Language of document : ECLI:EU:T:2012:164

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 mars 2012 (*)

« Aides d’État — Prêt consenti à une compagnie aérienne et pouvant être imputé sur ses capitaux propres — Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun — Vente d’actifs d’une compagnie aérienne — Décision constatant l’absence d’aide au terme de la phase préliminaire d’examen — Recours en annulation — Qualité pour agir — Partie intéressée — Recevabilité — Difficultés sérieuses — Compétence — Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑123/09,

Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Mes E. Vahida et I.‑G. Metaxas-Maragkidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, D. Grespan et Mme E. Righini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri et M. P. Gentili, avvocati dello Stato,

et par

Alitalia — Compagnia Aerea Italiana SpA, établie à Fiumicino (Italie), représentée par Mes G. M. Roberti, G. Bellitti et I. Perego, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2009/155/CE de la Commission, du 12 novembre 2008, concernant le prêt de 300 millions d’euros consenti par l’Italie à la compagnie Alitalia C 26/08 (ex NN 31/08) (JO 2009 L 52, p. 3), et une demande d’annulation de la décision C (2008) 6745 final de la Commission, du 12 novembre 2008, ayant pour objet l’aide d’État N 510/2008 — Italie — Vente des actifs de la compagnie aérienne Alitalia,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Alitalia SpA est une société de transport aérien détenue à 49,9 % par l’État italien.

2        En décembre 2006, à la suite de plusieurs tentatives infructueuses de redressement de la situation financière d’Alitalia et de recherches d’alliances internationales, les autorités italiennes ont décidé de vendre leur participation au capital d’Alitalia. Le 29 décembre 2006, le ministère de l’Économie et des Finances italien a publié un appel à manifestation d’intérêt. Cette procédure a, toutefois, été close le 18 juillet 2007 sans avoir abouti, les offres présentées ayant été retirées.

3        En septembre 2007, Alitalia a nommé une banque en tant que conseiller financier pour déterminer d’éventuels partenaires pour Alitalia. Parmi les offres reçues, celle présentée par Air France-KLM a été considérée par le conseil d’administration d’Alitalia comme la plus appropriée. Toutefois, en l’absence d’accord avec les organisations syndicales, Air France-KLM a retiré son offre le 21 avril 2008.

4        Lors d’une réunion qui s’est tenue le 23 avril 2008, les autorités italiennes ont informé la Commission des Communautés européennes que le Conseil des ministres italien avait approuvé, par le decreto-legge no 80, Misure urgenti per assicurare il pubblico servizio di trasporto aereo (décret-loi no 80, portant mesures urgentes pour assurer le service public du transport aérien) (GURI no 97, du 24 avril 2008, p. 5, ci-après le « décret-loi no 80 »), adopté à la même date, l’octroi par la République italienne d’un prêt de 300 millions d’euros à Alitalia.

A –  Procédure administrative

5        N’ayant pas reçu de notification préalablement à l’octroi par la République italienne d’un prêt de 300 millions d’euros à Alitalia, la Commission a demandé aux autorités italiennes, par lettre du 24 avril 2008 et en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), de confirmer l’existence d’un tel prêt, de fournir toute information utile permettant d’apprécier une telle mesure au regard des articles 87 CE et 88 CE ainsi que de suspendre l’octroi dudit prêt et de l’informer des mesures prises pour se conformer à cette obligation au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE.

6        Le 29 avril 2008, la requérante, Ryanair Ltd, a déposé une plainte au titre de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 659/1999 auprès de la Commission, concernant l’existence d’une aide d’État au profit d’Alitalia sous forme de prêt consenti par les autorités italiennes à cette dernière.

7        Par lettre du 20 mai 2008, la Commission a indiqué à la requérante qu’elle avait sollicité, par lettre du 24 avril 2008, des renseignements de la part des autorités italiennes et allait mener une enquête sur la base de ceux-ci ainsi que des informations fournies dans le cadre de la plainte.

8        Par lettre du 30 mai 2008, les autorités italiennes ont informé la Commission de l’adoption, le 27 mai 2008, du decreto-legge no 93, Disposizioni urgenti per salvaguardare il potere di acquisto delle famiglie (décret-loi no 93, portant dispositions urgentes pour sauvegarder le pouvoir d’achat des ménages) (GURI no 124, du 28 mai 2008, p. 3, ci-après le « décret-loi no 93 »), prévoyant la faculté pour Alitalia d’imputer le montant du prêt sur ses capitaux propres. À la même date, la requérante a saisi la Commission d’une nouvelle plainte concernant la conversion du prêt de 300 millions d’euros consenti par les autorités italiennes à Alitalia en capital propre.

9        Le 3 juin 2008, les autorités italiennes ont entrepris de nouvelles démarches en vue de trouver un ou plusieurs acquéreurs pour Alitalia, par le decreto-legge no 97, Disposizioni urgenti in materia di monitoraggio e trasparenza dei meccanismi di allocazione della spesa pubblica, nonche’ in materia fiscale e di proroga di termini (décret-loi no 97, portant dispositions urgentes en matière de surveillance et de transparence des mécanismes d’allocation des dépenses publiques ainsi qu’en matière fiscale et en matière de prorogation des délais) (GURI no 128, du 3 juin 2008, p. 5, ci-après le « décret-loi no 97 »). Il s’agissait de sélectionner une ou plusieurs sociétés qui seraient chargées de promouvoir de manière exclusive, pour des tiers ou pour leur compte propre, la présentation d’une offre pour acquérir le contrôle d’Alitalia. Au terme de la procédure de sélection en cause, le Conseil des ministres italien a sélectionné une banque à cette fin.

B –  Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE

10      Par lettre du 12 juin 2008, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision du 11 juin 2008 d’ouvrir la procédure formelle d’examen, en application de l’article 88, paragraphe 2, CE, sur les mesures relatives au prêt de 300 millions d’euros consenti par celles-ci à Alitalia qui avait été approuvé par le décret-loi no 80 et à la possibilité pour celle-ci d’imputer le montant dudit prêt sur ses capitaux propres, prévue par le décret-loi no 93. À la même date, la Commission a répondu à la deuxième plainte de la requérante en l’informant de l’adoption de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen susmentionnée et en l’invitant à soumettre des observations.

11      Le 18 août 2008, la requérante a présenté ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.

12      Par l’adoption du decreto-legge no 134, Disposizioni urgenti in materia di ristrutturazione di grandi imprese in crisi (décret-loi no 134, portant dispositions urgentes en matière de restructuration des grandes entreprises en crise) (GURI no 201, du 28 août 2008, p. 3, ci-après le « décret-loi no 134 »), certaines modifications ont été apportées à la procédure d’administration extraordinaire pour les entreprises particulièrement grandes actives dans le secteur des services publics essentiels.

13      Par dérogation au decreto legislativo no 270, Nuova disciplina dell’amministrazione straordinaria delle grandi imprese in stato di insolvenza, a norma dell’articolo 1 della legge 30 luglio 1998, no 274 (décret législatif no 270, portant nouveau régime de l’administration extraordinaire des grandes entreprises en état d’insolvabilité, conformément à l’article 1er de la loi no 274 du 30 juillet 1998) (GURI no 185, du 9 août 1999, p. 11, ci-après le « décret législatif no 270 »), qui s’applique aux entreprises en difficulté en Italie, était permise l’admission immédiate des entreprises exerçant leur activité dans le secteur des services publics essentiels à la procédure d’administration extraordinaire, avant que celles-ci ne soient déclarées insolvables. Était, par ailleurs, prévue l’option de redressement desdites entreprises par une cession de leurs actifs selon une procédure de gré à gré à des acquéreurs pouvant garantir une continuité du service à moyen terme, la rapidité d’intervention et le respect des exigences prévues par la législation italienne et les traités ratifiés par la République italienne. Cette possibilité était toutefois assortie d’une obligation de vérification de la conformité du prix de vente des actifs par rapport au prix du marché par un expert indépendant nommé par le ministère du Développement économique italien.

14      Le 29 août 2008, Alitalia a demandé au Tribunale di Roma (Tribunal de Rome) de constater qu’elle se trouvait en situation de cessation de paiements. Elle a été placée sous administration extraordinaire par décret du président du Conseil des ministres italien de la même date.

15      Le 1er septembre 2008, la Compagnia Aerea Italiana SpA (ci-après la « CAI ») a présenté une offre préliminaire non définitive pour l’acquisition de certains actifs des sociétés du groupe dont faisait partie Alitalia (ci-après le « groupe Alitalia »), subordonnée à l’accord des organisations syndicales sur le recrutement d’anciens membres du personnel dudit groupe à de nouvelles conditions de travail.

16      Par décret ministériel du 4 septembre 2008 et conformément à l’article 1er, paragraphe 4 quater, du décret-loi no 134, une banque a été nommée en tant qu’expert indépendant afin de vérifier la conformité du prix de vente des actifs par rapport au prix du marché. À la même date, un comité de surveillance a été institué, ayant pour fonction, notamment, de donner son accord sur les cessions d’actifs proposées par le commissaire extraordinaire.

17      Le 14 septembre 2008, CAI a retiré son offre préliminaire, à la suite de l’échec des négociations avec les organisations syndicales.

18      Le 15 septembre 2008, la procédure d’administration extraordinaire a été étendue à l’ensemble du groupe Alitalia.

19      Le 22 septembre 2008, le commissaire extraordinaire a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour la reprise de la totalité des actifs du groupe Alitalia, lequel a été publié le lendemain dans la presse nationale et internationale. Dans ledit appel à manifestation d’intérêt, il indiquait son intention de procéder à la vente desdits actifs selon une procédure de gré à gré. Les acquéreurs potentiels étaient invités à se manifester auprès de lui avant le 30 septembre 2008.

20      Le 25 septembre 2008, la CAI a réitéré son offre non définitive aux mêmes conditions que l’offre présentée le 1er septembre (voir point 15 ci-dessus), en précisant que ladite offre était valable jusqu’au 15 octobre 2008, échéance par la suite repoussée au 31 octobre 2008.

21      Le 2 octobre 2008, la requérante a saisi la Commission d’une troisième plainte concernant l’adoption du décret-loi nº 134 et d’autres mesures relatives à la vente des actifs du groupe Alitalia.

22      Par lettre du 14 octobre 2008, les autorités italiennes ont notifié à la Commission le processus de vente des actifs du groupe Alitalia, tout en lui demandant, pour des motifs de sécurité juridique, de confirmer que :

–        la procédure d’administration extraordinaire décrite dans la notification n’impliquait pas l’octroi d’aides d’État aux acquéreurs des actifs cédés ;

–        l’acquisition éventuelle par des parties tierces de certains actifs d[u groupe] Alitalia, sur la base d’une offre déjà formulée, n’impliquait pas des éléments de continuité économique avec l’entreprise placée sous administration extraordinaire de nature à induire le transfert des dettes d’Alitalia vers l’acquéreur, et notamment l’obligation de récupération des aides d’État illégales et incompatibles octroyées à Alitalia.

23      Parallèlement à cette notification et outre la troisième plainte de la requérante (voir point 21 ci-dessus), la Commission a reçu trois plaintes déposées par d’autres compagnies aériennes et l’Association européenne des compagnies aériennes à bas coût (ELFAA).

24      Le 27 octobre 2008, le décret-loi no 134 a été converti en legge no 166, Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 28 agosto 2008, no 134, recante disposizioni urgenti in materia di ristrutturazione di grandi imprese in crisi (loi no 166, portant conversion en loi, avec modifications, du décret-loi no 134) (GURI no 252, du 27 octobre 2008, p. 4).

25      Par lettre du 30 octobre 2008, la requérante a saisi la Commission d’une plainte complémentaire, dénonçant certaines mesures qu’elle qualifiait d’inquiétantes, à savoir, notamment, l’augmentation de la taxe municipale d’embarquement pour chaque passager au départ d’aéroports italiens à 3 euros, dans le but, selon elle, pour les autorités italiennes, de financer le versement d’indemnités de licenciement aux anciens employés d’Alitalia, ainsi qu’un prétendu conflit d’intérêt dévoilé par la presse entre certains actionnaires de la CAI et certains actionnaires de l’expert indépendant, qui seraient identiques.

26      Le 31 octobre 2008, la CAI a présenté au commissaire extraordinaire une offre ferme pour le rachat de certains actifs relatifs à l’activité de transport aérien de passagers d’Alitalia. Cette offre a été transmise à la Commission par les autorités italiennes le 3 novembre 2008.

C –  Décisions attaquées

1.     Décision concernant le prêt consenti à Alitalia

27      Par décision 2009/155/CE, du 12 novembre 2008, concernant le prêt de 300 millions d’euros consenti par l’Italie à la compagnie Alitalia C 26/08 (ex NN 31/08) (JO 2009 L 52, p. 3, ci-après la « première décision attaquée »), adoptée à l’issue de la procédure formelle d’examen, au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission a déclaré que ledit prêt, dont le montant a pu être imputé sur les capitaux propres d’Alitalia, constituait une aide d’État illégale et incompatible avec le marché commun et a ordonné sa récupération auprès de son bénéficiaire. Une copie de cette décision a été adressée à la requérante le 14 janvier 2009 et a été reçue par celle-ci le 20 janvier 2009.

28      La Commission a tout d’abord relevé que le prêt de 300 millions d’euros consenti par la République italienne à Alitalia était de nature à lui conférer un avantage économique moyennant des ressources d’État, lequel, compte tenu de sa situation financière gravement compromise, tant au jour de l’octroi du prêt par le décret-loi no 80 qu’à celui de l’adoption du décret-loi no 93, n’aurait pas été consenti par un investisseur privé avisé. Par ailleurs, elle a indiqué que le taux d’intérêt accordé, la quasi-simultanéité du retrait de l’offre d’Air France-KLM et de l’octroi dudit prêt ainsi que l’absence d’autre perspective de reprise et d’intervention financière des actionnaires privés d’Alitalia concomitante à celle des autorités italiennes étaient de nature à renforcer cette conclusion. Elle en a déduit que lesdites autorités ne s’étaient pas comportées comme un actionnaire avisé poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle, guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme des capitaux investis que celles d’un investisseur ordinaire.

29      La Commission a ainsi conclu que le prêt de 300 millions d’euros consenti par la République italienne à Alitalia, dont le montant pouvait être imputé sur les capitaux propres de cette dernière, constituait une aide illégale, n’ayant pas fait l’objet de notification préalable, et incompatible avec le marché commun. Elle a en outre constaté que ladite mesure ne relevait ni des dérogations prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE, ni de celles prévues par les lignes directrices de la Commission relatives à l’application des articles [87 CE] et [88] CE et de l’article 61 de l’accord EEE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation (JO 1994, C 350, p. 5), telles que complétées par les lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1).

30      Enfin, la Commission a estimé que, bien qu’Alitalia puisse être qualifiée d’entreprise en difficulté, la mesure en cause ne pouvait être déclarée compatible avec le marché commun en application des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2). Par conséquent, les autorités italiennes devaient prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer cette aide auprès de son bénéficiaire, à savoir Alitalia.

31      Le dispositif de la première décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Le prêt de 300 millions d’euros consenti à Alitalia et pouvant être imputé sur ses capitaux propres, mis à exécution par l’Italie en violation de l’article 88, paragraphe 3, [CE], est incompatible avec le marché commun.

Article 2

1. [La République italienne] est tenue de se faire rembourser l’aide visée à l’article 1er par le bénéficiaire. 

2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts qui courent à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu’à leur récupération effective.

[…].

Article 3

1. La récupération de l’aide visée à l’article 1er est immédiate et effective.

2. [La République italienne] veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Italie communique les informations suivantes à la Commission :

a)      le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire ;

b)      une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision ;

c)      les documents démontrant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l’aide.

2. [La République italienne] tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 1er. [Elle] transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. [Elle] fournit aussi des informations détaillées concernant les montants de l’aide et les intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

[…] »

2.     Décision concernant la vente d’actifs d’Alitalia

32      Par décision C (2008) 6745 final, du 12 novembre 2008, ayant pour objet l’aide d’État N 510/2008 — Italie — Vente des actifs de la compagnie aérienne Alitalia (ci-après la « deuxième décision attaquée »), adoptée à l’issue d’une phase préliminaire d’examen, au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, la Commission a déclaré que, la mesure notifiée, telle que modifiée par les engagements pris par les autorités italiennes et définis dans cette décision, n’impliquait pas l’octroi d’aides d’État aux acquéreurs, sous réserve du respect intégral desdits engagements par la République italienne, selon lesquels la vente des actifs du groupe Alitalia serait réalisée au prix du marché.

33      En premier lieu, la Commission a, tout d’abord, rappelé, aux paragraphes 21 à 43 de la deuxième décision attaquée, le cadre juridique de la procédure d’administration extraordinaire à laquelle a été soumis le groupe Alitalia ainsi que le rôle des différents acteurs impliqués dans celle-ci. Ensuite, aux paragraphes 44 à 75 de ladite décision, elle a analysé la procédure de vente d’actifs, en tenant compte, premièrement, de l’information du marché des différentes étapes de la vente et de l’appel à manifestation d’intérêt (paragraphes 44 à 52) ; deuxièmement, des offres reçues pour l’acquisition des actifs du groupe Alitalia et, en particulier, de celle présentée par la CAI (paragraphes 53 à 69) ; troisièmement, des critères retenus pour l’évaluation des offres et, notamment, l’engagement pris par les autorités italiennes selon lequel le principal critère serait celui de la conformité du prix offert avec le prix du marché (paragraphes 70 à 72) ; et, quatrièmement, des aspects relatifs aux ressources humaines (paragraphes 73 et 74). En outre, la Commission a examiné la mission et le rôle du mandataire chargé du contrôle de l’opération de la vente d’actifs du groupe Alitalia. Ce dernier devait être nommé par les autorités italiennes pour veiller à ce que la procédure notifiée par celles-ci soit pleinement et effectivement appliquée et à ce que la vente d’actifs intervienne au prix du marché, conformément aux engagements pris par la République italienne. À cet égard, il devait rendre des rapports exhaustifs à la Commission (paragraphes 76 à 89).

34      En second lieu, la Commission a procédé, aux paragraphes 92 à 151 de la deuxième décision attaquée, à l’appréciation de la mesure relative à la vente d’actifs. Son appréciation a porté, d’une part, sur l’examen de l’existence d’une aide d’État en faveur des acquéreurs des actifs du groupe Alitalia (paragraphes 92 à 127) et, d’autre part, sur le risque de contournement de l’obligation de récupération d’une aide illégale et incompatible (paragraphes 128 à 151).

35      Dans le cadre du premier volet de son appréciation, la Commission a confirmé que la procédure d’administration extraordinaire ne conduisait pas à l’octroi d’une aide en faveur des acquéreurs. En effet, après avoir relevé, au paragraphe 104 de la deuxième décision attaquée, à l’issue de l’examen du caractère ouvert, transparent et non discriminatoire de la procédure notifiée, que cette dernière ne présentait pas un degré de transparence suffisant pour garantir en lui-même un prix de marché, elle a néanmoins conclu, au paragraphe 117 de ladite décision, que pareille procédure aboutirait à une vente au prix du marché, dès lors que cette procédure reposait sur une évaluation indépendante, par des acteurs indépendants. De plus, elle a relevé, aux paragraphes 119, 122 et 126 de cette décision, que ladite procédure ne conduisait pas à imposer des obligations de puissance publique aux acquéreurs des actifs du groupe Alitalia susceptibles de remettre en cause l’objectif de vente au prix du marché, tant en ce qui concerne les ressources humaines que les conditions d’exploitation de l’activité de transport aérien. Ainsi, elle a conclu, au paragraphe 127 de la même décision que, sous réserve de la stricte application des engagements pris par les autorités italiennes, la mesure notifiée devrait conduire à vendre les actifs du groupe Alitalia au prix du marché.

36      Dans le cadre du second volet de son appréciation, la Commission a conclu, au paragraphe 137 de la deuxième décision attaquée, que, compte tenu de l’étendue de la vente d’actifs et de la parcellisation des offres présentées par des acquéreurs potentiels, la procédure mise en œuvre par la République italienne n’impliquait pas une continuité économique entre Alitalia et les acquéreurs de ses actifs. Toutefois, elle a estimé au paragraphe 138 de ladite décision que, concernant l’offre présentée par la CAI, le risque de continuité économique méritait un examen plus approfondi, eu égard au large périmètre d’actifs concernés par l’offre. Compte tenu de l’absence d’identité des actionnaires de la CAI et d’Alitalia, de l’étendue différente et du caractère plus réduit des activités de la CAI par rapport à celles d’Alitalia, de la stratégie industrielle propre de la CAI ainsi que de la condition selon laquelle la cession doit s’effectuer au prix du marché, qui ont été relevés aux paragraphes 140 à 145 de cette décision, elle a ensuite conclu, aux paragraphes 147 et 149 de la même décision, à l’absence de continuité économique entre Alitalia et la CAI. En conséquence, elle a constaté, aux paragraphes 151 à 156 de la décision en cause, que, sous réserve du respect intégral des engagements pris par la République italienne selon lesquels la vente se réaliserait au prix du marché, la procédure notifiée n’avait pour effet ni de contourner l’obligation de récupération par la République italienne en vertu de la première décision attaquée, ni d’octroyer des aides d’État aux acquéreurs d’Alitalia.

37      Partant, la Commission a décidé que la mesure notifiée, telle que modifiée par les engagements pris par les autorités italiennes, ne constituait pas une aide, dans la mesure où ces engagements seraient entièrement respectés.

 Procédure

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mars 2009, la requérante a introduit le présent recours.

39      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 23 juillet et 7 août 2009, la République italienne et Alitalia — Compagnia Aerea Italiana (ci-après « Alitalia‑CAI ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

40      Par ordonnances des 16 septembre et 19 octobre 2009, le président de la huitième chambre a fait droit aux demandes d’intervention de la République italienne et d’Alitalia‑CAI.

41      Par acte du 11 août 2010, Alitalia‑CAI a demandé l’autorisation d’utiliser l’italien lors de la procédure orale, conformément à l’article 35, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, ce qui lui a été accordé.

42      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

43      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et de poser certaines questions aux parties.

44      Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 13 avril 2011, les parties entendues, la procédure a été suspendue au titre de l’article 77, sous a), du règlement de procédure, jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑83/09 P, Commission/Kronoply et Kronotex.

45      Par acte du 19 avril 2011, la requérante a sollicité l’adoption de mesures d’organisation de la procédure, au titre des articles 49 et 64 du règlement de procédure, visant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de produire certains documents.

46      L’arrêt de la Cour Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, Rec. p. I‑4441) ayant été prononcé le 24 mai 2011, la procédure dans la présente affaire a été reprise. Le Tribunal a décidé de recueillir les observations des parties sur les conséquences à tirer de cet arrêt sur la recevabilité du présent recours, lors de l’audience.

47      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 5 et 6 juin 2011, Alitalia‑CAI et la Commission ont déposé des observations sur la demande de mesures d’organisation de la procédure de la requérante.

48      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 30 juin 2011.

 Conclusions des parties

49      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la première décision attaquée dans la mesure où elle n’ordonne pas la récupération de l’aide auprès des successeurs d’Alitalia et accorde à la République italienne un délai supplémentaire pour mettre en œuvre cette décision ;

–        annuler la deuxième décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

51      Alitalia‑CAI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

52      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

D –  Sur la demande en annulation de la deuxième décision attaquée

1.     Sur la recevabilité

53      La requérante soutient qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE et qu’elle est recevable à introduire un recours en annulation contre la deuxième décision attaquée, parce que, en tant que concurrente d’Alitalia et de la CAI, ses intérêts ont été affectés par l’octroi du prêt à Alitalia et par le transfert des actifs de cette dernière à la CAI. Elle indique, par ailleurs, que, par le biais de son recours, elle tend à sauvegarder ses droits procéduraux, compte tenu du fait que l’annulation de la deuxième décision attaquée aurait pour effet l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Elle affirme, enfin, que sa position sur le marché a été substantiellement affectée par ladite décision.

54      Sans soulever une exception d’irrecevabilité formelle, la Commission, soutenue par Alitalia‑CAI, fait valoir que le recours n’est recevable que dans la mesure où la requérante tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder ses droits procéduraux, eu égard à sa qualité de plaignante et de concurrente des « sociétés engagées dans le processus de vente des actifs d[u groupe] Alitalia ». En revanche, elle estime que, dans la mesure où la requérante met en cause le bien-fondé de la deuxième décision attaquée, à supposer même que celle-ci puisse être considérée comme « intéressée » au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, cela ne saurait suffire pour déclarer le recours recevable, sauf à démontrer qu’elle jouit d’un statut particulier de sorte que sa position sur le marché a été substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de cette décision, ce qui n’a pas été établi en l’espèce.

55      La République italienne estime que le recours est irrecevable dans son ensemble, la requérante n’ayant pas démontré que la deuxième décision attaquée entraîne des conséquences directes sur sa position concurrentielle.

56      À titre liminaire, il convient de rappeler que, même si, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, les parties intervenantes n’ont pas qualité pour soulever des conclusions qui ne vont pas dans le sens de celles soulevées par la partie soutenue, s’agissant d’une fin de non-recevoir d’ordre public, il convient d’examiner d’office la recevabilité du recours, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, points 21 à 24).

57      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

58      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 20, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 14).

59      Il doit d’emblée être rappelé que l’article 4 du règlement no 659/1999 instaure une phase préliminaire d’examen des mesures d’aide notifiées qui a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause. À l’issue de cette phase, la Commission constate que cette mesure soit ne constitue pas une aide, soit entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE. Dans cette dernière hypothèse, ladite mesure peut ne pas susciter de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun ou, au contraire, en susciter (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 43).

60      Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle adopte une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 44).

61      Lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections, elle déclare non seulement la mesure compatible avec le marché commun, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 45).

62      Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 46).

63      La légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Dès lors que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 47).

64      Partant, la qualité particulière de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, liée à l’objet spécifique du recours, suffit pour individualiser, selon l’article 230, quatrième alinéa, CE, le requérant qui conteste une décision de ne pas soulever d’objections (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 48).

65      Aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, il faut entendre par partie intéressée notamment toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes du bénéficiaire de cette aide. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires (voir arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 63, et la jurisprudence citée).

66      Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission dispose, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, Rec. p. I‑5963, point 35). Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, point 46 supra, point 59).

67      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient de vérifier si la requérante dispose de la qualité pour agir en annulation contre la deuxième décision attaquée.

68      En l’espèce, il convient de relever que la deuxième décision attaquée est une décision adoptée à l’issue de la phase préliminaire d’examen, au titre de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, par laquelle la Commission a constaté que la mesure notifiée n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE et ne constituait donc pas une aide. Force est également de constater que, par cette décision, la Commission a refusé implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 61 à 64 et 66 ci-dessus, concernant une décision adoptée sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, par laquelle la Commission avait décidé de ne pas soulever d’objections, il y a lieu de considérer que toute partie intéressée doit être considérée comme étant directement et individuellement concernée par une décision constatant l’absence d’aide au terme de la phase préliminaire d’examen. En effet, même si pareille décision a été adoptée sur la base du paragraphe 2 de l’article 4, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision constatant l’absence d’aide au terme de la phase préliminaire d’examen. En outre, en ce qui concerne les décisions conduisant à ne pas ouvrir de procédure formelle d’examen, la qualité pour agir en annulation ne saurait dépendre de la base juridique sur le fondement de la laquelle ces décisions ont été adoptées.

69      Il y a lieu, dès lors, de vérifier si la requérante a établi à suffisance de droit qu’elle est, en l’espèce, une partie intéressée.

70      À cet égard, la requérante indique qu’elle est présente dans 22 aéroports italiens et que ses activités se recoupent avec celles d’Alitalia‑CAI sur 29 « combinaisons domestiques ou internationales », telles que Rome-Venise et Rome-Madrid. De plus, en dépit du fait qu’elle n’opère pas depuis les mêmes aéroports, elle fait valoir qu’elle propose des vols depuis et à destination des mêmes villes qu’Alitalia‑CAI. Elle soutient par ailleurs que, en tant que concurrente d’Alitalia et de la CAI, ses intérêts seraient affectés par le transfert des actifs du groupe Alitalia à la CAI, le transfert en question ayant permis à la CAI la reprise de l’activité de transport de passagers aérien d’Alitalia à des conditions extrêmement favorables, tout en évitant le retrait d’Alitalia du marché.

71      Or, de tels éléments ne sont pas contestés par la Commission et établissent à suffisance de droit l’existence d’un lien de concurrence avec Alitalia sur le marché italien et international de transport aérien de passagers.

72      En outre, l’argument des parties intervenantes selon lequel, la requérante étant une compagnie aérienne à bas coûts (low-cost), il serait difficile d’envisager qu’elle se soit trouvée en position singulière de manière à reprendre les liaisons effectuées par une compagnie aérienne traditionnelle telle qu’Alitalia, ne saurait remettre en cause le fait que les parties sont concurrentes sur le marché italien et international de transport aérien de passagers. En effet, il ressort de la jurisprudence que, aux fins de l’examen de la recevabilité, il suffit de constater que la requérante est une concurrente du bénéficiaire des mesures étatiques dénoncées, dans la mesure où ces deux entreprises exploitent, directement ou indirectement, des services réguliers de transport aérien de passagers à partir ou à destination d’aéroports italiens, notamment d’aéroports régionaux (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Air One/Commission, T‑395/04, Rec. p. II‑1343, point 38).

73      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante est une partie intéressée en tant qu’entreprise concurrente du bénéficiaire de la prétendue aide d’État — que ce bénéficiaire soit Alitalia ou la CAI, comme elle l’allègue — dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi de cette aide. Cette qualité particulière de partie intéressée liée à l’objet spécifique du recours tel que décrit au point 68 ci-dessus suffit à l’individualiser, conformément à la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus. Partant, le présent recours en ce qu’il est dirigé contre la deuxième décision attaquée est recevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments de la requérante qui sont relatifs à l’affectation substantielle de sa position concurrentielle par la mesure notifiée.

2.     Sur l’objet du contrôle du Tribunal

74      S’agissant de l’objet du contrôle devant être effectué par le Tribunal, il y a lieu de préciser qu’un requérant, lorsqu’il tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de l’article 88, paragraphe 2, CE, peut invoquer n’importe lequel des motifs énumérés à l’article 230, deuxième alinéa, CE, pour autant qu’ils visent à l’annulation de la décision attaquée et, en définitive, à l’ouverture par la Commission de la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE. En revanche, il n’appartient pas au Tribunal, à ce stade de la procédure d’examen d’une aide par la Commission, de se prononcer sur l’existence d’une aide ou sur sa compatibilité avec le marché commun (arrêt du Tribunal du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, Rec. p. II‑199, point 66).

75      Or, selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 111).

76      Cela est d’autant plus vrai qu’il est de jurisprudence constante que, lorsque la Commission ne peut pas acquérir la conviction, à la suite d’un premier examen dans le cadre de la procédure de l’article 88, paragraphe 3, CE, que la mesure étatique en question, soit ne constitue pas une « aide » au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité, ou lorsque cette procédure ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, cette institution est dans l’obligation d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE « sans disposer à cet égard d’une marge d’appréciation ». Cette obligation est d’ailleurs expressément confirmée par les dispositions combinées des articles 4, paragraphe 4, et 13, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 (arrêt British Aggregates/Commission, point 75 supra, point 113).

77      Il convient de rappeler, à cet égard, également que, conformément à la jurisprudence, la notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun (arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 47 ; voir, en ce sens, arrêt du tribunal du 18 septembre 1995, SIDE/Commission, T‑49/93, Rec. p. II‑2501, point 60). La partie requérante supporte la charge de la preuve de l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elle peut rapporter à partir d’un faisceau d’indices concordants, relatifs, d’une part, aux circonstances et à la durée de la phase préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée (arrêt du Tribunal du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T‑36/06, Rec. p. II‑537, point 127).

78      Si elle ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire quant à la décision d’engager la procédure formelle d’examen, lorsqu’elle constate l’existence de telles difficultés, la Commission jouit néanmoins d’une certaine marge d’appréciation dans la recherche et dans l’examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des difficultés sérieuses. Conformément à la finalité de l’article 88, paragraphe 3, CE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut, notamment, engager un dialogue avec l’État notifiant ou des tiers afin de surmonter, au cours de la phase préliminaire d’examen, des difficultés éventuellement rencontrées (arrêts Prayon-Rupel/Commission, point 77 supra, point 45, et Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 77 supra, point 126). Or, cette faculté présuppose que la Commission puisse adapter sa position en fonction des résultats du dialogue engagé, sans que cette adaptation doive être a priori interprétée comme établissant l’existence de difficultés sérieuses (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, Rec. p. II‑4739, point 139).

79      Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la phase préliminaire d’examen constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, Rec. p. II‑4227, point 57, et la jurisprudence citée).

80      En l’espèce, la deuxième décision attaquée ayant été adoptée sans ouverture de la phase formelle d’examen, la Commission ne pouvait donc légalement l’adopter que si l’examen préliminaire ne révélait pas de difficultés sérieuses. En effet, si de telles difficultés existaient, ladite décision pourrait être annulée pour ce seul motif, en raison de l’omission de l’examen contradictoire et approfondi prévu par le traité CE, même s’il n’était pas établi que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, en ce sens, arrêt British Aggregates e.a./Commission, point 79 supra, point 58).

81      Il convient donc d’examiner l’ensemble des moyens soulevés par la requérante visant à l’annulation de la deuxième décision attaquée, afin d’apprécier, notamment, s’ils permettent d’identifier des difficultés sérieuses en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, point 91, et du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié au Recueil, points 67 et 77).

3.     Sur le fond

82      La requérante invoque sept moyens à l’appui de son recours en ce qu’il vise l’annulation de la deuxième décision attaquée.

83      Le premier moyen est tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, en dépit des difficultés sérieuses prétendument rencontrées par la Commission. Il y a lieu de relever, en outre, que, dans le cadre du premier moyen, la requérante cite dix erreurs qui entacheraient l’examen de la Commission. Elle indique que cette liste — qu’elle qualifie de « non exhaustive » — de lacunes ou de carences viciant la deuxième décision attaquée démontre que l’étendue et la complexité de l’examen effectué par la Commission justifiait l’ouverture d’une procédure formelle d’examen. Dans la mesure où ces prétendues erreurs ou lacunes se rattachent aux autres moyens soulevés dans le présent recours, il conviendra de les examiner dans le cadre de l’appréciation relative à ceux-ci.

84      Le deuxième moyen est tiré du défaut de compétence de la Commission pour adopter une décision conditionnelle d’absence d’aide après avoir effectué un simple examen préliminaire. Dans le cadre de ce moyen, la requérante soulève également certains arguments qui n’ont pas trait à la compétence de la Commission pour adopter la deuxième décision attaquée, mais qui méritent une appréciation quant au fond, à savoir le caractère prétendument irréaliste des engagements pris par la République italienne selon lesquels la vente des actifs du groupe Alitalia se ferait au prix du marché.

85      Le troisième moyen, divisé en trois branches, est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation du fait de l’absence prétendue d’examen par la Commission de l’ensemble des caractéristiques pertinentes des mesures litigieuses dans leur contexte ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation par la Commission, eu égard à l’absence de justification de cette omission.

86      Le quatrième moyen, divisé en deux branches, est tiré d’une erreur de droit, la Commission ayant prétendument ignoré les options autres que la vente des actifs du groupe Alitalia, ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation par la Commission, eu égard à l’absence de justification de cette omission.

87      Le cinquième moyen, divisé en cinq branches, est tiré du défaut d’application du critère de l’investisseur privé opérant dans les conditions normales d’une économie de marché à la vente d’actifs.

88      Le sixième moyen est tiré d’une erreur d’identification de la partie devant rembourser l’aide.

89      Le septième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne, notamment, les aspects lacunaires de l’examen de la Commission invoqués par la requérante dans le cadre des troisième et quatrième moyens, à savoir, d’une part, l’absence d’examen de l’ensemble des caractéristiques des mesures dans leur contexte et, d’autre part, le défaut d’avoir examiné d’autres options que la vente d’actifs.

90      Aux fins de l’examen des moyens exposés ci-dessus, il convient d’opérer une distinction en les classant dans trois catégories, selon qu’ils visent à faire constater l’incompétence de la Commission pour adopter la deuxième décision attaquée, la violation de l’obligation d’ouverture de la procédure formelle d’examen par cette dernière ou la violation de l’obligation de motivation.

91      Il y a donc lieu d’examiner, tout d’abord, le deuxième moyen, tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter la deuxième décision attaquée, puis, de manière successive, les moyens tirés de la violation de l’obligation d’ouverture de la procédure formelle d’examen — à savoir les deux premières branches du troisième moyen, la première branche du quatrième moyen, le cinquième moyen, le sixième moyen, le premier moyen ainsi que les arguments invoqués dans le cadre du deuxième moyen concernant le caractère irréaliste des engagements pris par les autorités italiennes — et, enfin, les moyens tirés de la violation de l’obligation de motivation — à savoir, le septième moyen, les deuxième et troisième branches du troisième moyen et la deuxième branche du quatrième moyen.

a)     Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de compétence pour la Commission d’adopter une décision conditionnelle après un examen préliminaire

92      La requérante met en cause le fondement sur lequel la deuxième décision attaquée a été adoptée, à savoir l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, lequel ne permettrait pas à la Commission d’adopter une décision « conditionnelle » d’absence d’aide à la suite d’une simple enquête préliminaire, mais uniquement à l’issue d’une procédure formelle d’examen, au titre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, en liaison avec une constatation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Elle fait valoir en outre que, eu égard au dispositif de la deuxième décision attaquée, la constatation de l’absence d’aide dépend d’un évènement incertain, à savoir le respect d’un nombre d’engagements comportementaux par les autorités italiennes qui seraient semblables aux conditions découlant de décisions prises par la Commission au titre de l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement. Elle indique, enfin, que, selon la jurisprudence, l’incompétence de l’institution qui a adopté l’acte attaqué représente un moyen d’annulation d’ordre public qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union.

93      Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, qu’au terme de la phase préliminaire d’examen et conformément à l’article 4, paragraphes 2 à 4, du règlement no 659/1999, la Commission peut prendre trois types de décisions. Elle peut constater soit que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, soit que la mesure, bien que constituant une aide, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun (dite « décision de ne pas soulever d’objections »), soit qu’elle suscite des doutes et décider d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Il convient de relever, ensuite, que la Commission a le pouvoir d’adopter une décision positive, au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 659/1999 (constatant, le cas échéant, après la modification par l’État membre concerné, qu’une mesure est compatible avec le marché commun), et de l’assortir de conditions lui permettant de reconnaître la compatibilité de ladite mesure avec le marché commun et d’obligations lui permettant de contrôler le respect de cette décision, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de ce même règlement.

94      Ainsi, force est de relever que, à la différence des décisions prises au terme de la phase préliminaire d’examen, comme la deuxième décision attaquée, l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 659/1999 concerne des décisions positives, par lesquelles la Commission constate l’existence d’une aide, au titre de l’article 87, paragraphe 1, CE, qu’elle déclare ensuite compatible avec le marché commun. Cette disposition n’est pas applicable en l’espèce, dès lors que la Commission a conclu que la mesure notifiée, compte tenu des engagements pris par la République italienne, ne constitue pas une aide d’État et donc n’entre pas dans le champ de l’article 87, paragraphe 1, CE.

95      Il s’ensuit que la deuxième décision attaquée ne peut être qualifiée de décision conditionnelle, au sens de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, imposant des conditions ou des obligations à l’État membre, ni de décision qui impose des modifications au projet notifié, mais, ainsi que l’a soutenu la Commission, de décision tenant compte des engagements comportementaux pris volontairement par l’État lors de la phase de notification de la mesure litigieuse afin de clarifier certains points. Dès lors, ces engagements font partie intégrante de la mesure notifiée, ce qui ressort d’ailleurs du dispositif de la deuxième décision attaquée.

96      Partant, contrairement à ce que le soutient la requérante, la Commission est compétente pour adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, une décision, telle que la deuxième décision attaquée, par laquelle, tout en constatant l’absence d’aide d’État, elle prend acte des engagements pris par l’État membre.

97      Le deuxième moyen doit, par conséquent, être rejeté comme non fondé.

b)     Sur les moyens tirés de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen

98      S’agissant de cette catégorie de moyens, il y a lieu de déterminer, en l’espèce, au regard des griefs formulés dans chacun des moyens, si l’examen effectué par la Commission était de nature à écarter la présence de difficultés sérieuses, de sorte à légitimer la décision de non-ouverture de la procédure formelle d’examen. À cet égard, il y a lieu d’examiner, successivement, les griefs formulés dans le cadre du troisième moyen, ceux formulés dans le cadre du quatrième moyen, ceux formulés dans le cadre du cinquième moyen, ceux formulés dans le cadre du sixième moyen et, en dernier lieu, ceux formulés dans le cadre du premier moyen, dans le cadre duquel seront examinés également les arguments de la requérante invoqués dans le cadre du deuxième moyen, n’ayant pas trait à la compétence, mais portant sur le caractère prétendument irréaliste des engagements pris par les autorités italiennes.

 Sur les griefs formulés dans le cadre du troisième moyen, tiré de l’absence d’examen par la Commission de toutes les caractéristiques pertinentes des mesures dans leur contexte

99      Le troisième moyen est subdivisé en trois branches. Les première et deuxième branches sont tirées d’une erreur manifeste d’appréciation, du fait du défaut d’examen de l’ensemble de la procédure d’administration extraordinaire et des circonstances d’adoption des amendements apportés à ladite procédure par la Commission. La troisième branche est tirée d’une violation de l’obligation de motivation de la Commission du fait d’avoir omis de justifier ledit défaut d’examen.

100    Il convient d’examiner ensemble les griefs formulés dans le cadre des deux premières branches du troisième moyen.

101    Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que celle-ci n’a pas examiné si la procédure d’administration extraordinaire, dérogeant aux règles de droit commun en matière de faillite, avait donné lieu à l’octroi d’une aide en elle-même, mais s’est contentée d’examiner certaines modifications de la procédure introduites par le décret-loi no 134. Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant de ne pas examiner les circonstances entourant l’adoption des amendements à la procédure d’administration extraordinaire et, en particulier, les mesures permettant de soustraire Alitalia et la CAI aux charges de main-d’œuvre relatives au chômage et à la sécurité sociale qui faisaient, selon la requérante, partie intégrante du plan pour la vente des actifs du groupe Alitalia et représentaient une condition posée par les syndicats et la CAI pour leur accord à ce plan.

102    Il importe de relever, à titre liminaire, s’agissant de l’examen effectué par la Commission lors de la phase d’examen préliminaire, que celle-ci est tenue d’examiner l’ensemble des éléments de fait et de droit que les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi de l’aide ont porté à sa connaissance (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 51). C’est donc à la lumière tant des informations notifiées par l’État concerné que de celles fournies par les éventuels plaignants que l’institution doit former son appréciation dans le cadre de l’examen préliminaire institué par l’article 88, paragraphe 3, du traité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I‑3175, point 35).

103    Il convient également de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts de la Cour du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 54, et du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763, point 91).

104    Il y a lieu, en outre, de rappeler que la Commission n’est pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis lors de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 102 supra, point 60).

105    S’agissant des griefs formulés dans le cadre de la première branche, force est de constater que, ainsi qu’il a été relevé aux points 33 et 34 ci-dessus, la Commission a, d’une part, examiné le cadre législatif régissant la procédure d’administration extraordinaire et le rôle des différents acteurs sur lesquels cette procédure reposait et, d’autre part, apprécié la mesure de vente d’actifs par le biais de l’appel à manifestation d’intérêt et d’une procédure de gré à gré au regard du régime dérogatoire au droit commun instauré par le décret-loi no 134.

106    En effet, il ressort tout d’abord du paragraphe 39 de la deuxième décision attaquée que la Commission a examiné si l’expertise menée conformément au décret-loi no 134 était indépendante, compte tenu de la parcellisation de l’actionnariat de l’établissement auquel elle a été confiée entre plusieurs établissements financiers (ceux détenant la majeure partie du capital étant des établissements étrangers), de manière à ce qu’aucun des actionnaires ne détienne un pourcentage de parts suffisant pour influer sur la décision portant sur l’évaluation.

107    En outre, même si la deuxième décision attaquée ne contient pas de référence quant aux détails de la vérification de la conformité du prix de vente des actifs par rapport au prix du marché par l’expert indépendant, elle contient néanmoins les éléments permettant de conclure que la vente devait avoir lieu au prix du marché. De même, il convient de relever que les autorités italiennes ont pris un certain nombre d’engagements pour encadrer l’action des différents acteurs impliqués dans la procédure de vente d’actifs, dont la Commission a pris acte dans la deuxième décision attaquée afin de s’assurer que l’évaluation de l’offre ne conduise pas à la détermination d’un prix inférieur à celui du marché.

108    De plus, le seul fait que la Commission ne disposait pas des rapports d’experts au moment de l’adoption de la deuxième décision attaquée ne saurait suffire, à lui seul, pour établir que cette dernière n’a pas effectué un examen complet ou suffisant en ce qui concerne la procédure d’administration extraordinaire, d’autant plus que ces rapports n’avaient pas vocation à lui être transmis. En l’espèce, ces rapports ont été transmis au commissaire extraordinaire les 5 et 7 novembre 2008, lequel devait rendre son rapport final au mandataire chargé du contrôle de l’opération. Ce dernier était, en outre, tenu de vérifier, notamment, les appréciations faites par les experts indépendants.

109    Enfin, il ressort du paragraphe 62 de la deuxième décision attaquée que la Commission disposait de l’offre de la CAI transmise par les autorités italiennes le 3 novembre 2008, laquelle a fait l’objet d’une analyse aux paragraphes 58 à 69 de ladite décision. Or, la Commission s’est exclusivement prononcée sur le caractère indépendant de l’évaluation de l’offre de la CAI par l’expert indépendant, et non sur les résultats de ladite évaluation. Ces derniers devaient être transmis au commissaire extraordinaire auquel revenait la décision finale sur la cession d’actifs. Il ressort également de la deuxième décision attaquée que les conclusions desdits rapports sur l’offre de la CAI devaient en tout cas être confirmées par un mandataire chargé du contrôle de l’opération de vente d’actifs, lequel devait être nommé par les autorités italiennes afin de contrôler le respect des engagements pris par ces dernières et, notamment, de l’engagement selon lequel la vente des actifs aurait lieu au prix du marché. Enfin, ledit mandataire devait adresser à la Commission des rapports périodiques détaillés portant sur le respect du processus notifié et sur le respect des engagements par la République italienne ainsi que, deux semaines après sa nomination, un rapport exhaustif quant à la conformité de l’offre de la CAI avec le prix du marché. Selon le paragraphe 157 de cette décision, dans l’hypothèse où les autorités italiennes ne respecteraient pas les termes de ladite décision, la Commission se réservait le droit d’ouvrir la procédure formelle d’examen, au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE.

110    Au vu de ce qui précède, en ce qui concerne la procédure d’administration extraordinaire, il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir mené un examen insuffisant ou incomplet lors de la phase préliminaire d’examen quant aux règles dérogeant au droit commun en matière de faillite.

111    S’agissant des griefs formulés dans le cadre de la deuxième branche, force est de relever, premièrement, en ce qui concerne les réductions de charges et les autres avantages prétendument accordés par la législation italienne à la CAI, en matière de chômage et de sécurité sociale, que, ainsi qu’il ressort du paragraphe 73 de la deuxième décision attaquée, les autorités italiennes ont confirmé à la Commission que le personnel d’Alitalia ne bénéficiait d’aucun droit de recrutement par la CAI, qui était libre d’acquérir les actifs avec ou sans le personnel qui leur était associé, selon le paragraphe 119 de ladite décision. Ainsi, il est difficile de concevoir de quelle manière la CAI aurait été allégée par la charge de financement de prestations chômage accordées aux employés licenciés d’Alitalia, telles que celles prévues par le décret-loi no 134.

112    Par ailleurs, il ressort des paragraphes 68 et 120 de la deuxième décision attaquée que, si la CAI devait recruter le personnel indispensable à son activité opérationnelle, compte tenu des compétences nécessaires à l’exploitation des actifs acquis, ce recrutement interviendrait selon des conditions nouvelles intégralement fixées par la CAI.

113    Deuxièmement, l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission devait examiner les mesures introduites par le décret-loi no 134, parce qu’elles faisaient prétendument partie intégrante du plan de vente des actifs du groupe Alitalia et étaient une condition posée par les syndicats et la CAI pour leur accord à ce plan, ne saurait prospérer, au regard des paragraphes 73 et 74 de la deuxième décision attaquée. En effet, il ressort desdits points que les autorités italiennes ont indiqué à la Commission que le personnel d’Alitalia bénéficierait des mesures d’assurance chômage prévues par la législation nationale en vigueur et que la directive no 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO L 82, p. 16), n’était pas applicable en l’espèce, la procédure de vente des actifs du groupe Alitalia n’impliquant pas le transfert d’une entité économique conservant son identité propre. Par ailleurs, les autorités italiennes ont indiqué à la Commission que, en tout état de cause, les dispositions relatives au maintien des droits des travailleurs ne seraient pas applicables dans le cadre d’une procédure de liquidation complète du groupe Alitalia.

114    Enfin, il convient de rappeler que, bien que les négociations avec les syndicats et la CAI n’aient pas abouti au moment de la soumission de la première offre préliminaire de cette dernière, celle-ci a réitéré son offre le 25 septembre 2008, aux mêmes conditions (voir points 15, 17 et 20 ci-dessus). Ainsi, rien n’indique que l’offre finale de la CAI ait tenu compte des revendications des organisations syndicales et que donc les mesures sociales dénoncées par la requérante aient fait partie intégrante du plan d’acquisition des actifs du groupe Alitalia.

115    Il s’ensuit que, en ce qui concerne les circonstances entourant l’adoption des amendements à la procédure d’administration extraordinaire, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir mené un examen insuffisant ou incomplet lors de la phase préliminaire d’examen quant aux réductions de charges et aux autres avantages prétendument accordés par la législation italienne à la CAI, dès lors que ces mesures n’étaient pas pertinentes pour la question de savoir si un avantage avait pu être accordé à l’acquéreur des actifs du groupe Alitalia.

116    Partant, les griefs formulés dans le cadre des première et deuxième branches du présent moyen ne permettant pas d’établir que la Commission a mené un examen incomplet ou insuffisant lors de la procédure préliminaire d’examen, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas apporté d’indice de l’existence de difficultés sérieuses à cet égard. Il convient, par conséquent, d’écarter lesdits griefs comme non fondés.

117    Quant au grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation par la Commission en ce que celle-ci n’a pas justifié l’insuffisance d’examen lors de la phase préliminaire d’examen, invoqué dans le cadre de la troisième branche de ce moyen, il sera examiné dans le cadre du septième moyen.

 Sur les griefs formulés dans le cadre du quatrième moyen, tiré du défaut d’examen d’options autres que la vente des actifs du groupe Alitalia

118    Le quatrième moyen est divisé en deux branches, tirées, la première, d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans la mesure où celle-ci n’a pas examiné s’il existait d’autres options que la vente d’actifs et, la seconde, d’une violation de l’obligation de motivation par la Commission, en ce que celle-ci n’a pas justifié l’absence dudit examen.

119    Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la Commission devait, conformément à la jurisprudence et à sa propre pratique, examiner à la lumière du critère de l’investisseur privé opérant dans les conditions normales d’une économie de marché les autres options que la vente des actifs, telles que la liquidation judiciaire ou l’injection de nouveaux capitaux assortie d’une restructuration d’Alitalia ou d’une vente d’actifs, afin de déterminer si dans des circonstances similaires celui-ci aurait procédé à une vente d’actifs de ce type ou s’il aurait opté pour d’autres options. En concluant qu’il suffisait, pour constater que la procédure d’administration extraordinaire ne conduisit pas à l’octroi d’une aide d’État en faveur des acquéreurs d’Alitalia, que la vente se fasse au prix du marché sans examiner les autres options que la vente d’actifs, la Commission aurait effectué un examen insuffisant et incomplet et aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

120    Il convient de relever, à titre liminaire, que, en dépit du fait que la deuxième décision attaquée ne contient pas de référence expresse au principe d’investisseur privé, la Commission a, en l’espèce, fait application dudit principe en concluant que la vente d’actifs est intervenue au prix du marché. De plus, la Commission a souligné à plusieurs reprises que ladite vente devait avoir comme objectif la maximisation de la valeur des actifs, dans l’intérêt des créanciers d’Alitalia, ce qui démontre qu’elle a pris le soin de s’assurer que le comportement des autorités publiques soit guidé par des perspectives de rentabilité à long terme. De surcroît, la conclusion de la Commission au paragraphe 126 de ladite décision, selon laquelle la procédure notifiée ne conduisait pas à imposer des obligations de puissance publique aux acquéreurs des actifs susceptibles de remettre en cause l’objectif de vente au prix du marché, témoigne que la Commission a, en substance, pris en compte le comportement de l’investisseur privé aux fins d’apprécier le comportement des autorités italiennes et de s’assurer que ces dernières ne poursuivaient pas des objectifs de politique économique incompatibles avec le marché commun.

121    Conformément à ce qui a été relevé dans le cadre de la première branche du troisième moyen (voir points 107 à 110 ci-dessus), la Commission a obtenu la conviction que la vente d’actifs se déroulerait au prix du marché. Partant, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission n’avait aucune obligation d’examiner les options autres que la procédure choisie par les autorités italiennes.

122    De plus, dans la mesure où la CAI, dans le cadre de son offre, proposait l’acquisition de groupes d’actifs et que l’activité de transport aérien de passagers comprenait les créneaux horaires d’Alitalia correspondants et nécessaires à son exercice, la comparaison des recettes générées par une telle vente avec celles éventuellement générées par une vente séparée d’actifs ou des créneaux horaires d’Alitalia n’était pas pertinente en l’espèce.

123    Au vu de ce qui précède, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir mené un examen insuffisant ou incomplet lors de la phase préliminaire d’examen quant à l’existence d’options autres que la vente d’actifs, la requérante n’ayant pas apporté d’indice de l’existence de difficultés sérieuses à cet égard. Il s’ensuit qu’il convient d’écarter les griefs formulés dans le cadre de la première branche comme non fondés.

124    Dans le cadre de la seconde branche, la requérante soutient que, en n’examinant pas les options autres que la vente d’actifs et en ne fournissant aucune raison pour cette prétendue omission, la Commission aurait violé l’obligation de motivation lui incombant. Il convient d’examiner cette branche dans le cadre du septième moyen.

 Sur les griefs formulés dans le cadre du cinquième moyen, tiré du défaut d’application à la vente d’actifs du critère de l’investisseur privé opérant dans les conditions normales d’une économie de marché

125    Le cinquième moyen s’articule en cinq branches, tirées, la première, du défaut d’examen de la condition de continuité de service et d’une violation de l’obligation de motivation à cet égard, la deuxième, du défaut d’examen de la condition implicite de nationalité de l’acquéreur et d’une violation de l’obligation de motivation à cet égard, la troisième, du défaut d’avoir tenu compte d’indices démontrant l’impossibilité d’atteindre le prix du marché et d’une violation de l’obligation de motivation à cet égard, la quatrième, de l’absence de prise en compte d’éléments établissant l’existence d’une aide d’État et, la cinquième, du défaut d’indications sur le fondement approprié de l’évaluation du prix du marché.

126    Il convient d’examiner, tout d’abord, les griefs formulés dans le cadre des première et cinquième branches ensemble, puis ceux formulés dans le cadre de la deuxième branche et, enfin, ceux formulés dans le cadre des troisième et quatrième branches ensemble.

–       Sur les griefs formulés dans le cadre des première et cinquième branches

127    Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la Commission n’a pas examiné les conséquences de l’exigence de continuité de service, introduite par le décret-loi no 134 et mentionnée dans l’appel à manifestation d’intérêt, qui aurait débouché sur une obligation de service public dont le coût aurait dû être apprécié selon les critères dégagés par l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark »). Elle affirme que, si la Commission avait accepté sans réserve les conditions posées à l’égard des offres, sans vérifier si elles avaient un impact sur le prix offert, cela constituerait une carence de nature à établir l’existence de difficultés sérieuses rencontrées par celle-ci. Elle fait valoir, en outre, que le défaut de vérification par la Commission du caractère sérieux du risque de perte des créneaux horaires (slots), en raison de leur non-utilisation, invoqué par les autorités italiennes pour justifier l’exigence de continuité du service constitue une erreur manifeste d’appréciation. Enfin, l’absence de justification pour ne pas avoir effectué un tel examen constituerait un défaut de motivation de la deuxième décision attaquée à cet égard.

128    Dans le cadre de la cinquième branche, la requérante soutient que la Commission devait fixer des critères détaillés pour déterminer le prix auquel les actifs du groupe Alitalia allaient être vendus, en exigeant, au minimum, que le prix offert par la CAI inclue, d’une part, le prêt de 300 millions d’euros consenti par la République italienne à Alitalia ainsi que les autres formes d’aide reçues par Alitalia et, d’autre part, le coût du respect de l’obligation de continuité du service. Le fait que la Commission n’a pas fourni d’indication quant au fondement sur lequel devait reposer l’évaluation du prix du marché constitue, selon la requérante, une erreur manifeste d’appréciation, qui a conduit à une sous-évaluation du prix des actifs du groupe Alitalia.

129    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la question de savoir si la Commission a appliqué de manière erronée le critère de l’investisseur privé ne se confond pas avec celle de l’existence de difficultés sérieuses exigeant l’ouverture de la procédure formelle d’examen. En effet, l’examen de l’existence de difficultés sérieuses ne vise pas à savoir si la Commission a correctement appliqué l’article 87 CE, mais à établir si elle disposait, au jour où elle a adopté la deuxième décision attaquée, d’informations suffisamment complètes pour apprécier la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 77 supra, point 129).

130    Le fait que l’appréciation de la Commission soit, de l’avis de la requérante, erronée et qu’elle n’ait pas répondu à certains griefs soulevés par cette dernière n’implique pas qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur la mesure en cause sur la base des informations dont elle disposait et qu’elle devait, dès lors, ouvrir la procédure formelle d’examen pour compléter son enquête (voir, en ce sens, arrêt Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 77 supra, point 130).

131    En l’espèce, ainsi que le soutient la Commission, la vente des actifs du groupe Alitalia n’a soulevé aucune question ayant trait à la notion d’obligation de service public et le critère de continuité de service faisait simplement partie des critères d’évaluation des offres. En effet, rien n’indique dans le dossier que le repreneur de l’activité de transport de passagers aérien aurait été chargé de l’exécution d’obligations de service public dans le cadre de la procédure notifiée.

132    De même, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission a exclu, au paragraphe 118 de la deuxième décision attaquée, l’existence d’obligations de puissance publique associées à la procédure de vente d’actifs et, en particulier, a vérifié que de telles conditions n’avaient pas été imposées aux repreneurs, comme il avait été prétendu par les plaignants.

133    À cet égard, s’agissant, notamment, des conditions d’exploitation de l’activité de transport aérien, il ressort des paragraphes 123 à 125 de la deuxième décision attaquée que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission a examiné la pertinence de la condition de continuité de service de transport à moyen terme sur le prix des actifs. En effet, elle a obtenu des clarifications de la part des autorités italiennes selon lesquelles la continuité, telle que mentionnée dans le décret-loi no 134 et dans l’appel à manifestation d’intérêt, ne correspondait pas aux obligations de service public au sens du droit de l’Union européenne.

134    Force est de relever, par ailleurs, que la requérante n’explique pas de quelle manière la nécessité d’assurer une continuité du service de transport aérien à moyen terme, qui aurait été imposée par les autorités italiennes en tant que condition à laquelle devaient répondre les offres par le biais du décret-loi no 134, aurait pour résultat de diminuer le prix des actifs du groupe Alitalia en dessous du prix du marché. Au demeurant, contrairement aux allégations de la requérante, il ressort des paragraphes 71 et 102 de la deuxième décision attaquée que le critère de continuité de service était un critère secondaire par rapport à celui du prix, dans le cadre de l’évaluation des offres par le commissaire extraordinaire. De plus, ainsi que les autorités italiennes l’ont précisé à la Commission, le critère déterminant appliqué par l’expert indépendant serait celui du prix, tant le décret-loi no 134 que l’appel à manifestation d’intérêt disposant que le prix de vente des actifs ne pouvait pas être inférieur au prix du marché, tel que déterminé par l’expert indépendant. Cela a été, à plus forte raison, garanti par l’engagement pris par les autorités italiennes, auquel il est fait référence aux paragraphes 71 et 72 de ladite décision, que, en tout état de cause, l’évaluation de l’offre ne conduise pas à la détermination d’un prix inférieur à celui du marché, le recours au consultant financier permettant au commissaire extraordinaire de s’en assurer.

135    Compte tenu de ce qui précède, l’aptitude à assurer une continuité de service des opérateurs ayant soumis des offres n’aurait pas pu les exonérer de l’obligation primordiale de soumettre une offre égale ou supérieure au prix du marché, dès lors que leur offre n’aurait pas été retenue, en d’autres circonstances.

136    De la même manière, l’argument de la requérante selon lequel la condition de continuité de service dans l’appel à manifestation d’intérêt avait pour effet de dissuader les soumissionnaires potentiels d’y participer en diminuant ainsi le prix du marché ne saurait prospérer. En effet, ainsi qu’il ressort du paragraphe 53 de la deuxième décision attaquée, le commissaire extraordinaire a reçu soixante offres en réponse à l’appel à manifestation d’intérêt publié le 23 septembre 2008. Au demeurant, selon le paragraphe 45 de ladite décision, certaines des offres, et notamment celle de la CAI, ont été soumises avant même la publication dudit appel à manifestation d’intérêt, ce qui démontre que la présence de la condition de continuité de service dans ce dernier n’a pas été déterminante pour ces offres.

137    En tout état de cause, le fait que la nécessité d’assurer une continuité du service de transport aérien a été insérée dans l’appel à manifestation d’intérêt parmi les exigences auxquelles devaient répondre les offres reçues n’implique pas nécessairement l’existence d’une obligation de service public à la charge de l’opérateur dont l’offre serait retenue. Même à supposer qu’une telle obligation ait ainsi été imposée, il ne ressort pas de la requête qu’une compensation ait été comprise dans le prix des actifs du groupe Alitalia et qu’elle ait été supérieure au coût net engendré par l’exécution de l’obligation de service public, de sorte à conférer un avantage économique au prestataire au sens de l’arrêt Altmark, point 127 supra. Partant, il ne ressort nullement de ce qui précède que la Commission aurait dû tenir compte des critères fixés dans ledit arrêt pour évaluer le prix.

138    Par ailleurs, force est de relever que les éléments avancés par la requérante au soutien de son affirmation selon laquelle la Commission a commis une erreur dans l’évaluation du prix des actifs du groupe Alitalia n’étaient pas pertinents pour l’examen de la Commission. En effet, tant la situation financière d’Alitalia que l’objet et l’importance de ces offres étaient différents.

139    S’agissant du prix mentionné dans l’offre présentée par Air France-KLM en avril 2008 pour l’acquisition d’Alitalia, il y a lieu d’observer que cette offre a été présentée avant qu’Alitalia ne soit déclarée insolvable et qu’elle visait l’acquisition de l’ensemble des actifs d’Alitalia, non pas par une cession d’actifs, mais par une cession d’actions. De plus, cette offre ayant été retirée, la Commission ne pouvait la prendre en considération, dès lors qu’elle n’était pas définitive. Quant à l’offre de la CAI, il convient de rappeler qu’elle a été présentée dans le cadre de la procédure d’administration extraordinaire à laquelle Alitalia avait été soumise dans le cadre de sa liquidation et qu’elle ne visait qu’à l’acquisition d’une partie des actifs de celle-ci. Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel le prix de cession offert par la CAI devait comprendre le montant du prêt ne saurait prospérer. En effet, le montant du prêt n’a aucun effet sur le prix de vente des actifs du groupe Alitalia, dont seule une partie a été cédée à la CAI, au prix du marché. Enfin, s’agissant de l’offre présentée en janvier 2009 pour l’acquisition de 25 % des parts d’Alitalia-CAI, force est de constater que la valeur totale de ladite compagnie avait augmenté à la suite de la vente des actifs du groupe Alitalia, notamment du fait de l’acquisition par cette compagnie d’une autre compagnie aérienne et que, en tout état de cause, cette offre étant postérieure à la date d’adoption de la deuxième décision attaquée, la Commission n’aurait pas pu en tenir compte.

140    Enfin, la requérante fait valoir que, si Alitalia avait cessé d’opérer durant la procédure de faillite, celle-ci n’aurait, en tout état de cause, pas perdu ses créneaux horaires, en vertu du règlement (CEE) no 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (JO L 14, p. 1). Ainsi, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait violé l’obligation de motivation, en raison du fait qu’elle a prétendument accepté sans réserve le risque de perte par Alitalia de ses créneaux horaires en guise de justification de la nécessité, pour l’acquéreur des actifs du groupe Alitalia, d’assurer une continuité de service.

141    Force est de constater qu’il ne ressort pas du paragraphe 125 de la deuxième décision attaquée, auquel renvoie la requérante, que la Commission a inconditionnellement accepté une quelconque justification du critère de continuité de service par le risque de perte des créneaux horaires d’Alitalia. En effet, audit paragraphe, la Commission a indiqué, en substance, que la valeur d’un groupe d’actifs suffisamment large comprenait le goodwill, dont une partie représentait les créneaux horaires nécessaires à la prestation du service. Cette considération implique que la Commission a pris en compte le critère de continuité dans un souci de maximisation de la valeur des actifs concernés par la cession, dans le but d’obtenir un prix de cession plus élevé dans l’intérêt des créanciers d’Alitalia et non dans une logique de continuité de l’activité d’un service public. Partant, l’argument de la requérante ne trouve aucun fondement dans la deuxième décision attaquée.

142    En tout état de cause, la requérante ne démontre nullement dans quelle mesure un tel examen était nécessaire pour permettre à la Commission d’apprécier la conformité de la condition de continuité de service avec le critère de l’investisseur privé opérant dans les conditions normales d’une économie de marché et n’apporte donc pas la preuve de l’existence de difficultés sérieuses. Il s’ensuit qu’aucune insuffisance de motivation ne saurait être reprochée à la Commission à cet égard.

143    Dans ces circonstances, il convient de rejeter les griefs formulés dans le cadre des première et cinquième branches du cinquième moyen comme non fondés.

–       Sur les griefs formulés dans le cadre de la deuxième branche

144    Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante soutient que la vente des actifs du groupe Alitalia a fait l’objet d’une condition implicite selon laquelle l’acquéreur devait être d’origine italienne, ce qui a fait baisser le prix de vente en dessous du prix du marché et aurait découragé les offres concurrentes. Le fait pour la Commission de ne pas avoir examiné cet élément et de ne pas avoir tiré les conséquences d’un tel examen constituerait une erreur manifeste d’appréciation. L’absence de toute explication de la Commission à cet égard constituerait, en outre, un défaut de motivation.

145    En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission a vérifié que l’appel à manifestation d’intérêt ne contenait aucune clause discriminatoire fondée sur la nationalité des soumissionnaires. Elle a, de plus, conclu que celui-ci avait fait l’objet d’une large diffusion et de publicité à l’échelle tant nationale qu’internationale. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 136 ci-dessus, la Commission a indiqué dans la deuxième décision attaquée, d’une part, que, dès sa nomination et avant la publication dudit appel à manifestation d’intérêt, le commissaire extraordinaire s’est résolu à prendre contact avec les principales compagnies aériennes internationales et, d’autre part, que soixante offres émanant d’entités italiennes et étrangères ont été reçues par le commissaire extraordinaire.

146    Par ailleurs, la Commission a examiné le rôle de la banque sélectionnée afin de promouvoir la présentation d’une offre pour acquérir Alitalia dans la procédure de vente d’actifs d’Alitalia et a conclu, à la note en bas de page no 34 de la deuxième décision attaquée, que celle-ci avait cessé tout rôle de conseiller du ministère compétent dès le placement d’Alitalia sous administration extraordinaire, à savoir le 29 août 2008. En effet, outre la mission qui lui avait été dévolue préalablement audit placement, il ne ressort pas de la deuxième décision attaquée que cette banque ait participé à l’estimation des actifs d’Alitalia et qu’elle ait pu favoriser la CAI au détriment des autres soumissionnaires. En outre, force est de rappeler que les autorités italiennes avaient pris l’engagement de ne pas interférer avec l’action du commissaire extraordinaire.

147    Ainsi, les arguments de la requérante faisant état d’un prétendu conflit d’intérêts entre la banque sélectionnée afin de promouvoir la présentation d’une offre pour acquérir Alitalia et la CAI, de l’imprécision de l’appel à manifestation d’intérêt et de délais courts encadrant la soumission des offres procurant un avantage à la CAI ne sauraient prospérer. En effet, en ce qui concerne le caractère non discriminatoire de la procédure de vente d’actifs, il y a lieu de considérer que, les griefs formulés dans le cadre de la deuxième branche du cinquième moyen ne permettant pas d’établir que la Commission a mené un examen incomplet ou insuffisant lors de la procédure préliminaire d’examen ou que celle-ci n’a pas tiré les conséquences de l’examen des conditions de vente des actifs du groupe Alitalia, la requérante n’a pas apporté d’indice de l’existence de difficultés sérieuses à cet égard. De plus, la requérante ne saurait prétendre que la deuxième décision attaquée est viciée d’un défaut de motivation à cet égard. Il convient, dès lors, de rejeter les griefs formulés dans le cadre de la deuxième branche du cinquième moyen comme non fondés.

–       Sur les griefs formulés dans le cadre des troisième et quatrième branches

148    Dans le cadre de la troisième branche, la requérante fait valoir que, la procédure de vente des actifs n’étant pas ouverte, transparente et non discriminatoire, elle n’était pas apte à garantir une vente au prix du marché. Elle soutient que, en tout état de cause, les autres garanties d’une évaluation indépendante telles que l’intervention de l’expert indépendant et du mandataire chargé du contrôle de l’opération n’auraient pas été en mesure de garantir que le prix payé par l’acquéreur correspondrait à celui du marché. Elle prétend également que l’omission de la Commission de tirer les conséquences correctes de l’impossibilité d’atteindre le prix du marché, dans de telles conditions, constitue une erreur manifeste d’appréciation. L’absence de justification à cet égard constituerait, en outre, un défaut de motivation.

149    Dans le cadre de la quatrième branche, la requérante argue que les autorités italiennes ont diminué le prix auquel la CAI avait pu acquérir Alitalia en effaçant certaines dettes et en rendant son offre plus attrayante pour les responsables syndicaux. En ne tenant pas compte de ces éléments factuels dont la Commission avait connaissance et en ne considérant pas qu’ils donnaient lieu à l’octroi d’une aide à la CAI, elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

150    Ainsi qu’il a été rappelé dans le cadre de l’examen des griefs formulés au soutien du troisième moyen, la Commission a considéré que la procédure de vente d’actifs de gré à gré complétée par l’appel à manifestation d’intérêt n’offrait pas un degré de transparence suffisant à lui seul pour garantir que les actifs seraient cédés au prix du marché. Par conséquent, la Commission a vérifié que l’offre avait fait l’objet d’une évaluation indépendante, afin de s’assurer que le prix proposé n’était pas inférieur au prix du marché. En outre, comme il a été conclu aux points 107 à 109 ci-dessus, l’évaluation des actifs par l’expert indépendant, corroborée par la vérification de la valeur économique des offres par rapport aux actifs, menée par le conseiller financier indépendant, et l’intervention ultime du mandataire chargé du contrôle de l’opération, offraient des garanties d’indépendance suffisantes, permettant d’aboutir à une vente d’actifs au prix du marché.

151    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter les griefs formulés dans le cadre de la troisième branche de ce moyen comme non fondés, dès lors que la requérante n’a pas établi l’existence d’indices de difficultés sérieuses et qu’une violation de l’obligation de motivation ne saurait être reprochée à la Commission dans ces conditions.

152    S’agissant de la quatrième branche, il convient de relever que la CAI n’a repris qu’une partie du personnel d’Alitalia, engagé sur la base de conditions et de contrats de travail entièrement nouveaux, et que les mesures sociales invoquées par la requérante ne s’appliquaient pas au personnel réembauché par la CAI.

153    Partant, il convient de rejeter les griefs formulés dans le cadre de la quatrième branche du cinquième moyen. Ainsi, il y a lieu de considérer que, les griefs formulés dans le cadre du cinquième moyen ne permettant pas d’établir que la Commission a mené un examen incomplet ou insuffisant lors de la procédure préliminaire d’examen, la requérante n’a pas apporté d’indice de l’existence de difficultés sérieuses à cet égard. Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les griefs formulés dans le cadre du sixième moyen, tiré d’une erreur d’identification de la partie devant rembourser l’aide

154    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas examiné l’ensemble des critères requis par la jurisprudence aux fins de l’appréciation d’une continuité économique entre Alitalia et la CAI, notamment le prix auquel est intervenue la cession d’actifs, l’identité des actionnaires de l’entité cédée et celle de son acquéreur, le moment, l’objet ainsi que la logique économique du transfert des actifs. Elle soutient que la Commission a concentré son analyse sur le seul critère de l’objet de la vente d’actifs, en ignorant les autres critères.

155    S’agissant de l’obligation de récupération de l’aide versée à une société en difficulté, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, elle peut être étendue à une nouvelle société à laquelle la société en question a transféré une partie de ses actifs, lorsque ce transfert permet de constater une continuité économique entre les deux sociétés. Afin de conclure à l’existence d’une continuité économique, les éléments suivants peuvent être pris en considération : l’objet du transfert (actifs et passifs, maintien de la force de travail, actifs groupés), le prix du transfert, l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise qui reprend et de l’entreprise de départ, le moment où le transfert a lieu (après le début de l’enquête, l’ouverture de la procédure ou la décision finale) ou encore la logique économique de l’opération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, Rec. p. II‑4749, point 135).

156    Il y a lieu de constater d’emblée que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette jurisprudence n’impose pas à la Commission de prendre en compte l’ensemble des éléments susvisés, ce dont il est attesté par l’emploi de l’expression « peuvent être pris en considération ». Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue d’examiner, en particulier et en sus des autres critères, le moment auquel a eu lieu le transfert des actifs du groupe Alitalia à la CAI, qui figure parmi les éléments « pouvant » être pris en compte pour écarter la continuité économique entre ces deux entités.

157    En tout état de cause, il ressort de l’examen de la deuxième décision attaquée que la Commission a conclu à l’absence de continuité entre Alitalia et la CAI, sur la base tant de l’objet et du prix du transfert des actifs que de l’absence d’identité des actionnaires et de la logique économique de l’opération. En l’occurrence, la Commission a examiné la question de la continuité entre Alitalia et la CAI aux paragraphes 128 à 151 de ladite décision. La Commission a tout d’abord souligné, au paragraphe 132 de cette décision, que la mesure notifiée telle que modifiée par les engagements pris par les autorités italiennes devrait conduire à une vente des actifs du groupe Alitalia au prix du marché. Elle a ensuite examiné s’il y avait une continuité dans la jouissance de l’avantage compétitif créé par le prêt de 300 millions d’euros entre Alitalia et les acquéreurs des actifs concernés par la procédure de vente d’actifs.

158    À cet égard, la Commission a souligné, au paragraphe 135 de la deuxième décision attaquée, quant à l’objet de la vente d’actifs, que ces actifs n’avaient pas été proposés de manière groupée dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt et ne correspondaient donc pas à des unités économiques homogènes, ce qui aurait pu avoir pour conséquence de limiter le choix des acquéreurs potentiels. Elle a constaté, au paragraphe 136 de ladite décision, que, à l’inverse, compte tenu des manifestations d’intérêt très variées correspondant à différents actifs, au terme de la procédure de vente d’actifs, les activités d’Alitalia seraient réparties entre de nombreux acteurs et organisées de manière différente. Ainsi, elle a conclu, au paragraphe 137 de cette décision, que, eu égard à l’étendue de la vente d’actifs et à la parcellisation des offres des acquéreurs potentiels, la procédure de vente d’actifs mise en œuvre par la République italienne n’impliquait pas de continuité économique entre Alitalia et la CAI.

159    S’agissant des actionnaires d’Alitalia et de la CAI, la Commission a conclu, au paragraphe 140 de la deuxième décision attaquée, qu’il n’y avait pas d’identité entre eux. Elle a décrit la CAI comme étant un consortium d’investisseurs privés qui seraient différents des actionnaires d’Alitalia et a relevé que l’échange d’actions de ces derniers contre des actions de la nouvelle compagnie n’était possible que sur la base de dispositions législatives relatives au redressement d’entreprises dans le cadre de la procédure de concordat, lesquelles n’étaient pas applicables en l’espèce.

160    Ensuite, la Commission a constaté, au paragraphe 141 de la deuxième décision attaquée, que la CAI ne reprendrait que certains actifs afférents à l’activité de transport de passagers d’Alitalia, qu’elle poursuivait sa propre stratégie d’entreprise et qu’aucun transfert automatique des contrats de travail n’aurait lieu entre Alitalia et la CAI. La Commission a, en outre, noté, au paragraphe 142 de ladite décision, que la CAI ne continuerait pas l’activité d’Alitalia, les autorités italiennes s’étant engagées à ce qu’au terme du processus de vente d’actifs elle ne représente pas plus de 69 % de la capacité d’Alitalia en termes de passagers transportés par kilomètre, telle que calculée à la date de la notification. De plus, ainsi qu’il ressort des paragraphes 13 et 49 de cette décision, la vente des actifs du groupe Alitalia à la CAI visait à maximiser la valeur des actifs d’Alitalia avant sa liquidation, et ce dans l’intérêt des créanciers.

161    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que la requérante affirme, la Commission ne s’est pas essentiellement fondée sur l’objet du transfert. En effet, ainsi qu’il ressort du point 160 ci-dessus, la Commission a examiné et a entériné la logique économique de l’opération. Elle a, en outre, tout au long de son examen, expliqué les raisons pour lesquelles elle estimait qu’il n’existait pas de continuité économique entre Alitalia et la CAI. Ainsi, elle a conclu, aux paragraphes 130 à 132 de la deuxième décision attaquée, qu’aucun avantage indu ne pourrait être transféré à l’acquéreur des actifs du groupe Alitalia, eu égard au fait que toutes les dispositions ont été prises pour que la cession intervienne à un prix qui ne soit pas inférieur au prix du marché. Il convient de constater, par conséquent, à la lumière des considérations exposées ci-dessus et conformément à la jurisprudence citée au point 155 ci-dessus, que la Commission a effectué un examen suffisant et complet et que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’existence de difficultés sérieuses à cet égard.

162    Partant, dès lors qu’une prise de position par la Commission sur le moment du transfert des actifs ne paraissait pas nécessaire en l’espèce, un défaut de motivation ne saurait lui être reproché sur ce point.

163    Au vu de ce qui précède, il convient, par conséquent, de rejeter les griefs formulés dans le cadre du sixième moyen comme non fondés.

 Sur les griefs formulés dans le cadre du premier moyen, tiré du défaut d’ouverture d’une procédure formelle d’examen

164    La requérante fait valoir que, en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission a rendu une décision incomplète qui devrait être annulée. Elle estime, à cet égard, que, même si la période consacrée à l’enquête préliminaire précédant l’adoption de la deuxième décision attaquée, allant du 14 octobre au 12 novembre 2008, n’était pas exceptionnellement longue, des difficultés sérieuses auraient néanmoins pu être décelées par la Commission. Par ailleurs, dans la réplique, elle indique que la phase préliminaire d’examen ayant débuté par l’examen des faits en avril 2008, elle aurait été presque quatre fois plus longue que la durée maximale de deux mois imposée par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999 pour la conclusion d’un examen préliminaire.

165    La requérante fournit également une liste non exhaustive des erreurs commises par la Commission, qui démontrerait que la complexité de l’examen requis en l’espèce justifiait l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

166    Elle soutient, par ailleurs, que, eu égard au contexte politique de cette affaire, les engagements pris par les autorités italiennes selon lesquels la vente des actifs du groupe Alitalia serait réalisée au prix du marché étaient irréalistes et que, en tout état de cause, ils avaient été imposés trop tard dans le processus, après la survenance irréversible des évènements qu’ils étaient supposés concerner.

167    En premier lieu, s’agissant des arguments de la requérante relatifs à la durée de la phase préliminaire d’examen, il convient de relever, ainsi que le fait valoir la Commission, que la requérante se contredit dans ses écritures. En effet, alors que, dans la requête, elle soutient que la durée de cette phase, inférieure à un mois, n’était pas exceptionnellement longue, dans la réplique, elle affirme que ladite phase était presque quatre fois plus longue que le temps maximal de deux mois imposé par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999.

168    À cet égard, il convient de rappeler que le délai de deux mois prescrit par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999 pour clore un examen préliminaire vise la période comprise entre la notification complète de la mesure et l’adoption de la décision au titre du paragraphe 2, du paragraphe 3 ou du paragraphe 4 de ladite disposition, à savoir, en l’espèce, la période allant du 14 octobre au 12 novembre 2008. Ainsi, c’est à tort que la requérante tient également compte de la période qui précède la date de notification de la procédure de vente d’actifs par les autorités italiennes, au cours de laquelle la Commission a eu des contacts avec elles, qui a débuté en avril 2008.

169    Partant, il y a lieu de conclure, en l’espèce, que la durée de la phase préliminaire d’examen était inférieure à celle prévue par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999 et donc parfaitement raisonnable. Cette durée n’est, par conséquent, pas de nature à démontrer l’existence de difficultés sérieuses auxquelles aurait pu être confrontée la Commission dans le cadre de l’enquête préliminaire, mais reflète plutôt le fait que l’examen de la mesure notifiée en l’espèce ne soulevait aucune difficulté particulière (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, M6/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, Rec. p. II‑3397, point 142).

170    En deuxième lieu, force est de relever que les arguments de la requérante portant sur le caractère irréaliste des engagements intégrés dans la deuxième décision attaquée ne sauraient prospérer. En effet, il convient de rappeler, premièrement, que l’appel à manifestation d’intérêt publié le 23 septembre 2008 disposait que les critères que les offres devaient respecter devaient être conformes aux exigences de la législation italienne applicable et, en particulier, que le prix de la vente des actifs ne pouvait être inférieur au prix du marché, tel que déterminé par un expert indépendant. Deuxièmement, ce dernier devait examiner les offres afin de s’assurer — en tenant compte principalement du prix proposé et en dépit des autres critères éventuellement remplis par les offres soumises — que le prix de vente des actifs proposé était supérieur ou égal au prix du marché. Troisièmement, au moment de l’adoption de la deuxième décision attaquée, la vente d’actifs n’avait pas encore été approuvée par le comité de surveillance et la décision finale du commissaire extraordinaire n’avait pas encore été prise. Ce dernier devait, au préalable, conformément à la procédure d’administration extraordinaire, obtenir l’autorisation du comité de surveillance et du ministre responsable sur la vente en question. Ainsi, l’engagement pris par les autorités italiennes selon lequel le ministre responsable ne devait pas interférer avec l’action du commissaire extraordinaire n’est pas tardif, compte tenu du stade de la procédure.

171    En outre, la mention desdits engagements dans la deuxième décision attaquée ne saurait constituer un indice de difficultés sérieuses auxquelles se serait confrontée la Commission. En effet, ces engagements prouvent que la Commission a pris les précautions nécessaires tant pour contrôler le respect desdits engagements par le mandataire chargé du contrôle de l’opération que pour tirer les conséquences de leur inobservation éventuelle. En tout état de cause, les arguments de la requérante relatifs au caractère inadéquat des engagements sont inopérants, eu égard au fait que la Commission s’est réservé le droit d’ouvrir la procédure formelle d’examen sur la mesure en question, dans l’hypothèse du non-respect des termes de la deuxième décision attaquée et, notamment, des engagements pris par les autorités italiennes et actés dans ladite décision.

172    En troisième lieu et enfin, concernant les dix erreurs alléguées par la requérante, lesquelles devraient indiquer l’existence de difficultés sérieuses, il convient de relever qu’elles correspondent, en réalité, aux griefs soulevés dans le cadre des troisième, quatrième et cinquième moyens, au regard desquels ces moyens ont été examinés. Partant, il n’est pas nécessaire de les examiner séparément, dans le cadre du présent moyen.

173    Partant, les griefs formulés dans le cadre du premier moyen doivent être rejetés comme non fondés.

174    Au vu de tout ce qui précède, force est de constater que la requérante n’a pas démontré l’existence de difficultés sérieuses. Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen sur la mesure de vente d’actifs, conformément à la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus.

c)     Sur les moyens tirés de la violation de l’obligation de motivation

175    La requérante estime que la Commission n’a pas suivi sa « pratique décisionnelle constante » en matière d’aides d’État, notamment en ce qui concerne l’examen de toutes les caractéristiques pertinentes d’une mesure et de son contexte ainsi que celui des options autres que la vente des actifs, à la lumière du critère de l’investisseur privé opérant dans les conditions normales d’une économie de marché. La Commission avait donc une obligation renforcée de motivation. Par ailleurs, la requérante estime que la deuxième décision attaquée contient certaines conclusions non circonstanciées de la Commission, notamment sur l’indépendance de l’expert et sur la certitude que la vente d’actifs a lieu au prix du marché, pour lesquelles il n’est pas possible de comprendre le raisonnement de celle-ci.

176    Il convient de rappeler que le grief tiré du défaut de motivation de la deuxième décision attaquée en ce qui concerne l’absence d’examen de l’ensemble des caractéristiques pertinentes de la mesure notifiée et de son contexte se recoupe avec la troisième branche du troisième moyen. De même, le grief tiré du défaut de motivation de la deuxième décision attaquée en ce qui concerne les méthodes de recouvrement qui constituent des options autres que la vente d’actifs se recoupe avec la deuxième branche du quatrième moyen. Partant, ainsi qu’il a été indiqué aux points 89, 117 et 124 ci-dessus, lesdites branches seront examinées dans le cadre du présent moyen.

177    En outre, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour Commission/Sytraval et Brink’s France, point 102 supra, point 63, et du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35).

178    L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 16, et France/Commission, point 177 supra, point 36).

179    En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 77 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

180    S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission qui conclut à l’inexistence d’une aide d’État dénoncée par un plaignant, la Commission est tenue d’exposer de manière suffisante au plaignant les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués dans la plainte n’ont pas suffi à démontrer l’existence d’une aide d’État. Toutefois, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 102 supra, point 64).

181    En effet, il convient de rappeler, s’agissant de la nature de l’acte en cause, que la deuxième décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 88, paragraphe 3, CE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 dudit article qui, quant à elle, est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données relatives à cette aide (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Regie Networks, C‑333/07, Rec. p. I‑10807, point 64).

182    Or, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché commun (arrêts Matra/Commission, point 58 supra, point 48, et Regie Networks, point 181 supra, point 65).

183    En l’espèce, s’agissant du contexte et des circonstances dans lesquelles la deuxième décision attaquée a été adoptée, il ressort de l’examen de la première branche du troisième moyen (voir points 105 et 110 ci-dessus) que la Commission a examiné le rôle des différents acteurs intervenant dans le cadre de la procédure d’administration extraordinaire et s’est assurée que la mesure, telle que notifiée, garantirait que la vente d’actifs aurait lieu au prix du marché. Par ailleurs, il a également été conclu dans le cadre de l’examen de la deuxième branche de ce moyen que la Commission n’était pas tenue d’examiner les points qui n’étaient pas pertinents pour son appréciation, tels que les réductions de charges et autres avantages prétendument accordés par la législation italienne à la CAI, du fait de l’entrée en vigueur du décret-loi no 134.

184    De même, il ressort de l’examen du quatrième moyen que, dès lors que la Commission s’est assurée que la vente devait se faire au prix du marché, elle n’était nullement tenue d’examiner les options autres que la procédure de liquidation judiciaire.

185    Partant, force est de constater que, au regard notamment de la jurisprudence citée au point 179 ci-dessus, l’obligation de motivation n’imposait pas à la Commission d’exposer dans la deuxième décision attaquée d’autres éléments que les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Une telle motivation suffit pour permettre à la requérante de connaître les justifications de la deuxième décision attaquée et au Tribunal d’en contrôler la légalité sur le fondement de l’article 253 CE.

186    S’agissant des conclusions prétendument non motivées auxquelles serait parvenue la Commission, il convient de relever que, au paragraphe 39 de la deuxième décision attaquée, la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que l’expertise menée conformément au décret-loi no 134 était indépendante. Ainsi, le grief formulé par la requérante tiré d’un défaut de motivation de la deuxième décision attaquée en ce qui concerne la présence de certains actionnaires de l’expert également dans le capital de la CAI ne saurait prospérer.

187    Enfin, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante tirée de ce que la Commission a soutenu, dans la deuxième décision attaquée, que le fait que l’un des actionnaires de la CAI détenait aussi une participation dans une société qui est créancier chirographaire d’Alitalia n’avait aucune incidence sur le prix proposé par la CAI, il suffit de relever que la Commission ne s’est pas fondée sur cette considération pour affirmer que le prix proposé dans cette offre était conforme au prix du marché, de sorte qu’elle n’était nullement tenue de l’étayer.

188    Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit donc être rejeté. De même, doivent être écartées la troisième branche du troisième moyen et la deuxième branche du quatrième moyen.

189    Dans ces circonstances, la demande en annulation de la deuxième décision attaquée doit être rejetée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’adopter les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par la requérante.

E –  Sur la demande en annulation partielle de la première décision attaquée

190    La requérante vise à obtenir également l’annulation partielle de la première décision attaquée, dans la mesure où elle n’ordonne pas la récupération de l’aide auprès des acquéreurs des actifs du groupe Alitalia et spécifiquement de la CAI et qu’elle accorde à la République italienne un délai supplémentaire de quatre mois pour mettre en œuvre cette décision et récupérer le prêt de 300 millions d’euros.

191    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a violé le principe de bonne administration et l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, en accordant à la République italienne quatre mois supplémentaires pour récupérer le prêt consenti auprès d’Alitalia et en s’abstenant d’ordonner la suspension de l’aide, en application de l’article 11 du règlement no 659/1999. De plus, elle soutient que la Commission devait ordonner la récupération de l’aide auprès de la CAI et non auprès d’Alitalia.

192    Il convient de relever, à titre liminaire, qu’Alitalia‑CAI et la République italienne, sans soulever une exception d’irrecevabilité formelle, estiment que le recours contre la première décision attaquée est irrecevable. À cet égard, Alitalia‑CAI fait valoir essentiellement que la requérante n’a pas d’intérêt à agir contre la première décision attaquée. Quant à la République italienne, elle soutient que la requérante n’est pas individuellement concernée par ladite décision.

193    Conformément à la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus, il convient d’examiner d’office la recevabilité du recours, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure.

194    Concernant, premièrement, l’affectation individuelle de la requérante par la première décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, dans le domaine du contrôle des aides d’État, une décision clôturant une procédure au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE concerne individuellement les entreprises qui ont été à l’origine de la plainte ayant donné lieu à cette procédure et qui ont été entendues en leurs observations, lesquelles ont déterminé le déroulement de la procédure, si, toutefois, leur position sur le marché est substantiellement affectée par la mesure d’aide qui fait l’objet de ladite décision. Il n’en découle pas, cependant, qu’une entreprise ne puisse pas démontrer d’une autre façon, par renvoi à des circonstances spécifiques l’individualisant de manière analogue à celle du destinataire, qu’elle est individuellement concernée (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, Rec. p. II‑3235, point 72).

195    En l’espèce, la requérante fait valoir, d’une part, qu’elle a déposé des plaintes et des observations durant la procédure d’enquête ayant conduit à l’adoption de la première décision attaquée et, d’autre part, que sa position sur le marché aurait été substantiellement affectée par l’octroi du prêt ainsi que par la première décision attaquée, dans la mesure où, dans ladite décision, la Commission a accordé quatre mois pour la récupération dudit prêt aux autorités italiennes. La requérante se réfère par ailleurs à la plainte du 29 avril 2008 adressée à la Commission, dans laquelle elle soutenait que le prêt continuait à la désavantager par rapport à Alitalia en empêchant son expansion sur le marché domestique italien et sur les liaisons en partance d’Italie et qu’elle subissait une perte en nombre de passagers et en revenus en raison des tarifs en dessous des coûts qu’Alitalia était en mesure d’offrir à la suite de l’octroi du prêt. Enfin, elle soutient que son intérêt de voir la décision partiellement annulée est de prévenir l’occurrence d’infractions similaires de la Commission à l’avenir.

196    Il convient de relever, d’emblée, que la requérante a joué un rôle actif dans la procédure ayant précédé l’adoption de la première décision attaquée, par le dépôt de plaintes dénonçant l’octroi du prêt à Alitalia et sa conversion ultérieure en capitaux propres, lesquelles ont été à l’origine de l’enquête de la Commission, et qu’elle a été entendue en ses observations dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Par ailleurs, les observations présentées par la requérante ont influé sur le déroulement de la procédure relative audit prêt, eu égard au fait que la Commission a adopté une décision déclarant qu’il constituait une aide illégale et incompatible avec le marché commun et qu’il devait être récupéré auprès de son bénéficiaire.

197    Cependant, il convient de constater que la requérante ne démontre pas que le fait d’ordonner la récupération immédiate de l’aide auprès d’Alitalia et non auprès de la CAI a pour effet d’affecter substantiellement sa position concurrentielle. De même, la requérante n’a pas démontré que le délai accordé par la Commission à la République italienne, lequel aurait prétendument permis de contourner l’obligation de récupération par son bénéficiaire, affecterait ses intérêts. Enfin, la requérante n’a pas non plus démontré dans quelle mesure le fait de ne pas avoir ordonné la suspension de l’aide, qui aurait eu pour effet de permettre à Alitalia de la convertir en capitaux propres, l’aurait affectée.

198    Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré être individuellement concernée par la première décision attaquée.

199    Or, il convient de rappeler que les conditions de recevabilité d’un recours sont cumulatives. Ainsi, sans devoir examiner l’intérêt à agir de la requérante, il convient de déclarer le recours irrecevable, en ce qu’il vise l’annulation de la première décision attaquée, pour défaut d’affectation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 2003, Olivieri/Commission et EMEA, T‑326/99, Rec. p. II‑6053, point 66).

 Sur les dépens

200    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, en vertu de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

201    En l’espèce, la requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens de la Commission et d’Alitalia‑CAI.

202    En vertu de l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République italienne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ryanair Ltd est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens de la Commission européenne et d’Alitalia — Compagnia Aerea Italiana SpA.

3)      La République italienne supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

A — Procédure administrative

B — Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE

C — Décisions attaquées

1.  Décision concernant le prêt consenti à Alitalia

2.  Décision concernant la vente d’actifs d’Alitalia

Procédure

Conclusions des parties

En droit

D — Sur la demande en annulation de la deuxième décision attaquée

1.  Sur la recevabilité

2.  Sur l’objet du contrôle du Tribunal

3.  Sur le fond

a)  Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de compétence pour la Commission d’adopter une décision conditionnelle après un examen préliminaire

b)  Sur les moyens tirés de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen

Sur les griefs formulés dans le cadre du troisième moyen, tiré de l’absence d’examen par la Commission de toutes les caractéristiques pertinentes des mesures dans leur contexte

Sur les griefs formulés dans le cadre du quatrième moyen, tiré du défaut d’examen d’options autres que la vente des actifs du groupe Alitalia

Sur les griefs formulés dans le cadre du cinquième moyen, tiré du défaut d’application à la vente d’actifs du critère de l’investisseur privé opérant dans les conditions normales d’une économie de marché

–  Sur les griefs formulés dans le cadre des première et cinquième branches

–  Sur les griefs formulés dans le cadre de la deuxième branche

–  Sur les griefs formulés dans le cadre des troisième et quatrième branches

Sur les griefs formulés dans le cadre du sixième moyen, tiré d’une erreur d’identification de la partie devant rembourser l’aide

Sur les griefs formulés dans le cadre du premier moyen, tiré du défaut d’ouverture d’une procédure formelle d’examen

c)  Sur les moyens tirés de la violation de l’obligation de motivation

E — Sur la demande en annulation partielle de la première décision attaquée

Sur les dépens


** Langue de procédure : l’anglais.