Language of document : ECLI:EU:C:2012:815

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 décembre 2012 (*)

«Manquement d’État – Environnement – Directive 1999/30/CE – Contrôle de la pollution – Valeurs limites pour les concentrations de PM10 dans l’air ambiant»

Dans l’affaire C‑68/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 16 février 2011,

Commission européenne, représentée par Mmes A. Alcover San Pedro et S. Mortoni, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Levits, M. Safjan (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ayant omis de veiller à ce que, pendant plusieurs années consécutives, dans de nombreuses zones et agglomérations situées sur le territoire italien, les concentrations de PM10 dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO L 163, p. 41), devenu article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152, p. 1), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu dudit article 5.

 Le cadre juridique

 La directive 96/62/CE

2        Conformément à l’article 11 de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant (JO L 296, p. 55), les États membres sont tenus de présenter à la Commission des rapports annuels sur le respect des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10.

3        Aux termes de l’article 8 de cette directive:

«1.      Les États membres établissent la liste des zones et des agglomérations où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants dépassent la valeur limite augmentée de la marge de dépassement.

[...]

3.      Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour assurer l’élaboration ou la mise en œuvre d’un plan ou programme permettant d’atteindre la valeur limite dans le délai fixé.

Ledit plan ou programme, auquel la population doit avoir accès, contient au moins les informations énumérées à l’annexe IV.

4.      Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, où le niveau de plus d’un polluant est supérieur aux valeurs limites, les États membres fournissent un plan intégré englobant tous les polluants en cause.

[...]»

 La directive 1999/30

4        Les PM10 sont définies à l’article 2, point 11, de la directive 1999/30 comme étant des particules passant dans un orifice d’entrée calibré avec un rendement de séparation de 50 % pour un diamètre aérodynamique de 10 μm.

5        Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations de PM10 dans l’air ambiant, évaluées conformément à l’article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de l’annexe III, à partir des dates y spécifiées.

[...]»

6        L’article 5, paragraphe 4, de ladite directive énonce:

«Lorsque les valeurs limites fixées pour les PM10 au point I de l’annexe III sont dépassées à la suite de concentrations de PM10 dans l’air ambiant dues à des événements naturels, qui donnent lieu à des concentrations dépassant sensiblement les niveaux de fond habituels provenant de sources naturelles, les États membres en informent la Commission, conformément à l’article 11, point 1, de la directive 96/62/CE, en fournissant les justifications nécessaires pour prouver qu’un tel dépassement est dû à des événements naturels. Dans de tels cas, les États membres ne sont tenus de mettre en œuvre des plans d’action en application de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 96/62/CE que si les valeurs limites fixées au point I de l’annexe III sont dépassées pour des raisons autres que des événements naturels.»

7        Afin d’assurer la protection de la santé humaine, l’annexe III de la directive 1999/30 fixe deux types de limites pour les PM10 en distinguant deux phases, lesquelles sont elles-mêmes divisées en deux périodes. S’agissant des périodes de la phase 1, allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009, d’une part, la valeur journalière de 50 μg/m3 ne doit pas être dépassée plus de 35 fois par année civile et, d’autre part, la valeur annuelle à ne pas dépasser est de 40 μg/m3. En ce qui concerne les périodes de la phase 2, à partir du 1er janvier 2010, d’une part, la valeur journalière à ne pas dépasser plus de 7 fois par année civile est de 50 μg/m3 et, d’autre part, la valeur limite annuelle est de 20 μg/m3.

8        Aux fins de l’évaluation des concentrations de PM10 prévue à l’article 7 de cette même directive, il convient de distinguer entre une «zone» et une «agglomération».

9        En vertu de l’article 2, point 8, de la directive 1999/30, une zone désigne «une partie de leur territoire délimitée par les États membres».

10      L’article 2, point 9, de cette directive définit une agglomération comme «une zone caractérisée par une concentration de population supérieure à 250 000 habitants ou, lorsque la concentration de population est inférieure ou égale à 250 000 habitants, une densité d’habitants au kilomètre carré qui justifie pour les États membres l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant».

11      Selon l’article 12 de ladite directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 19 juillet 2001.

 La directive 2008/50

12      La directive 2008/50, entrée en vigueur le 11 juin 2008, a, par son article 31, abrogé les directives 96/62 et 1999/30, avec effet à compter du 11 juin 2010, sans préjudice des obligations incombant aux États membres en ce qui concerne les délais de transposition et l’application de ces dernières directives.

13      L’article 13 de la directive 2008/50, intitulé «Valeurs limites et seuils d’alerte pour la protection de la santé humaine», prévoit, à son paragraphe 1:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI.

[...]

Le respect de ces exigences est évalué conformément à l’annexe III.

Les marges de dépassement indiquées à l’annexe XI s’appliquent conformément à l’article 22, paragraphe 3, et à l’article 23, paragraphe 1.»

14      Il convient de constater que l’annexe XI de la directive 2008/50 n’a pas modifié les valeurs limites fixées pour les PM10 par l’annexe III de la directive 1999/30 pour la phase 1.

15      En revanche, la directive 2008/50 établit, à son article 22, des règles relatives au report des délais fixés pour atteindre les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 et, notamment, les conditions pour l’exemption de l’obligation d’appliquer celles-ci.

16      Aux termes de l’article 22 de cette directive:

«1.      Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées pour le dioxyde d’azote ou le benzène ne peuvent pas être respectées dans les délais indiqués à l’annexe XI, un État membre peut reporter ces délais de cinq ans au maximum pour la zone ou agglomération en cause, à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi conformément à l’article 23 pour la zone ou l’agglomération à laquelle le report de délai s’appliquerait. Ce plan est complété par les informations énumérées à l’annexe XV, section B, relatives aux polluants concernés et démontre comment les valeurs limites seront respectées avant la nouvelle échéance.

2.      Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées à l’annexe XI pour les PM10 ne peuvent pas être respectées en raison des caractéristiques de dispersion du site, de conditions climatiques défavorables ou de contributions transfrontalières, un État membre est exempté de l’obligation d’appliquer ces valeurs limites jusqu’au 11 juin 2011, moyennant le respect des conditions prévues au paragraphe 1 et à condition que cet État membre fasse la preuve qu’il a pris toutes les mesures appropriées aux niveaux national, régional et local pour respecter les délais.

[...]

4.      Les États membres notifient à la Commission les zones ou agglomérations dans lesquelles ils estiment que les paragraphes 1 ou 2 sont applicables et transmettent le plan relatif à la qualité de l’air visé au paragraphe 1, avec tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission d’évaluer si les conditions pertinentes sont remplies. Dans son évaluation, la Commission prend en considération les effets estimés, actuellement et dans le futur, sur la qualité de l’air ambiant dans les États membres, des mesures qui ont été prises par les États membres, ainsi que les effets estimés, sur la qualité de l’air ambiant, des mesures communautaires actuelles et des mesures prévues, que doit proposer la Commission.

En l’absence d’objection de la part de la Commission dans les neuf mois qui suivent la réception de la notification, les conditions pertinentes pour l’application du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 sont réputées remplies.

En cas d’objection, la Commission peut demander aux États membres d’adapter les plans relatifs à la qualité de l’air ou d’en fournir de nouveaux.»

 Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

17      En application de l’article 11 de la directive 96/62, la République italienne a présenté à la Commission des rapports relatifs au respect des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans l’air ambiant pour les années 2005 à 2007.

18      En analysant ces rapports, la Commission a constaté un dépassement de ces valeurs limites, fixées au point I de l’annexe III de la directive 1999/30, pendant une longue période dans de nombreuses zones du territoire italien.

19      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la République italienne de son intention de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 226 CE dans le cas où elle n’aurait pas reçu, au plus tard le 31 octobre 2008, une demande d’exemption au titre de l’article 22 de la directive 2008/50.

20      Par lettres des 3 et 16 octobre 2008, la République italienne a informé la Commission des mesures programmées ou décidées par quatorze régions et deux provinces autonomes en vue d’éviter de dépasser les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans les zones relevant de leur compétence.

21      N’ayant reçu, à la date du 14 janvier 2009, aucune demande d’exemption de la part de cet État membre, la Commission a considéré que l’article 22 de la directive 2008/50 ne trouvait pas à s’appliquer.

22      Dès lors, estimant que la République italienne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30, la Commission a, le 2 février 2009, adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure. Était annexée à celle-ci une liste répertoriant 55 zones et agglomérations italiennes dans lesquelles les limites journalières et/ou annuelles applicables aux concentrations de PM10 avaient été dépassées durant les années 2006 et 2007.

23      Par lettres des 1er et 30 avril, 22 octobre et 11 novembre 2009, la République italienne a répondu à la Commission qu’elle lui avait adressé, les 27 janvier et 5 mai 2009, deux demandes d’exemption au titre de l’article 22 de la directive 2008/50 portant, d’une part, sur 67 zones situées dans 12 régions et 2 provinces autonomes et, d’autre part, sur 12 zones situées dans 3 autres régions.

24      Après avoir analysé ces deux demandes d’exemption, la Commission a arrêté deux décisions concernant lesdites demandes, respectivement les 28 septembre 2009 et 1er février 2010.

25      Dans sa décision du 28 septembre 2009, la Commission a émis des objections à la demande présentée par la République italienne le 27 janvier 2009 en ce qui concerne 62 des 67 zones recensées par la République italienne et situées dans les Régions de l’Émilie-Romagne, du Frioul Vénétie Julienne, du Latium, de Ligurie, de Lombardie, des Marches, de l’Ombrie, du Piémont, de Toscane et de Vénétie, ainsi que dans la province autonome de Trente.

26      Dans sa décision du 1er février 2010, la Commission a émis des objections à la demande présentée par la République italienne le 5 mai 2009 en ce qui concerne onze des douze zones recensées par la République italienne et situées dans les Régions de Campanie, des Pouilles et de Sicile.

27      Par la suite, cet État membre n’a pas présenté de nouvelle demande d’exemption au titre de l’article 22 de la directive 2008/50.

28      Considérant que la République italienne avait dépassé les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans l’air ambiant pendant plusieurs années consécutives, dans de nombreuses zones du territoire italien, la Commission a, le 7 mai 2010, émis un avis motivé dans lequel elle concluait que la République italienne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30. En conséquence, la Commission a invité cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit avis.

29      Dans sa réponse du 6 juillet 2010, la République italienne a invoqué l’élaboration d’une stratégie nationale, laquelle devait se traduire par l’adoption d’un ensemble de mesures législatives et réglementaires, à l’échelle nationale, ainsi que par des lignes directrices concernant les secteurs d’activité principalement responsables des émissions de PM10 et des substances polluantes susceptibles de se transformer en PM10. La République italienne a, par ailleurs, demandé la tenue d’une réunion avec les services de la Commission afin de discuter des mesures législatives et réglementaires envisagées. Cette réunion s’est tenue à Bruxelles (Belgique), le 26 juillet 2010.

30      Par lettre du 25 août 2010, la République italienne a reconnu que, à l’expiration du délai qui lui était imparti pour répondre à l’avis motivé, les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans l’air ambiant étaient toujours dépassées dans de nombreuses zones et agglomérations italiennes. Cet État membre a transmis à la Commission d’autres informations relatives aux mesures nationales qui devaient être adoptées à l’automne 2010 et communiquées avant le mois de novembre 2010, accompagnées d’une étude d’incidence concernant les zones et les agglomérations dans lesquelles ces valeurs limites étaient encore dépassées, en vue de bénéficier d’une exemption au titre de l’article 22 de la directive 2008/50.

31      Par la suite, la Commission n’a pas été informée de l’adoption desdites mesures nationales. Elle n’a pas non plus reçu d’étude d’incidence portant sur les zones et les agglomérations concernées ni de nouvelle demande d’exemption au titre de l’article 22 de la directive 2008/50.

32      Dans ces conditions, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

33      Dans sa requête, la Commission fait valoir que les rapports présentés au titre de l’article 11 de la directive 96/62 par la République italienne pour l’année 2005 et les années suivantes montrent des dépassements des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans l’air ambiant sur une longue période et dans de nombreuses zones du territoire italien.

34      En outre, selon les informations transmises par cet État membre en ce qui concerne l’année 2009, les dépassements desdites valeurs limites perdureraient dans 70 zones situées dans les Régions de Campanie, de l’Émilie-Romagne, du Frioul Vénétie Julienne, du Latium, de Ligurie, de Lombardie, des Marches, de l’Ombrie, du Piémont, des Pouilles, de Sicile, de Toscane et de Vénétie, ainsi que dans la province autonome de Trente.

35      Or, la République italienne n’aurait pas adopté les mesures nécessaires pour assurer le respect des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 et n’aurait pas présenté de nouvelle demande d’exemption au titre de l’article 22 de la directive 2008/50.

36      La République italienne relève que les émissions de PM10 proviennent tant de sources d’origine anthropique, telles que le chauffage, et de sources naturelles, comme les volcans, que de réactions chimiques se produisant dans l’atmosphère entre les polluants dits «précurseurs». Les concentrations de PM10 dans l’air ambiant seraient ensuite fortement influencées par les conditions météorologiques et l’étendue du soulèvement des particules déposées sur le sol.

37      Les dépassements des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 ayant été constatés à partir de l’année 2001, les régions italiennes auraient adopté les plans visés à l’article 8 de la directive 96/62 en vue de réduire les émissions de ces particules. Ces plans auraient principalement visé le secteur des transports. Des mesures auraient été ensuite progressivement adoptées à partir de l’année 2006 en ce qui concerne le secteur civil, l’agriculture et l’élevage.

38      À l’échelle nationale, les autorités compétentes auraient également pris des mesures dans les secteurs civil, de l’industrie, de l’agriculture et des transports en vue de réduire les concentrations de PM10 dans l’air ambiant.

39      L’ensemble de ces dispositions aurait conduit à une nette amélioration de la qualité de l’air entre l’année 1990 et l’année 2009, avec une diminution du nombre de jours de dépassement de la valeur limite journalière pour les PM10. Toutefois, cette amélioration n’aurait pas été suffisante pour assurer le respect des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans les délais impartis.

40      En effet, selon la République italienne, cet objectif était impossible à atteindre. Pour ce faire, il aurait fallu adopter des mesures drastiques sur le plan économique et social et violer des droits et des libertés fondamentaux tels que la libre circulation des marchandises et des personnes, l’initiative économique privée et le droit des citoyens aux services d’utilité publique.

41      La République italienne considère qu’il existe au moins cinq raisons pour lesquelles les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 n’ont pas été respectées dans les délais impartis, à savoir, premièrement, la complexité du phénomène de formation des PM10, deuxièmement, l’influence de la météorologie sur les concentrations atmosphériques de PM10, troisièmement, des connaissances techniques insuffisantes du phénomène de formation des PM10 qui ont conduit à fixer des délais trop courts pour le respect de ces valeurs limites, quatrièmement, le fait que les différentes politiques de l’Union européenne en vue de réduire les précurseurs des PM10 n’ont pas produit les résultats escomptés et, cinquièmement, l’absence de lien entre la politique de l’Union concernant la qualité de l’air et, notamment, celle visant à réduire les gaz à effet de serre.

42      Dans sa réplique, la Commission relève que, dans le cadre des directives 96/62, 1999/30 et 2008/50, elle ne peut se fonder, pour le contrôle du respect des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10, que sur les données présentées par l’État membre concerné, lequel détermine les zones de mesures des concentrations de PM10 et se charge d’effectuer ces mesures. Dans ces conditions, le fait que ces valeurs limites aient été dépassées pendant plusieurs années consécutives, dans de nombreuses zones, serait parfaitement connu de la République italienne.

43      En ce qui concerne l’argument tiré de l’existence de raisons d’ordre général qui n’auraient pas permis à la République italienne de respecter les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans les délais impartis, la Commission rappelle que l’article 22 de la directive 2008/50 prévoit, sous certaines conditions, une exemption de l’obligation d’appliquer ces valeurs limites. Or, la République italienne n’aurait présenté aucune nouvelle demande d’exemption à la suite des objections émises par la Commission dans ses décisions des 28 septembre 2009 et 1er février 2010.

44      En outre, dans sa décision du 28 septembre 2009, la Commission aurait indiqué que l’argument tiré de l’émission de PM10 à l’échelle mondiale et continentale ne peut être pris en compte que dans certaines situations spécifiques et non de façon générale. S’agissant du bassin du Pô, elle aurait souligné que la «contribution estimée de la pollution transfrontalière dans le bassin du Pô ne peut pas être considérée comme représentative en raison de la situation géographique spécifique de cette région, celle-ci étant entourée par les montagnes et la mer. La Commission constate que les contributions transfrontalières sont, en tout état de cause, d’une importance limitée dans cette zone».

45      De même, dans ses décisions des 28 septembre 2009 et 1er février 2010, la Commission aurait relevé l’absence d’informations fournies par la République italienne, en application de l’article 20 de la directive 2008/50, quant à la contribution des sources naturelles dans le dépassement des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans les zones concernées. Par ailleurs, si la République italienne a présenté quelques plans régionaux à la Commission, elle ne lui aurait toujours pas présenté un plan national pour la qualité de l’air.

46      S’agissant de l’argument tiré de l’obligation d’adopter des mesures drastiques sur le plan économique et social et de violer des droits fondamentaux, la Commission indique qu’aucun État membre n’a introduit de recours en annulation contre les directives 1999/30 et 2008/50.

47      La Commission ajoute que la République italienne reconnaît, dans son mémoire en défense, que les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 ne sont toujours pas respectées et que cette situation ne sera pas résolue à court ou à moyen terme. La Commission en déduit que la situation de dépassement de ces valeurs limites présente un caractère constant et systémique.

48      Dans ces conditions, si la Cour se limitait à constater le manquement pour les années 2005 à 2007, un tel arrêt n’aurait aucun effet utile. En effet, le manquement se poursuivant, la Commission serait tenue d’introduire un nouveau recours pour les années 2008 à 2010, et ainsi de suite. Aussi, la Commission demande à la Cour de se prononcer également sur la situation présente, le recours visant le respect continu des directives 1999/30 et 2008/50.

 Appréciation de la Cour

49      À titre liminaire, il convient de relever que, bien que la République italienne n’ait pas soulevé de fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du présent recours, la Cour peut examiner d’office si les conditions prévues à l’article 258 TFUE pour l’introduction d’un recours en manquement sont remplies (voir, notamment, arrêts du 31 mars 1992, Commission/Italie, C‑362/90, Rec. p. I‑2353, point 8; du 26 janvier 2012, Commission/Slovénie, C‑185/11, point 28, et du 15 novembre 2012, Commission/Portugal, C‑34/11, point 42).

50      Dans cette perspective, il convient de vérifier si l’avis motivé et le recours présentent les griefs de façon cohérente et précise afin de permettre à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 2007, Commission/Royaume-Uni, C‑199/04, Rec. p. I‑1221, points 20 et 21, ainsi que Commission/Portugal, précité, point 43).

51      En effet, ainsi qu’il résulte notamment de l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, dans sa version en vigueur à la date d’introduction du recours, et de la jurisprudence relative à cette disposition, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque, afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir arrêt Commission/Portugal, précité, point 44 et jurisprudence citée).

52      En l’occurrence, la Commission ne précise pas, ni dans les conclusions de sa requête ni dans les motifs de celle-ci, les années pour lesquelles le manquement est reproché. En effet, elle se borne à relever que la République italienne a dépassé les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 «pendant plusieurs années consécutives». Elle allègue qu’il s’agit d’un manquement actuel et que la décision de la Cour doit porter sur le présent et non sur le passé, sans préciser la période visée.

53      Dans ces conditions, force est de constater que l’absence d’indication d’un élément indispensable du contenu de la requête introductive d’instance, tel que la période pendant laquelle la République italienne aurait violé, selon les allégations de la Commission, le droit de l’Union, ne répond pas aux exigences de cohérence, de clarté et de précision (voir, en ce sens, arrêt Commission/Portugal, précité, point 47).

54      En outre, la Commission n’indique pas la période précise concernée par le manquement reproché et s’abstient, par ailleurs, de fournir des preuves pertinentes en soulignant, laconiquement, qu’elle n’a aucun intérêt à agir, dans cette affaire, pour obtenir de la Cour qu’elle statue sur des faits passés étant donné qu’elle ne tire aucun avantage d’un arrêt constatant une situation passée. Dès lors, cette institution non seulement méconnaît manifestement les obligations, tant pour la Cour que pour elle-même, découlant de la jurisprudence citée aux points 50 et 51 du présent arrêt, mais encore ne met pas la Cour en mesure d’exercer son contrôle sur le présent recours en manquement.

55      Il convient, toutefois, de relever que la vérification des rapports annuels présentés par la République italienne et portant sur les années 2005 à 2007 a montré que les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 avaient été dépassées dans plusieurs zones et agglomérations. Sur la base de ces rapports, la Commission a estimé que la République italienne n’avait pas respecté les obligations prévues à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30 par le fait que, dans 55 zones et agglomérations italiennes, indiquées en annexe à la mise en demeure, les valeurs limites journalières et/ou annuelles applicables aux concentrations de PM10 avaient été dépassées pendant les années 2006 et 2007.

56      Il peut être déduit de ces éléments que le manquement aux obligations prévues à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30, en tout état de cause, couvre la période des années 2006 et 2007 et porte sur 55 zones et agglomérations italiennes.

57      Dans ces conditions, le présent recours en manquement, dans les limites ainsi définies, peut être déclaré recevable. En revanche, en tant qu’il porte sur l’année 2005 et la période postérieure à l’année 2007, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

58      S’agissant du bien-fondé du présent recours, il y a lieu de rappeler que la République italienne admet, dans ses observations, le dépassement des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans les limites constatées au point 56 du présent arrêt.

59      La République italienne ajoute que ces valeurs limites ne pouvaient pas être respectées dans les délais impartis par la directive 1999/30 pour cinq raisons au moins, énoncées au point 41 du présent arrêt. Dans ces conditions, assurer le respect desdites valeurs limites aurait impliqué l’adoption de mesures drastiques sur le plan économique et social ainsi que la violation de droits et de libertés fondamentaux tels que la libre circulation des marchandises et des personnes, l’initiative économique privée et le droit des citoyens aux services d’utilité publique.

60      À cet égard, il convient de souligner que, en l’absence de modification d’une directive par le législateur de l’Union pour prolonger les délais de mise en œuvre, les États membres sont tenus de se conformer aux délais fixés à l’origine.

61      En outre, il y a lieu de constater que la République italienne ne prétend pas avoir demandé, notamment, l’application de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 1999/30, qui concerne la situation dans laquelle les valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans l’air ambiant sont dépassées en raison d’événements naturels, lesquels donnent lieu à des concentrations dépassant sensiblement les niveaux de fond habituels provenant de sources naturelles.

62      Or, la procédure visée à l’article 258 TFUE repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité FUE ou un acte de droit dérivé (voir arrêts du 1er mars 1983, Commission/Belgique, 301/81, Rec. p. 467, point 8, et du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, Rec. p. I‑1749, point 81).

63      Dès lors qu’un tel constat a, comme en l’espèce, été établi, il est sans pertinence que le manquement résulte de la volonté de l’État membre auquel il est imputable, de sa négligence ou bien encore de difficultés techniques auxquelles celui-ci aurait été confronté (arrêts du 1er octobre 1998, Commission/Espagne, C‑71/97, Rec. p. I‑5991, point 15, et du 4 mars 2010, Commission/Italie, précité, point 82).

64      En tout état de cause, un État membre qui se heurte à des difficultés momentanément insurmontables l’empêchant de se conformer aux obligations résultant du droit de l’Union ne peut invoquer une situation de force majeure que pour la période nécessaire pour remédier à ces difficultés (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2001, Commission/France, C‑1/00, Rec. p. I‑9989, point 131).

65      Cependant, en l’occurrence, les arguments avancés par la République italienne sont trop généraux et imprécis pour pouvoir constituer un cas de force majeure justifiant le non-respect des valeurs limites applicables aux concentrations de PM10 dans les 55 zones et agglomérations italiennes visées par la Commission.

66      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le recours dans les limites mentionnées au point 56 du présent arrêt.

67      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ayant omis de veiller à ce que, pour les années 2006 et 2007, les concentrations de PM10 dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30 dans les 55 zones et agglomérations italiennes visées dans la mise en demeure de la Commission du 2 février 2009, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 138, paragraphe 3, première phrase, du même règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

69      Dans le présent litige, il convient de tenir compte du fait que le grief de la Commission tiré du non-respect des obligations résultant de l’article 5 de la directive 1999/30, devenu article 13 de la directive 2008/50, en ce qui concerne l’année 2005 et la période postérieure à l’année 2007, a été déclaré irrecevable.

70      Il y a lieu, par conséquent, de condamner la Commission et la République italienne à supporter leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En ayant omis de veiller à ce que, pour les années 2006 et 2007, les concentrations de PM10 dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant, dans les 55 zones et agglomérations italiennes visées dans la mise en demeure de la Commission européenne du 2 février 2009, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne et la République italienne supportent chacune leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.