Language of document : ECLI:EU:C:2012:317

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 24 mai 2012 (1)

Affaire C‑441/11 P

Commission européenne

contre

Verhuizingen Coppens NV

«Pourvoi – Concurrence – Ententes – Article 81, paragraphe 1, CE et article 53 de l’accord EEE – Marché des services de déménagements internationaux en Belgique – Entente globale consistant en trois accords particuliers – Infraction unique et continue – Défaut de preuve qu’un participant à l’entente qui n’a participé qu’à un accord particulier avait connaissance des autres accords particuliers – Annulation partielle ou intégrale d’une décision de la Commission»





I –    Introduction

1.        Quand le Tribunal de l’Union européenne peut-il annuler dans son intégralité une décision de la Commission européenne portant sur une entente et quand doit-il se contenter d’une annulation partielle? Tel est pour l’essentiel le point de droit dont la Cour a à connaître dans le cadre du présent pourvoi et qui revêt une importance pratique non négligeable (2). Cette question se pose en ce qui concerne le «cartel des déménageurs» que la Commission a découvert il y a quelques années sur le marché des services de déménagements internationaux en Belgique et frappé, le 11 mars 2008, d’une décision d’amende (3) (ci‑après également la «décision litigieuse»).

2.        Selon les constatations de la Commission, ledit cartel des déménageurs constituait une entente globale sous la forme d’une infraction unique et continue qui reposait sur trois types d’accords anticoncurrentiels entre les entreprises de déménagement impliquées, à savoir des accords sur les prix, des accords sur la répartition du marché moyennant un système de faux devis (les devis de complaisance) et des accords sur un système de compensations financières pour des offres rejetées ou des cas d’abstention d’offrir (les commissions).

3.        La Commission a imputé à Verhuizingen Coppens NV (ci-après «Coppens»), ainsi qu’à neuf autres entreprises ou groupes d’entreprises, une participation à l’entente globale. Toutefois, en ce qui concerne Coppens, la Commission n’a pu démontrer une participation active qu’à l’un des trois éléments de l’entente globale, à savoir au système des devis de complaisance. Il n’a pas pu être établi si Coppens savait ou aurait dû savoir que, en participant au système des devis de complaisance, elle s’intégrait également dans l’entente globale. Dans ces conditions, le Tribunal a, par un arrêt du 16 juin 2011 (4), annulé dans son intégralité la constatation de la participation de Coppens à ladite entente ainsi que l’amende infligée à Coppens.

4.        C’est contre cet arrêt que la Commission forme à présent son pourvoi. Elle estime que le Tribunal ne pouvait que partiellement annuler la décision litigieuse, dans la mesure où elle concerne Coppens, puisque, en tout état de cause, la participation de Coppens au système anticoncurrentiel des devis de complaisance était démontrée.

5.        Rappelons enfin que, dans le cadre des autres pourvois qui sont encore pendants en ce qui concerne le cartel des déménageurs, la Cour sera prochainement amenée à aborder un certain nombre d’autres questions (5).

II – Le contexte du litige

A –    Les faits et la procédure administrative

6.        Selon les résultats de l’enquête menée par la Commission, de 1984 à 2003, il existait sur le marché des services de déménagements internationaux en Belgique une entente à laquelle dix entreprises de déménagement (6) ont participé durant différentes périodes (7) et à divers degrés.

7.        Dans la décision litigieuse, la Commission a constaté que cette entente constituait une entente globale sous la forme d’une infraction unique et continue (8), qui reposait au total sur trois types d’accords (9):

–        des accords sur les prix, dans lesquels les sociétés de déménagement concernées passaient des arrangements sur la rémunération de leurs prestations vis-à-vis des clients;

–        des accords sur un système de compensations financières pour des offres rejetées ou des cas d’abstention d’offrir (les commissions); par ce mécanisme, les concurrents de l’entreprise ayant obtenu le contrat pour un déménagement international devaient en quelque sorte recevoir une compensation financière, qu’ils aient également présenté une offre ou qu’ils se soient abstenus de le faire; à l’insu des clients, lesdites commissions étaient incluses dans les services de déménagement concernés;

–        des accords sur la répartition du marché moyennant un système de faux devis (les devis de complaisance), qui étaient soumis au client ou à la personne qui déménageait par une société de déménagement qui n’avait pas l’intention d’exécuter le déménagement; à cette fin, une société indiquait chaque fois à ses concurrents le prix, le taux d’assurance et les frais d’entreposage auxquels ils devaient facturer le service fictif.

8.        Alors que les accords sur les commissions et les devis de complaisance ont été appliqués pendant toute la durée de ladite entente (soit de 1984 à 2003), la mise en œuvre des accords sur les prix n’a pas pu être démontrée au-delà du mois de mai 1990 (10).

9.        Sur la base des constatations qu’elle a pu faire, la Commission a conclu dans la décision litigieuse que les entreprises concernées avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), «en fixant de façon directe et indirecte des prix pour les services de déménagements internationaux en Belgique, en se répartissant une partie de ce marché et en manipulant la procédure faisant appel à la soumission d’offres» durant différentes périodes (11).

10.      La décision litigieuse a été notifiée au total à 31 entités juridiques auxquelles la Commission a en outre infligé, pour l’infraction commise, des amendes de différents montants (12), pour partie, à titre individuel et, pour partie, à titre solidaire.

B –    La participation de Coppens à l’entente

11.      À l’article 1er, sous i), de la décision litigieuse, la Commission a établi la participation de Coppens à l’entente globale pour une période allant du 13 octobre 1992 au 29 juillet 2003. À ce titre, Coppens s’est vu infliger, conformément à l’article 2, sous k), de la décision litigieuse, une amende de 104 000 euros, sans imputation d’une responsabilité conjointe et solidaire.

12.      Or, ainsi qu’il résulte de l’arrêt attaqué (13), la Commission n’a pas démontré que Coppens, lors de sa participation à l’accord sur les devis de complaisance, avait connaissance des activités anticoncurrentielles des autres entreprises concernant les commissions, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir. En ce qui concerne la connaissance par la requérante des comportements infractionnels des autres participants, la décision litigieuse, ainsi que la Commission le concède elle-même, ne reposait pas sur des éléments de preuve spécifiques.

C –    La procédure de première instance

13.      Plusieurs destinataires de la décision litigieuse ont cherché une protection juridique par le biais de recours en annulation formés, en première instance, devant le Tribunal (14).

14.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a statué le 16 juin 2011 sur le recours formé le 4 juin 2008 par Coppens. Dans cet arrêt, le Tribunal a accueilli le recours de Coppens dans son intégralité, en annulant l’article 1er, sous i), ainsi que l’article 2, sous k), de la décision litigieuse et en condamnant la Commission aux dépens afférents à la première instance.

III – La procédure devant la Cour

15.      Par un mémoire du 25 août 2011, la Commission a formé le présent pourvoi contre l’arrêt attaqué. Elle y conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué;

–        rejeter le recours en annulation ou, à défaut, annuler uniquement l’article 1er, sous i), de la décision litigieuse, dans la mesure où elle tient Coppens pour responsable de l’accord sur les commissions;

–        fixer une amende d’un montant qu’elle juge adéquat, et

–        condamner Coppens aux dépens du pourvoi et à la part des dépens de la procédure devant le Tribunal qu’elle juge adéquate.

16.      Coppens conclut, pour sa part, à ce qu’il plaise à la Cour:

–        confirmer l’arrêt attaqué;

–        à titre subsidiaire, si la Cour devait annuler totalement ou partiellement l’arrêt, diminuer l’amende infligée par la Commission de manière à ce que celle-ci représente 10 % du chiffre d’affaires de Coppens sur le marché concerné, et

–        condamner la Commission aux dépens afférents à la procédure devant le Tribunal et au pourvoi.

17.      La procédure de pourvoi devant la Cour s’est entièrement déroulée par écrit.

IV – Appréciation du pourvoi

18.      La Commission invoque un unique moyen à l’appui de son pourvoi. Elle fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit et outrepassé ses compétences dans la mesure où il a annulé la décision litigieuse dans son intégralité en ce qui concerne Coppens. La Commission estime que, au lieu de cela, le Tribunal aurait dû se limiter à une annulation partielle, étant donné que, à tout le moins, la participation active de Coppens à une partie de l’infraction, à savoir le système anticoncurrentiel des devis de complaisance, était établie.

A –    Sur la recevabilité du pourvoi

19.      À titre liminaire, il convient de relever que Coppens critique le manque de précision du moyen soulevé par la Commission.

20.      Si Coppens entend ainsi mettre en cause la recevabilité du pourvoi, son argument n’est guère convaincant. En effet, l’erreur de droit que la Commission reproche au Tribunal d’avoir commise est décrite de manière précise dans la requête en pourvoi. Contrairement à ce que Coppens semble avancer, la Commission indique aussi de façon précise les dispositions qu’elle estime enfreintes, à savoir les articles 263 TFUE et 264 TFUE. La Commission s’appuie, en outre, sur des considérations relatives à la proportionnalité, à l’économie de procédure, à l’application effective des règles de concurrence et au principe ne bis in idem.

21.      La recevabilité du présent pourvoi ne saurait, dès lors, être mise en doute.

B –    Sur le fond du pourvoi

22.      Le pourvoi peut prospérer si, en ce qui concerne Coppens, le Tribunal était en droit d’annuler la décision en cause non pas dans son intégralité, mais seulement en partie.

23.      Contrairement à ce que la Commission avance, aux fins de l’appréciation de cette question, ce n’est pas le principe de proportionnalité qui importe et encore moins l’expression spécifique que ce principe trouve dans l’article 5, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 4, TUE, en ce qui concerne la répartition des compétences entre l’Union européenne et ses États membres.

24.      C’est au contraire l’article 264 TFUE qui est la sedes materiae (15). De cette disposition résultent les compétences du Tribunal – en tant que partie intégrante de l’institution qu’est la Cour de justice de l’Union européenne – lorsqu’il statue sur des recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. À son premier alinéa, l’article 264 TFUE dispose:

«Si le recours est fondé, la Cour de justice de l’Union européenne déclare nul et non avenu l’acte contesté.»

25.      Cette dernière disposition ne doit pas être mal interprétée comme énonçant une règle du tout ou rien. En effet, si un recours en annulation n’est que partiellement fondé, il n’est guère possible de l’accueillir dans son intégralité. Le requérant obtiendrait sinon davantage que ce qui lui revient en droit. C’est la raison pour laquelle l’article 264, premier alinéa, TFUE doit nécessairement être interprété et appliqué de telle façon que l’acte contesté par le recours en annulation soit déclaré nul et non avenu, dans la mesure où le recours est fondé.

26.      Ainsi que la Cour l’a rappelé, à cet égard, le seul fait qu’il considère comme fondé un moyen invoqué par la partie requérante ne permet pas au Tribunal d’annuler automatiquement l’acte attaqué dans son intégralité. Une annulation intégrale ne saurait être retenue lorsqu’il apparaît de toute évidence que ledit moyen, visant uniquement un aspect spécifique de l’acte contesté, n’est susceptible d’asseoir qu’une annulation partielle (16).

27.      Principalement dans des procédures à caractère administratif, le principe d’économie de procédure plaide également en faveur d’une annulation simplement partielle d’actes de l’Union en cas de doute, car cela permet d’éviter une éventuelle répétition de la procédure administrative et une éventuelle nouvelle procédure judiciaire, ou, à tout le moins, d’en limiter l’objet. En outre, spécialement dans les affaires d’ententes, une répétition de la procédure administrative pourrait, selon le cas, entrer en conflit avec le principe ne bis in idem (17). Par ailleurs, l’annulation seulement partielle de décisions prises par la Commission se concilie davantage avec l’exigence d’une application effective des règles de concurrence de l’Union (18) qu’une annulation intégrale desdites décisions.

28.      Toutefois, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte (exigence dite «de séparabilité») (19). Ce caractère détachable fait défaut lorsque l’annulation partielle de l’acte attaqué aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (20).

29.      Il s’ensuit que, dans l’exercice de ses pouvoirs au titre de l’article 264, premier alinéa, TFUE, le Tribunal pouvait annuler dans son intégralité la décision litigieuse en ce qui concerne Coppens, dans la mesure où une annulation partielle aurait modifié la substance de cette décision, ce qui doit s’évaluer à l’aune de critères objectifs (21).

30.      À cet égard, le Tribunal n’a malheureusement pas apporté de précisions concrètes dans l’arrêt attaqué. Il a simplement retenu que la Commission tient Coppens pour responsable en raison de sa prétendue participation à une infraction unique et continue, bien que seule la participation de Coppens à l’un des trois éléments constitutifs de cette entente globale, à savoir le système des devis de complaisance, ait pu être établie (22).

31.      Il semble que le Tribunal, à l’instar de Coppens, ait considéré que, dans sa substance, la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue se distingue fondamentalement de la commission d’une «simple» infraction à l’article 81 CE ou à l’article 101 TFUE qui l’a remplacé.

32.      Or, tel n’est pas le cas.

33.      La constatation de la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue comporte certes un «plus» par rapport à la simple constatation de la participation de cette entreprise à un ou plusieurs éléments de cette infraction. Cependant, cela ne signifie absolument pas qu’une entente globale serait un aliud par rapport aux accords particuliers qui constituent celle-ci. Les différences sont plutôt de simples différences de degré.

34.      La constatation d’une infraction unique et continue aboutit dans un cas tel que celui qui nous occupe à ce que la participation aux faits de chacun des participants à l’entente peut être imputée à l’ensemble des autres participants, comme complices en quelque sorte, même s’ils n’ont pas eux-mêmes pris une part active à chacun des éléments de l’entente globale.

35.      Une telle imputation suppose, selon une jurisprudence constante, qu’il soit établi que l’entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (23).

36.      En d’autres termes, une imputation réciproque de participations aux faits est possible lorsque chaque participant à l’entente savait ou aurait dû savoir que, par sa propre action, il s’intégrait dans une entente globale et contribuait par son comportement aux objectifs anticoncurrentiels communs poursuivis par l’ensemble des participants à l’entente (24). L’importance et la gravité de chaque participation aux faits par rapport à l’entente globale peuvent être prises en considération de manière individuelle pour chaque participant à l’entente lors de la détermination de l’amende (25).

37.      Si une telle imputation réciproque échoue parce qu’un participant n’avait, comme en l’occurrence, pas connaissance de l’existence de l’entente globale et ne pouvait pas non plus raisonnablement la prévoir, cela n’implique cependant nullement qu’il faille automatiquement affranchir celui-ci de toute sanction. Rien ne s’oppose au contraire à ce que l’intéressé continue d’être tenu pour responsable en raison des accords particuliers auxquels il est dûment établi qu’il a activement participé (26) et qui avaient le même objet anticoncurrentiel.

38.      En effet, la simple circonstance que plusieurs accords anticoncurrentiels peuvent être considérés comme une infraction unique et continue n’exclut pas que chacun de ces accords puisse constituer en lui-même également une violation de l’article 81 CE ou de l’article 101 TFUE (27). Le Tribunal le reconnaît d’ailleurs tout à fait, sans toutefois en tirer les conclusions qui s’imposent pour son arrêt (28).

39.      Ainsi que la Commission le relève à juste titre, tant l’entente globale que les accords particuliers sur lesquels celle-ci repose ont le même objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE ou de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (29). S’agissant du cartel des déménageurs en Belgique, cet objet anticoncurrentiel commun consistait à fixer de façon directe et indirecte des prix pour les services de déménagements internationaux en Belgique, à se répartir une partie de ce marché et à manipuler la procédure faisant appel à la soumission d’offres (30). Ledit objet a trouvé expression tant dans les accords particuliers que dans l’entente globale.

40.      Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu de craindre en l’espèce qu’une annulation seulement partielle de la décision litigieuse, uniquement en tant qu’elle tenait Coppens pour responsable en raison d’une participation à l’entente globale, modifiât la substance de ladite décision. L’annulation partielle aurait plutôt eu pour effet qu’une infraction ayant le même objet anticoncurrentiel que l’entente globale continue d’être imputée à Coppens, quoique de manière désormais limitée à sa participation active à une simple partie de l’entente, à savoir le système des devis de complaisance.

41.      Tout bien considéré, le Tribunal aurait donc dû, conformément à l’article 264, premier alinéa, TFUE, n’annuler qu’en partie la décision litigieuse. En annulant ladite décision dans son intégralité en ce qui concerne Coppens, le Tribunal a commis une erreur de droit.

42.      Par conséquent, le pourvoi de la Commission étant fondé, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

V –    Examen du recours en annulation de Coppens

43.      En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

44.      En l’espèce, le Tribunal n’a examiné dans son arrêt qu’une partie des moyens invoqués par Coppens en première instance. Dans une telle situation, il peut y avoir lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue de nouveau (31). Cette démarche n’est cependant pas obligatoire. L’économie de procédure plaide plutôt pour que la Cour statue elle-même définitivement sur le litige chaque fois que le dossier est complet, que la Cour dispose des éléments nécessaires et que les parties ont pu présenter leurs observations sur l’ensemble des points pertinents (32).

45.      Or, tel est précisément le cas en l’espèce. D’une part, pour l’essentiel, les faits sont constants et ne nécessitent pas de plus amples explications. D’autre part, tant en première instance que dans le cadre du pourvoi, les parties ont eu suffisamment l’occasion d’échanger devant les juridictions de l’Union leurs points de vue sur tous les éléments pertinents aux fins de la solution du présent litige.

46.      C’est pourquoi nous proposons à la Cour d’exercer son droit d’évocation et de statuer elle-même définitivement sur le litige.

A –    Sur la constatation de la participation de Coppens à l’infraction

47.      La participation de Coppens à l’infraction a été établie à l’article 1er, sous i), de la décision litigieuse pour la période allant du 13 octobre 1992 au 29 juillet 2003. Coppens a contesté cela en première instance en soulevant, en substance, trois griefs que nous aborderons ci‑après dans un ordre différent de celui dans lequel ils ont été présentés.

48.      En premier lieu, l’entreprise fait valoir qu’il n’y a aucune preuve du comportement anticoncurrentiel qui lui est imputé pour les années 1994 et 1995.

49.      En fait, la décision litigieuse ne comporte aucun élément de preuve spécifique démontrant que Coppens aurait, au cours des années 1994 et 1995, elle-même établi des devis de complaisance ou demandé de tels devis à d’autres participants à l’entente. La Commission a expressément reconnu qu’elle ne dispose pas de telles preuves. Ce n’est que pour les années 1992 et 1993 ainsi que pour les années 1996 à 2003 que les preuves requises existent.

50.      Cette circonstance permet cependant tout au plus de déduire que, au cours des années 1994 et 1995, Coppens n’a pas activement participé à la mise en œuvre de l’accord sur les devis de complaisance. Le cas échéant, cela peut être pris en considération lors de la détermination du montant de l’amende (33).

51.      En revanche, il ne semble pas que l’on doive aller au-delà et conclure que, au cours des années 1994 et 1995, Coppens se serait complètement retirée de l’entente et n’aurait dès lors commis aucune infraction. En effet, la seule circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats de concertations ou d’accords ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter la responsabilité de cette entreprise du fait de sa participation à l’entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (34). À cet égard, il incombe à l’entreprise concernée d’avancer les éléments pertinents (35).

52.      Or, en l’espèce, Coppens n’a à aucun moment expliqué de manière circonstanciée que, spécialement au cours des années 1994 et 1995, elle s’était distanciée publiquement de l’accord sur le système des devis de complaisance. Du reste, une telle distanciation ne paraît guère plausible, dans la mesure où, pour les années suivantes, il existe de nouveau de nombreuses preuves d’une participation active de Coppens au système de devis de complaisance.

53.      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission, en ce qui concerne la «lacune» des années 1994 et 1995, d’avoir considéré qu’il s’agissait non pas d’un arrêt complet de la participation de Coppens à l’entente, mais simplement d’une non‑participation passagère de Coppens à la mise en œuvre de l’entente. Il s’ensuit que le premier grief de Coppens doit être rejeté.

54.      En deuxième lieu, Coppens reproche à la Commission que le poids relatif de sa participation à l’entente n’a pas été dûment pris en compte.

55.      Cependant, ce grief, lui non plus, ne concerne pas la constatation de l’infraction en tant que telle, mais peut tout au plus jouer un rôle pour le montant de l’amende. Dans le présent contexte, il est en tout cas dépourvu de pertinence.

56.      En troisième lieu, Coppens conteste la qualification de sa participation à l’entente globale en tant qu’infraction unique et continue.

57.      Ce dernier grief doit être retenu. Certes, il est constant que Coppens a activement participé au système anticoncurrentiel de devis de complaisance, la Commission ayant produit à cet égard au total 67 preuves qui n’ont pas été contestées par Coppens. Une participation plus importante de Coppens à l’entente globale n’a cependant pas pu être établie. En effet, ni dans la décision litigieuse ni dans la procédure qui s’est déroulée devant les juridictions de l’Union, la Commission n’a apporté quelque élément indiquant que Coppens – abstraction faite des devis de complaisance – avait connaissance du comportement illicite des autres participants à l’entente globale ou qu’elle pouvait raisonnablement le prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (36). En tenant néanmoins Coppens pour responsable en tant que participant à l’entente globale, la Commission a dès lors commis une erreur manifeste d’appréciation.

58.      Ainsi que Coppens le relève à juste titre, cette erreur d’appréciation ne peut pas être corrigée simplement en réduisant le montant de l’amende fixé à l’article 2, sous k), de la décision litigieuse. Au contraire, ladite erreur doit, en outre, être également prise en compte en ce qui concerne la détermination de l’infraction à l’article 1er, sous i), de la décision litigieuse. C’est en effet non seulement la sanction, mais également le comportement anticoncurrentiel en soi sur lequel cette sanction se fonde qui doit être correctement consigné dans le dispositif de la décision litigieuse. Sinon, la condamnation émanant de la décision litigieuse à l’encontre de l’entreprise concernée irait au-delà de ce qui peut être légalement reproché à celle-ci. Cela pourrait, d’une part, avoir une incidence négative sur la réputation de l’entreprise et, d’autre part, nuire à celle-ci en ce qui concerne les actions civiles de tiers ainsi que dans le cadre de futures procédures en matière d’entente (37).

59.      L’erreur d’appréciation de la Commission ne justifie cependant pas, comme nous l’avons déjà exposé plus haut (38), une annulation intégrale de la décision litigieuse en ce qui concerne Coppens. Au contraire, conformément aux dispositions de l’article 264, premier alinéa, TFUE, il n’y a lieu d’annuler la décision litigieuse que dans la mesure où, au-delà de la participation de Coppens au système de devis de complaisance, elle retient la participation de Coppens à une infraction unique et continue, c’est-à-dire à l’entente globale.

B –    Sur la révision du montant de l’amende

60.      L’annulation partielle que nous proposons en ce qui concerne l’article 1er, sous i), de la décision litigieuse implique qu’il y a lieu également de statuer à nouveau sur l’amende fixée à l’article 2, sous k), de ladite décision. Dans le cadre de son droit d’évocation que lui confère l’article 61, premier alinéa, de son statut, la Cour dispose à cet égard d’une compétence de pleine juridiction, telle que prévue à l’article 261 TFUE lu en combinaison avec l’article 31 du règlement (CE) no 1/2003 (39). Elle peut donc librement déterminer le nouveau montant de l’amende (40).

1.      Point de départ pour le calcul de l’amende

61.      Le montant de base de l’amende devrait être fixé par référence à la valeur des ventes du service pertinent réalisées par Coppens durant la dernière année complète de la participation à l’infraction (41). Pour Coppens, il s’agit du chiffre d’affaires réalisé en 2002 sur le marché des services de déménagements internationaux en Belgique, dont le montant incontesté s’élevait à 58 338 euros (42). Cela permet ainsi de prendre en compte au mieux la taille et l’importance relatives des différentes entreprises sur le marché en cause, comme cela a été itérativement réclamé notamment par Coppens.

2.      Gravité et durée de l’infraction

62.      L’entente dans le secteur des déménagements constitue une infraction très grave que les entreprises impliquées ont commise «en fixant de façon directe et indirecte des prix pour les services de déménagements internationaux en Belgique, en se répartissant une partie de ce marché et en manipulant la procédure faisant appel à la soumission d’offres» (43).

63.      L’argument de Coppens, selon lequel sa participation au système de devis de complaisance serait moins grave que la participation d’autres entreprises aux accords sur les prix et au système de compensations financières, ne convainc guère dans ce contexte. En effet, ainsi que la Commission le relève à juste titre, un système de devis de complaisance est également de nature à fausser profondément la concurrence, à renchérir les prix des services concernés et, partant, à porter en fin de compte un préjudice considérable au consommateur. Il ne s’agit donc nullement d’une infraction vénielle.

64.      Coppens ne saurait non plus exciper du fait qu’elle n’aurait joué qu’un rôle relativement limité au sein du système des devis de complaisance. Il est en effet constant que Coppens a établi des devis de complaisance dans 67 cas, c’est-à-dire plus souvent que la plupart des autres participants à l’entente (44). On observera, en outre, que Coppens ne s’est pas bornée à établir elle-même des devis de complaisance, mais qu’elle a de son côté également demandé à plusieurs reprises de tels devis à d’autres participants à l’entente. Coppens a, dès lors, participé tant activement que passivement, de manière substantielle, au système des devis de complaisance.

65.      Peu importe, par ailleurs, de savoir à combien de reprises Coppens a elle-même remporté, grâce au système des devis de complaisance, le marché pour un déménagement (45). En règle générale, l’établissement de devis de complaisance comporte en effet le risque d’une distorsion de concurrence et de prix plus élevés, quelle que soit la personne qui remporte un contrat donné. Il peut dès lors y avoir atteinte à la concurrence et donc, en définitive, au consommateur même lorsque, dans le cas particulier considéré, le résultat escompté par les participants à l’entente n’est pas tout à fait atteint.

66.      Dans ces conditions, s’agissant du cartel des déménageurs, le facteur qui a été retenu par la Commission, à savoir 17 % du chiffre d’affaires pertinent (46), nous semble susceptible en principe de refléter le degré de gravité de l’infraction lors du calcul de l’amende. De même, le facteur de dissuasion qui a été en outre retenu par la Commission à hauteur d’un montant additionnel de 17 % du chiffre d’affaires pertinent (47) est, selon nous, approprié (48); Coppens ne l’a d’ailleurs pas contesté de façon circonstanciée au cours de la procédure contentieuse.

67.      Aucune erreur de droit commise par la Commission en ce qui concerne la durée de l’infraction de Coppens (49) n’ayant pu être constatée, le calcul du montant de l’amende infligée à Coppens devrait se fonder, conformément aux constatations figurant dans la décision litigieuse, sur une période de dix ans et neuf mois, ce qui correspond à un facteur multiplicateur de onze (50).

68.      On obtient ainsi un montant de base de l’amende s’élevant à 119 009,52 euros, qui peut être arrondi à 119 000 euros (51).

3.      Réduction de l’amende

69.      Il convient cependant de prendre en considération que, en l’espèce, il n’a pas pu être établi que Coppens a participé au cartel des déménageurs en tant qu’entente globale, sous la forme d’une infraction unique et continue (52). Au contraire, il est uniquement possible de lui imputer une implication dans le système anticoncurrentiel des devis de complaisance. Ainsi que la Commission l’admet elle-même, cela doit mener à une réduction de l’amende.

70.      Il serait concevable de réduire tout simplement de moitié le montant de base qui a été déterminé. Après tout, au cours de la période durant laquelle Coppens a participé à l’entente, le système des devis de complaisance représentait l’un des deux éléments constitutifs de l’entente globale qui étaient encore mis en œuvre à l’époque et qui, compte tenu de leur gravité et de leurs conséquences, devraient avoir à peu près la même importance (53).

71.      Toutefois, selon nous, une telle approche ne tiendrait pas suffisamment compte du fait qu’une entente globale représente davantage que la somme des éléments qui la composent. C’est précisément en raison de sa complexité particulière et de l’interaction de plusieurs accords particuliers dans une structure d’ensemble que l’entente globale est spécialement de nature à porter atteinte à la concurrence. L’infraction d’une entreprise qui participe à une entente globale est, par conséquent, relativement bien plus grave que la simple participation de cette même entreprise à un ou à plusieurs des éléments qui composent ladite entente.

72.      C’est la raison pour laquelle il nous paraîtrait approprié en l’espèce d’imputer à Coppens nettement moins de la moitié du montant de base qui a été calculé et, plus précisément, environ un tiers, soit 39 600 euros.

73.      Il conviendrait, en outre, de tenir compte du fait que, pour les années 1994 et 1995, c’est-à-dire durant deux ans sur près de onze ans, il n’existe aucune preuve de la participation active de Coppens à la mise en œuvre du système de devis de complaisance. Certes, cela ne devrait pas aboutir à une impunité totale pour les années considérées, puisque, au cours de cette période, Coppens devait encore être considérée comme étant membre de l’entente (54). Toutefois, une réduction supplémentaire du montant de base de l’ordre de la moitié environ du montant correspondant à cette période de deux ans, soit une réduction d’un peu moins de 10 %, paraîtrait raisonnable. L’amende s’établirait ainsi à 35 900 euros.

74.      La Commission n’ayant par ailleurs pris en compte aucune circonstance aggravante ou atténuante et de telles circonstances n’ayant pas non plus été invoquées dans la procédure devant les juridictions de l’Union, toute autre augmentation ou réduction de l’amende qui a été calculée ne s’impose pas.

75.      Notons simplement que l’amende ainsi obtenue n’excède pas non plus le plafond légal de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé par Coppens (55) (article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003).

76.      S’agissant, enfin, du principe de proportionnalité qui a été invoqué par Coppens, celui-ci veut que le montant de l’amende soit proportionné à la nature, à la gravité et à la durée de l’infraction constatée (56). Coppens s’étant rendue coupable d’une infraction très grave durant de nombreuses années, il paraît tout à fait approprié que l’amende fixée absorbe une bonne part de son chiffre d’affaires annuel sur le marché en cause des déménagements internationaux, qui ne représente, du reste, qu’une partie relativement faible du chiffre d’affaires annuel total de Coppens en services de déménagement.

4.      Conclusion intermédiaire

77.      Après avoir pris en compte, une nouvelle fois, l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment la nature, la gravité et la durée de l’infraction ainsi que la taille relative de Coppens sur le marché en cause, une amende s’élevant à 35 900 euros semble proportionnée tant au comportement de l’entreprise qu’à sa faute. Elle ne soulève notamment aucun doute au regard du principe de proportionnalité.

VI – Sur les dépens

78.      En vertu de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

79.      Conformément aux dispositions combinées des articles 69, paragraphe 3, et 118 du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Or, tel est le cas en l’occurrence. La Commission réussit certes à faire prévaloir son point de critique principal dans la procédure de pourvoi, mais en l’espèce, selon la solution que nous proposons, Coppens a, avec son recours en annulation, largement gain de cause devant la Cour. Dans ces conditions, il semble juste de procéder à une appréciation globale des dépens des deux instances, Coppens étant condamnée à supporter un tiers de ses propres dépens et le surplus des dépens étant mis à la charge de la Commission.

VII – Conclusion

80.      Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 juin 2011, Verhuizingen Coppens/Commission (T-210/08), est annulé.

2)      L’article 1er, sous i), de la décision C(2008) 926 final de la Commission, du 11 mars 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.543 – Services de déménagements internationaux), est annulé, dans la mesure où il constate, au-delà de la participation de Verhuizingen Coppens NV au système de devis de complaisance, la participation de celle-ci à une infraction unique et continue.

3)      Le montant de l’amende infligée à Verhuizingen Coppens NV à l’article 2, sous k), de la décision C(2008) 926 final est fixé à 35 900 euros.

4)      Verhuizingen Coppens NV supportera un tiers de ses propres dépens dans les deux instances. La Commission européenne supportera le surplus des dépens.


1 –      Langue originale: l’allemand.


2 – Une question en substance analogue est, du reste, également soulevée dans l’affaire Commission/Aalberts Industries e.a. (C-287/11 P), pendante devant la Cour.


3 – Décision de la Commission du 11 mars 2008 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 du traité EEE (Affaire COMP/38.543 – Services de déménagements internationaux), notifiée sous le numéro C(2008) 926 final. Cette décision a fait l’objet d’une publication sommaire (JO 2009, C 188, p. 16). Le texte intégral de ladite décision n’est disponible que sur le site Internet de la Commission, Direction générale de la concurrence, dans une version non confidentielle en langue française (à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/cases/index.html).


4 – Arrêt Verhuizingen Coppens/Commission (T‑210/08, Rec. p. II‑3713, ci-après l’«arrêt attaqué»).


5 – Affaires Gosselin Group/Commission et Stichting Administratiekantoor Portielje (C-429/11 P); Ziegler/Commission (C‑439/11 P); Commission/Gosselin Group et Stichting Administratiekantoor Portielje (C-440/11 P), ainsi que Team Relocations e.a./Commission (C‑44/11 P), pendantes devant la Cour.


6 – Allied Arthur Pierre, Compas, Coppens, Gosselin Group NV, Interdean, Mozer, Putters International NV, Team Relocations NV, Transworld et Ziegler SA (voir, notamment, point 345 des motifs de la décision litigieuse).


7 – Ces périodes allaient de trois mois à plus de 18 ans.


8 – Voir, plus particulièrement, points 307, 314 et 345 des motifs de la décision litigieuse.


9 – Voir, à cet égard, point 121 des motifs de la décision litigieuse et points 10 à 12 de l’arrêt attaqué.


10 – Voir, à cet égard, points 123 à 153 des motifs de la décision litigieuse.


11 – Voir, en ce sens, article 1er de la décision litigieuse.


12 – Ces amendes allaient de 1 500 euros à 9 200 000 euros.


13 – Voir point 31 de cet arrêt.


14 – Outre l’arrêt attaqué, voir, à cet égard, arrêts du Tribunal du 16 juin 2011, Ziegler/Commission (T-199/08, Rec. p. II‑3507); Team Relocations e.a./Commission (T-204/08 et T‑212/08, Rec. p. II‑3569); Gosselin Group et Stichting Administratiekantoor Portielje/Commission (T-208/08 et T‑209/08, Rec. p. II‑3639), ainsi que Putters International/Commission (T-211/08, Rec. p. II‑3729).


15 – Voir également, à cet égard, arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C-295/07 P, Rec. p. I-9363, point 103).


16 – Arrêt Commission/Département du Loiret (précité à la note 15, point 104).


17 – Conformément à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le principe ne bis in idem interdit non seulement que l’intéressé puisse être de nouveau puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été condamné par un jugement définitif, mais également qu’il puisse de nouveau être poursuivi en raison de l’allégation d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté de manière définitive. On pourrait considérer que l’on se trouve en présence d’un tel «acquittement» lorsque les juridictions de l’Union annulent de manière définitive une décision de la Commission, en se fondant, à cet égard, sur des considérations non seulement de procédure, mais également de fait ou de fond.


18 – Sur l’importance fondamentale que revêtent les règles de concurrence des traités pour le fonctionnement du marché intérieur, voir, notamment, arrêts du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, Rec. p. I-3055, point 36), ainsi que du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C‑453/99, Rec. p. I-6297, point 20). Plus récemment, l’importance de l’application effective de ces règles a été également soulignée dans les arrêts du 11 juin 2009, X (C-429/07, Rec. p. I‑4833, points 34, 35 et 37); du 7 décembre 2010, VEBIC (C-439/08, Rec. p. I‑12471, spécialement points 59 et 61), ainsi que du 14 juin 2011, Pfleiderer (C‑360/09, Rec. p. I‑5161, point 19).


19 – Arrêts du 28 juin 1972, Jamet/Commission (37/71, Rec. p. 483, point 11); du 31 mars 1998, France e.a./Commission (C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, point 257); du 10 décembre 2002, Commission/Conseil (C-29/99, Rec. p. I-11221, point 45); du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil (C-244/03, Rec. p. I-4021, point 12); du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C-540/03, Rec. p. I-5769, point 27); Commission/Département du Loiret (précité à la note 15, point 105), ainsi que du 29 mars 2012, Commission/Estonie (C-505/09 P, point 111).


20 – Arrêts France e.a./Commission (précité à la note 19, points 258 et 259); France/Parlement et Conseil (précité à la note 19, point 13); Parlement/Conseil (précité à la note 19, point 28), ainsi que Commission/Département du Loiret (précité à la note 15, point 106).


21 – Arrêts du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission (C-239/01, Rec. p. I-10333, point 37); France/Parlement et Conseil (précité à la note 19, point 14), ainsi que Commission/Estonie (précité à la note 19, point 121).


22 – Points 33 à 35 de l’arrêt attaqué.


23 – Arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 83, 87 et 203), ainsi que du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C‑205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 83). Voir, également, dans un sens analogue, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C‑205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 143), où il est question de l’«approbation tacite d’une initiative illicite», conduisant à une «complicité» et à un «mode passif de participation à l’infraction».


24 – Voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni (précité à la note 23, point 87).


25 – Voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic Partecipazioni (précité à la note 23, point 90), ainsi que Aalborg Portland e.a./Commission (précité à la note 23, point 86). S’agissant du présent cas d’espèce, voir points 69 à 72 des présentes conclusions.


26 – En l’occurrence, selon les constatations du Tribunal, la participation de Coppens à un système de devis de complaisance est démontrée (voir, particulièrement, point 28 et, à titre complémentaire, point 36 de l’arrêt attaqué).


27 – Voir, dans le même sens – pour le cas de figure inverse – arrêts Commission/Anic Partecipazioni (précité à la note 23, point 81), ainsi que Aalborg Portland e.a./Commission (précité à la note 23, point 258).


28 – Point 36 de l’arrêt attaqué.


29 – Voir également, en ce sens, arrêts Commission/Anic Partecipazioni (précité à la note 23, point 82), ainsi que Aalborg Portland e.a./Commission (précité à la note 23, points 258 et 259).


30 – Article 1er de la décision litigieuse ainsi que points 15 et 30 de l’arrêt attaqué.


31 – Voir, notamment, arrêts du 20 février 1997, Commission/Daffix (C-166/95 P, Rec. p. I-983, point 41); du 18 juillet 2007, AER/Karatzoglou (C-213/06 P, Rec. p. I‑6733, point 47), ainsi que du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 190).


32 – Voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne (C‑104/97 P, Rec. p. I-6983, point 69); du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (C-395/96 P et C-396/96 P, Rec. p. I-1365, point 148); du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission (C‑15/06 P, Rec. p. I‑2591, point 41), ainsi que du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C‑326/05 P, Rec. p. I-6557, point 71).


33 – Arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I-8375, point 510); Aalborg Portland e.a./Commission (précité à la note 23, point 85), ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission (précité à la note 23, point 145).


34 – Arrêts du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission (C-291/98 P, Rec. p. I-9991, point 50); Aalborg Portland e.a./Commission (précité à la note 23, point 85), ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission (précité à la note 23, point 144).


35 – Voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic Partecipazioni (précité à la note 23, point 96); Aalborg Portland e.a./Commission (précité à la note 23, point 81), ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission (précité à la note 23, point 142).


36 – Voir, à cet égard, points 3 et 12 ainsi que jurisprudence citée à la note en bas de page 23 des présentes conclusions.


37 – Dans le cadre d’une future procédure antitrust, la question pourrait notamment se poser de savoir si une entreprise doit ou non être qualifiée de récidiviste.


38 – Voir, à cet égard, points 22 à 41 des présentes conclusions.


39 – Règlement du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).


40 – Arrêts Commission/Anic Partecipazioni (précité à la note 23, point 218), et du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission (C-167/04 P, Rec. p. I-8935, point 244). Voir, également, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I-8417, points 141 et 142); du 16 novembre 2000, Weig/Commission (C-280/98 P, Rec. p. I-9757, point 83), ainsi que Sarrió/Commission (précité à la note 34, point 102).


41 – Selon la jurisprudence, la fixation d’une amende appropriée ne peut être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global. Voir arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 120 et 121); du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (C-397/03 P, Rec. p. I-4429, point 100), ainsi que, à titre complémentaire, arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission (T-77/92, Rec. p. II-549, points 94 et 95).


42 – Voir, à cet égard, point 540 des motifs de la décision litigieuse.


43 – Article 1er de la décision litigieuse.


44 – Voir, à cet égard, point 237 des motifs de la décision litigieuse.


45 – Coppens indique qu’elle n’a pour sa part réussi à l’emporter que dans 23 % des cas.


46 – Point 543 des motifs de la décision litigieuse.


47 – Points 555 et 556 des motifs de la décision litigieuse.


48 – Il est reconnu dans la jurisprudence qu’un facteur de dissuasion peut s’appliquer. Voir arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission (précité à la note 41, point 106); du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission (C-289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 16), ainsi que du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C-413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 102).


49 – Voir points 48 à 53 des présentes conclusions.


50 – Voir, à cet égard, point 547 des motifs de la décision litigieuse.


51 – Les calculs de la Commission vont dans le même sens (voir point 558 des motifs de la décision litigieuse).


52 – À cet égard, voir points 3 et 12 ainsi que jurisprudence citée à la note en bas de page 23 des présentes conclusions.


53 – Selon les constatations de la Commission, ce n’est que jusqu’en mai 1990 que les accords sur les prix ont été mis en œuvre en tant que troisième élément constitutif de l’entente globale (voir point 8 des présentes conclusions).


54 – Voir points 48 à 53 des présentes conclusions.


55 – Voir, à cet égard, point 605 des motifs de la décision litigieuse, où le chiffre d’affaires pertinent de Coppens pour l’année 2006 est évalué à 1 046 318 euros.


56 – Au sujet de la prise en considération du principe de proportionnalité lors du calcul d’amendes, voir, de manière générale, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission (précité à la note 23, point 319).