Language of document : ECLI:EU:T:2014:165

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

28 mars 2014 (*)

« FEDER – Réduction d’un concours financier – Programme opérationnel régional 2000-2006 pour la région des Pouilles (Italie) relevant de l’objectif n° 1 – Insuffisances graves dans les systèmes de gestion ou de contrôle pouvant conduire à des irrégularités de caractère systémique – Principe de partenariat – Proportionnalité – Article 39, paragraphe 3, sous b), du règlement (CE) n° 1260/1999 – Articles 4, 8, 9 et 10 du règlement (CE) n° 438/2001 – Obligation de motivation – Incompétence »

Dans l’affaire T‑117/10,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes A. Steiblytė et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 10350 final de la Commission, du 22 décembre 2009, portant réduction du concours du Fonds européen de développement régional accordé à la République Italienne en application de la décision C (2000) 2349 de la Commission, du 8 août 2000, portant approbation du programme opérationnel régional POR Puglia, pour la période 2000-2006, au titre de l’objectif n° 1.

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. S. Frimodt Nielsen, faisant fonction de président, Mme M. Kancheva et M. E. Buttigieg (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 174 TFUE dispose que l’Union européenne développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale. Elle vise en particulier à réduire l’écart entre les niveaux de développement de diverses régions et le retard de celles qui sont les moins favorisées afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union. Conformément aux articles 175 TFUE et 176 TFUE, l’Union soutient cette réalisation, entre autres, par l’action qu’elle mène au moyen des fonds à finalité structurelle, notamment le Fonds européen de développement régional (FEDER) dont la finalité est de contribuer à la correction des principaux déséquilibres régionaux.

2        En vertu de l’article 317 TFUE, la Commission européenne est liée par l’obligation de bonne et saine gestion financière des ressources de l’Union.

1.     Règlement n° 1260/1999

3        Pour la période de programmation 2000-2006 pertinente en l’espèce, les règles régissant les fonds à finalité structurelle, à savoir, notamment, les objectifs, l’organisation, le fonctionnement et la mise en œuvre des interventions de même que le rôle et les compétences de la Commission et des États membres en la matière, étaient définies par le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1).

4        L’article 12 du règlement n° 1260/1999 dispose :

« Les opérations faisant l’objet d’un financement par les Fonds ou d’un financement de la BEI ou d’un autre instrument financier doivent être conformes aux dispositions du traité et des actes arrêtés en vertu de celui-ci, ainsi qu’aux politiques et actions communautaires, y compris celles concernant les règles de concurrence, la passation des marchés publics, la protection et l’amélioration de l’environnement, l’élimination des inégalités, et la promotion de l’égalité, entre les hommes et les femmes. »

5        L’article 34, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1260/1999 prévoit notamment que l’autorité de gestion est responsable de la régularité des opérations financées au titre de l’intervention, notamment de la mise en œuvre de mesures de contrôle interne compatibles avec les principes d’une bonne gestion financière.

6        L’article 38 du règlement n° 1260/1999 dispose :

« 1. Sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général de l’Union européenne, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier de l’intervention. À cette fin, ils prennent notamment les mesures suivantes :

a)       ils vérifient que des systèmes de gestion et de contrôle ont  été mis en       place et sont mis en œuvre de manière à assurer une utilisation efficace       et régulière des fonds communautaires ;

b)       ils communiquent à la Commission une description de ces  systèmes ;

c)       ils s’assurent que les interventions sont gérées conformément à       l’ensemble de la réglementation communautaire applicable et que les       fonds mis à leur disposition sont utilisés conformément aux principes  de la bonne gestion financière ;

d)       ils certifient que les déclarations de dépenses présentées à la  Commission sont exactes et veillent à ce qu’elles procèdent de  systèmes de comptabilité basés sur des pièces justificatives       susceptibles d’être vérifiées ;

e)      ils préviennent, détectent et corrigent les irrégularités ; conformément       à la réglementation en vigueur, ils les communiquent à la Commission,       qu’ils tiennent informée de l’évolution des poursuites administratives       et judiciaires ;

f)       ils présentent à la Commission, lors de la clôture de chaque  intervention, une déclaration établie par une personne ou un service       fonctionnellement indépendant de l’autorité de gestion désignée. Cette       déclaration fait la synthèse des conclusions des contrôles effectués les       années précédentes et se prononce sur la validité de la demande de  paiement du solde ainsi que sur la légalité et la régularité des  opérations concernées par le certificat final des dépenses. Les États  membres accompagnent ce certificat de leur avis s’ils le jugent       nécessaire ;

g)       ils coopèrent avec la Commission pour assurer une utilisation des  fonds communautaires conforme au principe de la bonne gestion       financière ;

h)       ils récupèrent les montants perdus à la suite d’une  irrégularité       constatée, en appliquant, le cas échéant, des  intérêts de retard. 

2. La Commission, dans le cadre de sa responsabilité dans l’exécution du budget général de l’Union [...] s’assure de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres de systèmes de gestion et de contrôle de manière à ce que les fonds communautaires soient utilisés de manière régulière et efficace.

À cette fin, sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent, conformément aux arrangements convenus conclus avec les États membres dans le cadre de la coopération visée au paragraphe 3, effectuer des contrôles sur place, notamment par sondage, des opérations financées par les fonds et des systèmes de gestion et de contrôle […]

3. […]

Une fois par an au moins et, en tout cas, avant l’examen annuel prévu à l’article 34, paragraphe 2, les éléments mentionnés ci-après sont examinés et évalués :

a)      les résultats des contrôles effectués par l’État membre et la  Commission ;

b)       les observations éventuelles des autres organes ou institutions de       contrôle nationaux ou communautaires ;

c)       l’impact financier des irrégularités constatées, les mesures  déjà prises       ou encore nécessaires pour les corriger et, le cas échéant, les       modifications des systèmes de gestion et de  contrôle.

4. À la suite de cet examen et de cette évaluation et sans préjudice des mesures à prendre sans délai par l’État membre au titre du présent article et de l’article 39, la Commission peut formuler des observations, notamment sur l’impact financier des irrégularités éventuellement constatées. Ces observations sont adressées à l’État membre et à l’autorité de gestion de l’intervention concernée. Ces observations sont assorties, le cas échéant, de demandes de mesures correctives visant à remédier aux insuffisances de gestion et à corriger les irrégularités détectées qui n’auraient pas déjà été corrigées. L’État membre a la possibilité de commenter ces observations.

Lorsque, à la suite ou en l’absence d’observations de l’État membre, la Commission adopte des conclusions, l’État membre prend, dans le délai imparti, les mesures requises pour donner suite aux demandes de la Commission et informe la Commission des dispositions qu’il prend.

5. Sans préjudice du présent article, la Commission, après vérification en bonne et due forme, peut suspendre tout ou partie d’un paiement intermédiaire si elle constate que les dépenses en cause sont entachées d’une grave irrégularité qui n’a pas été corrigée et qu’il faut agir sans délai. Elle informe l’État membre concerné des mesures prises et de leur motivation. Si, après cinq mois, les motifs ayant justifié la suspension subsistent ou si l’État membre concerné n’a pas communiqué à la Commission les mesures prises pour corriger la grave irrégularité, l’article 39 s’applique.

[…] »

7        L’article 39 du règlement n° 1260/1999, intitulé « Corrections financières », est ainsi libellé :

« 1. Il incombe en premier lieu aux États membres de poursuivre les irrégularités et d’agir lorsqu’est constatée une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle d’une intervention, et d’effectuer les corrections financières nécessaires.

Les États membres procèdent aux corrections financières requises en liaison avec l’irrégularité individuelle ou systémique. Les corrections auxquelles procède l’État membre consistent en une suppression totale ou partielle de la participation communautaire […]

2. Si, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, la Commission conclut :

[…]

c)      qu’il existe des insuffisances graves dans les systèmes de  gestion ou       de contrôle qui pourraient conduire à des irrégularités de caractère       systémique,

la Commission suspend les paiements intermédiaires concernés et demande, en indiquant ses motifs, à l’État membre de présenter ses observations et, le cas échéant, d’effectuer les corrections éventuelles dans un délai déterminé.

Si l’État membre conteste les observations de la Commission, celle-ci l’invite à une audience au cours de laquelle les deux parties s’efforcent, dans un esprit de coopération fondée sur le partenariat, de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions à en tirer.

3. À l’expiration du délai fixé par la Commission, en l’absence d’accord et si l’État membre n’a pas effectué les corrections et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission peut décider, dans un délai de trois mois :

[…]

b)      de procéder aux corrections financières requises en  supprimant tout       ou partie de la participation des fonds à l’intervention concernée.

Lorsqu’elle établit le montant d’une correction, la Commission tient compte, conformément au principe de proportionnalité, de la nature de l’irrégularité ou de la modification ainsi que de l’étendue et des conséquences financières des défaillances constatées dans les systèmes de gestion ou de contrôle des États membres.

En l’absence de décision d’agir conformément au point a) ou b), la suspension des paiements intermédiaires cesse immédiatement.

[…] »

2.     Règlement n° 438/2001

8        Le 2 mars 2001, la Commission a adopté, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999, le règlement (CE) n° 438/2001 fixant les modalités d’application du règlement n° 1260/1999 en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle du concours octroyé au titre des Fonds structurels (JO L 63, p. 21).

9        L’article 4 du règlement n° 438/2001 prévoit :

« Les systèmes de gestion et de contrôle prévoient des procédures pour vérifier la remise des produits et services cofinancés et la réalité des dépenses déclarées ainsi que pour assurer le respect des conditions établies dans la décision correspondante de la Commission au titre de l’article 28 du règlement […] n° 1260/1999 et avec les règles nationales et communautaires en vigueur concernant, en particulier, l’éligibilité des dépenses pour le concours des fonds structurels au titre de l’intervention concernée, les marchés publics, les aides d’État (y compris les règles relatives au cumul des aides), la protection de l’environnement et l’égalité des chances.

Les procédures prévoient de garder trace des vérifications d’opérations individuelles sur place. Les dossiers concernés font rapport du travail accompli, des résultats des vérifications et des mesures prises à l’égard des anomalies constatées. Si les vérifications physiques ou administratives ne sont pas exhaustives, mais ont été effectuées sur un échantillon d’opérations, les dossiers identifient les opérations sélectionnées et décrivent la méthode d’échantillonnage. »

10      Aux termes de l’article 8 du règlement n° 438/2001 :

« L’autorité de gestion ou l’autorité de paiement tient une comptabilité des montants recouvrables au titre de paiements de concours communautaire déjà effectués et s’assure que les montants sont recouvrés sans retard injustifié. Après le recouvrement, l’autorité de paiement rembourse les paiements irréguliers recouvrés, majorés des intérêts de retard perçus, en déduisant les montants en question de ses prochaines déclaration de dépenses et demande de paiement adressées à la Commission ou, si cela est insuffisant, en effectuant un remboursement à la Communauté […] »

11      L’article 9 du même règlement, relatif à la certification des dépenses, est ainsi libellé :

« […] 

2. Avant de certifier une déclaration déterminée de dépenses, l’autorité de paiement s’assure que les conditions suivantes sont remplies :

a)      l’autorité de gestion et les organismes intermédiaires ont  respecté       les dispositions du règlement […] n° 1260/1999, notamment l’article       38, paragraphe 1, [sous] c) et e), et l’article 32, paragraphes 3 et 4,       ainsi que les conditions de la  décision de la Commission au titre de       l’article 28 dudit règlement ;

b)      la déclaration de dépenses ne comprend que les dépenses :

i)       qui ont été effectivement encourues pendant la période d’éligibilité telle que définie dans la décision et correspondent aux dépenses payées par les bénéficiaires finals, au sens des points 1.2, 1.3 et 2 de la règle n° 1 de l’annexe du règlement (CE) n° 1685/2000 […] et justifiées par des factures acquittées ou des pièces comptables de valeur probante équivalente ;

ii)       qui sont relatives à des opérations sélectionnées pour un cofinancement au titre de l’intervention concernée selon les critères et les procédures de sélection établis, et qui ont été assujetties aux règles communautaires pendant toute la période pendant laquelle ces dépenses ont été encourues, et

iii)  qui relèvent de mesures pour lesquelles toute aide d’État a été formellement approuvée par la Commission, le cas échéant.

[…] »

12      Aux termes de l’article 10 du règlement n° 438/2001 :

« 1. Les États membres organisent, sur la base d’un échantillon approprié, des contrôles des opérations en vue plus particulièrement :

a)      de vérifier le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de       contrôle mis en place ;

b)      d’examiner de manière sélective, sur la base d’une analyse des  risques, les déclarations de dépenses établies aux différents niveaux       concernés.

2. Les contrôles effectués avant la clôture de chaque intervention portent sur 5 % au moins des dépenses totales éligibles et sont basés sur un échantillon représentatif des opérations approuvées, en tenant compte des dispositions du paragraphe 3. Les États membres veillent à étaler les contrôles de façon régulière sur toute la durée de la période concernée. Ils assurent une séparation adéquate des tâches entre ces contrôles et les procédures de mise en œuvre ou de paiement concernant les opérations.

3. L’échantillon des opérations contrôlées est tel qu’il tienne compte :

a)       de la nécessité de contrôler des opérations de nature et d’ampleur  suffisamment variées ;

b)       des facteurs de risque identifiés par les contrôles nationaux ou  communautaires ;

c)       de la concentration des opérations sous certains organismes  intermédiaires ou certains bénéficiaires finals, de sorte que les  principaux       organismes intermédiaires et les principaux bénéficiaires finals soient       contrôlés une fois au moins avant la clôture de chaque intervention. »

3.     Orientations

13      Par un document C (2001) 476, du 2 mars 2001, la Commission a élaboré des orientations définissant les principes, les critères et les barèmes indicatifs à appliquer par ses services pour la détermination des corrections financières visées à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 (ci-après les « orientations »).

14      Selon le point 2.3 des orientations, lorsqu’« un ou plusieurs éléments clés du système ne fonctionnent pas ou fonctionnent si inefficacement ou si rarement qu’ils ne permettent absolument pas de constater l’éligibilité des demandes de paiement ou de prévenir les irrégularités, une correction de 10 % est justifiée, puisqu’on peut conclure raisonnablement à l’existence d’un risque élevé de pertes étendues pour les Fonds ». Le même point précise qu’« une correction à ce taux est également appropriée pour des irrégularités individuelles de gravité moyenne concernant des éléments clés du système ».

 Antécédents du litige

15      Le 5 octobre 1999, la République italienne a, en application du règlement n° 1260/1999, soumis à la Commission un projet de programme opérationnel relevant de l’objectif n° 1 pour la région des Pouilles (Italie) (ci-après le « POR Puglia »).

16      Par décision C (2000) 2349, du 8 août 2000, modifiée en dernier lieu par la décision C (2009) 2190, du 30 mars 2009, la Commission a approuvé le POR Puglia et a mis à la disposition des autorités italiennes, sur ce fondement, un montant total de 1 721 827 000 euros au titre du FEDER. Conformément aux demandes présentées par les autorités italiennes, la Commission a procédé à des paiements préalables et intermédiaires en faveur de la République italienne d’un montant total de 1 238 135 702,69 euros.

17      En février 2007, la Commission a effectué un audit des systèmes de gestion et de contrôle mis en place par les autorités responsables du POR Puglia et a conclu que celles-ci n’avaient pas établi de systèmes de gestion et de contrôle assurant une bonne gestion financière de l’intervention du FEDER, conformément aux dispositions applicables du règlement n° 438/2001, et que les systèmes en place ne garantissaient pas suffisamment l’exactitude, la régularité et l’éligibilité des demandes de paiement.

18      Une nouvelle mission d’audit a été effectuée en novembre 2007, afin d’évaluer le plan d’action mis en œuvre par les autorités italiennes pour remédier aux carences constatées à l’occasion de la mission d’audit précédente dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle. À cette occasion, la Commission a conclu que la République italienne ne s’était pas conformée, pour le POR Puglia, aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 4, 8, 9 et 10 du règlement n° 438/2001 et que ces insuffisances dans les systèmes de gestion et de contrôle pouvaient avoir provoqué dans le passé des irrégularités de caractère systémique et risquaient d’en provoquer à l’avenir.

19      Par décision C (2008) 3340, du 1er juillet 2008 (ci-après la « décision de suspension des paiements intermédiaires »), la Commission a suspendu les paiements intermédiaires du FEDER pour le POR Puglia et a fixé à la République italienne un délai de trois mois pour effectuer les contrôles et apporter les corrections nécessaires afin de garantir que seules les dépenses éligibles seraient couvertes par la contribution du FEDER. Par note du 7 octobre 2008, les autorités italiennes ont fourni un rapport présentant un résumé des mesures ayant été prises à la suite de ladite décision.

20      Une troisième mission d’audit a eu lieu du 12 au 16 janvier 2009. À cette occasion, la Commission a constaté que les exigences contenues dans la décision de suspension des paiements intermédiaires n’avaient pas été respectées dans les délais impartis. Les auditeurs de l’Union ont détecté, et relaté dans le rapport d’audit du 14 mai 2009, plusieurs irrégularités en ce qui concerne les contrôles par l’autorité de gestion au titre de l’article 4 du règlement n° 438/2001 (ci-après les « contrôles de premier niveau »), le fonctionnement de l’autorité de paiement et les contrôles par l’organisme de contrôle au titre de l’article 10 du règlement n° 438/2001 (ci-après les « contrôles de second niveau »). En conséquence, la Commission a conclu qu’il n’y avait toujours pas d’assurance raisonnable que les systèmes de gestion et de contrôle du POR Puglia fonctionnaient efficacement afin de prévenir et de détecter les erreurs et les irrégularités et d’assurer la légalité, la régularité et l’exactitude des dépenses déclarées pour ce programme depuis le début de la période de programmation jusqu’à la date de suspension des paiements intermédiaires.

21      Par courrier du 3 avril 2009, la Commission a communiqué ses conclusions aux autorités italiennes en les informant qu’elle entendait proposer une correction du concours financier du FEDER à un taux de 10 %, compte tenu des dépenses déclarées pour le programme jusqu’à la date de suspension des paiements intermédiaires.

22      Par courriers des 15 juin et 6 juillet 2009, la République italienne a présenté ses observations à cet égard, en concluant que les éléments qu’elle avait fournis dans le cadre de ces observations démontraient que les systèmes de gestion, de paiement et de contrôle du POR Puglia avaient pratiquement porté à terme le plan d’action présenté par la région afin de remédier aux griefs formulés par la Commission lors des missions d’audit de 2007 et 2009. En conséquence, elle s’est opposée à l’application de la correction forfaitaire de 10 % et a demandé la levée de la suspension des paiements intermédiaires.

23      En application de l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999, une audition s’est tenue le 30 septembre 2009.

24      À la suite de cette audition, la République italienne a transmis, le 16 octobre 2009, des observations complémentaires à la Commission afin de justifier sa demande d’annuler la correction forfaitaire du concours financier proposée par celle-ci. Elle a également proposé certaines corrections à effectuer lors de la prochaine certification des dépenses.

25      Par courriel du 19 octobre 2009, la Commission a transmis aux autorités italiennes un projet de compte-rendu de l’audition du 30 septembre 2009. À la suite des observations des autorités italiennes, une version papier leur a été envoyée par lettre du 10 novembre 2009.

26      Par décision C (2009) 10350 final, du 22 décembre 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a réduit le concours financier octroyé au titre du FEDER au POR Puglia, pour la période 2000-2006, en appliquant une correction forfaitaire de 10 % sur les dépenses certifiées jusqu’à la date de suspension des paiements intermédiaires.

27      Eu égard au taux de participation du FEDER à la dépense globale pour la réalisation du POR Puglia pendant la période de programmation 2000-2006, la correction s’élevait à 127 171 762,65 euros. Compte tenu de l’incidence, sur la participation du FEDER, de la correction apportée par les autorités italiennes elles-mêmes, la Commission a réduit le concours attribué au titre du FEDER d’un montant de 79 335 741,11 euros (article 1er, considérants 32 et 47 de la décision attaquée et son annexe 1).

28      La décision de réduire le concours a été fondée sur la conclusion que les systèmes mis en place par les autorités italiennes, en ce qui concerne les contrôles de premier et de second niveaux, et les vérifications par l’autorité de paiement – tous constituant des éléments clés des systèmes de gestion et de contrôle – ne fonctionnaient pas efficacement et de manière à prévenir les irrégularités et à garantir l’éligibilité des dépenses certifiées (considérants 37, 41 et 42 de la décision attaquée).

29      L’article 2 de la décision attaquée énonçait qu’une note de débit d’un montant de 79 335 741,11 euros serait adressée à la République italienne.

30      Selon l’article 3 de la décision attaquée, les autorités italiennes étaient tenues de communiquer à la Commission, lors de la prochaine certification des dépenses, la déduction des dépenses irrégulières indiquées dans leur note du 16 octobre 2009.

 Procédure et conclusions des parties 

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 mars 2010, la République italienne a introduit le présent recours.

32      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé aux parties de répondre par écrit à des questions. Les parties ont déféré à ces mesures d’organisation de la procédure dans les délais impartis.

35      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 24 septembre 2013.

 En droit

1.     Résumé des moyens d’annulation

36      À l’appui du recours, la République italienne soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une dénaturation des faits et d’une violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, ainsi que de l’article 4 du règlement n° 438/2001. Le deuxième moyen est pris d’une dénaturation des faits et d’une violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, ainsi que de l’article 10 du règlement n° 438/2001. Le troisième moyen est tiré du défaut de motivation et d’une nouvelle violation de l’article 39, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1260/1999. Par son quatrième moyen, la République italienne fait valoir une violation de l’article 12 du règlement n° 1260/1999 et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 431/2001, ainsi que l’incompétence de la Commission.

37      Il est constant entre les parties que les premier et deuxième moyens sont en substance identiques en ce qui concerne les motifs de la violation alléguée, la différence portant sur leur objet : le premier moyen est relatif aux contrôles de premier niveau, tandis que le deuxième moyen porte sur les contrôles de second niveau. Il est donc justifié d’examiner ces deux moyens concomitamment.

2.     Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la dénaturation des faits et de la violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, des articles 4 et 10 du règlement n° 438/2001, ainsi que de la violation des principes de partenariat et de proportionnalité

38      Les premier et deuxième moyens s’articulent en trois branches, à savoir, premièrement, une dénaturation des faits et une violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, ainsi que des articles 4 et 10 du règlement n° 438/2001, deuxièmement, une violation du principe de partenariat et, troisièmement, une violation du principe de proportionnalité.

 Sur la première branche, tirée d’une dénaturation des faits et de la violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, ainsi que des articles 4 et 10 du règlement n° 438/2001

39      La République italienne fait valoir que la Commission a dénaturé les faits en ce qu’elle a affirmé aux considérants 37 et 42 de la décision attaquée qu’elle ne disposait pas d’informations lui permettant de conclure que les contrôles de premier et second niveaux fonctionnaient efficacement de façon à prévenir les irrégularités et à constater l’éligibilité des dépenses certifiées, et cela en dépit du fait que les éléments fournis par les autorités régionales des Pouilles en réponse aux griefs contenus dans le rapport d’audit du 14 mai 2009 démontreraient le contraire.

40      La République italienne conteste l’existence de défaillances des contrôles de premier et second niveaux, telles que constatées par les auditeurs de l’Union par rapport aux projets spécifiques. Elle conteste leurs appréciations selon lesquelles les contrôles de premier et de second niveaux seraient lacunaires et ainsi non fiables, car ces contrôles n’avaient notamment pas relevé, dans les projets concernant les travaux publics (infrastructures), que l’adjudication de certains marchés publics avait eu lieu selon des procédures prévoyant l’exclusion automatique des offres anormalement basses, que des travaux supplémentaires avaient été autorisés après l’adjudication des travaux sans justifier l’existence de circonstances imprévues ou que les travaux publics réalisés n’étaient toujours pas fonctionnels plusieurs années après la fin des travaux. Plus particulièrement, elle fait valoir que l’exclusion automatique des offres anormalement basses ne pouvait pas constituer en soi une violation des règles du droit de l’Union alors qu’elle concernait des marchés de valeur inférieure au seuil d’application des directives communautaires en cause, notamment de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), et que les vérifications relatives à l’existence d’intérêts transfrontaliers de ces travaux, en application de la jurisprudence pertinente, étaient en cours. Elle soutient qu’elle a contesté pendant toute la procédure administrative que ces éléments, soulevés par les auditeurs de l’Union comme irrégularités non relevés lors des contrôles par les autorités nationales, constituaient les irrégularités devant être soulevées par les contrôleurs nationaux, et que la Commission n’a répondu à ces contestations ni lors de l’audition du 30 septembre 2009 ni dans la décision attaquée. Outre les irrégularités prétendument commises concernant les projets spécifiques, il resterait, selon la République italienne, peu de choses à lui reprocher à l’égard des contrôles de premier niveau à la date de la décision attaquée.

41      En conséquence, la République italienne fait valoir que, en considérant que les contrôles de premier et second niveaux n’étaient pas fiables par rapport aux standards prévus par les articles 4 et 10 du règlement n° 438/2001, la Commission a commis une violation de ces dispositions. Elle aurait également violé l’article 39, paragraphe 2, sous c), et l’article 39, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1260/1999, en considérant qu’il existait des irrégularités systémiques dans le système de contrôle mis en place pour le POR Puglia et en réduisant en conséquence de 10 % la participation du FEDER.

42      La République italienne réfute également les arguments de la Commission quant à la persistance des retards et des insuffisances dans les contrôles de second niveau. Elle fait valoir qu’elle a démontré, dans sa note du 16 octobre 2009, que le niveau de ces contrôles clôturés à la date de celle-ci avait dépassé les 5 % exigés par l’article 10 du règlement n° 438/2001. En outre, l’étendue des corrections apportées à la suite des contrôles de second niveau clôturés prouverait l’efficacité desdits contrôles.

43      À cet égard, la République italienne fait également valoir que les autorités du POR Puglia ont accompli un progrès considérable dans l’exécution des contrôles, notamment en ce qui concerne le rattrapage du retard. Ce progrès dans l’exécution des contrôles et l’amélioration du fonctionnement du système mis en place pour le POR Puglia aurait dû, selon la République italienne, amener la Commission à conclure à la fiabilité et à l’efficacité de ce système et à renoncer à appliquer la réduction envisagée de la participation du FEDER.

44      Lors de l’audience, la République italienne a également fait valoir que la vérification finale de l’éligibilité des dépenses relatives à un programme est faite au moment de sa clôture et du paiement du solde. Ainsi, au stade de la clôture du programme, il serait toujours possible de « décertifier » certaines dépenses déclarées et couvertes lors des paiements intermédiaires et de les exclure du financement communautaire afin d’éviter les pertes pour le budget de l’Union. Par conséquent, selon la République italienne, une réduction forfaitaire de 10 % de participation du FEDER ne saurait être appliquée par la Commission en tant que « mesure de sauvegarde » pour des irrégularités dans le fonctionnement du système de gestion et de contrôle constatées pendant une certaine période de programmation, mais éliminées avant sa clôture.

45      La Commission conteste les arguments de la République italienne.

 Observations liminaires

46      Interrogée sur ce point par le Tribunal lors de l’audience, la République italienne a affirmé que les premier et deuxième moyens doivent être compris en ce sens qu’ils visent à reprocher à la Commission tant une dénaturation des faits qu’une erreur d’appréciation des faits. D’une part, selon la République italienne, la Commission a dénaturé des faits en ce que la situation factuelle sur laquelle elle a fondé son appréciation ne correspondait pas à la réalité, alors que les autorités italiennes auraient apporté des preuves permettant de remettre en cause les allégations faites par les auditeurs de l’Union en particulier quant à l’existence d’irrégularités dans la réalisation des projets spécifiques. D’autre part, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation des faits, dans la mesure où elle a considéré que les carences dans le fonctionnement du système de contrôles pour le POR Puglia étaient de nature à justifier l’application d’une réduction de 10 % au concours financier du FEDER.

47      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal n’est pas lié par la qualification donnée par les parties à leurs moyens et arguments (arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑132/96 et T‑143/96, Rec. p. II‑3663, point 96).

48      Le Tribunal constate que, en faisant valoir une dénaturation des faits par la Commission en violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, ainsi que des articles 4 et 10 du règlement n° 438/2001, la République italienne reproche, en effet, à la Commission d’être parvenue à une application erronée des dispositions pertinentes en dépit des observations présentées par les autorités italiennes postérieurement aux allégations faites par les auditeurs de l’Union dans le rapport d’audit du 14 mai 2009 relevant les irrégularités dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle du POR Puglia. Aussi bien dans ses écrits que lors de l’audience, la République italienne a, en effet, reproché à la Commission d’avoir fait application de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, alors que les critères prévus par l’article 39, paragraphe 2, dudit règlement ne seraient pas remplis. Elle fait, en effet, valoir que l’existence des insuffisances graves dans le système de gestion et de contrôle n’était pas établie du fait que certaines carences relevées en tant que telles par les auditeurs de l’Union n’en étaient pas, qu’il y avait un progrès accompli quant au fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle du POR Puglia, et que les carences soulevées présentaient un caractère moins grave de ce qui a été retenu par la Commission. La République italienne reproche donc à la Commission une qualification erronée des faits de l’espèce au regard des règles juridiques applicables ayant conduit à une application erronée des dispositions en cause et, en conséquence, à une erreur d’appréciation des faits.

49      En outre, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la République italienne fait valoir, dans le cadre de la première branche de ses premier et deuxième moyens, que la Commission n’a pas pris en considération, en adoptant la décision attaquée, les observations présentées par les autorités du POR Puglia au cours de la procédure administrative sans avoir contesté leur valeur probante, cet argument rejoint le troisième moyen, tiré du défaut de motivation, et sera examiné dans le cadre de ce moyen.

 Rappel des principes

50      Il convient de rappeler, tout d’abord, que la règle selon laquelle seules les dépenses effectuées par les autorités nationales en conformité avec les règles du droit de l’Union sont à la charge du budget de l’Union est également applicable à l’octroi d’un concours financier au titre du FEDER (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 juin 2012, Espagne/Commission, T‑178/10, T‑263/10 et T‑265/10, non publié au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée).

51      Conformément à l’exigence de bonne gestion financière consacrée à l’article 317 TFUE, qui sous-tend la mise en œuvre des fonds structurels, et eu égard aux responsabilités dévolues aux autorités nationales dans cette mise en œuvre, l’obligation des États membres de mettre en place des systèmes de gestion et de contrôle visée à l’article 38, paragraphe 1, du règlement n° 1260/1999 et dont les modalités sont précisées par le règlement n° 438/2001, revêt un caractère essentiel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juin 2010, Luxembourg/Commission, T‑549/08, Rec. p. II‑2477, point 47).

52      Selon l’article 4 du règlement n° 438/2001, les systèmes de gestion et de contrôle adoptés par les États membres prévoient des procédures pour vérifier la remise des produits et services cofinancés et la réalité des dépenses déclarées, ainsi que pour assurer le respect de la décision d’octroi du concours et des règles nationales et de l’Union concernant, en particulier, l’éligibilité des dépenses pour le concours des Fonds structurels au titre de l’intervention concernée, les marchés publics, les aides d’État, la protection de l’environnement et l’égalité des chances.

53      L’article 10 dudit règlement prescrit aux États membres d’organiser, sur la base d’un échantillon approprié, des contrôles des opérations, en vue plus particulièrement de vérifier le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle mis en place, et d’examiner de manière sélective, sur la base d’une analyse des risques, les déclarations des dépenses établies aux différents niveaux concernés. Les contrôles effectués avant la clôture de chaque intervention doivent porter sur 5 % au moins des dépenses totales éligibles et sont basés sur un échantillon représentatif des opérations approuvées. Les États membres doivent veiller à étaler les contrôles de façon régulière sur toute la durée de la période concernée.

54      En vertu de l’article 39, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1260/1999, la Commission suspend les paiements intermédiaires si, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, elle conclut qu’il existe des insuffisances graves dans les systèmes de gestion ou de contrôle qui pourraient conduire à des irrégularités de caractère systémique. L’article 39, paragraphe 3, du même règlement indique que la Commission peut ensuite procéder aux corrections financières requises en supprimant tout ou partie de la participation du fonds à l’intervention concernée si l’État membre n’a pas effectué des corrections nécessaires.

55      C’est en tenant compte des principes énoncés par la jurisprudence citée aux points 50 et 51 ci-dessus qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la République italienne, la Commission a violé les dispositions rappelées aux points 52 à 54 ci-dessus, en ce qu’elle a conclu que les systèmes de gestion et de contrôle du POR Puglia ne fonctionnaient pas efficacement de manière à prévenir les irrégularités et à garantir l’éligibilité des dépenses certifiées jusqu’à la date de la suspension des paiements intermédiaires et a décidé de réduire de 10 % le concours du FEDER.

56      Selon une jurisprudence constante en matière de Fonds européen d’orientation et de garantie (FEOGA), il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation des marchés agricoles. Par conséquent, la Commission est obligée de justifier sa décision constatant l’absence ou les défaillances des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné. Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Pays Bas/Commission, C‑278/98, Rec. p. I‑1501, points 39 à 41 ; du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, points 33 à 36, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 4 septembre 2009, Autriche/Commission, T‑368/05, non publié au Recueil, point 71). Les mêmes considérations sont valables en matière de contrôle de l’utilisation du financement du FEDER.

 Sur l’existence d’insuffisances graves

57      À titre liminaire, il convient de rappeler que, par la décision de suspension des paiements intermédiaires, la Commission a constaté l’existence d’insuffisances graves dans le fonctionnement des systèmes de gestion et contrôle du POR Puglia pouvant entraîner des irrégularités de caractère systémique. Tout en suspendant les paiements intermédiaires relatifs au POR Puglia, elle a fixé un délai de trois mois aux autorités italiennes pour prendre les mesures suivantes : effectuer des contrôles portant sur un nombre suffisant de projets et de montants de dépenses pour lui permettre de tirer des conclusions sur la légalité et sur la régularité des dépenses déclarées jusqu’à la fin de 2007 ; mettre en place les mesures appropriées pour garantir le respect de l’article 8 du règlement n° 438/2001 ; procéder aux corrections financières nécessaires en supprimant tout ou partie du concours communautaire et, enfin, envoyer un rapport contenant une synthèse des contrôles effectués conformément aux articles 4, 9 et 10 du règlement n° 438/2001. Ainsi, il appartenait aux autorités italiennes de prendre toutes les mesures nécessaires afin de se conformer aux exigences imposées dans la décision de suspension des paiements intermédiaires et de s’assurer que seules les dépenses éligibles et régulières seraient financées par le FEDER.

58      Or, les auditeurs de l’Union ont constaté, lors de la mission d’audit de janvier 2009, plusieurs irrégularités dans le fonctionnement du système de gestion et de contrôle mis en place par les autorités italiennes pour le POR Puglia justifiant des doutes sérieux et raisonnables à l’égard de ces contrôles et de l’éligibilité des dépenses certifiées jusqu’à la date de suspension des paiements. Ces irrégularités, telles que relatées dans le rapport d’audit du 14 mai 2009 et rappelées aux considérants 24 à 27 de la décision attaquée, étaient notamment constituées par le retard dans l’exécution des contrôles pour certaines mesures, ainsi que dans la transmission des rapports, dans le suivi des contrôles et dans la tenue du tableau de monitorage, par le manque de personnel dans les structures de l’autorité de paiement et le retard dans les vérifications que cette autorité était supposée effectuer au titre de l’article 9 du règlement n° 438/2001, et par des doutes quant à la fiabilité des contrôles dus au faible montant des irrégularités constatées. En outre, lors de l’examen des dossiers sélectionnés dans les projets spécifiques, pour lesquels les autorités italiennes affirmaient avoir conclu les contrôles à la date du 30 septembre 2008, plusieurs irrégularités non signalées par les contrôleurs nationaux ont été constatées, ainsi que des contrôles qui avaient été considérés comme clôturés sans que les documents essentiels aient été examinés, remettant ainsi en question l’efficacité et la fiabilité de ces contrôles.

59      Conformément à la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, il appartenait dès lors à la République italienne de présenter les éléments permettant d’infirmer les constatations de la Commission et d’établir l’existence d’un système désormais fiable et opérationnel de contrôle pour le POR Puglia.

–       Sur l’existence d’irrégularités dans les projets spécifiques

60      Le Tribunal observe, tout d’abord, que la République italienne a consacré une grande partie de son argumentation présentée dans le cadre du présent recours, à contester l’existence de certaines irrégularités relevées par les auditeurs de l’Union lors de la mission d’audit de janvier 2009 par rapport aux projets spécifiques afin de remettre en cause le constat du défaut de fiabilité des contrôles effectués par les autorités nationales. Or, quand bien même elle conteste devant le Tribunal l’existence de ces irrégularités, la République italienne avait, « dans l’esprit de coopération », proposé à la Commission d’appliquer des corrections par rapport à certaines de ces irrégularités. Ainsi, les corrections ont été proposées en ce qui concerne les mesures « infrastructures » (considérant 36 de la décision attaquée) et des contrats de services d’ingénierie (considérant 38 de la décision attaquée), pour lesquels les auditeurs de l’Union ont constaté les irrégularités dans la procédure de l’attribution de marchés publics, ainsi qu’en ce qui concerne les marchés relatifs à des travaux complémentaires non justifiés par des circonstances imprévues attribués en absence d’une procédure de mise en concurrence (considérant 39 de la décision attaquée). Ces corrections ont été prises en compte par la Commission dans le cadre du calcul du montant final de réduction du concours FEDER, ce qui n’est pas contesté par la République italienne (voir, point 86, ci‑après).

61      En outre, et plus particulièrement en ce qui concerne les arguments de la République italienne par lesquels elle conteste que les contrôles de premier niveau étaient lacunaires car ils n’avaient pas relevé que l’adjudication de certains marchés publics avait eu lieu selon des procédures prévoyant l’exclusion automatique des offres anormalement basses, force est de constater que la Commission n’a pas maintenu ces griefs dans son évaluation aux considérants 33 à 43 de la décision attaquée l’ayant amenée à réduire le concours du FEDER.

62      En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’établir si c’est à bon droit que les auditeurs de l’Union ont soulevé des doutes quant à la fiabilité des contrôles du fait de l’existence des irrégularités mentionnées dans les points 60 et 61 ci-dessus, il convient de constater que les arguments soulevés à cet égard par la République italienne dans le cadre du présent recours sont inopérants.

63      En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée, qui résume à cet égard les conclusions des auditeurs de l’Union, que, comme le fait valoir la Commission, les défaillances constatées par rapport aux contrôles relatifs à des projets spécifiques constituaient un des griefs formulés par les auditeurs de l’Union à l’encontre du fonctionnement du système de contrôle mis en place par les autorités du POR Puglia (voir, point 58, ci-dessus). Quand bien même il serait constaté que, comme le soutient la République italienne, ces défaillances n’existaient pas ou ne revêtaient pas de caractère permettant de remettre en cause la fiabilité des contrôles opérés par les autorités du POR Puglia sur ces projets, cela ne permettrait pas de conclure que l’ensemble du système de contrôle était fiable et opérationnel, dans la mesure où il existait d’autres lacunes inhérentes aux systèmes de gestion et de contrôle relevées par la Commission. En effet, les auditeurs de l’Union ont mis en évidence, notamment, le retard persistant dans l’exécution des contrôles, dans la transmission des rapports de contrôles ou dans leurs suivis, le faible montant des irrégularités relevées ou l’inaction des autorités italiennes face aux insuffisances relevées à l’égard du fonctionnement de l’autorité de paiement, ce qui justifiait les doutes quant à la régularité des dépenses certifiées.

64      En ce qui concerne ces autres griefs soulevés par les auditeurs de l’Union, la République italienne fait valoir que depuis la date de la dernière mission d’audit de janvier 2009, et jusqu’à l’adoption de la décision attaquée, les autorités nationales ont fait un progrès considérable dans l’exécution des contrôles. La République italienne souligne que les griefs soulevés par les auditeurs de l’Union quant au fonctionnement du système de contrôle du POR Puglia ont bien été pris en compte par les autorités italiennes et qu’ils les ont conduits à corriger les irrégularités relevées. Notamment, des efforts considérables auraient été déployés afin de rattraper le retard dans l’exécution des contrôles jusqu’à atteindre, à la date d’adoption de la décision attaquée, les niveaux qualitatif et quantitatif exigés, permettant d’exclure tout risque pour le budget de l’Union. Le déploiement de nouvelles ressources humaines visant à renforcer le fonctionnement de l’autorité de paiement aurait également été assuré. La République italienne prétend qu’elle avait apporté suffisamment d’éléments pour prouver que le système du POR Puglia était désormais opérationnel et fiable et qu’il ne présentait plus de risque pour le budget de l’Union. Ainsi, compte tenu de la situation du système de contrôle au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’application d’une réduction du concours du FEDER ne serait pas justifiée.

65      Il ressort de ce qui précède que la République italienne conteste la réduction de la participation du FEDER opérée par la décision attaquée, en se basant sur la situation prétendument satisfaisante des contrôles à la date de l’adoption de la décision attaquée, ainsi qu’en faisant valoir que les corrections nécessaires ont été apportées à la suite de ces contrôles par les autorités nationales.

66      À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er de la décision attaquée prévoit la réduction de 10 % de l’intervention du FEDER au POR Puglia sur les dépenses certifiées à la Commission depuis le début du programme jusqu’à la date de la décision de suspension des paiements intermédiaires, soit jusqu’au 1er juillet 2008. Ainsi, en adoptant la décision attaquée, la Commission visait à assurer que seules les dépenses éligibles lui ayant été certifiées jusqu’à cette date fussent couvertes par la contribution du FEDER. Les améliorations dans le fonctionnement du système de contrôle du POR Puglia, sur lesquelles la République italienne fonde son argument selon lequel celui-ci était fiable et efficace au moment de l’adoption de la décision attaquée, peuvent ainsi avoir pour conséquence, en ce qui concerne les dépenses qui avaient déjà été certifiées à la Commission, que les contrôles exécutés désormais conformément aux exigences relèvent des irrégularités pour lesquelles les autorités nationales proposent des corrections. Dans la mesure où il aurait été établi par les autorités italiennes que le système de contrôle fonctionnait désormais conformément aux prescriptions des règlements n° 1260/1999 et n° 431/2001, et garantissait ainsi que les éventuelles irrégularités étaient relevées par les autorités nationales et les corrections nécessaires appliquées en conséquence, il pourrait s’avérer que la réduction de la participation du FEDER au POR Puglia proposée par la Commission en application de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 ne soit plus justifiée.

67      Ainsi, il convient d’examiner si les autorités italiennes ont réussi à établir que, grâce au progrès réalisé, les systèmes de gestion et de contrôle du POR Puglia étaient désormais fiables et opérationnels, de sorte à garantir que toutes les irrégularités étaient relevées et que toutes les corrections nécessaires étaient apportées, ou si les doutes exprimés par la Commission dans la décision attaquée quant à la fiabilité des contrôles exécutés par les autorités nationales à la suite de la suspension des paiements et quant à la pertinence ou la fiabilité des corrections apportées à la suite de ces contrôles étaient fondés, de sorte à justifier d’appliquer d’une réduction du concours FEDER conformément à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999.

–       Sur le retard dans l’exécution des contrôles

68      La Commission a relevé, aux considérants 34 et 42 de la décision attaquée, qu’il existait toujours un retard dans l’exécution des contrôles.

69      En ce qui concerne les contrôles de premier niveau, la République italienne s’était engagée, dans le cadre du plan d’action établi à la suite de l’audit de février 2007, approuvé par la Commission (voir point 18 ci-dessus), à atteindre un objectif de soumettre aux contrôles de premier niveau sur place les 25% des dépenses certifiées. Or, la République italienne admet dans son courrier du 15 juin 2009, comme le relève à juste titre la Commission, que, bien que le respect de cet objectif était « à la portée » de l’autorité de gestion, celui-ci n’avait pas, en mars 2009, encore atteint le niveau minimum requis. Par ailleurs, le tableau présenté par la République italienne dans ce courrier confirme que le taux de 25 % des dépenses à soumettre aux contrôles, n’était toujours pas atteint, notamment en ce qui concerne la mesure 3.13 visée, à titre d’exemple, au considérant 34 de la décision attaquée.

70      Or, l’affirmation d’un effort accompli par la République italienne afin de rattraper le retard dans l’exécution des contrôles ou l’augmentation du pourcentage des dépenses soumises à ces contrôles ou encore le fait que le niveau des dépenses contrôlées avait atteint le seuil convenu des 25 % pour quinze des vingt-deux mesures au mois de mars 2009, ce qui ressort de la lettre des autorités italiennes du 15 juin 2009 - résultat qui, conformément aux écrits des autorités italiennes dans la lettre du 16 octobre 2009, n’avait toujours pas évolué au mois de septembre de la même année - ne permet évidemment pas de conclure que les autorités italiennes avaient remédié en temps utile à ce grief en ce qui concerne l’ensemble des mesures.

71      Il y a dès lors lieu de constater que la République italienne n’a pas apporté de preuves permettant d’infirmer les constatations de la Commission concernant les retards dans l’exécution des contrôles de premier niveau, mais, au contraire, a confirmé que le taux de ces contrôles pour certaines mesures n’avait pas atteint le seuil convenu des 25 %.

72      En ce qui concerne le retard dans l’exécution des contrôles de second niveau, la République italienne fait valoir qu’ils ont dépassé le niveau de 5 % imposé par l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 438/2001. La Commission reproche néanmoins à la République italienne d’avoir comptabilisé dans ce pourcentage les contrôles ne remplissant pas les conditions prévues à l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 438/2001.

73      D’une part, certains de ces contrôles ont été effectués par des structures tierces, ce qui est admis par la République italienne, mais ils n’ont pas été validés par l’organisme de contrôle. La République italienne n’a pas apporté de preuves pour démontrer que ces contrôles avaient été exclus du total des contrôles comptabilisés au titre des contrôles de second niveau. Elle a, en effet, soutenu, dans son courrier du 6 juillet 2009, que « même sans tenir compte des contrôles effectués par la structure tierce et non validés par le bureau de vérification, le taux de dépenses soumises à un contrôle de second niveau est égal à environ 13 % des dépenses certifiées à la Commission jusqu’au 31 décembre 2007, et donc bien supérieur au taux indiqué dans le règlement n° 438/2001 ». Néanmoins, il ne ressort pas du dossier qu’elle aurait donné suite au grief fait à cet égard par la Commission lors de l’audition du 30 septembre 2009 demandant à ce que les contrôles non validés par l’organisme de contrôle soient effectivement exclus de la comptabilisation du total des contrôles de second niveau.

74      D’autre part, la décision attaquée relève que les autorités italiennes, en dépit de plusieurs échanges de correspondance, ainsi que de la tenue de l’audition, n’ont pas fourni suffisamment de preuves permettant d’établir que les contrôles conduits par l’organisme de contrôle ont rempli les exigences résultant de l’article 10 du règlement n° 438/2001, et notamment, d’une part, qu’elles ont satisfait à l’exigence de la représentativité des échantillons contrôlés surtout sur le plan temporel en ce qui concerne toute la période concernée jusqu’à la suspension des paiements intermédiaires, et, d’autre part, que les contrôles sur les échantillons choisis ont effectivement été exécutés (considérant 42 de la décision attaquée). Bien que les autorités italiennes aient fourni, dans leur courrier du 6 juillet 2009, des tableaux récapitulatifs des contrôles selon la couverture territoriale et temporelle, elles ont également informé la Commission, que, en ce qui concerne les exercices 2006 et 2007, un « plan d’action » devant assurer le déroulement et la conclusion des contrôles de second niveau « en temps utile lors de la clôture du programme » avait été établi. Il ressort de ces affirmations des autorités italiennes que les contrôles de second niveau pour les exercices 2006 et 2007 n’avaient pas encore été effectués à la date de l’adoption de la décision attaquée. Les affirmations quant au rattrapage de ces contrôles jusqu’au mois de novembre 2009, formulées lors de l’audition, n’ont pas été corroborées par des preuves concrètes.

75      Eu égard au défaut de preuves contraires de la part de la République italienne, c’est à bon droit que la Commission a contesté la fiabilité du pourcentage des dépenses contrôlées et, ainsi, des corrections proposées à la suite de ces contrôles de second niveau, en ce que des contrôles qui ne remplissaient pas les critères prévus par l’article 10 du règlement n° 438/2001 ont été pris en compte pour déterminer le montant des dépenses contrôlées.

76      Le constat relatif au retard dans l’exécution des contrôles ne saurait être infirmé par l’argument de la République italienne visant à faire valoir que les taux requis des contrôles seraient atteints avant la clôture du programme. En effet, contrairement à ce que fait valoir la République italienne, il n’est pas suffisant, pour infirmer les doutes soulevés par la Commission quant à la fiabilité du système de contrôles pour le POR Puglia, et surtout quant à la fiabilité et l’exhaustivité des corrections proposées sur les dépenses certifiées jusqu’à la date de la suspension des paiements intermédiaires, que le niveau requis de contrôles serait acquis pour toutes les mesures au moment de la clôture de l’intervention du FEDER au POR Puglia. En effet, tout d’abord, il ressort de l’article 9 du règlement n° 438/2001 que la déclaration de dépenses à la Commission comprend seulement les dépenses qui ont été effectivement encourues. Ainsi, le retard dans l’exécution des contrôles de premier niveau, ainsi que le défaut ou le retard dans les vérifications par l’autorité de paiement des dépenses ayant été certifiées à la Commission pour les paiements intermédiaires, ne permet pas d’assurer que ces dépenses sont éligibles. Il existe dès lors un risque que les fonds du budget de l’Union soient utilisés pour couvrir des dépenses irrégulières. En outre, conformément à l’article 10, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 438/2001, les État membres veillent à étaler les contrôles de second niveau de façon régulière sur toute la durée de la période concernée, ainsi qu’à couvrir des opérations de nature et d’ampleur suffisamment variées. Ainsi, les contrôles doivent être exécutés régulièrement sur les opérations portant sur les différentes mesures. En conséquence, le fait d’avoir atteint, ou même dépassé, le seuil requis pour certaines des mesures et de l’atteindre pour les autres uniquement au moment de la clôture du programme ne permet pas d’assurer que les dépenses certifiées à la Commission au cours de la période de programmation sont éligibles.

77      De même, ne saurait prospérer l’argument soulevé par la République italienne lors de l’audience, visant à faire valoir que les vérifications définitives de l’éligibilité des dépenses se font, en général, au moment de la clôture de l’intervention du FEDER à un programme et que, ainsi, les dépenses initialement certifiées à la Commission pour les paiements intermédiaires peuvent être ensuite « décertifiées » lors du paiement du solde. À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission peut, à tout moment, prendre une décision de réduction d’un concours financier, ainsi qu’en atteste l’article 38, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999 selon lequel la Commission s’assure de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres des systèmes de gestion et de contrôle de manière à ce que les fonds communautaires soient utilisés de manière régulière et efficace. À cette fin, elle peut donc effectuer des contrôles sur les actions financées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 septembre 1994, An Taisce et WWF UK/Commission, T‑461/93, Rec. p. II‑733, point 36). Toute autre interprétation de l’article 38, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999 compromettrait l’effet utile de l’obligation incombant à la Commission et aux États membres de contrôler l’utilisation régulière des concours financiers de l’Union. En outre, suivre l’argument de la République italienne reviendrait à vider de leurs sens les dispositions de l’article 39, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1260/1999, permettant à la Commission de suspendre les paiements intermédiaires et ensuite, le cas échéant, de supprimer tout ou partie de la participation du FEDER à une intervention.

–       Sur la fiabilité des corrections proposées

78      La Commission a également contesté dans la décision attaquée la fiabilité des corrections proposées par les autorités italiennes.

79      À cet égard, elle a relevé au considérant 36 de la décision attaquée, en ce qui concerne les mesures « infrastructure », et au considérant 39 de ladite décision, en ce qui concerne les marchés relatifs à des travaux complémentaires non justifiés par des circonstances imprévues, que les faibles montants des corrections proposées, par rapport aux irrégularités relevées par les auditeurs de l’Union sur les échantillons d’opérations, permettaient de douter de la fiabilité des contrôles réalisés et de la fiabilité des corrections proposées. La République italienne n’a pas présenté devant le Tribunal des arguments permettant de considérer qu’elle avait apporté, pendant la procédure administrative, des preuves concrètes permettant d’infirmer ces constatations de la Commission et de prouver la fiabilité des contrôles exécutés ainsi que la fiabilité et l’exhaustivité des corrections proposées.

80      La Commission a également contesté, au considérant 35 de la décision attaquée, la fiabilité des corrections proposées pour la mesure 1.1 au titre de contrôles de premier niveau, en ce qu’il ressortirait des documents recueillis lors de l’audit que ces corrections résultaient des contrôles de second niveau. Ainsi, selon la Commission, il existait un risque que les contrôles aient fait l’objet d’un double comptage. Lors de l’audience, la République italienne a affirmé que les inexactitudes en question résultaient d’une erreur d’ordre comptable. Le Tribunal relève à cet égard que, indépendamment de la nature des inexactitudes auxquelles il est fait référence au considérant 35 de la décision attaquée, il ne saurait être reproché à la Commission de soulever des doutes quant à la fiabilité des corrections proposées pour la mesure 1.1, dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que les autorités italiennes ont apporté, lors de la procédure administrative, des preuves concrètes permettant d’infirmer les doutes de la Commission quant à la réalité des contrôles ayant donné lieu aux corrections en question.

81      En outre, la Commission a relevé, au considérant 38 de la décision attaquée, qu’elle n’était pas en mesure de vérifier l’exactitude du montant des corrections forfaitaires apportées aux contrats relatifs aux services d’ingénierie pour lesquels les irrégularités dans la procédure d’attribution des marchés publics avaient été constatées par les auditeurs de l’Union. En effet, il ressort de leur lettre du 16 octobre 2009 que les autorités italiennes ont estimé que les corrections proposées à la suite des contrôles de premier niveau sur les contrats relatifs aux services d’ingénierie ont été sous‑estimées et qu’il a été considéré plus prudent et approprié d’appliquer une réduction forfaitaire à hauteur de 25 % sur la valeur totale de ces contrats. Néanmoins, les autorités italiennes se sont abstenues d’apporter des preuves concrètes que ce pourcentage correspondait le mieux à la réalité de la situation concernant les irrégularités relatives aux contrats de services d’ingénierie. À défaut de preuves concrètes de la part des autorités italiennes, force est de constater que les doutes exprimés par la Commission quant à la fiabilité du montant des corrections en cause sont justifiés, dans la mesure où il n’est pas établi qu’elles correspondent le mieux à l’importance des éventuelles irrégularités.

82      S’agissant des corrections résultant des contrôles de second niveau proposées par les autorités italiennes, la Commission a contesté, au considérant 42 de la décision attaquée, leur fiabilité en ce que les autorités nationales auraient « utilisé les constatations faites par la Cour des comptes de l’Union européenne lors d’un audit effectué en novembre/décembre 2008, ainsi que les constatations faites par la Commission lors de la mission de suivi de janvier 2009 en ce qui concerne le projet ‘Costruzione impianto depurativo consortile Pulsano‑Leporano’ ». À cet égard, la République italienne fait valoir que le projet en question a fait l’objet du contrôle de premier niveau qui n’a pas relevé d’irrégularités. Néanmoins, à la suite des griefs soulevés à l’égard de ce projet aussi bien par la Cour des comptes de l’Union européenne que par la Commission, et dans un esprit de coopération, les autorités italiennes ont décidé d’appliquer la correction au titre de contrôles de second niveau, ce qui a été relaté au tableau figurant au point 4 de la lettre des autorités italiennes du 16 octobre 2009.

83      Il résulte de cette argumentation présentée par la République italienne que, en ce qui concerne le projet Pulsano-Leporano, les corrections proposées par les autorités italiennes l’ont été au titre de contrôles de second niveau. Néanmoins, rien ne permet de vérifier que ces contrôles de second niveau sur le projet Pulsano-Leporano ont été effectivement exécutés et ont relevé des irrégularités justifiant les corrections proposées ou si les autorités italiennes les ont proposées uniquement en réponse aux griefs formulés à cet égard par les auditeurs de la Commission ou par la Cour des comptes. Ainsi, les doutes de la Commission quant à la fiabilité des corrections proposées au titre de contrôles de second niveau pour le projet Pulsano-Leporano doivent être considérés comme raisonnables. Ils n’ont pas été remis en cause par des preuves concrètes qu’aurait apportées la République italienne afin de démontrer que ces corrections résultaient des contrôles de second niveau effectivement exécutés.

84      La République italienne conteste en outre le montant des corrections résultant des contrôles nationaux de second niveau, tel que visé au considérant 42 de la décision attaquée. La République italienne soutient que ce montant devrait s’élever à 59 186 909 euros et non à 30 950 978,33 euros. Or, la Commission observe que le montant du 30 950 978,33 euros ressort du tableau récapitulatif reprenant l’ensemble des corrections apportées par les autorités italiennes, fourni dans le courrier du 16 octobre 2009.

85      En réponse à une question écrite du Tribunal, la République italienne a fait valoir que le montant des corrections proposées par les autorités italiennes au titre des contrôles de second niveau se composait du montant de 30 950 978,33 euros et du montant de 28 235 931,35 euros relatif aux corrections résultant d’irrégularités constatées dans l’attribution de marchés publics d’ingénierie. La Commission a soutenu à cet égard que, compte tenu du fait qu’il ne ressortait pas clairement des observations des autorités italiennes si les corrections proposées au titre des irrégularités constatées dans l’attribution de marchés publics d’ingénierie résultaient des contrôles de premier ou de second niveau, le montant de 28 235 931,35 euros avait été pris en compte de manière séparée, sans qu’il fût attribué plus spécifiquement à des contrôles de premier ou de second niveau.

86      À cet égard le Tribunal observe qu’il ressort du considérant 32 de la décision attaquée, ainsi que de son annexe, que toutes les corrections proposées par les autorités italiennes ont été prises en compte par la Commission. La République italienne a confirmé, lors de l’audience, qu’elle ne contestait pas le montant global de 95 672 043,08 euros retenu par la Commission dans la décision attaquée au titre des corrections proposées par les autorités italiennes et ainsi, ne conteste pas le montant final de la réduction de la participation du FEDER au POR Puglia, tel que retenu à l’article 2 de la décision attaquée. La République italienne n’a pas expliqué en quoi le grief selon lequel les corrections résultant d’irrégularités constatées dans l’attribution de marchés publics d’ingénierie devraient être prises en compte plus spécifiquement au titre des contrôles de second niveau pourrait avoir pour conséquence l’annulation de la décision attaquée.

87      Dans ces circonstances, il y a lieu de constater, sans qu’il y ait besoin d’examiner si le montant de 28 235 931,35 euros des corrections proposées par les autorités italiennes fait partie des corrections au titre de contrôles de second niveau, qu’une telle éventuelle erreur ne saurait exercer une incidence sur la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où l’ensemble des corrections proposées par les autorités italiennes, y inclus ceux du montant de 28 235 931,35 euros, a été pris en compte par la Commission dans le calcul du montant de la réduction de la participation du FEDER au POR Puglia. Ainsi, le présent grief est inopérant.

–       Sur le dysfonctionnement de l’autorité de paiement

88      La Commission a également retenu dans la décision attaquée que les autorités italiennes n’ont pas fourni d’éléments probants permettant d’infirmer les constats des auditeurs de l’Union concernant le dysfonctionnement de l’autorité de paiement.

89      À cet égard, le Tribunal constate que la République italienne ne soulève, dans le cadre du présent recours, aucun moyen spécifique visant à contester le bien-fondé des affirmations concernant l’autorité de paiement sur lesquelles est fondée la décision attaquée. Or, comme le relève à juste titre la Commission, les carences constatées par rapport au fonctionnement de l’autorité de paiement constituent, en plus des défaillances du système des contrôles des premier et second niveaux, un des éléments pris en compte par la Commission pour constater l’existence d’un risque élevé de préjudice financier pour le FEDER, justifiant l’application de la correction à la participation du Fonds au POR Puglia.

90      Pour autant que, dans le cadre du moyen tiré du défaut de motivation (voir point 122, ci‑après) la République italienne conteste le bien-fondé de la décision attaquée en ce qui concerne le constat des lacunes dans le fonctionnement de l’autorité de paiement, force est de constater que, dans la lettre du 15 juin 2009, les autorités italiennes ont fait valoir que les problèmes soulevés par les auditeurs de l’Union étaient « en voie d’être résolus » par le biais d’un renforcement de la structure en termes de personnel. La République italienne l’a confirmé dans ses écrits devant le Tribunal. Un tableau faisant état d’une nouvelle structure à mettre en place a été joint à la lettre du 15 juin 2009. Néanmoins, aucun document permettant de prouver que la structure était opérationnelle ou d’infirmer les constats de la Commission en ce qui concerne le retard dans les vérifications par l’autorité de paiement au titre de l’article 9 du règlement n° 438/2001 et dans la tenue de la comptabilité des montants à recouvrer au titre de l’article 8 du même règlement, n’a été joint à cette lettre, ni présenté à un autre moment de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

91      Il résulte de ce qui précède que la République italienne n’a pas apporté de preuves suffisantes afin de démontrer l’efficacité et la fiabilité de l’ensemble des mesures de surveillance et de contrôle pour le POR Puglia (voir la jurisprudence rappelée au point 56 ci-dessus) et reste en défaut de prouver que les corrections que les autorités italiennes ont proposé d’apporter étaient adéquates et de nature à remettre en cause la réduction du concours du FEDER décidée par la Commission.

92      Ainsi, compte tenu des doutes sérieux et raisonnables quant à la fiabilité des corrections proposées par les autorités nationales dûs, notamment, au retard persistant dans l’exécution des contrôles requis et au manque de preuve tangible et concrète que ces corrections résultent des contrôles qui couvrent toutes les opérations susceptibles d’être affectées par les irrégularités, c’est à bon droit que la Commission a décidé d’appliquer une réduction de la participation du FEDER au POR Puglia, conformément à l’article 39, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1260/1999.

93      Il résulte de ce qui précède que la première branche des premier et deuxième moyens doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du principe de partenariat énoncé à l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999

94      Dans le cadre de la deuxième branche des premier et deuxième moyens, la République italienne reproche à la Commission d’avoir méconnu l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999, dans la mesure où elle n’aurait pas agi dans un esprit de partenariat et de coopération lors de l’examen des objections soulevées par la région des Pouilles en ce que, sans les avoir contestées, elle n’en a pas tenu compte.

95      Par ailleurs, la République italienne insiste sur le fait que le principe de partenariat énoncé à l’article 39 du règlement n° 1260/1999, implique que la réduction de la participation du FEDER à une intervention ne peut pas être appliquée si, dans le cadre de cette coopération, les autorités du programme apportent, selon les indications de la Commission, des modifications aux systèmes ayant pour conséquence une amélioration de leur fonctionnement. Selon la République italienne, le principe de partenariat imposerait à la Commission de tenir compte, lors de l’adoption d’une décision portant réduction du concours du FEDER, du progrès réalisé par les autorités nationales dans la mise en œuvre du système de gestion et de contrôle à la suite des critiques qu’elle aurait formulées à cet égard lors des différentes missions d’audit. La République italienne estime que c’est donc en violation de ce principe que la Commission a fondé sa décision sur l’image du fonctionnement du système de gestion et de contrôle du POR Puglia, telle que retenue par les auditeurs de l’Union à la suite de la mission d’audit de janvier 2009, sans tenir compte des progrès réalisés postérieurement à cet audit, mais antérieurement à l’adoption de la décision attaquée.

96      La Commission conteste les arguments de la République italienne.

97      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, selon la jurisprudence, la procédure d’apurement des comptes a pour objet essentiel d’assurer que les dépenses engagées par les autorités nationales l’ont été selon les règles de l’Union (arrêt de la Cour du 27 janvier 1988, Danemark/Commission, 349/85, Rec. p. 169, point 19). Les articles 38 et 39 du règlement n° 1260/1999 prévoient à cette fin une procédure de coopération entre les États membres et la Commission, offrant aux États membres concernés toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C‑61/95, Rec. p. I‑207, point 39). Selon cette procédure, la Commission et les États membres s’efforcent d’identifier et d’analyser, dans un esprit de coopération fondé sur le partenariat, toutes les données pertinentes, afin d’éviter la prise en charge par les fonds de dépenses irrégulières et en vue d’appliquer les corrections financières nécessaires (arrêts du Tribunal du 22 mai 2012, Portugal/Commission, T‑345/10, non publié au Recueil, points 30 et suivants, et du 15 janvier 2013, Espagne/Commission, T‑54/11, non encore publié au Recueil, point 26).

98      Il ressort également de la jurisprudence que parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives figurent notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaitre son point de vue, ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 novembre 2008, Pays‑Bas/Commission, C‑405/07 P, Rec. p. I‑8301, point 56, et la jurisprudence citée).

99      En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe de partenariat, force est de constater qu’il ressort du dossier que la Commission a poursuivi le dialogue avec les autorités italiennes depuis la première mission d’audit de février 2007 jusqu’à l’adoption de la décision attaquée. La République italienne fait elle-même référence, dans le cadre de ses écrits devant le Tribunal, à l’échange de correspondance qu’elle a tenu avec la Commission afin de répondre aux griefs formulés par les auditeurs de l’Union, ainsi qu’à l’audition du 30 septembre 2009 lors de laquelle elle s’est entretenue avec les représentants de la Commission.

100    Ainsi, force est de constater que la République italienne a disposé de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue et elle a été correctement impliquée dans la procédure ayant conduit la Commission à l’adoption de la décision attaquée, ce qu’elle ne conteste pas au demeurant.

101    En outre, rien ne permet de constater que la Commission aurait omis d’examiner avec soin et impartialité les observations soumises par les autorités italiennes visant à démontrer que le progrès accompli dans le fonctionnement du système de gestion et de contrôle du POR Puglia permettait désormais de conclure à sa fiabilité. En effet, la Commission a mentionné dans la décision attaquée les différentes étapes de la procédure administrative l’ayant amenée à adopter la décision attaquée, ainsi que les observations que les autorités italiennes avaient présentées en réponse aux griefs formulés à l’égard du système de gestion et de contrôle du POR Puglia. Comme l’observe à bon droit la Commission, aux considérants 16 et suivants de la décision attaquée, il est fait référence aux observations présentées par les autorités italiennes aussi bien par écrit qu’oralement, lors de l’audition du 30 septembre 2009. En outre, aux considérants 28 à 32 de la décision attaquée, présentés sous l’intitulé « Position des autorités italiennes vis-à-vis des résultats de l’audit de la Commission », la décision attaquée résume la position présentée par les autorités italiennes dans leurs réponses des 15 juin, 6 juillet et 16 octobre 2009, ainsi que les arguments qu’elles ont invoqués à l’appui de la demande visant à annuler la correction financière envisagée et à lever la suspension des paiements intermédiaires. Par ailleurs, les considérants 33 à 39 et 42 de la décision attaquée font état de la position de la Commission concernant les corrections apportées par les autorités nationales en faisant référence à un certain progrès dans l’exécution des contrôles réalisés par les autorités italiennes depuis l’établissement du rapport d’audit du 14 mai 2009. En outre, il ressort du considérant 47, ainsi que de l’annexe à la décision attaquée, que la Commission a tenu compte des corrections proposées par les autorités italiennes dans le calcul du montant de la réduction qu’elle a décidé d’appliquer.

102    La République italienne ne démontre par conséquent pas à suffisance de droit dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, que la Commission n’a pas pris en compte, aux fins de l’application de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, les observations présentées à cet égard par les autorités italiennes au cours de la procédure. Elle reste, en effet, en défaut d’établir quels éléments de faits concrets la Commission aurait omis de prendre en compte lors de l’examen du fonctionnement du système de gestion et de contrôle du POR Puglia.

103    Dans la mesure où la République italienne tire cette conclusion du fait que la Commission n’a pas expressément réfuté ou répondu à toutes les observations présentées par les autorités italiennes lors de la procédure administrative, le présent grief rejoint le troisième moyen du recours, tiré du défaut de motivation, ce que la République italienne a confirmé lors de l’audience. Ce grief sera donc examiné ci-dessous, dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

104    Par ailleurs, force est de constater que le fait que la correction envisagée par la Commission a été maintenue dans la décision attaquée et que, ainsi, les arguments présentés par la République italienne au cours de la procédure administrative n’étaient pas, selon la Commission, suffisamment convaincants pour justifier d’annuler cette correction, ne suffit pas pour conclure qu’ils n’ont pas été pris en considération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 septembre 2012, Italie/Commission, T‑84/09, non publié au Recueil, point 128).

105    Au vu de ce qui précède, il convient de constater que la Commission a agi, en l’espèce, dans le respect des intérêts de la République italienne, conformément à l’objet et à la nature contradictoire de la procédure prévue à l’article 39 du règlement n° 1260/1999, lequel vise à éviter la prise en charge par le FEDER de dépenses irrégulières, et que la République italienne n’a pas prouvé que la Commission n’avait pas examiné avec soin et impartialité les observations présentées par les autorités nationales. Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche des premier et deuxième moyens.

 Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité

106    La République italienne fait valoir, en substance, que la Commission a agi en violation du principe de proportionnalité en ne tenant pas compte des observations formulées par les autorités régionales lorsqu’elle a évalué l’étendue et les conséquences financières des défaillances du système de contrôle pour le POR Puglia en vue de déterminer le pourcentage de correction à appliquer à la contribution du FEDER. Elle estime que les corrections financières proposées par les autorités italiennes devraient être considérées comme suffisantes pour garantir la bonne et saine gestion financière des ressources de l’Union.

107    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

108    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphe 4, du TUE, fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt du Tribunal du 9 octobre 2012, Italie/Commission, T‑426/08, non publié au Recueil, point 39, et la jurisprudence citée). En particulier, au regard du principe de proportionnalité, la violation des obligations dont le respect revêt une importance fondamentale pour le bon fonctionnement d’un système de l’Union peut être sanctionnée par la perte d’un droit ouvert par la réglementation de l’Union, tel que le droit à un concours financier (arrêts du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterranea/Commission, T‑199/99, Rec. p. II‑3731, points 134 et 135, et du 19 novembre 2008, Grèce/Commission, T‑404/05, non publié au Recueil, point 89).

109    L’obligation de respecter le principe de proportionnalité est expressément énoncée à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, lequel prévoit que, lorsqu’elle établit le montant d’une correction, la Commission tient compte de la nature de l’irrégularité ou de la modification, ainsi que de l’étendue et des conséquences financières des défaillances constatées dans les systèmes de gestion et de contrôle.

110    En outre, comme cela a été reconnu par la jurisprudence, lorsqu’une règle de conduite visant à produire des effets externes a été adoptée par la Commission, a été rendue publique et n’est pas incompatible avec les règles supérieures de droit de l’Union, cette institution s’autolimite, en vertu des principes généraux du droit, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. En effet, la Commission ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation des principes généraux du droit (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 octobre 2012, Italie/Commission, point 108 supra, point 41, et du 16 septembre 2013, Espagne/Commission, T‑3/07, non publié au Recueil, point 84, et la jurisprudence citée).

111    Il ressort du considérant 46 de la décision attaquée, que, en l’espèce, la Commission a appliqué les règles de conduite administrative résultant des orientations, et notamment de son point 2.3. Elle a considéré qu’une correction forfaitaire de 10 % était appropriée, dans la mesure où « plusieurs éléments clés du système ne fonctionnent pas ou fonctionnent si inefficacement ou si rarement qu’ils ne permettent pas de déterminer l’éligibilité des demandes de paiement et de prévenir les irrégularités ».

112    À cet égard, il convient de relever qu’il résulte du point 2.2.1, paragraphes 2 et 3, des orientations que, tant les contrôles de premier niveau, effectués par les autorités de gestion, que les vérifications par les autorités de paiement et les contrôles de second niveau effectués par sondage, sont visés en tant qu’éléments clés du système de gestion et de contrôle. En conséquence, les défaillances constatées par la Commission dans la décision attaquée relatives aux contrôles de premier et second niveaux, ainsi qu’au fonctionnement de l’autorité de paiement, concernent les éléments clés du système de contrôle mis en place pour le POR Puglia qui sont essentiels pour garantir que seules les dépenses éligibles sont certifiées à la Commission.

113    Par ailleurs, les défaillances constatées par la Commission sont de nature à remettre en cause l’efficacité de l’ensemble du système de gestion et de contrôle du POR Puglia et présentent dès lors un risque important de perte pour le budget de l’Union. En effet, force est de constater que le retard dans l’exécution des contrôles des différents niveaux par les autorités nationales du POR Puglia remet en cause la légalité et la régularité des dépenses certifiées par celles-ci pour la participation du FEDER. Un tel manque de fiabilité comporte, en effet, un risque pour le fonds, ainsi que cela a été exposé dans la décision attaquée (considérants 33, 37 et 42). De même, le manque de ressources humaines dans les structures de l’autorité de paiement confirme que celle-ci n’était pas en mesure de remplir ses fonctions de manière efficace. Ainsi, il est établi qu’il existait un risque que des dépenses ne respectant pas les conditions de l’éligibilité et non conformes au droit de l’Union ou au droit national fussent financées par le FEDER.

114    En outre, ces défaillances ont été relevées pour la première fois lors de la mission d’audit de février 2007, mais n’avaient toujours pas été corrigées, au moins pour certaines d’entre elles, au moment de l’adoption de la décision attaquée en décembre 2009. Même si un certain progrès a été réalisé, comme l’a reconnu la Commission, entre la dernière mission d’audit de janvier 2009 et la date d’adoption de la décision attaquée, force est de constater que les autorités italiennes n’ont pas pris les mesures appropriées dès le moment où les manquements leur avaient été signalés pour la première fois en 2007. En conséquence, en dépit des améliorations, aussi méritoires soient‑elles, apportées par la République italienne, le risque de préjudice pour le FEDER demeure toujours très élevé, de sorte que la correction de 10 % n’apparait pas excessive.

115    Au vu des circonstances de l’espèce, il convient de constater que la Commission a, en conformité avec l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, tenu compte de la nature des irrégularités, de l’étendue et des conséquences financières importantes des défaillances constatées dans les systèmes de gestion et de contrôle du POR Puglia. Elle a, en outre, correctement suivi la règle administrative contenue dans les orientations en appliquant le taux de correction de 10 %. En effet, dès lors qu’un ou plusieurs contrôles clés n’avaient pas été effectués ou l’avaient été si mal ou si rarement qu’ils étaient inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, elle a pu considérer à juste titre qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEDER (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, C‑387/03, non publié au Recueil, point 105).

116    Finalement, il y a lieu de relever que la République italienne n’a pas apporté d’éléments permettant d’établir qu’une réduction de 5 % ou 2 %, également prévue par les orientations, serait plus appropriée dans les circonstances de l’espèce. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence en matière de FEOGA, également applicable mutatis mutandis en l’espèce, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles régissant les fonds structurels, il incombe à l’État membre de démontrer le cas échéant que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt Autriche/Commission, point 56 supra, point 181, et la jurisprudence citée). Il résulte également d’une jurisprudence constante que la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par les fonds de l’intégralité des dépenses exposées si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 125). Si, dans le cadre de sa mission d’apurer les comptes, la Commission s’efforce, au lieu de refuser le financement de la totalité des dépenses, d’établir des règles visant à différencier selon le degré de risque que présentent différents niveaux de carence de contrôle, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C‑50/94, Rec. p. I‑3331, point 28, et arrêt Autriche/Commission, point 56 supra, point 184).

117    Or, la République italienne s’est bornée à indiquer, lors de l’audience, en citant les critères d’application des corrections de 5 % ou de 2 % énoncés au point 2.3 des orientations, que, tout au plus, la cohérence, la fréquence ou l’intensité des éléments clés du système de gestion et de contrôle du POR Puglia étaient en cause ou que seulement des éléments auxiliaires du système étaient défaillants. Ces affirmations de caractère général, outre qu’étant invoquées tardivement, ne sont en tout état de cause pas de nature à infirmer les motifs rappelés aux points 112 à 115 ci-dessus justifiant l’application d’un taux de correction de 10 %.

118    Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que la Commission a appliqué le taux de correction de 10 % qui correspondait à la gravité, à la nature et à la durée des insuffisances concernant les éléments clés du système de contrôle de POR Puglia. La troisième branche des premier et deuxième moyens doit donc être rejetée comme non-fondée.

119    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter dans leur ensemble les premier et deuxième moyens.

3.     Sur le troisième moyen, tiré du défaut de motivation, en violation de l’article 296 TFUE, et d’une violation de l’article 39, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1260/1999

120    Par son troisième moyen la République italienne fait valoir, en substance, que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce qu’elle considère que les défaillances dans le système de contrôle constatées par les auditeurs de l’Union sont susceptibles d’indiquer l’existence d’une inefficacité systémique de l’appareil de contrôle mis en place pour le POR Puglia, justifiant l’application de la correction forfaitaire de 10 %, sans néanmoins tenir compte de l’évolution de la situation juridique et factuelle correspondante et sans réfuter expressément les arguments des autorités italiennes permettant d’établir l’existence d’un système efficace et fiable de contrôle.

121    La République italienne fait référence à plusieurs considérants de la décision attaquée, notamment aux considérants 34, 36 à 39, 44, et 46, pour démontrer le défaut de motivation qui résulterait de ce que la Commission n’aurait pas explicité les raisons pour lesquelles les éléments présentés par les autorités italiennes en ce qui concerne le progrès réalisé dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle ne permettaient pas d’infirmer les constats faits par les auditeurs de l’Union lors de la mission de janvier 2009. La République italienne fait valoir que ces affirmations sont donc dépourvues de fondement ou de pertinence pour établir le défaut de fiabilité des systèmes de gestion et de contrôle.

122    La République italienne conteste également la motivation de la décision, telle qu’exposée au considérant 41 de la décision attaquée, en ce qui concerne les contrôles par l’autorité de paiement. Elle soutient à cet égard que, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision attaquée, les difficultés de l’autorité de paiement étaient « en voie d’être résolues » et que, en conséquence, la situation de cette autorité à la fin de l’année 2009 n’était pas de nature à entraîner un risque sérieux pour le FEDER.

123    La République italienne invoque, en outre, un défaut de motivation à l’encontre du considérant 42 de la décision attaquée qui énonce que « la Commission conteste la fiabilité des montants de dépenses contrôlées, parce que des contrôles qui ne remplissent pas les critères prévus par l’article 10 du règlement (CE) n° 438/2001 ont été pris en compte pour déterminer le montant de dépenses contrôlées », en ce qu’il n’aurait pas précisé les contrôles de second niveau auxquels il est fait référence.

124    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

125    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêts de la Cour du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑26/00, Rec. p. I‑6527, point 113, et du Tribunal du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, Rec. p. II‑2029, point 174, et la jurisprudence citée).

126    Le grief tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation doit être distingué de celui pris de l’inexactitude des motifs de la décision. Ce dernier aspect relève de l’examen de la légalité au fond de la décision et non de la violation des formes substantielles et ne peut donc constituer une violation de l’article 296 TFUE (voir arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec. p. I‑10901, points 26 et 55, et arrêt du 9 octobre 2012, Italie/Commission, point 108 supra, point 17, et la jurisprudence citée).

127    Dans son troisième moyen, la République italienne reproche à la Commission, en substance, de ne pas avoir motivé la décision attaquée faute de répondre expressément aux éléments présentés par celle-ci en réponse aux griefs formulés par les auditeurs de l’Union, et relatifs à l’évolution du système de contrôle postérieurement à l’audit de janvier 2009, ou de les avoir pris en considération, non pour évaluer l’existence d’irrégularités dans le système de contrôle, mais uniquement en vue de quantifier la correction. En effet, la République italienne se réfère aux différents considérants de la décision attaquée contenant des motifs ayant conduit à son adoption, plus particulièrement aux considérants 34, 36 à 39, 41, 44 et 46, pour arriver à la conclusion que lesdits motifs ne permettent pas, contrairement à la conclusion de la décision attaquée, d’établir le défaut de fiabilité des systèmes de gestion et contrôle mis en place pour le POR Puglia compte tenu du progrès dans son fonctionnement, tel que prétendument prouvé par les autorités italiennes. Ainsi, dans la mesure où, par son troisième moyen, la République italienne reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans le raisonnement l’ayant conduite à l’adoption de la décision attaquée, des éléments que la République italienne considère comme essentiels ou d’avoir commis une erreur dans leur évaluation, elle remet en cause le bien-fondé de la décision attaquée. Par conséquent, le seul fait que la République italienne ait considéré erronément certains éléments comme essentiels ou comme infirmant nécessairement les constats de la Commission quant au défaut de la fiabilité des systèmes de gestion et de contrôle du POR Puglia, ce qui relève de l’appréciation au fond, n’est pas susceptible de modifier la portée de l’obligation de motivation de la Commission.

128    Par conséquent, le Tribunal ne saurait examiner un tel grief au titre du contrôle du respect de l’obligation de motivation. Dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de la décision litigieuse doivent donc être considérés comme dénués de pertinence (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, Operator ARP/Commission, T‑291/06, Rec. p. II‑2275, point 48).

129    Pour autant que le troisième moyen porte sur un défaut de motivation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’exigence de la motivation au titre de l’article 296 TFUE doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 15 décembre 2005, Italie/Commission, point 126 supra, point 26, et du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, point 77). Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que la Commission n’est pas obligée, dans la motivation de ses décisions, de prendre position sur tous les arguments invoqués par les intéressés pendant la procédure administrative. Il suffit, en effet, à la Commission d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 131, 143, et arrêt du Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T‑7/92, Rec. p. II‑669, point 31, et la jurisprudence citée).

130    Dans le contexte particulier des fonds structurels et, notamment, dans celui de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du fonds la somme litigieuse (arrêts de la Cour Belgique/Commission, point 116 supra, point 98 et du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec. p. I‑7699, point 67 ; arrêts du Tribunal du 16 décembre 2011, France/Commission, T‑488/10, non encore publié au Recueil, point 68, et du 26 septembre 2012, Italie/Commission, point 104 supra, point 17).

131    En l’espèce, il ressort clairement du dossier que la République italienne a été étroitement associée à la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée et qu’elle a pris connaissance des griefs formulés par la Commission à l’encontre du système de contrôle du POR Puglia dans le cadre des rapports d’audit des auditeurs de l’Union des 5 septembre 2007, 6 mars 2008 et 14 mai 2009, dans la décision de suspension des paiements intermédiaires, ainsi que lors de l’audition du 30 septembre 2009. Ainsi, s’agissant du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, les autorités italiennes étaient conscientes de l’objet des griefs avancés par la Commission et donc capables de contester utilement la légalité au fond de la décision attaquée de sorte qu’une motivation plus avancée dans la décision attaquée n’était pas nécessaire.

132    Concernant plus particulièrement le prétendu défaut de motivation du considérant 42 de la décision attaquée qui résulterait d’un défaut d’indication des contrôles de second niveau auxquels il est fait référence, la Commission indique que sont visés les contrôles ayant été exécutés par les structures tierces, mais non validés par l’organisme de contrôle. S’il est vrai, comme le soutient la République italienne, que ce motif ne ressort pas du considérant 42 de la décision attaquée, ladite insuffisance des contrôles de second niveau avait déjà été soulevée dans le rapport d’audit du 5 septembre 2007 (point 5.4), ainsi que lors de l’audition du 30 septembre 2009. Compte tenu de ces éléments, force est de constater que la République italienne connaissait les raisons pour lesquelles la Commission contestait la fiabilité des montants de dépense contrôlée au motif que des contrôles de second niveau ne remplissant pas les critères prévus par l’article 10 du règlement n° 438/2001 avaient été pris en compte pour déterminer le montant de dépense contrôlée.

133    Enfin, il convient de souligner que le moyen de la République italienne tiré du défaut de motivation ne saurait non plus prospérer dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 129 ci‑dessus, la Commission n’était pas tenue de répondre expressément, dans la décision attaquée, à tous les arguments avancés dans les lettres des autorités italiennes ou lors de l’audition du 30 septembre 2009, tant que les éléments essentiels au soutien des conclusions de la décision y étaient exposés. En effet, la Commission a exposé de façon claire et non équivoque dans la décision attaquée, ainsi que tout au long de la procédure l’ayant amenée à l’adoption de l’acte litigieux, les raisons pour lesquelles elle a estimé que la réduction du concours du FEDER pour le POR Puglia devait être appliquée de manière à permettre à la République italienne de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle, ce qui est confirmé par les arguments que la République italienne a soulevés au titre des premier et deuxième moyens et par leur examen fait par le Tribunal.

134    Pour les motifs exposés ci-dessus, il convient de constater que la Commission a rempli l’obligation de motivation imposée par l’article 296 TFUE. Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le troisième moyen.

4.     Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 12 du règlement n° 1260/1999 et de l’article 4, premier alinéa, du règlement n° 431/2001, ainsi que de l’incompétence de la Commission

135    Par son quatrième moyen, la République italienne fait valoir une violation de l’article 12 du règlement n° 1260/1999 et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 431/2001, ainsi que l’incompétence de la Commission en ce que celle-ci aurait conclu à l’existence d’insuffisances graves dans le système de contrôle du fait, notamment, des irrégularités dans les procédures de passation de marchés publics. La République italienne reproche à la Commission de ne pas avoir fait de distinction entre les marchés d’une valeur supérieure et les marchés d’une valeur inférieure au seuil d’application des directives communautaires. En ce qui concerne les marchés d’une valeur supérieure, une violation des règles de l’Union pourrait uniquement conduire, selon la République italienne, à une correction financière relative à la mesure en question, mais pas à une correction forfaitaire. En outre, selon la République italienne, les contrôles administratifs typiques de la gestion des fonds structurels ne permettent pas de conclure à l’existence d’insuffisances graves dans les procédures de passation de marchés publics en raison de la complexité intrinsèque de l’analyse à effectuer. Les éventuelles violations d’une procédure de passation de marchés publics par les autorités italiennes devraient en revanche conduire la Commission à ouvrir une procédure en manquement contre la République italienne au titre de l’article 258 TFUE, accompagnée d’une suspension simultanée – en application de l’article 32, paragraphe 3, sous f), du règlement n° 1260/1999 – des paiements afférents aux mesures auxquelles la violation se rapporte.

136    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

137    À cet égard, il y a tout d’abord lieu de relever qu’il a été jugé aux points 60 à 62 ci-dessus, que les arguments de la République italienne par lesquels elle réfute les allégations des auditeurs de l’Union en ce qui concerne l’existence de lacunes dans les contrôles dûes au fait que ces derniers n’avaient pas relevé plusieurs défaillances liées aux procédures d’attribution de marchés publics, sont inopérants. Ainsi, pour les motifs exposés aux points évoqués, le présent moyen doit également être jugé inopérant.

138    En tout état de cause, l’argument de la République italienne, selon lequel une violation individuelle des règles de l’Union en matière d’adjudication des marchés dont la valeur est supérieure au seuil d’application des directives concernées, pourrait conduire uniquement à une correction financière relative à la mesure en question et non à une correction forfaitaire, doit également être jugé inopérant, dans la mesure où, comme le relève à bon droit la Commission, les irrégularités concernant les procédures de passation de marchés publics, constatées par les auditeurs de l’Union dans le cadre de certains projets spécifiques, ne constituent que des indices de l’existence d’irrégularités systémiques. Il ressort de la décision attaquée que la Commission a appliqué, conformément aux orientations, une correction forfaitaire au vu de l’existence de ces irrégularités systémiques et qu’elle n’a appliqué aucune correction financière par rapport à des irrégularités individuelles dans les procédures d’attribution des marchés. En conséquence, quand bien même les constats relatifs à des irrégularités individuelles dans les procédures d’adjudication des marchés auraient été faussés par le fait que la Commission n’aurait pas tenu compte des seuils d’application des directives concernées, ceci n’aurait pas d’influence sur le bien‑fondé de la décision attaquée dans la mesure où il ne s’agit pas d’un motif autonome de réduction du concours financier opérée par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 septembre 2012, Allemagne/Commission, T‑265/08, non publié au Recueil, point 74). Le présent argument est donc inopérant.

139    À titre surabondant, il y a lieu de relever que la République italienne admet elle-même qu’une correction forfaitaire est applicable aux irrégularités ayant un caractère systémique. Elle fait néanmoins valoir que ce caractère systémique des irrégularités par rapport à des procédures d’attribution des marchés doit être constaté par le biais d’une procédure en manquement.

140    À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence bien établie selon laquelle, dans son rôle de gardienne des traités, la Commission est seule compétente pour décider s’il est opportun d’engager une procédure en constatation de manquement, et en raison de quel agissement ou quelle omission imputable à l’État membre concerné cette procédure doit être introduite (arrêts de la Cour du 5 novembre 2002, Commission/Luxembourg, C‑472/98, Rec. p. I‑9741, point 37, et du 7 avril 2011, Commission/Luxembourg, C‑305/10, non publié au Recueil, point 9).

141    Il est également de jurisprudence constante que la procédure de suspension ou de réduction du concours financier de l’Union à des actions nationales, au titre de l’article 39 du règlement n° 1260/1999, est indépendante de celle visant à faire constater et à faire cesser le comportement d’un État membre en violation du droit de l’Union. En effet, ces deux procédures poursuivent des buts différents et sont régies par des règles différentes : ni l’engagement d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, ni même d’ailleurs la constatation d’un tel manquement par la Cour, ne sauraient impliquer automatiquement la suspension ou la réduction du concours financier communautaire. Pour cela, il faut que la Commission adopte une décision de suspension ou de réduction du financement communautaire sur la base de l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999 (arrêts de la Cour du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C‑167/06 P, non publié au Recueil, point 52  et du Tribunal An Taisce et WWF UK/Commission, point 77 supra, point 35).

142    De même, il ressort de la jurisprudence que le fait que la Commission décide de ne pas engager une procédure en constatation de manquement ne saurait impliquer qu’elle se trouve empêchée de suspendre ou de réduire le concours communautaire à une action nationale, notamment lorsqu’elle se trouve confrontée aux défaillances, même potentielles, du système de contrôle (voir, en ce sens, arrêt An Taisce et WWF UK/Commission, point 77 supra, point 36).

143    En outre, il y a lieu de relever que la procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE vise à faire constater et à faire cesser le comportement d’un État membre en violation du droit de l’Union, la Commission restant libre, si l’État membre a mis fin au manquement allégué, de renoncer à la poursuite de la procédure sans, pourtant, que l’abandon de la procédure équivaille à une reconnaissance de la licéité du comportement contesté. Par contre, la procédure d’apurement des comptes vise à constater non seulement la réalité et la régularité de la dépense, mais aussi la répartition correcte entre les États membres et l’Union des charges financières résultant de la politique structurelle de l’Union, la Commission ne jouissant pas à cet égard d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de déroger aux règles régissant cette répartition des charges (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, points 26 et suivants).

144    En conséquence, il n’y a aucune raison pour que la Commission ne puisse apprécier dans le cadre de l’examen effectué en vertu de l’article 39 du règlement n° 1260/1999 si les contrôles par les autorités nationales respectent les obligations imposées par le droit de l’Union, notamment par l’article 12 du même règlement et l’article 4 du règlement n° 438/2001, sans que la Cour ait au préalable reconnu l’existence d’un manquement portant sur la même question de droit. Une interprétation contraire rendrait en outre excessivement difficile tout contrôle de la compatibilité au droit de l’Union des dépenses du FEDER.

145    Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième moyen soulevé par la République italienne.

146    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

147    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

148    La République italienne ayant succombé en l’ensemble de ses moyens il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Frimodt Nielsen

Kancheva

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2014.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

1.  Règlement n° 1260/1999

2.  Règlement n° 438/2001

3.  Orientations

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Résumé des moyens d’annulation

2.  Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la dénaturation des faits et de la violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, des articles 4 et 10 du règlement n° 438/2001, ainsi que de la violation des principes de partenariat et de proportionnalité

Sur la première branche, tirée d’une dénaturation des faits et de la violation de l’article 39, paragraphe 2, sous c), et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, ainsi que des articles 4 et 10 du règlement n° 438/2001

Observations liminaires

Rappel des principes

Sur l’existence d’insuffisances graves

–  Sur l’existence d’irrégularités dans les projets spécifiques

–  Sur le retard dans l’exécution des contrôles

–  Sur la fiabilité des corrections proposées

–  Sur le dysfonctionnement de l’autorité de paiement

Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du principe de partenariat énoncé à l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999

Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité

3.  Sur le troisième moyen, tiré du défaut de motivation, en violation de l’article 296 TFUE, et d’une violation de l’article 39, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1260/1999

4.  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 12 du règlement n° 1260/1999 et de l’article 4, premier alinéa, du règlement n° 431/2001, ainsi que de l’incompétence de la Commission

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.