Language of document : ECLI:EU:T:2018:125

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

8 mars 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative €$ – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001] – Obligation de motivation – Article 75 du règlement no 207/2009 (devenu article 94 du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑665/16,

Cinkciarz.pl sp. z o.o., établie à Zielona Góra (Pologne), représentée par Mes E. Skrzydło-Tefelska et K. Gajek, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 14 juillet 2016 (affaire R 2086/2015-5), concernant une demande d’enregistrement du signe €$ comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich (rapporteur) et P. G. Xuereb, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2016,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 2 décembre 2016,

à la suite de l’audience du 30 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 mars 2015, la requérante, Cinkciarz.pl sp. z o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 36 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, notamment à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels ; programmes d’ordinateurs enregistrés ; programmes informatiques chargeables ; applications informatiques téléchargeables ; programmes de traitement de données ; programmes informatiques multimédias interactifs ; publications sous forme électronique téléchargeables à partir de l’internet ; matériel et accessoires informatiques ; supports de données (magnétiques et optiques) ; appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction de sons ou d’images » ;

–        classe 36 : « Opérations monétaires ; opérations de change ; services de bureaux de change ; service d’information concernant les taux de change ; mise à disposition de devises étrangères ; négociation de devises ; services d’opérations de change en temps réel et en ligne ; informations financières sous forme de taux de change ; établissement du taux de change de devises ; prévision de taux de change ; marché des changes ; services financiers informatisés en matière d’opérations de change ; préparation et cotation d’informations sur les taux de change ; services relatifs aux swaps de change ; service d’information concernant l’évaluation de taux de change ; services d’agences de change de devises ; services de conseil en matière de change de devises ; services de bases de données financières en matière de change de devises ; change et transfert d’argent ; mise à disposition de listes de taux de change ; bureaux de change ; services de trésorerie, de chèques et de transfert d’argent ; transfert électronique de fonds par voie de télécommunications ; services de paiement automatisé ; services de transfert d’argent ; services de paiement électronique ; services d’agents immobiliers ; agences de recouvrement de créances ; analyse financière ; banque directe [home-banking] ; informations bancaires ; affaires bancaires ; opérations bancaires hypothécaires ; bureaux d’information en matière de crédit ; recouvrement de loyers ; consultation en matière financière ; consultation en matière d’assurances ; gestion financière ; estimations financières en assurances, banques et en ce qui concerne l’immobilier ; consultation financière ; informations financières ; opérations financières ; services financiers ; constitution de fonds d’investissement ; services de fonds d’assurance ; cotations boursières ; courtage en Bourse ; garanties de cautions ; informations en matière d’assurances ; informations bancaires ; informations financières ; placements de fonds ; placement de capitaux ; transfert électronique de fonds ; services liés aux cartes de débit et de crédit ; gestion des cartes de débit et de crédit ; émission de cartes de crédit et de débit ; courtage en assurances ; services de courtage en Bourse ; cotations boursières ; services d’expertises fiscales ; courtage en Bourse ; courtage en assurances ; prêts financiers ; transactions financières ; assurances ; opérations de change ; gestion financière ; gérance de biens immobiliers ; gestion d’actifs » ;

–        classe 41 : « Publication de textes autres que textes publicitaires ; publications électroniques en ligne de matériels non téléchargeables ; publication de matériel accessible via des bases de données ou Internet ; mise à disposition de publications électroniques en ligne non téléchargeables ; publication de textes autres que textes publicitaires ».

4        Par lettre du 17 avril 2015, l’EUIPO a informé la requérante que la marque demandée se heurtait aux motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001].

5        Par lettre du 16 juin 2015, la requérante a présenté ses observations.

6        Par décision du 19 août 2015, l’examinateur a refusé, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services mentionnés au point 3 ci-dessus.

7        Le 16 octobre 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

8        Par décision du 14 juillet 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours a rejeté le recours.

9        En premier lieu, la chambre de recours a considéré que l’association des deux symboles de devises « € » et « $ », représentant l’euro et le dollar américain, serait perçue comme informant le public pertinent que les produits et les services en cause sont des opérations de change, des outils (logiciels informatiques) utiles à cette fin, des conseils dans ce domaine ou des informations (publications) dont le contenu est lié aux opérations de change. En conséquence, les symboles figurant dans la marque demandée auraient un caractère descriptif. En second lieu, la chambre de recours a considéré que les éléments figuratifs consistant en des formes de ronds étaient dépourvus de capacité distinctive et que, en tout état de cause, ils n’étaient pas suffisamment significatifs pour détourner l’attention du public du message que portaient les symboles « € » et « $ » en rapport avec les produits et les services en objet. En résumé, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était composée dans son ensemble d’éléments descriptifs placés sur un fond dépourvu de caractère distinctif et se heurtait aux motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Au soutien de sa demande d’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, le deuxième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le troisième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

14      Le premier moyen de la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, s’articule en cinq branches. La première branche concerne, en substance, la motivation de la décision attaquée. La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir examiné ni motivé à suffisance le caractère descriptif des signes figurant dans la marque demandée par rapport à chacun des produits et des services visés par celle-ci. L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante et considère, en substance, que la chambre de recours a affirmé et justifié à juste titre l’existence d’un lien direct et concret entre les signes en cause et les produits et les services visés par la marque demandée.

15      En vertu de l’article 75 du règlement no 207/2009 (devenu article 94 du règlement 2017/1001), les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêt du 19 mai 2010, Zeta Europe/OHMI (Superleggera), T‑464/08, non publié, EU:T:2010:212, point 47et jurisprudence citée].

16      Dès lors que l’enregistrement d’une marque est toujours demandé au regard de produits ou de services mentionnés dans la demande d’enregistrement, l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit, en principe, être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

17      Toutefois, s’agissant de cette dernière exigence, la Cour a précisé que l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 30 et jurisprudence citée).

18      La Cour a ensuite précisé qu’une telle faculté ne s’étend qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 31 et jurisprudence citée).

19      Afin d’apprécier si les produits et les services visés par une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne présentent, entre eux, un lien suffisamment direct et concret et peuvent être répartis dans des catégories ou des groupes d’une homogénéité suffisante, il doit être tenu compte de l’objectif de cet exercice visant à permettre et à faciliter l’appréciation in concreto de la question de savoir si la marque concernée par la demande d’enregistrement relève ou non d’un des motifs absolus de refus (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 32).

20      Ainsi, la répartition des produits et des services en cause en un ou en plusieurs groupes ou catégories doit être effectuée notamment sur la base des caractéristiques qui leur sont communes et qui présentent une pertinence pour l’analyse de l’opposabilité, ou non, à la marque demandée pour lesdits produits et services, d’un motif absolu de refus déterminé. Il s’ensuit qu’une telle appréciation doit être effectuée in concreto pour l’examen de chaque demande d’enregistrement et, le cas échéant, pour chacun des différents motifs absolus de refus éventuellement applicables (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 33).

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation.

22      La chambre de recours a examiné le caractère descriptif du signe en cause sans se référer à chacun des produits et des services visés par celui-ci et a adopté à leur égard au point 18 de la décision attaquée une motivation globale, rédigée de la manière suivante :

« En ce qui concerne les produits et services contestés, l’association des deux symboles de devises sera perçue, de l’avis de la chambre, comme informant le public pertinent que les produits et services contestés sont des opérations de change, des outils (logiciels informatiques) utiles à cette fin, des conseils dans ce domaine ou des informations (publications) dont le contenu est lié aux opérations de change. »

23      Il convient donc d’examiner si les produits et les services visés par la marque demandée présentent tous une caractéristique commune pertinente pour l’analyse du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, ce qui pourrait justifier qu’ils aient été répartis au sein d’un seul et même groupe homogène et que la chambre de recours ait employé, à leur égard, une motivation globale.

24      Tout d’abord, il convient de relever que la marque demandée vise plus de 80 produits et services, relevant de trois classes distinctes. Celles-ci concernent des domaines aussi différents que, notamment, les « logiciels », les « appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction de sons ou d’images », les « opérations de change », les « services d’agents immobiliers », les « agences de recouvrement de créances », la « constitution de fonds d’investissement », l’« émission de cartes de crédit et de débit », les « assurances », la « gérance de biens immobiliers » ou les « publications de textes autres que textes publicitaires ».

25      Le point 18 de la décision attaquée indique que la chambre de recours a considéré que la caractéristique commune pertinente pour l’examen du motif absolu de refus en cause serait, en substance, que tous les produits et les services visés par la marque possédaient un lien avec les opérations de change.

26      Ainsi que le souligne à juste titre la requérante, la chambre de recours n’a pas approfondi son analyse à cet égard. Par ailleurs, l’étude des produits et des services visés par la marque demandée réfute l‘assertion de la chambre de recours. Par exemple, certains des produits appartenant à la classe 9, tels que les « supports de données (magnétiques et optiques) » ou les « appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction de sons ou d’images », ne seront pas caractérisés comme possédant un lien avec des opérations de change. La même conclusion s’impose par rapport à certains des services de la classe 36 tels que les « services d’agents immobiliers », la « gérance de biens immobiliers », les « agences de recouvrement de créances » ou le « recouvrement de loyers ».

27      Il y a donc lieu de constater que la caractéristique retenue par la chambre de recours n’est pas commune à tous les produits et les services en cause.

28      Cela est confirmé par le fait que la chambre de recours elle-même a considéré, au point 12 de la décision attaquée, que les produits et les services visés par la marque demandée comprenaient « notamment des logiciels, des services financiers (en particulier des services en lien avec les opérations de change) et des publications ». En utilisant les formulations « notamment » et « en particulier », la chambre de recours a implicitement reconnu que les produits et les services en cause ne présentaient pas tous un lien avec les opérations de change.

29      La motivation globale figurant au point 18 de la décision attaquée n’est donc pas pertinente pour la totalité des produits et des services en cause. Il appartenait à la chambre de recours de fournir une motivation supplémentaire concernant les produits et les services qui ne sont pas caractérisés par un lien avec des opérations de change, afin d’expliquer les raisons pour lesquelles l’enregistrement de la marque demandée se heurte au motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Étant donné que la décision attaquée ne contient pas une telle motivation supplémentaire, il y a lieu de constater un défaut de motivation.

30      En outre et en tout état de cause, la motivation fournie ne satisfait pas aux exigences de la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus en ce qu’elle ne permet pas au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité, quant au fond, de la décision attaquée.

31      Au fond, la légalité de la décision attaquée dépend, par rapport au motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, de la question de savoir si la marque demandée présente avec les produits et les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 18 octobre 2016, Raimund Schmitt Verpachtungsgesellschaft/EUIPO (Brauwelt), T‑56/15, EU:T:2016:618, point 32 et jurisprudence citée].

32      Il appartient à la motivation de la décision attaquée d’exprimer le raisonnement sur lequel repose la réponse de la chambre de recours à cette question. Il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Toutefois, il est indispensable que la motivation permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 55, et du 11 octobre 2011, Chestnut Medical Technologies/OHMI (PIPELINE), T‑87/10, non publié, EU:T:2011:582, point 41].

33      En l’espèce, la motivation du caractère descriptif au point 18 de la décision attaquée se limite à l’affirmation que l’association des deux symboles de devises serait perçue comme informant le public pertinent que les produits et les services visés par la marque sont liés aux opérations de change. Au regard de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré de façon similaire, au point 31 de la décision attaquée, qu’« il [était] difficile de trouver une désignation plus typique d’un bureau de change que l’utilisation du symbole d’une devise populaire et/ou locale » et, au point suivant, que « [d]es symboles similaires [étaient] couramment utilisés pour illustrer l’idée d’opération de change ».

34      Il s’ensuit que cette motivation n’est pas suffisante par rapport aux produits et aux services mentionnés au point 26 ci-dessus, qui ne sont pas liés aux opérations de change. En outre, il y a certains autres services et produits visés par la marque demandée pour lesquels l’existence d’un lien avec les opérations de change, si elle n’est pas exclue a priori, n’apparaît pas non plus évidente. Pour ceux-ci, comme l’« émission de cartes de crédit et de débit », les « services liés aux cartes de débit et de crédit », la « gestion des cartes de débit et de crédit » ou les « services de paiement automatisé », la motivation de la décision attaquée comporte également des lacunes.

35      Par ailleurs, il convient de relever que, à supposer même que les produits et les services visés par la marque demandée soient liés aux opérations de change, la décision attaquée n’indique pas clairement pour quelles raisons la chambre de recours a considéré que la marque permettait au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de tous les produits et services. Outre les produits et les services énumérés aux points 26 et 34 ci-dessus, cela s’applique notamment aux « opérations bancaires hypothécaires », aux « bureaux d’information en matière de crédit », aux « estimations financières en assurances, banques et en ce qui concerne l’immobilier », à la « constitution de fonds d’investissement », aux « garanties de cautions », aux « services de courtage en Bourse » ou aux « prêts financiers ». Pour ces produits et ces services, la décision attaquée n’expose pas les circonstances qui justifient l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. La motivation fournie ne permet donc nullement de suivre le raisonnement de la chambre de recours et doit donc être considérée comme insuffisante.

36      Certes, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué qu’elle partageait entièrement l’analyse effectuée par l’examinateur. Il convient donc d’examiner la question de savoir si la motivation de la décision attaquée peut être considérée comme suffisante, si elle est lue à la lumière de la motivation de la décision de l’examinateur.

37      L’examinateur a relevé, de façon semblable à la chambre de recours, que la marque demandée « inform[ait] immédiatement et sans autre réflexion le public pertinent que les produits et services visés par la demande permett[ai]ent la réalisation (ou [étaie]nt directement liés à la réalisation) d’opérations sur devises telles que les opérations de change ». Ensuite, l’examinateur a énuméré certains produits et services visés par la marque demandée.

38      Ainsi, l’examinateur s’est également borné à la considération que tous les produits et les services en cause étaient liés aux opérations de change. Par ailleurs, sa décision ne contient ni une motivation supplémentaire du caractère descriptif pour des produits et des services sans cette caractéristique ni d’autres indications quant aux raisons pour lesquelles la totalité de ces produits et de ces services était liée aux opérations de change. Elle ne permet pas non plus de mieux comprendre les raisons pour lesquelles la marque demandée doit être considérée comme se composant d’éléments descriptifs par rapport à chacun des produits et des services visés par la marque. L’énumération incomplète de quelques produits et services, jointe à l’appréciation citée au point précédent sans autre justification, ne représente pas, en soi, une valeur ajoutée à cet égard.

39      Par conséquent, la référence faite à la motivation de la décision de l’examinateur ne permet pas de combler les lacunes de la décision attaquée.

40      En résumé, il convient de constater que la décision attaquée est entachée de défauts de motivation en ce qui concerne le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. En premier lieu, elle ne contient aucune motivation par rapport à ces produits et services qui ne sont pas liés aux opérations de change, mais également visés par la marque demandée. En deuxième lieu, la motivation fournie ne permet de comprendre ni les raisons pour lesquelles la chambre de recours a considéré que tous les produits et les services étaient liés aux opérations de change, ni celles pour lesquelles elle a estimé que les signes figurant dans la marque demandée étaient descriptifs pour chacun de ces produits et de ces services. En troisième lieu, ces lacunes ne sont pas compensées par la motivation de la décision de l’examinateur. Par conséquent, le Tribunal n’est pas en mesure d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée quant au fond.

41      Il ressort des points 29 à 32 de la décision attaquée que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, est fondée sur le caractère descriptif des symboles « € » et « $ » dont elle est composée. Il s’ensuit que l’invocation du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 est viciée du même défaut de motivation que celui rencontré dans le cadre de l’examen du motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement.

42      Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

44      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 juillet 2016 (affaire R 2086/2015-5) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné aux dépens.

Gratsias

Dittrich

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mars 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.