Language of document : ECLI:EU:C:2006:520

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 7 septembre 2006 (1)

Affaire C-284/04

T-Mobile Austria GmbH e.a.

contre

République d’Autriche

[demande de décision préjudicielle introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (Autriche)]

«Sixième directive TVA – Notion d’activité économique – Assujettissement des organismes de droit public – Adjudication par voie d’enchères de droits d’utilisation de fréquences pour des services de télécommunications mobiles numériques de la troisième génération (UMTS) ainsi que pour les GSM‑DCS‑1800 et le système TETRA»





I –    Introduction

1.        En novembre 2000, la Telekom-Control-Kommission, autorité réglementaire autrichienne, a adjugé des lots de fréquences permettant d’offrir des services de télécommunications mobiles du type UMTS/IMT-2000 (2) (appelés aussi services de télécommunications mobiles de la troisième génération – 3 G –) et a attribué dans ce même contexte aux mieux-disants les droits d’utilisation de ces mêmes fréquences. Les redevances récoltées à ce titre se sont élevées à 831 595 241,10 euros au total. Des fréquences permettant d’offrir des services de téléphonie mobile de la deuxième génération (norme GSM (3)), d’une part, et servant au système radioélectrique à ressources partagées transeuropéen TETRA (4), d’autre part, avaient déjà été attribuées auparavant de cette manière.

2.        Les appareils de télécommunications mobiles – 3G disposent d’une capacité de transmission des données supérieure aux téléphones mobiles des générations antérieures. Ils permettent en particulier de proposer des services multimédias comme les vidéoconférences, l’accès à internet et les services en ligne. On considère que l’introduction de la télécommunication mobile UMTS est un progrès technique significatif qui ouvre aux entreprises de télécommunications de nombreux champs d’activité nouveaux.

3.        Dans le litige au principal, les huit entreprises de télécommunications (ci‑après également les «demanderesses») qui ont acquis les droits d’utilisation des fréquences soutiennent que l’attribution des droits est une opération soumise à la TVA et que la redevance d’utilisation des fréquences serait grevée de TVA. Elles réclament dès lors l’émission de factures attestant la TVA. C’est une condition pour déduire, en tant que taxe versée en amont, la TVA qu’elles prétendent avoir acquittée.

4.        Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive sur la TVA (5) (ci-après la «sixième directive») ne sont imposables que les opérations qu’un assujetti accomplit dans le cadre de son activité économique. Conformément à l’article 4, paragraphe 5, la directive n’assimile en principe pas l’État et ses organismes à un assujetti lorsqu’ils agissent en tant qu’autorités publiques. C’est l’interprétation de ces dispositions au regard de l’adjudication par voie d’enchères des droits d’utilisation des fréquences qui est au cœur de la présente procédure.

5.        Dans une demande de décision préjudicielle parallèle (6), dans laquelle nous présentons également des conclusions aujourd’hui, le VAT and Duties Tribunal London pose des questions analogues dans l’examen de l’adjudication de licences UMTS au Royaume-Uni.

6.        De surcroît, d’autres États membres ont suivi les exemples autrichien et britannique en recueillant eux aussi d’importantes redevances de licence. L’importance particulière de la présente procédure et de la procédure parallèle issue du Royaume-Uni ne tient donc pas uniquement aux montants énormes qui sont en jeu. Elles ont aussi valeur d’affaires pilotes pour des litiges analogues dans d’autres États membres.

II – Cadre juridique

A –    Les dispositions relatives à la TVA

1.      La réglementation communautaire

7.        Aux termes de l’article 2, point 1, de la sixième directive sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

«les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel; […]»

8.        L’article 4 de la sixième directive définit l’assujetti comme suit:

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[…]

5. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d’assujettis notamment pour les opérations énumérées à l’annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.

[…]»

9.        L’annexe D mentionne en son point 1 les télécommunications; en tant qu’activité visée à l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive.

2.      La législation nationale

10.      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la loi autrichienne de 1994 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 1994, ci-après l’«UStG 1994») sont soumises à la taxe sur le chiffre d’affaires les livraisons et autres prestations effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise. L’opération effectuée sur la base d’un acte législatif ou administratif, ou réputée effectuée en vertu d’une disposition législative, n’en demeure pas moins imposable.

11.      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’UStG 1994 est considéré comme un entrepreneur au sens de la même loi quiconque exerce de manière indépendante une activité commerciale ou professionnelle. Est commerciale ou professionnelle toute activité permanente visant à en retirer des recettes.

12.      En vertu de l’article 2, paragraphe 3, de l’UStG 1994, les organismes de droit public n’ont en principe d’activité commerciale ou professionnelle que dans le cadre de leurs établissements commerciaux [article 2 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz, ci-après le «KStG»)]. L’article 2, paragraphe 1, du KStG établit qu’est un établissement commercial d’un organisme de droit public tout organe qui est économiquement autonome et a exclusivement ou majoritairement une activité économique permanente à caractère privé, qui vise à en retirer des recettes ou, en l’absence de participation aux échanges économiques généraux, d’autres avantages économiques, et qui ne relève pas de l’agriculture ou de la sylviculture.

13.      L’article 2, paragraphe 5, du KStG dispose dans le passage qui nous intéresse: «L’activité n’est pas une activité économique à caractère privé au sens du paragraphe 1 si elle est accomplie majoritairement en tant qu’autorité publique (service public) […]».

14.      L’article 11, paragraphe 1, première et deuxième phrases, de l’UStG 1994 prévoit ceci: «si l’entrepreneur effectue des opérations au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de l’UStG 1994, il est habilité à délivrer des factures. S’il effectue des opérations destinées à un autre entrepreneur, pour les besoins de son entreprise, ou à une personne morale, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un entrepreneur, il est tenu de délivrer des factures» (7). Ces factures doivent, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, point 6, de l’UStG 1994, mentionner le montant de la taxe afférente à la redevance.

B –    Cadre juridique de l’attribution de fréquences UMTS

15.      Les fréquences d’utilisation sont une ressource rare. Le spectre des fréquences techniquement exploitables a déjà été attribué en grande partie à différents services et types d’exploitation. Pour éviter des perturbations, chaque exploitation dispose de segments (bandes de fréquences) précis délimités entre eux. La réglementation mondiale des fréquences est le fruit des travaux de l’Union internationale des télécommunications (UIT), une organisation internationale œuvrant sous l’égide des Nations unies.

16.      Les bandes de fréquences ouvertes aux télécommunications mobiles UMTS/IMT–2000 ont été établies dans leur principe en 1992 par la Conférence mondiale des radiocommunications (CMR 1992). Dans sa résolution 212, la Conférence mondiale des radiocommunications de 1997 note que le lancement de la mise en place des services de télécommunications mobiles IMT-2000 est attendu vers l’an 2000.

17.      Au niveau européen, la CEPT (8) prépare elle aussi la mise en place de la télécommunication mobile de la troisième génération. Le Comité européen des radiocommunications (CER), qui fait partie de cette organisation, a défini en particulier le spectre des fréquences disponibles dans la décision ERC/DEC/(97)/07 du 30 juin 1997 (9).

18.      La portion du spectre des fréquences réservée à la télécommunication mobile de la troisième génération est subdivisée à son tour en segments dans lesquels plusieurs opérateurs peuvent exploiter des réseaux de télécommunications mobiles les uns à côté des autres. L’étendue des droits d’utilisation des fréquences attribuées varie d’État membre à État membre ainsi que leur nombre (10). Alors que l’Autriche et l’Allemagne, par exemple, ont réparti le spectre entre six opérateurs, il n’y en a eu que trois pour la Belgique et la France. La définition des largeurs des bandes ouvertes pour l’exploitation d’un réseau se fait donc avec une certaine marge d’appréciation – dans les limites des exigences techniques minimales.

19.      La réglementation des fréquences pour les services de téléphonie de la deuxième génération se fonde elle aussi sur des indications de la CEPT.

1.      Réglementation communautaire

20.      Dans la période qui intéresse la décision à rendre, c’est la directive 97/13/CE (11) qui établit le cadre de droit communautaire de l’attribution des autorisations générales et individuelles pour les services de télécommunications.

21.      Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 97/13, «[l]es États membres ne peuvent délivrer une licence individuelle que si le bénéficiaire obtient l’accès à des ressources rares, qu’elles soient physiques ou de toute autre nature, ou s’il est soumis à des obligations particulières ou jouit de droits particuliers, conformément aux dispositions de la section III».

22.      La section III de la directive (articles 7 à 11) régit plus avant la licence individuelle. L’article 10 prévoit que les États membres peuvent limiter le nombre de licences individuelles dans la mesure nécessaire pour garantir l’utilisation efficace du spectre des radiofréquences. Ils doivent à cet égard tenir dûment compte de la nécessité de maximiser les avantages pour les utilisateurs et de faciliter le développement de la concurrence. Les États membres octroient ces licences individuelles sur la base de critères de sélection objectifs, non discriminatoires, transparents, proportionnés et détaillés.

23.      Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 97/13, la délivrance des licences peut donner lieu au prélèvement de taxes pour couvrir les frais. Le paragraphe 2 permet de surcroît d’imposer d’autres redevances:

«Nonobstant le paragraphe 1, dans le cas de ressources rares, les États membres peuvent autoriser leurs autorités réglementaires nationales à imposer des redevances afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de cette ressource. Ces redevances sont non discriminatoires et tiennent compte notamment de la nécessité de promouvoir le développement de services innovateurs et de la concurrence.»

24.      La directive 97/13 a été abrogée par la directive 2002/21 (12). Contrairement à la directive 97/13, l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2002/21 prévoit à présent expressément que les États membres puissent permettre aux entreprises de transférer des droits d’utilisation de radiofréquences à d’autres entreprises.

25.      L’article 9, paragraphe 4, de la directive 2002/21 prévoit ceci dans ce cas:

«Les États membres veillent à ce que l’intention d’une entreprise de transférer des droits d’utilisation de radiofréquences soit notifiée à l’autorité réglementaire nationale responsable de l’assignation des fréquences et à ce que tout transfert se déroule conformément à des procédures fixées par l’autorité réglementaire nationale et soit rendu public. Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait de telles transactions. Dans les cas où l’utilisation d’une radiofréquence a été harmonisée par l’application de la décision n° 676/2002/CE (décision ‘spectre radioélectrique’) ou par d’autres mesures communautaires, de tels transferts n’entraînent aucun changement dans l’utilisation de cette radiofréquence.»

26.      Présente également un intérêt la décision n° 128/1999/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 1998, relative à l’introduction coordonnée dans la Communauté d’un système de communications mobiles et sans fil (UMTS) de troisième génération (13) (ci-après la «décision UMTS»). Par cette décision, le Parlement et le Conseil ont donné en quelque sorte le coup d’envoi de la mise en place sur le plan européen de la télécommunication mobile UMTS.

27.      Les considérants de la décision UMTS visent les développements et textes internationaux relatifs à la télécommunication mobile de la troisième génération. L’article 3, paragraphe 1, de la décision UMTS impose aux États membres de mettre en place un système d’autorisations pour l’UMTS le 1er janvier 2000 au plus tard. Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, «ils veillent, en conformité avec la législation communautaire, à ce que la fourniture de l’UMTS soit organisée dans les bandes de fréquences qui sont harmonisées par la CEPT […]».

2.      Dispositions nationales

28.      Aux termes de l’article 14 de la loi autrichienne sur les télécommunications dans la version du 1er juin 2000 (Telekommunikationsgesetz, ci-après le «TKG»), l’exploitation du service de téléphonie vocale mobile et d’autres services publics de télécommunications mobiles par la voie d’un réseau de télécommunications mobiles exploité en propre requiert une concession. La concession doit être accordée lorsque, en ce qui concerne les concessions portant sur l’exploitation de services publics de télécommunications mobiles, les fréquences ont été attribuées au requérant ou peuvent être attribuées simultanément à l’octroi de la concession (article 15, paragraphe 2, point 3, du TKG). Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, du TKG, les concessions peuvent être transférées moyennant l’autorisation de l’autorité réglementaire. Une redevance doit être versée pour couvrir les frais administratifs exposés pour octroyer la concession (article 17 du TKG).

29.      Aux termes de l’article 21, paragraphe 1, du TKG, il appartient aux titulaires d’une concession de télécommunications mobiles pour garantir l’exploitation efficace du spectre des fréquences d’acquitter par versement unique ou par versements annuels une redevance d’utilisation des fréquences en plus de la taxe d’utilisation des fréquences. L’article 49, paragraphe 4, du TKG prévoit que «[l]’attribution de fréquences destinées à la fourniture de services publics de communications mobiles et d’autres services publics de télécommunications incombe à l’autorité réglementaire».

30.      La procédure d’attribution est plus précisément régie par l’article 49 a du TKG qui dispose en son paragraphe 1: «L’autorité réglementaire doit attribuer les fréquences lui ayant été conférées au demandeur remplissant les conditions générales prévues à l’article 15, paragraphe 2, points 1 et 2, et garantissant l’utilisation la plus efficace des fréquences, ce qui est déterminé par le montant de la redevance offerte en contrepartie du droit d’utilisation des fréquences».

31.      Le règlement de procédure adopté par la Telekom-Control-Kommission au titre de l’article 49 a du TKG ainsi que le document de soumission du 10 juillet 2000 régissent d’autres aspects particuliers propres à la procédure d’attribution des fréquences pour les systèmes de télécommunications de la troisième génération (UMTS/IMT-2000). Ils prévoient notamment des offres minimales de 700 000 000 ATS (50 870 983,92 euros) par lot de fréquences dans les bandes appariées et de 350 000 000 ATS (25 435 491,96 euros) par lot de fréquences dans les bandes non appariées.

32.      Jusqu’au 1er juin 2000, l’attribution des concessions était régie par la version de 1997 des dispositions du TKG.

33.      Ces dispositions du TKG ont été revues en 2003. L’article 56, paragraphe 1, du TKG 2003 régit à présent en particulier la cession de droits d’utilisation de fréquences attribués par l’autorité réglementaire. Cette cession n’est envisageable qu’à certaines conditions et requiert l’autorisation de l’autorité réglementaire.

34.      Les articles 100 à 112 du TKG régissent la constitution et les missions de la Telekom-Control-Kommission. Elle est établie dans la Telekom-Control GmbH, dont l’associé unique est l’État et qui accomplit les missions de l’autorité réglementaire pour autant qu’elles n’aient pas été confiées à la Telekom-Control-Kommission (articles 108 et 109 du TKG). Les missions réglementaires de la Telekom-Control-Kommission comprennent en particulier l’attribution de fréquences au titre des dispositions combinées des articles 49, paragraphe 4, du TKG et 49 a du TKG (article 111 , point 9, du TKG).

III – Les faits et les questions préjudicielles

35.      Par décision du 20 novembre 2000, la Telekom-Control-Kommission a attribué les fréquences et accordé les concessions relatives aux systèmes de télécommunications de la troisième génération (UMTS/IMT-2000). Avant l’attribution, les lots de fréquences ont fait l’objet d’un appel d’offres, puis ont été mis aux enchères dans le cadre d’une procédure de vente publique simultanée en plusieurs étapes. Au cours de tours de table successifs, les soumissionnaires faisaient une offre pour les différents lots proposés jusqu’à ce qu’aucun des participants ne soit plus disposé à faire une nouvelle offre plus élevée. Lors de la vente publique des 2 et 3 novembre 2000, douze lots de fréquences dans les bandes appariées de 5 MHz ont été vendus, puis, au cours d’une autre vente publique simultanée, cinq lots individuels de fréquences de 5 MHz. Sur la base des résultats de la vente publique, les lots de fréquences ont été attribués par décision aux demanderesses. Les redevances d’utilisation des fréquences ont été fixées comme suit:

T-Mobile Austria GmbH:                                      170 417 796,10 euros,

Mobilkom Austria AG & Co. KG:                             171 507 888,60 euros,

TRA-3G Mobilfunk GmbH:                             113 151 602,70 euros,

ONE GmbH:                                                        120 055 522 euros,

Hutchison 3G Austria GmbH:                             139 023 131,70 euros,

3G Mobile Telecommunications GmbH:                    117 439 300 euros.

36.      Chacun des adjudicataires devait verser les montants mentionnés en deux fois, la première dans les sept jours suivant la notification de la décision de la Telekom-Control-Kommission, la seconde dans les six semaines. Les concessions et les droits d’utilisation des fréquences expireront le 31 décembre 2020.

37.      Par décision de la Telekom-Control-Kommission du 3 mai 1999, des droits d’utilisation des fréquences GSM (canaux DCS-1800) ont été attribués à tele.ring Telekom Service GmbH & Co. KG (ci-après «tele.ring»), moyennant une redevance d’utilisation des fréquences de 98 108 326 euros. Par décision de la Telekom-Control-Kommission du 7 février 2000, des fréquences pour le système de radiocommunications européennes TETRA ont été attribuées à Austria Telekom Service GmbH & Co. KG en fixant la redevance d’utilisation des fréquences à 4 832 743,47 euros. Ces décisions ont, elles aussi, résulté d’enchères.

38.      Dans la procédure au principal, les demanderesses réclament à présent l’émission de factures pour les redevances d’utilisation des fréquences, mentionnant la TVA grevant selon elles la redevance. Dans le contexte de cette procédure, le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien a posé, par décision du 7 juin 2004, les questions suivantes au titre de l’article 234 CE:

«1)      Les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, et de l’annexe D, point l, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ci-après la ‘sixième directive’) doivent-elles être interprétées en ce sens que l’attribution par un État membre de droits d’utilisation de fréquences pour les systèmes de téléphonie mobile selon les normes UMTS/IMT‑2000, GSM-DCS-1800 et TETRA (ci-après les ‘droits d’utilisation de fréquences pour les systèmes de téléphonie mobile’) moyennant une redevance d’utilisation des fréquences est une opération relevant du secteur des télécommunications?

2)      L’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens qu’un État membre dont le droit national n’impose pas le critère mentionné à l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive de la portée ‘non négligeable’ d’une opération (règle de minimis) comme condition de la qualité d’assujetti doit en tout état de cause être considéré comme assujetti pour l’ensemble des activités dans le secteur des télécommunications, qu’elles soient ou non négligeables?

3)      L’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que l’attribution par un État membre de droits d’utilisation de fréquences pour les systèmes de téléphonie mobile, moyennant des redevances d’utilisation d’un montant total de 831 595 241,10 euros (UMTS/IMT-2000), 98 108 326 euros (canaux DCS‑1800) et 4 832 743,47 euros (TETRA) respectivement, doit être considérée comme une opération non négligeable, de sorte que l’État membre a la qualité d’assujetti pour cette opération?

4)      L’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que le fait qu’un État membre, lors de l’attribution de droits d’utilisation de fréquences pour les systèmes de téléphonie mobile moyennant une redevance d’un montant total de 831 595 241,10 euros (UMTS/IMT 2000), 98 108 326 euros (canaux DCS-1800) et 4 832 743,47 euros (TETRA) respectivement, ne soumette pas ces redevances à la taxe sur le chiffre d’affaires, alors que les particuliers offrant ces fréquences doivent soumettre cette opération à la taxe sur le chiffre d’affaires, conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance?

5)      L’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens qu’une opération par laquelle un État membre qui attribue à des opérateurs de téléphonie mobile des droits d’utilisation de fréquences pour systèmes de téléphonie mobile de manière telle qu’il détermine tout d’abord une offre maximale pour la rétribution du droit d’utilisation des fréquences, les fréquences étant ensuite attribuées au plus offrant, n’est pas accomplie en tant qu’autorité publique, de sorte que l’État membre est considéré comme un assujetti pour cette opération, indépendamment de la qualification juridique de l’acte portant attribution au regard du droit national de l’État membre?

6)      L’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que l’attribution par un État membre de droits d’utilisation de fréquences pour systèmes de téléphonie mobile décrite sous la cinquième question doit être considérée comme une activité économique, de sorte que l’État membre est considéré comme un assujetti pour cette activité?

7)      La sixième directive doit-elle être interprétée en ce sens que les redevances fixées pour l’attribution de droits d’utilisation de fréquences pour les systèmes de téléphonie mobile constituent des montants bruts (qui incluent déjà la taxe sur la valeur ajoutée), ou des montants nets (qui peuvent encore être majorés de la taxe sur la valeur ajoutée)?»

39.      Dans la procédure devant la Cour, des observations écrites ont été présentées par les entreprises visées aux points 35 et 37, par le Finanzprokurator für die Republik Österreich en qualité de partie défenderesse, par les gouvernements allemand, autrichien, danois, italien, néerlandais, polonais et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes.

IV – Appréciation

40.      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. L’article 4, paragraphe 2, définit plus avant la notion d’activité économique. Ces dispositions ne définissent ainsi pas uniquement la personne susceptible d’avoir la qualité d’assujetti, mais aussi les conditions auxquelles l’activité d’une personne est soumise à la TVA.

41.      L’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive comporte des règles distinctes pour savoir quand l’État est assimilé à un assujetti et quand il ne l’est pas (14). L’application de ces règles présuppose toutefois qu’il y ait avant tout une activité économique au sens de l’article 4, paragraphe 2. C’est la raison pour laquelle il convient tout d’abord d’aborder la sixième question qui vise l’interprétation de cette disposition.

A –    Sur la sixième question préjudicielle: existence d’une activité économique

42.      Par sa sixième question, le juge de renvoi souhaite savoir si l’attribution par un État membre de droits d’utilisation de fréquences pour des systèmes de télécommunications mobiles doit être qualifiée d’activité économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.

43.      L’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive comporte une énumération très large de ce qu’il y a lieu de considérer comme étant une activité économique au sens du paragraphe 1. Parmi celles-ci figure aussi en particulier, en plus de toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, une opération comportant l’exploitation d’un bien incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

44.      La Cour a déduit de cette définition qu’elle «[…] met en évidence l’étendue du champ d’application couvert par la notion d’activités économiques et son caractère objectif, en ce sens que l’activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats» (15).

45.      Les intentions subjectives qui animent l’intéressé dans son activité sont donc dénuées de pertinence. S’il en allait autrement, l’administration fiscale devrait procéder à des enquêtes en vue de déterminer les intentions de l’assujetti, ce qui serait contraire aux objectifs du système commun de TVA d’assurer la sécurité juridique et de faciliter les actes inhérents à l’application de la TVA par la prise en considération, sauf dans des cas exceptionnels, de la nature objective de l’opération concernée (16).

46.      Nous allons tout d’abord examiner l’objection récusant toute idée d’activité économique au motif que l’adjudication par voie d’enchères des droits d’utilisation de fréquences servirait à réguler le marché. Il convient de rechercher dans la foulée si l’opération doit être qualifiée d’exploitation d’un bien incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.

1.      L’objectif consistant à réguler le marché exclut-il toute activité économique?

47.      L’adjudication par voie d’enchères des droits d’utilisation de fréquences est dictée par la circonstance que les radiofréquences sont une ressource rare. La portion du spectre électromagnétique disponible pour les services de télécommunications mobiles est tracée par des conventions internationales. À l’intérieur de cette portion, seul un nombre limité de réseaux de télécommunications mobiles peuvent être exploités côte à côte. L’État doit inévitablement réglementer les choses pour garantir une exploitation ordonnée et exempte de toute perturbation.

48.      La décision UMTS oblige les États membres à mettre en place les procédures administratives nécessaires à l’introduction de services UMTS.

49.      La directive 97/13 et les actes nationaux qui la transposent constituent le cadre juridique concret auquel les États membres sont liés dans l’attribution des bandes de fréquences. Aux termes de l’article 10 de la directive 97/13, il leur appartient d’octroyer les licences individuelles sur la base de critères de sélection objectifs, non discriminatoires, transparents, proportionnés et détaillés. L’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13 leur permet d’imposer des redevances afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de cette ressource.

50.      La République d’Autriche a décidé d’adjuger les droits d’utilisation des fréquences par voie d’enchères. D’après l’article 49 a du TKG, la procédure d’enchères est censée révéler les candidats garantissant l’utilisation la plus efficace des fréquences. D’après les indications données par le gouvernement autrichien, l’idée n’a pas été d’obtenir des recettes élevées pour l’État.

51.      Les États membres qui ont présenté des observations ainsi que la Commission déduisent de ces circonstances que l’attribution des droits d’utilisation des fréquences par la Telekom-Control-Kommission n’a pas été de nature économique au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, mais qu’elle est une mesure de régulation du marché.

52.      On ne saurait adhérer à cette idée.

53.      Une activité sera une activité économique au regard de la TVA en fonction de sa nature objective qui doit être déterminée au vu des circonstances concrètes extérieures. L’objectif poursuivi par l’activité, à savoir réguler l’accès au marché des télécommunications mobiles conformément aux textes de droit communautaire et trouver l’opérateur le plus apte, est en revanche dénué d’intérêt. Les objectifs de cette nature ne doivent en effet pas être pris en considération dans la qualification d’une activité selon la jurisprudence citée (17).

54.      L’objet des enchères était le droit d’utiliser pendant une période de vingt années certaines radiofréquences pour exploiter un réseau de télécommunications mobiles. Ce droit ou la vocation à se le voir attribuer a été acquis par les entreprises qui ont émis les offres les plus élevées dans les enchères.

55.      Ni la qualification juridique de l’octroi de droits d’utilisation de fréquences par l’État – d’autorisation de droit administratif ou de prestation de droit civil – ni la définition que l’on donne de la contreprestation correspondante de l’entreprise ne sont déterminantes pour établir la nature objective de l’activité. Il se trouve en effet que les droits n’ont été attribués que contre versement de la somme résultant des enchères en sorte que la prestation financière est directement liée à l’attribution des droits. La redevance d’utilisation de fréquences ne constitue pas au reste une taxe couvrant les seuls frais administratifs de l’attribution de fréquences.

56.      La question de savoir si la procédure d’attribution des droits d’utilisation de fréquences a été conçue pour retirer des recettes n’est pas décisive non plus. La Telekom-Control-Kommission a en effet objectivement attribué les droits contre une prestation financière censée avoir reflété la valeur économique des droits et qui a nettement dépassé les frais exposés pour cette procédure d’attribution. Les règles des enchères fixant des offres minimales allant jusqu’à 50 millions d’euros, on prévoyait aussi d’emblée de retirer d’importantes recettes. Il est sans incidence sur la qualification de l’adjudication par voie d’enchères au regard de la TVA que ces recettes fussent au centre de l’action de l’État ou qu’elles ne fussent qu’un effet secondaire inhérent à ce type de procédure d’attribution.

57.      Le fait que l’attribution des droits d’utilisation des fréquences se soit finalement inscrite dans un cadre réglementaire inspiré de la réglementation communautaire ne l’empêche pas d’être qualifiée d’activité économique. Le respect de ces données juridiques ne donne à l’acte qu’une orientation (obligatoire) qui ne doit pas davantage être prise en considération pour qualifier une opération d’activité économique ou non (18).

58.      La consultation de l’annexe D, point 7, de la sixième directive montre qu’une activité régulatrice peut être soumise à la TVA en tant qu’activité économique. Parmi les activités qualifiées en effet d’activités de l’État soumises à la TVA conformément à l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive, apparaissent dans cette annexe les opérations des organismes d’intervention agricoles portant sur les produits agricoles et effectuées en application des règlements portant organisation commune du marché de ces produits. Si un organisme d’intervention vend des produits de son stock, il doit donc verser la TVA, bien que ces opérations servent avant tout à réguler le marché et non pas à retirer des recettes.

59.      En se fondant sur les caractéristiques objectives externes de l’opération, on donne à la notion d’activité économique une vaste étendue qui est conforme à la conception qu’en a la Cour (19). Si, à ce stade de l’examen, on considérait déjà qu’un organisme public agit dans l’accomplissement de sa mission légale réglementaire, le champ d’application de la directive serait d’emblée considérablement réduit. Il ne subsisterait en particulier qu’une faible marge pour appliquer l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, bien que cette disposition comporte des règles spéciales à l’égard des pouvoirs publics.

60.      Dans l’arrêtSAT Fluggesellschaft (20) en particulier, cité par un certain nombre de parties, la Cour a certes déterminé que l’exercice de prérogatives publiques ne comporte pas d’activité économique relevant des règles de la concurrence du traité CE.

61.      Ce sont toutefois des notions différentes d’activité économique qui président aux règles de la concurrence et à la sixième directive TVA. Les règles de la concurrence retiennent l’exercice de la puissance publique comme un critère d’exclusion faisant échapper une activité économique de leur champ d’application. Elles ne comportent toutefois pas de régime spécial visant les activités de l’État dans l’exercice de la puissance publique.

62.      La notion d’activité économique figurant à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive est plus large que celle retenue par les règles de la concurrence. L’exercice de la puissance publique n’a tout d’abord ici aucune incidence. Cet aspect n’est pris en compte qu’à un stade ultérieur de l’examen, à savoir dans le cadre du régime spécial de l’article 4, paragraphe 5. Cette disposition serait parfaitement superflue si, par analogie avec les règles de la concurrence, la sixième directive n’avait absolument pas vocation à s’appliquer aux actes de l’autorité publique.

2.      L’exploitation d’un bien en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence

63.      Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive, est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. Les droits d’utilisation de fréquences constituent un bien incorporel.

64.      Selon une jurisprudence constante, le principe de la neutralité du système commun de TVA veut que la notion d’exploitation vise toutes les opérations sans considération de leur forme juridique (21). C’est ainsi que la Cour a qualifié d’exploitation de biens par exemple la mise en location qui doit s’apprécier comme une activité économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive (22). La Telekom-Control-Kommission a cédé aux demanderesses contre le paiement d’une rétribution un droit d’utilisation des fréquences limité dans le temps. Cette opération, qui s’apparente à une mise en location ou à un affermage, doit être considérée comme étant l’exploitation d’un bien incorporel en vue d’en retirer des recettes.

65.      Le Finanzprokurator ainsi que les gouvernements autrichien, danois et néerlandais soutiennent néanmoins que les recettes retirées n’ont pas de caractère de permanence, dès lors que l’attribution des fréquences a été une opération unique.

66.      Alors que le terme «nachhaltig» figurant dans la version en langue allemande n’est pas absolument clair, son rapprochement avec d’autres versions linguistiques montre clairement que les recettes retirées doivent s’inscrire dans la durée (23). L’exploitation commerciale d’un bien à simple titre occasionnel ne constitue donc pas une activité économique au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive ainsi que la Cour l’a déterminé dans l’arrêt Enkler (24).

67.      L’octroi des droits d’utilisation de fréquences à apprécier en l’espèce n’est toutefois pas une exploitation occasionnelle en ce sens. On rappellera brièvement le contexte de l’affaire Enkler pour clarifier les choses. Il s’agissait alors de savoir si la mise en location occasionnelle d’un camping-car, que son propriétaire utilisait par ailleurs essentiellement à titre privé, doit encore être considérée comme l’exploitation d’un objet en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

68.      La Cour a fondé son examen sur la nature de l’objet. Le fait qu’un bien convienne à une exploitation exclusivement économique suffit, en règle générale, pour qu’il soit admis que son propriétaire l’exploite pour les besoins d’activités économiques et, par conséquent, pour réaliser des recettes ayant un caractère de permanence. En revanche, si un bien est, en raison de sa nature, susceptible d’être utilisé tant à des fins économiques que privées, il conviendra d’analyser l’ensemble des conditions de son exploitation pour déterminer s’il est utilisé en vue d’en retirer des recettes présentant effectivement un caractère de permanence (25).

69.      Dans le droit d’utiliser des radiofréquences pour offrir des télécommunications UMTS et GSM, on ne peut considérer qu’une exploitation économique. Il s’ensuit qu’ici la question de la délimitation entre l’exploitation économique et privée d’un objet ne se pose d’emblée pas. Il ne saurait donc pas non plus s’agir d’une activité économique seulement occasionnelle qui s’efface derrière une exploitation privée.

70.      Le système radioélectrique à ressources partagées TETRA doit toutefois servir de manière générale, notamment à la communication des services d’ordre et de sécurité. Si celles-ci délèguent l’exploitation du réseau à un opérateur privé, il y aurait là aussi sur ce point une exploitation économique des fréquences correspondantes. On n’aperçoit en tout cas pas non plus en quoi les droits d’utilisation de fréquences concrètement attribués pour le système radioélectrique à ressources partagées TETRA donneraient lieu de ce fait en partie seulement à une exploitation lucrative.

71.      Le fait que les droits d’utilisation des fréquences n’aient été attribués qu’une seule fois pour une longue période n’en rend pas pour autant non plus leur exploitation économique occasionnelle. Il ne s’agit pas, à cet égard, de considérer la fréquence des opérations similaires accomplies par un assujetti, mais de voir si le bien concret procure des recettes de manière durable. Il n’y a en l’espèce aucun doute sur ce point. Le droit d’utiliser les fréquences a été octroyé pour vingt ans et procure à l’État des recettes sur toute cette période.

72.      Le fait que la redevance d’utilisation des fréquences n’a dû être versée qu’en deux tranches immédiatement après l’attribution des droits et non pas sous la forme d’une rente périodique ne change en rien le caractère permanent des recettes retirées. En théorie, la redevance d’utilisation des fréquences aurait pu être aussi conçue sous une autre forme. L’application ou non de la sixième directive ne saurait toutefois pas dépendre des modalités de paiement de la contrepartie qui relève de la volonté des parties.

73.      Indépendamment de cela, les droits d’utilisation des fréquences sont susceptibles d’être remis, cédés ou retirés avant terme en sorte que l’on ne s’en tient pas à l’attribution unique du droit d’utilisation pour vingt ans.

74.      L’octroi limité dans le temps du droit d’utilisation n’est enfin pas comparable à la vente de titres que la Cour n’assimile pas – lorsqu’elle n’intervient pas dans le contexte d’une gestion commerciale de patrimoine – à une activité économique pour deux raisons (26).

75.      Les recettes tirées de la détention et de la vente de titres – c’est‑à‑dire les dividendes et les plus‑values – ne résultent tout d’abord pas de leur utilisation active, mais découlent directement de leur propriété. À la différence de celles-là, les recettes tirées de l’attribution des fréquences ne sont pas des revenus découlant seulement du droit de disposer des fréquences, comme les dividendes et les plus‑values, mais des recettes provenant de l’exploitation de ce droit.

76.      Les produits de la vente de titres ne sont, d’autre part, encaissés qu’une seule fois. Dès que le bien économique a quitté le patrimoine du vendeur, celui-ci ne peut plus l’exploiter pour en retirer des recettes. En revanche, l’État ne se sépare pas définitivement du droit de disposer des fréquences. Ce droit lui revient au contraire au plus tard à l’issue de la durée de validité de l’attribution de la fréquence et il peut alors à nouveau être attribué.

77.      Il convient donc de répondre à la sixième question:

L’adjudication par voie d’enchères, réalisée par un organisme d’État, du droit d’utiliser durant une période donnée une portion déterminée du spectre électromagnétique pour offrir des services de télécommunications mobiles doit être assimilée, dans les circonstances du litige au principal, à l’exploitation d’un bien incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence et, de ce fait, à une activité économique au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive.

B –    Sur les première à cinquième questions préjudicielles: conditions dans lesquelles des organismes publics agissent en tant qu’assujettis

1.      Observation préalable sur l’économie de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive

78.      La règle de base de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive veut que les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne soient pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques. La disposition exclut ainsi de l’assujettissement général les autorités publiques, même lorsqu’elles accomplissent une activité économique au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive. L’exercice de la puissance publique est ainsi assimilé à l’acte d’un consommateur privé.

79.      Aux termes du deuxième alinéa, l’État a néanmoins la qualité d’assujetti, par dérogation au premier alinéa, lorsque son non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance. L’idée qui préside à cette disposition est que certains organismes d’État peuvent – même lorsqu’ils accomplissent leurs prestations dans le cadre de la puissance publique – entrer en concurrence avec des prestations de concurrents privés. Elle sert alors à garantir la neutralité fiscale (27).

80.       Enfin, aux termes du troisième alinéa, les organismes d’État ont la qualité d’assujettis pour les opérations énumérées à l’annexe D, dans la mesure où celles‑ci ne sont pas négligeables. Les activités qui sont énumérées peuvent donc être considérées sans qu’il y ait lieu de rechercher si l’État les accomplit dans l’exercice de la puissance publique.

81.      Les domaines mentionnés à l’annexe D – en ce compris les services de télécommunications – concernent en substance des prestations économiques (28) qui sont ou ont été le plus souvent accomplies par l’État dans l’exercice de la puissance publique en raison uniquement de leur importance pour l’intérêt général, mais qui pourraient également être offertes par des entreprises privées (29). Certaines des branches économiques mentionnées ont été libéralisées dans l’intervalle. Des entreprises privées se trouvent là effectivement en concurrence tantôt avec des opérateurs privés tantôt toujours avec les anciens monopoles d’État qui subsistent. La sixième directive a manifestement pris en compte cette évolution dès son adoption en 1977.

82.      Si l’attribution de fréquences de télécommunications mobiles devait être qualifiée d’activité non négligeable dans le domaine des télécommunications, elle serait en tout cas soumise à la TVA sans s’interroger sur l’exercice de la puissance publique ou sur une distorsion concrète de concurrence.

83.      L’économie de la disposition commande de poursuivre l’examen des première, deuxième et troisième questions en abordant immédiatement la cinquième question, qui vise l’interprétation de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive. Ce n’est en effet que si l’attribution des droits d’utilisation des fréquences se fait dans l’exercice de la puissance publique qu’il faut en effet préciser si l’organisme public qui opère est néanmoins assujetti au titre de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, dans la mesure où, autrement, il risquerait d’y avoir des distorsions de concurrence.

2.      Sur la première question préjudicielle: la notion de services de télécommunications de l’annexe D de la sixième directive inclut-elle l’adjudication par voie d’enchères de droits d’utilisation de fréquences?

84.      Les parties divergent en substance sur la question de savoir si la notion de «télécommunications» de l’annexe D, point 1, inclut uniquement l’offre de services de télécommunications (30) même – c’est ce que soutiennent la partie défenderesse, les gouvernements qui ont présenté des observations et la Commission – ou également les activités qui y sont liées, et donc aussi l’attribution des droits d’utilisation des fréquences comme le pensent les parties demanderesses.

85.      On ne saurait tirer des termes de l’annexe D une quelconque indication permettant de vider cette controverse. On ne peut accorder aucune signification au fait que la version en langue allemande utilise la notion périmée depuis lors de «Fernmeldewesen» et non pas celle de «Telekommunikation». Dans d’autres versions, on trouve à cet endroit la notion en usage auparavant dans chaque langue (voir, par exemple, «telecommunications» ou télécommunications). Au reste, les notions de «Fernmeldewesen» et de «Telekommunikation» sont largement synonymes.

–       Interprétation historique

86.      Dans une interprétation historique, on pourrait soutenir que l’octroi de fréquences de télécommunications mobiles à des entreprises privées ne puisse pas être couvert par la notion de télécommunications en ce que, à l’époque où la directive a été adoptée, en 1977, les administrations d’État des postes accomplissaient en régie propre toutes les prestations de télécommunications. Le législateur communautaire n’a dès lors vraisemblablement pas voulu au départ adopter de règles visant l’attribution de fréquences de télécommunications à des opérateurs privés.

87.      T-Mobile Austria propose néanmoins de prendre en compte, dans le cadre de l’interprétation historique, le changement des conditions de fait (interprétation évolutive) et de se demander ce que le législateur historique aurait voulu régler au vu de la situation qui se présente actuellement (31). Dans cette approche, il ne serait pas d’emblée exclu que, par cette notion de services de télécommunications, le législateur ait également voulu couvrir l’attribution de fréquences.

88.      Toutefois, la méthode d’interprétation historique n’a de toute façon qu’une portée secondaire et ne saurait être déterminante en elle-même (32). En outre, il convient davantage d’interpréter les dispositions de la sixième directive de manière systématique et en prenant en particulier en compte son objectif.

–       Interprétation systématique

89.      Sur le plan systématique, la définition des prestations de services de télécommunications donnée par l’article 9, paragraphe 2, sous e), dixième tiret, de la sixième directive (33) pourrait tout d’abord avoir un intérêt. Elle se lit comme suit:

«Sont considérés comme services de télécommunications les services ayant pour objet la transmission, l’émission et la réception de signaux, écrits, images et sons ou informations de toute nature par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques, y compris la cession et la concession y afférentes d’un droit d’utilisation de moyens pour une telle transmission, émission ou réception. […]»

90.      L’article 9 définit le lieu qui est considéré comme étant le lieu de la prestation pour les prestations de services. Le paragraphe 2, sous e), détermine aussi à ce titre, notamment pour les prestations de services de télécommunications qui y sont définis, que, pour les prestations de services transfrontières, le lieu de la prestation est l’endroit où le preneur a son siège.

91.      Là où certains gouvernements et la Commission considèrent au fond opportun de tirer des conclusions de cette définition, ils estiment qu’elle n’inclut que des prestations de services de télécommunications au sens strict. Les droits d’utilisation, énumérés dans cette disposition, «de moyens pour une telle transmission, émission ou réception» visent dans leur conception l’infrastructure et non pas les droits d’utilisation de fréquences.

92.      Certaines parties demanderesses déduisent le contraire de ce passage qui se lit comme suit en langue anglaise: «including the related transfer or assignment of the right to use the capacity for such transmission, emission or reception». La notion de «capacity» est précisément aussi employée selon elles dans le sens de «frequency spectrum capacity».

93.      La version en langue anglaise semble certes autoriser cette interprétation; d’autres versions linguistiques corroborent toutefois l’interprétation des gouvernements qui ont présenté des observations et de la Commission (34). En cas de disparité éventuelle entre les versions linguistiques, la finalité de la disposition revêt une importance particulière (35), laquelle plaide ici aussi contre l’inclusion de l’attribution des fréquences.

94.      Ainsi que le gouvernement néerlandais le relève à juste titre, le régime doit assurer que les prestations de services de télécommunications servies à partir d’États tiers à des preneurs dans la Communauté soient taxées dans la Communauté (36). Cette considération ne vaut que pour les prestations de services de télécommunications au sens strict. Les droits d’utilisation de fréquences sont en effet en tout cas attribués par les autorités respectives dans leur pays propre. Il se trouve en plus que la plupart du temps les acquéreurs, à savoir les preneurs de la prestation, puissent également être établis dans l’État où la fréquence est attribuée, car il est peu probable qu’un réseau de télécommunications UMTS soit mis en place et exploité sans établissement ou filiale dans l’État en question.

95.      Certains gouvernements et la Commission se réfèrent au surplus à la définition des services de télécommunications figurant dans les directives adoptées dans cette matière au titre du marché intérieur. Il est parfaitement conforme à la jurisprudence de la Cour d’interpréter la sixième directive en prenant aussi en compte des définitions figurant dans des actes juridiques qui régissent la matière en question et qui ne poursuivent pas des objectifs qui divergent de la réglementation TVA (37).

96.      L’article 2, point 4, de la directive 90/387 (38) définissait les services de télécommunications comme étant les «services qui consistent, en tout ou en partie, en la transmission et l’acheminement de signaux sur un réseau de télécommunications par des procédés de télécommunications, à l’exception de la radiodiffusion et de la télévision». Selon cette définition, l’attribution des droits d’utilisation de fréquences n’est pas un service de télécommunications.

97.      Des doutes subsistent néanmoins quant à savoir si les définitions des notions que nous venons de citer peuvent être transposées sans restriction à l’annexe D, car elles se rapportent à chaque fois à des «Telekommunikationsdienste» ou à des «Telekommunikationsdienstleistungen» («telecommunication services» dans les versions en langue anglaise), alors que l’annexe D mentionne le «Fernmeldewesen» («telecommunications» dans la version en langue anglaise). Cette notion pourrait se comprendre comme étant une description plus large de ce domaine d’activité incluant aussi d’autres activités que les prestations de services de télécommunications au sens strict.

–       Interprétation téléologique

98.      C’est toutefois la finalité de la règle de l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive lue en combinaison avec son annexe D qui est décisive. Ainsi que l’avocat général Alber l’a énoncé, les activités énumérées à l’annexe D sont des activités pour lesquelles le bénéfice économique est essentiel et manifeste (39).

99.      Ces prestations étant ou pouvant être par leur nature même également offertes par des entreprises privées, on suppose généralement que l’incidence sur la concurrence est importante. Le but de la règle est d’assimiler dans cette situation l’État à un assujetti privé. Aux termes du deuxième alinéa, les autres prestations de l’État ne sont soumises, le cas échéant, à la TVA que s’il y a un risque de distorsions de concurrence d’une certaine importance.

100. L’assimilation de l’État à un assujetti privé n’a de sens que sur le plan des prestations de services de télécommunications au sens strict, car ces prestations peuvent également être offertes dans l’intervalle par des entreprises privées. En revanche, dans l’état actuel de l’évolution (40), l’attribution unique de droits d’utilisation de fréquences est une mission réservée à l’État (41). Même si l’attribution de droits d’utilisation des fréquences devait probablement se trouver dans certaines circonstances en concurrence avec la revente de ces droits par des entreprises privées (42), aucune assimilation générale de l’État à des assujettis privés ne s’impose pour cette activité. On doit plutôt examiner en tout cas si une taxation de la prestation de l’État est nécessaire à la protection de la concurrence selon les critères de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive.

101. Il convient dès lors de répondre à la première question que la notion de «télécommunications» figurant dans l’annexe D, point 1, de la sixième directive ne couvre pas, dans l’état actuel de l’évolution, l’attribution par l’État de droits d’utilisation de fréquences pour offrir des services de télécommunications mobiles.

3.      Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles: opération non négligeable au sens de l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive

102. L’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive requiert deux conditions cumulatives pour assimiler en tout état de cause les organismes de droit public à des assujettis: ils doivent accomplir une des opérations énumérées dans l’annexe D et l’importance de celle-ci ne doit pas être négligeable.

103. Ainsi que nous l’avons déterminé dans la réponse à la première question, l’attribution par la Telekom-Control-Kommission des droits d’utilisation des fréquences n’est pas incluse dans la notion de «télécommunications» au sens de l’annexe D, point 1, de la sixième directive.

104. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de vérifier si l’opération est d’importance non négligeable, bien que l’État membre en tire une redevance non négligeable qui fait l’objet de la troisième question. Les éventuelles conséquences d’une transposition nationale qui n’est pas fidèle à la directive sur ce point sont sans importance. Il n’y a dès lors pas lieu de répondre à la deuxième question pas plus qu’à la troisième.

4.      Sur la cinquième question: l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive

105. Aux termes de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, deux conditions doivent être remplies cumulativement pour que la règle du non-assujettissement joue, à savoir l’exercice d’activités par un organisme public et l’exercice d’activités accomplies en tant qu’autorité publique (43).

106. S’agissant de la première condition, la Cour a déterminé qu’une activité exercée par un particulier n’est pas exonérée de la TVA du seul fait qu’elle consiste dans l’accomplissement d’actes relevant de prérogatives de l’autorité publique (44). La Cour avait à cet égard particulièrement en vue des opérateurs économiques indépendants étrangers au corps de l’administration publique (45).

107. La Telekom-Control-Kommission est intégrée dans la Telekom-Control GmbH. Bien que, d’après sa forme, il s’agisse d’une société de droit privé, aucune des parties n’émet de doute sur le fait que la Telekom-Kontrol-Kommission doive être considérée comme partie intégrante de l’administration publique. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si cette qualification est conforme au droit interne.

108. La Cour a précisé la deuxième condition comme suit dans l’arrêt Fazenda Pública (46):

«S’agissant de cette dernière condition, ce sont les modalités d’exercice des activités en cause qui permettent de déterminer la portée du non-assujettissement des organismes publics […] [(47)]

Ainsi, il ressort d’une jurisprudence bien établie de la Cour que les activités accomplies en tant qu’autorités publiques au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l’exclusion des activités qu’ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés […] [(48)]»

109. La Cour a ajouté que l’on ne saurait se fonder sur l’objet ou le but de cette activité (49).

110. Les parties demanderesses estiment que l’État s’est comporté comme un opérateur économique privé dans la mise aux enchères des droits d’utilisation des fréquences. Il s’est servi d’un instrument de droit privé pour agir et a encaissé d’importantes redevances pour attribuer les fréquences.

111. Les États membres qui ont présenté des observations et la Commission soulignent en revanche que les dispositions pertinentes nationales et communautaires réservent l’attribution des droits d’utilisation des fréquences au seul État en le soumettant à des obligations particulières.

112. On doit constater à cet égard que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 97/13, seule une autorité réglementaire nationale peut octroyer des licences individuelles permettant d’exploiter un réseau de télécommunications. L’autorité doit respecter à cet égard les conditions figurant aux articles 9 et 10 de ladite directive. Lorsqu’un État membre n’octroie qu’un nombre limité de licences individuelles, il doit établir la sélection sur la base de critères objectifs, non discriminatoires, transparents, proportionnés et détaillés (article 10, paragraphe 3, de la directive 97/13). Les redevances prélevées à ce titre sont soumises aux conditions de l’article 11, paragraphe 2, de cette directive.

113. Même si l’appréciation finale du contexte juridique national est réservée à la juridiction de renvoi, il ne fait aucun doute que, d’après le TKG, la première attribution de fréquences ne peut être faite que par la Telekom-Control-Kommission et elle seule. Les obligations que la réglementation nationale lui impose procèdent des exigences posées par la directive 97/13.

114. Aucune entreprise privée ne peut octroyer directement des droits de cette nature. Les entreprises privées peuvent toutefois céder entre elles des fréquences qui ont été attribuées par l’État. Mais une cession n’est pas comparable à la première attribution en ce qu’elle procède seulement d’un droit de disposition dérivé, alors que la première attribution est une mission originaire de l’État. Personne n’assimilerait l’échange de billets de banque entre particuliers à la prérogative de l’État de battre monnaie. Cela permet de conclure que l’adjudication par voie d’enchères des droits d’utilisation des fréquences a été une activité incombant à un organisme d’État dans le cadre de la puissance publique.

115. Cela n’est pas incompatible avec le fait que l’État a adjugé les fréquences par la voie d’enchères, une procédure tirée du droit civil et à laquelle des particuliers peuvent eux aussi par conséquent recourir.

116. Il n’y a pas lieu à cet égard de s’interroger davantage sur la portée que les enchères ont eues dans l’ensemble de la procédure d’attribution. Certaines parties demanderesses soutiennent à cet endroit que les enchères ont fait naître un contrat de droit civil portant sur l’octroi des droits d’utilisation des fréquences. D’autres concèdent en revanche que la véritable attribution ne s’est réalisée qu’avec l’acte administratif subséquent. Les enchères n’auraient donc servi qu’à sélectionner les entreprises auxquelles les droits ont ensuite été cédés dans les formes administratives requises.

117. La Cour a certes considéré que les modalités de mise en œuvre sont déterminantes. Il serait toutefois un peu court de n’y comprendre que le «comment», c’est-à-dire que la forme de l’acte. Ce qui compte plutôt avant tout, c’est de considérer si les dispositions applicables permettent en fin de compte à des entreprises privées d’accomplir une activité analogue. Si tel était le cas, l’État devrait être traité comme un assujetti afin de ne pas compromettre la neutralité du prélèvement de la TVA. En revanche, le fait que l’État exerce des prérogatives qui lui sont exclusivement conférées en recourant à une procédure connue en droit civil n’a aucune incidence sur la neutralité fiscale.

118. La thèse des parties demanderesses conduirait à considérer que la puissance publique n’est exercée que lorsque l’État adopte des actes administratifs, c’est‑à‑dire lorsque son action est strictement régie par le droit administratif. La Cour a néanmoins expressément rejeté cette conception dans les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires des péages d’autoroute (50).

119. Dans l’arrêt Fazenda Pública (51), la Cour a toutefois tiré du fait que la gestion des stationnements publics comportait l’usage de prérogatives de puissance publique la conclusion que l’activité était soumise à un régime particulier de droit public. Un acte relevant du droit administratif, dans lequel le citoyen se trouve dans un rapport de subordination face à l’État, constitue ainsi aux yeux de la Cour un indice de l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, sans être une condition obligatoire de cet exercice (52).

120. On risquerait de compromettre l’application uniforme de la sixième directive en se fondant sur le cadre juridique à l’égard de la forme que revêt l’action, car il est probable que dans certains États membres on voie plus couramment que dans d’autres États membres l’État agir en se servant d’instruments de droit privé. La délimitation entre instruments de droit public et de droit privé peut aussi diverger dans les différents ordres juridiques nationaux.

121. Il convient de surcroît de relever que l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive requiert seulement que la prestation soit accomplie par les organismes visés en tant qu’autorités publiques. On ne saurait dès lors considérer de manière isolée l’adjudication par voie d’enchères des droits d’utilisation des fréquences (53). Cette activité s’inscrit plutôt dans le cadre global de la gestion des fréquences et de la régulation du secteur des télécommunications. Dans ce contexte, l’État exerce essentiellement des prérogatives de la puissance publique, notamment en ce qu’il transpose en droit interne les exigences de la décision UMTS ou des directives sur le marché intérieur.

122. Il n’y a d’ailleurs aucune contradiction à considérer le contexte juridique plus large de l’activité dans le présent examen, alors que seul l’aspect extérieur doit être déterminant pour qualifier une activité d’économique. Il est précisément plutôt conforme à la logique de l’article 4 de la sixième directive de garantir la pleine application de la directive en donnant une interprétation large des paragraphes 1 et 2 dans un premier stade, tout en prenant en compte, mais au stade de l’application du paragraphe 5, les conditions juridiques particulières dans lesquelles l’État agit.

123. Enfin, la qualification de l’adjudication des fréquences par voie d’enchères d’activité accomplie en tant qu’autorité publique n’est pas remise en cause par les importantes recettes que l’État en a retirées. Cela peut certes – on l’a montré – conduire à conférer à l’action de l’État un caractère économique au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive. L’exercice de la puissance publique subsiste néanmoins lorsque l’État agit au titre d’un régime juridique spécial qui lui est propre.

124. Il convient dès lors de répondre à la cinquième question:

On entend par activités accomplies en tant qu’autorités publiques au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, les activités que des organismes de droit public exercent dans le cadre d’un régime particulier de droit public. La circonstance que l’État s’acquitte de missions qui lui ont été exclusivement confiées en recourant à une procédure connue du droit civil ou qu’il retire d’importantes recettes de son activité n’exclut pas qu’il agisse en tant qu’autorité publique.

5.      Sur la quatrième question préjudicielle: le non-assujettissement conduit-il à des distorsions d’une certaine importance?

125. Aux termes de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive, les organismes d’État qui accomplissent des activités en tant qu’autorités publiques sont considérés comme des assujettis pour ces activités, dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

126. Selon les indications données par la Cour dans l’arrêt Comune di Carpaneto Piacentino e.a., les États membres sont dès lors tenus:

«d’assurer l’assujettissement des organismes de droit public pour les activités qu’ils exercent en tant qu’autorités publiques lorsque ces activités peuvent être également accomplies, en concurrence avec eux, par des particuliers, si leur non‑assujettissement est susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence d’une certaine importance, […]» (54).

127. L’attribution des droits d’utilisation de fréquences étant réservée au seul État, toute concurrence est exclue entre des prestations identiques de l’État et d’autres opérateurs au moment où les fréquences sont mises aux enchères. Les parties demanderesses soutiennent néanmoins que l’attribution par l’État des fréquences en exonération de la TVA pourrait entrer en concurrence avec la revente de droits d’utilisation de fréquences par des opérateurs privés.

128. On doit tout d’abord indiquer, à cet égard, que la qualité d’assujetti ou de non-assujetti doit s’apprécier en principe au moment de la prestation (55). Il s’ensuit que c’est aussi à ce moment que doit se faire sentir l’incidence sur la concurrence.

129. Cela présuppose que, au moment où les fréquences ont été attribuées, il existait déjà un marché des droits d’utilisation en question, c’est-à-dire premièrement que des droits d’utilisation comparables devaient déjà exister et deuxièmement que ces droits devaient être cessibles entre entreprises privées. Ce n’est qu’à ces conditions que l’attribution de fréquences par l’État se trouve en concurrence avec la cession de droits d’utilisation de fréquences par des entreprises privées.

130. Il est vrai que, dans l’arrêt Taksatorringen (56), la Cour a en substance déterminé que l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive vise également les distorsions de concurrence que l’exonération serait susceptible de provoquer dans le futur. Il faut toutefois que le risque de distorsions de concurrence soit réel (57).

131. Même si actuellement aucun concurrent n’offre de prestations concurrentes soumises à la TVA, le risque de distorsions de concurrence peut bien être réel. En effet, une situation de départ désavantageuse est susceptible à elle seule de dissuader des concurrents potentiels d’agir sur le marché. Un risque réel de cette nature est en revanche exclu lorsque, du fait du contexte juridique, aucun concurrent potentiel ne peut faire d’offre qui fasse concurrence aux fréquences attribuées par l’État.

132. S’agissant des fréquences pour les télécommunications mobiles UMTS, on doit constater qu’en 2000 aucun droit d’utilisation de fréquences comparables n’était disponible sur le marché. Il est moins certain qu’il en aille de même des droits d’utilisation des fréquences GSM-DCS-1800, qui ont été attribuées à tele.ring en 1999, ni des fréquences pour le système radioélectrique à ressources partagées TETRA que master-talk a obtenues en février 2000.

133. Si des droits d’utilisation de fréquences comparables devaient avoir été déjà disponibles aux moments à prendre en considération, il faudrait préciser si la réglementation interne de l’époque permettait de céder ceux-ci entre entreprises privées. La cession entre entreprises privées doit de surcroît être soumise de son côté à la TVA.

134. Il est constant que ce n’est qu’en 2003, à la faveur de la nouvelle version du TKG, que le commerce des fréquences au sens strict a été possible, lequel est également soumis aux conditions de l’article 9, paragraphe 4, de la directive 2002/21. La cession de droits d’utilisation de fréquences, possible depuis lors, est toutefois sans incidence sur l’état de la concurrence au moment où les fréquences ont été attribuées. Si l’État attribue maintenant à nouveau des fréquences, il convient de prendre cette circonstance en compte (58).

135. Les parties divergent sur la question de savoir si la possibilité qui existait déjà auparavant de céder une concession, en ce compris les droits d’utilisation de fréquences y afférents, est une prestation qui est en concurrence avec l’attribution des fréquences par l’État (59). Tel sera le cas ou non selon l’interprétation que recevront les règles de droit interne, interprétation qui est réservée à la juridiction de renvoi.

136. Même si, à l’endroit des fréquences TETRA et GSM, il existait déjà une concurrence potentielle entre l’attribution par l’État et la cession par des entreprises privées, l’opération accomplie par l’État ne devrait être taxée que si l’absence de taxation conduirait, selon les constatations de la juridiction de renvoi, à des distorsions de concurrence d’une certaine importance au sens de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive.

137. Tel serait par exemple le cas si l’État fournit à des consommateurs finals la même prestation que des entreprises privées, en sorte que les clients devraient payer dans un cas le prix sans TVA et dans un autre le prix majoré de la TVA (60). Les consommateurs finals n’ayant pas le droit de déduire la TVA, la prestation de l’opérateur privé serait plus coûteuse à hauteur du montant plein de la TVA.

138. Si en revanche un assujetti acquiert des droits d’utilisation de fréquences d’une entreprise privée, ce n’est que dans des cas de figure particuliers et encore dans une mesure toute relative que cette acquisition serait moins intéressante que s’il acquiert ces droits de l’État, car la TVA peut soit être immédiatement déduite en tant que taxe versée en amont ou récupérée dans un bref délai. Les frais liés au préfinancement peuvent certes représenter des montants importants en valeur absolue. Mais, quand on les rapproche des dépenses totales engagées pour acquérir les droits d’utilisation des fréquences, ces dépenses n’atteignent en général pas des niveaux susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

139. Bien que le commerce de fréquences UMTS n’ait été possible qu’après leur attribution et la mise en place du cadre légal de leur cession, les parties demanderesses estiment que leur attribution par l’État en exonération de TVA pourrait conduire ici à des distorsions de concurrence.

140. Mais il faut premièrement, on l’a dit, qu’il existe un rapport potentiel de concurrence au moment de l’opération en cause. L’éventualité que les conditions légales nécessaires à cet effet soient ultérieurement mises en place ne suffit pas. L’assujettissement ne peut en effet pas être tributaire de prévisions plus ou moins incertaines. D’autre part, le désavantage pour ceux qui acquièrent ultérieurement des droits d’utilisation de fréquences d’un opérateur privé ne consisterait aussi qu’en d’éventuels frais de financement de la TVA qu’ils ne pourraient pas immédiatement déduire, ce qui ne crée pas de distorsions de concurrence d’une certaine importance.

141. Le contexte global du marché se modifie souvent d’autant plus que s’allonge la période entre l’attribution par l’État des fréquences et l’apparition du marché des fréquences. D’autres facteurs, comme la nouvelle estimation de la valeur économique de l’utilisation des fréquences au vu de l’arrivée de techniques faisant concurrence aux télécommunications mobiles UMTS, prennent un tout autre poids que l’inconvénient éventuel de trésorerie découlant du décaissement temporaire de la taxe en amont. Cette considération montre, elle aussi, que l’on ne peut admettre une distorsion de concurrence au sens de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive que lorsque les prestations sont disponibles au même moment et que l’acquéreur potentiel a effectivement le choix entre deux offres comparables.

142. Il convient dès lors de répondre à la quatrième question:

Il n’y a distorsion de concurrence d’une certaine importance au sens de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive que lorsque le non‑assujettissement de l’État comporte un risque réel d’affecter sérieusement la concurrence des opérateurs offrant actuellement ou potentiellement des prestations concurrentes. Un tel risque n’existe pas en principe lorsque, au moment où l’État fournit la prestation, les conditions légales excluent que des opérateurs privés fournissent sur le marché des prestations qui sont en concurrence avec les prestations de l’État.

C –    Sur la septième question: la redevance d’utilisation des fréquences s’entend-elle d’un montant net ou brut?

143. Par cette question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, selon la sixième directive, la redevance d’utilisation des fréquences s’entend d’une contrepartie brute ou nette, c’est-à-dire si la contrepartie convenue incluait déjà la TVA ou si elle doit être majorée de la TVA.

144. Comme nous avons déjà déterminé que l’attribution de fréquences n’est pas une opération soumise à la TVA, il n’y a pas lieu de répondre à la septième question.

145. Indépendamment de cela, la sixième directive est muette sur cette question. Une redevance inclura ou non la TVA plutôt en fonction de la convention concrètement passée entre les parties. Si celle-ci n’est pas claire, l’intention des parties doit être recherchée selon les règles d’interprétation du droit interne applicable, ce qui est du ressort des seules juridictions nationales.

V –    Conclusion

146. Pour terminer, nous proposons de répondre comme suit aux questions du Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien:

«1)      L’adjudication par voie d’enchères, réalisée par un organisme d’État, du droit d’utiliser durant une période donnée une portion déterminée du spectre électromagnétique pour offrir des services de télécommunications mobiles doit être assimilée, dans les circonstances du litige au principal, à l’exploitation d’un bien incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence et, de ce fait, à une activité économique au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme.

2)      La notion de ‘télécommunications’ figurant dans l’annexe D, point 1, de la sixième directive ne couvre pas, dans l’état actuel de l’évolution, l’attribution par l’État de droits d’utilisation de fréquences pour offrir des services de télécommunications mobiles.

3)      On entend par activités accomplies en tant qu’autorités publiques au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, les activités que des organismes de droit public exercent dans le cadre d’un régime particulier de droit public. La circonstance que l’État s’acquitte de missions qui lui ont été exclusivement confiées en recourant à une procédure connue du droit civil ou qu’il retire d’importantes recettes de son activité n’exclut pas qu’il agisse en tant qu’autorité publique.

4)      Il n’y a distorsion de concurrence d’une certaine importance au sens de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive que lorsque le non-assujettissement de l’État comporte un risque réel d’affecter sérieusement la concurrence des opérateurs offrant actuellement ou potentiellement des prestations concurrentes. Un tel risque n’existe pas en principe lorsque, au moment où l’État fournit la prestation, les conditions légales excluent que des opérateurs privés fournissent sur le marché des prestations qui sont en concurrence avec les prestations de l’État.»


1 – Langue originale: l’allemand


2 – IMT-2000: International Mobile Telecommunications-2000 (communications mobiles internationales-2000) est une norme établie par l’Union internationale des télécommunications (UIT); UMTS: Universal Mobile Telecommunications System (système universel de télécommunications mobiles) [norme établie dans le cadre de la Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications (CEPT) et de l’Institut européen des normes de télécommunications (ETSI), qui s’inscrit dans ce qu’il est convenu d’appeler la famille IMT-2000].


3 – Global System for Mobile Communications – Système global de communication mobile.


4 – Terrestrial Trunked Radio. On trouvera sur la page d’accueil de la TETRA MoU Association Ltd (www.tetramou.com) des informations complémentaires sur cette norme propre à un système radioélectrique numérique.


5 – Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).


6 – Affaire Hutchison 3 G e.a. (C-369/04, pendante devant la Cour).


7 – Dans ses observations écrites, la partie défenderesse a indiqué qu’à l’époque cette disposition était encore libellée autrement, à savoir: «si l’entrepreneur effectue des livraisons ou d’autres prestations imposables, il est en droit, et, dans la mesure où il effectue des opérations destinées à un autre entrepreneur pour les besoins de son entreprise, dans l’obligation, sur demande de l’autre entrepreneur, de délivrer des factures faisant ressortir la taxe».


8 – La CEPT est une organisation internationale à laquelle sont actuellement affiliées les autorités réglementaires des postes et télécommunications de 46 États européens (on trouvera des informations complémentaires sur la page d’accueil de l’organisation: www.cept.org).


9 – Cette décision réserve les bandes de fréquences suivantes: de 1900 1980 Mhz, 2010-2025 Mhz et 2110-2170 Mhz aux applications UMTS terrestres, et désigne les bandes de 1980-2010 MHz et de 2170-2200 Mhz pour les applications UMTS satellitaires.


10 – Voir, à cet égard, les informations diffusées sur la page d’accueil de l’Office européen des radiocommunications: www.ero.dk/ecc.


11 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (JO L 117, p. 15), abrogée, avec effet au 24 juillet 2003, par la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33).


12 – Citée à la note 11.


13 – JO 1999, L 17, p. 1.


14 – Voir les conclusions de l’avocat général Mischo, dans lesquelles il expose de manière circonstanciée que l’article 4, paragraphe 5, est pour ainsi dire conçu par niveaux et structuré en exceptions et en exceptions aux exceptions (conclusions du 15 mars 1989 dans l’affaire Comune di Carpaneto Piacentino e.a., arrêt du 17 octobre 1989, 231/87 et 129/88, Rec. p. 3233, point 8).


15 – Arrêts du 12 septembre 2000, Commission/Grèce (C-260/98, Rec. p. I-6537, point 26) et Commission/Royaume-Uni (C-359/97, Rec. p. I-6355, point 41); du 21 février 2006, University of Huddersfield (C-223/03, Rec. p. I-1751, point 47); voir, également, arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas (235/85, Rec. p. 1471, point 8); ainsi que dans le même sens notamment arrêts du 14 février 1985, Rompelman (268/83, Rec. p. 655, point 19), et du 27 novembre 2003, Zita Modes (C-497/01, Rec. p. I-14393, point 38).


16 – Arrêts du 6 avril 1995, BLP Group (C-4/94, Rec. p. I-983, point 24), et du 12 janvier 2006, Optigen e.a. (C-354/03, C-355/03 et C-484/03, Rec. p. I-483, point 45).


17 – Voir les arrêts cités à la note 16.


18 – Voir arrêts précités à la note 15 Commission/Pays-Bas (point 10), Commission/Grèce (point 28) et Commission /Royaume-Uni (point 43).


19 – Voir jurisprudence citée à la note 15.


20 – Arrêt du 19 janvier 1994 (C-364/92, Rec. p. I-43, point 30); voir également, à cet égard, arrêts du 18 mars 1997, Diego Calì & Figli (C-343/95, Rec. p. I-1547, points 22 et 23), et du 19 février 2002, Wouters e.a. (C-309/99, Rec. p. I-1577, point 57).


21 – Arrêts du 4 décembre 1990, Van Tiem (C-186/89, Rec. p. I‑4363, point 18); du 26 juin 2003, KapHag (C-442/01, Rec. p. I-6851, point 37); du 29 avril 2004, EDM (C-77/01, Rec. p. I-4295, point 48), et du 21 octobre 2004, BBL (C-8/03, Rec. p. I‑10157, point 36).


22 – Arrêts du 26 septembre 1996, Enkler (C-230/94, Rec. p. I-4517, point 22), et du 27 janvier 2000, Heerma (C-23/98, Rec. p. I-419, point 19). Voir aussi arrêt du 14 février 1985, Rompelman (268/83, Rec. p. 655), dans lequel la Cour a qualifié d’activité économique l’acquisition d’un droit de propriété futur sur une partie d’un immeuble en construction.


23 – Voir, par exemple, la version en langue anglaise: «for the purpose of obtaining income therefrom on a continuing basis», la version en langue française: «en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence»; la version en langue italienne «per ricavarne introiti aventi un certo carattere di stabilità»; et la version en langue espagnole «con el fin de obtener ingresos continuados en el tiempo».


24 – Précité à la note 22, point 20.


25 – Ibidem, point 27.


26 – Arrêts du 20 juin 1996, Wellcome Trust (C‑155/94, Rec. p. I-3013, points 32 et suiv.), et EDM (précité à la note 21, points 57 et suiv.). Voir les affaires centrées sur la détention et l’acquisition d’actions: arrêts KapHag (précité à la note 21, point 38) et du 26 mai 2005, Kretztechnik (C-465/03, Rec. p. I-4357, points 19 et suiv.).


27 – Arrêt Comune di Carpaneto Piacentino e.a. (précité à la note 14, point 22).


28 – Voir les conclusions que l’avocat général Alber a présentées le 29 juin 2000 dans l’affaire Fazenda Pública (arrêt du 14 décembre 2000, C-446/98, Rec. 2000, p. I‑11435, point 69).


29 – L’annexe D mentionne au total treize types d’activités en plus des télécommunications, par exemple la distribution d’eau, de gaz, d’électricité, le transport de biens et de personnes, les prestations de services portuaires et aéroportuaires, l’exploitation des foires et des expositions à caractère commercial, les activités des bureaux commerciaux de publicité, les activités d’agences de voyages, les opérations des cantines d’entreprises et autres.


30 – Le gouvernement du Royaume-Uni se réfère à cet égard à la définition des services de télécommunications donnée à l’article 2, point 4, de la directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications (ONP – Open Network Provision) (JO L 192, p. 1), abrogée dans l’intervalle, aux termes duquel les «services de télécommunications» [sont] les services qui consistent, en tout ou en partie, en la transmission et en l’acheminement de signaux sur un réseau de télécommunications par des procédés de télécommunications, à l’exception de la radiodiffusion et de la télévision.


31 – T-Mobile Austria se réfère pour cette interprétation historique à Larenz, K., Juristische Methodenlehre, 6e édition, München 1991, p. 329 et 344.


32 – Voir, à cet égard, les conclusions que nous avons présentées le 13 juillet 2006 dans l’affaire Robins e.a. (C‑278/05, pendante devant la Cour), points 80 et 81.


33 – La disposition a été insérée par la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999, modifiant la directive 77/388 en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de télécommunications (JO L 162, p. 63).


34 – Voir, en plus de la version en langue allemande, la version italienne «ivi compresa la cessione e la concessione, ad esse connesse, di un diritto di utilizzazione a infrastrutture per la trasmissione, l’emissione o la ricezione», la version en langue néerlandaise («met inbegrip van de daarmee samenhangende overdracht en verlening van rechten op het gebruik van infrastructuur voor de transmissie, uitzending of ontvangst») et la version en langue française.


35 – Voir arrêts du 27 mars 1990, Cricket St Thomas (C-372/88, Rec. p. I-1345, point 19); du 5 juin 1997, SDC (C-2/95, Rec. p. I-3017, point 22), et du 14 septembre 2000, D. (C-384/98, Rec. p. I-6795, point 16).


36 – Voir quatrième considérant de la directive 1999/59, qui se lit comme suit: «il convient d’assurer, notamment, que les services de télécommunications utilisés par des clients établis dans la Communauté soient taxés dans celle-ci».


37 – Voir, dernièrement, arrêt du 4 mai 2006, Abbey National (C-169/04, Rec. p. I‑4027, points 61 et suiv.), ainsi que points 73 et suiv. des conclusions que nous avons présentées dans cette affaire le 8 septembre 2005.


38 – La directive 90/387 a été abrogée dans l’intervalle par la directive 2002/21. La définition des services de communications électroniques figurant à l’article 2, sous c), de la nouvelle directive cadre inclut les télécommunications et se fonde à l’instar de sa devancière sur la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques.


39 – Conclusions dans l’affaire Fazenda Pública (précitées à la note 28, point 69).


40 – La Commission envisage toutefois d’adopter une attitude davantage orientée sur le marché à l’égard de la gestion des fréquences [voir communication de la Commission, du 14 septembre 2005, Une approche fondée sur le marché en matière de gestion du spectre radioélectrique dans l’Union européenne, COM (2005) 400 final].


41 – Voir, à cet égard, ci-après points 102 et suiv.


42 – Voir les développements consacrés à la quatrième question préjudicielle (ci-après, aux points 124 et suiv.).


43 – Arrêts du 25 juillet 1991, Ayuntamiento de Sevilla (C-202/90, Rec. p. I-4247, point 18), ainsi que Commission/Grèce (précité à la note 15, point 34) et Commission/Royaume-Uni (précité à la note 15, point 49).


44 – Voir arrêts Commission/Pays-Bas (précité à la note 15, point 21), Ayuntamiento de Sevilla (précité à la note 43, point 19) et Commission/Grèce (précité à la note 15, point 40).


45 – Voir arrêts Commission/Pays-Bas (précité à la note 15, point 22) et Ayuntamiento de Sevilla (précité à la note 43, point 20).


46 – Arrêt précité à la note 28, points 16 et 17.


47 –      La Cour se réfère aux arrêts du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a. (précité à la note 14, point 15), et du 15 mai 1990, Comune di Carpaneto Piacentino e.a. (C‑4/89, Rec. p. I-1869, point 10).


48 –      La Cour se réfère aux arrêts précités à la note 15 Commission/Royaume-Uni, point 50, et Commission/Grèce, point 35, ainsi qu’à d’autres arrêts rendus dans des affaires parallèles.


49 – Arrêts du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a. (précité à la note 14, point 13), et Fazenda Pública (précité à la note 28, point 19).


50 – Arrêts, précités à la note 15, Commission /Royaume-Uni (point 15) et Commission/Grèce (point 36).


51 – Précité à la note 28, point 22.


52 – Ibidem, point 11.


53 – Dans l’arrêt Fazenda Pública (précité à la note 28, point 22) non plus, la Cour n’a pas considéré de manière isolée la location d’une place de stationnement, mais bien globalement la gestion des stationnements publics.


54 –      Arrêt du 17 octobre 1989 (précité à la note 14, point 24). Voir aussi arrêt du 8 juin 2006, Feuerbestattungsverein Halle (C-430/04, Rec. p. I-4999, point 25).


55 – Arrêt du 2 juin 2005, Waterschap Zeeuws Vlaanderen (C-378/02, Rec. p. I-4685, point 32).


56 – Arrêt du 20 novembre 2003 (C-8/01, Rec. p. I-13711).


57 – Ibidem, point 63.


58 – D’après la décision du CER n° (02) 06, l’Union européenne a décidé de libérer la bande 2500-2690 MHz d’ici le 1er janvier 2008 pour les systèmes IMT-2000, en plus des fréquences pour lesquelles des licences ont déjà été accordées pour les premiers services 3G.


59 – T-Mobile Austria expose toutefois que la cession d’une concession se fait globalement avec la cession de l’ensemble de l’entreprise. L’opération sera dans ce cas soumise ou non à la TVA selon la transposition qui aura été faite de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive.


60 – L’hypothèse émise par les demanderesses, dans laquelle un non-assujetti (par exemple un organisme public) qui n’a pas le droit de déduire la TVA acquiert la fréquence, paraît peu probable. Si un organisme public utilise la fréquence conformément à sa destination, afin de fournir des prestations de télécommunications à titre onéreux, il est assujetti conformément à l’article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, lu conjointement avec l’annexe D de la sixième directive. L’idée que la déduction puisse être exclue lorsque les licences ne seraient pas utilisées pour des activités soumises à la TVA est, elle aussi, davantage hypothétique.