Language of document : ECLI:EU:C:2007:493

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 11 septembre 2007 (1)

Affaire C‑101/05

Skatteverket

contre

A

[demande de décision préjudicielle formée par le Regeringsrätten (Suède)]

«Libre circulation des capitaux – Relations avec un pays tiers – Législation fiscale – Imposition des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale – Notion de ‘restriction à un mouvement de capitaux’ – Justification – Efficacité des contrôles fiscaux»





1.        La liberté de circulation des capitaux, contrairement aux autres libertés de circulation instituées par le traité CE, ne s’applique pas uniquement entre les États membres. Elle prohibe également les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers. Dans la présente procédure préjudicielle, la Cour est invitée à préciser si cette liberté de circulation a la même portée dans les relations entre les États membres et les pays tiers que dans le cadre intracommunautaire.

2.        Cette procédure a pour origine une contestation à propos de l’octroi, à une personne physique résidant en Suède, de l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes qui lui ont été distribués par une société établie en Suisse sous la forme d’actions qu’elle détient dans une filiale.

3.        Conformément à la législation suédoise applicable, cette exonération est soumise à plusieurs conditions. Le Royaume de Suède, estimant qu’il devait pouvoir contrôler le respect de ces conditions lorsque la société distributrice est établie à l’étranger, a prévu que ladite exonération ne pouvait être accordée que si cette société est établie dans un pays de l’Espace économique européen (EEE) ou dans un État avec lequel il a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements.

4.        Il s’agit de déterminer si une telle législation doit être analysée comme une restriction à un mouvement de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE et, le cas échéant, si cette restriction peut être justifiée.

5.        Dans les présentes conclusions, nous exposerons que les notions de «mouvement de capitaux» et de «restriction», visées à l’article 56, paragraphe 1, CE doivent avoir la même portée tant en ce qui concerne les opérations entre les États membres et les pays tiers qu’en ce qui concerne les relations entre les États membres. Nous en déduirons que la législation nationale en cause constitue bien une restriction à un mouvement de capitaux au sens de cette disposition.

6.        Nous examinerons ensuite dans quelle mesure cette restriction peut être justifiée.

7.        Nous rappellerons que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux peut justifier une restriction à la liberté de circulation des capitaux si la mesure en cause est propre à atteindre cet objectif et si elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour y parvenir. Nous indiquerons que, dans les relations entre les États membres et les pays tiers, ce motif de restriction peut justifier que le bénéfice d’un avantage fiscal soit soumis à l’existence d’une convention prévoyant l’échange de renseignements lorsque cet avantage est soumis en droit national à des conditions que les autorités fiscales de l’État membre concerné ne sont pas en mesure de vérifier par leurs propres moyens.

8.        Nous en déduirons que la restriction en cause est conforme aux articles 56 CE et 58 CE si le juge national constate que l’exonération de l’imposition sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale est soumise à des conditions dont le contrôle, par les autorités fiscales nationales, nécessite des informations que seules les autorités compétentes du pays dans lequel la société mère distributrice est établie peuvent obtenir.

I –    La réglementation nationale

9.        En vertu de la loi suédoise nº 1229 de 1999 (2), les dividendes versés à une personne physique par une société anonyme sont normalement soumis à l’impôt sur le revenu.

10.      Conformément à l’article 16 figurant au chapitre 42 de la loi suédoise, les dividendes distribués par une société anonyme suédoise sous la forme d’actions dans une filiale ne sont pas inclus dans le revenu imposable à condition que:

1)      la distribution soit effectuée proportionnellement au nombre d’actions détenues dans la société mère;

2)      les actions de la société mère soient cotées en Bourse;

3)      toutes les parts de la société mère dans la filiale soient distribuées;

4)      après la distribution, les parts sociales dans la filiale ne soient pas détenues par une société appartenant au même groupe que la société mère;

5)      la filiale soit une société anonyme suédoise ou une société étrangère, et

6)      l’activité principale de la filiale soit à caractère industriel ou commercial ou consiste, directement ou indirectement, à détenir des parts dans des sociétés dont l’activité principale est à caractère industriel ou commercial et dans lesquelles la filiale détient, directement ou indirectement, des parts sociales représentant un nombre de droits de vote supérieur à la moitié des droits de vote de toutes les parts sociales de la société.

11.      Ces dispositions sont entrées en vigueur pour la première fois en 1992 et s’appliquaient uniquement aux bénéfices distribués par des sociétés anonymes suédoises. Lesdites dispositions ont été abrogées en 1994 puis réintroduites à partir de 1995.

12.      Le gouvernement suédois explique que cette législation a été adoptée afin de faciliter les restructurations d’entreprises et les partages de sociétés. Grâce à ladite législation, un actionnaire ayant reçu des bénéfices d’une société mère distributrice sous la forme d’actions que celle‑ci détient dans une filiale peut retarder l’imposition des bénéfices ainsi distribués jusqu’à la vente des actions reçues.

13.      Cette distribution de bénéfices n’est pas imposée, selon ce gouvernement, parce que les actions détenues dans la société mère sont considérées comme ayant perdu la valeur représentée par les actions dans la filiale. En réalité, ladite distribution a pour seul effet que les propriétaires indirects de la filiale deviennent ses propriétaires directs sans que la valeur des actions détenues soit modifiée. Au moment de la distribution, le prix d’acquisition des actions dans la société mère se trouve réparti entre ces dernières et les actions dans la filiale. Lors de la cession, la plus‑value ou la perte en capital est donc déterminée sur la base de la fraction correspondante du prix d’acquisition.

14.      En vertu de l’article 16a figurant au chapitre 42 de la loi suédoise, ajouté en 2001, l’exonération prévue à l’article 16 figurant au même chapitre s’applique également si la distribution d’actions est effectuée par une société étrangère qui a un statut analogue à celui d’une société anonyme suédoise et qui est établie dans un pays de l’EEE ou dans un État avec lequel le Royaume de Suède a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements.

15.      Le 7 mai 1965, la Confédération suisse et le Royaume de Suède ont conclu une convention en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (3). En ce qui concerne la répartition du pouvoir d’imposition des dividendes, elle est réglée par l’article 10 de cette convention (4).

16.      La convention ne contient pas de disposition relative à un échange de renseignements entre les autorités compétentes des deux États contractants. L’article 27 de celle‑ci prévoit une procédure amiable entre ces autorités en vue d’éviter une imposition non conforme à ses dispositions ainsi que pour résoudre les difficultés ou dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou l’application de celles‑ci (5).

17.      En outre, il ressort du point 5 du protocole de négociation et de signature établi lors de la conclusion de la convention que la délégation suisse a jugé que les seuls éléments qui devaient pouvoir faire l’objet d’un échange de renseignements étaient ceux nécessaires à une bonne application de la convention et ceux permettant d’éviter qu’il en soit fait une application abusive. Il ressort du même point que le Royaume de Suède a pris acte de cette explication et a renoncé à une disposition conventionnelle expresse sur l’échange de renseignements.

18.      Par ailleurs, le 17 août 1993, un arrangement a été conclu entre la Confédération suisse et le Royaume de Suède (ci‑après l’«arrangement») concernant l’exécution des articles 10 et 11 de la convention (6). Cet arrangement précise, d’une part, la procédure à suivre par un particulier pour obtenir un dégrèvement de l’impôt conformément auxdits articles 10 et 11 et, d’autre part, le traitement de telles demandes par les autorités fiscales des États contractants.

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

19.      A, une personne physique résidant en Suède, est actionnaire de la société X, dont le siège se trouve en Suisse et qui envisage de distribuer les actions qu’elle détient dans l’une de ses filiales. A a demandé au Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal) un avis préalable sur la question de savoir si une telle distribution était exonérée d’impôt. Selon A, la société X a un statut analogue à celui d’une société anonyme suédoise et les conditions d’exonération requises par la loi suédoise sont remplies, hormis celle tenant à la localisation du siège de cette société.

20.      Dans son avis notifié le 19 février 2003, le Skatterättsnämnden a répondu que la distribution envisagée devait être exonérée d’impôt en application des dispositions du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux.

21.      D’une part, il a estimé que la condition énoncée à l’article 16a figurant au chapitre 42 de la loi suédoise, tenant à l’existence d’une disposition prévoyant un échange de renseignements, n’est pas satisfaite. En effet, cette condition ferait référence à une coopération telle que celle prévue à l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et aucune disposition ayant un tel contenu ne figurerait dans les accords passés avec la Confédération suisse.

22.      D’autre part, le Skatterättsnämnden a retenu que la distribution en cause constitue un mouvement de capitaux et que l’absence d’exonération doit être analysée comme une restriction au sens de l’article 56 CE. Selon lui, cette restriction ne serait pas couverte par l’article 57, paragraphe 1, CE, parce que le mouvement en cause n’impliquerait pas un investissement direct.

23.      Le Skatterättsnämnden a alors estimé que ladite restriction ayant été motivée par l’impossibilité pour le Skatteverket (administration fiscale) de procéder au contrôle du respect des conditions d’octroi de l’exonération, elle serait disproportionnée au regard de cet objectif, bien que les dispositions de la directive 77/799/CEE du Conseil (7) ne soient pas applicables dans le cadre de relations avec la Confédération suisse. En effet, l’arrangement semblerait permettre aux autorités fiscales suédoises d’obtenir les renseignements nécessaires à l’application de leur droit interne et il serait possible de donner au contribuable A la possibilité de démontrer lui‑même que toutes les conditions requises par la loi suédoise sont satisfaites.

24.      Le Skatteverket a fait appel de cette décision devant le Regeringsrätten (Cour suprême administrative) (Suède).

25.      Le Skatteverket a fait valoir que les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux souffrent d’un manque de clarté en ce qui concerne les mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, en particulier avec des pays qui s’opposent à l’échange de renseignements à des fins de contrôle fiscal. Lorsque la possibilité d’obtenir de tels renseignements est très limitée, une restriction comme celle en cause au principal pourrait être justifiée par le droit des États membres de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux. En effet, un tel motif aurait été reconnu par la jurisprudence comme une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à une liberté de circulation garantie par le traité.

26.      À l’inverse, A a soutenu que la restriction en cause ne saurait être justifiée dès lors que le contribuable concerné peut être sommé de démontrer que toutes les conditions requises pour l’octroi de l’exonération sont satisfaites.

27.      C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux entre les États membres et un pays tiers font‑elles obstacle à ce que, dans une situation comme celle décrite ci‑dessus, A soit imposé pour les dividendes qui lui ont été distribués par X, au motif que X n’a pas son siège dans un État de l’EEE ni dans un État avec lequel [le Royaume de] Suède a passé une convention fiscale contenant une clause prévoyant l’échange de renseignements?»

III – Analyse

28.      À titre liminaire, il convient de rappeler que, si, à ce jour, la fiscalité directe, dont fait partie la taxation des dividendes, relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle‑ci dans le respect du droit communautaire et, notamment, des libertés de circulation instituées par le traité (8).

29.      Il y a lieu également d’indiquer que, conformément à la demande de la juridiction de renvoi, c’est bien à l’aune des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux qu’il convient d’examiner la compatibilité de la réglementation litigieuse avec le droit communautaire.

30.      Il ressort, en effet, de la jurisprudence qu’une législation nationale qui soumet la perception de dividendes à un impôt dont le taux dépend de l’origine, nationale ou non, de ces dividendes, indépendamment de l’ampleur de la participation que l’actionnaire détient dans la société distributrice, est susceptible de relever aussi bien de l’article 43 CE, relatif à la liberté d’établissement, que de l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux (9).

31.      Il est également constant que le chapitre du traité relatif au droit d’établissement ne comporte aucune disposition qui étende son champ d’application aux situations concernant l’établissement dans un pays tiers d’un ressortissant d’un État membre ou d’une société constituée en conformité avec la législation d’un État membre (10).

32.      Dans la mesure où la situation en cause au principal concerne la distribution de dividendes à un actionnaire résidant dans un État membre par une société qui est établie dans un pays tiers, seules les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux sont susceptibles de s’appliquer.

33.      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’une législation en vertu de laquelle l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale, qui est soumise à plusieurs conditions, ne peut être accordée que si la société mère distributrice est établie dans un pays de l’EEE ou dans un État avec lequel l’État membre a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements constitue une restriction à un mouvement de capitaux et, dans l’affirmative, si cette restriction peut être justifiée.

34.      Cette question recouvre donc deux interrogations. Elle nous conduit à déterminer, tout d’abord, si la législation en cause doit être analysée comme une restriction à un mouvement de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE. Il s’agit ensuite de savoir si, en cas de réponse affirmative à la première interrogation, une telle restriction peut être justifiée.

35.      Préalablement à l’examen de ces deux interrogations, il paraît utile, d’une part, de rappeler le contenu des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux ainsi que les étapes principales ayant abouti à celui‑ci et, d’autre part, de présenter brièvement l’état des dispositions applicables en ce qui concerne l’échange de renseignements en matière de fiscalité directe, au niveau intracommunautaire et dans les relations entre les États membres et les pays tiers.

A –    Les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux

36.      Les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux comprennent un principe, énoncé à l’article 56 CE, ainsi que des limites à ce principe, prévues aux articles 57 CE à 60 CE.

1.      La reconnaissance du principe de la libre circulation des capitaux

37.      Les mouvements de capitaux entre les États membres, d’une part, et entre ces États et les pays tiers, d’autre part, ont fait l’objet d’une libéralisation progressive.

38.      Dans le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, les mouvements de capitaux internes et externes à la Communauté faisaient l’objet de dispositions distinctes et peu contraignantes. Ainsi, sur le plan interne, les États membres, conformément à l’article 67 du traité CEE (devenu article 67 du traité CE, lui‑même abrogé par le traité d’Amsterdam), n’étaient tenus d’éliminer progressivement les restrictions aux mouvements de capitaux au cours de la période de transition que «dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun». Sur le plan externe, l’article 70 du traité CEE (devenu article 70 du traité CE, lui‑même abrogé par le traité d’Amsterdam) prévoyait simplement la coordination progressive des politiques de change des États membres vis‑à‑vis des pays tiers.

39.      Au vu du caractère peu contraignant de l’article 67 du traité, la Cour avait estimé que cette disposition n’était pas revêtue d’effet direct à l’issue de la période de transition, contrairement aux articles du traité instituant les autres libertés de circulation, tout en reconnaissant que la libre circulation des capitaux constituait, elle aussi, une des «libertés fondamentales» du traité (11).

40.      Une étape importante a été franchie avec la directive 88/361/CEE du Conseil (12). Cette directive a prévu la libéralisation complète et inconditionnelle des mouvements de capitaux entre les États membres, puisque l’article 1er de celle‑ci disposait que les États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant sur leur territoire. Le délai imparti aux États membres pour se conformer à cette obligation expirait le 1er juillet 1990. Dans son arrêt du 23 février 1995, Bordessa e.a. (13), la Cour a jugé que l’article 1er de la directive 88/361 était d’effet direct.

41.      En revanche, sur le plan externe, les dispositions de la directive 88/361 étaient moins contraignantes, puisque, selon l’article 7 de celle‑ci, les États membres devaient seulement s’efforcer d’atteindre, dans le régime qu’ils appliquent aux transferts afférents aux mouvements de capitaux avec les pays tiers, le même degré de libéralisation que celui pratiqué à l’intérieur de la Communauté.

42.      Le traité sur l’Union européenne a constitué la seconde étape importante de ce processus de libéralisation. Sur le plan formel, ce traité a prévu le remplacement des articles 67 du traité à 73 du traité CEE (devenu article 73 du traité CE, lui‑même abrogé par le traité d’Amsterdam) par les articles 73 B à 73 G du traité CE (devenus articles 56 CE à 60 CE) à compter du 1er janvier 1994.

43.      Sur le plan substantiel, le traité UE a fait de la libre circulation des capitaux une liberté fondamentale garantie par le traité, non seulement en ce qui concerne les mouvements entre les États membres, mais également entre ces États et les pays tiers. Ainsi, aux termes de l’article 73 B, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 56, paragraphe 1, CE), «dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites».

44.      Au vu du caractère précis et inconditionnel de cette disposition, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 14 décembre 1995, Sanz de Lera e.a. (14), que le principe de la libre circulation des capitaux était revêtu d’effet direct en ce qu’il interdit les restrictions tant entre les États membres qu’entre ces États et les pays tiers (15).

45.      Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, a procédé à la renumérotation des articles du traité et a repris, à l’article 56, paragraphe 1, CE, les dispositions de l’article 73 B, paragraphe 1, du traité.

2.      Les limites au principe de la libre circulation des capitaux

46.      Les limites au principe de la libre circulation des capitaux comprennent deux séries de dispositions, d’une part, des clauses de sauvegarde et, d’autre part, des dérogations.

a)      Les clauses de sauvegarde

47.      Les clauses de sauvegarde sont prévues aux articles 59 CE et 60 CE. Elles ne concernent que les pays tiers. Elles ont un caractère temporaire et sont destinées à répondre à des circonstances exceptionnelles.

48.      L’article 59 CE permet de répondre à des difficultés d’ordre économique. Aux termes de cet article, lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, les mouvements de capitaux en provenance ou à destination de pays tiers causent ou menacent de causer des difficultés graves pour le fonctionnement de l’Union économique et monétaire, le Conseil de l’Union européenne, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission des Communautés européennes et après consultation de la Banque centrale européenne, peut prendre, à l’égard de ces pays, des mesures de sauvegarde pour une période ne dépassant pas six mois, pour autant que ces mesures soient strictement nécessaires.

49.      L’article 60 CE, quant à lui, a un caractère politique. Il permet au législateur communautaire de prendre des mesures de rétorsion sur le plan des mouvements de capitaux lorsque la Communauté, dans le cadre d’une action commune arrêtée en vertu des dispositions du traité relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, a décidé de réduire ou d’interrompre les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers.

b)      Les dérogations

50.      Elles sont énoncées aux articles 57 CE et 58 CE.

51.      L’article 57 CE ne concerne également que les relations avec les pays tiers et porte sur les mouvements de capitaux considérés comme étant particulièrement sensibles. Il s’agit des mouvements de capitaux qui impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux. L’article 57, paragraphe 1, CE prévoit le maintien des restrictions nationales ou communautaires à de tels mouvements de capitaux existant au 31 décembre 1993.

52.      L’article 57, paragraphe 2, CE donne au Conseil la possibilité de prendre des mesures nouvelles en ce qui concerne ces mêmes mouvements de capitaux. Conformément à cette disposition, le Conseil statue à la majorité qualifiée lorsqu’il décide d’approfondir la liberté desdits mouvements de capitaux et à l’unanimité s’il décide de les restreindre.

53.      L’article 58 CE, quant à lui, décrit les compétences réservées par les États membres qui leur permettent de restreindre les mouvements de capitaux à destination ou en provenance tant des autres États membres que des pays tiers. Il dispose:

«1.   L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:

a)      d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;

b)      de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

2.     Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d’appliquer des restrictions en matière de droit d’établissement qui sont compatibles avec le présent traité.

3.     Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56.»

54.      Il ressort de la jurisprudence que, parmi les mesures pouvant être considérées comme indispensables pour faire échec aux infractions aux lois et aux règlements d’un État membre figurent notamment celles destinées à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux (16).

55.      En outre, la liste des mesures justificatives contenue à l’article 58, paragraphe 1, sous b), CE n’est pas limitative. La Cour a admis que la liberté de circulation des capitaux, comme les autres libertés de circulation, pouvait être restreinte par d’autres motifs, qualifiés de raison ou d’exigence impérieuse d’intérêt général (17). Il a été jugé à plusieurs reprises que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue également une raison impérieuse d’intérêt général pouvant justifier une restriction à la liberté de circulation des capitaux (18).

56.      Cependant, quel que soit le motif invoqué, il importe que la mesure en cause soit apte à atteindre l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’excède pas ce qui est nécessaire à cet effet.

57.      Enfin, dans l’arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (19), la Cour a indiqué qu’il ne saurait être exclu qu’un État membre puisse démontrer qu’une restriction des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers soit justifiée par un motif donné dans des circonstances où ce motif ne serait pas de nature à constituer une justification valide pour une restriction de mouvements de capitaux entre États membres.

B –    Les dispositions applicables en ce qui concerne l’échange de renseignements à des fins fiscales

1.      L’échange de renseignements à des fins fiscales entre les États membres

58.      L’échange de renseignements entre les États membres à des fins fiscales est régi principalement par la directive 77/799.

59.      Cette directive a été adoptée afin de répondre au double constat suivant. D’une part, la pratique de la fraude et de l’évasion fiscales par‑delà les frontières des États membres conduit à des pertes budgétaires ainsi qu’à des entorses au principe de la justice fiscale et est susceptible de porter atteinte au fonctionnement du marché commun. D’autre part, compte tenu du caractère international de ce problème, les mesures nationales, limitées aux frontières des États membres, sont insuffisantes, de même que la collaboration entre administrations sur la base d’accords bilatéraux (20).

60.      La directive 77/799 prévoit que les autorités compétentes des États membres échangent, conformément à ses dispositions, toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune. En vertu de cette directive et conformément à la jurisprudence, un État membre peut donc demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer toutes les informations qu’il juge nécessaires pour apprécier le montant exact de l’impôt sur le revenu dû par un contribuable en application de sa législation nationale (21).

61.      Il ne s’agit pas, toutefois, d’une obligation sans limite. Ladite directive n’impose pas, en effet, à l’État membre requis l’obligation de faire effectuer des recherches ou de transmettre des informations lorsque la législation ou la pratique administrative de celui‑ci n’autorisent l’autorité compétente ni à effectuer de telles recherches ni à recueillir ou à utiliser de telles informations pour les besoins propres de cet État.

62.      Dans le même sens, la directive 2003/48/CE du Conseil (22) a mis en place un système d’échange automatique de certaines informations relatives aux paiements d’intérêts.

2.      L’échange de renseignements à des fins fiscales entre les pays tiers et les États membres

63.      S’agissant de l’échange de renseignements à des fins fiscales entre les pays tiers et les États membres, des mesures équivalentes à celles prévues par la directive 2003/48 dans le domaine spécifique couvert par cette directive ont fait l’objet d’accords entre la Communauté européenne, d’une part, et la Confédération suisse, la Principauté d’Andorre, la Principauté de Liechtenstein, la Principauté de Monaco ainsi que la République de Saint‑Marin, d’autre part (23).

64.      En dehors de ces accords particuliers, l’échange de renseignements à des fins fiscales entre les pays tiers et les États membres continue de relever de conventions bilatérales ou multilatérales. Tel est le cas, en particulier, en ce qui concerne l’échange de renseignements entre les États membres et les pays appartenant à l’EEE, c’est‑à‑dire la République d’Islande, la Principauté de Liechtenstein et le Royaume de Norvège. Ces pays ne sont pas tenus, par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (24), de transposer dans leur droit national les actes de droit dérivé portant sur l’échange de renseignements en matière fiscale, tels que la directive 77/799.

65.      L’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE fournit la norme la plus généralement retenue pour ce type de convention (25). Dans sa version en vigueur au 29 avril 2000, ce texte était libellé comme suit:

«1.   Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements nécessaires pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou celles de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention. […]

2.     Les dispositions du paragraphe 1 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État contractant l’obligation:

a)      de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l’autre État contractant;

b)      de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celle de l’autre État contractant;

c)      de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public.»

66.      C’est au regard de cette présentation que nous allons examiner si la loi suédoise doit être analysée comme une restriction à un mouvement de capitaux et, le cas échéant, si cette restriction peut être justifiée.

C –    Sur l’existence d’une restriction à un mouvement de capitaux

67.      La première interrogation à laquelle il convient de répondre porte sur le point de savoir si une législation en vertu de laquelle l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale ne peut être accordée que si la société mère distributrice est établie dans un pays de l’EEE ou dans un État avec lequel l’État membre a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements constitue une restriction à un mouvement de capitaux.

68.      Le Skatteverket ainsi que les gouvernements suédois, allemand, français et néerlandais proposent de répondre par la négative à cette interrogation. Selon ces gouvernements, l’article 56, paragraphe 1, CE ne devrait pas avoir la même portée avec les pays tiers que dans le cadre intracommunautaire. Ils invoquent plusieurs arguments à l’appui de cette position qui peuvent être résumés de la manière suivante.

69.      D’une part, la libéralisation des mouvements de capitaux avec les pays tiers ne poursuivrait pas le même objectif que la libéralisation de ces mouvements entre les États membres. Il s’agirait, dans le cas des relations avec les pays tiers, non pas de réaliser le marché intérieur, mais d’assurer la crédibilité de la monnaie unique communautaire sur les marchés financiers mondiaux et de maintenir, dans les États membres, des centres financiers de dimension mondiale.

70.      D’autre part, la libéralisation des mouvements de capitaux avec les pays tiers procéderait d’une démarche unilatérale de la Communauté, qui n’est pas nécessairement suivie d’une contrepartie de la part de ces pays. Donner à l’article 56, paragraphe 1, CE la même portée en ce qui concerne les pays tiers que dans le cadre intracommunautaire affaiblirait donc la position de la Communauté dans ses négociations avec ces pays. Une interprétation aussi large se trouverait également en contradiction avec des accords d’association dans lesquels les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux ont une portée moins étendue.

71.      Enfin, l’interprétation de l’article 56, paragraphe 1, CE, en ce qui concerne les relations avec les pays tiers, devrait tenir compte du fait que ces derniers ne se trouvent pas tenus par le droit communautaire, en particulier par la directive 77/799. Il conviendrait également de prendre en considération le fait que le champ d’application de la liberté de circulation des capitaux peut recouper celui de la liberté d’établissement. Il importerait donc d’éviter que l’interprétation de l’article 56, paragraphe 1, CE, en ce qui concerne les relations avec les pays tiers, permette à des opérateurs économiques qui ne remplissent pas les conditions requises pour se prévaloir de la liberté d’établissement dans un État membre de contourner ces conditions.

72.      Les gouvernements suédois, allemand, français et néerlandais déduisent de ces arguments que la notion de «mouvement de capitaux» visée à l’article 56, paragraphe 1, CE ne couvre pas une distribution de dividendes par une société établie dans un pays tiers et que la loi suédoise ne constitue pas une restriction au sens de cette disposition.

73.      Nous ne partageons pas cette analyse. Comme A et la Commission, nous sommes d’avis que les notions de «mouvement de capitaux» et de «restriction» visées à l’article 56, paragraphe 1, CE doivent avoir la même portée en ce qui concerne les relations entre les États membres et les pays tiers que dans le cadre intracommunautaire. Nous fondons notre position sur les motifs suivants.

74.      En premier lieu, nous nous référons au contenu de l’article 56, paragraphe 1, CE. Nous relevons que cette disposition pose, dans les mêmes termes, le principe de la libre circulation des capitaux entre les États membres, d’une part, et entre ces États et les pays tiers, d’autre part. Au vu de la genèse de ladite disposition, le contenu de celle‑ci revêt, à notre avis, un caractère déterminant pour l’interprétation de la portée de l’article 56, paragraphe 1, CE en ce qui concerne les mouvements de capitaux au niveau non communautaire.

75.      En effet, ainsi que nous l’avons rappelé, jusqu’au traité UE, les mouvements de capitaux entre États membres, d’une part, et entre ces États et les pays tiers, d’autre part, se trouvaient régis par des dispositions distinctes ayant un contenu différent. En outre, dans la directive 88/361, le principe de la libre circulation des capitaux entre les États membres était déjà affirmé dans des termes clairs et inconditionnels. Par conséquent, le fait que, dans le traité UE, les États membres ont décidé de consacrer, dans le même article et dans les mêmes termes, ce principe, tant à l’intérieur de la Communauté que dans les relations entre les États membres et les pays tiers, démontre, à notre avis, leur volonté de conférer à cette liberté de circulation la même portée aux niveaux intracommunautaire et non communautaire.

76.      L’argument avancé par les gouvernements qui sont intervenus dans le cadre de la présente procédure, selon lequel la libéralisation des mouvements de capitaux avec les pays tiers ne poursuivrait pas le même objectif que cette liberté de la circulation au sein de l’Union, ne nous paraît pas infirmer cette analyse.

77.      Le traité ne précise pas les motifs pour lesquels le champ d’application de ladite liberté a été étendu aux pays tiers. Il est communément admis que cette extension est à mettre en relation avec le développement de la politique monétaire de la Communauté. Cependant, si les États membres avaient voulu que cette différence d’objectif se traduise dans la portée de cette libéralisation en ce qui concerne leurs relations avec les pays tiers, ils auraient dû, en toute logique, poser le principe de la libre circulation des capitaux dans la Communauté et au niveau non communautaire dans des termes différents, comme cela était le cas auparavant. Le fait que, malgré ladite différence d’objectif, ils aient choisi de consacrer cette liberté de circulation dans des termes identiques et dans le même article du traité ne peut s’expliquer, à notre avis, que par l’intention de lui conférer la même portée dans les deux cas de figure.

78.      En deuxième lieu, nous trouvons une confirmation de cette thèse dans les autres articles du chapitre consacré à la liberté de circulation des capitaux.

79.      Nous constatons, en effet, que, aux articles 57 CE, 59 CE et 60 CE, le législateur communautaire a prévu expressément les clauses de sauvegarde, économiques et politiques, ainsi que les dérogations qui s’appliquent spécialement à cette liberté de circulation avec les pays tiers. Ce sont donc ces dispositions ainsi que celles de l’article 58 CE qui sont destinées à prendre en compte les différences d’objectif et de contexte juridique de la libre circulation des capitaux entre les États membres et les pays tiers et non pas l’article 56, paragraphe 1, CE. En d’autres termes, c’est bien parce que ce dernier article a la même portée en ce qui concerne les relations entre les États membres et les pays tiers que dans le cadre intracommunautaire qu’il est apparu nécessaire de prévoir des clauses de sauvegarde ainsi que des dérogations en ce qui concerne les relations non communautaires.

80.      Quant aux dispositions de l’article 57, paragraphe 2, première phrase, CE selon lesquelles le Conseil peut, à la majorité qualifiée, prendre des mesures en ce qui concerne certains mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers, «[t]out en s’efforçant de réaliser l’objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice des autres chapitres du présent traité» (26), nous ne croyons pas, contrairement au gouvernement allemand, qu’elles démontrent que l’article 56, paragraphe 1, CE aurait une portée moindre dans sa dimension non communautaire.

81.      L’article 57, paragraphe 2, première phrase, CE doit être mis en relation avec le paragraphe 1 du même article qui autorise le maintien des restrictions existant au 31 décembre 1993 dans les législations des États membres et le droit communautaire, en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés de capitaux.

82.      Cette dernière disposition autorise ainsi le maintien de ces restrictions existantes sans limitation de durée. L’article 57, paragraphe 2, première phrase, CE doit donc être compris, selon nous, comme permettant à la Communauté et aux États membres de passer une convention avec un pays tiers comportant des dispositions en matière de libre circulation des capitaux dont les clauses sont applicables uniformément dans tous les États membres, sans que les restrictions visées à l’article 57, paragraphe 1, CE puissent leur être opposées. L’article 57, paragraphe 2, première phrase, CE constitue ainsi la base juridique qui permet au législateur communautaire d’écarter l’application de ces restrictions, nationales ou communautaires, dans le cadre d’un accord avec un pays tiers (27).

83.      Enfin, en ce qui concerne l’article 57, paragraphe 2, seconde phrase, CE, il permet au Conseil de prendre des mesures restreignant la libre circulation des capitaux à l’égard d’un ou de plusieurs pays tiers, ce qui confère à la Communauté un moyen de pression dans le cadre des négociations avec ce ou ces pays.

84.      En troisième lieu, nous sommes d’avis que cette interprétation ne se heurte pas aux obstacles exposés par le Skatteverket ainsi que par les gouvernements suédois, allemand, français et néerlandais.

85.      Ainsi, nous ne croyons pas, d’une part, qu’elle serait de nature à affaiblir la position de la Communauté dans ses négociations avec un pays tiers ni à se trouver en contradiction avec les clauses d’un accord d’association relatives à la circulation des capitaux entre celle‑ci et le pays tiers partie à cet accord.

86.      En effet, comme nous l’avons vu, la liberté de circulation des capitaux entre les États membres et les pays tiers instituée par l’article 56 CE fait l’objet de plusieurs limites aux articles 57 CE à 60 CE. Il s’agit, en particulier, du maintien des restrictions nationales ou communautaires existant au 31 décembre 1993 à certains mouvements de capitaux. Nous pouvons citer également les entraves à cette liberté de circulation causées par les mesures prises par les États membres pour faire échec aux infractions à leurs lois, en particulier en matière fiscale, visées à l’article 58, paragraphe 1, sous b), CE. Il peut s’agir, enfin, des mesures nationales justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général.

87.      Comme nous le verrons de manière plus concrète dans la seconde partie de notre analyse et ainsi qu’il ressort de l’arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, le motif de restriction tenant à la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux doit se voir reconnaître une portée plus large en ce qui concerne les mouvements à destination ou en provenance des pays tiers que dans le cadre intracommunautaire, compte tenu, notamment, de ce que les obligations faites aux États membres par les actes communautaires de droit dérivé en matière d’échange de renseignements ne s’imposent pas à ces pays.

88.      Au regard de l’ensemble de ces limites à la portée de l’article 56, paragraphe 1, CE, le pouvoir de négociation de la Communauté avec les pays tiers ne nous paraît pas affaibli, parce que ces derniers doivent encore prendre les engagements nécessaires afin d’obtenir leur suppression dans le cadre de conventions ou d’accords d’association passés avec celle‑ci.

89.      Nous ne croyons pas non plus, d’autre part, que notre interprétation de l’article 56, paragraphe 1, CE aurait pour effet de permettre à une personne physique ou morale ne remplissant pas les conditions requises pour se prévaloir des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement de contourner ces conditions.

90.      Il convient de relever, tout d’abord, qu’un tel risque n’existe pas dans l’affaire au principal. En effet, le mouvement de capitaux concerné est une distribution, par une société mère établie dans un pays tiers, de dividendes sous la forme d’actions dans une filiale établie elle aussi dans un pays tiers à un actionnaire résidant dans un État membre. Une telle opération pourrait donc, le cas échéant, donner à cet actionnaire une participation dans la filiale étrangère de la société distributrice dont l’ampleur lui permettrait d’exercer une influence certaine sur les décisions de cette filiale. En revanche, elle ne saurait permettre à un actionnaire résidant dans un pays tiers de prendre le contrôle d’une filiale établie dans un État membre.

91.      Ensuite, la Cour, dans sa jurisprudence récente, a fourni des précisions quant à la délimitation des champs d’application respectifs de la liberté d’établissement et de la libre circulation des capitaux.

92.      Il ressort de cette jurisprudence que, lorsque la législation d’un État membre, en raison de son objet, concerne les situations dans lesquelles la participation de l’actionnaire lui permet d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société et de déterminer les activités de celle‑ci, comme peuvent l’être une loi nationale sur les sociétés étrangères contrôlées (28) ou une législation visant à lutter contre la sous-capitalisation (29), c’est à l’aune des articles du traité relatifs à la liberté d’établissement et uniquement de ceux-ci que la législation en cause doit être examinée (30).

93.      Dans un tel cas de figure, les effets restrictifs qu’une telle législation pourrait avoir sur la liberté de circulation des capitaux apparaissent comme la conséquence inéluctable d’une éventuelle entrave à la liberté d’établissement et ne justifient donc pas un examen de ladite législation au regard des articles 56 CE à 60 CE. En d’autres termes, les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux ne trouvent pas à s’appliquer dans un tel cas de figure et ne peuvent donc pas être invoquées afin de contourner l’impossibilité, pour un ressortissant d’un pays tiers établi à l’extérieur de l’Union, de se prévaloir des articles dudit traité portant sur la liberté d’établissement.

94.      Il est vrai, en revanche, qu’une législation nationale qui soumet la perception des dividendes à un impôt dont le taux dépend de l’origine, nationale ou non, de ces dividendes, indépendamment de l’ampleur de la participation que l’actionnaire détient dans la société distributrice, a vocation à relever de la liberté de circulation des capitaux. Il est donc envisageable qu’un actionnaire ressortissant d’un pays tiers et établi en dehors de l’Union, qui détient dans le capital d’une société résidente d’un État membre une participation importante, puisse se prévaloir des dispositions de l’article 56, paragraphe 1, CE afin de contester cette législation.

95.      En effet, la circonstance que l’ampleur de sa participation dans le capital d’une société résidente d’un État membre lui permette d’exercer une influence certaine sur les décisions de celle‑ci et d’en déterminer les activités ne paraît pas constituer en soi un motif suffisant pour écarter l’application de l’article 56, paragraphe 1, CE, au regard du contenu de l’article 57, paragraphe 1, CE. Cette dernière disposition, ainsi que nous l’avons vu, autorise les États membres à maintenir les restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers existant au 31 décembre 1993 lorsque ces mouvements impliquent l’«établissement». Il peut donc être déduit de ladite disposition que des mouvements de capitaux avec des pays tiers sont susceptibles d’impliquer l’établissement.

96.      Toutefois, même si un actionnaire ressortissant d’un pays tiers et établi en dehors de l’Union, dont la participation dans le capital d’une société résidente d’un État membre est d’une telle ampleur, peut se prévaloir des dispositions de l’article 56 CE, le risque de détournement des règles du traité relatives à la liberté d’établissement, dans ce cas de figure, peut également être écarté en vertu de l’article 58, paragraphe 2, CE. Cette disposition, à notre avis, autorise les États membres à prendre des mesures restrictives en ce qui concerne les distributions de dividendes à de tels actionnaires.

97.      C’est au vu de ces considérations que nous sommes d’avis que les notions de «mouvement de capitaux» et de «restriction», visées à l’article 56, paragraphe 1, CE, doivent avoir la même interprétation tant en ce qui concerne les relations entre les États membres et les pays tiers que dans les relations intracommunautaires.

98.      Au regard de cette prémisse, il n’apparaît pas sérieusement contestable, premièrement, qu’une distribution de dividendes sous la forme d’actions dans une filiale constitue un mouvement de capitaux au sens de cette disposition.

99.      En effet, dans l’arrêt du 6 juin 2000, Verkooijen (31), la Cour a jugé que le fait, pour un ressortissant d’un État membre résidant sur le territoire de celui‑ci, de percevoir des dividendes d’actions d’une société non‑résidente constitue un mouvement de capitaux au sens de l’article 1er de la directive 88/361. Elle a fondé cette analyse sur le motif selon lequel une telle perception présuppose nécessairement une participation à des entreprises nouvelles ou existantes, visée au titre I, point 2, de la nomenclature annexée à cette directive.

100. Une telle analyse est transposable lorsque les dividendes distribués prennent la forme d’actions dans une filiale, puisque, comme le relève la Commission, une telle distribution suppose que le bénéficiaire possède des actions de la société distributrice. En outre, il est de jurisprudence constante que, dans la mesure où l’article 56 CE a repris en substance le contenu de l’article 1er de la directive 88/361, la nomenclature des «mouvements de capitaux» qui lui est annexée conserve la valeur indicative qui était la sienne pour définir la notion de «mouvement de capitaux» (32).

101. Deuxièmement, il n’est pas douteux que la loi suédoise constitue une restriction à ce mouvement de capitaux. En effet, cette loi, en ce qu’elle prive du bénéfice de l’exonération les dividendes distribués par des sociétés établies dans des pays qui ne sont pas membres de l’EEE et qui n’ont pas passé avec le Royaume de Suède de convention prévoyant un échange de renseignements, dissuade les contribuables de cet État membre d’investir leurs capitaux dans des sociétés établies dans ces pays tiers.

102. De même, ladite loi constitue un obstacle à la collecte, par de telles sociétés, de capitaux en Suède. Elle apparaît également comme une restriction sous cet aspect, puisque lesdites sociétés sont en droit de se prévaloir des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, ainsi que cela ressort de la jurisprudence (33).

103. Une législation en vertu de laquelle l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale ne peut être accordée que si la société mère distributrice est établie dans un pays de l’EEE ou dans un État avec lequel l’État membre a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements constitue donc une restriction à un mouvement de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE.

104. Il convient d’examiner à présent si une telle restriction peut être justifiée.

D –    Sur la justification de cette restriction

105. Le Skatteverket et le gouvernement suédois ainsi que plusieurs autres gouvernements font valoir que la restriction en cause est justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux. Le gouvernement italien soutient, quant à lui, que cette restriction est couverte par l’article 57, paragraphe 1, CE.

106. Nous commencerons par examiner si ladite restriction relève des mesures existantes visées à l’article 57, paragraphe 1, CE, puisque, si tel est le cas, il ne serait pas nécessaire de rechercher si elle est justifiée sur le fondement de l’article 58 CE.

1.      Sur l’application de l’article 57, paragraphe 1, CE

107. L’article 57, paragraphe 1, CE permet aux États membres de maintenir les restrictions aux mouvements de capitaux qui impliquent des investissements directs et qui existaient à la date du 31 décembre 1993. Contrairement au gouvernement italien, nous ne croyons pas que cette disposition puisse s’appliquer à la loi suédoise.

108. Certes, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que la législation nationale prévoyant l’exonération des dividendes était en vigueur à la date du 31 décembre 1993 et qu’elle s’appliquait uniquement aux dividendes versés par des sociétés suédoises, de sorte que les sociétés établies dans les pays tiers s’en trouvaient écartées. Il pourrait donc être soutenu que, dans cette mesure, la législation nationale excluait déjà du bénéfice de l’exonération les dividendes de sociétés établies dans les pays tiers n’ayant pas passé avec le Royaume de Suède de convention prévoyant l’échange de renseignements.

109. Toutefois, la juridiction de renvoi précise également que cette législation a été abrogée à partir de 1994 puis réintroduite à partir de 1995. Compte tenu de cette abrogation, nous ne croyons pas que la loi suédoise puisse être assimilée aux «restrictions existant le 31 décembre 1993», visées à l’article 57, paragraphe 1, CE, et ce indépendamment du point de savoir si le mouvement de capitaux en cause implique un investissement direct, au sens de cette même disposition.

110. En effet, ladite disposition doit être interprétée au regard du système dans lequel elle s’insère. L’article 57, paragraphe 1, CE constitue une dérogation au principe énoncé à l’article 56, paragraphe 1, CE. Il doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte. En outre, il ressort des dispositions de l’article 57, paragraphe 2, seconde phrase, CE que toute nouvelle restriction ne peut être prise que par le Conseil, statuant à l’unanimité.

111. Par conséquent, la notion de «restrictions existant le 31 décembre 1993» suppose, à notre avis, que le cadre juridique dans lequel s’insère la restriction en cause ait fait partie de l’ordre juridique national d’une manière ininterrompue depuis le 31 décembre 1993. L’article 57, paragraphe 1, CE autorise les États membres à maintenir les restrictions visées par ce texte sans limitation dans le temps, mais ne les autorise pas à réintroduire des restrictions qui ont été abrogées.

112. En effet, en abrogeant cette restriction, l’État membre concerné a estimé qu’elle n’était plus nécessaire dans ses relations avec les pays tiers. Admettre qu’il puisse réintroduire une telle restriction à n’importe quel moment irait à l’encontre du principe consacré à l’article 56 CE ainsi que des articles 57, paragraphe 2, CE et 58 CE à 60 CE, en vertu desquels l’adoption de mesures de sauvegarde, économiques ou politiques, est soumise à des conditions très strictes et toute mesure nouvelle constituant un pas en arrière par rapport à la liberté de circulation des capitaux avec les pays tiers ne peut être prise par le Conseil qu’à l’unanimité.

113. Cette analyse nous semble conforme à la jurisprudence. Dans l’arrêt Konle, précité, la Cour a interprété la notion de «législation existante» visée à l’article 70 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (34), qui permettait à la République d’Autriche de maintenir temporairement sa législation existante concernant les résidences secondaires. Elle a fait application de cette interprétation dans le cadre de législations portant sur l’imposition de dividendes dans les arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation (35) et Holböck (36).

114. Il ressort de cette jurisprudence que toute mesure nationale adoptée postérieurement au 31 décembre 1993 n’est pas, de ce seul fait, automatiquement exclue du régime dérogatoire instauré par l’article 57, paragraphe 1, CE. La Cour a admis que cet article couvre également les dispositions qui sont, dans leur substance, identiques à la législation antérieure ou qui se bornent à réduire ou à supprimer un obstacle à l’exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans cette législation.

115. Toutefois, il ne ressort pas des motifs de ces arrêts ni du contexte dans lequel ils ont été rendus que la notion de «restrictions existant» ait vocation à s’appliquer aussi lorsque la législation qui était en vigueur à la date pertinente a été abrogée puis réintroduite dans l’ordre juridique national après un certain délai. Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Konle, Test Claimants in the FII Group Litigation et Holböck, la législation incriminée constituait une modification de la législation en vigueur à la date pertinente. Il n’y avait pas de période au cours de laquelle, comme dans l’affaire au principal, la restriction initiale avait été supprimée de l’ordre juridique national alors que la législation incriminée n’était pas encore entrée en vigueur.

116. Nous n’avons pas trouvé non plus, dans les arrêts de la Cour interprétant la notion de «législation existant» dans un contexte juridique ne relevant pas de la fiscalité directe, d’exemple pouvant aller à l’encontre de notre analyse.

117. Nous sommes donc d’avis que la restriction en cause au principal ne peut pas être justifiée par l’article 57, paragraphe 1, CE.

2.      Sur la justification fondée sur l’article 58 CE

118. Le Skatteverket ainsi que le gouvernement suédois, soutenus en cela par les gouvernements danois, espagnol, français, néerlandais et du Royaume‑Uni, font valoir que ladite restriction est justifiée par l’impossibilité, pour les autorités fiscales suédoises, de contrôler, auprès d’un pays tiers comme la Confédération suisse, le respect des conditions auxquelles le bénéfice de l’exonération est subordonné.

119. Selon le gouvernement suédois, il s’agit des première, troisième, quatrième et dernière conditions de la loi suédoise selon lesquelles, rappelons‑le, la distribution doit être effectuée proportionnellement au nombre d’actions détenues dans la société mère; toutes les parts de la société mère dans la filiale doivent être distribuées; après la distribution, les parts de la filiale ne doivent pas être détenues par une société appartenant au même groupe que la société mère, et l’activité principale de la filiale doit être à caractère industriel ou commercial ou consister, directement ou indirectement, à détenir des parts dans des sociétés ayant une telle activité. Selon le gouvernement suédois, les renseignements nécessaires au contrôle de ces conditions, lorsque la société mère distributrice est établie à l’étranger, ne peuvent être obtenus que par les autorités du pays d’établissement.

120. Ces parties intervenantes font valoir que les autorités fiscales nationales doivent pouvoir contrôler les éléments de preuve fournis par le contribuable. En l’absence de disposition prévoyant l’échange de renseignements entre les autorités nationales compétentes, il existerait un risque de violation de la loi fiscale. L’exclusion du bénéfice de l’exonération lorsque la société distributrice est établie dans un pays tiers qui n’a pas voulu conclure de convention prévoyant l’échange de renseignements ne serait donc pas disproportionnée.

121. A conteste cette analyse et soutient que la restriction en cause au principal n’est pas proportionnée au regard de l’objectif de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux, dès lors qu’elle est en mesure de rapporter elle‑même la preuve que les conditions requises par la loi suédoise sont remplies.

122. Elle se réfère, à cet égard, à la position adoptée par la Cour dans les arrêts du 8 juillet 1999, Baxter e.a. (37) et du 3 octobre 2002, Danner (38), selon laquelle un État membre ne saurait refuser à un contribuable le bénéfice d’un avantage fiscal au motif que cet État devrait avoir la possibilité de contrôler les informations fournies par celui‑ci en ce qui concerne des opérations passées à l’étranger.

123. La Commission émet également des doutes en ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité par la restriction en cause au principal. Elle estime que la preuve des différentes conditions requises par la loi suédoise pourrait être apportée par le contribuable et qu’il appartient au juge national de vérifier si le contrôle par l’administration fiscale compétente est bien nécessaire ou non.

124. Comme le Skatteverket et les gouvernements intervenants, nous sommes d’avis que ladite restriction peut être justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux. Nous fondons cette position sur les motifs suivants.

125. Nous savons que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général pouvant justifier une restriction à des mouvements de capitaux. Ce motif peut également être rattaché à l’article 58, paragraphe 1, sous b), CE, qui vise les mesures prises par les États membres afin de faire échec aux infractions à leurs lois et règlements. Toutefois, pour que la restriction puisse être justifiée, il importe, conformément à la jurisprudence, que la mesure nationale en cause soit propre à atteindre l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire à cet effet, conformément au principe de proportionnalité (39).

126. Cette jurisprudence, relative à la portée de l’article 58 CE dans le cadre de mouvements de capitaux intracommunautaires, est transposable lorsqu’il s’agit d’apprécier la compatibilité avec cet article de restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers, puisque ledit article, tout comme l’article 56 CE, ne fait aucune distinction entre ces deux catégories de mouvements de capitaux.

127. En l’espèce, il n’apparaît pas contestable que l’exclusion du bénéfice de l’exonération de l’imposition sur le revenu des dividendes distribués par des sociétés établies dans les pays tiers n’ayant pas passé avec le Royaume de Suède de convention prévoyant l’échange de renseignements à des fins de contrôle fiscal est bien apte à atteindre l’objectif qu’elle poursuit, c’est‑à‑dire celui de garantir que cette exonération est octroyée uniquement aux distributions qui remplissent les conditions prévues par la loi suédoise.

128. La question qui se trouve au centre de la présente affaire porte donc sur le point de savoir si la limitation en cause au principal est proportionnée à cet objectif.

129. Plus précisément, cette question se pose parce que l’exclusion du bénéfice de l’exonération des bénéfices distribués par une société établie dans un pays tiers qui n’a pas passé avec le Royaume de Suède de convention prévoyant l’échange de renseignements empêche de manière absolue les contribuables recevant des dividendes de ces sociétés d’apporter la preuve que les conditions requises par la loi suédoise sont remplies. Il s’agit donc de savoir si une telle exclusion, fondée sur la prémisse selon laquelle les éléments de preuve fournis par le contribuable ne peuvent pas être vérifiés auprès des autorités compétentes du pays d’établissement, peut être considérée comme une mesure proportionnée.

130. Nous considérons, pour la suite du raisonnement qui va suivre, que cette prémisse est bien vérifiée en l’espèce. Il ressort, à cet égard, des documents et des explications fournis par le gouvernement suédois que les seuls renseignements qui peuvent être obtenus de la part des autorités suisses en vertu des accords passés avec la Confédération suisse sont ceux nécessaires à une bonne application de la convention. Toutefois, dans la mesure où le Skatterättsnämnden a estimé, au contraire, que l’arrangement passé avec la Confédération suisse pouvait permettre d’obtenir les renseignements nécessaires à la vérification des conditions prévues par la loi suédoise, il appartiendra au juge national de vérifier ce point.

131. En supposant, donc, que la prémisse selon laquelle les éléments de preuve fournis par le contribuable ne peuvent pas être vérifiés auprès des autorités suisses compétentes est bien fondée, nous sommes d’avis que l’exclusion en cause au principal doit être considérée comme proportionnée pour les deux motifs suivants.

132. Premièrement, il convient de constater que l’impossibilité pour l’État membre d’obtenir, de la part des autorités compétentes du pays d’établissement, les renseignements nécessaires au contrôle des éléments fournis par le contribuable lorsque seules ces autorités sont en mesure de recueillir ces renseignements, réduit de manière significative la possibilité pour cet État d’exercer un réel contrôle. Il ne peut, dans un tel cas de figure, que se fonder sur les preuves fournies par le contribuable et, le cas échéant, par des tiers.

133. En outre, dans la mesure où ce contribuable sait que ces éléments ne peuvent pas faire l’objet d’une vérification auprès des autorités du pays dans lequel la société distributrice est établie, l’État membre concerné se trouve confronté à un risque accru d’infraction à sa législation.

134. Dans ces conditions, il ne nous paraît pas excessif que cet État membre exclue du bénéfice de l’avantage fiscal en cause les situations dans lesquelles il n’est pas en mesure de procéder à un contrôle réel et effectif du respect des conditions auxquelles sa loi nationale soumet cet avantage.

135. Nous ne croyons pas que la jurisprudence invoquée par A, notamment les arrêts précités Baxter e.a. et Danner, s’oppose à cette analyse.

136. Conformément à cette jurisprudence, dans le cadre communautaire, l’impossibilité pour un État membre ou les difficultés pour celui‑ci d’obtenir d’un autre État membre les renseignements nécessaires à la vérification des conditions prévues par sa loi nationale ne justifient pas d’empêcher de manière absolue le contribuable de démontrer lui‑même que ces conditions sont bien satisfaites.

137. Une telle impossibilité ou de telles difficultés peuvent se rencontrer dans le cadre intracommunautaire. Nous avons vu, en effet, que, si, en vertu de la directive 77/799, un État membre peut demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer toutes les informations qu’il juge nécessaires pour apprécier le montant exact de l’impôt sur le revenu dû par un contribuable en application de sa législation nationale, cette possibilité n’est pas sans limite. En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, l’État requis n’a pas l’obligation de faire effectuer des recherches ou de transmettre des informations lorsque sa législation ou sa pratique administrative n’autorisent l’autorité compétente ni à effectuer de telles recherches ni à recueillir ou à utiliser de telles informations pour les besoins propres de cet État.

138. Dans ces cas de figure, conformément à une jurisprudence établie, les États membres ne sont pas autorisés à exclure, a priori, l’octroi d’un avantage fiscal tel que celui en cause au principal. La Cour rappelle que les autorités fiscales nationales peuvent exiger du contribuable les preuves qu’elles jugent nécessaires et, le cas échéant, refuser le bénéfice de cet avantage si ces preuves ne sont pas fournies (40).

139. Par conséquent, si, dans le cadre intracommunautaire, l’exclusion a priori d’un tel avantage fiscal en cas d’impossibilité de contrôle des conditions nationales auprès d’un autre État est considérée comme disproportionnée, c’est, à notre avis, parce que cette situation entre dans le cadre de l’exception prévue à l’article 8 de la directive 77/799. Lorsque cette exception trouve à s’appliquer, l’entrave à l’exercice des libertés de circulation que constituerait l’exclusion a priori dudit avantage fiscal apparaît disproportionnée, parce que la non‑assistance de la part de l’État membre sur le territoire duquel les opérations sont effectuées relève des limites admises à l’obligation d’assistance mutuelle prévue par la directive 77/799.

140. Cette jurisprudence est donc liée à l’existence d’une obligation d’assistance mutuelle prévue par cette directive et au fait que cette obligation n’est pas sans limite. Par conséquent, elle n’est pas transposable, à notre avis, dans le cadre de mouvements de capitaux à destination ou en provenance d’un pays tiers lorsque ce pays, qui se trouve par définition hors du champ d’application de la directive 77/799, n’a pris aucun engagement d’assistance mutuelle.

141. Il est également permis de penser que la jurisprudence invoquée par A a aussi pour fondement le fait que, grâce à d’autres dispositions de droit communautaire applicables, le contribuable est en mesure de fournir des éléments de preuve susceptibles de constituer une base de contrôle fiable et pertinente.

142. Ainsi, dans l’arrêt Baxter e.a., précité, auquel se réfère A, la Cour s’est trouvée confrontée à la loi française réservant la possibilité de déduire de l’assiette de la contribution exceptionnelle due par les entreprises pharmaceutiques les dépenses de recherche réalisées en France. Cette limitation de la déductibilité des frais de recherche empêchait ainsi les entreprises communautaires exploitant, en France, un établissement secondaire de déduire les frais de recherche engagés dans d’autres États membres. Elle a été analysée par la Cour comme une restriction à la liberté d’établissement. Le gouvernement français soutenait que ladite limitation était indispensable pour que ses autorités fiscales soient en mesure de vérifier la réalité et la nature des dépenses engagées.

143. La Cour a estimé que ce motif ne pouvait pas être retenu et qu’il ne saurait être exclu, a priori, que le contribuable soit en mesure de fournir des pièces justificatives pertinentes permettant aux autorités fiscales françaises de vérifier la réalité et la nature des dépenses de recherche engagées dans d’autres États membres. Au regard de la position défendue par la Commission, il y a tout lieu de penser que la Cour a pris en considération le fait que le contribuable pouvait produire des données résultant de la comptabilité des sociétés mères établies dans d’autres États membres et que ces données pouvaient constituer une base de contrôle fiable, parce qu’elles devaient être établies conformément à la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil (41) et à la septième directive 83/349/CEE du Conseil (42).

144. En résumé, c’est donc lorsqu’il existe une obligation d’assistance mutuelle et, dans une certaine mesure, parce que les éléments de preuve produits par le contribuable se trouvent couverts par l’ordre juridique communautaire que l’impossibilité de vérifier ces éléments auprès d’un autre État membre n’est pas considérée comme une raison suffisante pour empêcher, de manière absolue, ce contribuable de démontrer qu’il remplit bien les conditions auxquelles la loi nationale soumet l’octroi de l’avantage fiscal en cause.

145. Cette jurisprudence n’est pas transposable dans le cadre de mouvements de capitaux avec des pays tiers qui n’ont souscrit aucun engagement d’assistance mutuelle et qui ne sont pas soumis au droit communautaire (43).

146. Le deuxième motif sur lequel se fonde notre position tient à la nécessité d’inciter les pays tiers à passer des conventions prévoyant l’échange de renseignements avec la Communauté ou, à tout le moins, avec les États membres.

147. En effet, nous constatons que le législateur communautaire a estimé nécessaire d’adopter la directive 77/799 afin de lutter contre les pratiques de fraude et d’évasion fiscale, parce que ces pratiques pouvaient affecter le fonctionnement du marché commun. Les libertés de circulation, au niveau communautaire, sont donc accompagnées par un système d’assistance mutuelle entre les autorités compétentes des États membres destiné à garantir l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune.

148. Cette préoccupation est également partagée par les États contractants de l’OCDE qui, à l’article 26 du modèle de convention fiscale sur le revenu et la fortune, ont également prévu une obligation d’échanger les renseignements qui semblent pertinents pour assurer le respect des lois fiscales nationales.

149. Enfin, il apparaît que, malgré ces dispositions, la fraude fiscale s’aggrave et que la lutte contre une telle pratique nécessite ou a nécessité de renforcer les moyens d’action aux niveaux communautaire (44) et international (45).

150. Si la Cour estimait que l’exclusion du bénéfice d’un avantage fiscal dans le cadre de mouvements de capitaux avec un pays tiers qui n’a pas passé de convention prévoyant l’échange de renseignements avec l’État membre concerné est une mesure disproportionnée, la Communauté et les États membres perdraient immanquablement le moyen de pression qui peut inciter les pays tiers à souscrire de tels engagements. Cela rendrait plus difficile la lutte contre la fraude fiscale et créerait une situation de déséquilibre au détriment de la Communauté.

151. Nous estimons, pour notre part, que ce moyen de pression est nécessaire afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et que l’article 56 CE, en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers, doit être compris comme une libéralisation sous condition. Un État membre est donc en droit, à notre avis, de subordonner cette libéralisation à la condition que ces pays s’engagent à pratiquer avec ses autorités nationales une coopération administrative et une assistance mutuelle d’un niveau équivalent à celui qui s’impose au niveau intracommunautaire en vertu de la directive 77/799.

152. Cette exigence nous paraît également acceptable au regard du fait que cette directive, en vertu de la limite énoncée à l’article 8 de celle‑ci, impose aux États membres de respecter en quelque sorte un «principe d’équivalence», en ce sens que, pour garantir l’établissement correct de l’impôt dû à l’État requérant, ils sont tenus d’effectuer, au profit de celui‑ci, les mêmes recherches que celles qu’ils seraient en droit de faire pour l’application de leur propre législation, et non pas d’accomplir des diligences que leur législation ou leurs pratiques administratives ne les autorisent pas à effectuer (46).

153. C’est au vu de ces considérations que nous estimons qu’une législation en vertu de laquelle l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale, qui est soumise à plusieurs conditions, ne peut être accordée que si la société mère distributrice est établie dans un pays de l’EEE ou dans un État avec lequel l’État membre a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements peut être justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.

154. Cette conclusion doit toutefois être soumise à une condition. Une telle justification ne peut être retenue que si l’État membre concerné n’est pas en mesure de contrôler lui‑même le respect des conditions auxquelles sa loi nationale soumet l’octroi de l’avantage fiscal en cause. Il est évident que si les autorités fiscales nationales sont en mesure de procéder à un tel contrôle par leurs moyens propres, l’absence de convention prévoyant l’échange de renseignements avec le pays tiers concerné n’empêche pas l’État membre de procéder à un contrôle réel et efficace du respect de sa législation.

155. En l’espèce, le Skatteverket ainsi que le gouvernement suédois ont prétendu que les autorités fiscales nationales n’étaient pas en mesure de vérifier le respect des première, troisième, quatrième et dernière conditions de la loi suédoise. Nous sommes d’avis que cette question procède d’une appréciation factuelle qui relève de la compétence du juge national. La restriction en cause ne pourra donc être déclarée conforme aux articles 56 CE et 58 CE que si le juge national constate que ces conditions ne peuvent pas être vérifiées par les autorités fiscales suédoises par leurs propres moyens et nécessitent des informations que seules les autorités compétentes du pays d’établissement de la société distributrice sont en mesure d’obtenir.

156. Au vu de ces considérations, nous proposons de répondre à la question préjudicielle que les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’une législation en vertu de laquelle l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale ne peut être accordée que si la société mère distributrice est établie dans un pays de l’EEE ou dans un État avec lequel l’État membre a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements constitue une restriction à un mouvement de capitaux. Une telle restriction est justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux si l’exonération est soumise à des conditions qui ne peuvent pas être vérifiées par les autorités fiscales nationales par leurs moyens propres et qui nécessitent des informations que seules les autorités compétentes du pays d’établissement de la société distributrice sont en mesure d’obtenir.

IV – Conclusion

157. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle posée par le Regeringsrätten:

«Les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’une législation en vertu de laquelle l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale ne peut être accordée que si la société mère distributrice est établie dans un pays de l’Espace économique européen ou dans un État avec lequel l’État membre a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements constitue une restriction à un mouvement de capitaux.

Une telle restriction est justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux si l’exonération est soumise à des conditions qui ne peuvent pas être vérifiées par les autorités fiscales nationales par leurs moyens propres et qui nécessitent des informations que seules les autorités compétentes du pays d’établissement de la société distributrice sont en mesure d’obtenir.»


1 – Langue originale: le français.


2 – Loi relative à l’impôt sur le revenu [Inkomstskattelagen (1999:1229), ci‑après la «loi suédoise»].


3 – Ci‑après la «convention».


4 – L’article 10, paragraphe 1, de ladite convention dispose que les dividendes payés par une société résidente d’un État contractant à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans ce dernier État. L’article 10, paragraphe 2, de la convention prévoit toutefois que ces dividendes peuvent être imposés dans l’État de résidence de la société distributrice, dans la limite de 15 % du montant brut desdits dividendes. Si cela entraîne l’imposition des dividendes dans les deux États contractants, cette double imposition est réglée par l’article 25 de la convention. Ainsi, une personne physique résidant en Suède qui perçoit des dividendes d’une société établie en Suisse doit obtenir la déduction de son imposition sur le revenu en Suède de l’impôt sur le revenu qu’elle a payé en Suisse.


5 – Cet article 27 est rédigé comme suit:


«1. Lorsqu’un résident d’un État contractant estime que les mesures prises par un État contractant ou par chacun des deux États entraînent ou entraîneront pour lui une imposition non conforme à la présente convention, il peut, indépendamment des recours prévus par la législation nationale de ces États, soumettre son cas à l’autorité compétente de l’État contractant dont il est résident.


2. Cette autorité compétente s’efforcera, si la réclamation lui paraît fondée et si elle n’est pas elle‑même en mesure d’apporter une solution satisfaisante, de régler la question par voie d’accord amiable avec l’autorité compétente de l’autre État contractant, en vue d’éviter une imposition non conforme à la convention.


3. Les autorités compétentes des États contractants s’efforcent, par voie d’accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou l’application de la convention. Elles peuvent aussi se concerter en vue d’éviter la double imposition dans les cas non prévus par la convention.


4. Les autorités compétentes des États contractants peuvent communiquer directement entre elles en vue de parvenir à un accord comme il est indiqué aux paragraphes précédents. Si des échanges de vues oraux semblent devoir faciliter cet accord, ces échanges de vues peuvent avoir lieu au sein d’une commission composée de représentants des autorités compétentes des États contractants.»


6 – L’article 11 règle la répartition du pouvoir d’imposition des intérêts.


7 – Directive du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15).


8 – Arrêt du 24 mai 2007, Holböck (C‑157/05, non encore publié au Recueil, point 21 et jurisprudence citée).


9 – Ibidem (point 24 et jurisprudence citée).


10 – Ibidem (point 28 et jurisprudence citée).


11 – Arrêt du 11 novembre 1981, Casati (203/80, Rec. p. 2595, point 8).


12 – Directive du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité (JO L 178, p. 5).


13 – C‑358/93 et C‑416/93, Rec. p. I‑361, point 34.


14 – C‑163/94, C‑165/94 et C‑250/94, Rec. p. I‑4821.


15 – La Cour, alors que les affaires au principal concernaient l’exportation de devises vers des pays tiers, a estimé que les «dispositions de l’article 73 B, paragraphe 1, du traité, consacrant le principe de la libre circulation entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers, confèrent aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder» (point 43). Le gouvernement allemand, dans ses observations écrites dans la présente affaire, a soutenu que, au point 46 de l’arrêt Sanz de Lera e.a., précité, la Cour aurait limité l’effet direct de l’article 73 B, paragraphe 1, du traité aux mouvements de capitaux autres que ceux impliquant un investissement direct. Nous ne partageons pas cette opinion. Selon nous, la Cour a dit, à ce point 46, que l’interdiction énoncée à l’article 73 B, paragraphe 1, du traité porte sur les restrictions qui ne relèvent pas de l’article 73 C, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 57, paragraphe 1, CE), cette dernière disposition visant les restrictions aux mouvements de capitaux impliquant des investissements directs qui existaient au 31 décembre 1993 (souligné par nous). La Cour n’a donc pas exclu de l’interdiction visée à l’article 73 B, paragraphe 1, du traité tous les mouvements de capitaux impliquant des investissements directs, mais seulement ceux existant au 31 décembre 1993. C’est pourquoi l’arrêt Sanz de Lera e.a., précité, doit être compris, à notre avis, en ce sens que le principe de la libre circulation des capitaux, consacré à l’article 73 B, paragraphe 1, du traité, est d’effet direct dans les relations avec les pays tiers et en ce qui concerne tous les mouvements de capitaux au sens de cette disposition.


16 – Arrêt du 26 septembre 2000, Commission/Belgique (C‑478/98, Rec. p. I‑7587, points 38 et jurisprudence citée ainsi que 39).


17 – Voir, notamment, arrêt du 1er juin 1999, Konle (C‑302/97, Rec. p. I‑3099, point 40).


18 – Voir, notamment, arrêts du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer (C‑386/04, Rec. p. I‑8203, point 47 et jurisprudence citée), et du 30 janvier 2007, Commission/Danemark (C‑150/04, non encore publié au Recueil, point 51 et jurisprudence citée).


19 – C‑446/04, Rec. p. I‑11753, point 171.


20 – Premier et troisième considérants de la directive 77/799.


21 – Arrêt du 3 octobre 2002, Danner (C‑136/00, Rec. p. I‑8147, point 49 et jurisprudence citée).


22 – Directive du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts (JO L 157, p. 38).


23 – Voir, en ce qui concerne la Confédération suisse, accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48 (JO 2004, L 385, p. 30).


24 – JO 1994, L 1, p. 3, ci‑après l’«accord EEE».


25 – Selon les informations disponibles sur le site Internet de l’OCDE, plus de 2 000 conventions bilatérales sont fondées sur le modèle de l’OCDE.


26 – L’article 57, paragraphe 2, première phrase, CE dispose:


«Tout en s’efforçant de réaliser l’objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice des autres chapitres du présent traité, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures relatives aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, lorsqu’ils impliquent des investissement directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux.»


27 – Voir, notamment, décision 2000/658/CE du Conseil, du 28 septembre 2000, relative à la conclusion de l’accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États‑Unis du Mexique, d’autre part (JO L 276, p. 44).


28 – Voir, à cet égard, arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C‑196/04, Rec. p. I‑7995, points 31 à 33).


29 – Voir arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, non encore publié au Recueil, points 26 à 34), et ordonnance du 10 mai 2007, Lasertec (C‑492/04, non encore publiée au Recueil, points 18 à 26).


30 – Voir, pour l’application du même principe en ce qui concerne la délimitation des champs d’application de la liberté de circulation des capitaux et de la libre prestation de services, arrêt du 3 octobre 2006, Fidium Finanz (C‑452/04, Rec. p. I‑9521, points 34, 48 et 49).


31 – C‑35/98, Rec. p. I‑4071.


32 – Arrêt Fidium Finanz, précité (point 41 et jurisprudence citée).


33 – Arrêts précités Fidium Finanz (point 25) et Holböck (point 30).


34 – JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1.


35 – Points 189 à 195.


36 – Points 40 à 43.


37 – C‑254/97, Rec. p. I‑4809.


38 – C‑136/00, Rec. p. I‑8147.


39 – Voir, notamment, arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité (point 32).


40 – Voir, pour une application récente, arrêt Commission/Danemark, précité (point 54).


41 – Directive du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11).


42 – Directive du 13 juin 1983, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 point g) du traité, concernant les comptes consolidés (JO L 193, p. 1).


43 – En outre, nous ne croyons pas que la loi suédoise devrait être considérée comme disproportionnée, dans la situation d’un contribuable comme A, au regard du fait que l’exonération en cause au principal n’est pas exclue lorsque la société distributrice est établie dans un pays de l’EEE qui n’est pas membre de l’Union et qui, partant, n’est pas tenu de transposer dans son droit national la directive 77/799. Il n’apparaît pas, en effet, que la Confédération suisse, qui n’a pas ratifié l’accord EEE, soit dans une position comparable à celle de la République d’Islande, de la Principauté de Liechtenstein et du Royaume de Norvège. En ce qui concerne la République d’Islande et le Royaume de Norvège, ceux‑ci ont passé une convention multilatérale relative à l’assistance administrative avec le Royaume de Suède qui comprend des dispositions relatives à l’échange de renseignements et d’autres règles relatives à l’assistance administrative en matière fiscale. En ce qui concerne la Principauté de Liechtenstein, à notre connaissance, elle n’a pas conclu de convention de ce type avec le Royaume de Suède. Ce dernier aurait donc été en droit, à notre avis, d’exclure aussi du bénéfice de l’exonération en cause au principal les dividendes distribués par les sociétés établies au Liechtenstein. Toutefois, la circonstance que ces dividendes ne sont pas exclus de cette exonération ne saurait démontrer que la loi suédoise, en ce qui concerne les dividendes distribués par une société établie en Suisse, est disproportionnée. En outre, la situation d’une société établie en Suisse n’est pas comparable à celle d’une société établie au Liechtenstein, dans la mesure où cet État, contrairement à la Confédération suisse, est tenu par l’accord EEE de transposer, dans son droit national, les actes pris pour l’application des libertés de circulation, notamment les directives harmonisant le droit des sociétés et, en particulier, les directives relatives aux comptes des sociétés (voir annexe XXII de l’accord EEE).


44 – Voir, à cet égard, communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur la nécessité de développer une stratégie coordonnée en vue d’améliorer la lutte contre la fraude fiscale [COM(2006) 254 final].


45 – Voir modifications apportées à l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE, approuvées par le comité des affaires fiscales de l’OCDE le 1er juin 2004.


46 – Cette limite a été clairement confirmée par la directive 2004/56/CE du Conseil, du 21 avril 2004, modifiant la directive 77/799 (JO L 127, p. 70).