Language of document : ECLI:EU:T:2013:367

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

11 juillet 2013 (*)

« Concurrence – Ententes et abus de position dominante – Marché des diamants bruts – Système de distribution SOC – Décision de rejet d’une plainte – Défaut d’intérêt communautaire – Droits procéduraux d’un plaignant – Accès aux documents – Obligations en matière d’instruction d’une plainte – Effets d’exclusion du marché – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans les affaires jointes T‑108/07 et T‑354/08,

Diamanthandel A. Spira BVBA, établie à Anvers (Belgique), représentée par Mes Y. van Gerven, F. Louis, A. Vallery et J. Bourgeois, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre, R. Sauer et J. Bourke, puis par MM. Castillo de la Torre et Sauer, en qualité d’agents, assistés, dans l’affaire T-108/07, initialement de Me S. Drakakakis, avocat, et de M. T. Soames, solicitor, puis de M. Soames et, dans l’affaire T-354/08, de M. Soames,

partie défenderesse,

soutenue par

De Beers, établie à Luxembourg (Luxembourg),

De Beers UK Ltd, anciennement The Diamond Trading Co. Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées initialement par M. W. Allan, Mme S. Horwitz, solicitors, et Me J. Ysewyn, avocat, puis par M. Allan, Me Ysewyn et Mme N. Gràcia Malfeito, solicitor, et enfin par Mme Gràcia Malfeito, Mes B. van de Walle de Ghelcke, J. Marchandise, avocats, et Mme P. Riedel, solicitor,

parties intervenantes,

ayant pour objet des demandes d’annulation des décisions de la Commission du 26 janvier 2007 (affaire COMP/38.826/B-2 – Spira/De Beers/DTC Supplier of Choice) et du 5 juin 2008 (affaire COMP/38.826/E-2 – De Beers/DTC Supplier of Choice) rejetant la plainte introduite par la requérante à l’encontre des intervenantes pour violation des articles 81 CE et 82 CE sur le marché des diamants bruts, résultant de l’application par celles-ci des accords de distribution connus sous le nom de « Supplier of Choice » (SOC),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 octobre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Affaire COMP/E-3/38.139 et lettre administrative de classement du 16 janvier 2003

1        Le 3 mai 2001, The Diamond Trading Co. Ltd (ci-après la « DTC »), qui appartient au groupe de sociétés De Beers, a notifié à la Commission des Communautés européennes, en vue d’obtenir une demande d’attestation négative ou, à défaut, une exemption en application de l’article 81, paragraphe 3, CE, une série d’accords types conclus entre elle et ses clients, dits « sightholders » (« teneurs de vues » ou clients privilégiés) (ci-après les « accords SOC »), visant à ce que soit mis en place un système de fourniture de diamants bruts par elle à ses clients, appelé « Supplier of Choice » (ci-après le « SOC »).

2        Les accords SOC ont pour objectif d’accroître la demande de bijoux en diamants, en favorisant la croissance à long terme en ce qui concerne le niveau de commerce de détail grâce à la création d’un environnement multimarques et de canaux de distribution plus courts. À cette fin, la DTC entend, par le biais des accords SOC, limiter le nombre de « sightholders » sélectionnés, les encourager à coopérer avec des partenaires en aval pour améliorer l’efficacité de la distribution de diamants et à investir dans des marques de distributeur.

3        Les documents fournis dans le cadre de la notification des accords SOC étaient les suivants :

–        un questionnaire envoyé aux « sightholders » existants et aux candidats, dit « profil de ‘sightholder’ », destiné à obtenir les informations sur la base desquelles ils seront sélectionnés et évalués ;

–        un document intitulé « Critères applicables aux ‘sightholders’ et autres considérations » énonçant des critères prédéfinis auxquels le « sightholder » doit répondre pour être sélectionné ;

–        une « Déclaration de principe » (« Policy Statement ») définissant les principes généraux applicables à la relation commerciale entre les contractants ;

–        un code de conduite (« Best Practice Principles ») auquel les « sightholders » doivent adhérer, destiné à donner aux consommateurs qui achètent des bijoux en diamants la garantie de l’application de normes professionnelles et éthiques ;

–        des conditions de vente qui sont incorporées à chaque contrat.

4        Le 25 juillet 2001, la Commission a ouvert une procédure à l’encontre de la DTC (affaire COMP/E-3/38.139) et lui a adressé une communication des griefs relative aux accords SOC notifiés.

5        Les griefs formulés par la Commission étaient tirés de la violation des articles 81 CE et 82 CE. Selon la Commission, la mise en œuvre des accords SOC donnerait au groupe De Beers la possibilité de restreindre l’autonomie commerciale de ses clients. Ces restrictions résulteraient des modalités d’application des critères de sélection, du nombre d’informations confidentielles détaillées demandées aux candidats « sightholders » et des engagements contractuels que ceux-ci seraient tenus de prendre, une fois sélectionnés. En outre, comme ces restrictions seraient imposées par une société en position dominante, la mise en œuvre des accords SOC constituerait également un abus de position dominante.

6        Le 8 octobre 2001, la DTC a répondu aux griefs formulés par la Commission. Elle s’est déclarée prête à étudier les modifications qu’il aurait été possible d’apporter aux accords SOC pour répondre aux préoccupations de la Commission, tout en préservant l’orientation générale du projet.

7        Plusieurs propositions de modification des accords SOC ont été présentées à la Commission. La dernière version des accords SOC modifiés a été transmise à la Commission le 24 septembre 2002. Les principales modifications apportées étaient les suivantes :

–        la nomination d’un médiateur (ci-après le « médiateur ») : cette nomination est soumise à l’approbation de la Commission ; le médiateur est compétent pour déterminer si la DTC a mis en œuvre des procédures inappropriées lors de l’adoption des décisions de sélection et d’exclusion des « sightholders » et de celle des décisions concernant l’offre semestrielle de marchandises aux « sightholders » ; toute plainte concernant la sélection ou l’évaluation des « sightholders » peut être adressée au médiateur, lequel peut formuler des recommandations, qui ont un caractère contraignant pour les parties et définitif, sauf si l’affaire est soumise à arbitrage ou fait l’objet d’un recours juridictionnel ; s’ils ne sont pas satisfaits des recommandations du médiateur, la DTC ou le demandeur peuvent porter le litige devant la London Court of International Arbitration (Cour internationale d’arbitrage de Londres) ou saisir les tribunaux ;

–        la modification du profil de « sightholder » : le nombre de questions a été réduit et certaines des questions restantes ont été reformulées ; des notes sur la confidentialité ont été insérées dans le questionnaire afin de donner l’assurance à ceux qui le remplissent que les secrets d’affaires seront respectés ;

–        la modification des documents intitulés « Critères applicables aux ‘sightholders’ et autres considérations » et « Déclaration de principe » ainsi que des conditions de vente.

8        Par communication du 9 novembre 2002 (JO C 273, p. 2, ci-après la « communication de 2002 »), la Commission a annoncé qu’elle avait l’intention d’adopter une position favorable à l’égard des accords SOC et a donné aux tiers intéressés l’occasion de faire connaître leur point de vue, conformément à l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

9        Le 16 janvier 2003, la Commission a clos la procédure par une lettre administrative de classement, tout en se réservant le droit de la rouvrir « si la situation de fait ou de droit devait changer en ce qui concerne tout aspect essentiel des accords [SOC] affectant la position prise à leur sujet ». La Commission a également souligné qu’elle « veillera[it] à ce que la mise en œuvre des accords SOC n’ait pas pour effet que De Beers limite artificiellement la disponibilité de certaines catégories de diamants sur le marché ou que les critères de sélection/attribution du SOC ne permettent pas aux négociants d’être approvisionnés en quantités de diamants appropriées pour assurer une liquidité suffisante sur le marché ».

2.     Plainte de la requérante

10      Diamanthandel A. Spira BVBA (ci-après « Spira » ou la « requérante ») a été un « sightholder » pendant près de 70 ans. Elle a pour activité exclusive la vente de diamants bruts aux fabricants et aux autres négociants. À la suite de la mise en place du SOC en juin 2003, De Beers l’a informée qu’elle lui retirerait son statut de « sightholder » et cesserait de l’approvisionner en diamants bruts à partir de la fin de l’année 2003. À la demande de Spira, le tribunal de commerce puis la cour d’appel d’Anvers (Belgique) ont ordonné à De Beers de poursuivre ses livraisons de diamants au motif qu’il existait prima facie un abus de position dominante.

11      Le 25 septembre 2003, Spira a déposé une plainte contre De Beers et la DTC, alléguant que le SOC mis en place par celles-ci constituait une infraction aux articles 81 CE et 82 CE. Dans ladite plainte, qui est à l’origine du présent litige, elle a demandé à la Commission de rouvrir la procédure concernant le SOC. Le même jour, Spira a également porté plainte contre l’accord commercial entre De Beers et Alrosa du 17 décembre 2001 (ci-après l’« accord De Beers-Alrosa »), qui constituerait aussi une infraction à ces dispositions. Cet accord prévoyait l’achat par De Beers, premier producteur mondial de diamants bruts, de la moitié de la production d’Alrosa, deuxième producteur mondial de diamants bruts établi en Russie, pendant une période de cinq ans.

12      À la suite de la plainte contre le SOC, la Commission a envoyé en 2004 des demandes de renseignements aux opérateurs ayant la qualité de « sightholders » à cette date, aux anciens « sightholders » qui avaient été écartés en 2003 (ci-après les « ’sightholders’ exclus »), aux courtiers, aux producteurs de diamants bruts et aux bourses diamantaires.

13      La Commission a reçu des réponses confidentielles de 54 « sightholders », de treize « sightholders » exclus, de onze bourses diamantaires, de cinq courtiers et de quatre producteurs de diamants bruts. Des résumés non confidentiels de ces réponses ont été mis à la disposition de la requérante.

14      En 2005, Spira a de nouveau fait acte de candidature au statut de « sightholder ». De Beers lui a notifié sa sélection en tant que « sightholder » dans le cadre du SOC, laquelle a été refusée par Spira.

15      Les 27 février, 10 et 27 mars 2006, la requérante a présenté des arguments supplémentaires complétant sa plainte, à la suite de l’adoption de la décision 2006/520/CE de la Commission, du 22 février 2006, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire COMP/B-2/38.381 – De Beers) (résumé au JO L 205, p. 24, ci-après la « décision sur les engagements de De Beers »). Cette décision a rendu contraignants les engagements de De Beers de cesser ses achats de diamants bruts à Alrosa à partir de 2009, à l’issue d’une phase de réduction progressive de ses volumes d’achats allant de 2006 à 2008.

16      Le 29 mars 2006, la Commission a adressé à Spira une lettre d’orientation l’informant de sa conclusion initiale, à savoir qu’il n’existait pas d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’instruction de la plainte, et l’invitant à la retirer.

17      Le 11 avril 2006, Spira a présenté ses observations sur cette lettre et a indiqué qu’elle ne retirerait pas sa plainte.

18      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), la Commission a informé Spira, par lettre du 4 août 2006, qu’elle concluait à titre provisoire à l’absence d’intérêt communautaire suffisant pour poursuivre l’instruction de la plainte (ci-après la « lettre prévue par l’article 7 »).

19      Le 29 septembre 2006, Spira a répondu à la lettre prévue par l’article 7.

20      En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004, la Commission a, le 26 janvier 2007, adopté une décision rejetant la plainte introduite par la requérante (affaire COMP/38.826/B-2 – Spira/De Beers/DTC Supplier of Choice) (ci-après la « décision de rejet »). Le même jour, elle a également rejeté sa plainte contre l’accord De Beers-Alrosa.

3.     Décision de rejet

21      Après avoir rappelé les griefs soulevés par la requérante dans sa plainte, la Commission les a examinés dans le cadre de trois rubriques intitulées respectivement « Effets d’exclusion », « Collecte et utilisation abusives d’informations sur les clients, avec risque de collusion » et « Autres arguments relatifs à l’illégalité du SOC ».

22      Ainsi, en premier lieu, l’analyse du marché des diamants bruts, et notamment des acteurs sur ce marché, a conduit la Commission à considérer que, « pour ce qui concerne la question de savoir si De Beers commet[ait] une infraction aux articles 81 [CE] et/ou 82 CE en excluant les fournitures de diamants tant bruts que polis en tant qu’intrants pour les opérateurs en diamants qui ne sont pas des [‘]sightholders[‘], […] il sembl[ait] y avoir une possibilité réduite de conclure à des effets anticoncurrentiels appréciables, qui justifieraient la réouverture de la procédure ». En effet, elle a estimé que les volumes de diamants bruts d’Alrosa, devenus disponibles grâce à la décision sur les engagements de De Beers (voir point 15 ci-dessus), les quantités de diamants revendus par les « sightholders » et l’approvisionnement par Diamdel, filiale de De Beers spécialisée dans la vente de diamants bruts aux « non-sightholders », garantiraient une concurrence suffisante sur le marché secondaire. La Commission en a déduit qu’il n’existait pas d’intérêt communautaire suffisant pour continuer à enquêter sur les allégations d’exclusion des intrants.

23      En deuxième lieu, la Commission a rejeté l’ensemble des contestations de sa conclusion provisoire selon laquelle il serait disproportionné de poursuivre ses investigations relatives aux prétendues collecte et utilisation abusives de données confidentielles par De Beers, eu égard au mécanisme de résolution des différends prévu par le SOC, et notamment à l’institution du médiateur, dont le mandat a d’ailleurs été révisé.

24      En troisième lieu, la Commission n’a pas analysé en détail les autres objections soulevées par Spira, dont notamment celles relatives à l’augmentation des prix des diamants bruts, en se fondant sur la faible probabilité d’établir l’existence d’infractions.

25      La Commission en a conclu qu’il n’existait pas d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre son instruction et a rejeté la plainte de la requérante pour ce motif.

4.     Arrêt Alrosa du Tribunal et procédure complémentaire

26      Par arrêt du 11 juillet 2007, Alrosa/Commission (T‑170/06, Rec. p. II‑2601, ci-après l’« arrêt Alrosa du Tribunal »), le Tribunal a annulé la décision sur les engagements de De Beers, sur laquelle la Commission s’était fondée dans la décision de rejet (voir point 22 ci-dessus). Selon le Tribunal, la Commission avait, en adoptant la décision sur les engagements de De Beers, violé l’article 9 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), le principe de proportionnalité ainsi que le droit d’être entendue d’Alrosa.

27      Le 8 octobre 2007, la Commission et De Beers se sont réunies pour discuter des conséquences de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra. Au cours de cette réunion, la Commission a informé De Beers qu’elle avait décidé d’ouvrir une procédure complémentaire et de réaliser une enquête limitée sur le marché.

28      La Commission a envoyé des demandes de renseignements aux principaux producteurs de diamants le 9 octobre 2007 et des questions supplémentaires à De Beers le 29 octobre 2007.

29      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, la Commission a informé Spira, par lettre du 13 novembre 2007, de sa conclusion provisoire selon laquelle l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers ne lui imposait pas de reconsidérer la conclusion à laquelle elle était parvenue dans la décision de rejet (ci-après la « lettre complémentaire prévue par l’article 7 »).

30      Le 24 décembre 2007, Spira a demandé à la Commission un accès à l’ensemble des documents sur lesquels sa conclusion provisoire était fondée en mentionnant spécifiquement certains d’entre eux.

31      Le 14 janvier 2008, la Commission a refusé de faire droit à cette demande d’accès.

32      Le 18 janvier 2008, Spira s’est plainte auprès du conseiller-auditeur de ne pas s’être vu accorder un accès adéquat au dossier et lui a demandé l’accès à plusieurs documents. Le 1er février 2008, le conseiller-auditeur lui a communiqué une version non confidentielle révisée des réponses de De Beers aux demandes de renseignements des 9 et 29 octobre 2007 et a rejeté sa demande pour le surplus.

33      Le 11 février 2008, Spira a répondu à la lettre complémentaire prévue par l’article 7.

34      Le 14 mars 2008, la Commission a communiqué à Spira la version non confidentielle de la réponse tardive d’Alrosa à sa demande de renseignements. Spira a présenté ses observations sur cette réponse le 28 mars 2008.

35      En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004, la Commission a, le 5 juin 2008, adopté une décision rejetant une nouvelle fois la plainte introduite par la requérante (affaire COMP/38.826/E-2 – De Beers/DTC Supplier of Choice) (ci-après la « décision complémentaire de rejet »).

5.     Décision complémentaire de rejet

36      Après avoir justifié la légalité de la procédure complémentaire, la Commission a consacré l’essentiel de la décision complémentaire de rejet à l’appréciation des conséquences de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, sur sa conclusion initiale d’absence d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’instruction de la plainte.

37      Elle a ainsi commencé par examiner dans quelle mesure la remise en cause des engagements de De Beers de diminuer puis de cesser ses achats de diamants à Alrosa était susceptible de modifier son appréciation relative aux effets d’exclusion du SOC. À cette fin, elle a analysé chacune des sources d’approvisionnement disponibles en dehors du SOC, à savoir les ventes d’Alrosa à d’autres que De Beers, les ventes des « sightholders », de Diamdel et des autres producteurs. La Commission en a conclu que la valeur cumulée des sources de diamants bruts extérieures au SOC était supérieure à 7 milliards, et peut-être même à 8 milliards de dollars des États-Unis (USD). Par conséquent, plus de la moitié des diamants bruts vendus à l’échelle mondiale échapperaient au contrôle de De Beers.

38      La Commission a estimé ensuite que cette conclusion globale n’était pas remise en cause par d’autres aspects récents ou prévus de l’évolution du marché, et notamment par le « processus d’enrichissement » en cours dans les principaux pays africains producteurs de diamants (c’est-à-dire l’Afrique du Sud, la Namibie et le Botswana), d’où provenait la plus grande partie des diamants bruts de De Beers. Elle a rappelé, à cet égard, que le processus d’enrichissement visait à apporter une valeur ajoutée aux ressources naturelles de ces pays, en permettant l’allocation (par voie réglementaire ou contractuelle) d’une partie de la production minière de diamants bruts au secteur local de la taille et du polissage.

39      Selon la Commission, l’enquête complémentaire a donc pleinement confirmé ce qui avait été constaté dans la décision de rejet, à savoir que la concurrence entre les opérateurs en aval ne serait pas faussée dans une mesure suffisamment importante pour justifier la poursuite de l’enquête, étant donné qu’il existait un nombre suffisant de sources d’approvisionnement pour lesquelles ces opérateurs pourraient entrer en concurrence. En conséquence, la Commission a confirmé le rejet de la plainte de la requérante en ce qui concerne l’allégation des effets d’exclusion du SOC.

 Procédure et conclusions des parties

40      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 8 avril 2007 et le 21 août 2008, la requérante a introduit les présents recours.

41      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 juillet 2007, De Beers et la DTC, devenue De Beers UK Ltd (ci-après, prises individuellement ou ensemble, « De Beers » ou les « intervenantes »), ont demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑108/07.

42      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 15 avril 2008, De Beers a été admise à intervenir dans cette affaire à l’appui des conclusions de la Commission. La décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel a été réservée.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2008, De Beers a également demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑354/08.

44      Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 11 mai 2009, De Beers a été admise à intervenir dans cette affaire à l’appui des conclusions de la Commission. La décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel a été réservée.

45      Le 22 juillet 2010, le Tribunal a, au titre des mesures d’organisation de la procédure, demandé aux parties de se prononcer sur les conséquences pour les présents recours de l’arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Alrosa (C‑441/07 P, Rec. p. I‑5949, ci-après l’« arrêt Alrosa de la Cour »), ayant annulé l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra. Les parties ont répondu à cette question dans les délais impartis.

46      Dans le cadre de leur réponse à ladite question, la Commission et les intervenantes ont demandé la jonction des affaires T-108/07 et T‑354/08. La requérante n’a formulé aucune objection à l’égard de cette demande.

47      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

48      Par ordonnances, respectivement, des 8 et 10 mai 2012, le président de la huitième chambre du Tribunal a partiellement accueilli les demandes de traitement confidentiel dans les affaires T-108/07 et T-354/08.

49      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à certaines questions et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

50      Les affaires T-108/07 et T-354/08 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt par ordonnance du président de la huitième chambre du 12 septembre 2012.

51      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 25 octobre 2012. Lors de cette audience, la Commission a demandé au Tribunal de verser au dossier certains documents supplémentaires. Le Tribunal a réservé sa décision sur cette demande.

52      Dans l’affaire T-108/07, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet ;

–        condamner la Commission aux dépens.

53      Elle demande également au Tribunal, dans la réplique, d’enjoindre à la Commission de lui communiquer les deux communications des griefs du 14 janvier 2003 envoyées à Alrosa et à De Beers dans l’affaire COMP/E-2/38.381, les deux communications des griefs supplémentaires du 1er juillet 2003 dans la même affaire et la communication des griefs du 25 juillet 2001 envoyée à la DTC (voir point 4 ci-dessus).

54      Dans l’affaire T-354/08, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision complémentaire de rejet ;

–        condamner la Commission aux dépens.

55      Dans les affaires T-108/07 et T-354/08, la Commission et les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

56      Dans leurs mémoires en intervention complémentaires, les intervenantes concluent à la condamnation de la requérante à ses propres dépens relatifs aux demandes de traitement confidentiel ainsi qu’à ceux qu’elles ont exposés du fait de ces demandes, dans l’hypothèse où les présents recours seraient accueillis.

 En droit

57      À l’appui des recours, la requérante invoque, en substance, quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de ses droits procéduraux et le deuxième moyen, soulevé en partie à titre subsidiaire, porte sur les obligations de la Commission lors du traitement d’une plainte. Les troisième et quatrième moyens sont également invoqués à titre subsidiaire et portent respectivement sur l’appréciation de l’intérêt communautaire et sur l’obligation de motivation.

1.     Sur le moyen tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante (affaire T-108/07)

58      Dans l’affaire T-108/07, la requérante prétend que la Commission a violé son droit d’accès aux documents sur lesquels celle-ci a fondé son appréciation provisoire lors de la procédure initiale. Elle reproche par ailleurs à la Commission de lui avoir imposé des délais trop courts ainsi que des violations de son droit d’être entendue.

59      Il ressort de la jurisprudence que la procédure ouverte à la suite d’une plainte ne constitue pas une procédure contradictoire entre les entreprises intéressées, mais une procédure engagée par la Commission, à la suite d’une demande, dans l’exercice de sa mission de veiller au respect des règles de concurrence. Il s’ensuit que les entreprises contre lesquelles la procédure est engagée et celles qui ont introduit une plainte ne se trouvent pas dans la même situation procédurale et que ces dernières ne peuvent pas se prévaloir des droits de la défense. En revanche, ces plaignants doivent être mis en mesure de sauvegarder leurs intérêts légitimes dans le cadre de la procédure engagée par la Commission et ainsi être étroitement associés à ladite procédure, même si les droits procéduraux des plaignants ne sont pas aussi étendus que les droits de la défense des entreprises contre lesquelles la Commission dirige son enquête (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, points 19 et 20, et arrêt du Tribunal du 30 novembre 2000, Industrie des poudres sphériques/Commission, T‑5/97, Rec. p. II‑3755, point 229 ; voir également considérant 8 du règlement n° 773/2004).

60      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante relatifs à la violation de ses droits procéduraux en qualité de plaignante.

 Sur la violation du droit d’accès aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire

61      La requérante fait valoir que la Commission a violé son droit d’accès aux documents sur lesquels celle-ci a fondé son appréciation provisoire, lequel lui est reconnu par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004.

62      L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 est ainsi rédigé :

« Lorsque la Commission a informé le plaignant de son intention de rejeter la plainte en application de l’article 7, paragraphe 1, le plaignant peut demander l’accès aux documents sur lesquels la Commission fonde son appréciation provisoire. À cet effet, le plaignant ne peut cependant pas avoir accès aux secrets d’affaires et autres informations confidentielles appartenant à d’autres parties à la procédure. »

63      Le paragraphe 69 de la communication de la Commission relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2004, C 101, p. 65, rectificatif JO 2004, C 148, p. 10, ci-après la « communication relative au traitement des plaintes ») précise :

« En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement [n° ]773/2004, le plaignant a le droit d’accéder aux informations sur lesquelles la Commission fonde sa conclusion préliminaire. En principe, la Commission accorde cet accès en annexant à sa lettre une copie des différentes pièces pertinentes. »

64      Il résulte par ailleurs de la jurisprudence que les tiers ne sauraient prétendre disposer d’un droit d’accès au dossier détenu par la Commission dans des conditions identiques à celles auxquelles peuvent prétendre les entreprises poursuivies (arrêts du Tribunal du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, Rec. p. II‑595, point 34 ; du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, Rec. p. II‑1885, point 34, et Industrie des poudres sphériques/Commission, point 59 supra, point 229 ; voir également paragraphe 59 de la communication relative au traitement des plaintes).

65      Le droit d’accès des plaignants se limite donc aux documents sur lesquels la Commission fonde son appréciation provisoire. Il ne revêt pas la même portée que le droit d’accès au dossier de la Commission reconnu aux personnes, entreprises et associations d’entreprises auxquelles la Commission a adressé une communication des griefs, qui vise l’ensemble des documents obtenus, produits ou assemblés par la direction générale de la Commission lors de l’enquête (paragraphes 7, 8, 30 et 31 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 [CE] et 82 [CE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, JO 2005, C 325, p. 7, ci-après la « communication relative aux règles d’accès au dossier »).

66      En l’espèce, lors de la procédure initiale, la Commission a indiqué, dans la lettre prévue par l’article 7, en réponse aux demandes d’accès de la requérante à la communication des griefs de 2001 relative au SOC et à celles de 2003 relatives à l’accord De Beers-Alrosa, que son appréciation provisoire était fondée sur des documents déjà en possession de la requérante (tels que des documents publics de la Commission) et sur une analyse des réponses à ses demandes de renseignements, dont elle a annexé une synthèse non confidentielle, sous la forme de tableaux. La Commission a également affirmé, dans cette lettre, avoir annexé tout document public cité qui ne serait pas facilement accessible sur Internet et a joint le mandat révisé du médiateur.

67      En premier lieu, la requérante soutient que l’analyse des réponses aux demandes de renseignements de la Commission, présentée dans des tableaux synthétiques non confidentiels, comportait des inexactitudes, était laconique et difficilement compréhensible.

68      Quant à l’inexactitude alléguée des résumés des réponses des « sightholders », qui se référeraient à tort à Diamdel dans la colonne du tableau consacrée aux réponses à la question n° 14 alors que la question interrogeant les « sightholders » sur Diamdel était la question n° 16, il convient de constater que cette inexactitude, bien que réelle, n’était pas de nature à porter atteinte au droit d’accès de la requérante aux documents sur lesquels la Commission avait fondé son appréciation provisoire. En effet, il ressort de la lecture du tableau synthétisant les réponses des « sightholders » que la colonne intitulée « Diamdel » contenait en réalité les réponses à la question n° 16 et non celles à la question n° 14, puisque la colonne précédente était consacrée aux réponses aux questions nos 12 à 15, incluant dès lors celles à la question n° 14, et la colonne suivante aux réponses à la question n° 17. L’inexactitude en cause était ainsi purement typographique et pouvait aisément être rectifiée à la simple lecture du tableau résumant les réponses des « sightholders ».

69      Quant aux inexactitudes alléguées des résumés des réponses des bourses diamantaires, la requérante se contente de produire en annexe à la réplique les réponses complètes de certaines bourses diamantaires aux demandes de renseignements. Ainsi, elle n’identifie aucune inexactitude commise par la Commission dans son résumé de ces réponses. Elle ne saurait donc être considérée comme ayant établi de telles inexactitudes, d’autant plus que, les noms des bourses diamantaires n’étant pas mentionnés dans les résumés, mais remplacés par des numéros, il est difficile d’établir un lien entre un résumé et la réponse complète correspondante d’une bourse diamantaire, qui permettrait de déceler les éventuelles inexactitudes.

70      Quant au caractère laconique des résumés des réponses aux demandes de renseignements, voire à l’absence de résumé des réponses données à certaines questions, il y a lieu de rappeler tout d’abord que l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 exclut expressément de la communication aux plaignants les secrets d’affaires et les autres informations confidentielles appartenant à d’autres parties à la procédure (voir point 62 ci-dessus ; voir également paragraphe 32 de la communication relative aux règles d’accès au dossier). En l’espèce, la Commission a transmis à la requérante un résumé non confidentiel des réponses aux questions posées aux « sightholders », aux courtiers, aux producteurs de diamants et aux bourses diamantaires, en occultant certains éléments considérés comme confidentiels soit totalement, soit en les remplaçant par des fourchettes (voir, par exemple, les réponses à la question n° 3 relative aux montants des achats de diamants bruts par les « sightholders » et à la question n° 20 relative aux montants de leurs ventes de diamants polis présentées sous forme de fourchettes dans l’avant-dernière colonne du tableau des réponses des « sightholders »).

71      Il peut également être relevé à cet égard que le juge de l’Union a déjà admis, comme l’a souligné la Commission, qu’un accès au dossier soit accordé aux destinataires d’une communication des griefs sous la forme d’un résumé non confidentiel des réponses aux demandes de renseignements de la Commission, afin de préserver l’anonymat des tiers concernés (arrêts du Tribunal du 28 avril 1999, Endemol/Commission, T‑221/95, Rec. p. II‑1299, point 69, et du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, Rec. p. II‑4381, point 100). Le recours à cette modalité d’accès est dès lors a fortiori admissible s’agissant du droit d’accès d’un plaignant.

72      Il y a lieu de rappeler ensuite, s’agissant de l’absence alléguée de résumé des réponses à la question n° 8 posée aux « sightholders », que la Commission n’était tenue de communiquer à la requérante en l’espèce que les données sur lesquelles elle fondait son appréciation provisoire (voir points 62 à 65 ci-dessus). Or, comme la Commission l’a relevé à juste titre en réponse à une question du Tribunal, le contrôle par les « sightholders » des boîtes de diamants reçues de De Beers, qui faisait l’objet de la question n° 8, ne figurait pas au nombre des éléments ayant fondé son appréciation provisoire, laquelle portait non sur les modalités des transactions entre De Beers et ses « sightholders », mais sur la revente par les « sightholders » des diamants achetés à De Beers (voir points 249 et 261 ci-après).

73      S’agissant de l’absence alléguée de résumé des réponses à la question n° 6 posée aux « sightholders », il suffit de constater qu’il ressort de la lecture combinée du questionnaire envoyé aux « sightholders », que la requérante fournit d’ailleurs en annexe à sa requête, et du résumé des réponses à ces questions que le résumé des réponses à la question n° 6, relative à la possibilité pour les « sightholders » d’acheter des diamants ne provenant pas de De Beers et aux conséquences d’un tel achat sur leur sélection en tant que « sightholder » par De Beers, figurait dans l’avant-dernière colonne du résumé indiquant erronément qu’elle contenait la synthèse des réponses aux questions nos 25 et 26 au lieu de faire référence aux questions nos 25 et 6.

74      Enfin, il ne ressort pas de la lecture des résumés des réponses aux questions que ceux-ci soient incompréhensibles. En effet, certains résumés des réponses des « sightholders » sont certes brefs, mais cette concision s’explique par le contenu des questions posées, qui appelaient des réponses succinctes, telles qu’une réponse par oui ou par non, la fourniture de données chiffrées ou une énumération. Les résumés de ce type de réponses, même brefs, reprennent ainsi nécessairement la quasi-totalité des données non confidentielles fournies en réponse aux questions en cause et ne sont pas amputés d’éléments qui affecteraient leur compréhension. Par ailleurs, il relève de l’essence d’un résumé de procéder à des regroupements de données, de sorte qu’il ne peut être reproché à la Commission d’avoir regroupé, d’une part, les réponses aux questions nos 12 à 15 et, d’autre part, les réponses aux questions nos 19 à 21 et nos 23 et 24 du questionnaire destiné aux « sightholders », d’autant plus que chacun des groupes de questions en cause portait sur un même sujet, les diamants bruts pour le premier et les diamants polis pour le second, déclinés en autant de questions dont les réponses pouvaient parfaitement être synthétisées dans le cadre d’un même résumé, ainsi qu’il ressort de la lecture de ces résumés. En outre et de manière générale, une lecture combinée des résumés des réponses et des questions auxquelles ils se rapportent peut aisément être effectuée, y compris lorsque les résumés des réponses ne mentionnent pas les numéros des questions correspondantes, comme c’est le cas du résumé des réponses des producteurs de diamants, et permet d’éviter tout problème de compréhension.

75      En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir donné accès à la communication des griefs de 2001 relative au SOC (affaire COMP/E-3/38.139) et à celles de 2003 relatives à l’accord De Beers-Alrosa (affaire COMP/E-2/38.381). Elle souligne à cet égard la division artificielle de l’enquête sur le marché du diamant en deux affaires, empêchant son accès à la totalité du dossier.

76      S’agissant tout d’abord de la communication des griefs de 2001 relative au SOC, il doit être relevé que, si elle est mentionnée et même synthétisée dans la lettre prévue par l’article 7, c’est uniquement au titre de la présentation des antécédents de la plainte de la requérante relative au SOC. Cette communication des griefs avait en effet été envoyée à la suite de la notification du SOC et avait conduit à ce que plusieurs modifications soient apportées au SOC, lesquelles avaient elles-mêmes donné lieu à l’envoi d’une lettre de classement (voir points 1 à 9 ci-dessus). Cette communication des griefs ne peut par conséquent être considérée comme ayant fondé l’appréciation provisoire de la Commission portant sur le SOC, tel que modifié et mis en œuvre à la suite de ladite communication.

77      S’agissant ensuite des communications des griefs de 2003 relatives à l’accord De Beers-Alrosa qui ont donné lieu à la décision sur les engagements de De Beers, il suffit de constater que, comme le souligne d’ailleurs la Commission, le fait que la décision sur les engagements de De Beers est évoquée dans la lettre prévue par l’article 7 n’implique pas qu’elle se soit fondée sur l’ensemble ou sur certains des documents figurant dans le dossier relatif à cette affaire, et en particulier sur les communications des griefs, dès lors qu’il s’agissait d’une affaire et d’une procédure distinctes. En outre, la requérante ne fournit aucun élément en ce sens. Il doit d’ailleurs être relevé, à cet égard, qu’elle a elle-même introduit une plainte distincte contre l’accord De Beers-Alrosa (voir point 11 in fine ci-dessus), à laquelle la Commission a répondu par une décision de rejet distincte (voir point 20 in fine ci-dessus). Si, par son grief, la requérante reproche précisément à la Commission d’avoir scindé l’examen de ces différentes affaires, il sera abordé dans le cadre de l’examen de la seconde branche du deuxième moyen, reprochant notamment à la Commission de ne pas avoir retenu une « approche globale » de l’examen des plaintes en cause (voir points 142 et suivants ci-après).

78      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission avait méconnu son droit d’accès aux documents sur lesquels elle avait fondé son appréciation provisoire, laquelle a été reprise dans la décision de rejet. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure visant à l’accès aux communications des griefs susvisées (voir point 53 ci-dessus).

79      Par conséquent, la première branche du présent moyen, tirée d’une violation du droit d’accès de la requérante aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire, doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur la fixation de délais trop courts

80      La requérante déplore les « délais étonnamment courts » qui lui ont été imposés au cours de la procédure, sans que lui soit fournie une explication quant à leur brièveté, et expirant au surplus souvent pendant les périodes de congés. Elle ajoute qu’elle a toujours respecté ces délais, malgré leur brièveté, aux fins d’éviter que sa plainte ne soit considérée comme ayant été retirée.

81      L’article 17 du règlement n° 773/2004, relatif aux délais, est ainsi rédigé :

« 1. Pour fixer les délais prévus à l’article 3, paragraphe 3, à l’article 4, paragraphe 3, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 7, paragraphe 1, à l’article 10, paragraphe 2, et à l’article 16, paragraphe 3, la Commission tient compte du temps nécessaire à l’élaboration des observations et de l’urgence de l’affaire.

2. Les délais visés à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 7, paragraphe 1, et à l’article 10, paragraphe 2, sont d’au moins quatre semaines. Toutefois, pour les procédures ouvertes en vue d’adopter des mesures provisoires conformément à l’article 8 du règlement […] n° 1/2003, le délai peut être ramené à une semaine.

3. Les délais visés à l’article 3, paragraphe 3, à l’article 4, paragraphe 3, et à l’article 16, paragraphe 3, sont d’au moins deux semaines.

4. Les délais peuvent, le cas échéant, être prorogés sur demande motivée introduite avant l’expiration du délai initial. »

82      Les paragraphes 70 et 71 de la communication relative au traitement des plaintes apportent les précisions suivantes :

« 70. Le délai de présentation par le plaignant de ses observations concernant la lettre prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement [n°] 773/2004 est fixé en fonction des circonstances de l’espèce, mais n’est pas inférieur à quatre semaines (article 17, paragraphe 2, du règlement [n°] 773/2004). Si le plaignant ne réagit pas dans le délai imparti, la plainte est réputée retirée (article 7, paragraphe 3, du règlement [n°] 773/2004). Les plaignants ont également la faculté de retirer leur plainte à tout moment s’ils le souhaitent.

71. Le plaignant peut demander une prorogation du délai de présentation de ses observations. Selon les circonstances de l’espèce, la Commission peut accorder cette prorogation. »

83      Il convient de constater tout d’abord que les délais fixés en l’espèce sont conformes à ces prescriptions, lesquelles n’imposent en l’espèce un délai à la Commission qu’en ce qui concerne le dépôt des observations du plaignant sur la lettre prévue par l’article 7, à savoir un délai qui ne saurait être inférieur à quatre semaines.

84      En l’espèce, la Commission a fixé ainsi un délai de six semaines à la requérante pour présenter ses observations, supérieur donc au minimum fixé par l’article 17 du règlement n° 773/2004. La requérante n’avance aucun élément susceptible de démontrer que, en retenant un délai de six semaines, la Commission n’aurait pas tenu compte du temps nécessaire à l’élaboration des observations et de l’urgence de l’affaire. Les dispositions susvisées n’imposent aucun autre délai qui serait applicable en l’espèce et la requérante ne critique d’ailleurs aucun délai précis qui lui aurait été fixé comme étant trop bref.

85      Il y a lieu de relever ensuite que le délai pour le dépôt des observations relatives à la lettre prévue par l’article 7 ne prenait pas fin au cours d’une période de congés, puisqu’il expirait à la fin de septembre. En outre, ainsi qu’il résulte des dispositions susvisées, il était possible à la requérante de demander une prorogation de délai à la Commission, faculté qu’elle n’a pas exercée pour le dépôt des observations en cause. Il reste que la Commission n’est pas tenue par les textes d’accorder les prorogations demandées, comme le démontrent l’emploi de l’expression « peuvent, le cas échéant » à l’article 17, paragraphe 4, du règlement n° 773/2004 et la précision selon laquelle elle se prononce « selon les circonstances de l’espèce », en vertu du paragraphe 71 de la communication relative au traitement des plaintes.

86      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le grief tiré de la fixation de délais trop courts doit être rejeté.

 Sur la violation du droit de la requérante d’être entendue

87      La requérante invoque, en premier lieu, une violation de ses droits de la défense en sa qualité de plaignante, en ce que la Commission aurait présenté pour la première fois dans la décision de rejet des calculs fondés sur la valeur des diamants, alors qu’elle s’était appuyée dans la lettre prévue par l’article 7 uniquement sur des calculs fondés sur le nombre de carats. La requérante n’aurait ainsi pas été en mesure de s’exprimer au cours de la procédure engagée à la suite du dépôt de sa plainte sur les calculs évoqués pour la première fois dans la décision de rejet.

88      Il suffit de constater à cet égard que la lettre prévue par l’article 7 comme la décision de rejet mentionnent un pourcentage de revente de diamants bruts par les « sightholders » de 15 à 20 %. Comme le souligne la Commission, ce pourcentage moyen a été établi à partir des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements, en particulier des réponses aux questions nos 12 à 15 qui interrogeaient les « sightholders » sur leurs ventes de diamants en précisant, dans la partie introductive du questionnaire, que les montants mentionnés dans leurs réponses devaient être exprimés en USD. Il en résulte que les pourcentages mentionnés dans la lettre prévue par l’article 7 et dans la décision de rejet ont été établis à partir de données chiffrées portant sur la valeur des diamants (en USD), ce qu’a confirmé la Commission dans la décision de rejet et lors de l’audience. La requérante ne fournit d’ailleurs aucun élément permettant de démontrer que ces pourcentages ont été obtenus dans un cas à partir d’un calcul fondé sur le nombre de carats et dans l’autre à partir d’un calcul fondé sur la valeur des diamants.

89      La requérante n’ayant pas établi une telle différence de base du calcul, il convient de rejeter ce premier grief, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’impact de cette prétendue différence sur son droit d’être entendue et plus largement d’être étroitement associée à la procédure.

90      La requérante invoque, en second lieu, deux incidents qui témoigneraient en substance du refus de la Commission de l’entendre en ses commentaires. Elle évoque tout d’abord une rencontre entre elle et un membre de la Commission au cours de laquelle celui-ci n’aurait fait aucune allusion à la décision sur les engagements de De Beers adoptée le lendemain, c’est-à-dire le 22 février 2006, sans attendre ses commentaires dont la date de dépôt était prévue pour la fin du mois de février. La requérante mentionne ensuite le fait que la Commission aurait prétendu qu’elle n’avait pas réagi à temps à la lettre prévue par l’article 7 envoyée dans le cadre de la procédure ouverte à la suite de sa plainte contre l’accord De Beers-Alrosa, alors qu’elle avait envoyé ses observations dans le délai imparti.

91      Il suffit de constater à cet égard que les deux incidents allégués se sont produits au cours de la procédure relative à l’accord De Beers-Alrosa et non au cours de celle ayant donné lieu à la décision de rejet. En effet, ainsi qu’il ressort du dossier, les observations devant être déposées à la fin du mois de février étaient celles relatives à la lettre d’orientation envoyée par la Commission à la suite de la plainte de la requérante contre l’accord De Beers-Alrosa et celles considérées comme ayant été déposées tardivement étaient les observations relatives à la lettre prévue par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004 envoyée dans le cadre de cette même procédure. Il s’ensuit que les violations alléguées par la requérante de son droit d’être entendue ne peuvent conduire qu’à l’annulation, le cas échéant, des actes adoptés à l’issue de la procédure relative à l’accord De Beers-Alrosa, qui ne font pas l’objet des présents recours, et ce quand bien même la requérante avait exposé ou envisageait d’exposer dans les observations en cause des arguments relatifs au SOC.

92      Ce second grief doit donc être rejeté comme inopérant et, partant, la présente branche du premier moyen en son entier.

93      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante doit être rejeté dans son intégralité.

2.     Sur le moyen tiré de la violation des obligations de la Commission lors du traitement d’une plainte (affaires T-108/07 et T-354/08)

94      Dans les affaires T-108/07 et T-354/08, la requérante fait valoir en substance que, en rejetant sa plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant, la Commission, premièrement, n’a pas examiné cette plainte avec soin et impartialité et, deuxièmement et subsidiairement, n’a pas pris en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents.

95      Les règlements n°s 1/2003 et 773/2004 ne contiennent pas de dispositions fixant, pour l’instruction d’une plainte, des obligations d’investigation à la charge de la Commission et déterminant la suite à réserver au fond à celle-ci.

96      Selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de prendre une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée dans la plainte (arrêt de la Cour du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, Rec. p. I‑1341, point 87 ; voir également paragraphe 41 de la communication relative au traitement des plaintes).

97      En effet, la Commission, investie par l’article 85, paragraphe 1, CE de la mission consistant à veiller à l’application des articles 81 CE et 82 CE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de la concurrence et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes (arrêt de la Cour du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C‑425/07 P, Rec. p. I‑3205, point 31, et arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T‑427/08, Rec. p. II‑5865, point 26). Lorsque, en exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Commission décide d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, elle peut non seulement arrêter l’ordre dans lequel les plaintes seront examinées, mais également rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’examen de l’affaire (voir arrêt CEAHR/Commission, précité, point 27, et la jurisprudence citée ; voir également considérant 18 du règlement n° 1/2003 ainsi que paragraphes 41 et 45 de la communication relative au traitement des plaintes).

98      Le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’est cependant pas sans limites. Elle doit prendre en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte. Elle est également tenue d’examiner avec toute l’attention requise les éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par le plaignant (arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑450/98 P, Rec. p. I‑3947, point 57, et arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T‑110/95, Rec. p. II‑3605, point 51 ; voir également paragraphe 42 de la communication relative au traitement des plaintes).

 Sur l’absence d’examen de la plainte avec soin et impartialité

99      La requérante affirme que les décisions attaquées doivent être annulées au motif que la Commission n’aurait pas examiné avec soin et impartialité les éléments de fait et de droit de sa plainte. À l’appui de cette affirmation, elle présente trois séries d’arguments.

100    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir fait preuve de l’indépendance requise à l’égard de De Beers. Ainsi, dans le cadre de l’enquête initiale, elle aurait procédé à des « intimidations » à l’égard de la requérante pour l’inciter à retirer sa plainte et se serait principalement fondée sur les déclarations de De Beers. Par ailleurs, lors de l’enquête complémentaire, la Commission aurait pris contact avec De Beers avant l’envoi des demandes de renseignements et n’aurait pas vérifié ses réponses auxdites demandes, voire les aurait déformées.

101    Il suffit de relever à cet égard, s’agissant de l’enquête initiale, tout d’abord que, certes, la Commission a indiqué à la requérante par un courrier du 6 septembre 2006 qu’elle considérait que son identité en tant que plaignante n’était plus confidentielle à ce stade de la procédure, mais elle lui a également indiqué dans ledit courrier que celle-ci avait la possibilité de saisir le conseiller-auditeur pour qu’il prenne une décision finale à cet égard. La requérante a d’ailleurs exercé cette faculté, obtenant ainsi que son identité ne soit pas révélée au stade de la procédure en cause (voir lettre du conseiller-auditeur du 14 septembre 2006). Dans ces conditions, le courrier susvisé de la Commission ne saurait être considéré comme une intimidation à l’égard de la requérante pour l’inciter à retirer sa plainte.

102    Il convient de constater ensuite que la requérante ne précise pas quelles sont les déclarations de De Beers auxquelles elle fait référence. À supposer qu’il s’agisse des réponses de De Beers aux demandes de renseignements de la Commission, seuls documents émanant de De Beers qui ont, selon la Commission, servi de fondement à son appréciation, sans que cela soit contesté par la requérante, il convient de constater, d’une part, que De Beers a été interrogée au même titre que tous les autres principaux producteurs de diamants bruts, ainsi qu’en atteste le fait qu’un même questionnaire a été envoyé à tous les producteurs, et, d’autre part, que la requérante ne fournit aucun élément de nature à établir qu’un traitement particulier aurait été réservé aux réponses données par De Beers. À cet égard, le rejet de la plainte de la requérante, certes favorable à De Beers, ne saurait à lui seul démontrer un tel traitement particulier.

103    Quant à l’enquête complémentaire, il y a lieu de relever tout d’abord que les échanges entre De Beers et la Commission invoqués par la requérante ne permettent pas de conclure à l’absence d’indépendance de la Commission à l’égard de De Beers. En effet, la rencontre du 8 octobre 2007 entre des représentants de De Beers et de la Commission (voir point 27 ci-dessus) visait simplement à informer l’entreprise visée par la plainte de la requérante, rejetée une première fois, de l’ouverture d’une enquête complémentaire. Cette rencontre ne saurait en aucun cas être interprétée comme ayant avantagé De Beers, notamment en lui permettant de se préparer à une telle enquête complémentaire, dès lors que les demandes de renseignements complémentaires lui ont été envoyées dès le lendemain. Quant à la lettre des représentants de De Beers du 17 juin 2008 adressée à la Commission et indiquant que celle-ci les avait informés au cours de la réunion susvisée que l’enquête envisagée visait à « compléter sa décision de rejet », il ne saurait en être déduit que De Beers avait été informée à l’avance de la décision complémentaire de rejet. En effet, si la teneur de ladite décision était connue à l’avance, il n’y aurait pas eu lieu de procéder à une enquête complémentaire, à laquelle De Beers elle-même a participé en fournissant des réponses détaillées dans les délais impartis. Cette absence d’information préalable est par ailleurs confirmée par cette lettre des représentants de De Beers, dans laquelle ceux-ci demandent également à la Commission de leur indiquer l’état d’avancement de l’enquête complémentaire. De Beers n’a ainsi été informée du second rejet de la plainte de la requérante que par lettre du 24 juin 2008.

104    Ensuite, il ne saurait en l’espèce être reproché à la Commission de ne pas avoir procédé à une vérification détaillée des réponses de De Beers aux demandes complémentaires de renseignements. La Commission a certes, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1/2003, la possibilité d’infliger des amendes aux sociétés lui ayant fourni des renseignements inexacts ou dénaturés. Toutefois, ainsi que le souligne la Commission, il ne peut en être déduit une obligation générale de procéder à la vérification des renseignements fournis à défaut d’indices indiquant l’inexactitude desdits renseignements (voir, en ce sens, dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, Rec. p. II‑1219, point 184). En particulier, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir vérifié les réponses données par De Beers dans les circonstances d’une enquête complémentaire, telles que celle de l’espèce, caractérisées par le réexamen d’une décision à la suite de la survenance d’un fait nouveau, par la célérité avec laquelle la Commission doit agir dans ce type de situation pour limiter l’état d’incertitude résultant du réexamen, par le recours à une enquête complémentaire à la suite d’une enquête initiale dans le cadre de laquelle De Beers avait déjà répondu à des demandes de renseignements sans que ses réponses aient été contestées, par le fait que De Beers était extrêmement précise dans ses réponses en mentionnant fréquemment leurs sources et enfin par le fait que la requérante n’avait émis aucune objection précise dans ses observations relatives à la lettre complémentaire prévue par l’article 7, à laquelle étaient jointes les réponses en cause.

105    Enfin, quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait en substance déformé une réponse de De Beers (réponse à la question n° 8 de la demande de renseignements du 9 octobre 2007) en faveur de sa solution de rejet de la plainte elle-même favorable à De Beers, il ressort de la lecture de cette réponse que De Beers a certes évoqué la difficulté de répondre précisément à la question des reventes de ses diamants bruts par les « sightholders » ainsi que la légère baisse de ces reventes en 2007. Toutefois, dans cette réponse, De Beers fait également état d’une augmentation significative des reventes en 2005 et en 2006 et d’une croissance importante en 2007 malgré une légère baisse pour conclure qu’une quantité significative de diamants bruts atteignait le marché secondaire grâce aux « sightholders ». Il résulte ainsi d’une lecture globale, et non partielle, de cette réponse à la question n° 8 de la demande de renseignements du 9 octobre 2007 que la Commission n’a pas déformé son contenu en indiquant dans la décision complémentaire de rejet que « De Beers déclar[ait] que le niveau des ventes [des ‘sightholders’] a[vait] continué à augmenter ».

106    Il s’ensuit que cette première série d’arguments doit être rejetée dans son intégralité.

107    En deuxième lieu, la requérante estime que la Commission aurait dû accorder une plus grande priorité à l’enquête initiale relative au SOC, plutôt que de se concentrer sur l’enquête relative à l’accord De Beers-Alrosa.

108    Il y a lieu de rappeler que, comme elle l’indique à juste titre, la Commission dispose, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes, du pouvoir d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie (voir point 97 ci-dessus). Toutefois, en l’espèce, il ne ressort pas du dossier que la Commission ait accordé une priorité à la plainte dirigée contre l’accord De Beers-Alrosa au détriment de celle qui est à l’origine du présent litige. En effet, ces deux plaintes, introduites le même jour (voir point 11 ci-dessus), ont été suivies par l’envoi des lettres prévues par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004, datées, pour la première, du 14 juin 2006 et, pour la seconde, du 4 août 2006 (voir point 18 ci-dessus), et ont également été rejetées le même jour (voir point 20 ci-dessus).

109    En outre, la requérante a elle-même établi, par le versement au dossier de plusieurs demandes de renseignements de la Commission envoyées dans le cadre de son enquête relative au SOC, d’une part, que la Commission avait débuté cette instruction dès les mois de février et de mars 2004, soit moins de six mois après le dépôt de la plainte contre le SOC, en envoyant des demandes de renseignements à la fédération des bourses diamantaires belges ainsi qu’aux courtiers et en demandant la communication des profils de « sightholder » envoyés à De Beer et, d’autre part, qu’elle avait poursuivi cette instruction en septembre et en octobre 2004 en envoyant des demandes de renseignements aux opérateurs ayant la qualité de « sightholders », aux « sightholders » exclus, aux producteurs de diamants bruts et aux bourses diamantaires ce qui a été confirmé par la Commission.

110    En revanche, la requérante n’a pas établi que la Commission avait pris un nombre plus élevé de mesures visant à enquêter sur l’accord De Beers-Alrosa à la même époque, ni d’ailleurs fourni d’autres éléments attestant d’une quelconque priorité donnée à l’enquête relative à cet accord. En effet, elle s’est contentée d’évoquer la décision sur les engagements de De Beers, qui certes portait sur l’accord De Beers-Alrosa et avait été adoptée en février 2006, soit près d’un an avant la décision de rejet. Toutefois, cette décision faisait suite non à la plainte de la requérante relative à l’accord De Beers-Alrosa, mais à une demande d’attestation négative ou, à défaut, d’exemption en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE, en date du 5 mars 2002, soit plus d’un an et demi avant le dépôt de ladite plainte. L’antériorité de la date d’adoption de la décision sur les engagements de De Beers s’explique ainsi par celle de l’engagement de la procédure en cause et non par une priorité qui aurait été accordée au traitement des problèmes posés par l’accord De Beers-Alrosa.

111    Cette deuxième série d’arguments doit par conséquent être rejetée.

112    En troisième lieu, la requérante critique le caractère limité des investigations réalisées dans le cadre de l’enquête initiale et de l’enquête complémentaire.

113    Dans le cadre de l’enquête initiale, la Commission se serait contentée d’envoyer des demandes de renseignements un an après le dépôt de la plainte, sans évaluer avec toute l’attention requise, par exemple au moyen d’une expertise économique, des informations importantes fournies notamment par la requérante, par d’autres entreprises opérant dans le secteur du diamant ou par les bourses diamantaires. La requérante insiste sur la pertinence des informations fournies par les bourses diamantaires, représentant plus de 11 000 membres et ayant souligné l’existence d’effets d’exclusion du SOC qui démontreraient l’intérêt communautaire à poursuivre les investigations. Elle souligne en revanche le caractère nécessairement imprécis, voire inexact, des réponses données par les « sightholders » aux demandes de renseignements, par crainte de représailles de la part de De Beers.

114    Dans le cadre de l’enquête complémentaire, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir repris l’enquête sur l’accord De Beers-Alrosa à la suite de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra. Elle conteste en outre le caractère précipité de l’enquête, ses destinataires n’ayant eu qu’une semaine pour répondre aux questions posées et ces réponses n’ayant même pas été toutes disponibles au moment de l’envoi de la lettre complémentaire prévue par l’article 7. Par ailleurs, l’enquête complémentaire aurait été limitée à tort à la seule question des effets d’exclusion et aurait été menée de manière superficielle, puisque seuls des producteurs de diamants auraient été consultés, seules sept véritables questions auraient été posées sans que les plus importantes l’aient été, et la Commission se serait satisfaite de réponses très brèves, le plus souvent incomplètes et parfois contradictoires.

115    En vertu d’une jurisprudence constante, lorsque la Commission décide de procéder à l’instruction d’une plainte dont elle est saisie, elle doit, sauf motivation dûment circonstanciée, le faire avec la diligence, le soin et le sérieux requis, aux fins d’être en mesure d’apprécier en pleine connaissance de cause les éléments de fait et de droit soumis à son appréciation par les plaignants (arrêts du Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor e.a./Commission, T‑7/92, Rec. p. II‑669, point 36, et du 27 septembre 2006, Haladjian Frères/Commission, T‑204/03, Rec. p. II‑3779, point 29). Toutefois, quand bien même une instruction a été menée, aucune disposition ne confère au plaignant le droit d’obliger la Commission à poursuivre la procédure jusqu’au stade d’une décision finale constatant l’existence ou l’inexistence de l’infraction alléguée et ainsi à rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non de ladite infraction (voir arrêt Haladjian Frères/Commission, précité, point 28, et la jurisprudence citée ; voir également point 96 ci-dessus).

116    Il en résulte que, lorsque la Commission ne se prononce pas sur l’existence des infractions dénoncées dans une plainte, mais limite son appréciation à l’existence d’un intérêt communautaire suffisant des allégations de ladite plainte, comme en l’espèce, l’enquête menée par la Commission a une portée nécessairement plus limitée qu’une enquête complète visant à déterminer si l’infraction alléguée existe ou non (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T‑5/93, Rec. p. II‑185, point 91, et la jurisprudence citée).

117    En l’espèce, dans le cadre de son instruction relative au SOC, il convient de rappeler que la Commission a envoyé, entre février et octobre 2004, des demandes de renseignements aux opérateurs ayant le statut de « sightholders », aux « sightholders » exclus, aux courtiers, aux producteurs de diamants bruts et aux bourses diamantaires (voir point 12 ci-dessus). À la suite de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, elle a envoyé des demandes de renseignements complémentaires aux principaux producteurs de diamants le 9 octobre 2007 et des questions supplémentaires à De Beers le 29 octobre 2007 (voir point 28 ci-dessus).

118    S’agissant tout d’abord du choix par la Commission de ses instruments d’investigation, il y a lieu de rappeler que celle-ci dispose d’une liberté d’action dans le cadre de ses enquêtes en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 212). En effet, aucune disposition ne lui impose d’utiliser une méthode plutôt qu’une autre. Par ailleurs, le Tribunal a déjà jugé que l’envoi par la Commission de demandes de renseignements, loin de témoigner d’un quelconque préjugé de la part de la Commission, attestait de la volonté de celle-ci d’examiner avec soin et impartialité l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce, afin, notamment, d’être en mesure de statuer en pleine connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 412). La requérante ne saurait par conséquent reprocher en l’espèce à la Commission de ne pas avoir mené son enquête avec soin et sérieux, en envoyant des demandes de renseignements plutôt qu’en procédant à une expertise économique, à la demande de communication des profils de « sightholder » envoyés à De Beers pour la sélection de 2005 ou à toute autre mesure d’investigation.

119    Il doit d’ailleurs être ajouté à cet égard que la Commission a affirmé, sans être contredite par la requérante, que l’économiste en chef de sa direction générale de la concurrence avait participé à l’examen de la plainte contre le SOC, même s’il n’a pas élaboré le rapport économique, que réclamait la requérante alors qu’elle avait elle-même fourni un tel rapport. De même, concernant la mesure visant à la communication des profils de « sightholder » pour la procédure de sélection de 2005, il doit être relevé, d’une part, qu’une telle mesure a été prise par la Commission pour les profils envoyés en 2004 (voir point 109 ci-dessus) et, d’autre part, comme le souligne la Commission, que les données figurant dans ces profils étaient moins fiables que celles figurant dans les réponses à la demande de renseignements adressée aux « sightholders ». En effet, les « sightholders » sont exposés à une amende en cas de communication de renseignements inexacts ou dénaturés en réponse à une demande de renseignements (voir point 125 ci-après). En outre, les réponses données dans les profils de « sightholder », qui sont formulées par des candidats au SOC, sont de ce fait susceptibles de contenir des informations non conformes à la réalité, communiquées aux seules fins d’obtenir une sélection.

120    S’agissant ensuite du recours aux demandes de renseignements, il y a lieu de rappeler que l’article 18 du règlement n° 1/2003 qui les régit dispose en son paragraphe 1 que, « [p]our l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par [c]e […] règlement, la Commission peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires ». L’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 oblige la Commission à indiquer dans sa demande de renseignements la base juridique et le but de la demande, à préciser les renseignements demandés et à fixer le délai dans lequel ils doivent être fournis, de même qu’à indiquer les sanctions prévues en cas de communication d’un renseignement inexact ou dénaturé. La jurisprudence en a déduit que les pouvoirs d’enquête qui sont prévus par l’article 18 du règlement n° 1/2003 ne sont subordonnés qu’à l’exigence de nécessité des renseignements demandés (voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, non encore publié au Recueil, point 45, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 118 supra, point 48).

121    Aucune obligation n’est ainsi imposée à la Commission par le règlement n° 1/2003 en ce qui concerne le choix du type de demande de renseignements (simple demande ou décision), les destinataires des demandes de renseignements, le délai fixé pour y répondre, les renseignements objets de la demande, à l’exception de l’exigence de leur caractère nécessaire, ainsi que l’analyse des renseignements fournis. En outre, la requérante ne fournit aucun élément de nature à établir que ces cinq aspects des demandes de renseignements envoyées en l’espèce témoigneraient d’une absence de soin, de sérieux et de diligence de la Commission dans les enquêtes menées.

122    En premier lieu, quant à l’envoi de simples demandes de renseignements et non de décisions demandant des renseignements, il y a lieu de rappeler que l’article 18 du règlement n° 1/2003 permet à la Commission de demander des renseignements « par simple demande ou par voie de décision » et que seule l’absence de réponse ou les réponses incomplètes à une décision demandant des renseignements, et non à une simple demande, peut être sanctionnée en vertu de l’article 23, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003. Ainsi, si la requérante, en alléguant que la Commission se serait satisfaite de réponses brèves et incomplètes, lui reproche en substance d’avoir opté, lors de l’enquête complémentaire, pour l’envoi de simples demandes de renseignements aux producteurs de diamants ne permettant pas l’obtention de réponses complètes (voir point 114 ci-dessus), les circonstances de l’espèce ne permettent pas de considérer que la Commission a manqué de soin, de sérieux et de diligence à cet égard.

123    En effet, une décision demandant des renseignements, en tant qu’acte unilatéral d’une institution de l’Union, ne saurait être créateur de droits et d’obligations en dehors du territoire de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 3 juillet 2007, Commune de Champagne e.a./Conseil et Commission, T‑212/02, Rec. p. II‑2017, point 90) et ne peut ainsi être adoptée à l’égard des producteurs de diamants qui sont nombreux à être établis en dehors de l’Union. Par ailleurs, la Commission avait déjà procédé à l’envoi de simples demandes de renseignements lors de l’enquête initiale et avait obtenu des réponses des producteurs qui lui avaient permis de procéder à une première analyse des effets d’exclusion allégués du SOC, sans que cela soit contesté par la requérante. S’agissant, dans le cadre de l’enquête complémentaire, de questions visant simplement à une actualisation des données fournies lors de l’enquête initiale, rien ne laissait ainsi présager de l’envoi de réponses incomplètes. En outre, l’adoption d’une décision demandant des renseignements, notamment parce qu’elle est susceptible de recours (voir article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003), prend nécessairement plus de temps que l’envoi d’une simple demande et est par ailleurs susceptible de retarder la procédure et ainsi l’adoption de la décision finale en cas de recours formé contre elle. Or, la procédure complémentaire visait à prendre en compte un élément factuel nouveau affectant la décision initiale et devait, partant, être close rapidement afin de ne pas prolonger une situation d’incertitude résultant de la survenance de cet élément nouveau. Il y a lieu d’ajouter que des réponses brèves ne sont pas nécessairement des réponses incomplètes et que la brièveté d’une réponse ne peut ainsi être sanctionnée, y compris lorsqu’elle fait suite à une décision demandant des renseignements. Il peut enfin être relevé que la quasi-totalité des questions posées dans les demandes de renseignements envoyées aux producteurs le 9 octobre 2007 appelaient des réponses brèves, pouvant consister en la mention soit de oui ou de non (voir questions nos 6 à 8), soit de simples données chiffrées (questions nos 1 à 4 et 6) (voir point 129 ci-après).

124    En deuxième lieu, quant aux destinataires des demandes de renseignements, il suffit de constater que la Commission a envoyé des demandes à tous les protagonistes du SOC, qu’il s’agisse de De Beers, qui a créé ce système, ou de sociétés qui y participent, les « sightholders », ou qui y ont participé, les « sightholders » exclus, et plus largement aux sociétés et organisations intervenant sur les marchés du diamant, dont notamment les bourses diamantaires. Il ne saurait ainsi être reproché à la Commission de ne pas avoir interrogé les « petites et moyennes entreprises du secteur du diamant », intervenant notamment en aval dans le secteur des diamants polis. En effet, les « sightholders » comme les « sightholders » exclus, qui ont reçu des demandes de renseignements, ne sont pas nécessairement de grandes entreprises. Ainsi que l’ont précisé les intervenantes, en réponse à une question du Tribunal, près de 60 % des « sightholders » sélectionnés en 2003 étaient des petites et moyennes entreprises. La requérante elle-même, qui a perdu son statut de « sightholder » en 2003, ne compte que dix employés. Par ailleurs, ces « sightholders » et « sightholders » exclus interviennent pour certains sur le marché des diamants polis, comme en attestent leurs réponses aux demandes de renseignements (voir les questions nos 19 à 25 du questionnaire aux « sightholders » et les questions nos 10 à 12 du questionnaire aux « sightholders » exclus qui les interrogent sur les ventes de diamants polis).

125    Dans la mesure où la requérante reproche précisément à la Commission d’avoir interrogé les « sightholders » et pris en compte leurs réponses, il y a lieu d’abord de souligner que les « sightholders » sont les principaux acteurs du SOC, objet de l’enquête en cause. Ensuite, la Commission a veillé à ce que les « sightholders » ne fournissent pas d’informations imprécises ou incomplètes, voire inexactes, par crainte de représailles de la part de De Beers. En effet, elle n’a communiqué à De Beers qu’une version non confidentielle des réponses des « sightholders » en omettant notamment leurs noms. Elle leur a rappelé le risque d’amende en cas de communication de renseignements inexacts ou dénaturés (voir point 120 ci-dessus) et leur a demandé, dans le passage introductif du questionnaire qui leur a été envoyé, d’être très précis dans leurs réponses et de donner suffisamment de détails pour que leurs réponses puissent être comprises par des non-spécialistes. Par ailleurs, si le présent argument doit être entendu en ce sens que la Commission aurait accordé dans la décision de rejet un poids prépondérant aux réponses données par les « sightholders », il ne saurait y être répondu dans le cadre de l’examen de la présente branche, une telle allégation relevant de l’appréciation au fond de l’intérêt communautaire, abordée dans le cadre de l’examen du troisième moyen. Il peut enfin être ajouté que la Commission ne s’est pas contentée d’interroger les « sightholders » de De Beers en 2004, mais qu’elle a également envoyé des demandes de renseignements aux « sightholders » qui avaient été exclus du SOC (voir point 12 ci-dessus) – lesquels ne peuvent par définition être soumis à des mesures de rétorsion de De Beers et ainsi à la crainte de telles mesures –, pour confronter leurs réponses à celles données par les « sightholders ».

126    Il convient par ailleurs de souligner que les bourses diamantaires ont été interrogées et que leurs réponses ont été prises en compte de manière explicite dans la décision de rejet par la Commission, qui les a confrontées aux autres réponses données aux demandes de renseignements. La requérante ne saurait dès lors prétendre que celle-ci n’a pas évalué avec toute l’attention requise les informations fournies par les bourses diamantaires. Si la requérante critique le résultat de la confrontation des réponses aux demandes de renseignements, contraire aux allégations des bourses diamantaires et à ses propres allégations contre le SOC, elle conteste en réalité l’appréciation au fond de l’intérêt communautaire par la Commission, laquelle sera abordée dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

127    Enfin, les producteurs de diamants bruts ont été interrogés dans le cadre à la fois de l’enquête initiale et de l’enquête complémentaire (voir points 12 et 28 ci-dessus). La requérante ne saurait par ailleurs reprocher à la Commission de n’avoir envoyé de demandes de renseignements qu’aux producteurs lors de la procédure complémentaire. En effet, cette procédure a été engagée à la suite de l’annulation par le Tribunal de la décision sur les engagements de De Beers. Dès lors que cette décision limitait les diamants bruts susceptibles d’être achetés par De Beers à un autre producteur de ces diamants, Alrosa, il appartenait à la Commission d’évaluer les montants des ventes et des achats de ces deux producteurs en l’absence de cette limitation et ainsi de les interroger sur ce point pour les années concernées par les engagements susvisés. Il lui appartenait également de confronter ces réponses à celles des autres producteurs de diamants bruts qui n’avaient pas encore été interrogés en ce qui concerne les années en cause. La Commission a ainsi demandé à chacun des producteurs de préciser les montants effectifs ou prévisionnels de leurs ventes annuelles de diamants bruts entre 2006 et 2009 (question n° 2) ainsi que ceux de leurs achats et ventes à d’autres producteurs pour les mêmes années (question n° 6).

128    En revanche, l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers n’ayant un impact que sur les rapports entre les producteurs de diamants bruts, la Commission n’était pas tenue d’envoyer de nouveaux questionnaires à tous ceux qui avaient été interrogés au cours de l’enquête initiale pour qu’ils actualisent leurs réponses. Il en résulte que la Commission n’a pas méconnu son obligation de mener son enquête avec soin et sérieux en interrogeant les seuls producteurs aux fins de réexaminer son appréciation initiale. Il convient d’ajouter que la Commission a mené une enquête complémentaire approfondie, procédant même à l’envoi de plusieurs séries de questions au principal producteur concerné, De Beers (voir point 28 ci-dessus).

129    En troisième lieu, quant au délai de réponse fixé dans les demandes de renseignements envoyées dans le cadre de la procédure complémentaire, la Commission a certes demandé aux producteurs de diamants d’y répondre dans le délai très court d’une semaine. Il convient toutefois de relever que les demandes de renseignements envoyées à Aber, BHP Billiton, Endiama, LLD Diamonds et Rio Tinto ne contenaient que huit questions leur demandant soit de fournir des données qui leur étaient aisément accessibles, puisque relatives à leur propre entreprise ou au marché sur lequel elles intervenaient, et qui ne nécessitaient pas de procéder à un travail de compilation (questions nos 1 à 6), soit de prendre position sur la disponibilité actuelle et future des diamants bruts dans le cadre de questions très ouvertes leur laissant la possibilité de répondre de manière plus ou moins développée (questions nos 7 et 8). Plusieurs producteurs ont ainsi simplement répondu par la négative à ces deux dernières questions. Quant aux demandes de renseignements envoyées à De Beers et à Alrosa, principalement concernées par l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers, si certaines contiennent davantage de questions (douze questions à De Beers dans la demande du 9 octobre 2007 et trois dans la demande du 29 octobre 2007 ; treize questions à Alrosa), elles portent sur le même type de questions que celles envoyées aux autres producteurs. La Commission a par ailleurs indiqué en réponse à une question du Tribunal que les producteurs de diamants avaient tous répondu aux demandes de renseignements, à l’exception d’Endiama, en fournissant des réponses parfois très détaillées, et que toutes leurs réponses avaient été prises en considération, y compris celles déposées tardivement, voire très tardivement, telles que la réponse d’Alrosa reçue en décembre 2007 et dont la version non confidentielle a été envoyée à la requérante le 13 mars 2008.

130    En ce que la requérante reproche à la Commission de lui avoir envoyé la lettre complémentaire prévue par l’article 7 avant la réception de cette réponse d’Alrosa, il convient de relever que, s’agissant d’une demande de renseignements et non d’une décision demandant des renseignements, Alrosa n’avait pas l’obligation de répondre [voir, s’agissant de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui contient en substance la même distinction entre demande de renseignements et décision demandant des renseignements, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 279]. La Commission a précisé, en réponse à plusieurs questions du Tribunal, qu’Alrosa n’avait pas répondu à la demande de renseignements dans le délai imparti, mais qu’elle lui avait communiqué dans ce délai son rapport annuel pour 2006 et qu’elle l’avait informée qu’elle fournirait ultérieurement les renseignements demandés sans toutefois mentionner de date précise. Dès réception de ces renseignements, la Commission a communiqué à la requérante leur version non confidentielle et la requérante a eu l’occasion de présenter ses observations relatives à cette réponse (voir point 34 ci-dessus). Par ailleurs, le Tribunal a déjà jugé que la Commission était en droit, afin notamment de tenir compte de tout élément avancé par les entreprises concernées, de poursuivre son enquête factuelle après l’adoption d’une communication des griefs, contenant les appréciations provisoires de la Commission sur lesquelles elle a la possibilité de revenir dans sa décision finale, par l’envoi de demandes de renseignements supplémentaires (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 118 supra, point 411). Il en résulte en l’espèce que, disposant déjà des réponses des autres producteurs et notamment de celles de De Beers relatives à ses achats à Alrosa ainsi que du rapport annuel d’Alrosa pour 2006, la Commission pouvait, sans manquer à son obligation de mener son enquête avec soin, sérieux et diligence, envoyer un document présentant son appréciation provisoire sans attendre la réponse d’Alrosa pour la prendre en compte ultérieurement à la lumière des observations présentées par la requérante à propos de ladite réponse.

131    En quatrième lieu, quant aux renseignements demandés lors de la procédure complémentaire, il y a lieu de relever à titre liminaire que les allégations de la requérante reprochant à la Commission de ne pas avoir posé certaines questions (voir point 114 ci-dessus) ne remettent pas en cause le caractère nécessaire des questions qui ont été posées, qui est la seule obligation imposée à la Commission par le règlement n° 1/2003 (voir point 120 ci-dessus).

132    En effet, la requérante reproche tout d’abord à la Commission d’avoir limité ses questions au problème des effets d’exclusion et, dans ce cadre, de ne pas avoir interrogé les producteurs sur l’accord De Beers-Alrosa.

133    La limitation des questions de la Commission aux effets d’exclusion s’explique par le fait que la procédure complémentaire a été ouverte en raison d’un élément intervenu après l’adoption de la décision de rejet, à savoir l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers par l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, qui n’avait de répercussions que sur l’analyse de la Commission portant sur les effets d’exclusion du SOC, et non sur les autres aspects du SOC analysés dans la décision de rejet. En effet, dès lors que la décision sur les engagements de De Beers régissait les achats de diamants bruts par De Beers à Alrosa, son annulation était susceptible de modifier l’appréciation de la Commission relative à la source d’approvisionnement de diamants bruts constituée par Alrosa, qui avait conduit la Commission à conclure à l’existence d’un faible risque d’effets d’exclusion.

134    Il ne saurait en particulier être reproché à la Commission de ne pas avoir fait porter ses demandes de renseignements sur les modifications alléguées du SOC relatives aux critères de sélection des « sightholders » et à leur contrôle dénoncées par la requérante dans une lettre du 23 janvier 2007. En effet, ces modifications devant prétendument entrer en vigueur après l’adoption de la décision de rejet ont été dénoncées avant l’adoption de cette décision, de sorte que la Commission les a prises en compte dans la décision de rejet en considérant qu’il n’y avait pas d’intérêt communautaire suffisant à enquêter sur l’annonce de modifications envisagées pour lesquelles une consultation était encore en cours. La requérante n’ayant fourni aucun élément nouveau à cet égard au cours de la procédure complémentaire, puisqu’elle s’est contentée dans ses observations sur la lettre complémentaire prévue par l’article 7 d’évoquer les modifications en cause, la Commission n’a pas manqué de soin et de sérieux en ne posant pas de questions relatives auxdites modifications.

135    Par ailleurs, il convient de relever que, même si l’enquête complémentaire ne portait pas spécifiquement sur la mise en œuvre de l’accord De Beers-Alrosa, plusieurs questions posées à De Beers et à Alrosa au cours de la procédure complémentaire visaient à informer la Commission de l’exécution de cet accord, laquelle redevenait d’actualité compte tenu de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers. Ainsi, par la question n° 6 de la demande de renseignements du 9 octobre 2007 envoyée à Alrosa et à De Beers, la Commission leur a demandé en substance d’indiquer, pour la première, les montants annuels des ventes de diamants bruts à De Beers entre 2005 et 2009 et, pour la seconde, les montants annuels des achats de diamants bruts à Alrosa au cours de la même période.

136    La requérante déplore ensuite que quatre questions n’aient pas été posées aux producteurs, questions relatives à leur production de diamants en distinguant par taille et par qualité, à leur intégration verticale, aux stocks de diamants bruts qu’ils détiendraient et à leurs ventes de diamants aux « sightholders ». Il y a lieu de relever d’emblée que, par la question n° 5 de la demande de renseignements du 9 octobre 2007 posée à l’ensemble des producteurs, la Commission leur a demandé de décrire leurs canaux de distribution en précisant le pourcentage de leur production attribué à chacun de ces canaux, de sorte qu’elle a été informée grâce à la réponse à cette question des éventuelles ventes de diamants bruts à des « sightholders » ainsi que de la valeur de ces ventes, de même qu’elle a été informée sans le demander explicitement des conséquences attribuées par la requérante à l’intégration verticale d’un producteur, à savoir l’absence de disponibilité de sa production pour les négociants spécialisés en diamants bruts et les fabricants indépendants « non-sightholders ». Quant aux autres questions alléguées par la requérante, portant sur les stocks ou sur la qualité et la taille des diamants vendus, il suffit de constater que la requérante ne présente aucun élément de nature à établir que la Commission aurait manqué à son obligation d’examiner la plainte avec soin et sérieux en ne les posant pas (voir également point 302 ci-après).

137    En cinquième lieu, quant aux réponses données aux demandes complémentaires de renseignements, il y a lieu de constater que la requérante évoque deux contradictions dans lesdites réponses, dont l’absence de prise en compte témoignerait d’une absence de soin et de sérieux de la Commission.

138    Ainsi, quant aux réponses données à la question n° 1, relative à l’évolution de la production mondiale de diamants bruts entre 2005 et 2007, certains producteurs ont certes évoqué une évolution positive alors que d’autres ont mis en évidence l’existence d’une baisse de la production. Toutefois, il y a lieu de constater, d’une part, qu’il était demandé aux producteurs de donner une estimation pour 2005 et 2006 et une projection pour 2007, qui étaient par définition approximatives et variables selon leurs sources, et, d’autre part, que cette question visait simplement à évaluer la nécessité de procéder à une enquête supplémentaire pour déterminer avec précision la valeur de la production mondiale de diamants bruts. Or, les divergences constatées étant limitées, les augmentations ou baisses alléguées ne dépassant pas 5 %, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir manqué de soin et de sérieux en ne poursuivant pas ses investigations sur ce point.

139    Quant au fait que De Beers a indiqué en réponse à la question n° 6 de la demande de renseignements du 9 octobre 2007 qu’elle ne vendait pas ses diamants bruts à d’autres producteurs alors que LLD Diamonds a déclaré en réponse à la même question qu’elle achetait des diamants bruts à De Beers, la Commission a pu constater, en prenant connaissance de la version confidentielle de la réponse donnée par LLD Diamonds, que le montant des achats à De Beers n’était pas très important. Il n’était dès lors pas davantage nécessaire que la Commission poursuive ses investigations et elle n’a pas ce faisant manqué à son obligation de mener son enquête avec soin et sérieux.

140    Cette première branche du deuxième moyen doit par conséquent être rejetée dans son intégralité.

 Sur la violation de l’obligation de prendre en considération les éléments de droit et de fait pertinents

141    À titre subsidiaire, la requérante invoque plusieurs lacunes dans l’examen de sa plainte par la Commission.

 Sur l’absence d’appréciation globale de la plainte (affaire T-108/07)

142    La requérante avance que la Commission n’a pas examiné sa plainte de manière globale, en n’ayant pas tenu compte d’autres plaintes similaires déposées contre le SOC, ni de sa plainte contre l’accord De Beers-Alrosa (voir points 11 et 77 ci-dessus), et en ayant analysé les pratiques anticoncurrentielles alléguées indépendamment les unes des autres alors qu’il convenait de les analyser globalement.

143    Selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d’apprécier l’intérêt communautaire à instruire une plainte, la Commission ne doit pas examiner celle-ci isolément, mais dans le contexte de la situation du marché concerné en général. L’existence de nombreuses plaintes reprochant des comportements similaires aux mêmes opérateurs économiques fait partie des éléments dont la Commission doit tenir compte lors de son appréciation de l’intérêt communautaire (arrêt du Tribunal du 14 février 2001, Sodima/Commission, T‑62/99, Rec. p. II‑655, point 55).

144    De même, lorsque la Commission apprécie la probabilité d’établir l’existence d’une infraction et l’étendue des mesures d’instruction nécessaires à cette fin, elle doit tenir compte de tous les éléments de preuve en sa possession et ne peut se borner à évaluer séparément les indices présentés par chaque plaignant pour conclure que chacune des plaintes, prise isolément, n’est pas fondée sur des éléments de preuve suffisants (arrêt Sodima/Commission, point 143 supra, point 56).

145    Cependant, la Commission n’est pas tenue de « joindre » les procédures d’examen de différentes plaintes visant le comportement de la même entreprise, la conduite d’une instruction relevant du pouvoir d’appréciation de l’institution. Notamment, l’existence de nombreuses plaintes d’opérateurs appartenant à des catégories différentes ne saurait s’opposer au rejet de celles parmi les plaintes qui apparaissent, sur la base des indices dont dispose la Commission, comme dépourvues de fondement ou d’intérêt communautaire. Par conséquent, le fait d’avoir traité séparément les différentes plaintes ne saurait être considéré, en tant que tel, comme irrégulier (voir arrêt Sodima/Commission, point 143 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

146    Ainsi, en premier lieu, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir procédé à un regroupement thématique par type de problématique au regard du droit de la concurrence, en distinguant notamment la question des effets d’exclusion et celle de la collecte et de l’utilisation abusives de renseignements. En effet, cette approche analytique ne signifie nullement que la Commission a examiné la plainte de manière isolée ou qu’elle n’a pas tenu compte du contexte de la situation du marché concerné en général. La requérante interprète erronément la jurisprudence susvisée, lorsqu’elle y voit l’interdiction pour la Commission de procéder à un examen distinct des éléments avancés par la plaignante. La Commission doit tenir compte des interactions entre ces divers éléments et d’un éventuel effet cumulatif des restrictions de concurrence alléguées, mais il ne lui est pas interdit de procéder à un examen structuré de la plainte, en distinguant les différentes restrictions alléguées selon leur nature. Il en est d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, la Commission établit des liens explicites entre ces restrictions en opérant des renvois entre les subdivisions de la décision de rejet qui y sont consacrées.

147    En second lieu, le traitement séparé des plaintes reçues par la Commission au sujet du SOC – au minimum au nombre de trois, celle de la requérante et celle de la partie requérante dans l’affaire connexe T‑104/07, la BVGD, ainsi que celle de Kluger Zalc Diamonds NV – et de l’accord De Beers-Alrosa ne saurait être considéré, en tant que tel, comme irrégulier, la Commission n’étant pas tenue, ainsi qu’il résulte de l’arrêt Sodima/Commission, point 143 supra, de joindre les procédures d’examen de différentes plaintes visant le comportement de la même entreprise.

148    En revanche, constituerait une irrégularité l’absence de prise en compte par la Commission de l’existence d’autres plaintes lors de son appréciation de l’intérêt communautaire. Constituerait également une irrégularité le fait de ne pas avoir tenu compte d’éléments de preuve en sa possession, présentés dans une autre plainte, qui, combinés aux éléments de preuves apportés par la requérante dans sa plainte, seraient suffisants pour établir l’existence d’un intérêt communautaire à poursuivre l’instruction desdites plaintes.

149    En l’espèce, la Commission a mentionné sans autre précision, dans la décision de rejet, l’existence d’autres plaintes introduites contre le SOC après la lettre de classement de 2003 et n’a fait aucune mention de la plainte contre l’accord De Beers-Alrosa. Toutefois, si la mention des autres plaignants peut constituer un indice démontrant que l’existence de ces autres plaintes a été prise en compte, elle n’est pas déterminante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 février 2001, Trabisco/Commission, T‑26/99, Rec. p. II‑633, point 38). En effet, la Commission doit seulement ne pas évaluer séparément les indices présentés par chaque plaignant et tenir compte de l’existence d’autres plaintes lors de son appréciation de l’intérêt communautaire. Or, en l’espèce, plusieurs éléments tendent à démontrer l’absence de cloisonnement opéré par la Commission. D’une part, pour rejeter les différentes allégations de la requérante, la Commission se fonde à chaque fois dans sa décision sur des considérations d’ordre général, relatives par exemple aux effets d’exclusion sur le marché en général et à la mise en œuvre du mandat du médiateur à l’égard des « sightholders » ou des candidats « sightholders » en général, et non sur des considérations limitées à l’examen de la situation individuelle de la requérante. D’autre part, il doit être relevé que les principaux courriers envoyés par la Commission à la suite des différentes plaintes l’ont été aux mêmes dates et, en particulier, que la décision de rejet attaquée dans l’affaire T-108/07 a été adoptée le même jour que la décision de rejet attaquée dans l’affaire T-104/07 et que la décision de rejet de la plainte de la requérante contre l’accord De Beers-Alrosa (voir point 20 ci-dessus), ce qui permet de supposer que les plaintes correspondantes ont fait l’objet d’un examen parallèle et global.

150    Ce premier grief doit par conséquent être rejeté.

 Sur l’absence d’analyse de certains éléments constitutifs d’une infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE (affaires T-108/07 et T-354/08)

151    La requérante reproche en substance à la Commission d’avoir rejeté sa plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant en vérifiant pour l’essentiel l’existence d’effets d’exclusion, sans avoir au préalable défini le marché pertinent, ni analysé le pouvoir de marché de De Beers, sans avoir examiné l’objet anticoncurrentiel du SOC, ni même vérifié si le système de distribution sélective instauré par le SOC était licite.

152    Selon la Commission, certains des arguments soulevés par la requérante dans l’affaire T-108/07 visent à obtenir la réouverture de la procédure administrative ayant donné lieu à la lettre administrative de classement de 2003 et doivent, pour cette raison, être écartés.

153    En vertu de la jurisprudence, relative à l’obligation de la Commission d’examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, l’envoi d’une lettre administrative de classement réservant la possibilité d’une réouverture de la procédure ne saurait avoir pour conséquence que la Commission ne serait plus autorisée à prendre en compte un élément nouveau ou un élément existant avant la délivrance de la lettre administrative, mais qui n’avait été porté à la connaissance de la Commission que plus tard, notamment dans le cadre d’une plainte déposée ultérieurement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er octobre 1998, Langnese-Iglo/Commission, C‑279/95 P, Rec. p. I‑5609, point 30, et arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission, T‑7/93, Rec. p. II‑1533, points 37 à 41).

154    Il en résulte, en l’espèce, que la Commission ne pouvait se fonder sur la lettre administrative de classement pour refuser d’examiner les allégations de la requérante exposées dans sa plainte portant sur des éléments nouveaux ou nouvellement portés à sa connaissance au sens de la jurisprudence précitée. Il en résulte également que ne sauraient être rejetés comme irrecevables les arguments avancés au soutien du présent grief et visant précisément à contester l’absence d’analyse de ces éléments avancés dans la plainte de la requérante.

155    Il y a également lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de prendre une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée dans la plainte (voir point 96 ci-dessus). Ainsi, une décision de rejet de la plainte ne statue pas définitivement sur l’existence ou l’inexistence d’une infraction aux dispositions des articles 81 CE et 82 CE, même lorsque la Commission a apprécié les faits au regard de ces articles (arrêt du Tribunal du 23 novembre 2011, Jones e.a./Commission, T‑320/07, non publié au Recueil, points 112 à 114 ; voir également paragraphe 79 de la communication relative au traitement des plaintes). Il en résulte que l’obligation de la Commission de prendre en considération les éléments de fait et de droit pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte (voir point 98 ci-dessus) porte, s’agissant d’une plainte rejetée pour défaut d’intérêt communautaire suffisant, non sur les éléments constitutifs d’une infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE, mais sur les éléments pertinents au regard du critère retenu pour conclure à un tel défaut d’intérêt communautaire suffisant.

156    En l’espèce, la Commission a rejeté la plainte de la requérante pour défaut d’intérêt communautaire suffisant, en appliquant les critères habituellement retenus pour évaluer cet intérêt communautaire, à savoir l’importance de l’infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires (voir arrêt CEAHR/Commission, point 97 supra, point 158, et la jurisprudence citée ; voir également paragraphe 44, troisième tiret, de la communication relative au traitement des plaintes). Il ressort par ailleurs de la jurisprudence que la Commission peut également considérer qu’il n’y a plus d’intérêt communautaire suffisant lorsque les entreprises concernées acceptent de modifier leur comportement dans un sens favorable à l’intérêt général (arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, points 48 et 49 ; voir également paragraphe 44, sixième tiret, de la communication relative au traitement des plaintes). Dans les décisions attaquées, la Commission s’est ainsi fondée en substance, s’agissant de l’allégation d’effets d’exclusion du SOC, sur le faible risque d’établir des effets anticoncurrentiels appréciables, s’agissant des critiques relatives à la sélection des « sightholders » et au rôle du médiateur, sur les modifications relatives au médiateur introduites dans le SOC par De Beers et, enfin, s’agissant des autres allégations d’illégalité du SOC, sur la faible probabilité d’établir l’existence d’infractions (voir points 22 à 24 ci-dessus et 37 à 39 ci-dessus).

157    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient dès lors d’examiner les arguments de la requérante critiquant l’absence d’analyse et de prise en compte de plusieurs éléments de fait et de droit prétendument pertinents pour établir l’existence d’une infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE.

–       Sur le marché pertinent et la position dominante de De Beers sur ce marché

158    La requérante reproche à la Commission, en premier lieu, de ne pas avoir défini le marché pertinent aux fins de son instruction.

159    La Commission affirme avoir toujours estimé qu’il existait un marché mondial unique des diamants bruts et que c’est sur ce marché qu’elle avait apprécié la plainte de la requérante. À cet égard, il ressort de l’ensemble des actes adoptés par la Commission au cours des procédures initiale et complémentaire, et ce dès la lettre d’orientation du 29 mars 2006 (voir point 16 ci-dessus), que celle-ci s’est référée au marché mondial des diamants bruts. La Commission n’a certes pas consacré une partie spécifique de chacun des actes susvisés à la définition du marché pertinent. Toutefois, il ressort clairement de l’analyse effectuée dans chacun d’eux que le marché pertinent était le marché mondial des diamants bruts destinés à la joaillerie, lequel avait au demeurant déjà été défini dans la communication de 2002 (paragraphes 6 à 8) qui a donné lieu à la lettre de classement de 2003. Ainsi, dans la lettre d’orientation susvisée, la Commission a évoqué les effets d’exclusion sur le marché de la fourniture de diamants bruts. De même, dans les lettres prévues par l’article 7 comme dans les décisions attaquées, la Commission a procédé à une analyse du marché mondial des diamants bruts en examinant la disponibilité des diamants bruts sur ce marché. La lettre complémentaire prévue par l’article 7 et la décision complémentaire de rejet mentionnent d’ailleurs expressément le « marché mondial de la fourniture de diamants bruts ».

160    Il y a lieu d’ajouter que, en affirmant dans la réplique qu’elle n’a jamais contesté le fait qu’il existait un marché unique pour les diamants bruts, la requérante confirme l’absence de nécessité d’une définition et d’une analyse plus précises.

161    La requérante reproche à la Commission, en deuxième lieu, d’avoir rejeté sa plainte sans avoir vérifié au préalable si De Beers détenait une position dominante sur le marché pertinent. La Commission aurait en effet refusé de procéder à une telle analyse en se fondant à tort sur ses conclusions provisoires relatives aux allégations d’abus, ce qui révélerait une confusion entre les notions de position dominante et d’exploitation abusive au sens de l’article 82 CE. La requérante affirme avoir pourtant fourni au cours de la procédure administrative toute une série d’éléments démontrant l’existence d’une position dominante de De Beers tant sur le marché mondial des diamants bruts que sur celui des diamants de qualité supérieure.

162    Il y a lieu de relever que la Commission a considéré tant dans sa décision 2003/79/CE, du 25 juillet 2001, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et avec l’accord EEE (Affaire COMP/M.2333 – De Beers/LVMH) (JO 2003, L 29, p. 40, ci-après la « décision De Beers/LVMH »), dans la communication de 2002 (paragraphes 9 à 14 et 30), que dans la décision sur les engagements de De Beers, que De Beers détenait une position dominante, à tout le moins sur le marché de la fourniture des diamants bruts. Cependant, elle n’a fait état d’allégations ou de considérations relatives à la position dominante de De Beers dans aucun des actes des procédures initiale et complémentaire, sauf lors de ses reprises de l’argumentation de la requérante et dans l’un des passages de la décision de rejet consacré aux autres arguments relatifs à l’illégalité du SOC qui se lit comme suit :

« [L]a Commission considère que ses conclusions provisoires relatives à vos allégations d’abus de position dominante ne nécessitent pas de poursuivre les investigations relatives à la position dominante de De Beers pendant la période litigieuse. En réponse à votre allégation fondée sur la constatation de la Commission notamment dans la décision sur les engagements de De Beers selon laquelle De Beers détient une position dominante, la Commission souhaite rappeler que son appréciation de la position dominante de De Beers sur le marché mondial de la fourniture de diamants bruts, telle que synthétisée dans la décision sur les engagements de De Beers, constitue une appréciation provisoire et non définitive. »

163    La requérante en déduit donc à juste titre que la Commission n’a pas examiné la position dominante de De Beers dans le cadre des procédures en cause dans les présentes affaires. Cette absence d’examen ne peut toutefois être reprochée à la Commission en l’espèce.

164    En effet, aucun des motifs retenus au soutien du rejet de la plainte de la requérante pour défaut d’intérêt communautaire suffisant ne justifiait l’examen de la position dominante de De Beers.

165    S’agissant des allégations d’effets d’exclusion du SOC, la Commission a estimé qu’elles ne justifiaient pas la poursuite des investigations dès lors que le risque d’effets d’exclusion était faible sur le marché. Elle a, ce faisant, pris en compte la gravité « concrète » de l’infraction alléguée, au sens de son impact sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Ufex e.a./Commission, T‑60/05, Rec. p. II‑3397, point 142) et s’est ainsi fondée sur le critère du dysfonctionnement important du marché, qui implique la vérification de la gravité des atteintes alléguées à la concurrence et la persistance de leurs effets, et en particulier leur durée, leur importance et leur incidence sur la situation de concurrence sur le marché (voir arrêt AEPI/Commission, point 97 supra, points 52 et 53, et la jurisprudence citée). Il en résulte que la Commission pouvait considérer, indépendamment de la position dominante de De Beers et sans qu’il soit besoin de constater l’existence et de déterminer l’étendue de cette position dominante, que les effets des comportements anticoncurrentiels allégués n’auraient pas atteint une ampleur telle qu’elle justifierait la poursuite des investigations.

166    S’agissant des critiques relatives à la sélection des « sightholders », la Commission a considéré que les modifications apportées au mandat du médiateur répondaient à ces critiques. Elle s’est ainsi fondée sur le fait que De Beers avait accepté de modifier son comportement, en révisant le mandat du médiateur, de telle sorte qu’il n’existait plus d’intérêt communautaire suffisant. Une telle considération est elle aussi indépendante de la position dominante de De Beers et ne nécessite pas son examen préalable.

167    S’agissant des autres allégations d’illégalité du SOC, la Commission a conclu que la plupart d’entre elles ne présentaient pas un intérêt communautaire suffisant, au motif que la probabilité d’établir une infraction était faible. En particulier, elle s’est fondée sur la faible probabilité d’établir l’existence des abus allégués (voir l’extrait de la décision de rejet repris au point 161 ci-dessus). Par conséquent, eu égard à l’interdiction par l’article 82 CE des seuls abus commis par une entreprise en position dominante, la Commission n’était pas tenue d’étendre son enquête à la position dominante de De Beers (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2012, Protégé International/Commission, T‑119/09, non publié au Recueil, point 95). Il en résulte également que la Commission n’a pas confondu les notions de position dominante et d’abus, mais qu’elle a seulement tenu compte du caractère cumulatif de ces deux éléments aux fins de constater une infraction à l’article 82 CE.

168    Ces considérations ne sont pas remises en cause par la jurisprudence citée par la requérante selon laquelle il résulte de la nature des obligations imposées par l’article 82 CE que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent être privées du droit d’adopter des comportements, ou d’accomplir des actes, qui ne sont pas en eux-mêmes abusifs et qui seraient même non condamnables s’ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes (voir arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, Rec. p. II‑2937, point 139, et la jurisprudence citée). En effet, les abus allégués en l’espèce par la requérante sont par nature abusifs, puisqu’il s’agit de ceux mentionnés à l’article 82, sous b) à d), CE, ainsi que le précise la requérante elle-même dans sa plainte en dénonçant le refus de fournir des diamants bruts qui serait contraire à l’article 82, sous b) et c), CE, la limitation des débouchés interdite par l’article 82, sous b), CE, les prix discriminatoires prohibés par l’article 82, sous c), CE et l’imposition de prestations supplémentaires contraire à l’article 82, sous d), CE.

169    Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir davantage spécifié en l’espèce le marché pertinent, ni analysé la position dominante de De Beers sur ce marché.

–       Sur l’objet anticoncurrentiel du SOC (affaire T-108/07)

170    La requérante fait valoir que la Commission a occulté l’objet clairement anticoncurrentiel du SOC en examinant seulement ses effets anticoncurrentiels, alors qu’il lui appartenait de vérifier l’existence de tels effets uniquement en l’absence d’objet anticoncurrentiel.

171    Il ne saurait en l’espèce être reproché à la Commission de ne pas avoir examiné les allégations d’objet anticoncurrentiel du SOC figurant dans la plainte de la requérante. En effet, dans les passages de sa plainte auxquels la requérante renvoie comme contenant ces allégations, celle-ci se contente d’affirmations générales relatives à la volonté de De Beers de renforcer son contrôle et d’augmenter le prix des diamants, éléments qui figuraient déjà, ainsi que la requérante l’indique, dans la décision De Beers/LVMH datant de 2001. Il en résulte que les arguments relatifs à l’objet anticoncurrentiel du SOC exposés par la requérante dans sa plainte ne sauraient être considérés comme des éléments nouveaux ou nouvellement portés à la connaissance de la Commission au sens de la jurisprudence citée au point 153 ci-dessus, c’est-à-dire d’éléments postérieurs à la lettre de classement de 2003 ou communiqués à la Commission postérieurement à cette lettre. Par conséquent, la Commission a pu à juste titre ne pas examiner les allégations en cause au motif qu’elles ne présentaient pas d’éléments nouveaux par rapport aux données dont elle disposait dans l’affaire COMP/E-3/38.139 ayant donné lieu à la lettre de classement de 2003.

172    Le présent grief doit donc également être rejeté.

–       Sur la licéité du système de distribution sélective instauré par le SOC (affaires T-108/07 et T-354/08)

173    La requérante souligne que, au regard des cinq conditions posées par la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Leclerc/Commission, T‑19/92, Rec. p. II‑1851) et les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales (JO 2000, C 291, p. 1), il est manifeste que le SOC, qui est un système de distribution sélective de matériau brut instauré par une entreprise dominante sur la base de critères discriminatoires, subjectifs et aussi nombreux, soulève de gros problèmes de concurrence et viole incontestablement les articles 81 CE et 82 CE. Elle reproche dès lors à la Commission de ne pas avoir examiné la licéité d’un tel système de distribution au regard de la réglementation applicable et, en particulier, de ne pas avoir analysé et pris en considération la nature du produit en cause en l’espèce, le caractère subjectif et discriminatoire des critères de sélection du SOC et les questions des profils de « sightholder » qui permettent de les mettre en œuvre, ainsi que les effets du SOC sur la concurrence intramarque et intermarques, notamment en vérifiant la position dominante de De Beers.

174    L’article 1er, sous d), du règlement (CE) n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, [CE] à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 336, p. 21), se lit comme suit :

« Pour l’application du présent règlement :

[…]

un ‘système de distribution sélective’ est un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés […] »

175    La Commission ayant estimé sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le SOC n’empêchait pas la revente des diamants bruts reçus de De Beers par les « sightholders » à des « non-sightholders » (voir point 261 ci-après), l’un des critères de la définition d’un système de distribution sélective n’était pas satisfait. Il ne saurait dès lors être reproché à la Commission de ne pas avoir examiné si le SOC remplissait les conditions de licéité des systèmes de distribution sélective prévus par le règlement n° 2790/1999 et la jurisprudence alléguée.

176    Le présent grief doit par conséquent également être rejeté.

 Sur l’absence de prise en compte de la persistance des effets des pratiques anticoncurrentielles alléguées (affaire T-108/07)

177    La requérante reproche en substance à la Commission de ne pas avoir pris en compte la persistance des effets des pratiques anticoncurrentielles en cause sur le marché. Elle mentionne en particulier le fait que la décision sur les engagements de De Beers permet la vente d’une grande part de la production d’Alrosa à De Beers jusqu’en 2009 ainsi que l’impact de l’entreprise commune récemment créée dans le cadre d’un accord signé le 6 septembre 2006 par Alrosa et De Beers, et dont l’existence avait pourtant été signalée à la Commission.

178    Selon une jurisprudence constante, la Commission ne peut se fonder sur le seul fait que de prétendues pratiques contraires au traité ont cessé pour décider de classer sans suite pour défaut d’intérêt communautaire suffisant une plainte dénonçant ces pratiques, sans avoir vérifié que des effets anticoncurrentiels ne persistaient pas et que, le cas échéant, la gravité des atteintes alléguées à la concurrence ou la persistance de leurs effets n’étaient pas de nature à conférer à cette plainte un intérêt communautaire (arrêt du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, point 96 supra, point 95 ; voir également paragraphe 44, cinquième tiret, de la communication relative au traitement des plaintes). Toutefois, cette jurisprudence s’applique seulement dans le cas où la Commission se fonde, pour adopter sa décision, sur la cessation des pratiques prétendument anticoncurrentielles (arrêt du 12 septembre 2007, Ufex e.a./Commission, point 165 supra, point 74).

179    La Commission ne s’étant pas fondée en l’espèce sur la cessation des pratiques prétendument dénoncées dans la plainte pour rejeter l’allégation d’effets d’exclusion du SOC, mais sur le faible risque de constater des effets anticoncurrentiels appréciables (voir point 22 ci-dessus), il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir pris en considération la prétendue persistance des effets desdites pratiques.

180    À supposer que, par ce grief, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte certains éléments qui démontreraient que des effets anticoncurrentiels se produiraient après l’adoption de la décision de rejet, il ne saurait davantage être admis.

181    S’agissant, en premier lieu, de la quantité de diamants vendus par Alrosa à De Beers depuis l’adoption de la décision sur les engagements de De Beers jusqu’en 2009, il y a lieu de constater que cette donnée a été prise en compte par la Commission. En effet, la Commission a indiqué dans la décision de rejet que, au cours de la période transitoire, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 2008, les diamants vendus par Alrosa à De Beers seraient limités aux montants indiqués dans la décision sur les engagements de De Beers, en précisant que les engagements initialement proposés avaient été amendés en vue de réduire la durée de ladite période ainsi que les montants annuels prévus. Si la requérante conteste le faible risque d’effets d’exclusion déduit de ces montants achetés, elle remet en cause l’appréciation au fond des effets d’exclusion du SOC, qui sera abordée ci-après dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

182    S’agissant, en second lieu, de l’accord du 6 septembre 2006 entre De Beers et Alrosa susvisé, il convient de relever qu’il porte sur des activités conjointes futures de prospection de diamants et non sur les achats des diamants qui seraient issus de cette prospection. Quand bien même, ainsi que le prétend la requérante, cette prospection entraînerait une augmentation de la quantité de diamants bruts contrôlés par De Beers, la Commission ne pouvait, en l’absence de données certaines et précises à cet égard au moment de l’adoption de la décision de rejet, prendre en compte dans son analyse les diamants issus de mines non encore découvertes. La Commission a ainsi indiqué à juste titre dans la décision de rejet qu’elle pourrait engager une procédure si elle recevait des éléments indiquant qu’une entreprise commune entre De Beers et Alrosa était utilisée pour contourner la décision sur les engagements de De Beers.

183    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

3.     Sur le moyen tiré de l’appréciation erronée de l’intérêt communautaire (affaires T-108/07 et T-354/08)

184    Selon une jurisprudence constante, l’évaluation de l’intérêt communautaire présenté par une plainte en matière de concurrence dépend des circonstances factuelles et juridiques de chaque espèce, qui peuvent différer considérablement d’une affaire à l’autre, et non de critères prédéterminés qui seraient d’application obligatoire (voir arrêt du Tribunal du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T‑193/02, Rec. p. II‑209, point 80, et la jurisprudence citée ; voir également paragraphe 43 de la communication relative au traitement des plaintes). Il appartient à la Commission de mettre en balance notamment l’importance de l’infraction alléguée sur le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 81 CE et 82 CE (voir la jurisprudence citée au point 156 ci-dessus).

185    Le contrôle du juge de l’Union sur l’exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit, ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt CEAHR/Commission, point 97 supra, point 65, et la jurisprudence citée). De même, il est de jurisprudence constante en matière de rejet de plainte que les appréciations effectuées par la Commission portant sur des allégations d’infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE impliquent des appréciations économiques complexes, et ce d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, la Commission procède à des analyses prospectives, dont le contrôle par le juge de l’Union se limite notamment à la vérification de l’exactitude matérielle des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt Haladjian Frères/Commission, point 114 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

186    Toutefois, cette limitation du contrôle du juge de l’Union n’implique pas qu’il doit s’abstenir de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, et de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 89, et la jurisprudence citée).

187    Par ce troisième moyen avancé à titre subsidiaire, la requérante conteste l’ensemble des appréciations de la Commission l’ayant conduite à rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant. Elle critique ainsi, à titre liminaire, l’appréciation par la Commission des critères intervenant dans l’évaluation de l’intérêt communautaire d’une affaire (affaires T-108/07 et T-354/08). Elle conteste ensuite en substance comme étant fondées sur des faits inexacts ou entachées d’erreurs manifestes les appréciations de la Commission relatives à chacune des principales allégations figurant dans sa plainte portant respectivement sur les effets d’exclusion du SOC (affaires T-108/07 et T-354/08), sur le rôle du médiateur et sur l’augmentation des prix des diamants bruts (affaire T-108/07).

 Appréciation des critères d’évaluation de l’intérêt communautaire (affaires T-108/07 et T-354/08)

188    La requérante fait valoir en substance que la Commission a erronément interprété et appliqué chacun des critères qu’elle a mentionnés dans les décisions attaquées pour conclure au défaut d’intérêt communautaire suffisant, à savoir l’importance des infractions alléguées pour le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir leur existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires.

189    Ainsi, la requérante reproche à la Commission, en premier lieu, de ne pas avoir tenu compte de la portée des infractions alléguées sur le fonctionnement du marché commun. La requérante souligne notamment à cet égard qu’elle n’est pas la seule société affectée et que le SOC aurait une portée européenne, voire mondiale, ce qui aurait dû conduire la Commission à reconnaître l’existence d’un intérêt communautaire à instruire la plainte.

190    Il suffit, pour rejeter cet argument, de rappeler la jurisprudence selon laquelle, même si les infractions alléguées dans la plainte concernaient le territoire de plusieurs États membres, voire le territoire de l’Union européenne dans son ensemble, cette circonstance ne saurait être suffisante en soi pour conclure que ladite plainte revêtait un intérêt communautaire suffisant. S’il en allait autrement, la Commission serait tenue de donner suite à toute plainte concernant une prétendue infraction qui couvrirait plusieurs ou l’ensemble des États membres, et ce indépendamment de l’appréciation des autres critères d’évaluation de l’intérêt communautaire et notamment de la probabilité d’établir l’existence de ladite infraction (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Ufex e.a./Commission, point 165 supra, point 158, et Protégé International/Commission, point 167 supra, point 77). Il en résulte que la portée européenne, voire mondiale, du SOC ne suffit pas à elle seule à conférer un intérêt communautaire à la plainte dirigée contre lui.

191    La requérante reproche à la Commission, en deuxième lieu, de ne pas avoir correctement évalué la probabilité d’établir l’existence d’une infraction. La requérante conteste à cet égard le fait que la Commission se soit fondée sur la présence de contradictions entre les informations recueillies au cours de son enquête pour justifier l’arrêt de l’instruction de la plainte. Elle relève également la contradiction entre, d’une part, la position de la Commission relative à ce critère de la probabilité d’établir l’existence d’une infraction et, d’autre part, les inquiétudes relatives au SOC exprimées dans la décision De Beers /LVMH, la poursuite de l’enquête relative à l’accord De Beers-Alrosa, les motifs de réouverture de la procédure mentionnés dans la lettre de classement ainsi que les modifications exigées du mandat du médiateur postérieurement à ladite lettre.

192    Il y a lieu d’écarter tout d’abord toute contradiction entre l’appréciation de la probabilité d’établir l’existence d’une infraction opérée par la Commission dans les présentes affaires, d’une part, et ses appréciations dans la décision De Beers/LVMH, dans la décision sur les engagements de De Beers faisant suite à l’accord De Beers-Alrosa, dans la lettre de classement ainsi que son appréciation relative aux modifications du mandat du médiateur, d’autre part.

193    Quant à la décision De Beers /LVMH, il suffit de relever que les considérations relatives au SOC qui y figurent portent sur le SOC avant qu’il n’ait été modifié à la suite de la communication des griefs du 25 juillet 2001 (voir point 4 ci-dessus).

194    Quant au problème de concurrence posé par l’accord De Beers-Alrosa, il doit être relevé que la décision sur les engagements de De Beers visait précisément à le résoudre et qu’elle a été prise en compte dans la décision de rejet, de sorte qu’il n’y a pas de contradiction entre la constatation de problèmes concurrentiels posés par l’accord De Beers-Alrosa et l’absence d’un tel constat pour le SOC. Quant à l’allégation d’une contradiction entre le constat de problèmes de concurrence posés par l’accord De Beers-Alrosa non résolus du fait de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers et l’absence d’un tel constat pour le SOC dans la décision complémentaire de rejet, il suffit de constater qu’elle est devenue inopérante depuis l’arrêt Alrosa de la Cour, point 45 supra. En effet, depuis cet arrêt, la décision sur les engagements de De Beers doit être considérée comme étant définitive, de sorte que les considérations de la décision complémentaire de rejet consacrées à la seule prise en compte de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers ne peuvent plus lui servir valablement de fondement. Ainsi, quand bien même l’analyse menée dans la décision complémentaire de rejet serait en contradiction avec celle des problèmes de concurrence posés par l’accord De Beers-Alrosa, une telle contradiction ne pourrait conduire à l’annulation des considérations concernées de la décision complémentaire de rejet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2013, BVGD/Commission, T‑104/07 et T‑339/08, non publié au Recueil, point 232).

195    Quant à la lettre de classement, la Commission y avait effectivement indiqué qu’il était important que le SOC n’aboutisse pas à des effets d’exclusion du marché (voir point 9 ci-dessus). Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission devait nécessairement conclure, lors de la réouverture de la procédure relative au SOC en raison des prétendus effets d’exclusion qu’il engendrerait, à l’existence de tels effets dans la décision clôturant cette procédure.

196    Quant aux modifications apportées au mandat du médiateur après l’envoi de la lettre de classement, il y a lieu de constater que la Commission a effectivement indiqué avoir cherché à obtenir et avoir obtenu de De Beers des concessions améliorant la fonction du médiateur. Toutefois, ces modifications sont antérieures à l’adoption de la décision de rejet et ont été prises en compte dans ladite décision, traduisant une évolution permettant de conforter la position de la Commission plutôt qu’une contradiction dans ses positions. En outre, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission peut décider qu’il n’est pas opportun de donner suite à une plainte si les entreprises concernées acceptent de modifier leur comportement de telle sorte qu’il n’y ait plus un intérêt communautaire suffisant pour intervenir (voir la jurisprudence citée au point 156 ci-dessus). Or, c’est précisément ce critère d’appréciation de l’intérêt communautaire qui a été retenu par la Commission pour considérer que les allégations de la requérante concernées par l’institution du médiateur ne présentaient pas un intérêt communautaire suffisant (voir point 156 ci-dessus).

197    Il y a lieu d’indiquer ensuite que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas déduit la faible probabilité d’établir l’existence d’une infraction de l’existence de contradictions entre les informations recueillies au cours de son enquête, mais du fait que ces informations ne permettaient pas d’établir les rapports de causalité nécessaires pour mettre en évidence une infraction.

198    À cet égard, la requérante reproche à la Commission, en troisième lieu, de s’être fondée notamment, pour rejeter sa plainte, sur l’ampleur des mesures d’instruction nécessaires, alors qu’elle lui aurait fourni de nombreux documents et informations, qui n’auraient pas été contestés, et que celle-ci disposerait déjà d’une grande quantité de preuves provenant de ses autres enquêtes ayant donné lieu à la décision De Beers /LVMH et à la décision sur les engagements de De Beers.

199    Il y a lieu de rappeler tout d’abord que le critère de l’ampleur des mesures d’investigation nécessaires n’est pas retenu à titre principal dans les décisions attaquées, mais seulement à titre accessoire. La Commission a ainsi indiqué à plusieurs reprises dans ces décisions que les infractions alléguées n’étaient pas suffisamment importantes ou que la probabilité d’établir une infraction n’était pas suffisante pour justifier des mesures d’enquête complexes, ce que conteste en l’espèce la requérante.

200    Il convient de rappeler ensuite la jurisprudence selon laquelle la Commission peut prendre une décision de classement d’une plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant, non seulement avant d’avoir entamé une instruction de l’affaire, mais également après avoir pris des mesures d’instruction, si elle est amenée à cette constatation à ce stade de la procédure (arrêt du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, point 156 supra, point 37, et arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, BEMIM/Commission, T‑114/92, Rec. p. II‑147, point 81 ; voir également paragraphe 45 de la communication relative au traitement des plaintes).

201    Il en résulte que le grand nombre de preuves alléguées par la requérante et les mesures d’instruction déjà prises par la Commission ne sauraient empêcher cette dernière de conclure au défaut d’intérêt communautaire suffisant en raison de la faible probabilité de conclure à l’existence des infractions alléguées par la requérante ou de leur faible importance (voir point 156 ci-dessus). Il en résulte également que, compte tenu des mesures d’instruction déjà prises, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, estimer que des mesures d’instruction plus complexes et plus intrusives, telles que des inspections de locaux prévues par l’article 20 du règlement n° 1/2003, seraient nécessaires.

202    Compte tenu de tout ce qui précède, l’ensemble des arguments dirigés contre l’appréciation des critères d’évaluation de l’intérêt communautaire doivent être rejetés.

 Appréciation des effets d’exclusion (affaires T-108/07 et T-354/08)

203    Dans la décision de rejet, la Commission s’est fondée principalement sur trois éléments pour conclure à l’existence d’un faible risque d’effet anticoncurrentiel appréciable du SOC résultant de la prétendue exclusion des acteurs du marché secondaire d’un accès aux diamants bruts, à savoir les diamants bruts disponibles d’Alrosa, les diamants bruts revendus par les « sightholders » et l’offre de Diamdel. Dans l’affaire T-108/07, la requérante conteste les appréciations relatives à ces trois éléments et celle portant sur l’offre des producteurs autres que De Beers et Alrosa (ci-après les « autres producteurs ») ainsi que la conclusion qui en a été tirée par la Commission.

204    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission est parvenue à la même conclusion en se fondant, d’une part, sur ces trois mêmes éléments, tout en prenant en compte l’impact de l’arrêt Alrosa du Tribunal, point 26 supra, et, d’autre part, sur les diamants bruts provenant d’autres producteurs ainsi que sur l’évolution du marché depuis l’adoption de la décision de rejet. Dans l’affaire T-354/08, la requérante conteste l’ensemble de ces considérations ainsi que la conclusion qui en a été tirée par la Commission.

 Sur l’offre d’Alrosa (affaires T-108/07 et T-354/08)

205    Dans la décision de rejet, la Commission a confirmé son appréciation provisoire selon laquelle les diamants produits et vendus par Alrosa limitaient tout effet possible d’exclusion sur le marché secondaire, aux motifs que, d’une part, les engagements de De Beers mettraient un terme aux achats de De Beers à Alrosa à partir de la fin de 2008 et, d’autre part, des diamants bruts d’Alrosa avaient progressivement été vendus en dehors des canaux de De Beers depuis 2003. Pour ce faire, elle a rejeté l’ensemble des critiques de la requérante dirigées contre cette appréciation. Selon la Commission, à l’issue de la période transitoire (2006-2008), les exportations d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers pourraient dépasser 10 % de la production globale actuelle de diamants bruts.

206    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a estimé que, malgré l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers par le Tribunal, sa nouvelle appréciation de la source d’approvisionnement en diamants constituée par Alrosa ne lui permettait pas de revenir sur sa conclusion figurant dans la décision de rejet.

–       Sur les griefs dirigés contre la décision de rejet

207    Selon la requérante, les considérations de la décision de rejet relatives aux volumes de diamants bruts produits par Alrosa sont fondées sur des faits matériellement inexacts et sur des erreurs manifestes d’appréciation de ces faits. Elle conteste tout d’abord l’analyse par la Commission des exportations d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers entre 2003 et 2006 (première série d’arguments) et ensuite celle relative à la période transitoire instituée par la décision sur les engagements de De Beers (2006-2008) (deuxième série d’arguments) ainsi que celle des exportations d’Alrosa à l’issue de cette période (à partir de 2009) (troisième série d’arguments).

208    Ainsi, en premier lieu, la Commission aurait affirmé à tort que les caractéristiques des exportations d’Alrosa révélaient une forte tendance de cet opérateur à s’affranchir des canaux de distribution de De Beers depuis 2003. En effet, les achats de De Beers à Alrosa auraient régulièrement augmenté entre 2003 et 2005. Par rapport aux exportations globales d’Alrosa, les ventes d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers auraient certes augmenté en 2004, mais auraient diminué en 2005. Cette diminution résulterait de la mise en œuvre par De Beers et Alrosa de leur accord en principe suspendu.

209    Il suffit de constater à cet égard que les données chiffrées présentées par la requérante, dont certaines figuraient dans le rapport économique qu’elle avait présenté au cours de la procédure administrative, ne permettent pas, sans même qu’il y ait lieu de se fonder sur les données actualisées invoquées par la Commission, de considérer que cette dernière a commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant dans la décision de rejet une forte tendance d’Alrosa de s’affranchir des canaux de De Beers depuis 2003. En effet, d’une part, l’augmentation des achats de De Beers à Alrosa entre 2003 et 2005 (passant de 635 à 696 millions de USD) doit être mise en parallèle avec l’augmentation des exportations totales d’Alrosa (passant de 878 millions de USD à 1,11 milliard de USD), d’ailleurs évoquée par la requérante elle-même, aboutissant à ce que la valeur des diamants bruts exportés par Alrosa à d’autres que De Beers a augmenté au cours de cette période, passant de 243 à 414 millions de USD d’après les données fournies par la requérante, soit une augmentation de 170 %. D’autre part, la diminution des ventes d’Alrosa en dehors du SOC en 2005 est déduite par la requérante des pourcentages des ventes (passant de 27,6 % en 2003, à 44,9 % en 2004 et à 37,38 % en 2005), de sorte que, rapportés à la valeur totale des exportations d’Alrosa, dont il convient de rappeler qu’elles ont augmenté au cours la période 2003-2005, ils conduisent également au constat d’une augmentation de 170 % des exportations d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers, passant de 243 à 414 millions de USD.

210    En deuxième lieu, selon la requérante, la Commission ayant reconnu les effets anticoncurrentiels de l’accord De Beers-Alrosa dans la décision sur les engagements de De Beers, elle ne pourrait pas, ainsi qu’il résulte de la décision de rejet, accepter la poursuite de ce comportement anticoncurrentiel pendant la période de transition (2006-2008). En particulier, la requérante souligne que, la Commission n’ayant imposé aucune condition quant à la qualité des diamants que De Beers était autorisée à acheter à Alrosa pendant cette période, celle-ci pourrait concentrer ses achats sur les diamants les plus recherchés et de haute qualité, pour lesquels elle détient déjà une part de marché comprise entre 80 et 85 % et ainsi se réserver une part toujours plus élevée de ce marché. La requérante précise qu’elle a établi par des éléments de preuve fournis dans ses observations sur la lettre prévue par l’article 7 que les diamants de meilleure qualité d’Alrosa étaient achetés par De Beers.

211    Il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission et des intervenantes, que, par son argumentation, la requérante semble contester en réalité la période transitoire et ses modalités telles que fixées par la décision sur les engagements de De Beers, laquelle ne fait pas l’objet du présent recours. En effet, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir admis l’instauration d’une telle période transitoire permettant à de Beers de poursuivre ses achats à Alrosa pendant plus de deux années.

212    À supposer que la requérante conteste également par son argumentation la réponse donnée par la Commission dans la décision de rejet à ses allégations relatives à la qualité des diamants vendus par Alrosa à De Beers, il y a lieu de constater les éléments suivants.

213    Au cours de la procédure administrative, la requérante avait fait valoir que les ventes d’Alrosa à d’autres que De Beers ne portaient que sur des diamants de moindre qualité, les diamants de meilleure qualité étant soit transformés en Russie, soit vendus à De Beers et à ses « sightholders », et la valeur moyenne des exportations ne serait pas un indicateur fiable de la qualité des diamants. Dans la décision de rejet, la Commission a considéré que, d’une part, ces allégations étaient contradictoires en ce que la requérante avait admis que De Beers était la seule entreprise à pouvoir procéder à des achats dits de « tout-venant » (« Run of Mine »), c’est-à-dire portant sur un pourcentage donné des diamants de toutes qualités et de toutes tailles produits par le vendeur, et, d’autre part, la décision sur les engagements de De Beers renforçait la possibilité pour Alrosa de proposer des offres compétitives de diamants bruts de sa production répondant à la totalité des demandes de toutes catégories de diamants. Dans la lettre prévue par l’article 7, la Commission s’est fondée sur les données chiffrées tirées d’un article de presse, dont il aurait découlé que la valeur par carat des diamants vendus à De Beers était équivalente à celle des diamants exportés à d’autres que De Beers, pour déduire la qualité équivalente des deux types de diamants.

214    Les éléments fournis par la requérante ne permettent pas de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

215    En effet, d’une part, la requérante se limite à évoquer le caractère « notoire » dans le secteur du diamant du fait que les ventes d’Alrosa à d’autres que De Beers portent surtout sur des diamants plus petits (moins de 0,75 carat) et donc de moindre qualité, en se fondant sur la lettre d’un diamantaire à la Commission, laquelle affirme que « tout diamantaire [le] sait ».

216    D’autre part, la requérante se fonde sur l’article de presse évoqué dans la lettre prévue par l’article 7. La Commission a en effet déduit des données chiffrées figurant dans cet article et en particulier de la comparaison de la valeur moyenne du carat de diamants vendus à De Beers (75,90 USD) avec les valeurs moyennes du carat de diamants vendus en Belgique (61,30 USD) ou en Israël (97,08 USD) ainsi qu’avec le prix moyen du carat de diamant brut exporté de Russie (72,08 USD) que les diamants vendus à De Beers n’étaient pas d’une qualité supérieure à celle des diamants vendus à d’autres sociétés. La requérante conteste cette déduction en affirmant que, De Beers bénéficiant d’un rabais de 20 %, le coût moyen de ses acquisitions serait en réalité de 94,88 USD par carat [soit 75,90 USD + 20 % (soit 18,98 USD)]. Or, il suffit de relever à cet égard que ce prix moyen est certes plus élevé que le prix moyen des exportations en général (72,08 USD) et que le prix moyen des exportations vers la Belgique, mais qu’il reste moins élevé que celui des exportations vers Israël ou vers la Chine et Hong-Kong (96,92 USD). Il y a lieu d’observer que ces dernières exportations sont également mentionnées dans l’article de presse en cause, sans qu’aucune autre mention dudit article ne vienne remettre en cause la justification de la valeur moyenne correspondante par la qualité des diamants exportés. Cet article indique au surplus, pour les seules exportations destinées à De Beers, qu’il s’agit d’exportations de « tout-venant ». Il ne saurait dès lors être déduit de l’article cité par la Commission et repris par la requérante que les diamants vendus à De Beers étaient d’une qualité supérieure à celle des diamants vendus à d’autres sociétés.

217    En troisième lieu, la requérante affirme avoir fourni des preuves sérieuses démontrant la faible probabilité que les exportations d’Alrosa atteindraient 10 % de la production mondiale en 2009 et critique les données chiffrées avancées par la Commission non disponibles au moment de l’adoption de la décision de rejet. Elle reproche notamment à la Commission de s’être appuyée dans la décision de rejet uniquement sur un article de presse pour déterminer ce pourcentage. La requérante ajoute que, en tout état de cause, un tel pourcentage n’est pas suffisant pour éliminer tout éventuel effet d’exclusion en raison, d’une part, de la part de marché de De Beers comprise entre 60 et 65 %, et même davantage sur le marché des diamants de haute qualité et, d’autre part, de l’absence d’assurance de la vente de la production d’Alrosa sur le marché secondaire plutôt qu’aux « sightholders » de De Beers.

218    Il y a lieu de rappeler que la Commission a considéré, dans la décision de rejet comme dans la lettre prévue par l’article 7, que les exportations d’Alrosa à d’autres que De Beers seraient supérieures à 10 % de la production mondiale à partir de 2009, date de la fin de la période transitoire prévue par la décision sur les engagements de De Beers. Elle a établi cette estimation de manière prospective à partir de données issues d’articles de la presse spécialisée. Elle a ainsi évoqué, dans la lettre prévue par l’article 7, un montant des exportations d’Alrosa à d’autres que De Beers compris entre 850 millions et 1 milliard de USD en 2005 tiré d’articles datés de mai et de juin 2006, pour conclure que, si ces exportations représentaient 7 % de la production mondiale en 2005, elles dépasseraient 10 % à l’issue de la période transitoire. Dans la décision de rejet, la Commission s’est par ailleurs fondée sur les derniers rapports d’Alrosa disponibles pour 2006 repris dans un autre article de presse pour soutenir qu’Alrosa avait vendu des diamants pour un montant de 2 milliards de USD pendant les trois premiers trimestres de l’année 2006, ce qui contredirait l’estimation alléguée par la requérante de ventes pour ce même montant pour la totalité de l’année 2006.

219    Le calcul opéré par la Commission pour obtenir le pourcentage de 10 % n’est certes pas explicité dans la décision de rejet ou dans la lettre prévue par l’article 7. Toutefois, l’essentiel des données permettant de parvenir à un tel résultat chiffré figurait dans lesdits actes. Il suffisait en effet pour l’obtenir d’ajouter tout d’abord aux montants des exportations d’Alrosa à d’autres que De Beers mentionnés dans la lettre prévue par l’article 7 (850 millions et 1 milliard de USD) pour 2005, seule année complète pour laquelle des données étaient disponibles au moment de l’adoption de la décision de rejet, le montant des ventes d’Alrosa à De Beers pour cette même année, mentionné notamment dans la décision sur les engagements de De Beers (700 millions de USD), car ces diamants ne seront plus vendus à De Beers à partir de 2009. Le montant obtenu (1,55 et 1,7 milliard de USD) devait ensuite être rapporté au montant des ventes mondiales (environ 13 milliards de USD), ce qui permettait d’obtenir un pourcentage compris entre 12 et 13 %. Ce pourcentage pouvait également être obtenu, ainsi que l’a précisé la Commission en réponse à une question du Tribunal, en appliquant le pourcentage des diamants produits par Alrosa exporté hors de Russie (50 %), mentionné notamment dans la note en bas de page n° 16 de la lettre prévue par l’article 7, à la part de marché mondial d’Alrosa (comprise entre 20 et 25 %), dès lors qu’à partir de 2009 aucune exportation d’Alrosa ne pouvait plus être destinée à De Beers.

220    Il peut ainsi en être déduit, d’une part, que la Commission a présenté des éléments au soutien du pourcentage retenu et, d’autre part, qu’elle a fait preuve d’une certaine prudence en retenant un pourcentage inférieur à ceux issus d’estimations établies à partir des données disponibles au moment de l’adoption de la décision de rejet.

221    Par ailleurs, la requérante n’a fourni aucun élément dans ses écritures pour remettre en cause spécifiquement le pourcentage retenu ainsi que les éléments susvisés ayant permis de l’obtenir et s’est contentée de renvoyer aux preuves qu’elle aurait présentées au cours de la procédure administrative et de contester l’appui sur un article de presse.

222    Quant aux données chiffrées avancées au cours de la procédure administrative, il y a lieu de relever qu’aucune d’elles ne permet de remettre en cause le pourcentage retenu par la Commission.

223    Ainsi, la requérante a allégué, dans ses observations relatives à la lettre prévue par l’article 7, en se fondant sur un article de presse, que la production de diamants bruts en Russie allait décliner en 2006 pour atteindre une valeur de 2,087 milliards de USD, déclin que la Commission n’aurait pas pris en compte dans son estimation de la part des exportations d’Alrosa à d’autres que De Beers. Toutefois, il y a lieu de constater que cette estimation portait sur la production de diamants bruts et non sur leurs ventes, dont les chiffres pouvaient être supérieurs à ceux de la production en raison par exemple de le vente de stocks, ce que la requérante a d’ailleurs elle-même admis en reconnaissant que, en 2005, Alrosa avait vendu des diamants bruts pour une valeur de 2,86 milliards de USD alors que sa production s’élevait à 2,26 milliards de USD.

224    De même, la requérante a retenu, toujours dans ses observations relatives à la lettre prévue par l’article 7, un montant des exportations d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers d’environ 400 millions de USD en 2006, ce qui conduirait à un pourcentage des exportations d’Alrosa en dehors de De Beers de 3 % au lieu de 10. Ce faisant, elle a erronément procédé à une déduction du montant des ventes à De Beers (600 millions de USD) du montant total des ventes d’Alrosa, alors qu’il n’y aura plus de ventes à De Beers à partir de 2009 et qu’il s’agissait de procéder à des estimations pour 2009.

225    Enfin, les données issues du rapport économique fourni à la Commission par la requérante au cours de la procédure administrative ne permettaient pas davantage de remettre en cause le pourcentage retenu par la Commission. En effet, ces données portaient sur les seules transactions entre De Beers et Alrosa, mentionnées en valeurs brutes et en pourcentage du marché mondial, et non sur les exportations d’Alrosa à d’autres que De Beers, lesquelles devaient leur être additionnées pour déterminer à l’issue de la période transitoire le montant total des exportations qui pouvaient être destinées à d’autres que De Beers.

226    Quant aux articles de presse sur lesquels la Commission s’est fondée, celle-ci ayant fait référence à plusieurs de ces articles dans la lettre prévue par l’article 7 et dans la décision de rejet, il y a lieu de constater tout d’abord qu’il s’agit d’articles tirés de la presse spécialisée dans la connaissance du marché du diamant régulièrement consultée par les acteurs du secteur diamantaire, qui sont rédigés par des experts dudit secteur. Il convient de relever, au demeurant, que la requérante s’est elle-même fondée sur l’un des articles cités par la Commission au cours de la procédure administrative (voir point 223 ci-dessus). Ensuite, la plupart des articles auxquels la Commission a fait référence, en particulier celui contesté par la requérante, reprennent des données officielles tirées des rapports d’Alrosa ou des rapports des autorités douanières russes.

227    Par conséquent, l’ensemble des arguments contestant le pourcentage des exportations d’Alrosa à d’autres que De Beers doivent être rejetés. Il en est de même des arguments visant à soutenir qu’un pourcentage de 10 % est insuffisant pour éliminer un éventuel effet d’exclusion.

228    Il y a lieu de relever à cet égard, tout d’abord, que les diamants d’Alrosa ne représentent que l’une des sources d’approvisionnement sur le marché, de sorte que le Tribunal ne saurait à ce stade se prononcer sur le caractère suffisant du pourcentage en cause.

229    Ensuite, quant à l’argument selon lequel ce pourcentage ne serait pas suffisant, car il inclurait les ventes d’Alrosa aux « sightholders », la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne déduisant pas ces ventes des ventes d’Alrosa. En effet, la Commission cherchait à déterminer la quantité de diamants échappant au contrôle de De Beers disponibles pour le marché dit « libre ». Or, d’une part, en étant vendus directement aux « sightholders », les diamants d’Alrosa leur parviennent sans transiter par De Beers et ainsi sans entrer au préalable dans le système de distribution de De Beers aux « sightholders » que constitue le SOC. D’autre part, la requérante ne fournit aucun élément permettant de considérer que les « sightholders » ne prennent pas leurs propres décisions commerciales concernant les diamants achetés à d’autres producteurs que De Beers, dont notamment la décision de les revendre à des « non-sightholders ». Elle se contente en effet de souligner dans la réplique que les « sightholders » de De Beers auraient déménagé en Russie, ce qui permet tout au plus de déduire de cette circonstance que les « sightholders » ont pris des mesures pour faciliter leurs achats à Alrosa. La requérante a ajouté lors de l’audience que les « sightholders » seraient en fait empêchés de revendre les diamants achetés à Alrosa à des « non-sightholders » en raison du profil de « sightholder » qui les interrogerait sur la destination de ces diamants et les exposerait à une sanction par l’attribution d’une mauvaise note en cas de revente à des « non-sightholders ».

230    Cependant, il ressort, d’une part, du profil de « sightholder et de la note explicative relative à ce profil que le candidat n’était pas tenu de révéler les noms de ses clients, sauf si cette donnée était publique, et, d’autre part, du mandat du médiateur, tel que révisé en 2007, que les données confidentielles non prévues par le SOC, telles que celles relatives aux clients des « sightholders », ne peuvent désormais plus être communiquées à De Beers et utilisées par celle-ci grâce notamment à l’intervention du médiateur (voir point 332 ci-après). Il en résulte que, même si des « sightholders » communiquaient les noms de leurs clients à De Beers en vue d’obtenir une meilleure note, ainsi que certains d’entre eux l’ont affirmé dans leurs réponses données en 2004 aux demandes de renseignements (question n° 25), une telle communication ne pourrait conduire, en vertu des dispositions régissant le SOC datant de 2007 analysées dans la décision de rejet, à l’attribution d’une mauvaise note et, partant, à l’interdiction de fait de revente à des « non-sightolders » (voir également, s’agissant de la possibilité pour les « sightholders » de revendre des diamants obtenus de De Beers à des « non-sightholders », points 249 et suivants ci-après). Par conséquent, les diamants vendus par Alrosa aux « sightholders » pouvaient être pris en compte aux fins de déterminer les diamants bruts disponibles pour le marché libre.

–       Sur les griefs dirigés contre la décision complémentaire de rejet

231    Selon la requérante, la nouvelle appréciation portée par la Commission, dans la décision complémentaire de rejet, sur la source d’approvisionnement constituée par Alrosa est fondée sur des faits matériellement inexacts et sur des erreurs manifestes d’appréciation de ces faits.

232    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission le caractère contradictoire de son raisonnement, dès lors qu’elle aurait indiqué dans la décision complémentaire de rejet à la fois que les montants des ventes d’Alrosa mentionnés dans cette décision comprenaient les ventes à De Beers et qu’ils ne les comprenaient pas.

233    Le passage de la décision complémentaire de rejet en cause se lit comme suit :

« Il résulte des réponses d’Alrosa à la demande de renseignements de la Commission du [9] octobre 2007 que ses ventes en dehors des canaux de De Beers s’élevaient à 2,1 milliards de USD en 2005 et à 2,3 milliards de USD en 2006. Cette offre était disponible pour les clients établis en Russie comme pour les entreprises non établies en Russie. Il doit être noté que le montant des ventes pour 2005 et 2006 inclut les ventes à De Beers et à d’autres clients. La valeur des ventes à De Beers en 2006 atteignait approximativement 600 millions de USD. »

234    Il peut certes être relevé que, dans ce passage, la Commission évoque à deux reprises les ventes d’Alrosa, dans la première phrase, en mentionnant leur montant, dont sont déduites les ventes à De Beers et, dans la troisième phrase, en précisant que les ventes d’Alrosa incluent les ventes à De Beers. En dépit de la formulation non dépourvue d’ambiguïté de ce passage, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir fait reposer son analyse sur un raisonnement contradictoire. En effet, il résulte, tant d’une lecture globale du passage en cause que de sa lecture à la lumière des réponses d’Alrosa à la demande de renseignements qu’il analyse, que la seconde mention du montant des ventes d’Alrosa, dans la troisième phrase du passage cité, visait à expliquer le calcul effectué par la Commission à partir desdites réponses aboutissant aux montants de 2,1 et de 2,3 milliards de USD mentionnés en premier lieu, dans la première phrase dudit passage, par le rappel des ventes à De Beers (réponse à la question n° 6) qui étaient déduites des ventes totales d’Alrosa mentionnées en second lieu (réponse à la question n° 2).

235    En deuxième lieu, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir déduit des ventes d’Alrosa en dehors des canaux de De Beers les ventes aux « sightholders » du SOC. Il s’agirait pourtant d’un élément fondamental pour apprécier les effets d’exclusion engendrés par le SOC.

236    Dans la mesure où cet argument est semblable à celui examiné aux points 229 et 230 ci-dessus, il y a lieu de le rejeter pour les mêmes motifs que ceux exposés dans lesdits points.

237    En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a totalement négligé d’apprécier la qualité des diamants bruts vendus par Alrosa à d’autres que De Beers.

238    La Commission a indiqué dans la décision complémentaire de rejet, en réponse à l’allégation d’une moindre qualité des diamants vendus par Alrosa à d’autres que De Beers figurant dans les observations de la requérante relatives à la lettre complémentaire prévue par l’article 7, que cette allégation avait été analysée dans la décision de rejet et que la requérante n’apportait aucun élément nouveau à son soutien, excepté le fait que De Beers contrôlerait 80 % du marché des diamants de meilleure qualité.

239    Il y a lieu de considérer que cette part de marché de De Beers ne permet pas à elle seule de conclure que celle-ci n’achète que des diamants de meilleure qualité et, partant, d’en tirer une quelconque conclusion quant à la qualité des diamants vendus par Alrosa à De Beers et à d’autres que De Beers. Il en résulte que, en l’absence d’allégation nouvelle et étayée de la requérante relative à la qualité moindre des diamants vendus à d’autres que De Beers, la Commission a pu sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation estimer qu’elle n’avait pas à réexaminer son appréciation à cet égard figurant dans la décision de rejet.

240    En quatrième lieu, la requérante affirme que les montants des ventes totales d’Alrosa figurant dans la réponse de cette société à la demande de renseignements sont sujets à caution, notamment parce qu’ils différeraient de ceux mentionnés dans les rapports annuels d’Alrosa, et que la décision complémentaire de rejet est, partant, fondée sur des données erronées ou douteuses. Elle ajoute que, en tout état de cause, le pourcentage de la demande hors de Russie satisfaite par Alrosa, obtenu à partir des réponses d’Alrosa aux demandes de renseignements, soit 8 %, serait insuffisant pour conclure au faible risque d’effets d’exclusion, en soulignant que la Commission n’aurait pas examiné si les volumes de diamants bruts en cause seraient en mesure de compenser les approvisionnements de De Beers.

241    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a répondu à cette allégation, figurant déjà dans les observations de la requérante sur la réponse d’Alrosa à la demande de renseignements (voir point 34 ci-dessus), que celle-ci était fondée sur une lecture incorrecte des données pertinentes. Elle a ainsi expliqué, premièrement, que les montants des ventes totales d’Alrosa figurant dans les réponses aux demandes de renseignements étaient plus élevés que ceux mentionnés dans les rapports annuels d’Alrosa, en ce que ces derniers ne prenaient pas en compte les ventes d’une filiale d’Alrosa, OAO Almazy Anabara, et, deuxièmement, que la différence entre le montant des ventes d’Alrosa et la valeur de sa production pouvait s’expliquer par la vente de ses stocks ou la revente de diamants qu’elle aurait achetés.

242    La requérante conteste la première explication en indiquant que l’inclusion des ventes de la filiale d’Alrosa ne permettrait pas d’obtenir la part de marché d’Alrosa de 23 % mentionnée dans la décision complémentaire de rejet et se fonde par ailleurs sur le site Internet d’Alrosa et sur la réponse d’un autre producteur à la demande de renseignements pour contester cette part de marché.

243    Il y a lieu de relever à cet égard que la différence entre le chiffre des ventes d’Alrosa mentionné dans sa réponse à la demande de renseignements (2,945 milliards de USD) et celui mentionné dans son rapport annuel (2,864 milliards de USD) correspond exactement au montant des ventes d’OAO Almazy Anabara (80,5 millions de USD), ainsi que le précise d’ailleurs explicitement Alrosa dans sa réponse à la demande de renseignements, sans que la requérante conteste cette donnée chiffrée. La requérante estime en revanche que ce montant des ventes d’OAO Almazy Anabara ne permet pas d’expliquer la part de marché d’Alrosa retenue dans la décision complémentaire de rejet. Le calcul présenté par la requérante pour fonder son raisonnement est toutefois erroné, car il est fondé sur les chiffres de la production et non sur ceux de le vente, qui sont les seuls à être examinés par la décision complémentaire de rejet, comme le souligne la Commission. Ainsi, en rapportant le chiffre des ventes d’Alrosa pour 2006 mentionné ci-dessus (2,945 milliards de USD) à celui des ventes totales sur le marché selon Alrosa (environ 13 milliards de USD), le pourcentage obtenu est d’environ 23 %, alors qu’en rapportant la valeur de la production annuelle d’Alrosa (2,332 milliards de USD) à la valeur totale des ventes susvisées il en résulte le pourcentage allégué par la requérante, soit 17,8 %. La requérante se méprend également lorsqu’elle évoque la part de marché d’Alrosa mentionnée sur son site Internet, laquelle porte également sur la production et non sur les ventes de ladite société. Enfin, il y a lieu de relever que la part d’Alrosa de 23 % est mentionnée par l’ensemble des autres producteurs interrogés (De Beers, Aber, LLD Diamonds et Rio Tinto) dans leurs réponses aux demandes de renseignements à l’exception de BHP Billiton, qui a toutefois retenu des données chiffrées déduisant les ventes à De Beers (voir la note en bas de page relative à la réponse de BHP Billiton à la question n° 3 de la demande de renseignements du 9 octobre 2007.

244    La requérante conteste également la seconde explication donnée par la Commission (voir point 241 ci-dessus), en affirmant qu’il résulte des réponses des autres producteurs aux demandes de renseignements qu’aucun d’eux ne vend des diamants à Alrosa et qu’il ressort des rapports annuels d’Alrosa que celle-ci n’a pu constituer des stocks qu’en 2000 et en 2002, qui seraient insuffisants pour expliquer la différence entre les chiffres de la production et ceux de la vente. Selon elle, Alrosa aurait ainsi « gonflé » les chiffres de ses ventes pour 2005 et 2006, y compris dans ses rapports annuels.

245    Il doit être constaté que la première branche de la seconde explication de la Commission en cause en l’espèce, à savoir la revente de diamants achetés à d’autres producteurs par Alrosa, ne trouve aucun fondement dans les réponses des producteurs aux demandes de renseignements, Alrosa n’évoquant aucun achat à d’autres producteurs et ces derniers ne mentionnant aucune vente à Alrosa.

246    En ce qui concerne la seconde branche de la seconde explication fondée sur la vente de stocks de diamants bruts par Alrosa, il y a lieu de relever que la Commission a mentionné cette justification dans la décision complémentaire de rejet sans précision, ni référence. Toutefois, s’agissant d’une explication économique classique – la Commission l’a qualifiée d’« explication logique sur le plan commercial » – qui avait été évoquée à plusieurs reprises au cours des procédures administratives initiale et complémentaire, d’ailleurs par la requérante elle-même en se fondant sur un article de presse dans ses observations relatives à la lettre prévue par l’article 7, et qui au surplus était « connue » dans le secteur diamantaire, comme en atteste le fait qu’elle était mentionnée à plusieurs reprises dans les rapports annuels d’Alrosa de 2005 et de 2006, la Commission n’était pas tenue d’étayer davantage sa mention de la revente de stocks par Alrosa. En outre, compte tenu de ce qui précède, l’argument de la requérante selon lequel, sur la période 2000-2006, les stocks constitués en 2000 et en 2002 ne permettent pas d’expliquer les différences constatées entre les ventes et la production en 2005 et en 2006, ne suffit pas à remettre en cause la justification fondée sur la vente de stocks, et ce d’autant plus que les produits en cause en l’espèce, les diamants bruts, sont des produits qui peuvent aisément être stockés sur une longue durée et dont le stockage (et le déstockage) constitue même un instrument de régulation des prix qui a précisément été utilisé notamment au cours de la période litigieuse, comme en attestent les mentions susvisées dans les rapports annuels d’Alrosa (voir également les considérants 55 et 56 de la décision De Beers /LVMH). Il en résulte par ailleurs que doit être rejeté l’argument de la requérante de « gonflement » par Alrosa des chiffres de ses ventes en 2005 et en 2006.

247    Enfin, quant à l’allégation de l’insuffisance des ventes d’Alrosa et notamment de sa part de 8 % pour éliminer un éventuel effet d’exclusion, il suffit de relever, comme au point 228 ci-dessus, que les diamants d’Alrosa ne représentent que l’une des sources d’approvisionnement sur le marché, de sorte que le Tribunal ne saurait à ce stade se prononcer sur le caractère suffisant du pourcentage en cause.

248    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ou d’erreur de fait dans son appréciation de l’offre des diamants bruts d’Alrosa dans la décision complémentaire de rejet. Par conséquent, l’ensemble des griefs dirigés contre l’appréciation de cette offre dans la décision de rejet et dans la décision complémentaire de rejet doivent être rejetés.

 Sur l’offre des « sightholders » (affaires T-108/07 et T-354/08)

249    Dans la décision de rejet, la Commission a rappelé qu’elle avait examiné, dans la lettre prévue par l’article 7, les allégations de la requérante relatives à l’interdiction pour les négociants de devenir « sightholder », à l’interdiction pour les « sightholders » de revendre des diamants bruts de De Beers à des « non-sightholders » et à la proportion de ces diamants revendus. Elle avait ainsi considéré dans la lettre prévue par l’article 7 qu’il résultait des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements que les négociants en diamants bruts n’étaient pas éliminés du SOC et qu’un « sightholder » revendait en moyenne 15 à 20 % des diamants bruts reçus de De Beers. En réponse aux critiques dirigées contre ces considérations, la Commission a rappelé, dans la décision de rejet, les données chiffrées relatives aux « sightholders » ayant une activité de revente, insisté sur la proportion considérable de diamants bruts atteignant le marché secondaire grâce aux « sightholders » et déduit des réponses aux demandes de renseignements que les diamants revendus par les « sightholders » n’étaient pas de qualité moindre.

250    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a réitéré les considérations de la décision de rejet, en ajoutant un élément résultant de l’enquête de marché complémentaire, à savoir la déclaration de De Beers selon laquelle « le niveau des ventes [des ‘sightholders’] a[vait] continué à augmenter », et en a conclu que, la requérante n’ayant pas avancé d’argument additionnel au soutien de ses allégations, elle n’avait pas à modifier son appréciation initiale.

251    La requérante conteste l’ensemble de ces considérations.

252    En premier lieu, la requérante oppose aux réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements sur lesquelles la Commission se serait fondée plusieurs éléments (notamment le site Internet de De Beers, les déclarations des bourses diamantaires, les articles de journaux spécialisés, une lettre de De Beers de 2008, une lettre d’un courtier envoyée en 2003) démontrant que les négociants en diamants bruts ont tous été exclus du SOC et que le SOC empêchait indirectement les « sightholders » de revendre des diamants bruts à des « non-sightholders ». La requérante ajoute que les calculs de la Commission sont superficiels et ne tiennent pas suffisamment compte de la réalité du marché, notamment de l’importance des purs négociants en diamants bruts pour les fabricants du marché secondaire, dès lors qu’ils sont les seuls à offrir toutes les qualités de diamants et ne se trouvent pas en concurrence avec eux.

253    Sans même qu’il y ait lieu de les confronter aux éléments de preuve avancés par la Commission et les intervenantes, il y a lieu de constater que les éléments de preuve présentés par la requérante ne permettent pas d’établir que les négociants en diamants bruts seraient tous exclus du SOC.

254    Ainsi, quant aux articles de journaux spécialisés, il suffit de constater que la requérante les mentionne de manière générale, sans en fournir des extraits, ni même en citer un en particulier.

255    Quant aux déclarations des bourses diamantaires, que celles-ci aient été émises dans le cadre de lettres et de plaintes adressées à la Commission ou à l’occasion de leurs réponses aux demandes de renseignements de la Commission, il y a lieu de souligner que ces documents et, en particulier, les extraits cités par la requérante se limitent à évoquer une politique du SOC visant à diminuer le rôle des négociants en diamants bruts, voire à les éliminer, et ainsi constituent de simples prises de position non étayées par des éléments précis. S’agissant des réponses des bourses diamantaires aux demandes de renseignements, ce type de réponse s’explique par la nature des questions posées qui se distinguent de celles posées aux « sightholders », en ce qu’elles appellent des déclarations d’opinion plus que la fourniture de données précises. Ainsi, la question n° 1 de la demande de renseignements adressée aux bourses diamantaires était libellée de la façon suivante : « Estimez-vous qu’il existe un ‘marché secondaire’ pour les diamants bruts ? » et, par la question n° 9, la Commission demandait aux bourses diamantaires si elles avaient d’autres commentaires sur la mise en œuvre du SOC ou sur tout autre aspect relatif à la concurrence dans le secteur diamantaire. Ces questions s’expliquent à leur tour par la position des bourses diamantaires par rapport au SOC. En effet, si la principale fonction des bourses diamantaires est de permettre le négoce de diamants entre leurs membres – producteurs, négociants, courtiers et fabricants de bijoux –, elles n’interviennent pas dans les transactions entre De Beers et ses « sightholders » dans le cadre du SOC. Les bourses diamantaires constituent ainsi des entités extérieures au SOC, qui ne sont pas en mesure de fournir des données concrètes et chiffrées relatives au SOC, mais qui peuvent uniquement se faire l’écho des contestations de leurs membres. Ces considérations valent pour l’ensemble des documents provenant des bourses diamantaires invoqués par la requérante. Il en résulte que ces documents ne sauraient à eux seuls permettre d’établir que les négociants en diamants bruts sont exclus du SOC.

256    Quant à la lettre envoyée à la requérante par un courtier en 2003, certes, ce dernier a indiqué qu’il était « bien plus difficile » pour un pur négociant en diamants bruts, tel que la requérante, d’être sélectionné dans le cadre du SOC. Toutefois, il a justifié cette plus grande difficulté par les critères de sélection du SOC et leur pondération, de sorte qu’il n’excluait pas que, dans le cadre d’une procédure de sélection ultérieure, compte tenu des résultats obtenus par les autres candidats, un pur négociant en diamants bruts puisse être sélectionné. Il doit être relevé, au demeurant, que la requérante, qui est un pur négociant, a été sélectionnée en tant que « sightholder » dans le cadre du SOC en 2005 (voir point 14 ci-dessus).

257    Quant à la lettre de De Beers envoyée à la requérante le 10 janvier 2008, outre le fait qu’elle est postérieure à la décision de rejet, elle indique certes que la candidature de la requérante au statut de « sightholder » a été rejetée. La requérante ne fait toutefois référence à aucun élément de cette lettre permettant d’en déduire que tous les négociants purs se verraient refuser ce statut ou que c’est au seul motif de sa qualité de pur négociant qu’un tel rejet est intervenu.

258    Il résulte de tout ce qui précède que les éléments fournis par la requérante ne permettent pas d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le SOC n’interdisait pas aux négociants de devenir « sightholder ». En l’absence d’exclusion des négociants du SOC, la Commission n’était pas tenue d’examiner, contrairement à ce que soutient la requérante dans la requête, si cette exclusion des négociants en diamants bruts s’apparentait à un abus de position dominante.

259    Il y a lieu d’ajouter par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, que la capacité de revente des « sightholders » ne doit pas être déterminée en fonction des seuls « sightholders » ayant le statut de purs négociants en diamants bruts, mais qu’elle nécessite pour sa détermination la prise en compte de l’ensemble des activités de revente des « sightholders » et, partant, même celles des « sightholders » exerçant également une activité de fabrication. En effet, la qualité de pur négociant n’est pas révélatrice du volume des reventes effectuées, cette dernière dépendant du volume des activités du négociant et non du pourcentage de ses activités consacré à la revente de diamants bruts. Ainsi, un pur négociant peut fournir moins de diamants bruts au marché secondaire qu’un négociant ayant également une activité de fabricant.

260    Est dès lors dépourvu de pertinence le fait allégué par la requérante que la liste des « sightholders » mentionnée sur le site Internet de De Beers révélerait l’existence d’un ou de deux « sightholders » ayant la qualité de négociant en précisant qu’ils sont également « préparateurs » – c’est-à-dire qu’ils préparent les pierres pour qu’elles soient taillées ou polies par d’autres – et exercent des activités de polissage.

261    Enfin, doit également être rejeté l’argument selon lequel les « sightholders » seraient empêchés, une fois sélectionnés, de revendre des diamants bruts à des « non-sightholders ». La requérante se contente d’évoquer à cet égard des « stratégies » de De Beers et une « organisation du système » destinées à empêcher indirectement que les « sightholders » vendent aux « non-sightholders », en se référant, d’une part, aux obligations imposées par le SOC en matière de marketing et de création de marques de joaillerie qui pousseraient les négociants à abandonner leur activité de négociant et, d’autre part, aux contrôles et aux évaluations auxquels sont soumis les « sightholders » aux fins de vérifier le respect de ces obligations. Or, de telles obligations de participation à des programmes de commercialisation en aval imposées aux « sightholders », si tant est qu’elles soient établies, ne permettent pas à elles seules de déduire l’existence d’un empêchement de fait de la revente à des « non-sightholders ». En effet, il ressort des réponses des « sightholders » à la question n° 11 de la demande de renseignements qui leur avait été adressée, sans que les réponses à cette question soient spécifiquement contestées par la requérante, que, pour la participation à certains programmes de commercialisation en aval, l’utilisation de diamants de De Beers n’était pas requise, de sorte qu’un « sightholder » pourrait participer auxdits programmes tout en revendant la totalité des diamants bruts fournis par De Beers. Il doit ainsi être relevé que les « sightholders » eux-mêmes ont indiqué en réponse aux questions nos 12 à 15 de la demande de renseignements qu’ils revendaient des diamants reçus de De Beers, ainsi que le reconnaît d’ailleurs la requérante en contestant le pourcentage de revente retenu par la Commission.

262    En deuxième lieu, la requérante soutient en effet que peu de diamants bruts sont vendus par les « sightholders » sur le marché secondaire et conteste ainsi la moyenne de 15 à 20 % retenue par la Commission, qu’elle considère comme n’ayant pas été établie par cette dernière. Elle se fonde pour ce faire également sur les réponses des bourses diamantaires, des autres producteurs et sur d’autres éléments du dossier ainsi que sur les réponses données par les « sightholders » eux-mêmes.

263    Il y a lieu de rappeler tout d’abord que la Commission a indiqué, notamment dans la lettre prévue par l’article 7, que le pourcentage moyen contesté ressortait des réponses des « sightholders » à la demande de renseignements de la Commission (voir point 249 ci-dessus). En effet, la Commission avait demandé aux « sightholders » de lui communiquer les montants de leurs achats de diamants bruts, en précisant le pourcentage représenté par les diamants achetés à De Beers (question n° 3), et de lui indiquer le pourcentage des diamants achetés à De Beers revendus sur le marché secondaire (question n° 13), en précisant la qualité des destinataires de ces reventes, notamment s’il s’agit de « sightholders » ou de « non-sightholders » (question n° 15). Comme l’a souligné la Commission dans le mémoire en défense, celle-ci a pris en compte l’ensemble des réponses à ces questions pour établir le pourcentage de 15 à 20 %. Certes, ce pourcentage moyen ne peut être obtenu par la simple lecture du tableau résumant les réponses des « sightholders », dans la mesure où les montants des achats de diamants bruts sont remplacés par des fourchettes. Toutefois, il doit être rappelé qu’il s’agit de données relevant de secrets d’affaires et ainsi de données confidentielles (voir point 70 ci-dessus ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la quatrième chambre élargie du Tribunal du 2 mai 2007 Kronoply et Kronotex/Commission, T‑388/02, non publiée au Recueil, point 34). En outre, les pourcentages de diamants de De Beers revendus n’ont pas été occultés ou remplacés par des fourchettes et avaient ainsi été communiqués à la requérante, sans pourtant que celle-ci les utilise aux fins de faire valoir le caractère manifestement erroné du pourcentage moyen retenu. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la Commission n’a pas établi le pourcentage de revente de 15 à 20 %.

264    Il ne saurait davantage être considéré que la Commission n’a fourni aucune preuve du constat, mentionné dans la lettre prévue par l’article, selon lequel les « sightholders » les plus importants sont également les revendeurs les plus importants de diamants bruts. En effet, dans les demandes de renseignements sur lesquelles s’est fondée la Commission figuraient deux questions, l’une relative aux diamants bruts achetés par les « sightholders » (question n° 3) et l’autre relative aux diamants polis vendus (question n° 20). La confrontation des réponses à ces questions a alors permis de mettre en évidence, ainsi que l’explicite la Commission, que les « sightholders » effectuant les achats les plus importants de diamants bruts, c’est-à-dire les « sightholders » les plus importants, étaient ceux qui revendaient le moins de diamants polis et ainsi revendaient une partie importante des diamants bruts achetés (voir l’avant-dernière colonne du résumé des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements.

265    Il convient d’écarter par ailleurs les allégations de la requérante fondées sur les réponses des bourses diamantaires pour le même motif que celui indiqué au point 255 ci-dessus et celles fondées sur les réponses des autres producteurs ainsi que sur d’autres éléments du dossier qui ne sont pas étayées. En effet, la requérante n’a fait référence à aucun passage précis des réponses des autres producteurs à la demande de renseignements de la Commission qui permettrait de remettre en cause le pourcentage retenu et il ressort de la lecture du résumé de ces réponses qu’une telle remise en cause ne peut être déduite d’aucune d’elles. Quant aux autres éléments du dossier, la requérante mentionne uniquement les observations reçues par la Commission dans le cadre de la consultation des acteurs du marché sur les engagements de De Beers. Toutefois, elle ne renvoie là encore à aucun passage précis de ces observations, qui au surplus ne contiennent que les allégations de quatre « non-sightholders » relatives à leurs difficultés de s’approvisionner auprès des « sightholders » de De Beers avant l’adoption de la décision sur les engagements de De Beers. Ces observations ne sauraient dès lors constituer les « preuves solides » invoquées par la requérante pour établir le caractère manifestement erroné du pourcentage moyen de revente retenu par la Commission.

266    Quant à l’argument selon lequel la Commission omettrait de citer la réponse du « sightholder » n° 29 qui déclare que, « [j]usqu’à récemment, le SOC a considérablement réduit les niveaux d’activité du marché secondaire », il y a lieu de considérer que la seule évocation d’une réduction des niveaux d’activité sur le marché secondaire par un seul « sightholder » ne permet pas de remettre en cause le pourcentage de 15 à 20 % retenu par la Commission.

267    Quant aux arguments selon lesquels la Commission aurait déformé la réponse du « sightholder » n° 5 et aurait erronément mentionné « de nombreux autres ‘sightholders’ » revendant des quantités de diamants de minimis (c’est-à-dire 5 % au plus) alors qu’elle n’en citerait que trois, il suffit de constater que ces mentions figuraient dans le mémoire en défense et non dans la décision de rejet, de sorte que ces arguments ne pourraient conduire à l’annulation de la décision de rejet et doivent être rejetés comme inopérants.

268    En troisième lieu, la requérante estime que la Commission a effectué une lecture discutable des réponses des « sightholders » aux demandes de renseignements en ce qui concerne la qualité des diamants qu’ils revendent. Elle évoque ainsi les réponses de 31 « sightholders » qui auraient souligné la faible qualité des diamants revendus. Elle mentionne également la réponse d’un « sightholder » ayant indiqué revendre ses diamants en Inde, pays connu pour la faible qualité des diamants qui y sont fabriqués. La requérante conteste par ailleurs l’utilisation par la Commission de la valeur des diamants plutôt que de celle du nombre de carats comme unité de mesure de la qualité des diamants revendus par les « sightholders ».

269    Il convient de constater que la Commission a indiqué dans la décision de rejet que les « sightholders » ayant évoqué une qualité inférieure des diamants revendus étaient essentiellement des fabricants, revendant dès lors uniquement des diamants inappropriés pour leur propre fabrication alors qu’aucune des réponses des « sightholders » ayant essentiellement une activité de revente n’avaient mentionné une telle qualité moindre. Elle a précisé en outre que la valeur des diamants permettait de mieux déterminer la qualité des diamants revendus que le nombre de carats.

270    Il y a effectivement lieu de considérer que, pour déterminer la qualité des diamants revendus, il convient d’accorder une plus grande importance aux réponses des « sightholders » qui représentent la majeure partie des diamants revendus, lesquels sont également ceux qui ont une importante activité de revente (voir point 264 ci-dessus). Certes, comme le relève la requérante, ceux-ci n’ont pas fourni, dans leurs réponses, d’indication relative à la qualité des diamants revendus alors que les petits revendeurs, qui exercent à titre principal une activité de fabrication, ont mis en avant la qualité moindre des diamants revendus. Cette absence d’indication relative à la qualité résulte toutefois des questions posées. En effet, aucune d’entre elles ne portait de manière générale sur la qualité des diamants revendus, les « sightholders » étant seulement interrogés sur le point de savoir s’ils revendaient les diamants achetés parce qu’ils n’étaient pas intéressants pour leur activité de fabrication (question n° 14). Seules pouvaient ainsi figurer dans les réponses des « sightholders » des mentions de revente de diamants bruts au motif de leur qualité moindre. Il ne saurait par conséquent être déduit du silence quant à la qualité des diamants revendus des « sightholders » ayant la plus importante activité de revente et de la mention de la qualité moindre des diamants revendus par les fabricants, notamment en Inde, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation de la qualité des diamants revendus par les « sightholders ».

271    Quant à l’unité de mesure de la qualité des diamants revendus, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant la valeur des diamants plutôt que le nombre de carats. En effet, le carat étant une unité de mesure du poids d’un diamant, il ne permet en tant que tel que de déterminer les volumes revendus et ne peut constituer un indicateur de la qualité que s’il est rapporté au nombre de diamants revendus pour déterminer la taille desdits diamants (nombre de carats par diamant) ou s’il est rapporté à la valeur des diamants pour évaluer leur qualité intrinsèque (valeur par carat) (voir point 216 ci-dessus).

272    En quatrième lieu, s’agissant de la décision complémentaire de rejet, la requérante critique la mention par la Commission d’une déclaration de De Beers et ainsi « l’empressement de la Commission à faire aveuglément confiance à De Beers ».

273    Il suffit de constater à cet égard que la Commission a fait état de la déclaration de De Beers relative à l’augmentation du niveau des échanges des « sightholders », d’abord à titre de confirmation de ses appréciations figurant dans la décision de rejet et ensuite à titre provisoire, comme en atteste sa mention à la suite du résumé de la décision de rejet et avant l’exposé des allégations de la requérante critiquant ces appréciations figurant dans ses observations relatives à la lettre complémentaire prévue par l’article 7. La requérante avait ainsi la possibilité de contester cette déclaration. Or, elle n’a avancé ni lors de la procédure administrative, ni d’ailleurs dans le cadre de la présente instance d’élément permettant de la remettre en cause (voir point 105 ci-dessus), de sorte que ce quatrième argument doit également être rejeté.

274    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il existait une offre de diamants bruts provenant des « sightholders » eux-mêmes.

 Sur l’offre de Diamdel (affaires T-108/07 et T-354/08)

275    Dans la décision de rejet et dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a estimé que les opérateurs du marché secondaire disposaient d’un accès important aux diamants de De Beers grâce à Diamdel (soit 10 % des diamants bruts de De Beers), laquelle appartenait au groupe De Beers et était spécialisée dans la vente aux « non-sightholders ».

276    La requérante estime que cette conclusion est manifestement erronée pour plusieurs raisons.

277    En premier lieu, la requérante fait valoir en substance que Diamdel ne constitue pas véritablement une source d’approvisionnement en diamants bruts indépendante et extérieure au SOC. En effet, Diamdel en sa qualité de filiale de De Beers appliquerait la politique du groupe De Beers et ne serait qu’un instrument entre les mains de De Beers.

278    En particulier, la requérante soutient, en se fondant notamment sur une lettre de Diamdel du 20 janvier 2003 et sur les courriers envoyés à la Commission par les bourses diamantaires, que Diamdel appliquerait une politique de vente conforme aux règles du SOC, excluant ainsi la vente aux fabricants du marché secondaire n’adaptant pas leur modèle commercial aux souhaits de De Beers.

279    Il y a lieu de relever à cet égard qu’aucun des documents présentés par la requérante ne démontre la mise en œuvre d’une telle politique de vente. Quant aux courriers des bourses diamantaires, il suffit de constater qu’ils ne contiennent que de simples allégations non étayées. Quant à la lettre de Diamdel du 20 janvier 2003 susvisée, elle indique dans un passage final : « As a De Beers Groups Company, Diamdel will primarly aim to support those companies that drive consumer demand for diamonds – broadly in line with DTC’s [SOC] strategy.» Quelle que soit la traduction retenue du terme « broadly » employé dans ce passage, c’est-à-dire « largement » ou « en gros », il y a lieu de relever que Diamdel se réfère non aux « règles du SOC » ou aux « critères du SOC », mais à l’un des objectifs généraux de la « stratégie du SOC », à savoir l’augmentation de la demande de diamants. Ainsi que l’ont souligné en substance les intervenantes lors de l’audience, cette lettre de Diamdel à ses clients, et en particulier le passage susvisé, visait à clarifier le rôle de Diamdel par rapport au SOC à la suite de la lettre de classement et avant la mise en œuvre du SOC, en précisant que Diamdel, de par son appartenance au groupe De Beers, poursuivait le même objectif principal que le SOC, sans pourtant à aucun moment indiquer qu’elle appliquait les règles et critères du SOC. Les intervenantes ont par ailleurs précisé, également lors de l’audience, que Diamdel demandait à ses clients de respecter un code de conduite comportant un certain nombre de règles éthiques et non de respecter les règles du SOC. En outre, dans une interview du directeur général de Diamdel publiée dans une revue spécialisée le 2 janvier 2004 et communiquée en annexe à la requête, celui-ci a affirmé ne pas appliquer les règles et critères du SOC à ses clients.

280    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir rejeté l’allégation d’application des règles du SOC par Diamdel comme étant non étayée. Il en résulte également qu’il importe peu que Diamdel soit une filiale de De Beers et qu’elle entretienne donc des liens avec De Beers, dès lors qu’elle constitue, comme il ressort de ce qui précède, une source d’approvisionnement pour les « non-sightholders » échappant au SOC. Ainsi, quand bien même Diamdel recevrait des instructions de De Beers, lesquelles ne sont au demeurant pas établies, les diamants qu’elle revend peuvent être considérés comme une source à part entière d’approvisionnement en diamants bruts pour les « non-sightholders ».

281    En deuxième lieu, la requérante estime que la Commission a erronément considéré que Diamdel permettait l’approvisionnement des « non-sightholders » en diamants bruts. Diamdel ne vendrait que tout au plus 10 % des diamants de De Beers à des « non-sightholders », ce qui limiterait les diamants bruts disponibles pour le marché secondaire par rapport à la situation existant avant l’introduction du SOC, dans laquelle la moitié des ventes de De Beers était destinée aux purs négociants pour être ensuite distribuée sur le marché secondaire. En outre, la requérante fait valoir qu’elle a prouvé que Diamdel elle-même achetait des diamants bruts sur le marché secondaire, réduisant par là même l’offre dont disposaient les fabricants du marché secondaire.

282    Il convient de relever tout d’abord que la requérante ne conteste pas le taux de 10 % retenu dans les décisions attaquées. Elle a simplement allégué qu’un tel pourcentage de vente des diamants de De Beers à des « non-sightholders » serait insuffisant pour assurer leur approvisionnement en diamants bruts. Outre le fait qu’une telle insuffisance ne saurait être établie sur la base de cette seule source d’approvisionnement, il peut être constaté que le simple fait, au demeurant non étayé, que le taux d’approvisionnement soit inférieur à celui existant avant l’introduction du SOC ne suffit pas en tant que tel à démontrer une insuffisance d’approvisionnement des « non-sightholders » par Diamdel.

283    Ensuite, il y a lieu de constater que la Commission a admis l’existence d’achats par Diamdel de diamants bruts sur le marché secondaire dans la décision de rejet. Toutefois, les éléments de preuve présentés par la requérante, à savoir des déclarations des bourses diamantaires et des réponses d’autres acteurs du marché lors d’une enquête relative aux engagements de De Beers, ne fournissent aucune indication sur l’importance de ces achats et se limitent à évoquer leur existence. Par ailleurs, seule une société intervenant dans le secteur diamantaire a allégué que de tels achats limiteraient la disponibilité des diamants bruts en indiquant, sans toutefois l’étayer, que Diamdel achetait des diamants bruts sur le marché secondaire, de sorte qu’il ne restait plus de diamants disponibles pour les clients comme elle. Il convient de rappeler en outre que l’activité principale de Diamdel est la vente de diamants bruts à des « non-sightholders ». Le directeur général de Diamdel a ainsi affirmé, dans le cadre de l’interview susvisée publiée le 2 janvier 2004, que Diamdel vendait uniquement à des « non-sightholders » et les intervenantes ont confirmé lors de l’audience que les clients de Diamdel n’étaient pas des « sightholders », sauf en 2004, année au cours de laquelle certains clients parmi ceux qu’elle comptait en Afrique du Sud étaient des « sightholders ». Dès lors, quand bien même Diamdel procéderait à des achats sur le marché secondaire, lesdits achats reviendraient en définitive aux « non-sightholders » et ne feraient que s’ajouter aux 10 % des diamants de De Beers qui leur sont vendus. Il en résulte que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il n’était pas établi que les achats de Diamdel sur le marché secondaire produisaient un effet appréciable sur la disponibilité des diamants bruts.

284    En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir rejeté son allégation de prix discriminatoires pratiqués par Diamdel, lesquels interdisent de considérer cette dernière comme une véritable source d’approvisionnement pour les « non-sightholders ». En effet, Diamdel appliquerait sans justifications des prix plus élevés aux « non-sightholders » que ceux appliqués aux « sightholders » de De Beers.

285    Sans même qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’existence d’une différence entre les prix pratiqués à l’égard des « sightholders » et ceux pratiqués par Diamdel à l’égard des « non-sightholders », laquelle est contestée par la Commission, mais reconnue par De Beers elle-même, il suffit de constater que, à supposer qu’une telle différence existe, la Commission a exposé dans la décision de rejet comme dans la lettre prévue par l’article 7 plusieurs justifications caractéristiques d’un fournisseur en aval pour l’expliquer. Ces justifications sont fondées essentiellement sur le fait que les « sightholders » sont des clients réguliers à long terme achetant de gros volumes, alors que les « non-sightholders » sont des acheteurs plus irréguliers achetant de plus petites quantités de diamants, qui n’ont été remises en cause ni au cours des procédures administratives ni dans le cadre de la présente instance.

286    Dans ces conditions, l’ensemble des arguments dirigés contre l’appréciation par la Commission de l’offre de diamants bruts de Diamdel doivent être rejetés.

 Sur l’offre des autres producteurs (affaires T-108/07 et T-354/08)

287    Si la décision de rejet ne fait aucune mention de l’offre des producteurs autres que De Beers et Alrosa, ainsi que le souligne la requérante, elle se fonde sur la lettre prévue par l’article 7, dans laquelle il est indiqué que les diamants produits par Alrosa complètent les offres des producteurs de diamants concurrents, tels que Rio Tinto et BHP Billiton.

288    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a déduit d’un article de presse et des réponses des producteurs aux demandes de renseignements complémentaires que leur offre était comprise entre 3 et 4 milliards de USD en 2005.

289    La requérante estime que la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation de la capacité des autres producteurs à constituer de réelles sources d’approvisionnement pour les « non-sightholders ».

290    En premier lieu, la requérante fait valoir que les productions des concurrents de De Beers et d’Alrosa sont fragmentaires et limitées par rapport à celle de De Beers, de sorte qu’elles ne pourraient être considérées comme des alternatives à De Beers. Elle souligne ainsi que seuls deux producteurs ont été mentionnés lors de la procédure initiale et rappelle que leurs parts de marché, telles qu’établies par la Commission dans le mémoire en défense, se limitent à 8 % pour Rio Tinto et à 5 % pour BHP Billiton. Elle cite en outre le cas d’un producteur, Miba, qui aurait arrêté sa production et serait proche de la faillite. La requérante conteste également la prise en compte de ces autres producteurs comme étant de véritables sources d’approvisionnement alternatives, dès lors que la Commission les avait considérées précédemment – dans la décision De Beers/LVMH et dans la décision sur les engagements de De Beers – comme trop fragmentées et non fiables, par opposition à l’approvisionnement régulier et homogène assuré par De Beers. Elle ajoute que l’un des producteurs retenus par la Commission, Rio Tinto, produisait des diamants de faible qualité.

291    L’argumentation de la requérante ne permet pas d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

292    D’abord, les éléments de preuve qu’elle a fournis ne permettent pas de démontrer que Miba aurait cessé son activité et que les diamants produits par Rio Tinto seraient de qualité moindre. En effet, d’une part, l’annexe de la réplique à laquelle renvoie la requérante évoque seulement le retard dans le paiement des salaires des employés de Miba et non un arrêt de sa production. D’autre part, l’autre annexe de la réplique à laquelle renvoie la requérante fait état de la qualité des diamants d’une seule des mines exploitées par Rio Tinto, celle située en Australie, alors qu’elle exploite d’autres mines, et indique au surplus qu’y est produit le diamant rose qui est considéré comme un type de diamant de qualité exceptionnelle dont la valeur par carat serait de 500 000 USD.

293    Ensuite, la décision De Beers/LVMH et la décision sur les engagements de De Beers sont dépourvues de pertinence aux fins de l’appréciation en l’espèce de l’offre des autres producteurs. La décision De Beers/LVMH porte en effet sur des données résultant d’une enquête de marché de 2001 avant la mise en œuvre du SOC, qui ne peuvent être considérées comme pertinentes s’agissant d’enquêtes relatives à la mise en œuvre du SOC menées en 2004 et surtout en 2007. De même, l’extrait cité de la décision sur les engagements de De Beers relatif à la capacité de De Beers de fournir la gamme de diamants la plus large ne signifie pas que les productions des autres producteurs ne doivent pas être prises en compte.

294    Enfin, la requérante ne mentionne que les ventes de deux producteurs alors que la Commission en cite six dans la décision complémentaire de rejet. Par ailleurs, elle ne conteste pas le montant total des ventes des autres producteurs mentionné dans la décision complémentaire de rejet, à savoir au minimum 3 milliards de USD, dont il convient de préciser qu’il représentait environ 20 % de l’offre mondiale en 2005 (soit 3 milliards de USD rapportés à 13 milliards de USD).

295    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que plusieurs facteurs contribueraient à limiter la disponibilité des diamants bruts des autres producteurs à l’égard des « non-sightholders ».

296    Tout d’abord, certains producteurs – elle cite Aber et LLD Diamonds – seraient intégrés verticalement et leur production pourrait donc ne pas être disponible pour les négociants spécialisés exclusivement dans les diamants bruts et pour les fabricants du marché secondaire.

297    Ensuite, selon la requérante, des ventes auraient lieu régulièrement entre certains producteurs. La requérante cite les achats de LLD Diamonds à De Beers et à Alrosa et mentionne de manière générale l’existence de liens économiques entre De Beers et ses concurrents.

298    Enfin, les « sightholders » et Diamdel pourraient également acheter des diamants bruts auprès des autres producteurs, réduisant encore l’offre à la disposition des fabricants du marché secondaire.

299    L’argumentation présentée par la requérante ne permet pas davantage d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

300    Il y a lieu de relever tout d’abord que les arguments de la requérante relatifs à l’intégration verticale de certains producteurs et aux ventes régulières entre producteurs reposent sur l’invocation de deux producteurs dont la production est minime, puisque représentant 2 à 3 % de la production mondiale pour Aber, ou négligeable, puisque équivalant à moins de 1 % pour LLD Diamonds, par rapport aux autres producteurs mentionnés par la Commission, tels que Rio Tinto et BHP Billiton dont les parts de marché atteignent respectivement 6 à 8 % et 4 à 5 % selon les réponses données aux demandes de renseignements complémentaires. Bien plus, ainsi qu’il ressort du point 139 ci-dessus, le montant des achats de LLD Diamonds à De Beers était peu élevé. Ces arguments ne sont dès lors pas à eux seuls susceptibles de remettre en cause la conclusion de la Commission relative à la disponibilité de l’offre des autres producteurs pour les « non-sightholders ».

301    Ensuite, quant à l’argument fondé sur les achats de diamants des autres producteurs par les « sightholders » et Diamdel, il suffit de renvoyer aux considérations précédentes relatives à l’offre des « sightholders » et à celle de Diamdel, selon lesquelles, d’une part, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les « sightholders » et Diamdel constituaient des sources d’approvisionnement en diamants bruts pour les « non-sightholders » (voir points 249 et suivants et 275 et suivants ci-dessus) et, d’autre part, ne relèvent pas du SOC les diamants bruts vendus aux « sightholders » par d’autres que De Beers (voir point 227 ci-dessus) et les diamants bruts vendus par Diamdel (voir point 279 ci-dessus).

302    Par conséquent, l’ensemble des griefs dirigés contre l’appréciation de l’offre en diamants bruts des autres producteurs doivent être rejetés. Il en résulte également que la Commission n’était pas tenue d’interroger ces producteurs sur leurs stocks ainsi que sur la qualité et la taille des diamants vendus (voir point 136 in fine ci-dessus).

 Sur la disponibilité globale des diamants bruts (affaires T-108/07 et T-354/08)

303    Dans la décision de rejet, la Commission a considéré, premièrement, que 30 % des diamants bruts produits par De Beers étaient disponibles pour le marché secondaire et, deuxièmement, qu’il n’avait pas été établi que la réduction du nombre de « sightholders » (passant de 120 à 90) consécutive à l’introduction du SOC produisait un impact considérable sur la concurrence et aboutissait à une diminution des diamants bruts disponibles. Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a considéré que l’enquête complémentaire avait permis d’établir que la valeur des diamants bruts disponibles en dehors du SOC excédait 7 voire 8 milliards de USD et qu’elle n’avait dès lors pas à revenir sur sa conclusion de faible risque d’effets d’exclusion anticoncurrentiels.

304    La requérante conteste la conclusion d’une disponibilité suffisante des diamants bruts pour le marché secondaire.

305    Pour ce faire, en premier lieu, elle se fonde sur plusieurs documents qui attesteraient de l’existence de difficultés d’approvisionnement sur le marché secondaire.

306    Il y a lieu de relever que les éléments de preuve avancés par la requérante ne permettent pas de remettre en cause la conclusion de la Commission relative à l’existence d’une certaine disponibilité des diamants bruts. En effet, les lettres de refus d’approvisionnement produites en annexe à la requête concernent la seule requérante et deux producteurs de diamants. De même, la lettre ouverte adressée par les Diamonds Manufacturers and Importers of America (DMIA) à De Beers, outre le fait qu’elle est postérieure à la décision de rejet et qu’elle serait selon la Commission une déclaration d’opinion motivée par des raisons politiques, constitue une demande des fabricants américains visant à obtenir des diamants de De Beers et ainsi à se voir reconnaître le statut de « sightholder ». Partant, elle ne porte pas directement sur l’approvisionnement des « non-sightholders » du marché secondaire.

307    En deuxième lieu, la requérante conteste le caractère suffisant de la part de 50 % de diamants bruts échappant au SOC mentionnée par la Commission pour conclure à la disponibilité des diamants bruts pour le marché secondaire. En effet, une telle conclusion démontrerait la compréhension erronée par la Commission du critère des effets d’exclusion, celle-ci l’assimilant à tort à l’établissement de l’existence d’un monopole. Elle révélerait également une application erronée dudit critère, dès lors qu’il conviendrait, d’une part, de déterminer la concurrence réelle et effective opposée à De Beers par des fournisseurs indépendants capables de compenser l’offre contrôlée par De Beers et, d’autre part, de prendre en compte toutes les activités potentielles de monopolisation de cette dernière. La requérante indique à cet égard que De Beers contrôlerait 75 % des diamants au niveau mondial.

308    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la requérante ne conteste pas la part de 50 % de l’approvisionnement mondial qui resterait disponible et qui résulte de la somme des approvisionnements en diamants bruts assurés par les « sightholders » hors SOC, par les autres producteurs, au nombre desquels figure Alrosa, et par Diamdel. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, déduire de ce pourcentage l’existence d’un faible risque d’effets d’exclusion ne revient pas à exiger, pour retenir de tels effets, l’existence d’un monopole. En effet, il pourrait être considéré qu’un monopole serait requis uniquement si la Commission avait exigé un pourcentage d’approvisionnement soumis au SOC se rapprochant de 100 %, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il ne saurait ainsi être reproché à la Commission d’avoir erronément interprété le critère des effets d’exclusion.

309    Par ailleurs, il résulte des développements qui précèdent, d’une part, que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que Diamdel et les « sightholders », malgré leurs liens avec De Beers, constituaient de véritables sources d’approvisionnement pour les « non-sightholders » (voir points 249 et suivants et 275 et suivants ci-dessus) et, d’autre part, que, si la Commission a examiné séparément les effets d’exclusion et les autres illégalités reprochées à De Beers, dont certaines viseraient à établir un monopole, cela ne signifie pas qu’elle n’ait pas tenu compte des interactions entre ces différents éléments (voir point 146 ci-dessus). Enfin, il est erroné d’affirmer que De Beers contrôle 75 % des diamants bruts au niveau mondial, dès lors qu’il résulte du site Internet de De Beers dont est issue cette donnée que les « sightholders », et non De Beers, traitent, et non contrôlent, 75 % des diamants dans le monde. Les arguments de la requérante visant à établir que la Commission aurait erronément appliqué le critère des effets d’exclusion ne sauraient dès lors pas davantage être retenus.

310    En troisième lieu, la requérante conteste qu’il n’ait pas été établi que la réduction du nombre de « sightholders » à la suite de la mise en œuvre du SOC produisait un impact considérable sur la concurrence et aboutissait à une diminution des diamants bruts disponibles, en se fondant notamment sur la décision De Beers /LVMH.

311    À cet égard, la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, estimer que la requérante n’avait pas établi que la réduction du nombre de « sightholders » en raison du SOC produisait un impact considérable sur la concurrence et ainsi accentuerait les effets d’exclusion du SOC. En effet, à l’exception de la décision De Beers/LVMH, la requérante ne fournit aucun élément au soutien de cette allégation. S’agissant précisément de cette décision, indépendamment du fait qu’elle a été adoptée près de six ans avant la décision de rejet, comme l’ont souligné la Commission et les intervenantes, il y a lieu de relever que son passage pertinent indique que, « [e]n limitant les fournitures de DTC aux meilleurs sightholders, De Beers réduirait la concurrence entre ses clients ». Ainsi, cette décision se prononce sur la concurrence entre « sightholders » alors qu’était en cause en l’espèce la question plus générale de l’approvisionnement du marché secondaire, et ainsi de l’approvisionnement des « non-sightholders », dont les « sightholders » ne constituent qu’une source. Il y a lieu d’ajouter qu’une diminution du nombre de « sightholders » et de la concurrence entre eux ne signifie pas nécessairement une diminution de l’approvisionnement des « non-sightholders ». En tout état de cause, compte tenu de l’ampleur limitée de la réduction du nombre de « sightholders », correspondant à 25 % du nombre de « sightholders » avant la mise en œuvre du SOC, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, rejeter l’allégation d’un impact considérable sur la concurrence.

312    Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs dirigés contre les appréciations de la disponibilité globale des diamants bruts dans la décision de rejet et dans la décision complémentaire de rejet doivent être rejetés.

 Sur l’évolution du marché (affaire T-354/08)

313    Dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a examiné plusieurs aspects de l’évolution du marché. Elle a notamment estimé que le processus d’enrichissement (voir point 38 ci-dessus) en cours dans les principaux pays africains producteurs de diamants (Afrique du Sud, Namibie, Bostwana), d’où proviennent la plus grande partie des diamants de De Beers, était susceptible de réduire les ventes de diamants bruts par les « sightloders » et ainsi conduirait à la diminution de la valeur des diamants distribués par l’intermédiaire du SOC. En effet, dans le cadre de ce processus, les diamants bruts destinés à l’industrie locale sont vendus à des entreprises communes formées entre De Beers et les autorités gouvernementales nationales ou à des entreprises publiques locales, lesquelles les revendent à des sociétés sélectionnées sur la base de différents critères de sélection. La Commission a également considéré que le « Forevermark », qui est une marque appartenant au groupe De Beers consistant en une inscription apposée sur certains diamants dans le but d’identifier lesdits diamants provenant de De Beers comme respectant notamment les meilleures pratiques en matière d’environnement et de comportement social, était sans rapport avec la question des effets d’exclusion et, partant, n’entrait pas dans le champ de la procédure complémentaire.

314    La requérante estime que l’analyse par la Commission de cette évolution repose sur des faits matériellement inexacts et sur des erreurs manifestes d’appréciation.

315    En premier lieu, le processus d’enrichissement ne ferait que renforcer encore davantage le contrôle exercé par De Beers sur le marché des diamants, en raison de l’importance des critères du SOC dans les systèmes de sélection en Namibie et au Bostwana et de l’« échec complet » du State Diamond Trader (SDT), qui est l’entreprise publique créée en Afrique du Sud pour recevoir les diamants concernés.

316    Quant aux critères de sélection utilisés en Namibie et au Bostwana, il peut être relevé que la requérante ne conteste pas que les critères du SOC ne soient pas les seuls à être appliqués. Elle estime toutefois que, en raison de l’inclusion de ces critères dans le processus de sélection en vigueur dans ces deux pays, seuls les « sightholders » ou les sociétés liées à des « sightholders » pourraient être sélectionnés, ce qui aboutirait à un détournement du processus d’enrichissement et à une réapparition du SOC dans lesdits pays.

317    Tout d’abord, il convient de rappeler que la Commission a indiqué dans la décision complémentaire de rejet, sans que la requérante le conteste, que, parmi les onze entreprises sélectionnées en Namibie pour la période 2007-2011, trois ne présentaient aucun lien avec De Beers ou un « sightholder » de De Beers, ce qui démontre que l’application des critères du SOC dans le cadre du processus d’enrichissement n’implique pas nécessairement la sélection de « sightholders ». La requérante affirme certes, dans la requête, que toutes les entreprises sélectionnées au Bostwana ont des liens avec des « sightholders », ce que la Commission ne conteste pas. Cependant, les entreprises sélectionnées à la suite de cette procédure ne seront pas nécessairement sélectionnées lors de procédures ultérieures. En effet, les entreprises sont sélectionnées sur la base de la comparaison de leurs notes individuelles calculées en additionnant les points obtenus pour chacun des critères de sélection, de sorte que les procédures de sélection ultérieures pourraient aboutir à ce que certaines entreprises non liées à des « sightholders » soient sélectionnées, et ce d’autant plus que les critères de sélection spécifiques au processus d’enrichissement (exigeant une importante implantation locale en termes d’emplois, d’utilisation des matières premières locales ou de promotion de l’industrie locale), distincts des critères du SOC, comptent pour 60 % dans la sélection au Bostwana contre 50 % en Namibie. L’argument de la requérante fondé sur la sélection au Bostwana ne permet dès lors pas de remettre en cause la considération de la Commission dans la décision complémentaire de rejet selon laquelle le processus d’enrichissement était susceptible de réduire les ventes des « sightholders » (voir point 313 ci-dessus).

318    Ensuite, quand bien même tout ou partie des entreprises sélectionnées seraient affiliées à des « sightholders », cette affiliation ne permet pas davantage de remettre en cause la considération de la Commission selon laquelle le processus d’enrichissement aboutirait à une diminution de la part prise par le SOC dans la distribution des diamants bruts de De Beers. En effet, l’utilisation des critères appliqués dans le cadre du processus d’enrichissement, quand bien même certains de ces critères seraient des critères du SOC, conduit à ce que des entreprises communes locales, et non De Beers, vendent des diamants à des entreprises sélectionnées sans que leur soient imposées les différentes règles du SOC, de sorte que les diamants en cause peuvent être considérés comme n’entrant pas dans le système de distribution du SOC.

319    Quant au SDT en Afrique du Sud, il suffit de constater que la requérante admet elle-même que les « sightholders » ne sont pas autorisés à lui acheter des diamants. Il en résulte que, quand bien même les volumes et la qualité des diamants vendus par le SDT ne seraient pas aussi importants que ceux escomptés, celui-ci représente une source d’approvisionnement pour les « non-sightholders ».

320    En deuxième lieu, la Commission considérerait à tort que l’expansion du « Forevermark » n’est pas liée à l’existence des effets d’exclusion. Elle se fonde ainsi sur la décision De Beers /LVMH pour soutenir que le « Forevermark » aboutirait à ce que les producteurs indépendants privilégieraient les ventes à De Beers, qui leur proposerait des prix plus attractifs au détriment des ventes sur le marché libre.

321    Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les liens entre le « Forevermark » et la question des effets d’exclusion, il suffit de constater que la Commission était fondée à rejeter les allégations de la requérante fondées sur le « Forevermark ». En effet, ces allégations, qui étaient fondées sur une analyse purement prospective datant de 2001, déjà prise en considération dans la décision de rejet, ne pouvaient être considérées comme portant sur une évolution du marché depuis l’adoption de ladite décision et devant être prise en compte par la Commission. Ce second argument est dès lors inopérant.

322    Il en résulte que l’ensemble des arguments relatifs à l’appréciation par la Commission de l’évolution du marché depuis l’adoption de la décision de rejet doivent être rejetés, et partant la deuxième branche du troisième moyen dans son intégralité.

 Appréciation du rôle du médiateur (affaire T-108/07)

323    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation de l’efficacité du mandat révisé du médiateur, en soulignant que la version révisée du mandat du médiateur de 2007 ne contenait aucune modification substantielle.

324    La Commission prétend à titre liminaire, soutenue par les intervenantes, que certains des griefs avancés par la requérante contre l’appréciation de l’efficacité du médiateur effectuée dans la décision de rejet seraient tardifs, ceux-ci remettant en cause des éléments du SOC ayant d’ores et déjà été approuvés dans sa lettre de classement de 2003, et devraient partant être rejetés comme irrecevables.

325    Il convient à cet égard de rappeler la jurisprudence selon laquelle l’envoi d’une lettre administrative de classement réservant la possibilité d’une réouverture de la procédure ne saurait avoir pour conséquence que la Commission ne serait plus autorisée à prendre en compte un élément nouveau ou un élément existant avant la délivrance de la lettre administrative, mais qui n’avait été porté à la connaissance de la Commission que plus tard, notamment dans le cadre d’une plainte déposée ultérieurement (voir point 153 ci-dessus). Or, en l’espèce, l’ensemble des griefs de la requérante dirigés contre l’appréciation par la Commission du rôle du médiateur portent soit sur la mise en œuvre du SOC, par définition postérieure à la lettre de classement de 2003 (voir point 9 ci-dessus) qui s’est prononcée sur le SOC avant sa mise en œuvre, soit sur la révision du mandat du médiateur intervenue en 2007, et ce même si la requérante fait état incidemment, aux fins d’expliquer le contexte de son argumentation, de certains aspects du SOC appréciés dans le cadre de la procédure close par la lettre de classement, tels que les informations demandées par les profils de « sightholders » ou les critères de sélection du SOC (voir points 328 et 334 ci-après).

326    Il en résulte, d’une part, que ces aspects pouvaient être examinés par la Commission dans le cadre de son traitement de la plainte de la requérante, ce qu’elle a d’ailleurs fait dans la décision de rejet sans se retrancher derrière la lettre de classement, et, d’autre part, que la requérante est recevable à contester cet examen.

327    Il convient par conséquent d’examiner les deux séries d’arguments critiquant l’appréciation par la Commission de l’efficacité du médiateur dans le cadre du SOC.

328    En premier lieu, la requérante fait valoir que le nouveau mécanisme de filtrage instauré par le mandat révisé du médiateur (partie 4 du mandat) n’est pas de nature à garantir que De Beers ne recevra pas d’information qu’elle n’est pas autorisée à obtenir en vertu du SOC. En effet, les « sightholders », qui sont placés sous la totale dépendance de De Beers et qui craignent que le médiateur retire des informations de leurs profils, s’assureraient que ces informations soient transmises à De Beers par d’autres moyens échappant au contrôle du médiateur. La requérante cite à cet égard notamment les rapports oraux effectués par des « sightholders » devant De Beers de même que les nombreuses rencontres entre eux au cours desquelles de multiples informations sont échangées sans la présence du médiateur. Elle mentionne également la mise en place, quelques jours seulement après la décision de rejet, d’un « mécanisme destiné à contourner le médiateur ».

329    Dans la décision de rejet, la Commission a évoqué l’ensemble des mécanismes prévus par le mandat du médiateur destinés à éviter la transmission à De Beers d’informations relatives aux « sightholders » autres que celles requises par le SOC.

330    Sans même qu’il y ait lieu de se fonder sur les éléments postérieurs à la décision de rejet allégués par la Commission et contestés par la requérante, il peut être considéré que les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer l’inefficacité de ces mécanismes.

331    En effet, la requérante conteste le mécanisme de filtrage par le médiateur en faisant valoir que De Beers aurait la possibilité d’obtenir et se verrait d’ailleurs remettre toute une série d’informations relatives aux « sightholders » en dehors de la présence du médiateur et sans que le mécanisme de filtrage soit mis en œuvre à leur égard. Or, il ressort des paragraphes 14 et 15 du mandat du médiateur régissant le mécanisme de filtrage que ledit mécanisme prend précisément en compte ce type d’informations et garantit qu’elles ne soient pas transmises indirectement à De Beers. Sont effectivement soumises au filtrage du médiateur, en vertu du paragraphe 14, sous i) à iii), du mandat du médiateur, toutes les informations confidentielles transmises à De Beers, sans autres précisions, c’est-à-dire dans quelque contexte que ce soit, les informations confidentielles obtenues par des tiers travaillant pour le compte de De Beers ou fournissant des services à De Beers, ainsi que tous les formulaires complétés par le personnel de De Beers lors de leurs visites des établissements des « sightholders » aux fins d’apprécier le critère de la capacité technique de fabrication. En outre, le paragraphe 15 du mandat du médiateur prévoit, s’agissant des formulaires susvisés, que les membres du personnel de De Beers qui sont amenés à les compléter ne peuvent en révéler le contenu à d’autres membres du personnel de Beers avant le filtrage effectué par le médiateur. Il prévoit également, pour l’ensemble des informations mentionnées dans le paragraphe 14 du mandat du médiateur, que, dans l’hypothèse où ces informations seraient transmises à des membres du personnel de De Beers avant de passer par le médiateur, De Beers doit s’assurer que ceux-ci ne participent à aucune des instances devant prendre une décision en lien avec l’une ou l’autre de ces informations confidentielles. Ce dernier « garde-fou », appelé « mécanisme de la muraille de Chine » et évoqué d’ailleurs par la Commission dans la décision de rejet, est totalement passé sous silence par la requérante. Par ailleurs, le mandat du médiateur prévoit également la sanction a posteriori de la prise en compte d’informations confidentielles non autorisées, puisque son paragraphe 19, en interdisant à De Beers de prendre une décision fondée sur des informations non autorisées, permet au médiateur de contrôler le respect de cette interdiction et, le cas échéant, de sanctionner son non-respect.

332    Il résulte de ce qui précède que la partie 4 du mandat du médiateur a mis en place un dispositif complet destiné à empêcher que des informations confidentielles non prévues par le SOC ne soient communiquées à De Beers et utilisées par elle, envisageant très largement les sources des informations concernées et prévoyant toute une série de dispositions pour assurer son efficacité.

333    Il convient d’ajouter à cet égard, quant à la mention par la requérante d’un « mécanisme destiné à contourner le médiateur » (voir point 328 ci-dessus), qu’une telle allégation n’est nullement étayée, dès lors que la requérante ne fournit aucune explication sur la nature du contournement en cause et se contente de renvoyer à une annexe de la réplique insistant sur le rôle des « Key account managers » (responsables grands comptes) et portant au surplus sur une période postérieure à la décision de rejet (2008-2010). En tout état de cause, à supposer que la requérante se fonde sur cette annexe pour mettre en évidence l’importance des informations parvenant à De Beers grâce à ces « Key account managers », il suffit de rappeler que ces derniers sont des membres du personnel de De Beers et qu’ils sont dès lors soumis aux mécanismes prévus par la partie 4 du mandat du médiateur.

334    En deuxième lieu, la requérante soutient que les dispositions du mandat révisé du médiateur relatives au traitement des plaintes par le médiateur (partie 5 du mandat) sont également inefficaces. En effet, les critères de sélection seraient tellement subjectifs que De Beers aurait suffisamment de marge de manœuvre pour justifier sa décision de sélection ou de rejet sans avoir à en révéler les véritables motifs, comme en attesterait d’ailleurs le fait qu’elle ne lui aurait donné que des explications obscures à propos du rejet de sa candidature au statut de « sightholder » pour la période 2008-2011. Ce serait par ailleurs un fait connu dans le secteur qu’un ancien « sightholder » a déposé trois plaintes et n’a pas obtenu réparation, bien que le médiateur se soit prononcé en sa faveur. La requérante explique enfin qu’elle n’a pas saisi le médiateur lors du retrait de son statut de « sightholder » en 2003, compte tenu de son inefficacité admise par tous à l’époque, son mandat n’ayant pas encore été révisé

335    Dans la décision de rejet comme dans la lettre prévue par l’article 7, la Commission a d’abord explicité plusieurs règles issues notamment de la révision du mandat du médiateur en 2007 pour rejeter les allégations de la requérante relatives à l’inefficacité du dispositif de traitement des plaintes par le médiateur. Elle s’est ainsi fondée sur l’obligation de motivation des décisions se prononçant sur l’octroi du statut de « sightholder » et sur l’attribution d’une pondération aux critères de sélection qui est communiquée aux « sightholders » pour considérer que le médiateur était en mesure de procéder à un véritable contrôle des décisions de De Beers, notamment grâce à une comparaison entre les réponses données aux différents candidats. Elle a également évoqué la possibilité pour le médiateur d’adresser des recommandations contraignantes pouvant même consister en un dédommagement pour le « sightholder ». La Commission a ensuite indiqué que, contrairement à l’allégation de la requérante selon laquelle aucune plainte n’avait été introduite devant le médiateur, ce qui attesterait de son inefficacité, plusieurs plaintes avaient été déposées et étaient en cours d’examen par le médiateur, tout en relevant que la requérante elle-même n’avait pas déposé de plainte pour contester le rejet de sa candidature en 2003.

336    Il convient de constater que la requérante ne conteste pas certains des éléments ci-dessus évoqués qui contribuent pourtant à l’efficacité du médiateur, tels que notamment le caractère contraignant de ses recommandations. Quant aux éléments contestés par la requérante, aucune de ses critiques ne permet de remettre en cause l’appréciation de la Commission relative à l’efficacité du médiateur.

337    S’agissant tout d’abord de l’allégation d’une absence d’obligation à la charge de De Beers de révéler les véritables motifs de ses décisions attestée par la lettre de cette dernière qui avait rejeté sa candidature en 2008, il y a lieu de rappeler que le paragraphe 12 du mandat du médiateur impose à De Beers, lorsqu’elle prend des décisions relatives à l’admission des candidatures, d’exposer « sa motivation de façon suffisamment détaillée (y compris les pondérations accordées aux différents critères applicables aux ‘sightholders’) afin de permettre au candidat de déterminer les principaux motifs sur la base desquels la décision a été prise » et n’autorise De Beers qu’à « exclure […] les informations qui sont confidentielles ou qu’il serait à d’autres titres inadéquat de divulguer, y compris, mais sans s’y limiter, les indices détaillés attribués aux critères applicables aux ‘sightholders’ et les notes d’autres candidats ».

338    Il en résulte que cette disposition ne permet pas à De Beers de refuser à un candidat de lui communiquer ses propres résultats. D’ailleurs, dans la lettre de rejet de sa candidature que la requérante a jointe en annexe à la réplique, De Beers lui indiquait en détail le nombre de points qu’elle avait obtenus pour chaque critère tout en situant ce nombre de points par rapport à la moyenne obtenue par les candidats retenus. Cette lettre invitait également la requérante à contacter un « Key account manager » de De Beers pour discuter des détails du rejet de sa candidature. Par ailleurs, l’exclusion de la communication de certaines informations confidentielles prévue par la disposition du mandat du médiateur susvisée ne s’applique pas au médiateur et n’entrave ainsi pas l’exercice de sa mission.

339    S’agissant ensuite de l’allégation selon laquelle la mission du médiateur serait rendue inefficace du fait de la subjectivité des critères dont il doit contrôler l’application, elle ne saurait davantage être retenue. Même si certains critères peuvent être qualifiés de « subjectifs », en raison de la marge d’appréciation dont disposerait De Beers pour les évaluer, comme le suggère la requérante lorsqu’elle explique ce qu’elle entend par « subjectivité » desdits critères, la Commission a pu considérer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le médiateur était en mesure d’effectuer un contrôle efficace de la procédure de sélection.

340    En effet, la procédure de sélection est fondée sur une comparaison des réponses données par l’ensemble des candidats au statut de « sightholder ». Or, il a été jugé, en matière de fonction publique, que l’examen comparatif des mérites était l’expression du principe d’égalité (voir arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 176, et la jurisprudence citée), dès lors qu’il permettait de procéder à une appréciation des mérites de chaque candidat sur la base d’une même grille de notation en les situant les uns par rapport aux autres. En l’espèce, les critères de sélection et même la pondération qui leur est attribuée, communiqués aux candidats « sightholders » et connus du médiateur, constituent précisément la « grille de notation » unique permettant de conférer une base objective à la procédure de sélection. Le médiateur dispose ainsi lui-même d’une base pour contrôler les appréciations de De Beers. Le mandat du médiateur lui a par ailleurs octroyé divers moyens lui permettant de déterminer les motifs de l’attribution de telle note à tel « sightholder » et ainsi de vérifier l’absence d’attribution arbitraire de ladite note. Ainsi, outre la motivation requise des décisions de De Beers (voir point 337 ci-dessus), qui permet d’ailleurs également aux « sightholders » dont la candidature a été rejetée d’expliciter les motifs de leur plainte, la partie 7 du mandat du médiateur lui donne la possibilité de mener des enquêtes de sa propre initiative, dans le cadre desquelles il dispose notamment du pouvoir d’exiger de De Beers la communication de documents (paragraphe 30 du mandat du médiateur).

341    S’agissant enfin de la pratique du dépôt de plaintes devant le médiateur, dans la mesure où les arguments avancés à cet égard portent sur des événements postérieurs à la décision de rejet, ils ne sont pas de nature à la remettre en cause (voir arrêt du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, point 156 supra, point 87, et la jurisprudence citée) et doivent partant être écartés comme inopérants.

342    En tout état de cause, d’une part, il peut être relevé que la requérante admet désormais, contrairement à ce qu’elle soutenait au cours de la procédure administrative, que des plaintes ont été déposées devant le médiateur. D’autre part, la requérante se contente de prétendre que De Beers ne s’est jamais conformée aux recommandations du médiateur en se fondant sur le cas d’un ancien « sightholder » qui aurait déposé trois plaintes et n’aurait pas obtenu réparation de De Beers malgré une recommandation du médiateur en sa faveur. Or, il ressort du dossier que cette recommandation a fait l’objet du contrôle juridictionnel prévu par le mandat du médiateur et que les juridictions compétentes ont considéré, contrairement au médiateur, que De Beers avait agi dans le respect des règles du SOC. Il ne saurait dès lors en être déduit que De Beers n’a pas respecté le caractère contraignant de la recommandation en cause.

343    Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs dirigés contre les appréciations de la Commission relatives au médiateur doivent être rejetés et, partant, la présente branche du troisième moyen en son entier.

 Appréciation de l’augmentation des prix des diamants (affaire T‑108/07)

344    Dans la décision de rejet, la Commission a examiné plusieurs autres allégations de violation des articles 81 CE et 82 CE par De Beers, dont notamment celles relatives à l’existence d’une entente entre Alrosa et De Beers portant sur la fixation des prix et à l’augmentation abusive des prix des diamants par De Beers.

345    La requérante conteste les appréciations de la Commission relatives à ces deux allégations portant sur l’augmentation des prix des diamants.

346    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir rejeté son allégation relative à l’existence d’une entente entre Alrosa et De Beers portant sur les prix des diamants bruts, alors que, selon la décision sur les engagements de De Beers, De Beers et Alrosa avaient établi des relations commerciales de longue date de manière à réguler ensemble les prix des diamants bruts vendus sur le marché mondial.

347    Il y a lieu de considérer à cet égard que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure que la requérante n’avait pas établi l’existence d’une entente entre De Beers et Alrosa portant sur la fixation des prix des diamants bruts. Il résulte en effet d’une jurisprudence constante qu’un parallélisme de comportement ne peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible, dès lors que, si l’article 81 CE interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (voir arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, dit « Pâte de bois », C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 71, et la jurisprudence citée). Il appartenait dès lors à la requérante de fournir des éléments permettant d’établir que l’entente entre De Beers et Alrosa était la seule explication plausible du parallélisme allégué en matière de prix. Or, la requérante n’a pas fourni de tels éléments en l’espèce. En effet, sa référence au considérant 28 de la décision sur les engagements de De Beers n’est pas pertinente à cet égard, dès lors qu’elle porte sur un passage consacré précisément à l’identification des problèmes concurrentiels que les engagements approuvés par le dispositif de ladite décision visent à éviter.

348    Par ailleurs, indépendamment du problème de preuve de la collusion alléguée, la Commission pouvait rejeter l’allégation de l’existence d’une entente sur les prix entre De Beers et Alrosa au motif, retenu à titre surabondant dans la décision de rejet, qu’une telle allégation était étrangère au SOC faisant l’objet de la plainte de la requérante examinée dans la décision de rejet et qu’elle relevait en réalité de l’autre plainte de la requérante contre l’accord De Beers-Alrosa (voir point 11 ci-dessus). Il convient d’ailleurs de relever à cet égard que la requérante a étayé son allégation d’entente en renvoyant à plusieurs reprises, au cours de la procédure administrative (par exemple, dans ses observations sur la lettre prévue par l’article 7) à ses allégations et éléments de preuve présentés dans le cadre de cette autre plainte.

349    En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir rejeté son allégation relative à l’augmentation des prix imposée par de Beers, selon laquelle l’introduction du SOC aurait provoqué une augmentation des prix dans toute la filière du diamant. La Commission aurait ainsi considéré à tort que « les pénuries de diamants bruts et les développements en matière de prix allégués pourraient être attribués à des cycles économiques ou à des cycles en matière de produits de luxe ». En effet, cette position ne serait pas partagée par les acteurs du secteur, comme l’illustre notamment une déclaration d’Alrosa, qui considère que les prix des diamants sont stables en raison de l’intervention de De Beers.

350    Dans la lettre prévue par l’article 7, la Commission a indiqué, comme le relève la requérante, que « les pénuries de diamants bruts et les développements en matière de prix allégués pourraient être attribués à des cycles économiques ou à des cycles en matière de produits de luxe », en se fondant sur l’article d’un spécialiste de l’industrie diamantaire de 2006 selon lequel :

« En réalité, l’industrie du diamant stagne et, en termes de pièces de joaillerie, est en déclin. Moins de pièces signifie moins de clients […] Pour la deuxième année consécutive, […] plus de diamants polis sont fabriqués que ce qui est requis par le secteur du détail. Cela signifie une augmentation continue des stocks de diamants polis en aval […] [L]’excédent d’offre de diamants polis a récemment provoqué une réduction volontaire de la fabrication en Inde […] Dans les premiers mois de 2006, des fabricants étaient disposés à vendre des diamants polis au prix coûtant ou même en dessous de ce prix. »

351    Dans la décision de rejet, la Commission a indiqué que son analyse globale des réponses données aux demandes de renseignements ne lui permettait pas d’établir un lien causal entre l’augmentation alléguée des prix des diamants et le SOC. Elle a considéré que toute une série de facteurs pouvait influencer ces prix et que la détermination des causes de l’augmentation des prix ne pouvait dépendre de la seule opinion des opérateurs sur le marché. La Commission a également ajouté que la requérante n’avait pas tenu compte d’autres explications possibles de l’augmentation des prix non fondées sur un comportement abusif et qu’elle n’avait pas cherché à expliquer pourquoi les niveaux des prix contestés seraient principalement imputables au SOC.

352    Il suffit de constater à cet égard que les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de remettre en cause ces considérations de la Commission.

353    En effet, la requérante a certes fait état de plusieurs réponses des « sightholders exclus » (réponses des « sigtholders exclus » nos 1 et 5 à la question n° 14) et des bourses diamantaires (réponses des bourses diamantaires nos 1 à 4) indiquant que l’évolution des prix des diamants polis était dictée par De Beers. Il convient de relever toutefois que, d’une part, elle a ce faisant passé sous silence d’autres réponses de ces mêmes entités indiquant clairement que l’évolution des prix des diamants polis était due à des facteurs indépendants de De Beers (réponses du « sightholder exclu » n° 13 et de la bourse diamantaire n° 5) ou se montrant plus prudentes dans l’affirmation d’un lien entre les prix des diamants polis et le SOC (réponses des bourses diamantaires nos 6 et 7) et, d’autre part, les questions relatives aux prix des diamants dans les demandes de renseignements citées par la requérante et les réponses qui y étaient données ne portaient que sur les prix des diamants polis.

354    En revanche, les questions posées aux « sightholders » à propos des prix des diamants portaient à la fois sur les diamants bruts (questions nos 17 et 18) et les diamants polis (question n° 22), et les réponses données à ces questions expliquaient majoritairement l’évolution des prix des diamants bruts par des facteurs indépendants du SOC et décrivaient les rapports entre les prix des diamants bruts et ceux des diamants polis pour considérer soit que les seconds dépendaient des premiers, soit que les prix des seconds dépendaient d’autres facteurs, tels que la qualité des diamants polis ou la demande de diamants polis.

355    En outre, dans le cadre de son enquête relative aux allégations de la requérante, la Commission avait mis en évidence grâce à l’article du spécialiste de l’industrie diamantaire susvisé l’existence de surcapacités dans le secteur du polissage et de réduction volontaire de leur activité par certains fabricants indiens comme de leurs prix, à la suite de la prise de conscience de la baisse de la demande de bijoux (voir point 350 ci-dessus), et partant de l’impact de la demande sur les prix et du lien possible entre les cycles économiques et les prix des diamants.

356    Dans ces conditions, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les éléments dont elle disposait ne lui permettaient pas d’établir de lien causal entre le SOC et l’augmentation des prix des diamants.

357    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la déclaration d’Alrosa invoquée par la requérante (voir point 349 ci-dessus), qui se limite à émettre une opinion, comme en atteste l’usage de l’expression « nous pensons », sans l’étayer, et qui au surplus ne contredit pas la possible imputation de l’évolution des prix des diamants aux variations du cycle de la demande.

358    Cette quatrième branche du troisième moyen doit par conséquent être rejetée, de même que, partant, le troisième moyen dans son intégralité.

4.     Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation (affaires T‑108/07 et T-354/08)

359    Dans les affaires T-108/07 et T-354/08, la requérante considère, en substance, à titre subsidiaire, que, en n’instruisant pas sa plainte avec soin et impartialité, en ne prenant pas en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents et en n’appréciant pas « correctement » certains de ces éléments dans la décision de rejet et dans la décision complémentaire de rejet, la Commission a méconnu son obligation de motivation. Cette exigence de motivation serait d’autant plus importante que la décision de rejet constitue un changement de position par rapport à la décision De Beers/LVMH.

360    Dans l’affaire T-108/07, la requérante ajoute, également à titre subsidiaire, que, en raison de l’annulation par le Tribunal de la décision sur les engagements de De Beers sur laquelle la décision de rejet était fondée, celle-ci serait privée de la motivation requise. La requérante précise en outre que la Commission ne peut remédier au défaut de motivation de la décision de rejet par la présentation d’éléments résultant de l’enquête complémentaire ouverte après l’adoption de la décision de rejet à la suite de l’annulation de la décision sur les engagements de De Beers. Ces éléments porteraient sur les autres producteurs, les achats de Diamdel et des « sightholders » auprès de ces autres producteurs, les ventes d’Alrosa en 2006 aux « non-sightholders », le pourcentage de l’approvisionnement mondial en diamants bruts non soumis au SOC, qui seraient d’ailleurs tous contredits par les données factuelles présentées par la requérante.

361    La seconde allégation de violation de l’obligation de motivation peut être écartée d’emblée, compte tenu de l’arrêt Alrosa de la Cour, point 45 supra, à la suite duquel la décision sur les engagements de De Beers est devenue définitive (voir point 194 ci-dessus).

362    Quant à la première allégation de violation de l’obligation de motivation, elle témoigne d’une confusion entre l’obligation de motivation et la question du bien-fondé de la motivation. Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 mars 2012, Comité de défense de la viticulture charentaise/Commission, T‑192/07, non publié au Recueil, point 108), laquelle recouvre également les obligations de la Commission relatives au traitement d’une plainte (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 72). Il en résulte que, les griefs relatifs à la légalité au fond des décisions attaquées ayant été rejetés lors de l’examen des deuxième et troisième moyens et que la requérante ne présente aucun argument spécifique relatif à l’insuffisance de motivation dont seraient également entachées les décisions attaquées, il y a lieu de rejeter également ce quatrième moyen.

363    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les présents recours doivent être rejetés dans leur intégralité, sans qu’il y ait lieu de verser au dossier les documents communiqués au Tribunal par la Commission lors de l’audience.

 Sur les dépens

364    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

365    En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, De Beers supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Diamanthandel A. Spira BVBA supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      De Beers et De Beers UK Ltd supporteront leurs propres dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

1. Affaire COMP/E-3/38.139 et lettre administrative de classement du 16 janvier 2003

2. Plainte de la requérante

3. Décision de rejet

4. Arrêt Alrosa du Tribunal et procédure complémentaire

5. Décision complémentaire de rejet

Procédure et conclusions des parties

En droit

1. Sur le moyen tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante (affaire T-108/07)

Sur la violation du droit d’accès aux documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation provisoire

Sur la fixation de délais trop courts

Sur la violation du droit de la requérante d’être entendue

2. Sur le moyen tiré de la violation des obligations de la Commission lors du traitement d’une plainte (affaires T-108/07 et T-354/08)

Sur l’absence d’examen de la plainte avec soin et impartialité

Sur la violation de l’obligation de prendre en considération les éléments de droit et de fait pertinents

Sur l’absence d’appréciation globale de la plainte (affaire T‑108/07)

Sur l’absence d’analyse de certains éléments constitutifs d’une infraction à l’article 81 CE ou à l’article 82 CE (affaires T-108/07 et T-354/08)

– Sur le marché pertinent et la position dominante de De Beers sur ce marché

– Sur l’objet anticoncurrentiel du SOC (affaire T-108/07)

– Sur la licéité du système de distribution sélective instauré par le SOC (affaires T-108/07 et T-354/08)

Sur l’absence de prise en compte de la persistance des effets des pratiques anticoncurrentielles alléguées (affaire T-108/07)

3. Sur le moyen tiré de l’appréciation erronée de l’intérêt communautaire (affaires T-108/07 et T-354/08)

Appréciation des critères d’évaluation de l’intérêt communautaire (affaires T-108/07 et T-354/08)

Appréciation des effets d’exclusion (affaires T-108/07 et T‑354/08)

Sur l’offre d’Alrosa (affaires T-108/07 et T-354/08)

– Sur les griefs dirigés contre la décision de rejet

– Sur les griefs dirigés contre la décision complémentaire de rejet

Sur l’offre des « sightholders » (affaires T-108/07 et T-354/08)

Sur l’offre de Diamdel (affaires T-108/07 et T-354/08)

Sur l’offre des autres producteurs (affaires T-108/07 et T‑354/08)

Sur la disponibilité globale des diamants bruts (affaires T‑108/07 et T-354/08)

Sur l’évolution du marché (affaire T-354/08)

Appréciation du rôle du médiateur (affaire T-108/07)

Appréciation de l’augmentation des prix des diamants (affaire T‑108/07)

4. Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation (affaires T-108/07 et T-354/08)

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.