Language of document : ECLI:EU:C:2001:123

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

23 février 2001 (1)

«Référé - Système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche - Règlement (CE) n° 2012/2000 - Sursis à exécution - Urgence»

Dans l'affaire C-445/00 R,

République d'Autriche, représentée par M. H. Dossi, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. A. Lopes Sabino et G. Houttuin, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

République fédérale d'Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent, assisté de Mes J. Sedemund et T. Lübbig, Rechtsanwälte,

et par

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes M. Wolfcarius et C. Schmidt, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande de sursis à l'exécution du règlement (CE) n° 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n° 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche (JO L 241, p. 18), ainsi qu'une demande de mesures provisoires,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

rend la présente

Ordonnance

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 décembre 2000, la république d'Autriche a, en vertu de l'article 230 CE, demandé l'annulation du règlement (CE) n° 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n° 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche (JO L 241, p. 18, ci-après le «règlement attaqué»).

2.
    Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le même jour, la république d'Autriche a, en vertu des articles 242 CE et 243 CE, demandé qu'il soit sursis à l'application du règlement attaqué et que soient adoptées des mesures provisoires.

3.
    Le Conseil de l'Union européenne a présenté ses observations écrites sur la demande en référé le 15 janvier 2001.

4.
    Par requêtes déposées au greffe de la Cour, respectivement, les 27 décembre 2000 et 8 janvier 2001, la République fédérale d'Allemagne et la Commission des Communautés européennes ont demandé à intervenir dans la présente procédure en référé à l'appui des conclusions du Conseil.

5.
    En application de l'article 37, premier et quatrième alinéas, du statut CE de la Cour de justice et de l'article 93, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, il y a lieu de faire droit aux demandes d'intervention dans la procédure en référé.

6.
    La République fédérale d'Allemagne et la Commission ont présenté leurs mémoires en intervention le 16 janvier 2001.

7.
    Par mémoire déposé au greffe le 31 janvier 2001, la Commission, à la demande de la Cour, a communiqué divers documents et renseignements complémentaires.

8.
    Les parties ont été entendues en leurs observations orales le 5 février 2001.

9.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

-    surseoir provisoirement à l'exécution du règlement attaqué;

-    déclarer que la Commission est chargée, afin d'assurer l'octroi d'écopoints et, ainsi, les possibilités de transit à travers l'Autriche, tout en évitant des dommages irréparables jusqu'à une décision sur le fond, de procéder, à partir de l'année 2001 et pendant la durée de la procédure au principal, à une réduction des écopoints supérieure à celle prévue dans le règlement attaqué, étant entendu qu'elle doit tenir compte d'une répartition proportionnelle entre les États membres.

10.
    Le Conseil demande à la Cour de:

-    déclarer la requête irrecevable en tant qu'elle demande à la Cour d'enjoindre à la Commission, qui n'est pas partie à la cause, d'adopter un acte nouveau et différent;

-    rejeter la demande en référé comme non fondée pour le surplus;

-    condamner la requérante aux dépens.

11.
    La Commission et le gouvernement allemand concluent à l'irrecevabilité de la demande de mesures provisoires et au rejet de la demande de sursis à l'exécution.

Cadre juridique et factuel

12.
    Le protocole n° 9, sur le transport par route et par rail et le transport combiné en Autriche (ci-après le «protocole»), de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après l'«acte d'adhésion»), instaure, dans sa troisième partie relative au transport par route, un régime spécial pour le trafic de marchandises routier de transit à travers l'Autriche.

13.
    Ce régime trouve son origine dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la république d'Autriche en matière de transit de marchandises par rail et par route, signé à Porto le 2 mai 1992 (ci-après l'«accord de 1992»), approuvé au nom de la Communauté par la décision 92/577/CEE du Conseil, du 27 novembre 1992 (JO L 373, p. 4).

14.
    Les éléments essentiels de ce régime sont prévus à l'article 11, paragraphe 2, du protocole, qui est libellé comme suit:

«Jusqu'au 1er janvier 1998, les dispositions suivantes s'appliquent:

a)    Les émissions totales de NOx des camions qui traversent l'Autriche en transit sont réduites de 60 % durant la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2003, conformément au tableau figurant à l'annexe 4.

b)    La réduction des émissions totales de NOx imputables aux camions est gérée à l'aide d'un système d'écopoints. Dans ce système, chaque camion a besoin, pour traverser l'Autriche, d'un certain nombre de points représentant son niveau d'émission de NOx [valeur autorisée dans le cadre de la conformité de la production (COP) ou découlant de la réception par type]. La méthode de calcul et de gestion de ces points est décrite à l'annexe 5.

c)    Si le nombre de trajets devait, au cours d'une année, dépasser de plus de 8 % le chiffre obtenu pour l'année 1991, la Commission, agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16, adopte les mesures appropriées conformément au point 3 de l'annexe 5.

d)    [...]

e)    Les écopoints sont distribués par la Commission parmi les États membres, conformément aux dispositions à établir selon le paragraphe 6.»

15.
    L'article 11, paragraphes 4 à 6, du protocole prévoit:

«4.    Avant le 1er janvier 2001, la Commission, en coopération avec l'Agence européenne de l'environnement, effectue une étude scientifique sur le degré de réalisation de l'objectif concernant la réduction de la pollution fixé au paragraphe 2 point a). Si la Commission arrive à la conclusion que cet objectif a été atteint de façondurable, les dispositions du paragraphe 2 cessent de s'appliquer le 1er janvier 2001. Si, par contre, la Commission arrive à la conclusion que cet objectif n'a pas été atteint de façon durable, le Conseil, statuant en conformité avec l'article 75 du traité CE, peut arrêter des mesures, dans un cadre communautaire, qui assurent une protection équivalente de l'environnement, notamment une réduction de la pollution de 60 %. Si le Conseil n'adopte pas ces mesures, la période transitoire est automatiquement prorogée d'une dernière période de trois ans, au cours de laquelle les dispositions du paragraphe 2 s'appliquent.

5.    Au terme de la période transitoire, l'acquis communautaire est applicable dans sa totalité.

6.    La Commission, agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16, arrête les modalités concernant les procédures relatives au système d'écopoints, à la distribution des écopoints et aux questions techniques liées à l'application du présent article; ces modalités entrent en vigueur à la date d'adhésion de l'Autriche.

[...]»

16.
    Aux termes de l'article 16 du protocole:

«1.    La Commission est assistée par un comité composé des représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission.

2.    Lorsqu'il est fait référence à la procédure prévue au présent article, le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. L'avis est émis à la majorité prévue à l'article 148 paragraphe 2 du traité CE pour l'adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants sont affectées de la pondération définie à l'article précité. Le président ne prend pas part au vote.

3.    La Commission arrête les mesures envisagées lorsqu'elles sont conformes à l'avis du comité.

Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l'avis du comité, ou en l'absence d'avis, la Commission soumet sans tarder au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.

4.    Si, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la saisine du Conseil, celui-ci n'a pas statué, les mesures proposées sont arrêtées par la Commission.»

17.
    L'annexe 5 du protocole, intitulée «Calcul et gestion des écopoints visés à l'article 11 paragraphe 2 point b) du protocole», dispose, en son point 3:

«En cas d'application de l'article 11 paragraphe 2 point c), le nombre d'écopoints pour l'année suivante est établi comme suit:

Les moyennes trimestrielles d'émission de NOx pour les camions durant l'année en cours, calculées conformément au pont 2 ci-dessus, seront extrapolées pour déterminer l'émission moyenne de NOx prévue pour l'année suivante. La valeur prévue, multipliée par 0,0658 et par le nombre d'écopoints fixé à l'annexe 4 pour l'année 1991, constituera le nombre d'écopoints pour l'année en question.»

18.
    La Commission a, en application de l'article 11, paragraphe 6, du protocole, adopté le règlement (CE) n° 3298/94, du 21 décembre 1994, arrêtant les modalités des procédures relatives au système de droits de transit (écopoints) pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche, établi à l'article 11 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de la Norvège, de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède (JO L 341, p. 20). Ce règlement modifie l'annexe 4 du protocole et fixe le nombre total d'écopoints comme suit:

Année
Pourcentage

d'écopoints
Écopoints alloués

aux 15

États membres
1991

(année de référence)
100 %
23 556 220
1995
71,7 %
16 889 810
1996
65,0 %
15 311 543
1997
59,1 %
13 921 726
1998
54,8 %
12 908 809
1999
51,9 %
12 225 678
2000
49,8 %
11 730 998
2001
48,5 %
11 424 767
2002
44,8 %
10 533 187
2003
40,0 %
9 422 488

Le règlement n° 3298/94 fixe aussi, à son annexe D, la clé de la répartition des écopoints entre les États membres.

19.
    Le chiffre des trajets en transit à travers l'Autriche pour 1991 étant de 1 490 900 trajets, le seuil auquel l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole fait référence équivaut à 1 610 172 trajets en transit.

20.
    Selon les indications non contestées de la requérante, les statistiques des écopoints ont fait apparaître un trafic de 1 706 436 trajets au cours de l'année 1999, correspondant à un dépassement de 14,57 % du chiffre obtenu pour 1991.

21.
    Agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16 du protocole, la Commission a, le 20 mai 2000, soumis un projet de règlement de la Commission au comité prévu à l'article 16 du protocole (ci-après le «comité des écopoints»). Elle a fait valoir que, selon la méthode de calcul figurant à l'annexe 5, point 3, du protocole, le nombre d'écopoints pour l'année 2000 devait être réduit d'environ 20 % (soit une réduction de 2 184 552 écopoints). Selon la Commission, cette réduction aurait eu pour conséquence que, au cours du dernier trimestre de l'année 2000, pratiquement aucun écopoint n'aurait plus été disponible, de sorte que tout transit de camions à travers l'Autriche aurait été interdit. Dès lors, faisant valoir que les dispositions applicables du protocole devaient être interprétées à la lumière des libertés fondamentales, la Commission a proposé de répartir la réduction du nombre d'écopoints sur les quatre dernières années, de 2000 à 2003, faisant l'objet du régime transitoire. 30 % de réduction devaient intervenir en 2000, 30 % en 2001, 30 % en 2002 et les 10 % restants en 2003.

22.
    Considérant que le protocole ne fixait aucune orientation en ce qui concerne la répartition de la réduction entre les États membres, la Commission a également proposé que la charge de la réduction soit supportée par les États membres dont les transporteurs auraient contribué au dépassement du seuil de trajets, prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, au cours de l'année 1999.

23.
    Aucune majorité qualifiée ne s'étant dégagée au sein du comité des écopoints en faveur du projet de la Commission, celle-ci a présenté au Conseil, le 21 juin 2000, une proposition de règlement du Conseil COM(2000) 395 final identique.

24.
    Selon les indications non contestées de la requérante, la présidence française a, le 21 septembre 2000, présenté au Conseil une proposition de compromis qui, tout en retenant la proposition originale de la Commission d'étalement de la réduction des écopoints jusqu'en 2003, adoptait une nouvelle méthode de calcul aboutissant à une réduction de 1 009 501 écopoints. La Commission a alors modifié sa proposition initiale dans le sens de la proposition de compromis française, permettant ainsi au Conseil d'adopter à la majorité qualifiée la proposition modifiée de la Commission, laquelle est devenue le règlement attaqué. La république d'Autriche a voté contre.

25.
    Les cinquième à septième considérants du règlement attaqué sont libellés comme suit:

«L'application du protocole n° 9 doit être faite en conformité avec les libertés fondamentales instaurées par le traité; il s'impose donc de prendre des mesures capables d'assurer la libre circulation des marchandises et le plein fonctionnement du marché intérieur.

Une imposition de la réduction totale des écopoints sur la seule année 2000 aurait l'effet disproportionné de conduire quasiment à l'arrêt de la circulation de transit à travers l'Autriche; par conséquent, la réduction du nombre total d'écopoints s'échelonnera de 2000 à 2003.

Pour garantir la proportionnalité de la réduction du nombre d'écopoints, il convient également que les États membres qui ont le plus contribué au dépassement de 8 % du seuil fixé soient soumis à une diminution du nombre d'écopoints qui leur sont alloués, afin que la réduction totale puisse s'effectuer comme prévu. Cette mesure nécessite la révision de la clé de répartition des écopoints entre les États membres.»

26.
    L'article 1er du règlement attaqué modifie l'annexe 4 du protocole, en vue de fixer le nouveau nombre d'écopoints par année, tel qu'il résulte de la réduction étalée sur les années 2000 à 2003.

27.
    L'article 2, point 1, du règlement attaqué remplace l'article 6, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 3298/94 par la disposition suivante:

«Dans le cas visé à l'article 11, paragraphe 2, point c), du protocole n° 9, le nombre d'écopoints est réduit. Cette réduction est calculée selon la méthode définie à l'annexe 5, paragraphe 3, du protocole. La réduction du nombre d'écopoints qui en résulte s'échelonne sur plusieurs années.»

28.
    Enfin, l'article 2, point 4, du règlement attaqué modifie l'annexe D du règlement n° 3298/94, en vue d'effectuer une nouvelle répartition des écopoints entre les États membres.

29.
    En application de l'article 11, paragraphe 4, du protocole, la Commission a adopté, le 21 décembre 2000, un rapport COM(2000) 862 final concernant les transports routiers de marchandises en transit par l'Autriche, destiné au Conseil. Ce rapport contient une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil qui a pour objet de supprimer l'article 11, paragraphe 2, sous c), et l'annexe 5, point 3, du protocole.

30.
    La Commission n'étant pas arrivée, dans son rapport, à la conclusion que l'objectif concernant la réduction de la pollution de 60 % avait été atteint de façon durable, et le Conseil n'ayant pas arrêté les mesures visées à l'article 11, paragraphe 4, troisième phrase, du protocole, la période transitoire a été automatiquement prorogée d'une dernière période de trois ans, s'étendant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, au cours de laquelle les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, du protocole, et en particulier son point c), s'appliquent.

Arguments des parties

Considérations préliminaires sur la demande de mesures provisoires

31.
    Selon la requérante, une demande de mesures provisoires en vertu de l'article 243 CE est nécessaire. Elle considère en effet que, s'il est fait droit à sa demande de sursis à l'exécution du règlement attaqué, le fondement juridique de l'attribution des écopoints par la Commission disparaîtra, de sorte que, dans une telle hypothèse, à défaut de l'octroi des mesures provisoires également réclamées dans la présente procédure en référé, plus aucun écopoint ne pourrait être attribué aux États membres.

32.
    S'agissant du contenu des mesures provisoires, la requérante explique que, compte tenu du fait que les mesures ne peuvent plus porter sur l'année 2000, elle demande à la Cour d'enjoindre à la Commission de fixer, à titre provisoire, pour la durée de la procédure au principal, une réduction du nombre d'écopoints supérieure à celle prévue dans le règlement attaqué et respectant une répartition proportionnelle entre les États membres. La réduction découlant du dépassement du seuil de trajets survenu en 1999, déduction faite de la diminution de 30 % déjà réalisée en 2000, pourrait être appliquée au cours de l'année 2001.

33.
    Le Conseil, le gouvernement allemand et la Commission considèrent que la demande de mesures provisoires est irrecevable. D'une part, la requête au principal ne serait pas dirigée contre un acte de la Commission et cette institution ne serait pas mise en cause par la requérante. La Commission précise, à cet égard, que sa qualité d'intervenante ne permet pas à la Cour de prononcer une quelconque mesure à son encontre. D'autre part, il serait de jurisprudence constante que le juge communautaire ne peut pas se substituer aux autres institutions communautaires. Or, dans le cas d'espèce, si la Cour voulait ordonner les mesures réclamées par la requérante, elle serait amenée à entreprendre des appréciations factuelles et économiques qui ne relèvent pas de sa compétence.

34.
    Le gouvernement allemand fait également valoir que la demande de mesures provisoires est irrecevable au motif qu'elle n'est pas suffisamment précise au regard des exigences de l'article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure et qu'une mesure provisoire ordonnant à la Commission de ne pas tenir compte du contingentement des écopoints prévu par le règlement attaqué reviendrait à préjuger l'affaire au principal.

35.
    Pour sa part, la Commission conteste la thèse de la requérante selon laquelle le sursis à l'exécution du règlement attaqué conduirait à la disparition du fondement juridique permettant l'attribution d'écopoints. Elle considère, au contraire, que le sursis à l'exécution du règlement attaqué, tout comme son annulation au fond, aurait pour seul effet de faire disparaître le fondement juridique de la réduction du nombre d'écopoints découlant du dépassement du seuil de trajets en 1999. En l'absence de ce règlement, le trafic de transit à travers l'Autriche resterait réglementé par le protocole.

Sur le fumus boni juris

36.
    S'agissant du fumus boni juris, la requérante renvoie aux griefs formulés à l'encontre du règlement attaqué dans son recours en annulation. Dans ce dernier, elle invoque six moyens différents, dont trois sont également développés dans la demande en référé.

37.
    Par son premier moyen, la requérante conclut à une violation des formes substantielles dans le cadre de l'adoption du règlement attaqué. Elle fait valoir, en particulier, que la décision de la Commission de modifier sa proposition de règlement initiale en vue de se rallier au compromis présenté par la présidence du Conseil n'a pas été prise collégialement. La requérante ajoute, à cet égard, qu'une habilitation au commissaire responsable l'autorisant, le cas échéant, à modifier une proposition de la Commission afin de faire sienne une formulation nouvelle recueillant la majorité qualifiée au sein du Conseil ne respecterait pas le règlement intérieur de la Commission, lequel limiterait les habilitations à l'adoption des mesures de gestion et d'administration clairement définies.

38.
    Par son deuxième moyen, la requérante soutient que, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 16 du protocole, la Commission n'était pas compétente pour modifier a posteriori et de façon substantielle la proposition qu'elle avait soumise au Conseil.

39.
    Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que, s'agissant du calcul de la mesure de la réduction des écopoints, de la clé de répartition de la réduction entre les États membres, de l'étalement sur quatre ans de la réduction en cause en l'espèce, ainsi que de l'introduction d'une règle générale d'étalement de la réduction des écopoints sur plusieurs années en cas de dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, le règlement attaqué ne satisfait aucunement à l'obligation de motivation.

40.
    Par son quatrième moyen, la requérante soutient que le règlement attaqué viole à divers égards le traité CE et le protocole.

41.
    En premier lieu, selon la requérante, le libellé des dispositions concernées du protocole serait univoque et clair et ne laisserait aucune place à l'interprétation: dès lors qu'un dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole s'était produit en 1999, il y avait lieu de déterminer la réduction du nombre d'écopoints pour l'année 2000 selon le mode de calcul prévu à l'annexe 5, point 3, du protocole. Pourtant, l'article 1er du règlement attaqué ne prévoirait pas d'appliquer en totalité en 2000 la réduction du nombre d'écopoints découlant du dépassement du seuil de trajets constaté en 1999, mais la répartirait sur les quatre années du régime transitoire actuel, soit de 2000 à 2003. Or, le protocole faisant partie du droit primaire, sa modification formelle par le règlement attaqué, qui est un acte de droit dérivé, sans que le Conseil dispose d'une habilitation explicite en droit primaire, constituerait une illégalité manifeste.

42.
    Outre l'article 1er du règlement attaqué, son article 2, point 1, qui modifie l'article 6, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 3298/94, entraînerait aussi une modification des objectifs du droit primaire en tant qu'il prévoit de façon généralequ'une réduction extraordinaire du nombre d'écopoints «s'échelonne sur plusieurs années». La transformation de l'étalement de la réduction du nombre d'écopoints en règle générale pour tous les cas d'application de l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole ne trouverait aucun fondement juridique dans le protocole et serait manifestement contraire au régime qui y est institué.

43.
    La requérante juge inacceptables les justifications avancées par le Conseil dans les considérants du règlement attaqué, concernant l'effet disproportionné de l'application de la réduction des écopoints en totalité sur la seule année 2000 et le fait que l'application du protocole doit se faire en conformité avec les libertés fondamentales instaurées par le traité, dès lors que la méthode d'interprétation utilisée par le Conseil est, selon elle, contraire au libellé clair du protocole. Au surplus, à supposer même que cette façon de procéder soit permise, le régime institué par le règlement attaqué serait de toute façon illégal, car il aurait manifestement été possible d'appliquer le protocole sans créer de restriction sur le marché intérieur en adoptant des mesures moins contraignantes, par exemple un étalement de la réduction sur les seules années 2000 et 2001.

44.
    En second lieu, la requérante considère que la nouvelle répartition des écopoints entre les États membres est incompatible avec le droit communautaire. Selon elle, en l'absence d'indications dans le protocole sur la méthode de répartition, celle-ci devrait être mise en oeuvre dans le cadre des principes généraux du droit, notamment le principe de solidarité, complété par les principes du pollueur-payeur et de proportionnalité.

45.
    Or, tout d'abord, le fait que, aux termes du règlement attaqué, la réduction des écopoints concerne uniquement les États membres qui ont contribué à l'augmentation considérable du trafic de transit à travers l'Autriche serait, par principe, fondamentalement incompatible avec le principe de solidarité. Ensuite, le premier critère utilisé par le Conseil pour déterminer les «principaux responsables» de cette augmentation, à savoir la mesure dans laquelle les États membres ont contribué au dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, serait également incompatible avec le principe de proportionnalité. En effet, il apparaîtrait disproportionné qu'un État membre qui a à peine dépassé ce seuil supporte une réduction de son contingent d'écopoints, alors qu'un État membre qui est resté juste en deçà du même seuil y échappe entièrement. Enfin, quant au second critère, fondé sur l'évolution du trafic en 1999 par rapport aux années 1995 à 1997, la requérante fait valoir que les années de référence ont été arbitrairement choisies.

46.
    Selon le cinquième moyen, la méthode de calcul de la réduction des écopoints qui a été retenue par le règlement attaqué serait incompatible avec les objectifs généraux du protocole et constituerait ainsi une violation de ce dernier et une application erronée du mode de calcul fixé à son annexe 5, point 3. L'utilisation de cette méthode de calcul aurait abouti à effectuer une réduction inférieure à ce que prévoirait le protocole. Le règlement attaqué serait par ailleurs entaché d'un grave défaut de motivation, étantdonné qu'il ne comporterait pas d'indications concrètes sur la méthode de calcul sur laquelle est fondée la réduction des écopoints prévue à son article 1er.

47.
    Afin d'établir l'illégalité de la méthode de calcul utilisée, la requérante relève tout d'abord que les statistiques d'écopoints pour 1999 comprennent non seulement les trajets à travers l'Autriche qui ont effectivement donné lieu à un décompte d'écopoints, mais aussi ceux qui sont considérés comme relevant de la «liste noire», c'est-à-dire les trajets en transit «illégaux» qui ont été effectués sans que des écopoints aient été décomptés. La requérante rappelle que les statistiques d'écopoints pour 1999 ont retenu une valeur d'émission de NOx égale à zéro pour ces trajets «illégaux» à travers l'Autriche dans le cadre du système électronique d'écopoints, étant donné que, de fait, aucun écopoint n'a été décompté pour lesdits trajets.

48.
    Or, dans le cadre de l'application de la formule prévue à l'annexe 5, point 3, du protocole pour calculer la réduction des écopoints, le Conseil se serait fondé uniquement sur le niveau effectif moyen d'émission de NOx par camion, omettant ainsi de prendre en considération les trajets «illégaux», qui sont comptés pour zéro dans les statistiques. La requérante considère que le Conseil aurait dû se fonder sur la valeur moyenne d'émission de NOx par trajet, ce qui aurait inclus les trajets «illégaux». Cette absence de prise en compte des trajets «illégaux» anéantirait ou, du moins, affecterait fortement l'effet utile du protocole, à savoir la protection de l'environnement et de la santé de la population.

49.
    Par son sixième moyen, la requérante considère que les dispositions du règlement attaqué sont dépourvues de base juridique parce que ni l'article 11, paragraphe 2, ni l'article 16, ni aucune autre disposition du protocole ne conférait compétence pour les adopter. Or, en vertu du principe des compétences d'attribution, les institutions ne pourraient agir que dans le cadre des compétences qui leur ont été attribuées.

50.
    Quant au premier moyen, le Conseil et le gouvernement allemand font valoir que la requérante se fonde sur une simple présomption et la Commission affirme que le commissaire responsable, anticipant l'évolution des négociations au Conseil, s'était fait habiliter afin de pouvoir modifier la proposition au cas où un texte de compromis obtiendrait le soutien de la majorité qualifiée du Conseil. Le gouvernement allemand considère par ailleurs qu'une éventuelle faute de la Commission ne saurait entraîner l'illégalité d'un acte d'une autre institution.

51.
    S'agissant du deuxième moyen, le Conseil et les parties intervenantes considèrent que la Commission peut à tout moment modifier sa proposition, conformément à l'article 250, paragraphe 2, CE.

52.
    Réfutant les arguments concernant le troisième moyen, tiré du défaut de motivation du règlement attaqué, le Conseil soutient que ce règlement est suffisamment motivé et que la jurisprudence n'impose pas que l'acte contesté explicite toutes les méthodes de calcul, taux et montants. Il rappelle que la motivation doit s'apprécier en fonction du contexte et de l'ensemble des règles régissant la matière concernée.

53.
    Concernant la branche du quatrième moyen tirée d'une violation du protocole en ce que le règlement attaqué prévoit l'étalement de la réduction des écopoints à la suite du dépassement du seuil de trajets en 1999, le Conseil considère qu'une application de la réduction des écopoints en totalité sur la seule année 2000 aurait eu l'effet disproportionné d'arrêter toute circulation de transit à travers l'Autriche, conséquence que la requérante aurait expressément reconnue dans sa requête. Il souligne que l'objectif du système d'écopoints est de réduire la pollution et que cet objectif est déjà largement atteint. Les éventuels problèmes de bruits, outre qu'ils ne seraient pas réellement à l'origine du régime des écopoints, devraient céder face aux impératifs de bon fonctionnement du marché intérieur. De surcroît, l'interprétation du protocole avancée par la requérante aurait pour effet de sanctionner l'existence de camions moins polluants.

54.
    Le Conseil soutient ainsi qu'il fallait appliquer le protocole en tenant compte de ses objectifs et de ceux de l'acte d'adhésion: l'intégration pleine de la république d'Autriche dans le régime prévu par le traité concernant la libre circulation des marchandises et le marché intérieur. Le système d'écopoints serait un régime dérogatoire et temporaire, se terminant au plus tard en 2003, et l'acquis communautaire serait applicable «dans sa totalité» au terme de cette période transitoire, conformément à l'article 11, paragraphe 5, du protocole. Compte tenu de ces contraintes et des objectifs du protocole, l'étalement de la réduction des écopoints sur plusieurs années constituerait la seule interprétation logique du protocole.

55.
    Selon le gouvernement allemand, il ressort de l'article 11, paragraphe 3, deuxième phrase, du protocole, qui met sur un pied d'égalité le «bon fonctionnement du marché intérieur» et la «protection de l'environnement dans l'intérêt de la Communauté dans son ensemble», que la Commission ou le Conseil ne sont pas en droit, dans le cadre du mécanisme de réduction des écopoints prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, de prendre des mesures qui perturberaient gravement le bon fonctionnement du marché intérieur. En outre, le législateur communautaire disposerait, lors de l'adoption de dispositions de mise en oeuvre du mécanisme de réduction, d'un pouvoir d'appréciation, ainsi que cela ressortirait des termes «mesures appropriées» figurant à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole. Si la Commission ou le Conseil étaient, en vertu de cette disposition, tenus de transposer le mode de calcul figurant à l'annexe 5, point 3, du protocole sans pouvoir tenir compte de l'impact sur le marché intérieur, la référence à l'adoption de «mesures appropriées» serait superflue.

56.
    S'agissant de la branche du quatrième moyen relative à la répartition de la réduction des écopoints entre les États membres, le gouvernement allemand souligne qu'il ressort de l'article 11, paragraphe 6, du protocole que la Commission bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation lors de la répartition des écopoints. Le protocole ne permettrait pas de déterminer quel principe, celui de solidarité ou celui du pollueur-payeur, doit avoir la priorité à cet égard, d'autant plus que ce dernier principe, en vertu del'article 174, paragraphe 2, premier alinéa, seconde phrase, CE, fait partie des principes fondateurs du droit communautaire de l'environnement.

57.
    Quant au grief tiré de l'adoption tardive du règlement attaqué, la Commission relève qu'un tel retard est inhérent au système, puisque la Commission et les États membres dépendent totalement de l'information statistique fournie par la république d'Autriche. Or, les informations relatives à 1999 n'auraient été fournies par cette dernière qu'en mars 2000. Compte tenu de la procédure prévue à l'article 16 du protocole qui devait être suivie, l'adoption du règlement attaqué n'aurait pas pu intervenir avant l'été 2000 et son adoption en septembre de cette même année serait normale et non tardive.

58.
    En ce qui concerne le cinquième moyen, relatif à la méthode de calcul de la réduction des écopoints correspondant au dépassement du seuil de trajets constaté en 1999, le gouvernement allemand indique que, contrairement à ce que paraît affirmer la requérante, l'incorporation dans les statistiques des trajets «illégaux» ne correspondait pas à l'opinion de la Commission. L'existence de ces trajets «illégaux» serait essentiellement due à des carences administratives de la république d'Autriche. La requérante aurait omis de mentionner que la Commission et les États membres étaient convenus, dans le cadre du comité des écopoints, qu'il ne fallait pas inclure les trajets «illégaux» dans le calcul des écopoints, et qu'ils n'étaient parvenus à aucun accord sur la définition de la «liste noire» des trajets.

59.
    S'agissant du même moyen, la Commission relève elle aussi que la république d'Autriche a soumis des statistiques erronées ne prenant pas en considération le fait que les trajets relevant de la «liste noire», qui échappent au système d'écopoints, avaient néanmoins un effet polluant. Selon la Commission, la république d'Autriche devait donc savoir que la détection de son erreur dans le calcul des statistiques provoquerait une contestation de la part des autres États membres et un retard dans l'adoption du règlement attaqué.

Sur l'urgence et la mise en balance des intérêts

60.
    La requérante considère que la mise en oeuvre du règlement attaqué entraînerait un préjudice grave et irréparable pour l'environnement et la santé de la population.

61.
    Indépendamment de la réduction des émissions de NOx, le trafic de marchandises provoquerait des émissions d'autres substances et serait générateur de bruit. Le système de plafonnement des trajets, prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, aurait précisément pour objectif de protéger la population contre une augmentation disproportionnée du trafic et contre les inconvénients qui y sont liés en termes d'émissions toxiques, de bruit, d'embouteillages et d'insécurité routière.

62.
    Les préjudices pour la forêt et pour la santé tant physique que psychique de la population à la suite d'une augmentation des émissions toxiques, du bruit, de la saleté, des encombrements seraient irréparables et ne pourraient être compensés par un dédommagement financier. Une éventuelle réduction supplémentaire ultérieure du traficde transit, en cas d'annulation du règlement attaqué dans le cadre de la procédure au principal, ne saurait compenser en aucune façon les dégâts déjà causés à l'environnement et à la santé de la population, et encore moins les réparer.

63.
    Selon la requérante, dans le cadre de la mise en balance des intérêts à effectuer, il conviendrait de tenir compte du fait que, en cas de rejet de son recours en annulation dans la procédure au principal, une réduction des trajets qui aurait précédemment été imposée à titre de mesure provisoire pourrait être compensée ultérieurement par l'octroi de contingents supplémentaires, alors que, à l'inverse, les préjudices causés à la santé et à l'environnement par des trajets «illégaux» ne pourraient en aucun cas être réparés au cas où il serait fait droit à son recours au principal.

64.
    Le Conseil considère que, s'agissant des préjudices dont le sursis à exécution viserait à prévenir la réalisation, la requérante se limite à formuler des affirmations vagues, non fondées sur des éléments de fait. En particulier, la requérante n'indiquerait en rien comment le maintien du régime prévu par le règlement attaqué pourrait entraîner un préjudice ni pourquoi ce dernier serait imputable audit règlement. Selon le Conseil, la majorité des véhicules qui traversent les routes autrichiennes ne seraient pas concernés par le système d'écopoints et, même à supposer qu'un préjudice soit causé à la santé publique et à l'environnement par la circulation routière, il ne serait pas possible de savoir dans quelle proportion il est causé par les camions soumis au système d'écopoints.

65.
    La Commission fait valoir que, depuis 1991, la pollution totale générée par le trafic de transit a diminué de 55 % en termes réels et que la majorité des camions roulant en Autriche ne sont pas soumis au régime des écopoints. De plus, ce que l'application du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole garantirait serait une accélération de la réduction de la pollution, mais, même en l'absence de dépassement de ce seuil, le système d'écopoints assurerait par lui-même une réduction progressive de la pollution.

66.
    Le gouvernement allemand réfute également les arguments de la requérante à cet égard. Il rappelle que le système d'écopoints a, jusqu'à ce jour, rempli l'objectif prévu par le protocole, à savoir la réduction constante des émissions moyennes de NOx par les camions en transit à travers l'Autriche. Quant au préjudice pour la santé publique, la requérante n'aurait pas précisé dans quelle partie de l'Autriche, pour quel cercle de personnes et sous la forme de quelles pathologies un préjudice apparaîtrait. Dès lors que les préjudices prétendument irréparables pour la santé que craint la requérante ne sont pas apparus même lorsque les émissions toxiques étaient plus élevées, jusqu'à la fin de l'année 1999 ou même encore en 2000, il serait plus qu'improbable que des préjudices de ce type apparaissent au cours des années suivantes, de 2001 à 2003, alors que le contingent d'écopoints disponible serait sensiblement inférieur à celui des années précédentes. La nécessité d'apporter la preuve du préjudice vaudrait d'autant plus en l'espèce que la requérante, en invoquant la protection de la santé, entendrait justifierdes restrictions à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services.

67.
    Le gouvernement allemand ajoute qu'il ne ressort pas de la demande de quelle manière la population autrichienne concernée par les prétendus préjudices à la santé subirait, du fait de l'application du règlement attaqué, un préjudice supérieur à celui qu'encourent les citoyens d'autres États membres qui vivent dans les environs immédiats d'autoroutes connaissant un trafic intense. Selon ce gouvernement, le trafic sur les routes de transit n'a guère pu contribuer à un important effet négatif sur la santé de la population. Il fait valoir que le tronçon du Brenner ferait partie des autoroutes autrichiennes les moins soumises au trafic des camions.

68.
    S'agissant du préjudice pour l'environnement, le gouvernement allemand relève également que la requérante n'a pas précisé dans quelles parties du pays il fallait éventuellement s'attendre à le voir se réaliser, ni quels types de plantes et d'animaux précis devaient être victimes du transit des camions. En ce qui concerne le prétendu préjudice permanent à la forêt, la requérante ne préciserait pas s'il existe un lien de cause à effet démontrable et si les prétendus préjudices sont d'une nature effectivement irréparable, compte tenu de la capacité de régénération de la forêt. Concernant le bruit, la requérante n'aurait pas établi sur quels tronçons d'autoroute il y aurait eu, éventuellement, un préjudice lié au bruit se situant à un niveau supérieur au niveau de bruit admis ailleurs en Autriche. En outre, il ne ressortirait pas du protocole que le mécanisme de régulation qu'il prévoit doive également servir à la protection contre le bruit.

69.
    S'agissant de la mise en balance des intérêts, le Conseil réplique que, en tout état de cause, l'intérêt du maintien de l'application du règlement attaqué l'emporte sur celui du sursis à son exécution. Si la Cour confirmait la validité du règlement, le dommage provoqué par la mesure provisoire demandée serait effectivement irréparable pour les entreprises empêchées d'effectuer le transit. L'idée de la requérante d'augmenter ultérieurement les écopoints en compensation serait, selon le Conseil, absurde et contraire au protocole.

70.
    Pour sa part, le gouvernement allemand relève que la demande de la requérante d'appliquer le solde de la réduction due au dépassement du seuil de trajets en 1999 sur la seule année 2001 entraînerait une perturbation grave du marché intérieur. Une réduction calculée selon la proposition de règlement COM(2000) 395 final de la Commission aurait pour conséquence, pour l'Allemagne, une diminution du nombre de trajets d'environ 80 000, ce qui affecterait les flux de marchandises pour une valeur de 4 milliards de DEM. À cela s'ajouteraient les préjudices que subiraient les nombreuses moyennes entreprises de transport allemandes et celles de tous les autres États membres qui seraient touchés par la réduction. Les dommages qui menaceraient la Communauté seraient trois à six fois plus élevés que ce qui ressort des calculs précités pour la seule Allemagne.

Appréciation

71.
    Conformément aux articles 242 CE et 243 CE, la Cour peut, si elle estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires dans les affaires dont elle est saisie.

72.
    L'article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure exige que les demandes fondées sur les articles 242 CE ou 243 CE spécifient l'objet du litige, les circonstances établissant l'urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l'octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent.

73.
    Selon une jurisprudence constante, le sursis à l'exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s'il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu'ils sont urgents en ce sens qu'il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu'ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision au principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir, par exemple, ordonnance du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C-377/98 R, non encore publiée au Recueil, point 41).

74.
    Il convient d'examiner d'abord si les griefs soulevés par la requérante à l'encontre du règlement attaqué sont de nature à justifier à première vue l'octroi du sursis et des mesures provisoires demandées.

75.
    À cet égard, le sixième moyen, qui se présente en substance comme un corollaire des quatrième et cinquième moyens, ne nécessite pas un examen séparé.

76.
    S'agissant, en premier lieu, du moyen relatif au défaut de caractère collégial de la décision de la Commission de modifier sa proposition de règlement, la Commission a expliqué que le commissaire responsable s'était fait habiliter pour pouvoir modifier ladite proposition au cas où un compromis obtiendrait le soutien de la majorité qualifiée du Conseil, ce qui s'est produit.

77.
    À cet égard, il convient de relever que, selon l'article 13 du règlement intérieur de la Commission, dans sa version en vigueur à la date des faits, la Commission «peut [...] habiliter un ou plusieurs de ses membres à prendre, en son nom et sous son contrôle, des mesures de gestion ou d'administration clairement définies» et qu'elle peut également «charger un ou plusieurs de ses membres, en accord avec le président, d'adopter le texte définitif [...] d'une proposition à soumettre aux autres institutions, dont elle a défini la substance lors de ses délibérations».

78.
    En l'espèce, la modification de la proposition de règlement a porté principalement sur un aspect, certes important, mais de nature technique, relatif à l'application de la méthode de calcul, aspect sur lequel les avis des États membres divergeaient. Par ailleurs, selon la Commission, qui n'a pas été contredite sur ce point, la modificationde sa proposition faisait suite à des précisions sur l'interprétation des statistiques qui auraient été apportées par la requérante postérieurement à la proposition de règlement initiale. Dans ces conditions, on ne saurait se rallier sans réserve à la thèse de la requérante selon laquelle le principe de collégialité n'aurait pas été respecté.

79.
    En ce qui concerne, en deuxième lieu, la possibilité pour la Commission de modifier a posteriori la proposition de règlement qu'elle avait soumise au Conseil dans le cadre de la procédure prévue à l'article 16 du protocole, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que, dans le cadre d'une procédure dite «du comité de réglementation», telle que celle en cause en l'espèce, la Commission dispose d'une certaine marge d'appréciation pour modifier la proposition relative aux mesures à prendre qu'elle soumet au Conseil (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 1997, Moskof, C-244/95, Rec. p. I-6441, point 39; du 18 novembre 1999, Pharos/Commission, C-151/98 P, Rec. p. I-8157, point 23, et du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, non encore publié au Recueil, point 65).

80.
    Ainsi qu'il a été relevé au point 78 de la présente ordonnance, les modifications portaient en l'espèce sur l'interprétation des statistiques et la méthode de calcul. Dans ces conditions, les arguments invoqués par la requérante ne semblent pas établir, en première analyse, que la Commission aurait excédé la marge d'appréciation dont elle dispose en la matière.

81.
    En ce qui concerne, en troisième lieu, le moyen tiré d'un défaut de motivation, il convient de rappeler, d'une part, que le règlement attaqué a été adopté après consultation du comité des écopoints, au sein duquel la requérante était représentée et, d'autre part, que la motivation d'un acte de portée générale ne saurait porter sur chacun des choix techniques auxquels il procède. En outre, les considérants du règlement attaqué permettent, à première vue, d'en comprendre le but et les raisons.

82.
    En quatrième lieu, quant au moyen relatif à la violation du protocole, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre de l'appréciation du fumus boni juris des demandes, il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer à titre définitif sur l'interprétation du protocole.

83.
    Sous cette réserve, force est de reconnaître le sérieux des arguments invoqués par la requérante dans la première branche de ce moyen, selon laquelle les mesures qu'exigeait le dépassement, au cours de l'année 1999, du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole ne pouvaient porter que sur l'année suivante, à savoir l'année 2000. Il en va de même pour ce qui concerne l'illégalité alléguée de l'article 2, point 1, du règlement attaqué, en ce qu'il modifie l'article 6, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 3298/94 en transformant l'étalement sur plusieurs années de la réduction des écopoints découlant de l'application de l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole en règle générale pour l'avenir.

84.
    En effet, il ressort du libellé de l'annexe 5, point 3, du protocole que les «mesures appropriées» qui, aux termes de l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole,doivent être adoptées en cas de dépassement du seuil prévu à cette dernière disposition sont appliquées pour l'année qui suit celle au cours de laquelle le dépassement a été constaté.

85.
    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que les protocoles et annexes d'un acte d'adhésion constituent des dispositions de droit primaire qui, à moins que l'acte d'adhésion n'en dispose autrement, ne peuvent être suspendues, modifiées ou abrogées que selon les procédures prévues pour la révision des traités originaires (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 1988, LAISA/Conseil, 31/86 et 35/86, Rec. p. 2285, point 12).

86.
    Il convient néanmoins d'apprécier si, comme le Conseil et les parties intervenantes le soutiennent, le contexte et la finalité du système d'écopoints doivent conduire à une autre interprétation du protocole, et notamment de son annexe 5.

87.
    L'objectif du système d'écopoints mis en place par l'accord de 1992 et repris dans le protocole est d'aboutir à une réduction de 60 % des émissions totales de NOx des camions qui traversent l'Autriche en transit durant la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2003.

88.
    Cet objectif, énoncé à l'article 11, paragraphe 2, sous a), du protocole, avait déjà été fixé à l'article 15, paragraphe 3, de l'accord de 1992. Il résulte de l'article 15, paragraphes 1 et 2, de cet accord que ledit objectif a été fixé afin de «réduire la pollution et le bruit causés par les camions qui transitent par le territoire autrichien», et ce «[e]n vue d'assurer l'indispensable protection de la santé publique et de l'environnement». Il ressort également de l'article 15, paragraphe 2, de l'accord de 1992 que, au moment de la mise en place du système d'écopoints, il a été estimé que la réduction des émissions de NOx serait considérée comme représentative pour apprécier la réduction de la pollution et du bruit.

89.
    Au terme d'un premier examen de l'article 11, paragraphe 4, du protocole, il apparaît que l'objectif de réduction de 60 % des émissions de NOx présente un caractère essentiel. En effet, cette disposition a prévu que, si la Commission, à la lumière de l'étude scientifique y prévue sur le degré de réalisation de cet objectif, arrivait à la conclusion que ce dernier avait été atteint de façon durable - ce qui n'a pas été le cas -, les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, du protocole cesseraient de s'appliquer au 1er janvier 2001, mais que, si, en revanche, la Commission arrivait à la conclusion que l'objectif de réduction de 60 % des émissions de NOx n'avait pas été atteint de façon durable - ce qui a été le cas -, le Conseil, statuant en conformité avec l'article 75 du traité CE (devenu, après modification, article 71 CE), pourrait arrêter des mesures assurant une protection équivalente de l'environnement, «notamment une réduction de la pollution de 60 %».

90.
    Toutefois, le caractère essentiel de l'objectif de réduction des émissions de NOx dans le système d'écopoints ne paraît pas, en première analyse, de nature à modifier l'interprétation de l'article 11, paragraphe 2, sous c), en relation avec l'annexe 5, point3, du protocole, telle qu'elle résulte du libellé même de ces dispositions. En effet, le mécanisme de réduction des écopoints que prévoient ces dernières est déclenché en cas de dépassement du seuil de trajets prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, et non pas d'un seuil d'écopoints ou d'émissions de NOx. Il convient de relever, à cet égard, que tant le seuil de trajets que le mécanisme déclenché par son dépassement ont été repris, sans modifications substantielles, de l'article 15, paragraphe 5, point 2, et de l'annexe IX, point 4, de l'accord de 1992.

91.
    En se fondant ainsi sur un seuil de trajets, l'article 11, paragraphe 2, sous c), et l'annexe 5, point 3, du protocole paraissent viser non seulement la réduction des émissions de NOx - objectif qui, au demeurant, ne peut qu'être favorisé par une réduction du nombre d'écopoints -, mais aussi, à titre d'objectif complémentaire, une limitation du nombre de trajets, dont l'augmentation est considérée comme une perturbation qui doit être évitée.

92.
    Enfin, il n'apparaît pas, à première vue, que la divergence qui semble ainsi exister entre les dispositions précitées du protocole et celles du règlement attaqué puisse être justifiée par les exigences d'intégration de la république d'Autriche dans le marché intérieur.

93.
    En effet, les dispositions en cause du protocole établissent précisément un régime transitoire qui déroge, en tant que de besoin, aux règles de fonctionnement du marché intérieur. Certes, toute disposition d'un acte d'adhésion qui comporte une dérogation aux règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises doit recevoir une interprétation stricte (voir arrêt du 3 décembre 1998, KappAhl, C-233/97, Rec. p. I-8069, point 18), en vue d'une réalisation plus facile des objectifs du traité et d'une application intégrale de ses règles (arrêt du 25 février 1988, Commission/Grèce, 194/85 et 241/85, Rec. p. 1037, point 20). Néanmoins, il n'en résulte pas qu'il soit possible d'effectuer une interprétation contraire au libellé clair de la disposition en cause.

94.
    En revanche, quant à la branche du même moyen concernant le mode de répartition de la réduction des écopoints entre les États membres, le protocole ne donnant aucune indication quant à la méthode à suivre, il convient d'admettre, sans préjudice des appréciations à opérer dans le cadre du recours principal, que les institutions disposent, à première vue, d'un certain pouvoir d'appréciation à cet égard, lequel n'apparaît donc susceptible que d'un contrôle juridictionnel restreint.

95.
    Or, les arguments invoqués par la requérante ne parviennent pas à établir, en première analyse, que le Conseil aurait excédé la marge d'appréciation dont il dispose en la matière en décidant que la réduction des écopoints serait supportée par les États ayant contribué au dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole. En particulier, le règlement attaqué semble se fonder sur une méthode qui, sans préjudice de l'appréciation finale de sa validité, n'apparaît ni manifestement arbitraire ni à première vue déraisonnable.

96.
    S'agissant, en cinquième lieu, de la méthode de calcul de la réduction des écopoints qui a été retenue par le règlement attaqué, il convient, d'une part, de relever que la Commission a affirmé que sa proposition de règlement initiale était fondée sur la prémisse que les camions auxquels les statistiques d'écopoints pour 1999 affectaient une valeur d'émission de N0x égale à zéro étaient des camions qui ne polluaient pas. Or, il se serait avéré plus tard, selon les affirmations de la Commission, qu'il s'agissait, en fait, de trajets en transit «illégaux», en ce sens que les camions concernés auraient dû acquitter des écopoints.

97.
    D'autre part, si, comme la requérante le reconnaît elle-même, l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole vise à tenir compte de l'éventualité selon laquelle les progrès techniques réalisés dans l'élaboration de moteurs plus propres permettraient de dépasser les prévisions sur le fondement desquelles ont été fixées, à l'annexe 4 du protocole, les étapes annuelles de réduction des émissions de NOx, il n'apparaît, à première vue, ni arbitraire ni déraisonnable de considérer que les statistiques concernant les trajets relevant de la «liste noire», qui ne reflétaient pas la réalité de la pollution causée par ces trajets, ne devaient pas être prises en considération en vue d'effectuer le calcul nécessaire pour adapter le nombre d'écopoints aux progrès techniques réels réalisés dans l'élaboration de moteurs moins polluants.

98.
    Dans ces conditions, et compte tenu du caractère restreint du contrôle juridictionnel qui doit être effectué lorsque, comme en l'espèce, les institutions disposent, à première vue, d'un certain pouvoir d'appréciation, la thèse de la requérante selon laquelle la méthode utilisée pour calculer la réduction du nombre d'écopoints serait constitutive d'une violation du protocole ne saurait être acceptée sans réserve.

99.
    Il résulte de ce qui précède que la plupart des griefs soulevés par la requérante à l'encontre du règlement attaqué ne l'emportent pas, au terme d'un premier examen, sur les justifications et explications fournies par le Conseil, la République fédérale d'Allemagne et la Commission.

100.
    En revanche, le grief relatif à la violation du protocole du fait de l'étalement sur quatre années de la réduction du nombre d'écopoints à la suite du dépassement en 1999 du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, ainsi que de la transformation de l'étalement de telles réductions en règle générale pour l'avenir, soulève des doutes très sérieux sur la légalité des articles 1er et 2, point 1, du règlement attaqué, qui n'ont pu, à ce stade, être levés par les observations des autres parties.

101.
    Dans ces conditions, il convient d'examiner si la demande satisfait à la condition de l'urgence.

102.
    En vue d'apprécier si tel est le cas, il convient de constater d'abord que les préjudices pour la forêt et pour la santé tant physique que psychique de la population, qui, selon la requérante, découleraient de l'application du règlement attaqué, ont été évoqués de façon très générale.

103.
    Néanmoins, il doit être considéré comme établi que l'application du règlement attaqué entraîne une augmentation des trajets en transit à travers l'Autriche et des nuisances qui en découlent.

104.
    En effet, il n'est pas contesté que le seuil de trajets expressément prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole a été dépassé en 1999. La réduction des écopoints en découlant, qui, ainsi qu'il résulte de l'analyse des dispositions pertinentes du protocole effectuée aux points 83 à 93 de la présente ordonnance, aurait dû, à première vue, être appliquée en totalité en 2000, a été étalée sur plusieurs années, jusqu'en 2003. Les données provisoires fournies par la Commission, à la demande de la Cour, dans le cadre de la présente procédure, font apparaître avec une quasi-certitude que ledit seuil a été dépassé à nouveau au cours de l'année 2000.

105.
    Or, le protocole, et notamment son article 11, paragraphe 2, sous c), et son annexe 5, point 3 - comme d'ailleurs l'accord de 1992 -, reconnaît, de façon implicite mais nécessaire, qu'un préjudice résulte de la seule augmentation du nombre de trajets.

106.
    Un tel préjudice présente par ailleurs un caractère irréversible dans la mesure où les nuisances découlant de l'intensité du trafic ne sauraient, en raison de leur nature, être éliminées rétroactivement. La réparation adéquate de telles perturbations serait extrêmement difficile, voire impossible.

107.
    En outre, il convient de souligner que tant l'article 11, paragraphe 2, du protocole que le règlement attaqué cesseront de s'appliquer à la fin de la période transitoire prévue à l'article 11 du protocole.

108.
    Il s'ensuit que l'on ne saurait exclure que, lorsque l'arrêt au fond interviendra, les dispositions du règlement attaqué aient déjà déployé la quasi-totalité de leurs effets.

109.
    À cet égard, il y a lieu de souligner que l'effet positif que les réductions d'écopoints prévues par le protocole en cas de dépassement du seuil de trajets pourraient exercer sur la promotion de moyens alternatifs de transport - objectif poursuivi tant par le protocole que par l'accord de 1992 - est également limité à la période transitoire.

110.
    Enfin, l'urgence dont peut ainsi se prévaloir la requérante doit d'autant plus être prise en considération par le juge des référés que, ainsi qu'il ressort des points 83 à 93 de la présente ordonnance, le moyen relatif à la violation du protocole paraît particulièrement sérieux.

111.
    Dans ces conditions, il apparaît nécessaire d'accorder à la requérante une protection provisoire appropriée afin d'éviter le préjudice qui résulterait de l'application de dispositions dont la légalité peut être très sérieusement mise en question. En effet, le principe général du droit à une protection juridictionnelle complète et effective implique que puisse être assurée la protection provisoire des justiciables, si elle est nécessaire à la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d'éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour (voir, notamment, ordonnance du 12décembre 1968, Renckens/Commission, 27/68 R, Rec. 1969, p. 274, 276; arrêts du 19 juin 1990, Factortame e.a., C-213/89, Rec. p. I-2433, point 21, et du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C-143/88 et C-92/89, Rec. p. I-415, points 16 à 18, et ordonnance du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399/95 R, Rec. p. I-2441, point 46).

112.
    En l'espèce, toutefois, il n'y a lieu d'ordonner ni le sursis à l'exécution de l'article 1er du règlement attaqué ni les mesures provisoires complémentaires demandées par la requérante.

113.
    En effet, de telles mesures ne seraient pas de nature à supprimer rétroactivement le préjudice découlant de l'omission de procéder en 2000 à la réduction d'écopoints prévue par le protocole à la suite du dépassement du seuil de trajets en 1999, car ce préjudice s'est déjà produit de façon irréversible et il n'appartient pas au juge des référés d'arrêter des mesures visant à le compenser.

114.
    En revanche, le sursis à l'exécution de l'article 2, point 1, du règlement attaqué apparaît approprié pour éviter le préjudice futur qui se produirait très probablement au cas où de nouveaux dépassements du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole - y inclus un dépassement au cours de l'année 2000, qui est presque avéré - n'étaient pas suivis de l'application de la réduction des écopoints correspondante, et de la diminution du trafic en découlant, en totalité dans l'année qui suit celle dudit dépassement.

115.
    Au demeurant, il apparaît que cette disposition est détachable du reste du règlement attaqué et peut donc être suspendue sans remettre en cause pour le surplus l'application dudit règlement.

116.
    Cette conclusion n'est pas remise en cause par la mise en balance des intérêts dont la requérante demande la protection avec les préjudices pour le marché intérieur qui, selon le Conseil et les parties intervenantes, résulteraient du sursis à l'exécution envisagé.

117.
    En effet, le régime des écopoints constitue précisément une dérogation transitoire aux règles normales de fonctionnement du marché intérieur. Un risque de perturbation du bon fonctionnement du marché intérieur est donc inhérent à la logique du système de réduction des écopoints tel que prévu dans le protocole.

118.
    En outre, le Conseil et les parties intervenantes ne sont parvenus à établir ni que le règlement attaqué permettrait d'éviter de tels risques de perturbation ni que ces perturbations seraient d'une telle ampleur qu'elles pourraient faire pencher la balance des intérêts au détriment de la requérante.

119.
    En effet, tout d'abord, il y a lieu de relever que l'étalement de la réduction des écopoints ne fait, à première vue, que repousser dans le temps les perturbations sur lemarché intérieur qui restent la conséquence inéluctable de toute réduction. Par ailleurs, l'étalement automatique de la réduction sur plusieurs années ne paraît guère de nature à éviter que le seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole soit à nouveau dépassé l'année qui suit celle au cours de laquelle le dépassement est constaté, avec pour conséquence un cumul sur les dernières années de la période transitoire de nouvelles réductions avec celles découlant des dépassements constatés dans les années précédentes et déjà étalées sur les dernières années.

120.
    Quant à l'ampleur des perturbations alléguées, il est constant qu'il existe des moyens alternatifs pour le transport des marchandises concernées. De surcroît, le développement et la promotion des moyens alternatifs de transport des marchandises sont un objectif principal du protocole. Le Conseil considère d'ailleurs, au neuvième considérant du règlement attaqué, qu'une utilisation plus intensive du transport ferroviaire de marchandises, grâce au transport combiné, «doit être promue de toute urgence», cette utilisation permettant d'atténuer les pressions sur le nombre d'écopoints disponibles et ayant un impact environnemental moins négatif.

121.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution de l'article 2, point 1, du règlement attaqué et de rejeter la demande en référé pour le surplus.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

ordonne:

1)    Il est sursis à l'exécution de l'article 2, point 1, du règlement (CE) n° 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n° 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche, jusqu'au prononcé de l'arrêt au principal.

2)    La demande est rejetée pour le surplus.

3)    Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 février 2001.

Le greffier

Le président

R. Grass

G. C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: l'allemand.