Language of document : ECLI:EU:T:2012:321

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

27 juin 2012 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés des fermetures à glissière et des ‘autres types de fermeture’ ainsi que des machines de pose – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Augmentations de prix coordonnées, fixation de prix minimaux, partage de la clientèle et des marchés et échange d’autres informations commerciales – Preuve –Droits de la défense – Infraction unique et continue – Prescription – Amendes – Durée et gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Égalité de traitement – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑445/07,

Berning & Söhne GmbH & Co. KG, établie à Wuppertal (Allemagne), représentée par Mes P. Niggemann et K. Gaßner, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Mojzesowicz et M. R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2007) 4257 final de la Commission, du 19 septembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/39.168 – PO/Articles de mercerie métalliques et plastiques : fermetures), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante par ladite décision,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Berning & Söhne GmbH & Co. KG, est une entreprise familiale allemande, appartenant à la famille Berning, créée en 1888 et constituée en société en 1959. En 1983, la requérante a établi une filiale en France, Berning France SARL. Les activités de la requérante portent essentiellement sur la production et la distribution de systèmes de fermeture et d’éléments décoratifs, mais également sur la production et la vente de quantités limitées d’outils, de machines et de services. Elle complète son portefeuille de produits en achetant près d’un quart de ses produits à d’autres fabricants. Elle produit des boutons pour jeans, des boutons-pression, des rivets, des œillets et des éléments décoratifs, de même que des composants techniques.

2        Le secteur de la fabrication d’articles de fermeture peut être divisé en deux grandes catégories, à savoir les fermetures à glissière et les « autres types de fermetures », comprenant différents types de boutons‑pression, fermoirs à pression et fermetures à pression, mais aussi fermetures à pince, agrafes, œillets, boutons pour jeans, rivets et accessoires en métal et en plastique destinés aux secteurs du cuir et de l’habillement.

3        Les 7 et 8 novembre 2001, la Commission des Communautés européennes a effectué des vérifications au titre de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] CE et [82] CE (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs producteurs communautaires d’articles de mercerie métalliques et plastiques, d’autres articles de mercerie et de fils (parmi lesquels Entaco Ltd, Coats plc et William Prym GmbH & Co. KG), ainsi qu’auprès du Fachverband Verbindungs- und Befestigungstechnik (ci-après le « VBT »).

4        Le 26 novembre 2001, les groupes Prym et Coats, invoquant la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 »), ont présenté des demandes tendant à ce qu’il en soit fait application concernant le secteur des fermetures à glissière.

5        Par lettre du 22 février 2002, Coats a fourni certaines informations à la Commission.

6        Le 8 août 2003, Stocko (devenue YKK Stocko Fasteners), invoquant la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »), a présenté une demande concernant les « autres types de fermetures ».

7        Par la suite, la Commission a adressé plusieurs demandes de renseignements à un certain nombre de parties concernées sur le fondement de l’article 11 du règlement n° 17.

8        Le 16 septembre 2004, la Commission a adressé une communication des griefs (ci‑après la « communication des griefs ») concernant les « autres types de fermetures », les machines de pose et les fermetures à glissière aux sociétés Prym Fashion, William Prym, Éclair Prym, Fiocchi Prym, Fiocchi Snaps France, YKK Stocko Fasteners, YKK Holding Europe, YKK Corp., Coats, A. Raymond, Berning & Söhne, Berning France, Scovill Fasteners Europe (anciennement Unifast), Scovill Fasteners ainsi qu’au VBT.

9        Ces sociétés, ainsi que l’association en cause, ont eu accès au dossier d’instruction de la Commission sous la forme d’une copie sur CD-ROM, qui leur a été envoyée le 1er octobre 2004.

10      Le 12 novembre 2004, le groupe Prym, invoquant la communication sur la coopération de 2002, a présenté une demande d’immunité ou, à titre subsidiaire, de réduction du montant des amendes concernant les « autres types de fermetures ».

11      Par télécopie du 18 novembre 2004, le groupe Prym a complété sa demande. Par courriers électroniques, respectivement des 3, 4 et 11 janvier 2005, il a adressé à la Commission des informations complémentaires. Par courrier électronique du 27 janvier 2005, il a présenté une demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002.

12      Le 18 février 2005, le groupe YKK, invoquant la communication sur la coopération de 2002, a présenté une demande de réduction du montant des amendes concernant les « autres types de fermetures ».

13      Le 25 février 2005, le groupe YKK a complété cette demande.

14      Les éléments de preuve fournis à l’appui des demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 des groupes Prym et YKK ont permis à la Commission d’adresser aux sociétés concernées, le 7 mars 2006, une communication des griefs complémentaire (ci‑après la « communication des griefs complémentaire »).

15      La communication des griefs complémentaire, concernant les « autres types de fermetures », les machines de pose et les fermetures à glissière, a été adressée à la requérante et aux sociétés A. Raymond, Berning France, Coats et Coats Deutschland et Éclair Prym, Prym Fashion, Fiocchi Prym, Scovill Fasteners Europe, Scovill Fasteners, William Prym, YKK Corp., YKK Holding Europe et YKK Stocko Fasteners ainsi qu’au VBT. Le CD-ROM contenant le dossier de la Commission a été envoyé aux parties le 13 mars 2006.

16      La communication des griefs complémentaire portait sur les mêmes produits que ceux de la communication des griefs et, au besoin, corrigeait, précisait, synthétisait et étendait les griefs qui y étaient formulés. Dans la communication des griefs complémentaire, la Commission ne mentionnait pas systématiquement toutes les infractions définies dans la communication des griefs, en particulier si aucun changement n’était intervenu concernant ces infractions à la suite des demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002.

17      Une audition s’est déroulée le 11 juillet 2006.

18      Après avoir consulté le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller-auditeur, la Commission a adopté, le 19 septembre 2007, la décision C (2007) 4257 final de la Commission, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/39.168 – PO/Articles de mercerie métalliques et plastiques : fermetures) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 février 2009 (JO C 47, p. 8).

19      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du dispositif de la décision attaquée, en ce qui concerne la coopération dans le cadre des cercles dits de Bâle (Suisse) et de Wuppertal (Allemagne), d’une part, et d’Amsterdam (Pays-Bas), d’autre part, sur les marchés des « autres types de fermetures » et des machines de pose (ci-après, pris ensemble, les « trois cercles »), l’entreprise suivante a été regardée comme ayant enfreint l’article 81 CE en s’accordant, avec d’autres entreprises durant les périodes indiquées, sur des augmentations coordonnées des prix et en échangeant avec elles des informations confidentielles sur les prix et l’application des hausses de prix : Berning & Söhne, du 24 mai 1991 au 19 août 2000.

20      Sur la base des constatations factuelles et des appréciations juridiques effectuées dans la décision attaquée, la Commission a imposé aux entreprises concernées des amendes dont le montant a été calculé en application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») ainsi que des communications sur la coopération de 1996 et de 2002.

21      L’article 2, paragraphe 1, deuxième tiret, de la décision attaquée prévoit notamment l’imposition de l’amende suivante pour la coopération intervenue dans le cadre des trois cercles : Berning & Söhne : 1 123 000 euros.

22      À l’article 4 du dispositif de la décision attaquée, il est ordonné aux entreprises énumérées à l’article 1er de mettre immédiatement fin, si elles ne l’ont pas déjà fait, aux infractions visées à ce même article et de s’abstenir désormais de tout acte ou comportement décrit à l’article 1er ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.

23      Par décision C (2011) 2070 final de la Commission, du 31 mars 2011, celle-ci a décidé, après avoir procédé à une évaluation de l’impact des amendes sur la situation financière de l’une des sociétés concernées autre que la requérante, et avoir examiné l’incapacité de payer alléguée par elle, de réduire partiellement le montant initial de l’amende qui lui avait été infligée.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2007, la requérante a introduit le présent recours.

25      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

26      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure adoptées le 3 février 2011, le Tribunal a invité la Commission à produire le transcript de l’audition ayant eu lieu le 11 juillet 2006. Par lettre du 15 février 2011, la Commission a informé le Tribunal qu’un tel transcript n’existait pas et a offert de transmettre l’enregistrement sonore de l’audition en question.

27      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

28      Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 30 juin 2011, la Commission a fait certaines observations sur le rapport d’audience qui lui avait été communiqué le 14 avril 2011, concernant notamment la participation de la requérante à l’infraction alléguée.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 6 juillet 2011.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire à une somme symbolique le montant de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée ou, à tout le moins, diminuer ledit montant de façon appropriée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

32      Il y a lieu, d’emblée, de considérer les conclusions de la requérante comme tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende en ce qui la concerne.

33      En effet, si le destinataire d’une décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’est saisi que des éléments de la décision le concernant (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, point 53).

 En droit

34      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés :

–        le premier, de la violation du droit d’être entendu ;

–        le deuxième, de la prescription de l’infraction ;

–        le troisième, soulevé à titre subsidiaire, de l’insuffisance des preuves de l’infraction ;

–        et, le quatrième, du calcul incorrect du montant de l’amende.

1.     Sur la demande de mesures d’instruction

35      La requérante a introduit, le 1er novembre 2010, une demande d’audition de l’ancien détenteur et gérant de Stocko. Elle n’estimait pas possible d’entendre le témoin plus tôt, puisque celui-ci était gérant de Stocko et qu’il y avait donc lieu, selon elle, de le considérer comme une partie et non comme un témoin. Selon elle, M. D. H. pourrait renseigner le Tribunal, notamment, sur l’existence d’accords bilatéraux entre les groupes Prym et YKK et sur le fait qu’il n’aurait pas eu connaissance du contenu de ces entretiens, en tant que participant aux réunions publiques des cercles de Bâle et de Wuppertal.

36      La Commission fait valoir, tout d’abord, qu’il y a lieu de rejeter cette offre de preuve, conformément à l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, comme tardive, étant donné, selon elle, que la requérante n’a invoqué aucune circonstance qui l’aurait empêchée de présenter cette offre de preuve soit dans la requête, soit dans la réplique. Ensuite, selon la Commission, la discordance entre l’objet de la preuve avancé en vue de l’audition de M. D. H. et l’argumentation développée dans la requête milite également contre l’admission de ces éléments de preuve produits tardivement. Enfin, M. D. H. n’exprimerait que des présomptions au sujet de l’élément principal.

37      Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 68, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement de procédure, la demande d’une partie tendant à l’audition d’un témoin doit indiquer avec précision les faits sur lesquels il y a lieu de l’entendre et les raisons de nature à justifier son audition.

38      Il appartient au Tribunal d’apprécier la nécessité éventuelle de compléter les éléments dont il dispose sur les affaires et la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition du ou des témoins cités (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juillet 2010, Commission/Hellenic Ventures e.a., T‑44/06, non publié au Recueil, point 117, et la jurisprudence citée).

39      L’article 44, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure dispose que la requête doit contenir les offres de preuve, s’il y a lieu.

40      Aux termes de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique. Elles motivent le retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve.

41      Il y a lieu de conclure, à l’instar de la Commission, que les offres de preuves formulées par la requérante sont tardives, cette dernière n’ayant invoqué aucune circonstance qui l’aurait empêchée de faire cette offre de preuve soit dans la requête, soit dans la réplique. Le fait que M. D. H. travaillait pour le compte d’une autre entreprise (qui a également introduit un recours contre la décision attaquée) ne saurait justifier ce retard. Il y a donc lieu, conformément à l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, de rejeter les offres de preuve comme tardives.

2.     Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

 Arguments des parties

42      La requérante reproche à la Commission de s’être appuyée, dans la décision attaquée, sur des éléments de fait relatifs aux réunions tenues au sein des cercles de Bâle et de Wuppertal (à savoir les réunions du 24 mai 1991, des 10 au 12 juin 1993, du 3 juin 1994, du 6 mai et des 16 au 18 mai 1996 ainsi que des 20 mars et 2 mai 1997), dont elle soutient qu’ils n’ont été exposés ni dans la communication des griefs ni dans la communication des griefs complémentaire. Seule une réunion, celle du 16 juin 1995, aurait été mentionnée dans la communication des griefs.

43      Dans la réplique, la requérante soulève le fait que la Commission a omis de mentionner, dans la communication des griefs complémentaire, les participants aux réunions des 20 mars et 2 mai 1997, ce qui aurait conduit la requérante à penser que la participation à ces deux réunions ne lui était pas reprochée. Par ailleurs, les considérations exposées dans la communication des griefs constitueraient, tout au plus, l’indication de discussions relatives à une éventuelle violation du droit de la concurrence, un tel comportement pouvant difficilement être considéré comme une infraction en tant que telle. De même, la Commission aurait insuffisamment précisé les griefs reprochés à la requérante, cette dernière ne pouvant, dès lors, pas démontrer leur absence de pertinence.

44      Lors de l’audience, la requérante a rappelé, tout d’abord, qu’elle n’était mentionnée que de façon superficielle dans la communication des griefs et dans la communication des griefs complémentaire, comme dans la décision attaquée, et, ensuite, que les manquements qui lui étaient reprochés étaient généraux. À l’appui de son argument, elle a pris comme exemples les réunions du 25 novembre 1997 et des 18 au 20 août 2000, qui ont eu lieu dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal.

45      Les omissions et imprécisions susmentionnées auraient empêché la requérante de présenter ses observations sur les éléments de fait sur lesquels s’est appuyée la Commission dans la décision attaquée. Il s’agirait là d’une violation substantielle de son droit d’être entendue, la jurisprudence étant, selon elle, constante sur le fait que les droits de la défense sont méconnus lorsqu’il existe une discordance entre la communication des griefs et la décision attaquée et qu’un grief retenu dans la décision attaquée n’a pas été suffisamment exposé dans la communication des griefs pour permettre au destinataire de se défendre. Selon la requérante, l’organisation inhabituelle de la procédure administrative, caractérisée par la notification de la communication des griefs complémentaire, n’aurait fait qu’ajouter de l’incertitude quant aux éléments qui lui étaient reprochés.

46      La Commission réfute les arguments de la requérante. De surcroît, elle est d’avis que les arguments présentés dans la réplique et à l’audience constituent des griefs nouveaux, présentant comme tels un caractère tardif.

 Appréciation du Tribunal

47      Selon une jurisprudence bien établie, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 63 ; du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 109, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, dit « Tokai I », T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 138).

48      Ainsi, les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans celle-ci n’y ait pas été exposé d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 100).

49      À cet égard, l’obligation de la Commission, dans le cadre d’une communication des griefs, se limite à exposer les griefs avancés et à énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels elle se fonde ainsi que la qualification qui leur est donnée, afin que les destinataires de ladite communication puissent se défendre utilement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I‑3359, point 29, et arrêt Mo och Domsjö/Commission, point 47 supra, point 63).

50      De surcroît, il y a lieu de souligner que la qualification juridique des faits retenue dans la communication des griefs ne peut être, par définition, que provisoire, et une décision ultérieure de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondent pas de manière précise à cette qualification intermédiaire. En effet, il convient, à cet égard, de rappeler que, selon la jurisprudence, la décision ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 68). La Commission doit, en effet, être en mesure de tenir compte, dans sa décision, des réponses des entreprises concernées à la communication des griefs. À cet égard, elle doit pouvoir non seulement accepter ou rejeter les arguments des entreprises concernées, mais aussi procéder à sa propre analyse des faits avancés par celles-ci, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle maintient (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 92 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 437 et 438). Aussi, ce n’est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu’une violation des droits de la défense devra être constatée (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 94 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T‑39/92 et T‑40/92, Rec. p. II‑49, points 49 à 52).

51      C’est dans le cadre de la jurisprudence qui vient d’être exposée qu’il y a lieu d’examiner le grief soulevé par la requérante.

52      En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit contenir l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du Tribunal du 19 septembre 2000, Dürbeck/Commission, T‑252/97, Rec. p. II‑3031, point 39, et la jurisprudence citée). Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêts du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 156, et du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T‑345/05, Rec. p. II‑2849, point 85).

53      Or, la requérante fait valoir, dans la requête, que son droit d’être entendue a été violé, puisque la Commission s’est appuyée, dans la décision attaquée, sur des éléments de fait nouveaux qui n’étaient mentionnés ni dans la communication des griefs ni dans la communication des griefs complémentaire, rappelant, à cet égard, que les droits de la défense sont méconnus lorsqu’il existe une discordance entre la communication des griefs et la décision attaquée et qu’un grief retenu dans la décision attaquée n’a pas été suffisamment exposé dans la communication des griefs pour permettre au destinataire de se défendre.

54      Par conséquent, les griefs invoqués dans la réplique et à l’audience doivent être considérés comme constituant une ampliation du moyen tiré de la violation du droit d’être entendu, tel qu’il a été exposé dans la requête. La requérante ne tend pas, en effet, à élargir la portée de son moyen, mais s’est seulement bornée à y apporter quelques précisions, en rajoutant quelques exemples. Il apparaît ainsi que, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne s’agit pas d’une argumentation nouvelle tombant sous le coup de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

55      Dès lors, les griefs avancés dans la réplique et à l’audience doivent être considérés comme recevables.

56      S’agissant du bien-fondé du moyen tiré de la violation du droit d’être entendu, il y a lieu de vérifier, tout d’abord, s’il est exact que les éléments de fait relatifs aux réunions des cercles de Bâle et de Wuppertal, sur lesquels la Commission s’est appuyée dans la décision attaquée, ne sont exposés ni dans la communication des griefs ni dans la communication des griefs complémentaire.

57      En ce qui concerne les réunions qui se sont tenues le 24 mai 1991, du 10 au 12 juin 1993, le 3 juin 1994, du 16 au 18 mai 1996 et le 2 mai 1997, elles font partie des réunions qui ont eu lieu dans le cadre du cercle de Bâle, mentionnées au point 76 de la communication des griefs (tableau 4). La liste des participants, des invités et des excusés au cercle de Bâle est produite au point 77 de la même communication, le tableau 4 mentionnant les participants aux différentes réunions, dont la requérante.

58      S’agissant de la réunion s’étant tenue du 18 au 20 août 2000, invoquée lors de l’audience, elle s’inscrit également dans le cadre du cercle de Bâle et il ressort clairement du considérant 148 de la décision attaquée ainsi que de l’article 1er du dispositif de cette dernière que la Commission n’a pas imputé à la requérante la participation à des accords anticoncurrentiels dans le cadre de cette réunion ou ultérieurement. Par conséquent, ce grief ne saurait être accueilli.

59      S’agissant des réunions des 6 mai 1996, 20 mars et 25 novembre 1997, elles font partie des réunions qui ont eu lieu dans le cadre du cercle de Wuppertal, mentionnées au point 78 de la communication des griefs (tableau 5). La liste des participants, des invités et des excusés au cercle de Wuppertal figure au point 79 de ladite communication, le tableau 5 mentionnant les participants aux différentes réunions.

60      Force est donc de constater que, contrairement à ce qu’a cru pouvoir affirmer la requérante, toutes les réunions invoquées par elle ont été mentionnées dans la communication des griefs.

61      Ensuite, quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait omis de mentionner les participants aux réunions des 20 mars et 2 mai 1997 dans la communication des griefs complémentaire, il y a lieu de souligner que la mention de ces réunions figurait déjà dans la communication des griefs et que la communication des griefs complémentaire avait essentiellement pour fonction d’établir des griefs supplémentaires, comme l’a fait valoir la Commission à juste titre. De surcroît, force est de relever que la requérante a pris position sur ces deux réunions dans sa réponse à la communication des griefs.

62      En outre, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait insuffisamment précisé les griefs reprochés à la requérante relatifs aux réunions des 3 juin 1994, 6 mai 1996 et 20 mars 1997, premièrement, il y a lieu d’indiquer qu’il ressort de la lecture de la communication des griefs, plus précisément du point 2, lu en combinaison avec les points 73 à 81 de celle-ci, que la Commission reprochait à la requérante d’avoir participé, entre 1989 et 2000, aux réunions organisées par le VBT dans le cadre du cercle de Bâle (marché européen) et du cercle de Wuppertal (marché allemand). Lors de ces réunions, les participants ont échangé des informations sur les prix, se sont mis d’accord sur des augmentations de prix coordonnées et ont échangé des informations sur des concurrents étrangers à l’entente. Les produits ayant fait l’objet de ces accords étaient les « autres types de fermetures » et les machines de pose. Deuxièmement, le titre 4.4 de la communication des griefs porte sur la mise en œuvre de la coopération entre les membres de l’entente dans le cadre des trois cercles, sur l’accord entre la requérante et (William) Prym et sur les réunions des fabricants de fermetures à glissière. L’échange des informations sur les prix dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal est traité au sous-titre 4.4.1.1. Le sous-titre 4.4.1.2 porte sur l’accord d’augmentation des prix dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal. Les réunions des 3 juin 1994, 6 mai 1996 et 20 mars 1997 y sont énumérées, respectivement aux points 159, 187 et 189. À chaque fois, la Commission indique les sujets qui y ont été discutés. Il ressort, par conséquent, de tout ce qui précède que la Commission a suffisamment précisé les griefs reprochés à la requérante relatifs aux réunions des 3 juin 1994, 6 mai 1996 et 20 mars 1997. La requérante était donc bel et bien informée des griefs formulés à son égard par la Commission.

63      Enfin, concernant l’argument selon lequel les omissions et les imprécisions susmentionnées auraient empêché la requérante de présenter des observations, d’une part, sur les éléments de fait sur lesquels s’est appuyée la Commission dans la décision attaquée et, d’autre part, sur la violation de son droit d’être entendue, il y a lieu de considérer que, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 47 à 50 ci-dessus, la requérante a pu raisonnablement déduire, à partir de la communication des griefs ainsi que de la communication des griefs complémentaire, les conclusions que la Commission entendait tirer et que, par conséquent, elle a eu l’occasion de présenter utilement ses observations au sujet des éléments de fait concernés avant l’adoption de la décision attaquée.

64      Partant, il y a lieu de conclure que le droit d’être entendu de la requérante n’a pas été violé.

3.     Sur le deuxième moyen, tiré de la prescription de l’infraction

65      La requérante, en partant du principe que les différents cercles mis en place dans le cadre de l’entente doivent être distingués, estime que les infractions qui lui sont reprochées sont prescrites. Le présent moyen peut être subdivisé en trois branches. La première porte sur la prise en compte erronée des trois cercles comme faisant partie d’une infraction unique et continue. Les deuxième et troisième branches portent sur l’application erronée des règles relatives à la prescription.

66      La Commission souligne que, dans l’hypothèse où l’argumentation relative à la distinction des cercles serait déclarée fondée, la requérante pourrait se voir infliger deux amendes pour les deux infractions correspondantes, lesquelles peuvent être qualifiées de très graves et ont duré six ans au moins.

 Sur la première branche, portant sur la prise en compte erronée des trois cercles comme faisant partie d’une infraction unique et continue

 Arguments des parties

67      La requérante considère, tout d’abord, que la Commission a commis une erreur en retenant les trois cercles comme faisant partie d’une même entente, constitutive d’une infraction unique et continue, malgré leurs différences de composition, de contenu et d’organisation. Ensuite, elle affirme que des changements survenus dans la situation du marché ont conduit, d’abord, à la dissolution du cercle de Wuppertal, puis à la dissolution du cercle de Bâle. Le cercle d’Amsterdam ne saurait être considéré, selon la requérante, comme la poursuite des deux autres cercles. Enfin, la requérante invoque la valeur limitée des déclarations des groupes Prym et YKK au vu de leur position particulière sur le marché.

68      La Commission maintient la qualification d’infraction unique et continue, en rappelant les principes dégagés par la jurisprudence à ce sujet. Elle estime avoir suffisamment démontré le lien de complémentarité existant entre les trois cercles, que ce soit concernant l’objectif poursuivi, le contenu et la chronologie des réunions ou les participants à ces dernières.

 Appréciation du Tribunal

69      La notion d’infraction unique peut se rapporter à la qualification juridique d’un comportement anticoncurrentiel consistant en l’existence d’accords, de pratiques concertées et de décisions d’associations d’entreprises (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 112 à 114 ; arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, Rec. p. II‑867, points 125 à 127 ; du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 696 à 698, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 186).

70      Il convient de rappeler que la Cour a jugé qu’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE pouvait résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 69 supra, point 81, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 155). Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 258).

71      De même, une entreprise peut être tenue pour responsable d’une entente globale même s’il est établi qu’elle n’a participé directement qu’à un ou plusieurs des éléments constitutifs de cette entente, dès lors qu’elle savait ou devait nécessairement savoir, d’une part, que la collusion à laquelle elle participait s’inscrivait dans un plan global et, d’autre part, que ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (arrêts PVC II, point 69 supra, point 773, et HFB e.a./Commission, point 69 supra, point 231).

72      Le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite d’un objectif commun n’élimine pas l’identité d’objet anticoncurrentiel et, partant, d’infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de l’objectif commun (arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, dit « Ciment », T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 4123, et du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 370).

73      En l’espèce, la qualification, par la Commission, de la coopération entre les entreprises en cause, dans le cadre des trois cercles, d’infraction unique et continue a eu comme conséquence la constatation d’une seule entente, ayant duré du 24 mai 1991 au 15 mars 2001. Il y a donc lieu d’examiner si, eu égard à la jurisprudence citée aux points 38 à 41 ci-dessus, la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant les agissements reprochés à la requérante d’infraction unique et continue.

74      À cette fin, il y a également lieu d’exposer, dans le cadre d’observations liminaires, la position que la Commission a prise à cet égard dans la communication des griefs et dans la communication des griefs complémentaire et de les comparer aux constatations figurant dans la décision attaquée.

–       Comparaison de la communication des griefs, de la communication des griefs complémentaire et de la décision attaquée quant à l’existence d’une infraction unique et continue

75      Premièrement, il résulte du point 73 de la communication des griefs, en date du 16 septembre 2004, que la Commission considérait, à l’époque, que les membres du VBT s’étaient réunis dans le cadre des trois cercles. Les réunions auraient eu lieu dans différentes villes européennes et auraient été organisées par le VBT.

76      Deuxièmement, il ressort du point 75 de la communication des griefs que, selon la Commission, le cercle de Bâle a existé du mois de janvier 1989 au mois d’août 2000 et consistait en l’adoption et en la mise en œuvre de pratiques concertées et d’accords de portée européenne entre des entreprises établies en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni.

77      Troisièmement, selon le point 78 de la communication des griefs, le cercle de Wuppertal a existé du mois de juillet 1991 au mois de novembre 1997 et concernait le marché allemand. Néanmoins, la surveillance de l’exportation était l’une des questions primordiales qui y auraient été discutées.

78      Quatrièmement, il résulte du point 82 de la communication des griefs que, selon la Commission, dans le cadre du cercle d’Amsterdam, deux réunions ont eu lieu, à savoir celles s’étant tenues le 9 janvier et le 15 mars 2001. En revanche, la Commission ne disposait pas, à l’époque, des procès-verbaux de ces réunions. Dans sa réponse à une demande d’information de la Commission, Prym Fashion a indiqué que la réunion d’Amsterdam avait été instaurée pour réanimer l’échange d’expériences qui avait lieu au sein du cercle de Bâle. Dans le cadre du cercle d’Amsterdam, l’évolution sur le marché des « autres types de fermetures » ainsi que la concentration sur les marchés européens auraient été discutées (voir point 83 de la communication des griefs).

79      Cinquièmement, il résulte du point 2 de la communication des griefs que les réunions qui avaient lieu dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal étaient liées, de sorte que, lors des différentes réunions, des références étaient faites à l’autre cercle et que des sujets communs y auraient ainsi été abordés. En effet, les cercles de Bâle et de Wuppertal seraient deux faces de la même médaille, le cercle de Bâle rassemblant la plupart des producteurs européens et le cercle de Wuppertal exclusivement les producteurs allemands.

80      Selon la Commission, les objets de la coopération constatée dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal étaient les suivants :

–        échange d’informations sur les prix (point 99 de la communication des griefs) ;

–        obtention d’accords sur des augmentations de prix (point 100 de la communication des griefs) ;

–        échange d’informations sur la position concurrentielle respective de chaque entreprise sur le marché (point 101 de la communication des griefs) ;

–        fixation de prix minimaux (« prix plancher ») (point 102 de la communication des griefs) ;

–        fixation de taux de remise (point 103 de la communication des griefs) ;

–        surveillance de l’exportation (point 104 de la communication des griefs) ;

–        obtention d’accords sur la qualité et la durée du service clients (point 105 de la communication des griefs).

81      Les produits visés par les cercles de Bâle et de Wuppertal étaient les « autres types de fermetures » ainsi que les machines de pose.

82      Il s’avère donc que, au moment où la communication des griefs a été adressée aux parties, la Commission considérait que la coopération intervenue dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal constituait une seule infraction, qui avait duré du 24 mai 1991 au 20 août 2000, portant sur le marché des « autres types de fermetures » ainsi que sur les machines de pose (point 299 de la communication des griefs). De surcroît, le cercle d’Amsterdam aurait été instauré pour réanimer l’échange d’expériences ayant eu lieu au sein du cercle de Bâle.

83      Il résulte des points 44 à 46 de la communication des griefs complémentaire que les demandes tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 introduites par les groupes Prym et YKK ont non seulement confirmé l’existence d’un lien étroit entre les cercles de Bâle et de Wuppertal, mais également fait état d’un but supplémentaire de la coopération, à savoir la répartition de la clientèle, consécutive à l’absence de mise en place de prix inférieurs à ceux des concurrents (point 106 de la communication des griefs complémentaire).

84      Concernant le cercle d’Amsterdam, il résulte de la communication des griefs complémentaire que les déclarations des groupes Prym et YKK, présentées dans le cadre de leurs demandes tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002, ont confirmé l’affirmation de la Commission selon laquelle les participants au cercle d’Amsterdam souhaitaient poursuivre leur coopération mise en place dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal, mais que cette tentative aurait échoué (point 126 de la communication des griefs complémentaire).

85      La Commission a conclu, aux points 324 à 327 de la communication des griefs complémentaire, que l’entente constatée dans le cadre des trois cercles avait duré du 24 mai 1991 au 15 mars 2001 et avait consisté en des pratiques concertées et en l’adoption d’accords de portée européenne concernant les « autres types de fermetures » ainsi que les machines de pose, tendant à fausser la concurrence.

86      C’est dans ces circonstances que la Commission a adopté l’approche figurant dans la décision attaquée quant à la relation entre les trois cercles.

87      Selon les considérants 66 à 71 de la décision attaquée, relatifs au lien entre les trois cercles, ces derniers faisaient partie intégrante de la même coopération entre concurrents. Le cercle de Wuppertal devrait être considéré comme un forum ayant permis aux entreprises établies en Allemagne de discuter et de procéder à l’élaboration des points à débattre avec leurs homologues non allemands dans le cadre du cercle de Bâle, tandis que le cercle d’Amsterdam devrait plutôt être vu comme la continuation de la coopération mise en place jusque là au sein des cercles de Bâle et de Wuppertal.

88      Aux considérants 72 à 79 de la décision attaquée, consacrés au fonctionnement de l’entente et aux principes généraux de cette dernière, la Commission a indiqué, ainsi que le montre la chronologie des réunions des trois cercles, que leurs membres poursuivaient deux objectifs principaux, à l’échelon national (allemand) dans le cadre du cercle de Wuppertal et à l’échelon européen dans le cadre des cercles de Bâle et d’Amsterdam, à savoir, d’abord, la coordination des augmentations de prix entre les parties à l’entente pour les « autres types de fermetures » et les machines de pose et, ensuite, l’échange d’informations confidentielles sur les prix et la mise en œuvre des augmentations de prix. En vue de la réalisation de ces deux objectifs, les participants des cercles de Bâle et de Wuppertal échangeaient également leurs opinions sur la création d’un barème de prix uniforme à l’échelle européenne et discutaient de la fixation de prix minimaux pour les « autres types de fermetures » et les machines de pose, et de taux de remise pour les « autres types de fermetures », dans le cadre des débats relatifs à l’élaboration d’un barème européen. Les réunions régulières entre les membres des cercles de Bâle et de Wuppertal auraient constitué l’élément central de la mise en œuvre des accords sur les prix et de la surveillance de cette mise en œuvre.

89      En conclusion, la Commission a exposé, au considérant 147 de la décision attaquée, la conclusion selon laquelle les trois cercles relevaient d’un même système continu. Le cercle de Bâle aurait représenté le volet européen de celui-ci, tandis que le cercle de Wuppertal en aurait constitué le volet allemand. Même si ces cercles présentaient une composition différente, la Commission faisait valoir que les discussions menées dans l’un étaient reflétées dans l’autre, en particulier pour ce qui est des « négociations sur les prix » annuelles. Ces dernières auraient été préparées par le cercle de Wuppertal (propositions pour l’Allemagne et les autres marchés de la Communauté) avant la réunion suivante du cercle de Bâle (soit, en principe, la réunion d’automne), lors de laquelle étaient présentées les différentes propositions et conclu un accord sur les différents marchés nationaux. Le cercle d’Amsterdam, qui réunissait les trois principaux acteurs encore présents sur le marché, à savoir Prym Fashion, Stocko et Scovill/Scovill USA, aurait ainsi constitué le prolongement de la coopération fructueuse qui s’était développée au sein des cercles de Bâle et de Wuppertal.

90      Selon le considérant 148 de la décision attaquée, la coopération mise en place dans le cadre des trois cercles s’est poursuivie du 24 mai 1991 au 15 mars 2001 au moins, date qui est aussi celle à laquelle a pris fin l’infraction commise par les trois membres du cercle d’Amsterdam, à savoir Stocko, Prym Fashion et Scovill/Scovill USA. Cette infraction aurait cessé le 19 août 2000 pour la requérante et le VBT et le 1er décembre 1999 pour A. Raymond.

–       Qualification du comportement infractionnel

91      Il convient donc de vérifier si le comportement des membres des trois cercles sanctionné par la Commission dans la décision attaquée en tant qu’infraction unique et continue présentait un lien de complémentarité, en ce sens que la coopération définie au sein de chacun de ces cercles était destinée à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuait, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. C’est la Commission même qui justifie sa thèse de la sorte, en invoquant le fait que les trois cercles « faisaient partie intégrante de la même coopération entre concurrents » (voir point 87 ci-dessus). À cet égard, il y a lieu de tenir compte, notamment, de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application des accords, leur contenu (y compris les méthodes employées), les participants aux réunions, l’identité des produits, l’existence d’une coordination globale ainsi que l’objectif des divers accords et pratiques concertées.

92      Concernant le premier grief, tiré de la différence de composition des différents cercles (producteurs allemands/producteurs européens), comme de leur différence de contenu et d’organisation, il ressort de l’application de la jurisprudence susmentionnée au cas d’espèce que les arrangements passés dans le cadre des différents cercles forment, pris ensemble, une infraction unique et continue. Le lien de complémentarité a été démontré à suffisance de droit par la Commission aux considérants 297 à 307 de la décision attaquée.

93      En effet, il apparaît que l’existence d’un objectif commun consistant à fausser l’évolution normale des prix justifiait de qualifier les divers accords d’éléments constitutifs d’une seule infraction. Les participants ont également procédé à des échanges de vues sur la création d’un barème de prix uniforme à l’échelle européenne et discuté de la fixation de prix minimaux pour les « autres types de fermetures » et les machines de pose, ainsi que de taux de remise pour les « autres types de fermetures » dans le cadre des efforts tendant à établir ledit barème. La coexistence des trois cercles atteste également du chevauchement qui existait entre eux, comme l’a indiqué la Commission à juste titre.

94      Le grief tiré de la prétendue inutilité d’un accord à l’échelle européenne ne saurait être accueilli. À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la requérante ne nie pas avoir participé, du 21 mai 1991 au 19 août 2000, à des réunions organisées dans le cadre du cercle de Bâle, qui portaient sur des marchés européens. La requérante l’admet d’ailleurs elle-même dans la requête, dans les termes suivants :

« Il convient en effet d’admettre qu’après la cessation des activités du cercle de Wuppertal, les questions relatives à l’Allemagne étaient discutées dans le cadre du cercle de Bâle. Mais jusqu’à la fin des activités du cercle de Wuppertal, les questions de fond concernant le marché allemand et les autres marchés européens étaient traitées séparément. »

95      Ensuite, la requérante était non seulement présente sur le marché allemand, mais également sur les marchés français, néerlandais et autrichien. Par conséquent, un éventuel accord à l’échelle européenne présentait un intérêt pour la requérante. Enfin, il serait peu probable que la requérante ait participé pendant neuf ans et trois mois à des réunions qu’elle considérait comme étant totalement dépourvues d’utilité (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 130, et PVC II, point 69 supra, point 748).

96      Selon la requérante, le cercle d’Amsterdam ne saurait être considéré comme constituant le lieu de la poursuite des activités déployées dans le cadre des deux autres cercles. Des changements survenus dans la situation du marché auraient conduit d’abord à la dissolution du cercle de Wuppertal, puis à celle du cercle de Bâle. La discussion sur les questions européennes et mondiales ne se serait ensuite poursuivie que dans le cercle exclusif de Prym, Scovill et YKK, c’est-à-dire dans le cadre du cercle d’Amsterdam. Une telle assertion ne peut, toutefois, être retenue. Il convient de rappeler, à cet égard, la finalité unique des trois cercles (voir considérants 299 et 300 de la décision attaquée) et le fait que les comportements anticoncurrentiels avérés qui ont été adoptés dans leur cadre doivent être considérés comme faisant partie d’un plan d’ensemble. Ces constatations reposent non seulement sur les déclarations faites dans le cadre des demandes tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 (voir considérants 141 et 142 de la décision attaquée), mais également sur les notes manuscrites du VBT (ci-après les « notes manuscrites ») (voir, par exemple, considérants 67 et 76 de la décision attaquée). Quant à la réunion du 19 août 2000, qui pourrait être vue comme la réunion inaugurale du cercle d’Amsterdam, à laquelle la requérante n’a pas nié avoir été présente, il convient de rappeler que la Commission a tenu compte, dans la décision attaquée, du fait que la requérante l’avait quittée (voir point 90 ci-dessus).

97      S’agissant de la valeur probante qu’il convient d’accorder aux différents éléments de preuve, à savoir, en l’espèce, les déclarations faites par les groupes Prym et YKK dans le cadre de leurs demandes tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002, il convient de rappeler que, bien qu’une certaine méfiance à l’égard des dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, compte tenu de la possibilité que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et de maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que l’argument de la requérante ne répond pas à la logique inhérente à la procédure prévue par les communications sur la coopération de 1996 et de 2002. En effet, le fait de demander à bénéficier de leur application en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuves déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération applicable. Par conséquent, compte tenu de l’importance et du nombre d’indices concordants, notamment les notes manuscrites, appuyant la pertinence des déclarations des groupes Prym et YKK, la première branche du deuxième moyen de la requérante ne peut qu’être écartée.

 Sur les deuxième et troisième branches, portant sur l’application erronée des règles relatives à la prescription

 Arguments des parties

98      La requérante affirme, tout d’abord, que chacune des infractions, calculées à partir des trois dates identifiées par elle pour les derniers actes répréhensibles commis dans le cadre de chacun des trois cercles, est prescrite. Ensuite, elle affirme avoir pris ouvertement ses distances, lors de la réunion du 25 novembre 1997, à l’égard des accords. Enfin, elle prétend que le délai de prescription était déjà expiré lorsque la Commission a accompli le premier acte pouvant interrompre le délai de prescription.

99      La Commission réfute les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

100    L’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), fixe un délai de prescription de cinq ans pour les infractions du type de celle reprochée à la requérante. En vertu du paragraphe 2, seconde phrase, dudit article, pour les infractions continues ou répétées, la prescription court à compter du jour où l’infraction a pris fin. Conformément à l’article 25, paragraphe 3, première phrase, du même règlement, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction.

101    En l’espèce, l’exception de prescription invoquée, s’agissant de l’infraction reprochée à la requérante, présuppose donc que la coopération dans le cadre des trois cercles ne fasse pas partie d’une seule infraction unique et continue, au sens de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, puisque, dans une telle hypothèse, la prescription ne courrait qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin dans le cadre du dernier cercle (Amsterdam), à savoir le 15 mars 2001. Il convient de souligner que la poursuite de l’infraction unique et continue n’a pas été imputée jusqu’à son terme à la requérante, mais seulement jusqu’au 19 août 2000.

102    En ce qui concerne l’argument selon lequel l’interruption de la prescription a eu lieu après l’expiration du délai de prescription, il y a lieu de constater que la requérante part du principe erroné selon lequel la notification de la décision d’inspection du 30 octobre 2001 ne pouvait être valablement considérée comme un acte interruptif de la prescription. La requérante invoque, à cet égard, le fait que cette décision ne lui a pas été adressée et que l’objet de l’instruction concernait des faits totalement étrangers aux griefs soulevés à son égard. Elle en conclut qu’aucun acte interruptif n’a été accompli avant la notification de la première demande de renseignements à son égard, à Prym et du VBT, respectivement les 25 juin 2003 et 14 avril 2003.

103    La Commission objecte, à juste titre, que la décision d’inspection englobait les agissements qui étaient reprochés à la requérante (voir considérants 451 à 459 de la décision attaquée). Le champ d’application de cette décision ressort clairement du considérant 457 de la décision attaquée :

« [La décision d’inspection concerne les] principaux fabricants et distributeurs d’articles de mercerie métalliques et plastiques et autres articles de mercerie, de fils et de textiles de l’Union européenne » qui, selon les informations de la Commission, ont ou avaient pris part, à l’époque, « directement et/ou par l’intermédiaire [du VBT], à des accords et/ou à des pratiques concertées et/ou à l’adoption de décisions d’une association d’entreprises concernant : i) la fixation de prix pour les produits en cause ; ii) des accords sur les prix prévoyant des pourcentages d’augmentation pour les différentes entreprises ; iii) des accords de partage des marchés, consistant en des accords d’achat et de distribution exclusifs entre Coats […], William Prym […] et des parties tierces, dans le but, principalement, de cloisonner le marché des articles de mercerie métalliques et plastiques ; iv) un accord de distribution exclusive entre William Prym […] et une partie tierce, dans le but présumé de contrecarrer toute tentative d’entrée sur le marché ; v) le partage d’informations sensibles entre William Prym […] et Coats […] »

104    Il y a lieu de souligner que, selon le libellé même de l’article 25, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, l’interruption de la prescription vaut à l’égard de toutes les entreprises et associations d’entreprises ayant participé à l’infraction. La requérante ne devait donc pas impérativement, de ce point de vue, être l’une des destinataires de la décision d’inspection pour que celle-ci produise néanmoins pleinement son effet interruptif de la prescription à son endroit, en tant que participante à l’entente en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, points 46 et 47).

105    Par conséquent, il convient de retenir que la notification de la décision d’inspection du 30 octobre 2001 a interrompu la prescription les 7 et 8 novembre 2001 (voir considérant 40 de la décision attaquée).

106    Il ressort de tout ce qui précède que la prescription quinquennale ne frappe, en l’espèce, que les infractions qui avaient cessé avant le 30 octobre 1996 (voir considérant 456 de la décision attaquée).

107    Quant à la durée d’une infraction, il y a lieu de rappeler qu’elle constitue tant un élément faisant partie intégrante de celle-ci et, comme tel, indissociable de toute constatation d’infraction que l’une des conditions régissant la prescription de la poursuite d’une infraction continue (arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 104 supra, point 21). Le respect par la Commission des règles de prescription implique qu’elle détermine correctement la période durant laquelle la requérante a participé à l’infraction. Par conséquent, il y a lieu de vérifier si la Commission a démontré à suffisance de droit, compte tenu de l’interruption susmentionnée, que la participation de la requérante à la coopération s’étant inscrite dans le cadre des trois cercles avait perduré, à tout le moins, jusqu’au 30 octobre 1996, pour permettre au Tribunal de déterminer si le délai quinquennal de prescription était ou non échu.

108    Dès lors, il est opportun de vérifier la date de la cessation de la participation de la requérante à l’infraction sanctionnée par la Commission.

109    S’agissant de la question de savoir à quelle date la participation de la requérante à l’infraction a pris fin, il convient de rappeler, à titre liminaire, la jurisprudence constante selon laquelle, d’une part, il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve en établissant, à suffisance de droit, les faits constitutifs d’une infraction et, d’autre part, il appartient à l’entreprise invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 78).

110    Par ailleurs, la durée de l’infraction est un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, élément dont la charge de la preuve incombe, à titre principal, à la Commission. À cet égard, la jurisprudence exige que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79).

111    Même en admettant, comme l’affirme la requérante, que sa participation au cercle de Wuppertal ait pris fin, non le 20 mars, mais le 25 février 1997, les faits qui lui sont reprochés ne sont pas prescrits. Il en va de même pour l’affirmation selon laquelle la requérante avait mis fin à sa participation au cercle de Bâle le 2 mai 1997.

112    Bien qu’il suffise, dans le cas d’espèce, de vérifier les éléments susceptibles d’appuyer l’appréciation de la Commission quant à la continuation de la participation de la requérante à l’entente en cause au-delà du 30 octobre 1996, sans qu’il soit besoin, dans ce contexte, de vérifier si cette participation a effectivement perduré jusqu’au 19 août 2000, ainsi qu’il a été constaté au considérant 148 et à l’article 1er du dispositif de la décision attaquée, il est opportun, eu égard à la contestation, par la requérante, de la durée de sa participation à l’infraction, dans le cadre de son quatrième moyen, de déterminer ladite durée.

113    Il y a lieu de relever que le fait que la requérante n’a pas été présente à toutes les réunions et la circonstance qu’elle a adopté, de manière sporadique, un comportement réticent à l’égard des accords conclus ne s’opposent pas, conformément à la jurisprudence, à ce qu’une participation à l’entente soit retenue à son égard. La circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats d’une réunion ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, point 50, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 85).

114    Bien que la requérante affirme avoir pris ouvertement ses distances avec l’entente lors de la réunion du 25 novembre 1997, tenue dans le cadre du cercle de Wuppertal, au cours de laquelle des hausses de prix pour 1998 ont été décidées, le dossier ne contient pas de preuve à ce sujet. En outre, la requérante n’allègue avoir adopté un comportement concurrentiel que durant quelques années isolées, à savoir 1992, 1995, 1999 et 2001. À cet égard, il y a lieu de relever que le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 490).

115    En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus au moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 142, et Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 230) et une entreprise qui ne se distancie pas des résultats d’une réunion à laquelle elle a assisté conserve, en principe, sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente (voir arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 114 supra, point 491, et la jurisprudence citée).

116    Dès lors, la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit qu’elle avait mis fin à sa participation à l’entente antérieurement au 19 août 2000, en adoptant un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 139).

117    En outre, le fait que la requérante ait été accusée de rompre les accords et ait été pressée, à l’avenir, de respecter le niveau de prix de ses homologues et de relever son barème en conséquence, démontrerait plutôt que, du point de vue des autres participants au cartel, elle continuait de participer à l’infraction et devait, dès lors, respecter le contenu des accords conclus. De surcroît, il ressort de la réponse de William Prym à la communication des griefs que les entreprises concernées s’écartaient parfois des accords.

118    Par ailleurs, il doit être observé que la requérante ne s’est pas non plus retirée de l’entente pour dénoncer celle-ci à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 42). Il ressort de la décision attaquée, plus précisément des considérants 59 à 61 de cette dernière, que la requérante a participé régulièrement aux différentes réunions ou a été tenue informée du contenu des réunions auxquelles elle n’avait pu assister (voir considérants 120, 125, 126 et 303 de la décision attaquée). L’implication continue est, en outre, attestée par l’échange d’informations qui a eu lieu entre Prym, YKK, Stocko et la requérante quelques jours après cette réunion du cercle de Wuppertal, dans le cadre duquel le respect des décisions prises lors de ladite réunion a été confirmé (voir considérant 132 de la décision attaquée). Il y a lieu de relever, à cet égard, que des hausses de prix pour 1998 ont été décidées lors de cette réunion et que les accords conclus lors de la réunion du 17 novembre 1998 concernaient l’évolution des prix en 1999. Bien que la requérante n’ait pas participé à cette réunion, elle a été informée de la teneur de ces accords. La requérante était, de nouveau, présente lors de la réunion du 1er décembre 1999, durant laquelle des hausses de prix ont, derechef, été fixées.

119    Quant aux objections présentées par la requérante, relatives à la réunion du cercle de Bâle du 19 août 2000, tenue à Amsterdam, il y a lieu de constater qu’il ressort du considérant 148 de la décision attaquée, ainsi que de son article 1er, que la requérante a seulement été tenue pour responsable de l’infraction du fait de sa participation au cartel dans le cadre de la coopération intervenue dans le cadre des trois cercles pour la période allant du 24 mai 1991 au 19 août 2000 (c’est-à-dire pendant neuf ans et trois mois). Par conséquent, la Commission n’a pas imputé à la requérante la participation à des accords anticoncurrentiels dans le cadre de cette discussion ou ultérieurement.

120    Il y a donc lieu de conclure que la Commission a correctement établi les faits sur lesquels elle a fondé son appréciation selon laquelle la participation de la requérante à l’infraction avait effectivement perduré jusqu’au 19 août 2000. Il en ressort que, même dans l’hypothèse où aucun acte interruptif de prescription n’aurait été accompli avant la notification de la première demande de renseignements à la requérante, les faits reprochés à cette dernière n’auraient pas été prescrits.

121    Par conséquent, il y a lieu d’écarter les deuxième et troisième branches du deuxième moyen et, par suite, ce dernier dans son ensemble.

4.     Sur le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de l’insuffisance des preuves de l’infraction

122    Il convient, dans le cadre du troisième moyen, d’examiner si la requérante a avancé des arguments et des éléments factuels à même de contredire les indices avancés par la Commission ou d’infirmer leur valeur probante.

 Nature et niveau de preuve des infractions

 Arguments des parties

123    La requérante soutient que les éléments de preuve avancés par la Commission ne sont pas de nature à démontrer sa participation à des pratiques anticoncurrentielles. La requérante rappelle que la Commission doit, selon la jurisprudence, apporter des éléments de preuve suffisamment précis et concordants, en particulier pour les indices et les renseignements fournis par les personnes ayant déposé des demandes tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 ou de 2002. La possibilité dont elle dispose de se saisir d’office l’obligerait à examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. En cas de recours à la correspondance d’un tiers, il y aurait lieu de vérifier avec un soin tout particulier la crédibilité de celle-ci.

124    La Commission estime qu’elle s’est acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait et que l’infraction a été établie à suffisance de droit au regard du niveau de preuve requis par la jurisprudence.

 Appréciation du Tribunal

125    Il ressort de l’article 2 du règlement n° 1/2003 ainsi que d’une jurisprudence constante, rendue dans le cadre de l’application des articles 81 CE et 82 CE, que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour Baustahlgewebe/Commission, point 109 supra, point 58, et du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62 ; arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 688). À cet effet, elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour établir que l’infraction alléguée a eu lieu (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeytiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 127 ; arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II‑93, point 47).

126    Lorsque la Commission se fonde, dans le cadre de l’établissement d’une infraction aux articles 81 CE et 82 CE, sur des éléments de preuve documentaires, il incombe aux entreprises concernées non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (voir, en ce sens, arrêts Ciment, point 72 supra, points 725 à 728, et JFE Engineering e.a./Commission, point 72 supra, point 187). Il doit être considéré que, dans un cas comme celui de l’espèce, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve directs, il appartient aux entreprises concernées de démontrer que les éléments de preuve invoqués par la Commission sont insuffisants. Il a déjà été jugé qu’un tel renversement de la charge de la preuve ne violait pas le principe de présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, point 181).

127    Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères en ce qui concerne chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 72 supra, point 180, et la jurisprudence citée).

128    En effet, les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 185, et la jurisprudence citée).

129    Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine et que, partant, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, points 55 à 57).

130    Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 155 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 69 supra, point 96, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 81).

131    La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 82).

132    De plus, la circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats d’une réunion ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 85).

133    Par ailleurs, il a été jugé que la notion de distanciation publique en tant qu’élément d’exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive. En particulier, le silence observé par un opérateur dans une réunion au cours de laquelle une concertation illicite a lieu sur une question précise touchant à la politique des prix ne peut être assimilé à l’expression d’une désapprobation ferme et claire (voir, en ce sens, arrêt Westfalen Gassen Nederland/Commission, point 116 supra, points 103 et 124).

134    Toutefois, il y a lieu de relever également que la jurisprudence susvisée sur l’approbation tacite repose sur la prémisse que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 70 supra, point 81) ou revêtant elles-mêmes un caractère manifestement anticoncurrentiel (arrêt Hüls/Commission, point 130 supra, point 155). Par conséquent, dès lors que la nature anticoncurrentielle d’une réunion n’est pas établie de manière indubitable, cette jurisprudence ne saurait s’appliquer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 91).

135    Il convient de souligner, s’agissant de la valeur probante des différents éléments de preuve, que le seul critère pertinent pour apprécier les preuves librement produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 84, et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72, et JFE Engineering e.a./Commission, point 72 supra, point 273). Selon les règles généralement applicables en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (arrêt Ciment, point 72 supra, point 1053 ; conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d’avocat général sous l’arrêt Rhône-Poulenc/Commission, point 69 supra, Rec. p. II‑869, II‑956). Il convient, notamment, d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 312, et du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 181) ou par un témoin direct de ces faits (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 72 supra, point 207). En outre, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 72 supra, points 207, 211 et 212).

136    Néanmoins, dans la mesure où les déclarations faites dans le cadre de demandes tendant à bénéficier des communications sur la coopération de 1996 ou de 2002 sont contestées par d’autres entreprises auxquelles il est également reproché d’avoir participé à l’infraction alléguée, elles doivent être étayées par d’autres éléments de preuve afin de pouvoir constituer une preuve suffisante de l’existence et de la portée de l’arrangement commun (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit/Commission, T‑337/94, Rec. p. II‑1571, point 91, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 285).

137    C’est dans le cadre de ces considérations générales qu’il y a lieu d’examiner les griefs de la requérante.

 Examen détaillé des griefs concernant l’échange d’informations confidentielles sur les prix et la mise en œuvre des augmentations des prix

 Arguments des parties

138    La requérante conteste, en substance, avoir participé à un échange d’informations confidentielles sur les prix et à la mise en œuvre d’augmentations de prix. Elle affirme que des barèmes nationaux n’ont pas été échangés et que l’intention du groupe Prym de créer un barème européen n’a pas été mise en pratique. La Commission s’abstiendrait à tort de prouver le caractère anticoncurrentiel de chacune des réunions, car elle ferait l’erreur de partir d’une infraction unique.

139    La Commission fait valoir que l’argumentation de la requérante ne remet pas en cause la preuve des accords anticoncurrentiels fournie dans la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

140    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste ni la tenue des réunions mentionnées ci-après ni sa présence à celles-ci.

–       Sur la réunion du cercle de Bâle du 24 mai 1991 (considérants 91 et 92 de la décision attaquée)

141    La requérante affirme que les notes manuscrites ne permettent pas de conclure qu’elle a participé à des accords relatifs au prix de location des machines de pose. En outre, les notes manuscrites seraient contradictoires. Par ailleurs, les accords auraient été inutiles et le groupe Prym aurait contesté leur existence.

142    Le considérant 91 de la décision attaquée se lit comme suit :

« Lors de la réunion du cercle de Bâle tenue à Beaune [France] le 24 mai 1991, les participants ont échangé des informations sur la mise en œuvre des augmentations des prix des ‘autres types de fermetures’. M. E. K. (William Prym) a fait le point sur la situation en Angleterre et a déclaré qu’une augmentation de 7 % n’était pas possible en raison de la concurrence exercée par l’entreprise ‘Morito’. Sous le point ‘marchés d’exportation’ de l’ordre du jour, il a été discuté de la proposition d’augmenter les prix de 4,5 % à partir du 1er avril 1991. Il a été indiqué que cette augmentation ne pouvait toujours pas être opérée en raison de la situation défavorable du marché, bien que M. R. ait constaté qu’une hausse de 3 à 4 % était en partie possible. »

143    Le considérant 92 de la décision attaquée énonce ce qui suit :

« Il ressort des notes relatives à cette même réunion et d’une note du 8 avril 1991 intitulée ‘Besprechungsnotiz’ [compte rendu] que les membres ont également coordonné les prix de location des machines de pose. Différents pourcentages, allant de 5 à 15 %, ont été proposés par les membres allemands en fonction de l’échelle et du type de machine, les ‘nouvelles locations’ demeurant inchangées. Les membres ont également discuté de la façon dont les augmentations des prix de location seraient acceptées par les clients. Une comparaison a ainsi été établie entre la France, où les machines étaient largement vendues, et la Belgique, où la location se pratiquait sans difficulté. La possibilité d’un classement des machines a été également soulevée, et il a été noté que ce point serait examiné en détail par le cercle allemand (c’est-à-dire le cercle de Wuppertal). »

144    Il ressort de la lecture de ces deux considérants que la Commission s’est fondée sur les notes manuscrites des réunions des 8 avril et 24 mai 1991.

145    Des extraits de la note manuscrite de la réunion du 8 avril 1991précisent ce qui suit :

« Cercle de Bâle – Réunion du 24 mai 1991 à Beaune […]

Points à l’ordre du jour :

1. Divers

2. Prix de location/anciennes locations

Proposition du groupe allemand [c’est-à-dire des participants au cercle de Wuppertal] pour :

–        les machines automatiques […]

–        les machines semi-automatiques […]

Nouvelles locations demeurent inchangées.

Les délais devraient être déterminés par entreprise […]

3. Calcul des frais des services clients […]

4. Traitement des frais d’outils […] »

146    Des extraits de la note manuscrite de la réunion du 24 mai 1991indiquent ce qui suit :

« Question : Comment sont acceptées les augmentations de prix des locations ? En France, les machines sont largement vendues. En Belgique, les locations se pratiquent sans difficulté […]

Question : Est-il possible de classer les machines ? Ce sujet devrait être traité exhaustivement dans le cadre du cercle allemand [i.e. le cercle de Wuppertal] […]

Point 2 de l’ordre du jour : la proposition d’augmenter les prix de 4,5 % à partir du 1er avril 1991 ne peut toujours pas être opérée en raison de la situation défavorable du marché, bien que M. R. ait constaté qu’une hausse de 3 à 4 % était en partie possible. »

147    D’une part, il ressort de la lecture de ces notes manuscrites qu’il existait un lien étroit entre les cercles de Bâle et de Wuppertal. D’autre part, les deux notes se corroborent mutuellement en ce qui concerne les discussions sur les prix de location des machines de pose.

148    De surcroît, il y a lieu de rappeler que les notes manuscrites émanent du VBT, c’est-à-dire de l’organisateur des réunions des cercles, et qu’il y a lieu d’accorder une grande importance à la circonstance que ce document a été établi en liaison immédiate avec les faits (voir point 136 ci-dessus et considérant 90 de la décision attaquée). Par conséquent, l’argument de la requérante portant sur la crédibilité de ces notes doit être rejeté.

149    S’agissant de la contestation, par la requérante, de sa participation aux accords relatifs à l’augmentation de prix de location des machines de pose, il convient de rappeler qu’elle ne nie pas avoir été présente à la réunion du 24 mai 1991 et ne prétend pas qu’elle s’est distanciée publiquement de son contenu (voir point 131 ci-dessus). De plus, dans l’hypothèse même où la requérante n’aurait pas donné suite aux accords en cause, cela ne serait pas suffisant pour l’exonérer de sa responsabilité (voir point 133 ci-dessus).

150    Qui plus est, il y a lieu de rappeler que la seule présence de la requérante à la réunion du 24 mai 1991 suffit pour constater que son comportement a été contraire à l’article 81 CE, pourvu que l’on puisse qualifier ladite réunion de « manifestement » anticoncurrentielle (voir point 134 ci-dessus). Or, eu égard au fait qu’il ressort des éléments susvisés que, à tout le moins, cette réunion portait sur des discussions sur l’augmentation des prix de location de machines de pose, une telle qualification doit être retenue.

151    L’argument de la requérante selon lequel le groupe Prym, dans sa déclaration, contestait l’existence des accords relatifs à l’augmentation des prix de location ne saurait remettre cette conclusion en cause. Il ressort, en effet, du passage invoqué par la requérante que cette déclaration avait trait à la coopération bilatérale entre William Prym et elle. Il y est indiqué, notamment, qu’elles n’avaient l’intention de se partager ni le marché des machines de pose ni le marché des produits. Cette déclaration, dès lors, ne se réfère pas spécifiquement à l’augmentation des prix de location des machines de pose discutés lors de la réunion du 24 mai 1991. Cette conclusion est d’ailleurs confortée par les notes manuscrites mêmes de la réunion du 24 mai 1991, dans lesquelles la relation entre Fiocchi (Prym) et la requérante est décrite sous le point 5 de l’ordre du jour.

–       Sur la réunion du cercle de Wuppertal du 21 janvier 1994 (considérants 110 et 111 de la décision attaquée)

152    La requérante soutient que la description faite du déroulement de la réunion du 21 janvier 1994 par la Commission, au considérant 111 de la décision attaquée, n’est pas exacte. À supposer même que la requérante ait reçu mission d’établir des propositions de listes de prix pour les boutons de jeans, qui auraient ultérieurement servi de modèle à un barème européen, il ne s’agirait tout au plus que d’un acte préparatoire.

153    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que cette description du déroulement de la réunion se fonde sur les notes manuscrites de la réunion du 21 janvier 1994.

154    Le considérant 111 de la décision attaquée se lit comme suit :

« Il a également été question à cette occasion de la création d’un barème européen. Ainsi qu’il ressort des notes du VBT relatives à cette réunion, les membres ont échangé des informations sur les prix afin de trouver avant mars 1994 un accord sur les boutons pour jeans et autres articles destinés au secteur du jeans (sur la base d’une proposition de [la requérante]), puis sur les autres produits. Ces notes montrent qu’une proposition précédente de [la requérante] n’avait pas été acceptée, que les divergences de vues entre Schaeffer et Stocko avaient été résolues et qu’un accord sur la question était prévisible. Quant aux propositions de barème, il a été indiqué que celui ci devrait être ‘raisonnable et se situer dans les limites supérieures du niveau des prix pratiqués sur le marché’. »

155    S’agissant des notes manuscrites de cette réunion, il ressort du point 2 qu’une proposition initiale de la requérante pour les boutons pour jeans et autres articles destinés au secteur du jeans n’avait pas été acceptée, que cette dernière avait reçu comme mission de retravailler sa proposition [sous a)] et que les fabricants espéraient trouver un accord en mars 1994 [sous c)]. Les notes relatives à la réunion du 30 avril 1992 confirment d’ailleurs que la requérante avait été chargée de la création d’une proposition de barème. Les notes de la réunion du 10 octobre 1994 attestent, quant à elles, le fait que la réalisation dudit barème a ensuite été confiée à Schaeffer [voir point 1, sous b].

156    Il ressort de tout ce qui précède que cette réunion s’inscrit dans une liste de multiples réunions, ayant eu lieu depuis 1991, dans le cadre desquelles les participants ont essayé d’élaborer un barème européen harmonisé, sur la base du barème mis au point par la requérante. Il convient de rappeler, à cet égard, que le grief de la Commission en rapport avec la réunion du 21 janvier 1994 vise précisément la proposition de barème de la requérante, et non la proposition de créer un barème européen.

–       Sur la réunion du cercle de Bâle du 16 juin 1995 (considérant 119 de la décision attaquée)

157    Il convient de rappeler que la requérante conteste l’existence d’un échange d’informations sur les prix à l’occasion de la réunion du 16 juin 1995, telle que décrite au considérant 119 de la décision attaquée. Les notes relatives à cette réunion ne permettraient pas de rapporter la preuve du rapport de M. A. invoqué à l’appui de cette allégation.

158    Le considérant 119 de la décision attaquée se lit comme suit :

« Lors de la réunion du cercle de Bâle tenue à Bruges [Belgique] le 16 juin 1995, les membres ont discuté de la mise en œuvre des augmentations de prix. Il ressort des notes du VBT relatives à cette réunion que des informations sur l’application de ces augmentations ont été échangées, à tout le moins pour l’Allemagne [rapport de M. A. (VBT)], le Royaume-Uni (rapport de M. K. H. (Prym Fashion) et la Suisse. Les participants [sont] ont également convenu[s] que les prix de vente et de location des machines de pose en 1996 seraient examinés lors de la réunion suivante du cercle de Bâle, prévue en automne. Les membres ont discuté de leurs concurrents et de la façon dont ils pouvaient les amener à coopérer au sein du cercle. Il a été indiqué que Stocko (qui venait juste d’être rachetée par YKK) s’efforcerait d’exercer une influence positive sur YKK afin d’inciter celle-ci à rejoindre le cercle de Bâle. »

159    La description de la réunion en question se fonde sur les notes manuscrites de la réunion du 16 juin 1995. Il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne la valeur probante des notes manuscrites, que celles-ci sont particulièrement fiables, puisque ces notes ont été établies par le VBT, dont il a déjà été souligné qu’il était l’organisateur des réunions des cercles, et qu’elles ont été établies à l’époque des faits (voir point 148 ci-dessus).

160    Le premier point à l’ordre du jour des notes manuscrites de la réunion en cause porte sur les déclarations sur la situation économique et les tendances, a) en Allemagne (rapport M. A.), b) en Belgique (rapport M. B.), c) en Suisse (rapport M. K.), d) au Royaume-Uni (M. K. H.) et e) en Italie (M. P.). Il y est fait référence, au point 1, sous a), b), d) et e), aux augmentations de prix de 4 % ayant été réalisées. Cela est confirmé par la lecture de l’ordre du jour de cette réunion, où il est indiqué « à partir du 1.1.1995 linéaire sur tous les produits + 4 % ».

161    Bien qu’il soit vrai que les notes concernant le point 1, sous a) et b), couvrent aussi bien l’Allemagne que la Belgique, sans effectuer de distinction, cela ne saurait remettre en cause la véracité et l’importance de leur contenu.

162    D’ailleurs, l’interprétation de ces notes manuscrites est confortée par d’autres notes manuscrites :

–        celles relatives à la réunion du 30 avril 1992 (la requérante y était représentée par M. C. B.) : il en ressort que la requérante avait élaboré une proposition de barème qui a été distribuée lors de cette réunion, les autres participants ayant jusqu’à la mi-mai pour étudier cette proposition. Ensuite, la requérante était censée proposer une liste pour cette catégorie de produits, puis d’autres listes étaient censées être élaborées pour d’autres catégories de produits. Le 19 mai 1992, les autres participants ont envoyé leurs remarques à M. C. B. après avoir étudié sa proposition ;

–        celles relatives à la réunion du 13 décembre 1994 (la requérante y était représentée par M. O.) : il ressort du point 3, intitulé « Liste de prix – Structure », que la requérante a clairement continué à être activement impliquée dans l’élaboration du barème. À titre purement informatif, il ressort du point 1 que, notamment, la requérante ne tolérerait plus le comportement déloyal de Stocko.

–       Sur la réunion du cercle de Wuppertal du 6 mai 1996 (considérant 123 de la décision attaquée)

163    La requérante considère que, lors de cette réunion, aucune discussion sur la mise en œuvre des augmentations de prix n’a eu lieu. Elle conteste, dès lors, le caractère anticoncurrentiel de cette réunion.

164    Selon le point 3, sous a), des notes manuscrites relatives à la réunion en question, l’augmentation du prix pour 1996 a été mis en œuvre comme prévu, le marché l’aurait accepté et il y avait peu de problèmes. Le point 4 desdites notes indique, concernant les prix des machines ainsi que leurs prix de location, que l’accord de 1996 était connu et restait inchangé. En ce qui concerne 1997, il était encore trop tôt pour conclure un accord, cela devait suivre lors de la réunion d’automne.

165    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les participants à cette réunion ont discuté des augmentations de prix de vente et de location des machines de pose, que l’accord de 1996 était toujours en vigueur et qu’un nouvel accord était envisagé pour 1997. Par conséquent, l’objet anticoncurrentiel de cette réunion a été très clairement établi.

–       Sur les demandes des groupes YKK et Prym tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 et sur la déclaration de A. Raymond

166    Premièrement, il y a lieu de rappeler que la requérante fait valoir, qu’il ressort des déclarations du groupe YKK que des informations concrètes relatives aux prix n’ont été échangées ni dans le cadre du cercle de Bâle, ni dans le cadre du cercle de Wuppertal, qu’il s’agisse des tarifs généraux ou des tarifs appliqués à des clients particuliers. Deuxièmement, la déclaration du groupe Prym selon laquelle les réunions tenues dans le cadre du cercle de Wuppertal avaient donné lieu à des « discussions concernant les mesures relatives aux prix » ne concernerait pas concrètement les réunions citées par la Commission dans le cadre des griefs reprochés à la requérante, mais s’appliquerait de manière générale à l’ensemble des réunions dudit cercle. Troisièmement, A. Raymond aurait contesté, dans sa déclaration, le fait que des informations relatives aux prix aient été échangées.

167    En premier lieu, il convient de rappeler que, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, compte tenu de la possibilité que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que l’argument de la requérante ne répond pas à la logique inhérente à la procédure prévue par les communications sur la coopération de 1996 et de 2002. En effet, le fait de demander à bénéficier de l’application de celles-ci en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuves déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération applicable.

168    Néanmoins, dans la mesure où les déclarations faites dans le cadre des demandes tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 ou de 2002 sont contestées par d’autres entreprises auxquelles il est également reproché d’avoir participé à l’infraction alléguée, elles doivent être étayées par d’autres éléments de preuve afin de pouvoir constituer une preuve suffisante de l’existence et de la portée de l’arrangement commun (voir, en ce sens, arrêts Enso-Gutzeit/Commission, point 136 supra, point 91, et Groupe Danone/Commission, point 136, point 285). À cet égard, il y a lieu de rappeler que les constatations de fait de la Commission sont essentiellement fondées sur les notes manuscrites et que les déclarations faites dans le cadre des différentes demandes tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 ont plutôt servi à confirmer ces constatations. Partant, ces déclarations sont, en l’espèce, étayées par d’autres éléments de preuve.

169    En deuxième lieu, en ce qui concerne les déclarations du groupe YKK, celles-ci ont permis à la Commission de confirmer la finalité générale des réunions.

170    La demande du 14 décembre 2004 du groupe YKK énonce ce qui suit :

« Toutefois, des accords en vue de futures hausses de prix ont effectivement été conclus lors de certaines réunions des cercles de Bâle et de Wuppertal. Ces augmentations ont été envisagées par les participants aux réunions en termes de pourcentage, sans référence aux prix effectifs. Par conséquent, même dans ces cas d’accords relatifs à de futures modifications des prix en termes de pourcentage, aucune transparence des prix n’a été instaurée parmi les participants aux réunions. »

171    La demande du 18 février 2005 du groupe YKK indique :

« [D]ans le cadre des réunions des cercles de Bâle et de Wuppertal, non seulement des accords sur les prix futurs ont été conclus, mais, à certaines de ces réunions, les prix futurs sont également devenus transparents parmi les participants aux réunions […] D’ailleurs, lors de certaines réunions des cercles de Bâle et de Wuppertal, ainsi que lors de certaines réunions bilatérales […], l’établissement d’un ‘barème de prix européen’ a été discuté […] En outre, dans le cadre de certaines des réunions des cercles de Bâle et de Wuppertal, une certaine surveillance de prix à l’exportation s’est produite. »

172    En troisième lieu, concernant les déclarations du groupe Prym faites dans le cadre de leur demande du 12 novembre 2004, il y a lieu de constater que les déclarations figurent sous l’intitulé « Wuppertaler Kreis » (cercle de Wuppertal) et se rapportent dès lors bel et bien, comme l’a indiqué la Commission, à la teneur des discussions ayant eu lieu dans ce cadre. Selon cette même demande, ce cercle a également servi, outre à la normalisation et à la métrologie, de forum dans le cadre duquel étaient discutées, élaborées et mises en œuvre des mesures tarifaires.

173    En quatrième lieu, la déclaration de A. Raymond démontre, tout d’abord, que cette entreprise nie avoir participé à une discussion concernant l’établissement d’un « Eurobarème ». Ensuite, il en ressort que cette dernière nie avoir participé à des échanges d’informations sur les prix, ou à une coordination des informations sur les prix, au sein du cercle de Bâle. Enfin, ces informations n’auraient pas pu avoir d’influence sur le comportement des autres participants du cercle de Bâle, puisqu’elles étaient d’ordre très général (les pourcentages annoncés étaient des moyennes qui ne reflétaient pas les spécificités propres à chaque type de produit) et elles concernaient des hausses de prix qui avaient déjà été décidées et communiquées aux commerciaux de A. Raymond.

174    Il convient de constater que la déclaration de A. Raymond n’est pas de nature à priver de leur valeur les notes manuscrites et les déclarations faites dans le cadre des demandes des groupes YKK et Prym tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002, sur lesquelles la Commission s’est appuyée pour établir le comportement anticoncurrentiel de la requérante.

 Examen détaillé des griefs concernant la coordination des augmentations de prix pour les « autres types de fermetures » et les machines de pose

 Arguments des parties

175    La requérante conteste qu’il y ait eu une coordination des augmentations de prix pour les « autres types de fermetures » et les machines de pose.

176    La Commission considère que l’argumentation de la requérante est fondée sur une méconnaissance des principes qui régissent, premièrement, la motivation de la responsabilité de la requérante pour sa participation à une infraction et, deuxièmement, le niveau de preuve requis à cette fin.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la réunion du cercle de Bâle du 24 mai 1991 (considérants 91 et 92 de la décision attaquée)

177    Il y a lieu de renvoyer à l’appréciation des preuves figurant aux points 141 à 151 ci-dessus concernant l’échange d’informations confidentielles sur les prix et la mise en œuvre des augmentations de prix effectués dans le cadre de la même réunion.

–       Sur la réunion du cercle de Bâle du 25 novembre 1992 (considérants 105 à 107 de la décision attaquée)

178    Il y a lieu de rappeler que, tout d’abord, la requérante prétend que les notes manuscrites relatives à cette réunion ne contiennent aucun élément de nature à indiquer qu’elle aurait participé à un accord. Ensuite, la requérante fait valoir qu’elle figurait, dès le 29 mai 1992, sous le titre « question des outsiders » (Außenseiterfragen). Enfin, les notes manuscrites relatives à la réunion du 10 au 12 juin 1993 n’indiqueraient pas que l’augmentation des prix avait fait l’objet d’un accord préalable.

179    Le considérant 105 de la décision attaquée se lit comme suit :

« Lors de la réunion du cercle de Bâle tenue à Bâle le 25 novembre 1992, les prix 1993 ont été convenus sur la base des rapports présentés par les différents membres. M. R. (A. Raymond) a mentionné pour la France des augmentations de 2 % pour les boutons-pression à partir du 1er mars 1993 et de 3,5 % pour les rivets. En ce qui concerne les augmentations des prix, M. R. a également déclaré qu’il serait difficile d’appliquer une hausse plus importante en France en raison de la concurrence exercée par Fiocchi qui, selon A. Raymond, pratiquait des prix de 30 à 50 % inférieurs aux siens. M. R. a conclu qu’à moins d’une harmonisation des prix, A. Raymond ne souhaiterait pas continuer à relever ses prix. En ce qui concerne Fiocchi, il a été noté que celle-ci s’efforçait d’appliquer une augmentation plus élevée que l’augmentation générale, mais que cela ne compromettrait pas les parts de marché qu’elle détenait jusque là. »

180    Le considérant 106 de la décision attaquée énonce ce qui suit :

« Quant aux autres marchés, il ressort des notes [du] VBT relatives à cette réunion que des augmentations ont été rapportées pour la Suisse (augmentation de 3 % à partir de février/mars 1993), la Belgique [augmentation de 2 % à partir de février/mars 1993, rapportée par M. B. (Unifast)], l’Allemagne (augmentation de 3,5 % à partir du 1er février 1993, rapportée par M. A. [voir le considérant 103 de la décision attaquée], ainsi que le Royaume-Uni [augmentation de 3,5 % à partir du 1er juin 1993, rapportée par M. K. H. (William Prym)]. En outre, une augmentation de 4 % a été signalée et des barèmes de prix ont été échangés pour le Portugal, la Grèce, la Turquie et Israël. Il est signalé dans ces notes que Fiocchi appliquerait une augmentation plus importante. »

181    Le considérant 107 de la décision attaquée se lit comme suit :

« Lors de cette réunion, les discussions sur la création d’un barème de prix européen se sont poursuivies sous le point ‘Réorganisation et harmonisation des marchés CE à partir de 1993’ de l’ordre du jour. Il ressort des notes que le cercle allemand, c’est-à-dire le cercle de Wuppertal, allait continuer à étudier cette question. »

182    Ainsi, afin de déterminer le contenu de la réunion en cause, la Commission s’est fondée sur les notes manuscrites s’y rapportant.

183    Il ressort de la lecture de ces notes que, lors de cette réunion, les participants ont discuté des augmentations de prix ainsi que de leur coordination. La qualification de la requérante d’« outsider », à la supposer établie, ne changerait rien en l’espèce, étant donné qu’elle était présente lors de cette réunion et ne s’est pas publiquement distanciée de son contenu.

184    Quant aux notes relatives à la réunion des 10 au 12 juin 1993, elles attestent que les discussions sur l’application d’augmentations de prix se rapportaient à la mise en œuvre de la coordination sur les augmentations ayant eu lieu lors de la réunion du 25 novembre 1992, puisque ces notes indiquent que l’augmentation aurait seulement pu être exécutée partiellement. Néanmoins, à long terme, le barème du prix devait être atteint.

–       Sur les réunions du cercle de Bâle des 17 février et 17 novembre 1994 et du 2 mai 1997 (considérants 112, 115, 116, 129 et 130 de la décision attaquée)

185    La requérante expose, à cet égard, que les extraits des notes manuscrites citées par la Commission dans la décision attaquée ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure elle aurait participé à des accords illicites et ne permettent en aucun cas d’établir le bien-fondé des griefs qui lui sont reprochés.

186    La requérante soutient, par ailleurs, que les constatations de la Commission sont en contradiction avec son comportement dissident et le mécontentement des autres membres du cercle de Wuppertal. La requérante fait valoir qu’elle a fixé ses prix indépendamment du cercle de Wuppertal.

187    Il convient de constater qu’il ressort effectivement de la lecture des considérants 112, 115, 116, 129 et 130 de la décision attaquée que la Commission, afin de déterminer le contenu des réunions en question, s’est fondée sur les notes manuscrites relatives auxdites réunions.

188    Les notes manuscrites relatives à la réunion du 17 février 1994 démontrent qu’une augmentation de 2,8 % a été signalée pour l’Allemagne à compter du 1er février 1994 sur la base du rapport de M. A. (voir point 1). En outre, il a été décidé de relever les prix à l’exportation de 2,8 % à partir du 1er avril 1994 (voir point 2).

189    Les notes manuscrites relatives à la réunion du 17 novembre 1994 font état des hausses de prix pour 1995, convenues sur la base des rapports des différents membres (voir point 1). Durant cette même réunion, une augmentation linéaire de 4 % des prix à l’exportation a été fixée pour l’ensemble des produits et des pays à partir de janvier 1995 (voir point 2). Des barèmes français ont été discutés et il a été constaté, pour le groupe de produits constitué par les boutons-pression à griffe, que les idées et la structure des barèmes utilisés en Allemagne pouvaient également l’être en France (voir point 6).

190    Selon les notes manuscrites relatives à la réunion du 2 mai 1997, les membres ont échangé des informations concernant la mise en œuvre des augmentations de prix pour 1997 sur les différents marchés (voir point 2). Les participants ont également examiné la situation des marchés d’exportation (voir point 3).

191    Quant à l’argument tiré du comportement dissident de la requérante, il y a lieu de souscrire à la conclusion de la Commission à ce sujet, figurant au considérant 290 de la décision attaquée, à savoir que la requérante ne s’est pas distanciée publiquement de l’entente et qu’elle a continué à participer aux discussions sur les augmentations de prix ainsi qu’aux autres échanges d’informations confidentielles, et ce jusqu’à la réunion du 19 août 2000.

–       Conclusion

192    En premier lieu, il ressort des notes manuscrites ainsi que des considérants 59 et 60 de la décision attaquée que la requérante a régulièrement assisté aux réunions du cercle de Bâle (10 sur 18) et de Wuppertal (12 sur 15).

193    En deuxième lieu, il ressort desdites notes que la requérante a, lors de ces réunions, participé à des discussions lors desquelles a non seulement été décidée la coordination des augmentations de prix pour les « autres types de fermetures » ainsi que pour les machines de pose, mais, également, ont été échangées des informations confidentielles concernant les prix et l’application des hausses de prix par les différents participants. L’objet des réunions a été confirmé par les déclarations des groupes Prym et YKK. Partant, l’objet anticoncurrentiel de ces réunions a été établi à suffisance de droit.

194    En troisième lieu, il convient de constater que la requérante ne s’est pas distanciée publiquement, au sens de la jurisprudence précitée, de la teneur de ces réunions, de sorte qu’elle peut être tenue pour responsable de sa participation à l’entente. Les documents invoqués par la requérante pour mettre en doute sa participation active aux accords montrent que, bien que des plaintes aient été émises à au moins deux reprises à son égard pour un comportement jugé déloyal, les autres participants l’ont toujours considérée comme membre de l’entente, sans quoi ils ne se seraient pas plaints de son comportement. De surcroît, la requérante a continué à participer aux discussions sur des augmentations de prix ainsi qu’aux autres échanges d’informations confidentielles jusqu’à la réunion du 19 août 2000.

195    En quatrième lieu, la valeur probante des notes manuscrites et des déclarations faites dans le cadre des demandes des groupes YKK et Prym tendant à bénéficier des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 ne saurait être mise en cause. Les documents découverts dans les locaux du VBT (notamment les notes manuscrites et les ordres du jour des différentes réunions organisées par celui-ci) ont confirmé la participation régulière et active de la requérante aux accords. Les déclarations susmentionnées ont corroboré ces constatations.

196    En cinquième lieu, quant à l’argument selon lequel la Commission aurait été tenue de prouver le caractère anticoncurrentiel de chacune des réunions, il y a lieu de rappeler qu’il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir point 127 ci-dessus).

197    En sixième lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel la requérante nie avoir commis des infractions aux règles de la concurrence résultant de la réception d’invitations et/ou d’ordres du jour correspondant à différentes réunions, auxquelles elle n’avait pas participé, il convient de relever que, lorsque la requérante ne pouvait participer auxdites réunions, pour lesquelles elle avait reçu des convocations, elle était informée de la tenue de ces réunions et de leur contenu (accords sur les prix) ou que son accord avait été sollicité. Il s’agit notamment des réunions du cercle de Wuppertal des 13 octobre 1995, 13 et 22 novembre 1996, pour lesquelles il ressort des notes manuscrites que des informations ont été fournies à la requérante ou qu’elle a été contactée. Il en va de même des réunions du cercle de Bâle des 18 au 20 juin et 17 novembre 1998, et des 21 au 23 mai 1999, pour lesquelles la requérante avait été convoquée et avait obtenu l’ordre du jour.

198    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

5.     Sur le quatrième moyen, tiré du calcul incorrect du montant de l’amende

 Arguments des parties

199    La requérante estime que la Commission a commis plusieurs erreurs dans le calcul du montant de l’amende. D’une part, la Commission aurait retenu un montant de base erroné compte tenu de la durée excessive qu’elle a prise en considération et des constatations relatives à la gravité de l’infraction qu’elle a faites. D’autre part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte l’absence partielle d’application des accords illicites et son rôle secondaire en tant que circonstances atténuantes pour réduire le montant de l’amende. De surcroît, le montant de l’amende infligée serait disproportionné par rapport à la gravité de l’infraction reprochée et par rapport aux amendes infligées au titre des accords bilatéraux conclus entre les groupes Prym et YKK.

200    La Commission réfute les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

201    Avant d’examiner les arguments soulevés par la requérante, il importe de rappeler qu’il ressort des considérants 489 et 692 de la décision attaquée que les amendes imposées par la Commission du fait de l’infraction l’ont été en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. En outre, la Commission a déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthodologie définie dans les lignes directrices et la communication sur la coopération de 1996.

202    Les lignes directrices, bien qu’elles ne puissent être qualifiées de règle de droit, énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91, et la jurisprudence citée).

203    Il appartient donc au Tribunal de vérifier, dans le cadre du contrôle de la légalité des amendes infligées par la Commission, si celle-ci a exercé son pouvoir d’appréciation selon la méthode exposée dans les lignes directrices et, dans la mesure où il devrait constater qu’elle s’en est départie, de vérifier si cet écart est justifié et motivé à suffisance de droit. À cet égard, il importe de relever que la Cour a confirmé la validité, d’une part, du principe même des lignes directrices et, d’autre part, de la méthode générale qui y est indiquée (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 252 à 255, 266 à 267, 312 et 313).

204    L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est en effet pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission. Les lignes directrices contiennent différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions des règlements nos 17 et 1/2003, telles qu’interprétées par la Cour (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 203 supra, point 267).

205    Partant, dans les domaines où la Commission a conservé une marge d’appréciation, par exemple en ce qui concerne le montant de départ ou le taux de majoration du montant de l’amende au titre de la durée de l’infraction, le contrôle de la légalité opéré sur ces appréciations se limite à celui de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, points 64 et 79).

206    La marge d’appréciation de la Commission et les limites qu’elle y a apportées ne préjugent par ailleurs pas, en principe, de l’exercice, par le juge, de sa compétence de pleine juridiction (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 72 supra, point 538), qui l’habilite à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende infligée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 60 à 62, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T‑368/00, Rec. p. II‑4491, point 181).

207    Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci (voir également considérant 493 de la décision attaquée).

208    Il ressort des lignes directrices qu’elles prévoient l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle aux fins de déterminer un montant de départ de l’amende. En premier lieu, la gravité de l’infraction est analysée par rapport aux caractéristiques de l’entreprise concernée, notamment sa taille et sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à une pondération du montant de départ, à la répartition des entreprises en catégories et à la fixation d’un montant de départ spécifique. En deuxième lieu, la durée de l’infraction est prise en compte pour la fixation du montant de base et, en troisième lieu, les lignes directrices prévoient la prise en considération de circonstances aggravantes et atténuantes permettant de moduler le montant de l’amende, notamment en fonction du rôle actif ou passif des entreprises concernées dans la mise en œuvre de l’infraction.

 Sur l’appréciation erronée de la durée de l’infraction

209    Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a déjà constaté, dans le cadre des deuxième et troisième moyens, que la requérante avait pris part à l’infraction commise dans le cadre des trois cercles entre le 24 mai 1991 et le 19 août 2000. Il ne pouvait être conclu à la cessation définitive de l’appartenance de la requérante à l’entente, étant donné qu’elle ne s’était pas distanciée publiquement du contenu de l’entente lors de la réunion du 25 novembre 1997 (voir point 113 ci-dessus). Partant, la durée de l’infraction est de neuf ans et trois mois, soit une infraction de longue durée au sens des lignes directrices.

 Sur l’appréciation erronée de la gravité de l’infraction

210    Il a été établi, dans le cadre des deuxième et troisième moyens, que les réunions tenues dans le cadre des cercles de Bâle et de Wuppertal avaient pour objet la coordination des augmentations de prix, conjointement avec des échanges d’informations confidentielles sur les prix visant à faciliter la conclusion et la mise en œuvre des accords anticoncurrentiels par les participants. De telles pratiques constituent des restrictions horizontales de type « cartel de prix » au sens des lignes directrices et sont donc « très graves » par leur nature (voir point 1 A, troisième tiret).

 Sur l’appréciation erronée des circonstances atténuantes

211    Il y a lieu de constater que la requérante avance deux éléments à cet égard. Elle invoque, premièrement, l’absence partielle d’application des accords illicites et, deuxièmement, son rôle secondaire dans leur réalisation, y compris sa faible dimension (voir point 3 des lignes directrices).

212    En ce qui concerne l’impact réel du comportement infractionnel de chaque entreprise sur le marché et la concurrence, cet impact doit être pris en considération, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, « lorsqu’il est mesurable » (arrêt Tokai I, point 47 supra, point 207).

213    En l’espèce, la Commission a conclu que l’accord, dans la mesure où il concernait le marché européen, avait été mis en œuvre et était susceptible d’avoir eu une incidence sur le marché, même si celle-ci avait été plus limitée ou de plus courte durée que ce qu’avaient prévu les participants. À l’appui de ce constat, la Commission a invoqué la preuve documentaire représentée par les notes manuscrites, qui font état du fait que les augmentations de prix ont généralement été appliquées par les participants ainsi que d’échanges réguliers d’informations sur les prix et l’application des prix par les mêmes participants. Dès lors que, selon les lignes directrices, la Commission ne doit prendre en considération, aux fins d’apprécier la gravité de l’infraction, son impact concret sur le marché que lorsqu’il est mesurable et que l’accord global visait à supprimer la concurrence potentielle, dont l’effet concret est par hypothèse difficilement mesurable, il y a lieu de considérer que la Commission n’était pas tenue de démontrer précisément l’impact concret de l’entente sur le marché et de le quantifier, mais pouvait s’en tenir à des estimations de probabilité d’un tel effet (arrêt Scandinavian Airlines System/Commission, point 205 supra, point 122).

214    En ce qui concerne le rôle prétendument secondaire de la requérante, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il convient d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 50 supra, point 623, et Commission/Anic Partecipazioni, point 69 supra, point 150), afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes.

215    Les points 2 et 3 des lignes directrices prévoient une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances aggravantes et atténuantes.

216    En particulier, le « rôle exclusivement passif ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction constitue, s’il est établi, une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, étant précisé que ce rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels.

217    Il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 343), de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240/82 à 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831, point 100), ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Weig/Commission, T‑317/94, Rec. p. II‑1235, point 264).

218    En l’espèce, la requérante invoque sa non-participation aux faits reprochés, sa non-participation à certaines réunions ainsi que sa faible dimension.

219    Il y a lieu de rappeler que la requérante a participé régulièrement, du début à la fin de l’infraction, aux réunions dont l’objet anticoncurrentiel a été établi (voir point 193 ci-dessus) et qu’elle avait pour mission la création d’un barème européen (voir point 154 ci-dessus). Partant, le rôle de la requérante ne peut être qualifié de passif ou de mineur, malgré son absence lors de certaines réunions des cercles de Bâle et de Wuppertal (voir point 197 ci-dessus) et bien qu’elle ait parfois mené une politique tarifaire divergente (voir points 113 et 114 ci-dessus).

220    S’agissant de l’argument tiré de sa part de marché relativement réduite, il y a lieu de constater que la Commission a, au stade du traitement différencié (voir considérant 525 de la décision attaquée), pris en compte cet élément. La requérante n’a d’ailleurs pas remis en cause le classement même des entreprises par catégories.

221    En ce qui concerne la violation du principe de proportionnalité, en ce qui concerne la gravité de l’infraction, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a déjà constaté (voir point 210 ci-dessus) que l’infraction avait été, à bon droit, qualifiée de très grave. Concernant la violation du même principe par rapport aux amendes infligées au titre des accords bilatéraux conclus entre les groupes Prym et YKK, la requérante a précisé, lors de l’audience, que, au pro rata de sa participation effective à l’entente, elle avait été punie de façon disproportionnée. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le rôle de la requérante ne peut être qualifié de passif ou de mineur (voir point 219 ci-dessus) et que la Commission a pris en compte sa part de marché relativement réduite (voir point 220 ci-dessus).

222    Quant à l’argument tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, il convient de conclure, à l’instar de la Commission, que cet argument a été soulevé tardivement au stade de la réplique. De surcroît, force est de constater qu’il s’agit d’un argument qui va au-delà d’une simple précision sur la portée du présent moyen. Dès lors, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

223    Par conséquent, le dernier moyen de la requérante doit être rejeté.

224    Il résulte de l’ensemble des considérations précédentes qu’aucun des moyens soulevés par la requérante ne peut être accueilli. Le recours en annulation doit, dès lors, être rejeté dans son entièreté, sans qu’il y ait lieu, dans les circonstances de l’espèce, de procéder par ailleurs, au titre de la pleine juridiction, à la réformation du montant de l’amende infligée à la requérante.

 Sur les dépens

225    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Berning & Söhne GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 juin 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la demande de mesures d’instruction

2.  Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur le deuxième moyen, tiré de la prescription de l’infraction

Sur la première branche, portant sur la prise en compte erronée des trois cercles comme faisant partie d’une infraction unique et continue

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Comparaison de la communication des griefs, de la communication des griefs complémentaire et de la décision attaquée quant à l’existence d’une infraction unique et continue

–  Qualification du comportement infractionnel

Sur les deuxième et troisième branches, portant sur l’application erronée des règles relatives à la prescription

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

4.  Sur le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de l’insuffisance des preuves de l’infraction

Nature et niveau de preuve des infractions

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Examen détaillé des griefs concernant l’échange d’informations confidentielles sur les prix et la mise en œuvre des augmentations des prix

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la réunion du cercle de Bâle du 24 mai 1991 (considérants 91 et 92 de la décision attaquée)

–  Sur la réunion du cercle de Wuppertal du 21 janvier 1994 (considérants 110 et 111 de la décision attaquée)

–  Sur la réunion du cercle de Bâle du 16 juin 1995 (considérant 119 de la décision attaquée)

–  Sur la réunion du cercle de Wuppertal du 6 mai 1996 (considérant 123 de la décision attaquée)

–  Sur les demandes des groupes YKK et Prym tendant au bénéfice des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 et sur la déclaration de A. Raymond

Examen détaillé des griefs concernant la coordination des augmentations de prix pour les « autres types de fermetures » et les machines de pose

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la réunion du cercle de Bâle du 24 mai 1991 (considérants 91 et 92 de la décision attaquée)

–  Sur la réunion du cercle de Bâle du 25 novembre 1992 (considérants 105 à 107 de la décision attaquée)

–  Sur les réunions du cercle de Bâle des 17 février et 17 novembre 1994 et du 2 mai 1997 (considérants 112, 115, 116, 129 et 130 de la décision attaquée)

–  Conclusion

5.  Sur le quatrième moyen, tiré du calcul incorrect du montant de l’amende

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’appréciation erronée de la durée de l’infraction

Sur l’appréciation erronée de la gravité de l’infraction

Sur l’appréciation erronée des circonstances atténuantes

Sur les dépens


** Langue de procédure : l’allemand.