des entreprises participantes. Le nombre de participants aurait été limité et ces derniers se connaissaient bien.

87      Enfin, selon le considérant 166 de la décision attaquée, les preuves étaient cohérentes et le contenu des déclarations de Degussa et de Donau Chemie avait été corroboré par des éléments de preuve contemporains. S’agissant, en particulier, des déclarations de Donau Chemie, la Commission a relevé, au considérant 167 de ladite décision, qu’elle n’avait aucune raison de douter de leur crédibilité. L’argument de la requérante selon lequel elles manqueraient de plausibilité devrait être rejeté dès lors que, en tant que fournisseur de carbure de calcium et acheteur de magnésium, Donau Chemie n’aurait eu aucun intérêt direct à donner une fausse image d’une plus large étendue de l’entente litigieuse.

 Rappel de la jurisprudence pertinente

88      Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve et qu’il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises soulevant un moyen de défense contre une constatation d’infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de la règle dont est déduit ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve. Cependant, même si la charge de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure qu’il a été satisfait aux règles en matière de charge de la preuve (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 78 et 79, et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 29).

89      Cela ayant été rappelé, il convient également de relever que l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, point 60, et du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 69).

90      En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes. Ainsi est-il nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction (voir arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 89 supra, points 61 et 62, et la jurisprudence citée).

91      Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêts du Tribunal Dresdner Bank e.a./Commission, point 89 supra, point 63, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 56).

92      L’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles‑ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 88 supra, points 55 à 57 ; voir également, en ce sens, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 89 supra, points 64 et 65).

93      Il y a également lieu de rappeler qu’aucune disposition ni aucun principe général du droit n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE (voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 37 supra, points 509 et 512).

94      De même, les déclarations effectuées dans le cadre de la communication sur la clémence ne sauraient être considérées comme dépourvues de valeur probante de ce seul fait. En effet, même si une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, compte tenu de la possibilité que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que l’argument selon lequel les informations et les explications fournies par des entreprises demandant à bénéficier de l’application de la communication sur la clémence ne sont pas, du seul fait de cette demande, fiables, ne répond pas à la logique inhérente de la procédure prévue par ladite communication (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, point 91 supra, point 58). Le fait de demander à bénéficier de l’application de ladite communication en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuves déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l’entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle‑ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la clémence (arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70).

95      En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 212).

96      Néanmoins, comme le rappelle la requérante, le Tribunal a également jugé que la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs entreprises inculpées, ne pouvait être considérée comme constituant une preuve suffisante des faits en cause sans être étayée par d’autres éléments de preuve (arrêts du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 285, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, point 91 supra, point 293 ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit/Commission, T‑337/94, Rec. p. II‑1571, point 91).

97      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’analyser les différents arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen. Seront à cet égard successivement examinés les arguments de la requérante relatifs aux documents saisis, à la déclaration de Degussa, à la déclaration de Donau Chemie et à l’objet des réunions des fournisseurs de magnésium.

 Sur les documents saisis

98      La requérante fait valoir qu’il subsiste des doutes raisonnables quant à la valeur probante des documents saisis. Elle considère que, conformément à la jurisprudence citée aux points 89 et 90 ci‑dessus, ces doutes devaient jouer en sa faveur de sorte que sa prétendue participation à l’entente ne saurait être tenue comme établie.

99      La requérante relève, à cet égard, que les documents en question ne sont pas suffisamment explicites, ce qui a obligé la Commission à s’adresser à Ecka afin d’obtenir davantage de précisions. Or, dans la plupart des cas, Ecka n’aurait pas pu fournir les précisions souhaitées et les quelques réponses concrètes qu’elle aurait fournies seraient fondées sur des hypothèses formulées par un « tiers objectif », les personnes potentiellement concernées par ces documents ayant, dans l’intervalle, quitté la société. Des questions fondamentales tenant à la date et à l’auteur de ces documents, au produit concerné et à la source des informations qui y figureraient resteraient toujours ouvertes.

100    Il convient de constater que cette argumentation est fondée sur une confusion entre le stade de la recherche des preuves et le stade suivant, relatif à l’appréciation des preuves recueillies. Elle ne saurait, par conséquent, prospérer.

101    La requérante fait remarquer à juste titre qu’il est impossible, à la simple lecture des documents saisis, d’en déduire leur auteur, leur date de rédaction, voire même leur objet précis. Au regard de cette constatation, guère surprenante, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 92 ci‑dessus, s’agissant de documents portant prétendument sur une entente, la Commission a, à bon droit, essayé de recueillir un maximum d’informations par une nouvelle demande de renseignements, du 26 février 2008, adressée à Ecka, l’entreprise dans les locaux de laquelle ces documents avaient été trouvés.

102    La requérante relève, également à juste titre, que la réponse d’Ecka n’a pas, pour l’essentiel, fourni de précisions utiles. Cela tenait sans doute au fait que M. S., qui détenait les documents saisis, avait entre-temps quitté cette entreprise (voir points 48 et 68 ci‑dessus). En effet, en réponse à deux questions de cette demande de renseignements, qui portaient les numéros 13 et 14, Ecka a indiqué à la Commission que « les informations superficielles et incomplètes de M. [S.] ainsi que la suspicion concrète d’un abus de confiance ont finalement conduit à la décision de se séparer de M. [S.] ».

103    Toutefois, le seul fait que, dans le cadre de la recherche d’un maximum d’éléments de preuve pertinents, la Commission n’a pas pu obtenir davantage de précisions sur les documents en question, ne signifie pas qu’elle n’était pas en droit de prendre ces documents en considération au stade de l’appréciation de l’ensemble des éléments de preuve disponibles. Contrairement à ce que semble considérer la requérante, ce seul fait n’est pas non plus suffisant pour conclure qu’il subsistait des doutes quant aux faits que ces documents étaient censés démontrer. En définitive, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 101 ci‑dessus, il n’est aucunement inhabituel, dans le contexte d’une enquête portant sur une entente secrète, de ne disposer que d’éléments fragmentaires et épars, qui exigent un certain nombre de déductions.

104    Par ailleurs, il ressort de l’examen desdits documents que c’est à juste titre que la Commission a considéré qu’ils corroboraient les autres éléments de preuve en sa possession, dont notamment les déclarations de Degussa et de Donau Chemie et qu’ils pouvaient, ainsi, contribuer à la constitution d’un faisceau d’indices cohérents et concordants qui, selon la jurisprudence citée au point 92 ci‑dessus, est en principe suffisant pour prouver une infraction aux règles de concurrence.

105    En effet, comme le fait remarquer à juste titre la Commission au considérant 166, qui comporte un renvoi à la note en bas de page n° 383, de la décision attaquée, les indications quant aux pourcentages du marché pertinent, figurant dans la déclaration de Degussa correspondent exactement aux pourcentages indiqués dans un tableau figurant parmi les documents saisis. En outre, parmi les documents saisis figurent quatre pages de notes manuscrites sur du papier portant l’en-tête d’un hôtel dans lequel a eu lieu, selon les considérants 125 et 126 de la décision attaquée, la réunion du 14 juillet 2005 relative au magnésium. Une de ces pages porte, en effet, ce qui semble être la date du 14 juillet 2005. Les noms de la requérante et des autres entreprises mentionnées au point 81 ci‑dessus apparaissent à plusieurs reprises dans ces notes à côté d’indications de pourcentages. Ces éléments sont de nature à corroborer les affirmations, figurant dans la déclaration de Degussa, selon lesquelles une réunion relative à ce volet de l’entente a eu lieu dans ledit hôtel. Le fait que Degussa ne pouvait pas indiquer avec précision la date exacte de cette réunion et a relevé à cet égard qu’elle avait eu lieu « probablement à la mi‑mars » n’est pas suffisant pour infirmer cette conclusion.

106    De même, d’autres notes manuscrites d’une nature analogue figurent parmi les documents saisis. Elles portent l’en-tête d’un autre hôtel, à Salzbourg, dans lequel a eu lieu, selon le considérant 127 de la décision attaquée, une réunion relative au magnésium. Le fait qu’une telle réunion a eu lieu dans cet hôtel est également mentionné dans la déclaration de Degussa. Toutefois, Degussa indique une date probable pour cette réunion, en l’occurrence le 27 avril 2005, qui ne correspond pas à la date indiquée dans ces notes, à savoir le 23 novembre 2005. C’est cette dernière date qui est retenue au considérant 127 de la décision attaquée.

107    Cette différence de dates n’est cependant pas suffisante pour exclure tout lien entre la réunion mentionnée par Degussa et les notes en question. Il ressort des explications de Degussa que celle‑ci est arrivée à la date « probable » du 27 avril 2005 pour cette réunion, en se fondant sur un relevé de frais de voyage d’un membre de son personnel sur lequel figure cette date. Selon ledit membre, le relevé de frais de voyage indiquait un faux objet, afin de dissimuler l’objet véritable du voyage qui était la participation à une réunion relative au magnésium. Degussa ajoute que, « [d]’après les informations actuelles, il s’agit de la réunion dans l’hôtel » mentionnée sur les notes en question. En d’autres termes, le membre du personnel de Degussa ayant soumis le relevé de frais de voyage en question n’avait pas précisé l’endroit où la réunion avait eu lieu. C’est Degussa elle‑même qui a établi une connexion entre la réunion dans cet hôtel et les affirmations du membre de son personnel et il ne peut être exclu qu’elle se soit trompée sur ce point.

108    Il convient encore de relever que, ainsi que le constate la Commission au considérant 166 de la décision attaquée, les tableaux figurant parmi les documents saisis présentent des similitudes dans leur forme avec les tableaux utilisés pour le partage du marché du carbure de calcium, ainsi qu’il résulte de leur comparaison avec, par exemple, les tableaux de la seconde catégorie soumis par la requérante elle‑même en annexe à sa demande de clémence du 6 février 2007.

109    De plus, il convient de constater que, si les réponses d’Ecka à la demande de renseignements de la Commission du 26 février 2008 n’ont pas, pour l’essentiel, fourni d’informations sur les documents saisis différentes de celles qui étaient déjà connues de la Commission ou qui pouvaient être déduites de la simple lecture de ces documents, ces réponses ne contiennent pas non plus d’éléments susceptibles de jeter un doute sur le lien présumé entre lesdits documents et les réunions sur le magnésium alléguées dans la déclaration de Degussa. En effet, si la requérante souligne dans son argumentation qu’Ecka n’a pas pu fournir un certain nombre d’informations sur ces documents, elle n’affirme pas, à la seule exception de l’argument examiné au point suivant, que le peu d’informations qu’Ecka a pu fournir contredit les considérations figurant dans la décision attaquée.

110    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le considérant 164 de la décision attaquée fait référence à des notes manuscrites prises lors des réunions relatives au magnésium, alors qu’Ecka avait, en réalité, déclaré ne pas être en mesure de confirmer si ces notes avaient effectivement été prises lors d’une réunion dans l’hôtel mentionné sur l’en-tête du papier sur lequel elles étaient rédigées, il convient de relever, d’une part, que la décision attaquée n’affirme pas que ces notes avaient été prises « lors des réunions » en question, mais elle affirme qu’elles étaient des « notes des réunions de l’entente ». D’autre part, quand bien même Ecka ne saurait, pour les motifs indiqués au point 102 ci‑dessus, fournir davantage de précisions sur l’endroit où ces notes ont été rédigées, il est tout de même évident que l’affirmation en question, figurant au considérant 164 de la décision attaquée, procède d’une déduction qui, au regard de la déclaration de Degussa et du contenu de ces notes, n’est pas déraisonnable.

111    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, les réponses d’Ecka à la demande de renseignements de la Commission du 26 février 2008 n’étaient pas de nature à jeter un doute sur le lien existant entre les documents saisis et l’infraction ou, plus généralement, sur la réalité de cette dernière.

 Sur la déclaration de Degussa

112    La requérante fait valoir que, outre les documents saisis, la Commission s’est exclusivement fondée sur la déclaration de Degussa. Or, celle‑ci serait contestée par d’autres participants de l’entente, alors qu’aucune autre société n’aurait confirmé les allégations de la Commission. En outre, la déclaration de Degussa manquerait de précision et dénaturerait certains faits.

113    Compte tenu des affirmations susvisées de la requérante, il convient, d’emblée, de rappeler que la décision attaquée a constaté la participation de trois entreprises au volet de l’entente relatif au magnésium (voir point 81 ci‑dessus). Il s’agit de SKW, à l’époque une filiale de Degussa, qui a confirmé l’existence de ce volet de l’entente, de la requérante, qui conteste sa participation, et d’Ecka qui, ainsi qu’il ressort du considérant 152 de la décision attaquée, n’avait pas contesté sa participation à l’entente, y compris le volet relatif au magnésium.

114    Il ressort de la requête que l’affirmation de la requérante, selon laquelle d’autres participants à l’entente contestaient son existence, ne vise en réalité que La Continentale SA. Cette société est effectivement mentionnée, dans la déclaration de Degussa, comme étant un des participants au volet de l’entente relatif au magnésium. Selon cette même déclaration, elle aurait été représentée, lors des réunions de l’entente, par M. T. Le nom de cette société ou des initiales qui, de toute évidence, renvoient à celle‑ci apparaissent dans certains des documents saisis.

115    La requérante a produit une lettre du 14 janvier 2008, envoyée par La Continentale à la Commission, en réponse à une demande de renseignements du 21 décembre 2007. Elle a également produit une décision de la Commission du 10 décembre 2007 ordonnant une inspection dans les locaux de cette société, ainsi qu’un compte rendu de l’inspection en question, effectuée le 14 décembre 2007 dans ses locaux situés à Luxembourg. Il ressort de manière évidente de ces documents que la Commission avait inclus cette société dans son enquête sur l’entente.

116    Néanmoins, La Continentale n’est évoquée qu’une seule fois dans la décision attaquée dans la note en bas de page n° 76 sous le considérant 39, parmi d’autres « petits négociants » actifs sur le marché des granulés de magnésium. Selon cette même note, le volume des ventes de chacun de ces négociants ne dépassait pas les 1 000 tonnes par an. La Commission n’a pas mentionné La Continentale parmi les participants au volet de l’entente relatif au magnésium, bien que la formulation du considérant 114 de la décision attaquée n’exclue pas la participation, en plus des trois entreprises qui y sont mentionnées, d’autres entreprises à ce volet de l’entente. La Commission n’a pas non plus adressé de communication de griefs à La Continentale.

117    La requérante soutient que, après avoir fait les déclarations figurant dans les documents évoqués au point 115 ci‑dessus, La Continentale a été « libérée de toute responsabilité ». Selon elle, il n’y aurait qu’une seule explication logique à ce développement, à savoir que la prétendue entente sur le magnésium n’a jamais existé. La requérante considère que si La Continentale a été épargnée pour d’autres motifs, « ceux‑ci doivent être explicités ».

118    Le Tribunal a invité la Commission, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, à répondre à cet argument. Celle-ci a indiqué en réponse qu’il y avait certes certains éléments de preuve impliquant La Continentale dans ce volet de l’entente, mais qu’elle ne les avait pas considérés comme suffisants. Elle a ajouté que la participation d’une entreprise à une entente, comme en l’occurrence celle de la requérante au volet de l’entente relatif au magnésium, une fois prouvée, n’était pas susceptible d’être remise en question par le fait qu’il n’existait pas assez d’éléments de preuve pour impliquer une autre entreprise dans la même entente.

119    Ces explications de la Commission sont plausibles. Il convient, par ailleurs, de constater que la décision de ne pas envoyer une communication de griefs à La Continentale peut également se justifier par le rôle mineur de cette entreprise sur le marché en cause et la sanction nécessairement réduite, en termes absolus, susceptible de lui être infligée, plutôt que par la pertinence des explications qu’elle a avancées.

120    En tout cas, il y a lieu de relever qu’il n’incombe pas au Tribunal, en l’espèce, de contrôler le bien-fondé des motifs, quels qu’ils fussent, qui ont justifié la décision de la Commission de ne pas poursuivre La Continentale pour sa prétendue participation à l’entente, mais uniquement de déterminer si les éléments avancés par cette entreprise étaient de nature à jeter un doute sur l’existence du volet de l’entente relatif au magnésium. Or, tel n’est pas le cas.

121    La lettre de La Continentale à la Commission, du 14 janvier 2008, évoquée au point 115 ci‑dessus, comporte certes une dénégation de toute implication de cette entreprise dans une entente relative au magnésium. La requérante invoque, en particulier, la phrase suivante du dernier paragraphe de cette lettre selon laquelle « [l]es accusations d’ententes de prix et de quotas de livraison n’ont aucun lieu d’être en ce qui [...] concerne [La Continentale], ni d’ailleurs – en général – pour le magnésium ». Toutefois, dans le reste du paragraphe pertinent, La Continentale essaye de justifier cette dénégation par des considérations d’ordre général, relatives à l’évolution des cours du magnésium qui suivrait celle du coût de l’énergie, ainsi qu’au prétendu pouvoir des « acheteurs sidérurgiques » de dicter « de façon unilatérale aux fournisseurs qu’ils choisissent librement parmi une douzaine, les quantités nécessaires pour couvrir leurs approvisionnements ». Par ailleurs, au paragraphe précédent, La Continentale admet la participation de son directeur, M. T., à des « discussions techniques » avec « quelques transformateurs européens », dont notamment SKW, mais fait valoir que celles‑ci « ont eu pour but de mettre en œuvre des nouveaux mélanges ou alliages de magnésium ».

122    S’il ne saurait, certes, être reproché à La Continentale de ne pas avoir réfuté, dans sa lettre susvisée, les affirmations la concernant contenues dans la déclaration de Degussa que, à l’évidence, elle ne connaissait même pas au moment de la rédaction de cette lettre, il n’en reste pas moins que celle‑ci ne contient aucune affirmation concrète et suffisamment circonstanciée, susceptible de jeter un doute sur les affirmations figurant dans la déclaration de Degussa ou sur la conclusion de la décision attaquée, relative à l’existence d’un volet de l’entente portant sur le magnésium auquel la requérante a également participé.

123    Il en va de même du compte-rendu de l’inspection dans les locaux de La Continentale, également invoqué par la requérante. Celui‑ci contient une série de questions adressées à M. T. et les réponses données par ce dernier. En réponse à une question relative à une réunion, tenue le 20 octobre 2006 entre Ecka, SKW et Almamet, M. T. a admis y avoir participé. Il s’agit, à l’évidence, de la réunion mentionnée au considérant 133 de la décision attaquée, dès lors que le lieu et les participants sont les mêmes, quand bien même la date mentionnée serait différente, quoique proche de la date mentionnée dans la décision attaquée. Plus généralement, M. T. a admis se souvenir d’autres réunions avec Ecka, SKW et la requérante, sans pouvoir donner de dates exactes. Selon lui, lors de ces réunions, il aurait été discuté d’une « stratégie commune pour se défendre contre les Chinois ». Il a ajouté qu’il « essay[ait] toujours de convaincre les autres pour développer des produits alternatifs », mais « qu’[il n’avait] pas réussi à les en convaincre » et que « [l]es réunions étaient plutôt de nature technique ». En réponse à une autre question, il a nié que des tableaux de parts de marché aient jamais été échangés au cours de ces réunions.

124    Ces réponses n’infirment pas les allégations de Degussa, ni les conclusions de la décision attaquée, mais les confirment plutôt. Le seul fait que M. T. n’a pas admis que les réunions avaient un objet anticoncurrentiel, ou qu’elles comprenaient l’échange de tableaux de parts de marché, n’est pas suffisant pour conduire à une conclusion différente. En effet, de tels tableaux ont effectivement été retrouvés parmi les documents saisis, en provenance d’un autre participant aux mêmes réunions. En outre, un participant à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel aurait tout intérêt à dissimuler cet objet lorsqu’il est interrogé par la Commission. Une certaine méfiance par rapport à ces parties des réponses de M. T. est, dès lors, de mise.

125    Il convient, par la suite, d’examiner l’argument de la requérante selon lequel la déclaration de Degussa manque de précision et dénature certains faits.

126    La requérante fait valoir, à cet égard, qu’aussi bien elle‑même qu’Ecka ont pu démontrer, dans leurs réponses à la communication des griefs, que l’affirmation de Degussa dans sa déclaration, selon laquelle la première réunion du volet de l’entente relatif au magnésium a eu lieu à la fin de l’année 2004 et a été organisée par la requérante, était une « pure invention ». Il s’ensuivrait que la déclaration de Degussa ne serait pas crédible et devrait, conformément à la jurisprudence, être traitée avec prudence, et ce d’autant plus que Degussa chercherait à se disculper et aurait effectivement obtenu une réduction du montant de l’amende sur la base de cette déclaration.

127    En outre, Degussa n’aurait fourni aucun document susceptible de corroborer sa déclaration. Elle aurait seulement fourni la reconstitution d’un tableau prétendument établi lors de la première réunion de l’entente, lequel ne comporterait que très peu d’informations et serait dès lors dénué de valeur probante. D’autres allégations de Degussa, telles que celle selon laquelle la requérante aurait reçu une compensation pour les volumes de vente perdus au profit de SKW ou celle selon laquelle le représentant de la requérante aurait apporté, lors d’une réunion du 11 octobre 2006, un ordinateur portable qu’il aurait utilisé pour projeter un tableau, ne seraient étayées par aucun élément de preuve.

128    Il convient de relever que les affirmations de la requérante quant à la première réunion de l’entente constituent une description incomplète et, en définitive, inexacte des faits, tels qu’ils ressortent des éléments du dossier. Certes, il ressort du dossier que, aux points 166 et 167 de la communication des griefs, la Commission a relevé que la première réunion relative au magnésium avait eu lieu le 20 janvier 2005, à l’hôtel Gasthof Brandstätter à Salzbourg. Aux points 181 à 183 de sa réponse à ladite communication, la requérante a affirmé que les deux personnes qui, selon la déclaration de Degussa, l’avait représentée lors de cette réunion, se trouvaient ailleurs ce jour là. Elle a étayé ces affirmations par des éléments de preuve que la Commission a dû considérer comme convaincants, dans la mesure où elle n’a pas répété cette affirmation dans la décision attaquée. Le considérant 125 de celle‑ci relève que la première réunion relative au magnésium a eu lieu à la fin de l’année 2004 ou au début de l’année 2005, à une date qui n’a pas pu être déterminée.

129    Toutefois, la référence, apparemment inexacte, à la participation de la requérante à une réunion le 20 janvier 2005 ne trouve pas son origine dans la déclaration de Degussa. En effet, le point 166 de la communication des griefs renvoie, lorsqu’il mentionne cette date, à la note en bas de page n° 425, qui renvoie elle-même à une copie du calendrier de M.S., figurant parmi les documents saisis, laquelle comporte, pour la date du 20 janvier 2005, une mention relative à une réunion portant sur le magnésium, mais sans davantage d’explications. La déclaration de Degussa relève, au contraire, que cette réunion a eu lieu « fin 2004 ». Cette dernière information est également mentionnée à la note en bas de page susvisée de la communication des griefs.

130    Il s’ensuit que ces affirmations de la requérante ne démontrent ni que la déclaration de Degussa a dénaturé les faits ni qu’elle manque de crédibilité.

131    Pour ce qui est des affirmations figurant dans la déclaration de Degussa, selon lesquelles la requérante aurait reçu une compensation pour les ventes perdues au profit de SKW et que son représentant aurait projeté un tableau, lors d’une réunion, à l’aide de son ordinateur portable, il convient de relever que la requérante réitère dans sa requête, à cet égard, les négations déjà énoncées dans sa réponse à la communication des griefs. Celles‑ci n’ont toutefois été étayées par aucun élément de preuve et ne sont pas, à elles seules, à même de démontrer que la déclaration de Degussa a dénaturé les faits ou qu’elle manque de crédibilité.

132    S’agissant de la « reconstitution » du tableau échangé lors de la première réunion, fournie par Degussa, il s’agit du tableau dont la production a été demandée à la Commission et qui a finalement été produit après l’audience (voir point 10 ci‑dessus). Il est exact que la plupart des colonnes de ce tableau sont vides. Toutefois, sa structure est très semblable à celle de plusieurs tableaux figurant parmi les documents saisis et il mentionne les entreprises prétendument impliquées dans le volet de l’entente relatif au magnésium, c’est-à-dire, la requérante (Alm), Ecka (Eck), SKW (SSM, à savoir SKW Stahl-Metallurgie), La Continentale (LAC) et MCPT, en l’occurrence un petit négociant de magnésium également mentionné à la note en bas de page n° 76 de la décision attaquée. Partant, sans qu’il soit nécessaire de déterminer la valeur probante exacte de ce tableau, il suffit de relever qu’il n’est en aucun cas de nature à jeter un doute sur la crédibilité de la déclaration de Degussa.

133    De plus, il convient de faire remarquer que les volumes de ventes mentionnés dans la déclaration de Degussa correspondent parfaitement aux volumes indiqués dans un tableau figurant parmi les documents saisis, ce qui est incontestablement de nature à renforcer la crédibilité de cette déclaration.

134    Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel Degussa chercherait à s’exonérer de toute responsabilité et à obtenir une réduction du montant de l’amende, de sorte que sa déclaration devrait être traitée avec prudence, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence évoquée aux points 92 à 96 que, si une certaine prudence à l’égard des déclarations telles que celle de Degussa en l’occurrence est de mise, elles peuvent constituer un élément de preuve à prendre en considération afin de conclure qu’une infraction aux règles de concurrence a été commise, a fortiori lorsqu’elles sont étayées par d’autres éléments de preuve, comme c’est le cas en l’espèce.

 Sur la déclaration de Donau Chemie

135    La requérante fait valoir que la décision attaquée s’est fondée sur la déclaration de Donau Chemie, en méconnaissance du fait que celle‑ci avait retiré ses allégations relatives au magnésium lors de l’audition des 10 et 11 novembre 2008, tenue dans le cadre de la procédure administrative. Elle ajoute que, contrairement à ce qui est affirmé au considérant 167 de la décision attaquée, elle n’avait pas contesté la crédibilité de la déclaration de Donau Chemie au motif qu’elle n’était pas un fournisseur de magnésium, mais au motif qu’il existait un « conflit latent » entre elle et Donau Chemie, laquelle la considérait comme un nouvel entrant agressif sur le marché, mettant en péril sa propre position et celle de SKW sur ce marché.

136    Dans sa déclaration, Donau Chemie avait, notamment, relevé ce qui suit au sujet du magnésium :

« Donau Chemie n’a aucune part du marché du magnésium et était pour cette raison exclue de ces ‘discussions sur le magnésium’. Mais Donau Chemie a pu observer que des négociations parallèles relatives au magnésium [avaient] été tenues, et ce apparemment par les mêmes personnes qu’en ce qui concernait les discussions sur l’acier. »

137    À l’appui de son affirmation selon laquelle Donau Chemie aurait retiré ses allégations, la requérante reproduit dans sa requête une déclaration lors de l’audition qu’elle attribue à M. D., apparemment un employé de Donau Chemie. Celui‑ci aurait déclaré ce qui suit :

« Nous n’avons certes pas assisté à la conclusion d’un accord en matière de magnésium, nous l’avons seulement déduit du comportement des participants sur le marché. »

138    Afin de replacer cette phrase dans son contexte, le Tribunal a demandé la production de l’intégralité de la déclaration de M. D. et la Commission a effectivement produit, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure en ce sens, l’enregistrement sonore intégral de cette déclaration. Il ressort de la consultation de cet enregistrement que M. D. n’a pas remis en question l’existence d’un volet de l’entente relatif au magnésium. L’extrait de sa déclaration invoqué par la requérante est certes exact. Toutefois, il s’inscrit dans une partie de cette déclaration dans laquelle M. D. s’est efforcé de démontrer que Donau Chemie n’était pas impliquée dans ce volet de l’entente, mais, au contraire, en était une victime, dans la mesure où elle achetait du magnésium et, du fait de l’existence d’un volet de l’entente portant sur ce produit, devait payer des prix plus élevés.

139    Il s’ensuit que l’extrait de la déclaration de M. D. invoqué par la requérante ne constitue pas, contrairement à ce que celle-ci fait valoir, un retrait des allégations sur le magnésium figurant dans la déclaration de Donau Chemie. Tout au plus s’agit‑il d’une explicitation et d’une précision au sujet de ces allégations. Il convient de relever, en outre, que ces allégations ont pour l’essentiel été confirmées non seulement par la déclaration subséquente de Degussa, mais également par les documents saisis. Enfin, la seule référence de la requérante, qui n’est au demeurant étayée par aucun élément de preuve, à un conflit latent entre elle et Donau Chemie n’est pas suffisante pour remettre en question la crédibilité de la déclaration de cette dernière. Dans ces conditions et en tenant également compte de la jurisprudence citée aux points 92 à 96 ci‑dessus, il convient de conclure que c’est à juste titre que la Commission a pris cette déclaration en considération aux fins de la preuve de l’infraction litigieuse.

 Sur l’objet des réunions des fournisseurs de magnésium

140    La requérante fait valoir que, contrairement à ce qui est affirmé au considérant 163 de la décision attaquée, elle avait avancé une explication alternative s’agissant de l’objet des réunions des fournisseurs de magnésium. Elle aurait toujours maintenu qu’une multitude de sujets totalement légitimes avait, en réalité, été abordée entre ces fournisseurs. En particulier, durant la période de la prétendue entente, des discussions se seraient tenues sur le thème du recyclage du magnésium et des réunions entre les concurrents auraient été organisées pour évoquer la mise en œuvre de projets commerciaux concrets. À l’appui de ces affirmations, la requérante invoque les éléments de preuve qu’elle a présentés à l’appui d’une affirmation analogue, figurant dans sa réponse à la communication des griefs. Elle s’appuie en outre sur les déclarations de M. T. de La Continentale, évoquées au point 123 ci‑dessus.

141    Force est de constater que ces affirmations vagues et générales de la requérante ne constituent pas une explication alternative s’agissant de l’objet des réunions évoquées dans la décision attaquée. Elles ne sont, en outre, aucunement étayées par le peu d’éléments de preuve qui existent.

142    En particulier, les éléments annexés à la réponse de la requérante à la communication des griefs consistent en des comptes rendus d’un groupe de travail intitulé « Recyclage du magnésium ». Il en ressort que, durant la période allant de novembre 2004 à avril 2007, ce groupe s’est réuni six fois, environ tous les six mois. Ni les lieux ni les dates de ces réunions ne coïncident avec les lieux et les dates des réunions mentionnées dans la décision attaquée et dans la déclaration de Degussa. Il en va de même des participants. Ecka était toujours représentée par M. K. lors des réunions dudit groupe de travail. Le nom de M. S. qui, selon la déclaration de Degussa, participait également pour le compte d’Ecka aux réunions du volet de l’entente relatif au magnésium, et auquel appartenaient les documents saisis (voir point 48 ci‑dessus), n’apparaît pas sur les listes de présence des réunions du groupe de travail susmentionné, annexées aux comptes rendus. Ni SKW ni Degussa n’avaient envoyé un représentant aux réunions de ce groupe. Il en va de même de La Continentale et de M. T. Le nombre de participants à ces réunions était assez élevé, en l’occurrence des dizaines de participants, et elles comprenaient également des représentants d’entreprises actives dans d’autres domaines tels que la construction automobile. Par conséquent, si ces documents démontrent à suffisance de droit l’existence de ce groupe de travail et la participation de la requérante à celui‑ci, ils ne sauraient fournir une explication alternative aux réunions mentionnées dans la décision attaquée avec lesquelles ils ne présentent, manifestement, aucun lien.

143    La requérante a également annexé à sa réponse à la communication des griefs certains autres documents. Ceux-ci sont toutefois dépourvus de pertinence, dans la mesure où ils ne concernent aucune réunion multilatérale, mais portent plutôt sur un projet auquel participait la requérante en commun avec une autre entreprise, non impliquée dans l’entente, ainsi que sur une proposition de la requérante d’acquérir une usine abandonnée d’Ecka.

144    S’agissant des déclarations de M. T., il a déjà été relevé au point 123 ci‑dessus qu’elles ne remettaient pas en cause la déclaration de Degussa et les autres éléments qui l’appuient, dont notamment les documents saisis. Cela est d’autant plus le cas que M. T. semble admettre que les réunions alléguées ou, du moins, certaines d’entre elles, ont eu lieu, quand bien même il contesterait qu’elles aient eu un objet anticoncurrentiel.

145    Plus généralement, il convient de constater que, si la requérante conteste certes sa participation au volet de l’entente relatif au magnésium, elle n’a toutefois pas avancé dans sa requête une explication alternative, complète et cohérente, susceptible de donner un autre sens aux différents éléments invoqués dans la décision attaquée en guise de preuves de sa participation.

146    Ainsi, elle conteste la crédibilité des déclarations de Degussa et de Donau Chemie, mais n’avance aucune explication au fait que les allégations qui y figurent sont, dans une grande mesure, confirmées par les documents saisis, obtenus dans les locaux d’une autre entreprise, à savoir Ecka, et au fait que les auteurs des deux déclarations en cause, au moment où ils les ont faites, ne pouvaient pas avoir eu connaissance desdits documents. La requérante n’a pas non plus avancé une explication alternative en ce qui concerne la nature de ces documents. En particulier, elle n’a pas expliqué la présence sur ces documents de ce qui semble, à première vue, être des informations commerciales confidentielles la concernant et dont logiquement elle seule pouvait être la source. En outre, si elle a qualifié de « pure invention » les allégations de Degussa relatives à la première réunion du volet de l’entente relatif au magnésium, au demeurant sur une base factuelle insuffisante (voir points 128 à 130 ci‑dessus), elle n’a pas pris position par rapport aux autres réunions alléguées. En effet, à la lecture de ses écrits, il ne ressort pas clairement si elle affirme que lesdites réunions n’ont pas eu lieu du tout ou, du moins, qu’elle n’y a pas participé ou si, plutôt, elle admet qu’elles ont bien eu lieu, tout en affirmant qu’elles poursuivaient un objectif légitime et aucunement anticoncurrentiel. Il convient à cet égard de constater que même M. T., sur les déclarations duquel la requérante s’est pour le reste appuyée, a admis avoir participé à une réunion avec notamment un représentant de la requérante, en octobre 2006 (voir point 123 ci‑dessus). Or, la requérante n’a pas expliqué quel était l’objectif de cette réunion. Elle n’a pas davantage produit un quelconque élément susceptible de démontrer que cet objectif était légitime. L’on pourrait, cependant, s’attendre logiquement à ce qu’une entreprise comme la requérante dispose d’une trace écrite de réunions d’affaires ayant poursuivi des objectifs légitimes.

147    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission a invoqué, en l’espèce, un nombre abondant d’éléments factuels qui, au regard de la jurisprudence citée au point 88 ci-dessus, sont de nature à obliger la requérante à fournir une explication ou une justification. Il a déjà été constaté aux points précédents qu’aucune explication ou justification de cette nature n’avait été fournie par la requérante, si bien que, conformément à la jurisprudence évoquée, il convient de conclure que la Commission s’est valablement acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait s’agissant de la participation de la requérante au volet de l’entente relatif au magnésium. Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la qualification erronée des aspects de l’entente relatifs, respectivement, au carbure de calcium en poudre et au magnésium en granulés, d’infraction unique et continue

148    Par son troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une « erreur manifeste d’appréciation », en ce qu’elle a considéré que l’entente relative au carbure de calcium et celle relative au magnésium constituaient une infraction unique et continue.

149    Il convient de constater que, même dans l’hypothèse où ce moyen serait fondé et la décision attaquée devrait être annulée pour ce motif, la Commission serait en droit de constater deux infractions distinctes à l’égard de la requérante, dès lors qu’il ne ressort pas du dossier et que la requérante n’a pas allégué que l’une ou l’autre de ces infractions serait, dans une telle hypothèse, prescrite. La Commission serait dès lors en droit de sanctionner ces deux infractions par deux amendes distinctes, dont la somme pourrait dépasser celle de l’amende infligée à la requérante par la décision attaquée. Dans ces conditions, lors de l’audience, le Tribunal a invité la requérante à expliquer quel était son intérêt à soulever le présent moyen.

150    La requérante a insisté, en réponse, sur le fait qu’elle avait un intérêt légitime réel à contester ce volet de la décision attaquée et que, partant, le présent moyen n’était pas inopérant.

151    Le Tribunal considère que la question du caractère opérant du présent moyen ne doit pas être tranchée, dès lors que celui-ci doit, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé.

 Rappel de la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique

152    La notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée par un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore par des infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et des sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 257, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 89). Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes une violation de l’article 81 CE (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 88 supra, point 258, et arrêt BPB/Commission, précité, point 252). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la notion d’infraction unique peut se rapporter à la qualification juridique d’un comportement anticoncurrentiel consistant en accords, en pratiques concertées et en décisions d’associations d’entreprises (voir arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, précité, point 91, et la jurisprudence citée).

153    Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 88 supra, point 258). La Cour a également jugé qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, était également responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction. Tel est, en effet, le cas lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque, sans que cela remette en cause le principe de la responsabilité personnelle pour de telles infractions, ni celui de l’analyse individuelle des preuves à charge (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 83). Il s’ensuit que, afin d’établir la participation d’une entreprise à un accord anticoncurrentiel, la Commission doit prouver que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 87).

154    Il importe également de préciser que la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par une référence générale à la distorsion de la concurrence sur le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément inhérent à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait pour conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique. Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du « jeu normal » de la concurrence et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu, y compris les méthodes employées, et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 152 supra, point 92 ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, points 179 à 181).

155    Enfin, il y a également lieu de rappeler que le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction à son égard. Il n’y a lieu de prendre en considération cet élément que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 88 supra, point 86).

 Décision attaquée

156    Aux considérants 168 à 172 de la décision attaquée, la Commission a, en substance, repris les considérations de la jurisprudence citée aux points 152 à 155 ci-dessus. Ensuite, au considérant 173, elle a relevé que, dans la communication des griefs, elle était parvenue à la conclusion provisoire que l’ensemble des accords et des pratiques concertées en cause en l’espèce constituait une infraction unique et continue, quand bien même les événements litigieux, pris isolément, constitueraient chacun une infraction aux règles de concurrence. Selon le considérant 175, la plupart des participants à l’entente n’avaient pas émis de doutes quant à cette conclusion. Les arguments de ceux qui l’avaient contestée, en tout ou en partie, sont résumés au considérant 176. La requérante ne figure pas parmi les participants à l’entente ayant contesté la conclusion sur l’existence d’une infraction unique et continue.

157    Au considérant 177, la Commission a relevé qu’elle était consciente que les événements qui constituaient l’objet de la décision attaquée avaient eu lieu sur deux marchés, à savoir ceux des réactifs destinés aux industries, respectivement, sidérurgique et gazière, et concernaient trois produits. Elle a toutefois souligné que, pour les motifs exposés aux considérants 181 à 194, ils constituaient un ensemble d’accords et des pratiques concertées liés entre eux, de manière à constituer une infraction unique et continue.

158    Les motifs exposés aux considérants 181 à 194 de la décision attaquée abordent cinq questions différentes. Premièrement, les considérants 181 à 184 se rapportent aux produits visés par l’entente. Il y est notamment constaté que, pour les clients de l’industrie sidérurgique, le magnésium en granulés constitue un produit alternatif au carbure de calcium en poudre, dès lors que les deux produits sont des réactifs de désulfuration. Il aurait été logique, pour les fournisseurs des produits basés sur le carbure de calcium, d’étendre l’entente également pour inclure le magnésium (considérant 181). Par ailleurs, les accords et les pratiques concertées relatifs au carbure de calcium en poudre pour l’industrie sidérurgique auraient exercé une influence sur la pratique commerciale des entreprises concernées pour le magnésium en granulés et inversement (considérant 184). La Commission se réfère à cet égard à certains éléments de preuve démontrant, selon elle, que la pression concurrentielle exercée par le magnésium sur le carbure de calcium en poudre avait été prise en considération pour la détermination d’une augmentation réaliste du prix de ce dernier produit.

159    Deuxièmement, les considérants 185 à 188 de la décision attaquée se réfèrent aux participants à l’entente. Il y est constaté que tous les destinataires de ladite décision avaient participé à l’entente relative au carbure de calcium en poudre destiné à l’industrie sidérurgique. Quatre d’entre eux auraient également été impliqués dans les activités de l’entente relatives au carbure de calcium en granulés destiné à l’industrie gazière (considérant 185). Les trois autres, dont la requérante, auraient également participé aux activités relatives au magnésium en granulés et auraient ainsi une connaissance directe de deux composants au moins de l’infraction unique. Les personnes morales directement impliquées seraient, en règle générale, les mêmes et les individus qui auraient représenté les entreprises lors des réunions multilatérales relatives au carbure de calcium en poudre auraient également participé aux réunions relatives au magnésium (considérant 186). La Commission constate, au considérant 187, qu’aucune des entreprises concernées ne réalisait un chiffre d’affaires important pour les trois composants de l’infraction, mais elle considère que ce seul fait n’exclut pas l’existence d’une infraction unique. Enfin, au considérant 188, elle constate que l’existence d’un troisième composant de l’entente n’était pas tenue secrète. Elle fait référence, à cet égard, notamment au fait que Donau Chemie, qui avait participé aux volets de l’entente relatifs au carbure de calcium en poudre et en granulés, mais n’était pas un fournisseur de magnésium, avait informé la Commission de l’existence du troisième composant de l’infraction unique, relatif à ce dernier produit.

160    Troisièmement, les considérants 189 à 191 de la décision attaquée concernent la période durant laquelle se sont déroulées les réunions de l’entente. Il y est constaté notamment que les réunions relatives au magnésium étaient souvent tenues immédiatement après les réunions multilatérales relatives au carbure de calcium en poudre (considérant 190). Selon la Commission, le chevauchement entre la durée des accords et des pratiques concertées relatifs à chaque produit (carbure de calcium en poudre et en granulés, magnésium en granulés) ainsi qu’entre les réunions correspondantes démontre que les accords relatifs au partage des marchés et à la fixation des prix concernaient les trois produits et étaient liés entre eux (considérant 191).

161    Quatrièmement, il est constaté aux considérants 192 et 193 de la décision attaquée que, quand bien même les réunions relatives à chacun des trois produits susmentionnés auraient souvent été organisées de manière séparée, les fournisseurs utilisaient le même mécanisme pour parvenir à l’objectif recherché. Ce mécanisme consistait en un gel des parts de marché lors d’une réunion initiale, suivi de la conclusion d’un accord sur l’augmentation des prix. En outre, les tableaux de parts de marché utilisés auraient présenté des formes très proches (considérant 192). De plus, le mécanisme de contrôle et d’application des accords, sous la forme de discussions de suivi et/ou de contacts téléphoniques bilatéraux, aurait été identique pour chacun des trois produits (considérant 193).

162    Cinquièmement, enfin, les accords auraient poursuivi un objectif anticoncurrentiel unique. En raison d’une consolidation de la demande, les fournisseurs des trois produits auraient eu l’impression d’être actifs sur un marché en recul et auraient décidé de défendre leur position de manière commune, au lieu de se faire concurrence. Leur but aurait été de stabiliser le marché par un partage des clients entre eux et une augmentation des prix à un niveau supérieur à celui qui aurait été atteint par le jeu normal de la concurrence (considérant 194).

 Analyse du moyen

163    Par son argumentation relative au présent moyen, la requérante conteste, en particulier, l’affirmation figurant au considérant 181 de la décision attaquée (voir point 158 ci‑dessus), selon laquelle les clients de l’industrie sidérurgique peuvent utiliser le magnésium en granulés comme alternative au carbure de calcium. Elle fait valoir qu’il n’existe pas de véritable substituabilité entre ces deux produits, de sorte que l’affirmation susvisée, qui figure dans la décision attaquée, témoigne d’une « erreur manifeste d’appréciation » de la Commission quant à la nature unique et continue de l’infraction.

164    La requérante explique que si une substituabilité entre les deux produits en cause avait existé dans le passé, cela tenait à l’utilisation courante, à l’époque, de la procédure dite de « mono‑injection ». Toutefois, la procédure actuellement utilisée, dite de « coinjection », impliquerait une utilisation parallèle indépendante du carbure de calcium et du magnésium. La quasi‑intégralité des usines sidérurgiques utiliserait actuellement le magnésium et le carbure de calcium dans des volumes correspondant à un rapport de 1 à 5. Une fois le ratio de ces deux produits fixé, l’usine concernée ne le modifierait pas. Par ailleurs, pour des motifs techniques et compte tenu des caractéristiques des deux produits concernés, aucun d’entre eux ne saurait être employé seul dans les systèmes de désulfuration en Europe occidentale. La requérante admet que les deux produits sont semblables, mais insiste sur le fait qu’ils ne sont pas substituables.

165    Selon la requérante, l’évolution du prix du magnésium et des quantités livrées confirmerait ses affirmations. Elle a présenté, à l’annexe de sa requête, un récapitulatif des quantités de magnésium et de carbure de calcium qu’elle avait vendues de 2004 à 2008, ainsi que des indications sur l’évolution du prix du magnésium pendant la même période. Il ressort, selon elle, de ces informations que l’évolution de ses ventes de carbure de calcium est restée parallèle à celle de ses ventes de magnésium, même lors des périodes d’augmentation significative du prix du magnésium.

166    La requérante ajoute que les réunions auxquelles elle a participé ne concernaient que le carbure de calcium destiné à l’industrie sidérurgique. Des réunions distinctes auraient eu lieu entre les fournisseurs de carbure de calcium destiné à l’industrie gazière ainsi que, selon la Commission, entre les producteurs de magnésium, dont certains n’auraient pas produit de carbure de calcium. Inversement, plusieurs fournisseurs de carbure de calcium n’auraient pas fourni de magnésium. Il découle, selon la requérante, de ces éléments qu’aucun plan global poursuivant un objectif commun au carbure de calcium et au magnésium ne pouvait exister.

167    Il convient de préciser d’emblée que, contrairement à ce que la requérante affirme, son argumentation résumée ci‑dessus ne tend pas à démontrer une erreur manifeste d’appréciation de la Commission, mais, d’une part, remet en question l’exactitude matérielle des faits constatés dans la décision attaquée et, en particulier, la substituabilité entre le carbure de calcium en poudre et le magnésium et, d’autre part, soulève, en substance, une erreur de droit, en ce qu’elle reproche à la Commission d’avoir considéré à tort que les violations des règles de concurrence constatées dans la décision attaquée s’inscrivaient dans le cadre d’une infraction unique et continue.

168    Cela ayant été précisé, il y a lieu d’analyser, d’abord, l’argument de la requérante résumé au point 166 ci‑dessus. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la décision attaquée reproche à trois entreprises, à savoir la requérante, Ecka et SKW (voir point 81 ci‑dessus), une participation au volet de l’entente relatif au magnésium. Ces trois entreprises fournissaient également du carbure de calcium en poudre et, selon la décision attaquée, ont également participé au volet de l’entente relatif à ce dernier produit (voir considérants 13, 20, 25 et 57 de la décision attaquée). Ainsi, quand bien même, comme le fait valoir la requérante, certains fournisseurs de magnésium n’auraient pas fourni de carbure de calcium, les seuls trois fournisseurs de magnésium accusés de participation au volet de l’entente relatif à ce produit ont également participé au volet de l’entente relatif au carbure de calcium en poudre. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette double participation constitue un élément susceptible de démontrer que l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun aux deux produits en question était au moins plausible.

169    Par ailleurs, le seul fait que des réunions distinctes ont eu lieu pour chacun des trois produits concernés par l’entente n’est pas suffisant pour exclure l’existence d’une infraction unique et continue, et ce d’autant plus que, comme le relève la décision attaquée (voir point 160 ci‑dessus), les réunions relatives au magnésium avaient lieu en général immédiatement après celles relatives au carbure de calcium en poudre. En effet, dès lors qu’aucun des participants à l’entente n’était impliqué dans la fourniture des trois produits visés par celle‑ci, l’absence de réunions communes pour l’ensemble de ces produits peut s’expliquer par des considérations purement pratiques et ne constitue pas nécessairement une indication de l’absence d’un plan global poursuivant un objectif commun.

170    S’agissant, ensuite, de l’argument de la requérante tiré de l’absence de substituabilité entre le carbure de calcium en poudre et le magnésium, il convient de relever qu’il est contesté par la Commission. Toutefois, sans qu’il soit nécessaire de trancher cette question, il suffit de relever que, même à admettre la thèse de la requérante, selon laquelle, en substance, les deux produits, à savoir le carbure de calcium en poudre et le magnésium, sont complémentaires plutôt que substituables, cela ne suffit pas pour remettre en cause l’existence d’une infraction unique en l’espèce.

171    En effet, l’argumentation de la requérante est, implicitement, mais clairement, fondée sur la prémisse selon laquelle une infraction unique ne peut que concerner le même produit ou, tout au plus, des produits substituables. Or, cette prémisse est erronée.

172    Certes, la constatation de violations des règles de concurrence portant sur des produits distincts a pu être avancée par la jurisprudence pour justifier la conclusion selon laquelle lesdites violations ne s’inscrivaient pas dans le cadre d’une infraction unique et continue (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, points 170 et 171, et du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, point 310). Toutefois, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence que, inversement, toute infraction unique doit nécessairement porter sur le même produit ou sur des produits substituables.

173    Il convient de relever à cet égard que la jurisprudence contient des exemples d’infractions uniques aux règles de la concurrence portant sur plusieurs produits, non substituables entre eux. Ainsi, dans son arrêt du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission (C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, points 4, 170, 171, 173, 180 et 185), la Cour a approuvé la conclusion selon laquelle les agissements litigieux, ayant trait au marché du matériel électrotechnique en gros, s’inscrivaient dans le cadre d’une infraction unique. Or, il convient de constater que la notion de « matériel électrotechnique » englobe plusieurs produits qui ne sont pas, à l’évidence, tous substituables entre eux. De même, dans son arrêt du 14 mai 1998, Sarrió/Commission (T‑334/94, Rec. p. II‑1439, points 2 à 5, 158 et 164 à 175), non invalidé sur ces points par l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission (C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991), le Tribunal a approuvé la conclusion de la Commission selon laquelle les agissements constatés par celle‑ci, portant sur trois types distincts de produits, non substituables entre eux, s’inscrivaient dans le cadre d’une infraction unique et continue aux règles de la concurrence.

174    Plus généralement, il ressort de la jurisprudence citée aux points 152 à 155 ci‑dessus, que plusieurs critères sont pertinents pour apprécier le caractère unique d’une infraction. Outre l’identité ou la substituabilité des produits concernés, ces critères incluent l’identité ou la diversité des objectifs des pratiques en cause (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 67, Technische Unie/Commission, point 173 supra, points 170 et 171, et Jungbunzlauer/Commission, point 172 supra, point 312), l’identité des entreprises qui y ont pris part (voir, en ce sens, arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 172 supra, point 312) et l’identité des modalités de mise en œuvre desdites pratiques (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri/Commission, précité, point 68). D’autres critères pertinents sont l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause.

175    En l’espèce, s’il est vrai que, dans la décision attaquée, la Commission a évoqué la substituabilité du carbure de calcium en poudre et du magnésium pour l’industrie sidérurgique (voir point 158 ci‑dessus), elle n’a pas fondé sa conclusion quant au caractère unique de l’infraction litigieuse sur ce seul élément. Ainsi qu’il a été relevé aux points 159 à 162 ci‑dessus, pour arriver à cette conclusion, elle a également pris en considération, premièrement, le fait que tous les participants au volet de l’entente relatif au carbure de calcium en poudre qui fournissaient du magnésium ont également participé au volet de l’entente relatif à ce dernier produit, deuxièmement, le chevauchement important entre la durée des accords et des pratiques concertées relatifs à ces deux produits ainsi que des réunions correspondantes, troisièmement, l’identité du mécanisme utilisé pour parvenir à l’objectif recherché pour chacun de ces deux produits ainsi que, quatrièmement, l’objectif anticoncurrentiel unique desdits accords et pratiques concertées. Selon la jurisprudence citée aux points 152 à 155 et 174 ci‑dessus, il s’agit, dans tous les cas, de critères pertinents, susceptibles de fonder la conclusion quant au caractère unique de l’infraction litigieuse.

176    Outre la contestation de la substituabilité des deux produits en cause, la requérante a uniquement contesté l’affirmation de la décision attaquée selon laquelle la participation de certaines entreprises à la fois aux réunions relatives au carbure de calcium en poudre et au magnésium constituait une indication de l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun. Toutefois, il ressort des points 168 et 169 ci‑dessus que cette dernière contestation doit être rejetée.

177    Du reste, la requérante n’a pas contesté les autres éléments évoqués dans la décision attaquée, tels qu’ils sont résumés au point 175 ci‑dessus, et qui, pris avec la considération de la décision attaquée approuvée au point précédent, sont susceptibles de fonder à suffisance de droit la conclusion relative au caractère unique de l’infraction litigieuse.

178    En outre, à supposer que, pour l’industrie sidérurgique, le carbure de calcium et le magnésium soient des produits complémentaires, comme le fait en substance valoir la requérante, il n’en reste pas moins qu’ils sont destinés aux mêmes clients, en l’occurrence les usines sidérurgiques, ce qui constitue également un élément plaidant pour le caractère unique de l’infraction litigieuse. Eu égard à cette considération, quand bien même les deux produits en cause ne seraient pas substituables, les considérations de la Commission résumées au point 158 ci‑dessus conserveraient une grande partie de leur pertinence.

179    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure qu’aucune erreur de droit ne saurait en l’espèce être reprochée à la Commission du fait qu’elle a conclu au caractère unique de l’infraction litigieuse, si bien que le présent moyen doit, en tout état de cause, être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur son caractère opérant.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de la communication sur la clémence

180    Par son quatrième moyen, avancé à l’appui du chef de conclusions subsidiaire tendant à la réduction du montant de l’amende, la requérante fait valoir que la Commission a violé la communication sur la clémence en ce qu’elle a refusé de lui accorder une réduction dudit montant en réponse à sa demande en ce sens.

181    Il ressort du considérant 347 de la décision attaquée que la requérante a présenté, le 6 février 2007, une demande en vue de bénéficier de la communication sur la clémence. Cette demande consistait en une déclaration orale, étayée par onze pages de documents. La demande de la requérante se référait uniquement au carbure de calcium en poudre. Elle a été rejetée par la Commission, pour les motifs exposés aux considérants 347 à 349 de la décision attaquée.

182    Le considérant 347 de la décision attaquée mentionne notamment :

« Étant donné que la Commission disposait déjà d’un nombre suffisant de preuves, notamment pour [le carbure de calcium en poudre], la demande n’a pas apporté de valeur ajoutée significative. Les informations fournies par Almamet n’étaient plus à même de renforcer la capacité de la Commission à prouver les faits. Au contraire, Almamet a explicitement limité les informations concernant la collusion sur la poudre de carbure de calcium et a tenté de minimiser son propre rôle et sa responsabilité dans l’entente, en rejetant toute la faute et la responsabilité sur NCHZ […] Même si elles ont pu s’avérer utiles sporadiquement pour corroborer/illustrer certains faits […] les informations apportées par Almamet étaient marginales au vu de l’étendue de l’infraction […] »

183    Les considérants 348 et 349 de la décision attaquée sont ainsi libellés :

« (348) Almamet affirme qu’elle mérite une réduction de 20 à 30 %, car sa demande a précédé celle de Degussa. La Commission souligne que cet argument omet le fait que le critère déterminant est la valeur ajoutée significative de la déclaration, et non le moment auquel celle-ci a été soumise. La déclaration d’Almamet ne répondait pas au critère de valeur ajoutée significative, car, contrairement aux allégations d’Almamet, l’existence de la réunion du 22 avril 2004 et sa teneur étaient déjà connues de la Commission [...] et cette dernière possédait déjà suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer l’existence de l’infraction concernant la poudre de carbure de calcium pour toute sa durée et en relation avec tous les participants [...]

(349) Au vu de ce qui précède, Almamet ne peut pas bénéficier d’une réduction. »

184    Il convient, à cet égard, de relever qu’il ressort de la lecture combinée des points 20 et 21 de la communication sur la clémence, que les entreprises qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d’une immunité d’amendes, peuvent toutefois bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qui, à défaut, leur aurait été infligée. Afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve.

185    Selon le point 22 de la communication sur la clémence, la notion de « valeur ajoutée » vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Le même point ajoute :

« Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que les éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers. »

186    L’argumentation présentée par la requérante dans le cadre du présent moyen s’articule en deux branches. Par la première, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur d’appréciation en ce qu’elle a estimé que les éléments présentés dans la demande de clémence n’apportaient pas une valeur ajoutée significative. Dans le cadre de la seconde branche, elle fait valoir que la Commission n’était pas fondée à lui refuser une réduction du montant de l’amende, au seul motif que sa demande ne contenait aucune information sur le magnésium.

187    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, en adoptant des règles de conduite telles que, en l’occurrence, la communication sur la clémence et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles‑ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 211 ; arrêts du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 44, et Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 152 supra, point 146).

188    Cela ayant été rappelé, il convient de rejeter d’emblée la deuxième branche comme étant fondée sur une prémisse erronée. Dans son argumentation, la requérante part de la prémisse que la Commission a rejeté sa demande en vertu de la communication sur la clémence, au motif qu’elle n’avait pas fourni d’informations et d’éléments de preuve par rapport au magnésium.

189    Or, sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir s’il aurait été possible de refuser à la requérante une réduction du montant de l’amende pour un tel motif, force est de constater à la lecture des considérants 347 à 349 de la décision attaquée que, en tout état de cause, ce n’est pas pour ce motif qu’une réduction du montant de l’amende a été refusée à la requérante, mais au motif que les informations et les éléments de preuve qu’elle avait présentés par rapport au carbure de calcium en poudre n’apportaient pas une valeur ajoutée significative.

190     À cet égard, la référence, au considérant 347 de la décision attaquée, à l’absence de toute évocation du magnésium par la requérante dans sa demande doit être lue en combinaison avec le rejet, au considérant 348, de l’argument de la requérante selon lequel elle avait présenté des éléments de preuve avant Degussa. En d’autres termes, la Commission tenait à souligner par cette référence que, contrairement à la demande de Degussa qui, bien que postérieure, apportait une valeur ajoutée significative du fait des informations qu’elle contenait sur le volet de l’entente relatif au magnésium, la demande de la requérante n’évoquait pas ce volet de l’entente, si bien que son éventuelle valeur ajoutée ne pouvait être appréciée que par rapport aux informations et aux éléments de preuve relatifs au carbure de calcium en poudre qu’elle avait présentés. Ayant considéré que ces informations et éléments n’apportaient pas une valeur ajoutée significative, la Commission n’a pas accordé la réduction du montant de l’amende sollicitée.

191    Il convient d’ajouter que, dans le cadre de son argumentation relative à la seconde branche du moyen, telle qu’elle est développée au point 127 de la requête, la requérante évoque également, de manière très elliptique, une atteinte à ses droits de la défense au sujet de laquelle elle se borne à ajouter « (voir précédemment) ». Il ne peut que s’agir d’un renvoi à l’argumentation résumée au point 56 ci‑dessus qui, ainsi qu’il a été relevé aux points 58 à 61 ci‑dessus, doit être rejetée.

192    Il convient d’analyser ensuite la première branche du moyen, qui vise l’appréciation de la Commission selon laquelle les informations et éléments de preuve que la requérante avait transmis en vue de bénéficier de la communication sur la clémence n’apportaient pas une valeur ajoutée significative. La requérante fait à cet égard valoir que la Commission reconnaît elle‑même que les informations qu’elle avait fournies s’étaient avérées utiles pour corroborer certains faits. Il s’ensuit selon la requérante que, dès lors qu’elle était la deuxième société à avoir apporté des éléments présentant une valeur ajoutée significative, elle aurait dû bénéficier d’une réduction du montant de l’amende de 20 à 30 %.

193    En premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle a présenté des éléments de preuve écrits de la réunion du 22 avril 2004 portant sur le carbure de calcium et évoquée aux considérants 64 à 66 de la décision attaquée. La requérante reconnaît que la Commission était déjà, au moment de la présentation de sa demande, en possession de certains documents portant sur cette réunion, saisis dans les locaux de TDR‑Metalurgija d.d. (ci‑après « TDR »), un autre participant à l’entente, mais elle considère que les éléments de preuve qu’elle a apportés ont permis à la Commission de corroborer ses constatations relatives à cette réunion.

194    La requérante ajoute que ni Akzo Nobel ni Donau Chemie n’avaient évoqué cette réunion dans leurs déclarations en vue de bénéficier de la communication sur la clémence. Elle considère, dès lors, que c’était sur la base de sa propre déclaration que la Commission a pu facilement prouver que cette réunion a eu lieu, ce qui a augmenté la durée du volet de l’infraction relatif au carbure de calcium en poudre d’un semestre supplémentaire.

195    À cet égard, il convient d’abord de relever que les allégations de la requérante selon lesquelles Donau Chemie n’avait pas évoqué la réunion du 22 avril 2004 dans sa déclaration, avait qualifié celle du 7 septembre 2004 de première réunion relative au carbure de calcium en poudre et avait, par la suite et après que la requérante avait soumis sa demande, rectifié cette partie de sa déclaration s’avèrent exactes au regard des éléments du dossier. En revanche, il n’en va pas de même de l’allégation de la requérante selon laquelle Akzo Nobel n’avait pas non plus évoqué cette même réunion.

196    Il est certes vrai qu’Akzo Nobel évoque, au point 45 de sa déclaration, une réunion par rapport à laquelle elle relève qu’« [elle] doit probablement être considérée comme étant la première réunion multilatérale [relative au carbure de calcium en poudre] durant l’été 2004 ». Toutefois, au point 46 de la même déclaration, elle fait référence à la « possible » existence d’une réunion antérieure, en avril 2004, déduite de la mention « Prévision avril » figurant sur un des documents qu’elle a annexés à sa déclaration. Il s’ensuit que, dès le début de son enquête qui a été lancée à la suite de la déclaration d’Akzo Nobel (voir point 2 ci‑dessus), la Commission était consciente de la possibilité que le volet de l’entente relatif au carbure de calcium en poudre ait déjà débuté en avril 2004.

197    Il importe également de relever que, pour étayer son affirmation, qui figure au considérant 348 de la décision attaquée, selon laquelle elle avait déjà connaissance, avant la présentation de la demande de clémence de la requérante, de la réunion du 22 avril 2004, la Commission s’est référée, à la note en bas de page n° 676 de la décision attaquée qui renvoie au considérant 64 et à la note en bas de page n° 143 de la même décision, à certains documents saisis dans les locaux de TDR. Dès lors que ces documents n’avaient pas été versés au dossier de l’affaire, le Tribunal a demandé à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, de les produire. La Commission a déféré à cette demande.

198    L’examen de ces documents confirme l’exactitude de l’affirmation de la Commission selon laquelle, indépendamment de la demande de clémence de la requérante, elle disposait de suffisamment d’éléments de preuves de la réunion du 22 avril 2004 relative au carbure de calcium. En effet, parmi les documents en cause figure un rapport rédigé par un des représentants de TDR à cette réunion. Il mentionne la date de la réunion (le 22 avril 2004), le lieu où elle a été tenue (le siège de la requérante), les participants ainsi que les entreprises que ces derniers représentaient (les entreprises mentionnées au considérant 64 de la décision attaquée) et, enfin, un bref résumé du résultat de la réunion, à savoir la conclusion d’un accord portant sur l’augmentation du prix du carbure de calcium. Ce rapport était assorti de quatre pages de notes manuscrites, portant également la date du 22 avril 2004 et comportant, notamment, un tableau mentionnant les quotas de ventes attribuées à TDR.

199    Il convient en outre de relever que les preuves écrites de la réunion du 22 avril 2004, que la requérante a annexées à sa demande de clémence, ne sont en rien comparables en ce qui concerne leur valeur probante. Il s’agit, en réalité, uniquement de la copie d’une facture de restaurant datée du 22 avril 2004. La requérante a fait valoir qu’il s’agissait d’un dîner commun des participants à la réunion. Toutefois, le seul élément permettant d’établir un lien entre cette facture et une réunion de l’entente est le fait que ladite facture comporte, au verso, les noms ou les initiales de quatre personnes ayant participé à la réunion ainsi qu’une brève mention du carbure de calcium qui constitue, de toute évidence, une allusion à l’objet de la réunion.

200    Sans qu’il soit nécessaire de déterminer si cette facture aurait pu, à elle seule, constituer une preuve suffisante de ladite réunion, il suffit de relever, au regard du contenu des documents saisis dans les locaux de TDR, que c’est à juste titre que la Commission a considéré qu’elle n’apportait pas une valeur ajoutée significative par rapport auxdits documents.

201    En second lieu, la requérante soutient qu’elle était la seule société à fournir à la Commission une liste complète des participants aux réunions des 24 janvier, 7 avril et 22 novembre 2005 et du 25 avril 2006 ou une liste exhaustive des thèmes abordés lors de ces réunions. Elle relève que, notamment, elle a informé la Commission qu’au cours de la réunion du 7 avril 2005 les fournisseurs de carbure de calcium avaient convenu d’une augmentation des prix en raison de l’augmentation des coûts de l’énergie.

202    La requérante ajoute qu’elle est la seule société à avoir remis à la Commission une explication complète de l’objet, de l’origine et de l’objectif des tableaux élaborés au cours des réunions relatives au carbure de calcium. Elle aurait, de surcroît, confirmé qu’un tel tableau, communiqué à Akzo Nobel par Donau Chemie, aurait été élaboré lors de la réunion du 22 novembre 2005, ce dont ni Akzo Nobel ni Donau Chemie n’étaient certaines.

203    La requérante aurait également confirmé la date, le lieu et les participants des réunions du 12 juillet 2005, des 21 février, 11 juillet et 10 octobre 2006 et elle aurait communiqué à la Commission des tableaux affectés de manière précise à chaque date de réunion ainsi que des explications sur leur contenu, corroborant ainsi les autres déclarations relatives auxdites réunions et ajoutant des détails significatifs. La requérante serait notamment la seule, avec Akzo Nobel, à avoir fourni à la Commission le tableau établi lors de la réunion du 11 juillet 2006 et à en expliquer le contenu.

204    Cette argumentation, contestée par la Commission, ne saurait prospérer. Les réunions évoquées par la requérante sont analysées aux considérants 72 à 89 de la décision attaquée. Les constatations de la Commission relatives au lieu, à la date et aux participants desdites réunions, telles qu’elles figurent auxdits considérants, sont dans tous les cas étayées par de nombreuses références, en notes en bas de page, aux documents obtenus lors des inspections effectuées par la Commission et aux déclarations de plusieurs entreprises, y compris, dans la plupart des cas, celles d’Akzo Nobel et de Donau Chemie, qui sont antérieures à la demande de la requérante tendant à bénéficier de la communication sur la clémence. Les affirmations de la requérante, selon lesquelles, en substance, un grand nombre de ces constatations ne reposent que sur les informations et éléments qu’elle a elle‑même fournis, ne sont ni explicitées ni étayées par des preuves. La requérante ne fait pas, en règle générale, de références détaillées aux autres documents évoqués dans la décision attaquée, afin de démontrer en quoi exactement les informations et les éléments qu’elle a fournis présentent une valeur ajoutée significative, au sens du point 22 de la communication sur la clémence, par rapport aux informations et aux éléments résultant de ces autres documents. Il s’ensuit que les affirmations vagues et générales de la requérante ne peuvent pas emporter la conviction.

205    Cela est d’autant plus le cas que le peu d’exemples concrets d’une telle valeur ajoutée, fournis par la requérante, ne sont pas confirmés par la décision attaquée. Ainsi, contrairement aux affirmations de la requérante (voir point 201 ci‑dessus), la décision attaquée relève uniquement, au considérant 75, que, lors de la réunion du 7 avril 2005, les participants avaient discuté de l’augmentation des prix de l’énergie et de son influence sur le prix du carbure de calcium et renvoie, à cet égard, non à un quelconque écrit de la requérante, mais à certains documents saisis dans les locaux de TDR ainsi qu’à une communication de NCHZ, en date du 6 février 2008. De même, le considérant 79 de la décision attaquée ne confirme pas l’affirmation de la requérante (voir point 202 ci‑dessus) selon laquelle elle avait informé la Commission de ce que le tableau communiqué par Donau Chemie à Akzo Nobel avait été établi lors de la réunion du 22 novembre 2005. Lorsque, audit considérant de la décision attaquée, elle fait référence à la communication de ce tableau, la Commission renvoie, en note en bas de page n° 193, uniquement à deux déclarations d’Akzo Nobel et n’évoque même pas la demande de clémence de la requérante.

206    En tout état de cause, même à admettre que la requérante ait fourni à la Commission les différentes informations et explications évoquées dans cette partie de son argumentation, la conclusion figurant au considérant 347 de la décision attaquée, selon laquelle celles‑ci, bien que d’une certaine utilité, ne présentaient pas une valeur ajoutée significative, n’est entachée d’aucune erreur et doit être approuvée.

207    En effet, depuis la présentation de la déclaration d’Akzo Nobel, la Commission avait déjà connaissance de l’existence d’une entente relative au carbure de calcium en poudre et de l’identité des entreprises y ayant participé. La liste des participants, telle qu’elle figure dans ladite déclaration, comporte, outre Akzo Nobel, auteur de la déclaration, toutes les entreprises énumérées au considérant 57 de la décision attaquée. En outre, la portée et l’objectif de cette entente, ainsi que les arrangements entre ses participants, tels que décrits dans le reste de cette déclaration, sont en substance les mêmes que ceux décrits dans la décision attaquée. De plus, depuis l’obtention des documents saisis dans les locaux de TDR, la Commission était également en possession de preuves suffisantes de la première réunion relative au carbure de calcium en poudre, laquelle constitue le début de l’entente. Partant, ainsi que le relève à juste titre la décision attaquée, les informations et les éléments de preuve transmis par la requérante pouvaient, tout au plus, fournir quelques éclaircissements sur des questions d’importance plutôt secondaire et ne sauraient, par conséquent, être considérés comme ayant apporté une valeur ajoutée significative.

208    Il convient de rappeler, à cet égard, que les deux autres entreprises qui se sont vu accorder une réduction du montant de l’amende, à savoir Donau Chemie et Degussa, ont obtenu cette réduction pour leur contribution s’agissant des volets de l’entente ayant trait, respectivement, au carbure de calcium en granulés et au magnésium, ainsi qu’il résulte des considérants 342 à 346 et 350 à 356 de la décision attaquée. La Commission a en revanche souligné, aux considérants 342 et 350 de la décision attaquée, que, au moment de la présentation des déclarations de ces deux entreprises, elle disposait déjà de suffisamment d’éléments de preuves s’agissant du volet de l’entente relatif au carbure de calcium en poudre.

209    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le quatrième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n1/2003 ainsi que du paragraphe 32 des lignes directrices, en raison du dépassement allégué, par le montant de l’amende infligée à la requérante, du plafond légal de 10 % du chiffre d’affaires total de la requérante

210    Aux termes de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Le paragraphe 32 des lignes directrices rappelle cette disposition.

211    Ainsi que l’a jugé la Cour dans son arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra (point 280), le plafond relatif au chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 vise à éviter que soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût‑ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 119 à 121, du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 24, et du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 93).

212    Il s’agit donc d’une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Cette limite supérieure a ainsi un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction, que la Commission doit prendre en considération pour déterminer le montant de l’amende, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003. Elle a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base de ces critères est réduit jusqu’au niveau maximal autorisé. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, points 281 à 283).

213    Il convient par ailleurs de relever que l’« exercice social précédent » au sens de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 vise, en principe, le dernier exercice complet de chacune des entreprises concernées à la date de l’adoption de la décision (arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 211 supra, point 80 ; voir, en ce sens, arrêt Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 211 supra, point 32).

214    Il découle, toutefois, tant des objectifs du système dans lequel l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 s’insère que de la jurisprudence citée au point précédent, que l’application du plafond de 10 % présuppose, d’une part, que la Commission dispose du chiffre d’affaires pour le dernier exercice social qui précède la date d’adoption de la décision et, d’autre part, que ces données représentent un exercice complet d’activité économique normale pendant une période de douze mois (arrêts du Tribunal du 29 novembre 2005, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, T‑33/02, Rec. p. II‑4973, point 38, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 211 supra, point 95).

215    Ainsi, si l’exercice social s’est terminé avant l’adoption de la décision, mais que les comptes annuels de l’entreprise en cause n’ont pas encore été établis ou n’ont pas encore été communiqués à la Commission, cette dernière est en droit, voire obligée, de recourir au chiffre d’affaires réalisé au cours d’un exercice social antérieur pour appliquer l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003. De même, si, en raison d’une réorganisation ou d’une modification des pratiques comptables, une entreprise a, pour l’exercice social précédent, produit des comptes qui concernent une période inférieure à douze mois, la Commission est en droit de recourir au chiffre d’affaires réalisé au cours d’un exercice complet antérieur pour appliquer ces dispositions. Il en va également ainsi si une entreprise n’a pas exercé d’activité économique au cours de l’exercice social précédent et que la Commission ne dispose donc pas d’un chiffre d’affaires représentant une activité économique exercée par celle‑ci lors dudit exercice. En effet, le chiffre d’affaires pour cette période ne donne aucune indication de l’importance de ladite entreprise, contrairement à ce que requiert la jurisprudence, et, dès lors, ne peut servir de base pour la détermination du plafond prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (arrêts du 29 novembre 2005, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 214 supra, points 39 et 42, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 211 supra, point 96).

216    Même lors d’un exercice d’activités économiques normal, il se peut que le chiffre d’affaires d’une entreprise baisse d’une façon importante, voire substantielle, par comparaison aux années précédentes, pour des raisons diverses, telles qu’un contexte économique difficile, une crise dans le secteur en cause, un sinistre ou une grève. Toutefois, dès qu’une entreprise a, en fait, réalisé un chiffre d’affaires pendant un exercice complet pendant lequel des activités économiques, bien que réduites, ont été exercées, la Commission doit tenir compte de ce chiffre d’affaires pour déterminer le plafond prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Dès lors, à tout le moins dans les situations où il n’y a aucune indication démontrant qu’une entreprise a cessé ses activités commerciales ou détourné son chiffre d’affaires pour éviter l’imposition d’une lourde amende, il y a lieu de considérer que la Commission est obligée de fixer la limite maximale de l’amende par rapport au chiffre d’affaires le plus récent reflétant une année complète d’activité économique (arrêts du 29 novembre 2005, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 214 supra, point 49, et Gütermann et Zwicky/Commission, point 211 supra, point 97).

217    En l’espèce, il ressort du considérant 15 de la décision attaquée, que au cours de l’exercice social précédant l’adoption de la décision attaquée, le chiffre d’affaires total réalisé par la requérante au niveau mondial se situait entre 45 et 50 millions d’euros. Le chiffre exact figure dans la réponse de la requérante du 30 mars 2009 à une demande de renseignements de la Commission du 9 mars 2009. Il résulte du document annexé par la requérante à cette réponse que son chiffre d’affaires total pour l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 2008 était de 48 436 170,53 euros. Il ressort du même document que le chiffre d’affaires de l’exercice précédent était de 35 936 129,44 euros.

218    Il importe également de rappeler que le montant de l’amende infligée à la requérante dans la décision attaquée a été calculé suivant la méthodologie décrite dans les lignes directrices. Celle-ci comporte deux étapes. En premier lieu, la Commission détermine un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises, sur la base de la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise concernée, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné. Le montant de base est lié à une proportion de la valeur des ventes déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction. Toutefois, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. En second lieu, la Commission peut ajuster le montant de base de l’amende, fixé lors de la première étape, à la hausse ou à la baisse, pour tenir compte de circonstances aggravantes ou atténuantes.

219    Ainsi qu’il ressort du tableau figurant au considérant 308 de la décision attaquée, le montant de base de l’amende a été fixé, dans le cas de la requérante, à 3,8 millions d’euros. Il ressort des considérants 309 à 331 de la décision attaquée que la Commission n’a reconnu, à l’égard de la requérante, aucune circonstance aggravante ou atténuante justifiant une augmentation ou une réduction de ce montant de base. En outre, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 181 ci-dessus), la demande de la requérante tendant à obtenir une réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la clémence a été rejetée. Ainsi, le montant définitif de base de l’amende à infliger à la requérante, indiqué au considérant 361 de la décision attaquée, est le même que celui indiqué au considérant 308 de ladite décision, à savoir 3,8 millions d’euros.

220    La Commission a ensuite examiné, dans la décision attaquée, les demandes de plusieurs participants à l’entente, dont la requérante, tendant à bénéficier du paragraphe 35 des lignes directrices selon lequel, dans des circonstances exceptionnelles et si les conditions énoncées dans ce point sont remplies, la Commission peut tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier et accorder une réduction du montant de l’amende. La demande en ce sens de la requérante a été rejetée pour les motifs indiqués aux considérants 369 à 371 de la décision attaquée. Toutefois, pour les motifs exposés au considérant 372 de la même décision, lequel renvoie au paragraphe 37 des lignes directrices, la Commission a décidé d’accorder à la requérante une réduction du montant de l’amende de 20 %. Compte tenu de cette réduction, le montant définitif de l’amende, indiqué à l’article 2, sous a), de la décision attaquée, est de 3,04 millions d’euros.

221    Dans le cadre du présent moyen, présenté à l’appui du chef de conclusions subsidiaire tendant à la réduction du montant de l’amende, la requérante présente une argumentation qui s’articule autour de trois griefs. Elle fait valoir, premièrement, que le seuil de 10 % du chiffre d’affaires total ne concerne pas seulement le montant final de l’amende, mais également le montant de base de celle‑ci, avant l’application d’éventuelles réductions. Deuxièmement, elle soutient que le calcul dudit seuil ne peut intervenir que sur la base d’un chiffre d’affaires audité et elle reproche à la Commission d’avoir, en l’espèce, pris en considération son chiffre d’affaires total de l’exercice 2008, alors que celui‑ci n’avait pas encore été audité. Elle considère que, dans ces conditions, la Commission aurait dû se fonder sur son dernier chiffre d’affaires total audité disponible au moment de l’adoption de la décision attaquée, à savoir celui de l’exercice 2007. Troisièmement, elle conteste l’inclusion dans son chiffre d’affaires total, que ce soit pour les exercices de 2008 ou de 2007, de la valeur des ventes de carbure de calcium en poudre en provenance de NCHZ, au motif qu’elle agissait, pour cette partie de son activité, comme un agent indépendant travaillant sur la base d’une commission fixe et que le calcul de son chiffre d’affaires devait refléter cette réalité économique.

222    Il convient d’analyser, en premier lieu, le troisième et dernier grief qui remet en question le calcul du chiffre d’affaires total aussi bien pour 2008 que pour 2007. La requérante fait en particulier valoir que seule la commission fixe qu’elle reçoit de NCHZ pour la vente de carbure de calcium en poudre en provenance de cette dernière entreprise doit être incluse dans son chiffre d’affaires total, aux fins de l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n1/2003. Selon elle, le chiffre d’affaires, déduction faite du montant de la commission fixe, qu’elle réalise par ces ventes est entièrement transmis à NCHZ. Il ne s’agirait pour la requérante que d’une simple opération « d’entrée et de sortie ».

223    La requérante reconnaît à cet égard que, « dans les faits et juridiquement », elle a effectivement réalisé les ventes de carbure de calcium en poudre en question. Elle soutient néanmoins que, « économiquement parlant », ces mêmes ventes doivent être imputées à son mandant, à savoir NCHZ, et que le calcul de son chiffre d’affaires total, aux fins de l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n1/2003, ne saurait être dissocié de cette réalité économique.

224    La requérante tire argument, à cet égard, du considérant 288, deuxième tiret, de la décision attaquée. Il ressort de ce considérant que, lors du calcul de la valeur des ventes de biens réalisées par la requérante en relation directe ou indirecte avec l’infraction, en vue de la détermination du montant de base de l’amende, la Commission a pris en considération les ventes de magnésium ainsi que les ventes de carbure de calcium réalisées par la requérante avec du carbure de calcium qui ne provenait pas de NCHZ. En revanche, la Commission n’a pas tenu compte, à cette fin, des ventes de carbure de calcium que la requérante avait réalisées avec du carbure de calcium en provenance de NCHZ. La requérante considère dès lors qu’un calcul analogue doit être effectué pour évaluer son chiffre d’affaires total, aux fins de l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

225    Cette argumentation ne saurait prospérer. L’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 vise, dans son libellé, le chiffre d’affaires total de l’entreprise concernée, sans aucune déduction. Il a ainsi été jugé qu’il n’existait aucune limite territoriale quant au chiffre d’affaires réalisé (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 5022, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, doit être pris en considération, lors du calcul de ce chiffre, le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise concernée correspondant à la fourniture d’un produit ou d’un service à ses clients, quand bien même il correspondrait exactement au prix devant être payé, par ladite entreprise, à un tiers indépendant ayant procuré à l’entreprise en question le produit ou le service en cause (voir, en ce sens, arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, point 5030).

226    Les précédentes considérations sont, au demeurant, conformes à la nature du plafond de l’amende prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, celui‑ci constitue un seuil d’écrêtement qui a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de la gravité et de la durée de l’infraction est réduit jusqu’au niveau maximal autorisé. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 283 ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 154).

227    Si, comme il est admis par la jurisprudence de la Cour citée au point 211 ci‑dessus, le chiffre d’affaires total réalisé par une entreprise ne permet qu’une détermination approximative et imparfaite de sa taille, il n’en constitue pas moins un critère simple, permettant le calcul rapide et aisé d’un plafond à ne dépasser en aucun cas. Il n’existe, dès lors, aucune raison justifiant une interprétation différente de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, contraire au sens clair de sa lettre.

228    Cela ne prive pas une entreprise de la possibilité d’argumenter, pour des motifs analogues à ceux invoqués par la requérante en l’espèce, que l’amende qui lui a été infligée pour une infraction aux règles de la concurrence est excessive, quand bien même elle ne dépasserait pas le plafond fixé à la disposition susvisée. Il convient de rappeler, à cet égard, que nonobstant la marge d’appréciation dans la fixation du montant d’une telle amende que lui reconnaît la jurisprudence (voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 216, et la jurisprudence citée), la Commission est tenue de respecter, à chaque fois qu’elle décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence, les principes généraux de droit, parmi lesquels figure, notamment, le principe de proportionnalité, tel qu’interprété par le juge de l’Union (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, Rec. p. II‑3627, point 315).

229    Or, en l’espèce, la Commission a pris certaines dispositions afin d’assurer le respect de ses obligations découlant, notamment, du principe de proportionnalité. Ainsi, d’une part, elle a décidé, comme le fait valoir la requérante (point 224 ci‑dessus), de ne pas tenir compte, lors du calcul du montant de base de l’amende, de la valeur des ventes que cette dernière avait réalisées avec du carbure de calcium en poudre en provenance de NCHZ. D’autre part, elle lui a accordé une réduction du montant de l’amende de 20 % en tenant compte, notamment, du fait qu’elle était active dans le commerce de matériaux d’une valeur élevée avec une marge de profit plutôt réduite, ainsi qu’il résulte du considérant 372 de la décision attaquée.

230    La requérante est parfaitement en droit de soutenir, comme elle le fait, d’ailleurs, en substance, par son sixième moyen examiné ci‑après, que, malgré les mesures évoquées au point précédent, l’amende qui lui a été infligée reste disproportionnée. Elle ne saurait en revanche exiger que le plafond de l’amende prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 soit calculé d’une manière nettement contraire au libellé clair de cette disposition, de sorte à entraîner une réduction, automatique et indépendante de toute considération relative à la proportionnalité, du montant de cette amende.

231    Doit également être rejeté l’argument que la requérante tire du considérant 288 de la décision attaquée et de la non-prise en compte des ventes de carbure de calcium en poudre en provenance de NCHZ qu’elle a réalisées, lors du calcul du montant de base de l’amende. En effet, alors que l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 fait clairement référence au chiffre d’affaires total à prendre en considération aux fins du calcul du plafond de l’amende qu’il prévoit, le paragraphe 3 du même article dispose uniquement que le montant de l’amende doit être déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction. Il est dès lors loisible à la Commission de fixer l’amende à partir du chiffre d’affaires de son choix, en termes d’assiette géographique et de produits concernés, dans le respect du plafond prévu (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 225 supra, point 5023).

232    Certes, la Commission a adopté, sous la forme des lignes directrices, des règles de conduite indicatives de la pratique à suivre pour la détermination, selon les critères définis à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, du montant de l’amende à infliger à une entreprise ayant enfreint les règles de concurrence. Il résulte de la jurisprudence citée au point 187 ci‑dessus qu’elle ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation des principes généraux du droit.

233    Toutefois, la nécessité de respecter notamment le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit, peut justifier que la Commission se départisse de telles règles. En effet, le paragraphe 37 des lignes directrices relève, à cet égard, que « [b]ien que les présentes lignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ». C’est précisément sur ce point que s’est fondée la Commission pour accorder à la requérante une réduction du montant de l’amende de 20 %, ainsi qu’il résulte du considérant 372 de la décision attaquée (voir point 220 ci‑dessus).

234    Il convient de relever que la non-inclusion, dans les ventes à prendre en considération pour la fixation du montant de base de l’amende, des ventes de carbure de calcium en provenance de NCHZ, réalisées par la requérante, a conduit à la fixation d’un montant de base moins élevé. Ce mode de calcul du montant de base de l’amende, favorable à la requérante, n’est pas, à juste titre, contesté par celle-ci. Il n’est dès lors pas nécessaire de déterminer si ce mode de calcul était conforme au paragraphe 13 des lignes directrices et, dans la négative, si un tel écart avec lesdites lignes était justifié par le paragraphe 37 de celles‑ci et par la nécessité de respecter les principes généraux du droit. Il suffit de relever que, à supposer même que tel n’ait pas été le cas, ce seul fait ne signifierait aucunement que la Commission était également tenue de ne pas prendre en considération les ventes en question aux fins de la détermination du plafond de l’amende prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, en méconnaissance du libellé clair de cette disposition.

235    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré de l’inclusion prétendument erronée de la valeur de ces ventes au chiffre d’affaires total de la requérante n’est pas fondé et doit être écarté.

236    Le rejet du troisième grief signifie que, pour aboutir à la conclusion que la décision attaquée est entachée d’une illégalité, les deux autres griefs doivent s’avérer cumulativement fondés.

237    En effet si, contrairement à ce que fait valoir la requérante par son deuxième grief, le chiffre d’affaires total à retenir aux fins de l’application de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 était celui de l’exercice 2008, mentionné au point 217 ci‑dessus, il est évident que non seulement le montant de l’amende infligée à la requérante (3,04 millions d’euros), mais également le montant définitif de ladite amende (3,8 millions d’euros), avant la réduction accordée au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, sont inférieurs au plafond prévu dans cette disposition. Par ailleurs, le montant de l’amende infligée est également inférieur audit plafond même s’il est calculé sur la base du chiffre d’affaires total réalisé par la requérante lors de l’exercice 2007, également indiqué au point 217 ci‑dessus. Ce n’est que si le premier grief de la requérante, selon lequel ce plafond s’applique également au montant de base de l’amende avant le calcul d’éventuelles réductions, était accueilli que la requérante serait fondée à reprocher à la Commission une violation de la disposition en question.

238    Or, aucun des deux autres griefs avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen ne peut prospérer.

239    À l’appui du premier grief, la requérante fait valoir qu’il résulte d’une interprétation littérale et systématique des lignes directrices que toute réduction supplémentaire en vertu du paragraphe 34 desdites lignes, qui renvoie à la communication sur la clémence, et du paragraphe 35 de ces mêmes lignes, qui concerne l’absence de capacité contributive, doit être mise en œuvre après application du plafond de 10 %, dès lors que celui‑ci est évoqué au paragraphe 32 des lignes directrices, à savoir avant les références à la clémence et à l’absence de capacité contributive. Il en va de même, selon elle, d’une éventuelle réduction au titre du paragraphe 37 des mêmes lignes. La pratique décisionnelle de la Commission confirmerait ces considérations.

240    À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que l’a jugé la Cour dans son arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra (points 278 et 279), la limite maximale de l’amende prévue à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 n’interdit pas à la Commission de se référer, pour son calcul de l’amende, à un montant intermédiaire la dépassant. Elle ne s’oppose pas non plus à ce que des opérations de calcul intermédiaires prenant en compte la gravité et la durée de l’infraction soient effectuées sur un montant qui lui est supérieur. S’il s’avère que, au terme du calcul, le montant final de l’amende doit être réduit à concurrence de celui‑ci dépassant ladite limite supérieure, le fait que certains facteurs tels que la gravité et la durée de l’infraction ne se répercutent pas de façon effective sur le montant de l’amende infligée n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite supérieure audit montant final.

241    Au regard de cette jurisprudence, l’argumentation de la requérante, résumée au point 239 ci‑dessus, ne saurait prospérer. La question de savoir si une réduction au titre de la communication sur la clémence doit être calculée avant ou après l’application de ladite limite est dépourvue de pertinence en l’espèce, dans la mesure où la Commission n’a pas accordé à la requérante une réduction d’amende à ce titre et où aucune erreur ne semble pouvoir lui être reprochée à cet égard, ainsi qu’il est relevé ci-dessus dans l’analyse du quatrième moyen.

242    S’agissant des réductions au titre des paragraphes 35 ou 37 des lignes directrices, la Commission accepte qu’une réduction pouvant être accordée sur la base du paragraphe 37 soit calculée après l’éventuelle application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires total. Elle souligne toutefois que l’éventuelle application de ce plafond a une incidence sur la réduction à accorder, en ce sens que si le montant de l’amende a déjà été réduit afin de respecter ce plafond, l’éventuelle réduction à accorder au titre du paragraphe 37 des lignes directrices peut être moins significative.

243    La requérante conteste cette thèse, en faisant valoir que les deux réductions sont totalement différentes et répondent à des logiques également différentes. Selon elle, la Commission soumet son obligation légale de respecter le plafond en question au résultat de son appréciation discrétionnaire, effectuée sur la base du paragraphe 37 des lignes directrices.

244    Cette dernière argumentation de la requérante ne saurait être retenue. Il découle clairement de la jurisprudence citée au point 240 ci‑dessus que, afin de respecter le plafond prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, la Commission doit seulement s’assurer que le montant de l’amende imposée à l’entreprise concernée, dont celle‑ci est appelée à s’acquitter par la décision attaquée, ne dépasse pas ce plafond. Il importe peu, en définitive, à quel stade exact de la détermination du montant de cette amende la Commission tient compte de ce plafond, aussi longtemps que l’amende finalement imposée ne le dépasse pas.

245    Cette considération est sans préjudice de la possibilité, pour l’entreprise concernée, de contester la décision de la Commission de ne pas lui accorder une réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices ou de faire valoir que la réduction qui lui a éventuellement été accordée est insuffisante, au regard du libellé de ce point des lignes directrices et des principes généraux du droit dont, notamment, le principe de proportionnalité. C’est d’ailleurs ce que fait valoir précisément la requérante en l’espèce, par son sixième moyen, qui est examiné ci‑après. Il n’en reste pas moins qu’une telle argumentation est étrangère à la question du respect du plafond de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003.

246    Il s’ensuit que le premier grief n’est pas fondé et doit être rejeté.

247    À l’appui du deuxième grief, la requérante invoque l’arrêt du 29 novembre 2005, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 214 supra (point 39), pour soutenir qu’il découle « du bon sens comme des principes comptables élémentaires » que, sous peine de violer le principe de sécurité juridique, le chiffre d’affaires extrait du bilan « pro forma », c’est‑à‑dire non audité et avant sa certification, de l’entreprise concernée ne saurait servir de base au calcul d’une sanction administrative, de nature quasi pénale, infligée par une puissance publique. Selon elle, de tels chiffres ne sauraient être considérés comme des données chiffrées disponibles.

248    La requérante souligne que la Commission était consciente du fait que le chiffre d’affaires total de l’exercice 2008, qu’elle lui avait communiqué, n’avait pas fait l’objet d’un audit définitif, et ce d’autant plus que le document communiqué portait clairement la mention « Projet ». Elle considère que la Commission aurait dû faire preuve d’une vigilance d’autant plus grande en l’espèce que le chiffre d’affaires total audité de 2007 présentait une différence très marquée avec celui, non audité, de 2008. Selon la requérante, cet écart ne pouvait en aucun cas s’expliquer par une augmentation de sa capacité financière, mais reflétait plutôt une augmentation exceptionnellement abrupte des prix du magnésium.

249    Dans sa réplique, la requérante ajoute que les considérations énoncées dans l’arrêt du 29 novembre 2005, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 214 supra, ainsi que dans l’arrêt du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 211 supra, appliquées par la Commission dans le cas d’un autre participant à l’entente, ainsi qu’il résulte des considérants 333 et 334 de la décision attaquée, devaient également trouver application dans son cas. La Commission aurait dû prendre en considération le fait que son chiffre d’affaires total de 2008 était artificiellement élevé par rapport au chiffre d’affaires total moyen réalisé pendant la période de l’infraction et ne pouvait, par conséquent, refléter sa situation économique réelle lors de cette période.

250    Cette argumentation n’emporte pas la conviction. Contrairement à ce que semble considérer la requérante, il ne ressort aucunement de l’arrêt du 29 novembre 2005, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 214 supra (point 39), que le chiffre d’affaires total réalisé par l’entreprise concernée au cours de l’exercice précédant celui de l’imposition de l’amende ne puisse pas être pris en considération, aux fins de l’application de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, s’il n’a pas encore été audité. La jurisprudence citée aux points 214 à 216 ci‑dessus vise, selon les termes qu’elle utilise, le cas où le chiffre d’affaires pour le dernier exercice n’est pas disponible ainsi que celui où, bien que disponible, il ne donne aucune indication sur l’importance de l’entreprise en cause, dès lors qu’il concerne une période pendant laquelle cette entreprise n’a pas exercé d’activité économique ou l’activité économique qu’elle a exercée ne peut pas être qualifiée de « normale ». Un chiffre d’affaires non audité n’entre dans aucune de ces deux catégories.

251    Il ne saurait en aller autrement que dans l’hypothèse où il existe des indices sérieux et concordants permettant de remettre sérieusement en question la fiabilité de ce chiffre d’affaires, dans la mesure où un chiffre d’affaires dénué de toute fiabilité équivaut, en définitive, à un chiffre d’affaires non disponible. Or, la requérante n’a invoqué, en l’espèce, aucun indice concret de cette nature. En effet, le seul fait que le chiffre d’affaires de 2008, qu’elle avait communiqué à la Commission, n’avait pas encore fait l’objet d’un audit ne signifie pas nécessairement que, une fois cet audit réalisé, ce chiffre aurait été susceptible d’être modifié substantiellement. Comme le souligne la Commission, la requérante n’a pas allégué, ni, encore moins, prouvé que, lors des exercices précédents, l’audit du chiffre d’affaires total avait conduit à des corrections importantes. La requérante n’a pas non plus mentionné dans ses écrits son chiffre d’affaires total audité de l’exercice 2008 pour permettre sa comparaison avec le chiffre d’affaires total non audité communiqué à la Commission. Il convient à cet égard de relever que la Commission a invoqué le bilan de la requérante, publié par celle‑ci pour l’exercice 2008. Selon la Commission, ce bilan ne comporte pas le chiffre d’affaires total, la publication de cette donnée n’étant pas exigée par la législation allemande pertinente. Toutefois, les bénéfices bruts de la requérante qui y figurent seraient plus élevés que les données non auditées, ce qui permettrait de supposer que le chiffre d’affaires total audité serait également plus élevé que le chiffre d’affaires total non audité.

252    Sont sans pertinence, à cet égard, les références de la requérante au principe de la sécurité juridique et à la nature prétendument quasi pénale d’une amende infligée pour une infraction aux règles de la concurrence, dans la mesure où aucune obligation d’effectuer un audit du chiffre d’affaires disponible avant de l’utiliser aux fins du calcul du plafond de l’amende prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n1/2003 ne saurait être déduite de ces principes et considérations.

253    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel son chiffre d’affaires total réalisé en 2008 serait « artificiellement élevé » en raison d’une prétendue augmentation significative des prix du magnésium (voir points 248 et 249 ci‑dessus), il suffit de relever qu’une telle circonstance, à la supposer établie, ne fait pas obstacle à la prise en compte d’un tel chiffre d’affaires aux fins du calcul du plafond de l’amende. Il peut en effet être déduit de la jurisprudence citée au point 216 ci‑dessus que le chiffre d’affaires réalisé par une entreprise peut être pris en considération à cette fin, quand bien même il divergerait de manière significative des chiffres d’affaires réalisés lors d’exercices précédents, s’il correspond à un exercice complet pendant lequel des activités économiques ont effectivement été réalisées. Il convient de préciser, à cet égard, que la référence, dans la jurisprudence citée au point 214 ci‑dessus, à « un exercice complet d’activité économique normale » vise à exclure la prise en considération d’un exercice pendant lequel l’entreprise concernée était en train de mettre fin à ses opérations, bien que toute activité économique n’eût pas encore cessé et, plus généralement, d’un exercice pendant lequel le comportement de l’entreprise concernée sur le marché ne correspondait pas à celui d’une entreprise exerçant une activité économique aux termes habituels. En revanche, le seul fait que le chiffre d’affaires ou le bénéfice réalisés lors d’un exercice déterminé sont significativement inférieurs, ou supérieurs, à ceux réalisés lors d’exercices précédents ne signifie pas que l’exercice en question ne constitue pas un exercice complet d’activité économique normale.

254    Par ailleurs, aucun parallèle ne saurait être établi entre la situation de la requérante et de l’entreprise dont il est question aux considérants 333 et 334 de la décision attaquée. Dans le cas de cette dernière entreprise, la Commission a considéré, pour des motifs dont l’exactitude ne peut pas être examinée dans le cadre de la présente affaire, que son chiffre d’affaires total réalisé lors de l’exercice 2008 ne représentait pas une activité économique normale exercée lors dudit exercice. Tel n’est pas le cas de la requérante.

255    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième grief doit également être rejeté, de même que le cinquième moyen dans son intégralité.

 Sur le sixième moyen, tiré du caractère prétendument disproportionné de l’amende

256    Par son sixième moyen, avancé, lui aussi, à l’appui du chef de conclusions subsidiaire tendant à la réduction du montant de l’amende, la requérante fait valoir que ladite amende est manifestement disproportionnée, compte tenu des particularités de sa situation financière et de la nature de son activité.

257    Ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 228 ci-dessus), la Commission doit, lorsqu’elle impose des amendes en vertu du droit de la concurrence, respecter, notamment, le principe de proportionnalité. Selon une jurisprudence constante, ce principe exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 172 supra, point 226, et la jurisprudence citée).

258    La requérante fait valoir que, dans son cas, l’objectif poursuivi par l’imposition d’une amende pour infraction aux règles de concurrence aurait pu être atteint avec une amende d’un montant inférieur. La Commission lui aurait imposé une amende qu’elle serait incapable de supporter et qui conduirait à la priver, en tant que société commerciale, de toute valeur comptable, ce qui irait au‑delà de l’objectif poursuivi par la décision attaquée et aboutirait, en réalité, au résultat opposé, en ce qu’il conduirait à sa disparition et, par conséquent, à la diminution substantielle de la concurrence sur les marchés concernés.

259    La requérante évoque à cet égard le considérant 369 de la décision attaquée, qui rejette son argument selon lequel, à la suite de l’imposition de l’amende litigieuse, sa valeur comptable deviendrait négative. Ce considérant est rédigé dans les termes suivants :

« L’analyse des données financières communiquées par [la requérante] mène à la conclusion que [celle-ci] est une entreprise viable et présente un faible risque de faillite. En prenant en compte l’amende possiblement imposée à [la requérante] ainsi que les données financières qu’elle a communiquées, notamment son bilan et les chiffres relatifs aux provisions, aux capitaux propres et aux actifs nets, la Commission déduit qu’il y a un risque que l’amende amènerait la société dans une situation de valeur comptable négative. Néanmoins, cela ne signifie pas nécessairement que la viabilité économique de l’entreprise serait irrémédiablement mise en danger et conduirait à priver ses actifs de toute valeur. En effet, la Commission note [que la requérante] n’a fourni aucune preuve tangible démontrant que sa viabilité économique serait mise en danger irrémédiablement et que ses actifs seraient privés de toute leur valeur, à l’exception du simple fait que sa valeur comptable peut devenir négative suite à l’amende. »

260    La requérante soutient que, contrairement à ce que semble considérer la Commission, la possibilité que son bilan présente une valeur comptable négative n’implique pas un risque purement théorique, mais peut conduire à la perte de sa capacité d’obtenir des emprunts bancaires et à la résiliation des crédits qui lui ont déjà été accordés, ce qui la priverait de la capacité de financer ses activités commerciales. Le refus de la Commission d’accepter le paiement échelonné de l’amende exacerberait ces conséquences.

261    La requérante reconnaît que la Commission lui a accordé une réduction exceptionnelle du montant de l’amende en tenant compte de ses caractéristiques spéciales (voir point 220 ci‑dessus), mais reproche à la Commission une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’elle a fixé le pourcentage de cette réduction à 20 %. Selon la requérante, même après cette réduction, le montant de l’amende qui lui a été infligée reste suffisamment élevé pour réduire à zéro la valeur de ses capitaux propres. Elle estime ainsi, à la lumière des considérations qui précèdent, que ladite amende est manifestement disproportionnée et méconnaît sa situation particulière.

262    La requérante réitère son affirmation, déjà avancée dans le cadre du cinquième moyen, selon laquelle son chiffre d’affaires total réalisé en 2008 était exceptionnellement élevé et ne serait pas amené à atteindre à nouveau un tel montant. Elle relève en outre que, habituellement, elle générait un bénéfice net, avant impôts, équivalant à 2 à 3 % de son chiffre d’affaires ou, après impôts, à 1 à 2 % de ce même chiffre, ce qui se traduisait par des bénéfices de 600 000 euros à 1 million d’euros avant impôts ou de 300 000 à 600 000 euros après impôts.

263    Il convient de préciser, à titre liminaire, que le considérant 369 de la décision attaquée fait partie des motifs avancés par la Commission pour justifier le rejet de la demande de la requérante tendant à la prise en compte de sa prétendue absence de capacité contributive, au sens du paragraphe 35 des lignes directrices. Ce rejet était contesté par le septième moyen avancé dans la requête. Toutefois, lors de l’audience, la requérante s’est désistée de ce moyen (voir point 13 ci‑dessus).

264    Malgré le rejet de la demande de la requérante tendant à obtenir une réduction de l’amende en application du paragraphe 35 des lignes directrices, la Commission lui a accordé, ainsi qu’il a déjà été relevé, une réduction exceptionnelle du montant de l’amende. En outre, comme il a été relevé (voir point 234 ci-dessus), la valeur des ventes de carbure de calcium en poudre en provenance de NCHZ réalisées par la requérante n’a pas été prise en considération pour le calcul du montant de base de l’amende qui lui a été infligée, ce qui a eu pour conséquence que le montant de cette amende était moins élevé. Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’argumentation de la requérante résumée au point 260 ci‑dessus, celle‑ci considère, en substance, que ladite amende reste tout de même disproportionnée, la réduction lui ayant été accordée étant prétendument insuffisante.

265    Il y a lieu de constater que cette argumentation ne repose, en définitive, que sur le risque que, après l’imposition de l’amende, la valeur comptable de la requérante devienne négative. Cette éventualité signifierait que la valeur de l’ensemble des actifs de la requérante n’est pas suffisante pour couvrir l’ensemble de ses obligations. Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur le point de savoir si la réalisation d’une telle éventualité implique, selon le droit national applicable, la déclaration de faillite immédiate de la requérante, il doit être admis que, dans ces conditions, une telle déclaration paraît à tout le moins probable, notamment si l’on tient également compte de l’argument de la requérante tiré du risque de retrait des facilités bancaires dont elle dispose.

266    Cependant, contrairement à ce que semble considérer la requérante, l’éventualité de sa faillite n’est pas, en elle‑même, suffisante pour conclure que l’amende qui lui a été infligée est disproportionnée. Comme le rappelle à juste titre la Commission, il résulte d’une jurisprudence constante qu’elle n’est pas, en principe, obligée de tenir compte, lors de la détermination du montant de l’amende, de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 60 supra, point 327 ; arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 351, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 228 supra, point 370).

267    Il est également de jurisprudence constante que le fait qu’une mesure prise par une autorité de l’Union provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit de l’Union. En effet, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 228 supra, point 372, du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 163, et du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, Rec. p. II‑1373, point 96).

268    La requérante fait valoir que la jurisprudence citée au point 266 ci‑dessus concerne les entreprises se trouvant dans une situation financière déficitaire avant même l’imposition de l’amende. Son cas serait différent, dès lors qu’elle serait une entreprise saine et compétitive et que le risque de faillite auquel elle se verrait exposée ne résulterait que de l’imposition de l’amende litigieuse. Un tel risque ne saurait être analysé de manière abstraite, mais en tenant compte de ses caractéristiques particulières, en tant qu’entreprise.

269    Cette argumentation ne saurait prospérer, dès lors qu’elle méconnaît la jurisprudence citée au point 267 ci‑dessus. Il ressort de cette jurisprudence que, pour conclure qu’une amende infligée pour une infraction aux règles de concurrence présente un caractère disproportionné du fait qu’elle conduit à la faillite de l’entreprise en cause, la condition selon laquelle les éléments d’actif personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise en cause perdraient, dans cette hypothèse, leur valeur doit également être remplie. Partant, l’invocation du risque de déclaration de faillite par la requérante en conséquence de l’imposition de l’amende litigieuse n’est pas suffisante pour démontrer le caractère disproportionné de ladite amende.

270    Or, cette allégation est, ainsi qu’il a déjà été constaté (voir point 265 ci‑dessus), la seule qui est avancée par la requérante à l’appui du présent moyen. Il convient de rappeler à cet égard que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire et que la compétence de pleine juridiction en matière d’amendes, dont dispose le Tribunal en vertu de l’article 31 du règlement n1/2003, n’équivaut pas à un contrôle d’office. À l’exception des moyens d’ordre public, dont le présent moyen ne fait pas partie, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision attaquée par son recours et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, point 131).

271    S’agissant de la référence de la requérante aux bénéfices qu’elle réalise (voir point 262 ci‑dessus), il convient de rappeler, en tout état de cause, que l’amende infligée pour infraction aux règles de concurrence poursuit un objectif non seulement préventif, mais également répressif (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 362). Le Tribunal a déjà jugé, en tenant compte de ce caractère répressif, que l’amende à infliger pour la participation à une entente contraire aux règles de la concurrence ne saurait être fixée à un niveau qui se limiterait à annuler le bénéfice de l’entente (arrêt Archer Daniels Midland/Commission, point 228 supra, point 130). Ainsi, le fait que l’amende imposée à une entreprise est largement supérieure à l’ensemble du bénéfice net qu’elle réalise par exercice n’est pas, à lui seul, suffisant pour conclure qu’elle est disproportionnée.

272    Il ressort des considérations qui précèdent que les griefs et allégations avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen ne sauraient prospérer.

273    Au surplus, il convient de relever que, au regard notamment de la compétence de pleine juridiction dont le Tribunal dispose en matière d’amendes pour infraction aux règles de concurrence, rien dans les griefs, arguments et éléments de droit et de fait avancés par la requérante dans le cadre des autres moyens examinés ci‑dessus ne permet de conclure que l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée présente un caractère disproportionné. Au contraire, il y a lieu de considèrer que cette amende est appropriée aux circonstances de l’espèce tenant à la gravité et à la durée de l’infraction constatée par la Commission ainsi qu’aux ressources économiques de la requérante. 

274    Il y a lieu de tenir compte, dans le cadre de cette appréciation, du fait que la Commission a, d’une part, choisi de ne pas prendre en considération, aux fins de la détermination du montant de base de cette amende, une partie des ventes de carbure de calcium réalisées par la requérante et, d’autre part, a accordé à celle-ci une réduction d’amende de 20 %, en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices. Ces décisions ont conduit à l’imposition à la requérante d’une amende d’un montant inférieur à celui de l’amende qui aurait pu lui être infligée si la Commission s’était tenue à la lettre de la méthode de fixation des amendes exposée dans les lignes directrices, sans aucune dérogation.

275    Dès lors que la compétence de pleine juridiction dont dispose en la matière le Tribunal lui permet non seulement de réduire l’amende infligée, mais également de la majorer (voir, en ce sens, arrêt KME Germany e.a./Commission, point 270 supra, point 130, et la jurisprudence citée), le Tribunal n’est pas tenu de maintenir en l’état les réductions du montant de l’amende accordées en l’espèce par la Commission. En l’espèce, il convient toutefois de le faire, afin d’assurer le caractère approprié et proportionné de ladite amende.

276    Il ressort des considérations qui précèdent que le sixième moyen doit être rejeté.

277    Eu égard aux conclusions ressortant de l’examen des trois premiers moyens, il y a lieu de rejeter l’ensemble des conclusions en annulation de la requête. Enfin, en ce qui concerne la demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à la réformation du montant de l’amende imposée à la requérante, les trois derniers moyens ayant également été rejetés, il n’y a pas lieu, dans l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal, de faire droit à cette demande. Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

278    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Almamet GmbH Handel mit Spänen und Pulvern aus Metall supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense de la requérante, du fait de l’utilisation à son encontre, par la Commission, de certains documents saisis dans les locaux d’Ecka en dehors du champ d’application de la décision d’inspection de la Commission

Faits pertinents et décision attaquée

Sur les droits de la défense de la requérante

Sur la recevabilité des documents saisis en tant qu’éléments de preuve

Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de preuve suffisante de l’infraction litigieuse, en ce qui concerne le magnésium

Décision attaquée

Rappel de la jurisprudence pertinente

Sur les documents saisis

Sur la déclaration de Degussa

Sur la déclaration de Donau Chemie

Sur l’objet des réunions des fournisseurs de magnésium

Sur le troisième moyen, tiré de la qualification erronée des aspects de l’entente relatifs, respectivement, au carbure de calcium en poudre et au magnésium en granulés, d’infraction unique et continue

Rappel de la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique

Décision attaquée

Analyse du moyen

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de la communication sur la clémence

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ainsi que du paragraphe 32 des lignes directrices, en raison du dépassement allégué, par le montant de l’amende infligée à la requérante, du plafond légal de 10 % du chiffre d’affaires total de la requérante

Sur le sixième moyen, tiré du caractère prétendument disproportionné de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.