Language of document : ECLI:EU:T:2017:717

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 octobre 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque verbale de l’Union européenne SDC-554S – Marque nationale verbale antérieure non enregistrée SDC-554S – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001] – Preuves établissant le contenu du droit national – Règle 19, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE) n° 2868/95 [devenue article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué (UE) 2017/1430] – Production de preuves pour la première fois devant la chambre de recours – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 [devenu article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑316/16,

Moravia Consulting spol. s r. o., établie à Brno (République tchèque), représentée par Me M. Kyjovský, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Citizen Systems Europe GmbH, établie à Stuttgart (Allemagne), représentée par Mes C. von Donat, J. Lipinsky, J. Hagenberg, T. Hollerbach et C. Nitschke, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 1er avril 2016 (affaire R 1575/2015‑2), relative à une procédure d’opposition entre Moravia Consulting et Citizen Systems Europe,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et R. da Silva Passos (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 24 octobre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 2 décembre 2016,

vu la décision du 9 mars 2017 portant jonction des affaires T‑316/16 à T‑318/16 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 avril 2014, l’intervenante, Citizen Systems Europe GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque verbale SDC-554S.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Calculatrices de poche ; calculatrices ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2014/076, du 24 avril 2014.

5        Le 22 juillet 2014, la requérante, Moravia Consulting spol. s r. o., a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée dans son intégralité.

6        À l’appui de son opposition, la requérante a invoqué, en premier lieu, l’existence d’un droit antérieur conféré par une marque verbale non enregistrée, au libellé identique à celui de la marque demandée, étant entendu que ce droit existait au moins sur le territoire de la République tchèque. Cette marque verbale non enregistrée concernait les calculatrices.

7        La requérante a indiqué avoir utilisé la marque non enregistrée avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, notamment lors d’une commande passée en octobre 2013 en vue de la livraison de calculatrices en provenance de Hong-Kong (Chine). À cet effet, la requérante a produit comme élément de preuve un document de deux pages intitulé « confirmation de ventes » (« sales confirmation ») et daté du 8 octobre 2013.

8        La requérante a invoqué, en deuxième lieu, la mauvaise foi de l’intervenante. Toutefois, à la suite d’une communication de l’EUIPO du 5 août 2014 précisant notamment que ce motif ne pouvait être invoqué que dans le cadre d’une procédure de nullité contre une marque de l’Union européenne enregistrée, la requérante a fait savoir, dans un courrier adressé à l’EUIPO le 10 décembre 2014, qu’elle ne faisait plus valoir la mauvaise foi de l’intervenante.

9        La requérante a invoqué, en troisième lieu, l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.

10      Par décision du 5 juin 2015, la division d’opposition de l’EUIPO a rejeté l’opposition formée par la requérante et l’a condamnée aux dépens. La division d’opposition a relevé que la requérante n’avait pas fourni d’informations ni apporté de preuves concernant le droit national applicable, sur lequel elle se fondait et en vertu duquel l’usage de la marque demandée aurait pu être interdit dans l’État membre concerné, et ce même après avoir été invitée à compléter son opposition. Par ailleurs, la division d’opposition a souligné que l’absence de caractère distinctif de la marque demandée relevait de l’article 7 du règlement n° 207/2009 (devenu article 7 du règlement 2017/1001) et, par conséquent, n’était pas un motif valable dans une procédure d’opposition.

11      Le 4 août 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

12      La requérante a joint à son mémoire exposant les motifs du recours des informations concernant la législation tchèque pertinente sur les marques, en précisant le contenu de cette législation portant sur la protection juridique d’un signe non enregistré.

13      Par décision du 1er avril 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

14      Tout d’abord, d’une part, la chambre de recours a considéré, en substance, que, au cours de la procédure d’opposition, la requérante n’avait pas fait référence aux dispositions légales applicables et n’avait fourni aucune information concernant le contenu des droits invoqués ou les conditions à remplir en l’espèce, permettant à l’EUIPO d’évaluer si les conditions spécifiques prévues par ces dispositions étaient remplies et si, par conséquent, il était possible d’interdire l’utilisation de la marque demandée en vertu de la législation de l’État membre concerné, à savoir la République tchèque. La chambre de recours a rappelé que la requérante avait l’obligation de revendiquer, et de fournir toutes les informations nécessaires afin de le démontrer, que la marque antérieure entrait dans le champ d’application du droit national et que ce dernier conférait le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

15      D’autre part, en ce qui concerne les informations relatives à la loi tchèque présentées par la requérante pour la première fois devant la chambre de recours, cette dernière a estimé qu’elles ne pouvaient pas être considérées comme « nouvelles » ou « supplémentaires » et étaient, pour cette raison, irrecevables. La chambre de recours n’a en effet pas de pouvoir d’appréciation en vue d’accepter des preuves produites tardivement.

16      Ensuite, la chambre de recours a ajouté que, même si les éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle devaient être considérés comme « nouveaux » ou « supplémentaires », lui permettant ainsi d’exercer un pouvoir d’appréciation quant à leur prise en compte, elle aurait exercé ce pouvoir en décidant de ne pas les prendre en considération. Selon la chambre de recours, il ressort du libellé de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) que l’invocation ou la production tardive de faits et de preuves n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que de tels faits ou preuves soient pris en considération. La chambre de recours a conclu que les circonstances qui avaient entouré la production tardive des preuves par la requérante n’étaient pas susceptibles de justifier un tel retard.

17      Concernant l’argument tiré d’une prétendue mauvaise foi de l’intervenante, à nouveau soulevé par la requérante en dépit de sa renonciation à invoquer ce motif lors de la procédure devant la division d’opposition, la chambre de recours a rappelé que, en vertu de l’article 41 du règlement n° 207/2009, l’opposition peut être formée sur la base de l’article 8 dudit règlement (devenu article 8 du règlement 2017/1001) et a indiqué que, cette disposition ne mentionnant pas la mauvaise foi comme motif d’opposition, elle n’examinerait pas ce motif.

18      Enfin, la chambre de recours, s’appuyant sur la jurisprudence, a souligné que la question abordée durant la procédure d’opposition ne consistait pas à déterminer si, oui ou non, le signe contesté était distinctif et devait être enregistré eu égard à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], mais plutôt si le signe contesté devait être refusé en raison de l’existence d’un droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001).

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

21      L’EUIPO soutient que le recours est manifestement irrecevable. L’intervenante considère, pour sa part, que le recours est irrecevable dans la mesure où il est fondé sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

 Sur la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO

22      Selon l’EUIPO, deux motifs ont justifié le rejet, par la chambre de recours, du recours formé contre la décision de la division d’opposition. Premièrement, la chambre de recours n’avait aucun pouvoir d’appréciation à l’effet d’accepter les pièces produites avec l’exposé des motifs du recours. Deuxièmement, même si la chambre de recours avait eu un pouvoir d’appréciation et l’avait exercé, elle aurait conclu au rejet du recours. L’EUIPO soutient que la requérante ne conteste pas, dans le cadre du présent recours, le second motif de la décision attaquée. Dès lors, quand bien même les moyens de la requérante concernant le premier motif de la décision attaquée seraient accueillis, ils ne suffiraient pas à annuler ladite décision, le dispositif de cette dernière demeurant en tout état de cause justifié par son second motif. L’EUIPO conclut, compte tenu de ce qui précède, à l’irrecevabilité manifeste du recours.

23      La requérante justifie, au point 21 de la requête, la production tardive des références concrètes du droit tchèque, sur lequel elle se fondait et en vertu duquel l’usage de la marque demandée aurait pu être interdit dans l’État membre concerné. À cet effet, elle fait valoir, en substance, qu’elle a déposé dans le délai fixé par l’EUIPO toutes les preuves relatives à son droit antérieur d’utilisateur d’un signe non enregistré et qu’il ne manquait que les informations sur le droit national. Elle ajoute que, en vertu du principe iura novit curia, il n’y avait pas lieu de présenter de manière détaillée les dispositions concrètes de la loi tchèque, laquelle est accessible au public. En outre, la requérante soutient que l’EUIPO était tenu de l’éclairer en indiquant les éléments concrets faisant défaut dans son opposition afin qu’elle puisse dûment y remédier. Or, selon la requérante, l’invitation de l’EUIPO à apporter des précisions sur l’opposition n’était pas claire et ne lui permettait pas de déduire le grief concret formulé à l’encontre de son opposition.

24      À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a allégué, dans le cadre du présent recours, les raisons qui, selon elle, justifiaient la présentation tardive des éléments de preuve en cause. Dès lors, la requérante conteste, dans sa globalité, la position de l’EUIPO selon laquelle la présentation tardive de ces éléments de preuve ne pouvait pas être acceptée. Même à supposer qu’il y ait dans le dossier des éléments contredisant la thèse soutenue par la requérante, un tel constat concernerait non pas la recevabilité du recours, mais plutôt son bien‑fondé. Indépendamment de la justification invoquée par la requérante pour avoir présenté tardivement des éléments de preuve au cours de la procédure administrative, il ne saurait dès lors être soutenu, comme le fait en substance l’EUIPO, que la requérante se limite en l’espèce à critiquer la partie de la décision attaquée dans laquelle la chambre de recours a conclu qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation quant à la prise en compte desdits éléments.

25      Dans ces conditions, il convient de rejeter la fin de non-recevoir du recours soulevée par l’EUIPO.

 Sur la fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante

26      L’intervenante considère que, bien que la requérante ait indiqué, pendant la procédure d’opposition, ne pas maintenir ce moyen, elle semble se fonder sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 pour contester la décision attaquée.

27      Dans la présente affaire, la requérante a, en vertu de l’article 41 du règlement n° 207/2009, formé opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne en vertu de l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement. L’intervenante rappelle que l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, relatif à la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, est une cause de nullité absolue et ne figure pas parmi les motifs d’opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne et, par conséquent, ne peut pas être invoqué dans le cadre d’une procédure d’opposition. Dès lors, selon l’intervenante, ce moyen est irrecevable.

28      Lors de la procédure d’opposition, la requérante a indiqué expressément à la division d’opposition qu’elle ne faisait plus valoir la mauvaise foi de l’intervenante qu’elle avait initialement invoquée. Toutefois, lors de la procédure devant la chambre de recours, la requérante a indiqué à nouveau que la demande d’enregistrement du signe contesté procédait d’une mauvaise foi de l’intervenante, ce qui a conduit la chambre de recours à considérer, au point 85 de la décision attaquée, que, l’opposition pouvant être formée sur la base de l’article 8 du règlement n° 207/2009 et cette disposition ne mentionnant pas la mauvaise foi comme motif d’opposition, cette question ne serait pas examinée.

29      Par ailleurs, au point 26 de sa requête, la requérante mentionne, parmi les moyens invoqués pour soutenir sa demande, la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sans toutefois avancer un argument pour étayer cette allégation. Lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante a affirmé maintenir ce moyen.

30      Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués, cet exposé devant être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui [voir arrêt du 18 septembre 2012, Scandic Distilleries/OHMI – Bürgerbräu, Röhm & Söhne (BÜRGER), T‑460/11, non publié, EU:T:2012:432, point 16 et jurisprudence citée]. Le moyen pris d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne répondant à l’évidence pas à ces exigences, il convient de le rejeter comme étant manifestement irrecevable. Il y a d’ailleurs lieu de relever que l’invocation de ce moyen au stade du présent recours ne manque pas de surprendre dès lors que la requérante avait expressément indiqué à la division d’opposition qu’elle renonçait à faire valoir la mauvaise foi de l’intervenante.

31      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 doit être rejeté comme irrecevable.

32      À titre surabondant, il convient de rappeler que l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 prévoit les causes de nullité absolue d’une marque de l’Union européenne, notamment lorsque le demandeur est de mauvaise foi lors du dépôt de sa demande d’enregistrement (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 34 et 35), de sorte que la mauvaise foi peut être invoquée dans le cadre d’une demande en nullité dirigée contre une marque enregistrée. Toutefois, ainsi que le fait valoir l’intervenante, la mauvaise foi du demandeur ne figure pas à l’article 41 du règlement n° 207/2009 parmi les motifs d’opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

 Sur le fond

33      À l’appui de son recours, la requérante invoque en substance deux moyens. Le premier moyen est pris d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 (l’article 76, paragraphe 1, étant devenu article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) ainsi que de la règle 50, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1). Le second moyen est pris d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

34      Le second moyen ayant été rejeté comme irrecevable, il y a lieu de n’examiner que le premier moyen.

35      La requérante soutient, à l’appui de ce moyen, que la chambre de recours a commis une erreur dans l’application de la règle 50, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, lue en combinaison avec l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, lorsque, dans la décision attaquée, elle a ignoré des faits qu’elle avait invoqués et des preuves qu’elle avait produites. Elle soutient que la chambre de recours a interprété de manière erronée sa compétence discrétionnaire en ce qui concerne les preuves déposées pour la première fois dans le cadre de la procédure de recours contre la décision de la division d’opposition. La requérante fait valoir que, en l’espèce, elle a déposé dans le délai prévu toutes les preuves relatives à son droit antérieur d’utilisation d’un signe non enregistré et qu’il ne manquait que les informations sur le droit national. Par conséquent, il ne pourrait être affirmé, selon la requérante, qu’elle n’avait produit aucune preuve durant la procédure d’opposition. La requérante allègue aussi que la chambre de recours a erronément fait application dans la décision attaquée des principes fixés dans l’arrêt du 28 octobre 2015, Rot Front/OHMI – Rakhat (Маска) (T‑96/13, EU:T:2015:813), alors que cet arrêt a été prononcé, en l’espèce, après l’expiration du délai d’introduction du recours contre la décision de la division d’opposition. Par conséquent, selon la requérante, cet arrêt ne saurait être pertinent pour la présente procédure.

36      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

37      Dans la mesure où les arguments invoqués par la requérante dans le cadre du premier moyen se recoupent, il y a lieu de les examiner ensemble.

38      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, le titulaire d’un signe autre qu’une marque enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions : ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union européenne ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir arrêt du 29 juin 2016, Universal Protein Supplements/EUIPO – H Young Holdings (animal), T‑727/14 et T‑728/14, non publié, EU:T:2016:372, point 22 et jurisprudence citée]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, ne peut aboutir [voir arrêt du 21 janvier 2016, BR IP Holder/OHMI – Greyleg Investments (HOKEY POKEY), T‑62/14, non publié, EU:T:2016:23, point 20 et jurisprudence citée].

39      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée du signe invoqué, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, le règlement n° 207/2009 établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement (voir arrêt du 29 juin 2016, animal, T‑727/14 et T‑728/14, non publié, EU:T:2016:372, point 23 et jurisprudence citée).

40      En revanche, il résulte de la locution « lorsque et dans la mesure où, selon [...] le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe » que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement n° 207/2009, constituent des conditions fixées par ledit règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est tout à fait justifié, étant donné que le règlement n° 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de marque de l’Union européenne la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque de l’Union européenne et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, la charge de prouver que cette dernière condition est remplie pèse sur l’opposant devant l’EUIPO (voir arrêt du 29 juin 2016, animal, T‑727/14 et T‑728/14, non publié, EU:T:2016:372, point 24 et jurisprudence citée).

41      Pour l’application des dispositions de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 207/2009, il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale invoquée et des décisions de justice rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (voir arrêt du 29 juin 2016, animal, T‑727/14 et T‑728/14, non publié, EU:T:2016:372, point 25 et jurisprudence citée).

42      La règle 19, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 2868/95 [devenue article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement n° 207/2009 et abrogeant les règlements n° 2868/95 et (CE) n° 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1)] fait peser sur l’opposant la charge de présenter à l’EUIPO non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 50). Il est vrai que la chambre de recours et le juge de l’Union doivent s’informer d’office sur les dispositions du droit national si de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement en cause, ce qui implique qu’ils prennent en compte, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, points 39, 44 et 45, et du 28 octobre 2015, Маска, T‑96/13, EU:T:2015:813, point 31 et jurisprudence citée). Toutefois, cette obligation ne s’applique que dans l’hypothèse où l’EUIPO ou le juge de l’Union disposent déjà d’indications relatives au droit national, soit sous forme d’allégations quant à son contenu, soit sous forme d’éléments versés aux débats et dont la force probante a été alléguée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 octobre 2015, Маска, T‑96/13, EU:T:2015:813, point 31 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, dès lors, c’est précisément à la requérante, en sa qualité d’opposante, qu’il appartenait de présenter à l’EUIPO les éléments établissant le contenu de la législation nationale.

44      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la requérante a invoqué, à l’appui de son opposition, une marque antérieure non enregistrée au libellé identique à celui de la marque demandée, ce droit antérieur existant, selon elle, au moins sur le territoire de la République tchèque. Ainsi que cela a été exposé au point 7 ci-dessus et que cela ressort également du point 9, septième tiret, de la décision attaquée, la seule preuve relative à l’usage de la marque antérieure que la requérante a présentée devant la division d’opposition est un document de deux pages intitulé « confirmation de ventes » et daté du 8 octobre 2013. La requérante n’a apporté aucune preuve relative à la législation nationale applicable, raison pour laquelle l’opposition a été rejetée par la division d’opposition. Ainsi que cela a été rappelé au point 12 ci-dessus, c’est dans l’exposé des motifs de son recours devant la chambre de recours que la requérante a, pour la première fois, fait référence aux dispositions du droit national tchèque régissant la protection juridique d’un signe non enregistré.

45      Il convient dès lors d’examiner si c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu, au point 70 de la décision attaquée, qu’elle ne disposait en l’espèce d’aucun pouvoir d’appréciation à l’effet d’accepter les preuves produites pour la première fois devant elle concernant la protection offerte à la marque antérieure par le droit tchèque pertinent, dans la mesure où la requérante n’avait pas produit le moindre élément de preuve à cet égard devant la division d’opposition.

46      Selon une jurisprudence constante, il découle du libellé de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, relatif à l’examen d’office des faits par l’EUIPO, que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement n° 207/2009 et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits [voir arrêt du 11 décembre 2014, CEDC International/OHMI – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑235/12, EU:T:2014:1058, point 44 et jurisprudence citée]. Autrement dit, l’EUIPO peut en tenir compte en dehors du délai imparti par la division d’opposition et, le cas échéant, pour la première fois devant la chambre de recours en faisant usage du pouvoir d’appréciation dont l’investit ledit article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille, T‑235/12, EU:T:2014:1058, point 44 et jurisprudence citée).

47      Il est également jugé de manière constante que, en précisant que l’EUIPO « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, cette disposition investit l’EUIPO d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (voir arrêt du 11 décembre 2014, Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille, T‑235/12, EU:T:2014:1058, point 45 et jurisprudence citée).

48      Il est entendu que ce pouvoir d’appréciation se limite à la question de savoir s’il y a lieu d’accepter ou non des preuves soumises tardivement. Ce pouvoir ne se réfère pas à l’appréciation de la nature de ces preuves.

49      Aux termes de la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2868/95, lorsque le recours est dirigé contre une décision d’une division d’opposition, la chambre de recours limite l’examen du recours aux faits et aux preuves présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition, à moins qu’elle ne considère que des faits et des preuves « additionnels » ou « complémentaires » doivent être pris en compte conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑120/12 P, EU:C:2013:638, point 31, et du 21 juillet 2016, EUIPO/Grau Ferrer, C‑597/14 P, EU:C:2016:579, point 23).

50      À cet égard, la Cour a, dans un premier temps, interprété l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, en matière de preuve de l’usage, de la manière suivante : lorsqu’aucune preuve de l’usage sérieux de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’EUIPO, le rejet de l’opposition doit être prononcé d’office par ce dernier ; en revanche, lorsque des éléments de preuve ont été produits dans le délai imparti par l’EUIPO, la production de preuves supplémentaires demeure possible (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, points 28 et 30).

51      La Cour a, dans un second temps, considéré que la même interprétation de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 devait être retenue pour ce qui est de la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque, cette disposition contenant une règle dotée d’un rôle horizontal dans le système dudit règlement, en ce qu’elle s’applique indépendamment de la nature de la procédure concernée. La Cour en a déduit que la règle 50 du règlement n° 2868/95 ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle élargit les pouvoirs d’appréciation des chambres de recours à des preuves nouvelles (arrêt du 21 juillet 2016, EUIPO/Grau Ferrer, C‑597/14 P, EU:C:2016:579, point 27, et conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire OHMI/Grau Ferrer, C‑597/14 P, EU:C:2016:2, points 55 et 57).

52      Compte tenu des principes qui viennent d’être rappelés, il y a dès lors lieu d’apprécier si la requérante avait, dans le cadre de la procédure d’opposition, produit à tout le moins certains éléments de preuve concernant l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure non enregistrée dont elle se prévaut.

53      Force est de constater, à cet égard, que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que la requérante n’avait pas produit le moindre élément de preuve concernant le contenu du droit national en question dans le délai imparti et qu’elle n’avait pas non plus avancé de raison légitime justifiant son attitude.

54      En effet, le seul élément présenté par la requérante en vue de démontrer l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure non enregistrée a été, comme cela a été mentionné aux points 7 et 44 ci-dessus, un document de deux pages intitulé « confirmation de ventes », daté du 8 octobre 2013 et concernant la livraison de calculatrices en provenance de Hong-Kong.

55      Comme le souligne l’EUIPO dans son mémoire en réponse, ce document ne fournit aucune information sur l’utilisation de la marque antérieure invoquée, en ce qui concerne notamment le lieu et la durée de cette utilisation, ou encore sur la possibilité de considérer que la portée de cette marque dépasse le cadre local. Ledit document ne contient pas non plus d’informations sur les conditions requises par la législation de la République tchèque.

56      Force est également de constater que la « confirmation de ventes » comporte une liste de références de plusieurs produits, au rang desquelles ne figure pas la marque antérieure non enregistrée, la référence la plus proche de celle-ci étant « SDC-554+ ».

57      Par ailleurs, comme le soutient l’intervenante, ladite « confirmation de ventes » ne contient pas de spécifications concernant les produits concrets qu’elle énumère, ni ne prouve que la commande à laquelle elle semble se référer a abouti à une livraison des produits en cause sous la marque antérieure non enregistrée.

58      Lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal l’invitant à expliquer en quoi exactement ladite « confirmation de ventes » contenait des informations sur les conditions requises et sur la protection offerte par la législation de la République tchèque concernant la marque antérieure non enregistrée, la requérante n’a avancé aucune explication.

59      De plus, la requérante a produit, devant la division d’opposition, un document auquel était annexée une lettre adressée par l’intervenante à une entité allemande, lequel ne contient toutefois pas la moindre indication concernant l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure non enregistrée.

60      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la requérante avait déjà apporté, au cours de la procédure devant la division d’opposition, certains éléments visant à démontrer l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure. Dès lors, les références aux dispositions de la législation tchèque fournies par la requérante pour la première fois dans l’exposé des motifs de son recours devant la chambre de recours ne constituent pas des éléments « additionnels » ou « complémentaires » par rapport à ceux qui avaient été présentés devant la division d’opposition.

61      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré qu’elle n’avait pas de pouvoir d’appréciation à l’effet d’accepter les preuves produites pour la première fois devant elle, ces preuves ayant été tardives.

62      Au vu de ce qui précède, il convient de souligner que, à la différence des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2016, Group/EUIPO – Iliev (GROUP Company TOURISM & TRAVEL) (T‑567/14, sous pourvoi, EU:T:2016:371), les éléments de preuve présentés par la requérante devant la division d’opposition dans la présente affaire ne permettaient pas à la chambre de recours d’exercer son pouvoir d’appréciation.

63      En outre, lors de l’audience, la requérante a mis à la disposition du Tribunal quelques exemplaires de calculatrices qu’elle affirme commercialiser et sur lesquelles était inscrite la marque antérieure non enregistrée. Toutefois, sans avoir besoin de se prononcer sur la force probante de ces éléments de preuve en ce qui concerne l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure non enregistrée, il suffit, pour les rejeter, de relever que ces éléments de preuve ont été présentés tardivement. D’une part, comme cela est expliqué aux points 38 à 51 du présent arrêt, ces éléments auraient dû être présentés au cours de la procédure devant la division d’opposition de l’EUIPO. D’autre part, en tout état de cause, aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve doivent être présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. En vertu de l’article 85, paragraphe 3, du même règlement, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Or, à cet égard, la présentation desdits éléments de preuve lors de l’audience est intervenue tardivement au sens de ces dispositions. La requérante ayant omis d’avancer une justification pour la présentation tardive de ces éléments de preuve, il convient de les écarter comme irrecevables, en vertu de l’article 85, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure.

64      Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur dans la mesure où elle a fait application des principes fixés dans l’arrêt du 28 octobre 2015, Маска (T‑96/13, EU:T:2015:813), alors que cet arrêt a été prononcé après l’expiration du délai d’introduction du recours contre la décision de la division d’opposition rendue dans le présent litige, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, l’interprétation que la Cour donne d’une disposition de droit de l’Union se limite à éclairer et à préciser la signification et la portée de celle-ci, telle qu’elle aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la disposition ainsi interprétée peut et doit être appliquée même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt en question et que ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Ces considérations s’appliquent aux institutions de l’Union lorsque celles-ci sont, à leur tour, appelées à mettre en œuvre les dispositions de droit de l’Union faisant l’objet d’une interprétation postérieure de la Cour (voir arrêt du 16 septembre 2013, Espagne/Commission, T‑402/06, EU:T:2013:445, point 104 et jurisprudence citée).

65      À titre surabondant, c’est à juste titre que la chambre de recours a, au point 71 de la décision attaquée, estimé que, même si les éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle devaient être considérés comme « additionnels » ou « complémentaires », et même s’il fallait considérer que la chambre de recours disposait d’un pouvoir d’appréciation à l’effet d’accepter ces éléments de preuve, elle ne les aurait pas pris en considération.

66      En effet, ainsi que la chambre de recours l’a souligné, il ressort du libellé de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 qu’une invocation ou production tardive de preuves n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que de telles preuves soient prises en considération par l’EUIPO.

67      À cet égard, la Cour a jugé que la prise en compte par l’EUIPO de preuves tardivement produites est, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure d’opposition, susceptible de se justifier en particulier lorsqu’il considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant lui et que, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 44).

68      Or, d’une part, il convient de relever, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, que la requérante devait, en l’espèce, savoir qu’elle était tenue de produire certaines preuves relatives aux éléments établissant le contenu de la législation tchèque.

69      Une telle obligation résulte déjà de la règle 19, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 2868/95, rappelée au point 42 ci-dessus. En outre, il ressort clairement du contenu de la lettre de l’EUIPO du 5 août 2014 que ce dernier a informé la requérante des éléments de preuve qui devaient être présentés au soutien d’une opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, en indiquant notamment le contenu de la législation nationale, en particulier s’agissant des conditions de protection du droit invoqué et de la portée des droits reconnus au titulaire et, concernant une marque non enregistrée, en apportant la preuve que cette marque était utilisée dans la vie des affaires.

70      Or, malgré cette demande explicite d’informations, la requérante n’a produit, devant la division d’opposition, aucune preuve relative au contenu de la législation nationale ni même présenté la moindre information au sujet de ce contenu.

71      D’autre part, les éléments avancés par la requérante pour justifier ce retard ne sauraient être retenus.

72      En effet, s’agissant d’abord du principe iura novit curia invoqué par la requérante, celui-ci ne concerne que l’application du droit de l’Union. Selon une jurisprudence bien établie, la détermination et l’interprétation des règles du droit national relèvent de l’établissement des faits et non de l’application du droit. Partant, ce n’est que le droit de l’Union qui relève du domaine juridique, dans lequel le principe iura novit curia s’applique, alors que le droit national se situe sur le plan de la charge de l’allégation et de la preuve propre à l’exposé des faits, sa teneur devant, le cas échéant, être démontrée preuves à l’appui [voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2013, El Corte Inglés/OHMI – Chez Gerard (CLUB GOURMET), T‑571/11, EU:T:2013:145, point 35 et jurisprudence citée]. Or, ainsi qu’il résulte du point 42 du présent arrêt, d’une part, ce n’est que dans l’hypothèse où l’EUIPO dispose déjà d’indications relatives au droit national qu’il doit s’informer d’office sur ce dernier, si cela est nécessaire à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement. D’autre part, le Tribunal n’a la possibilité d’exercer à ce sujet un contrôle effectif et de vérifier, au-delà des documents produits, la teneur, les conditions d’application et la portée des règles de droit invoquées par le demandeur qu’en présence de documents produits à titre de preuve du droit national applicable et, le cas échéant, qu’en comblant les éventuelles lacunes dans lesdits documents.

73      De même, l’argument de la requérante tiré du caractère trop général de l’invitation de l’EUIPO à préciser son opposition doit être rejeté. En effet, comme cela a été relevé au point 69 ci-dessus, la lettre du 5 août 2014 invitant la requérante à compléter son opposition contenait suffisamment d’éléments lui indiquant les preuves nécessaires à produire au soutien de son opposition. Cette lettre indiquait clairement les moyens de preuve admis dans le cadre d’une opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 et donnait à ce sujet des informations plus précises et détaillées que celles contenues dans la règle 19, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 2868/95. La requérante a répondu à cette lettre le 10 décembre 2014 en apportant plusieurs précisions et informations concernant l’opposition, sans toutefois donner suite à la demande de la division d’opposition de l’EUIPO concernant les éléments relatifs au droit national. Par ailleurs, lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal l’invitant à préciser la raison pour laquelle elle n’avait pas donné suite à cette demande de la division d’opposition, la requérante s’est limitée à insister sur le caractère trop général de l’invitation de l’EUIPO, sans présenter aucun argument pour étayer cette affirmation.

74      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen soulevé par la requérante et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

76      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Moravia Consulting spol. s r. o. est condamnée aux dépens.


Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.