Language of document : ECLI:EU:T:2012:103

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 mars 2012(*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des sacs industriels en plastique – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel – Durée de l’infraction – Amendes – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Coopération durant la procédure administrative – Proportionnalité – Responsabilité solidaire »

Dans l’affaire T‑65/06,

FLSmidth & Co. A/S, établie à Valby (Danemark), représentée par Me J.-E. Svensson, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre, en qualité d’agent, assisté de Mme M. Gray, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2005) 4634 final de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée par ladite décision à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, la société danoise FLSmidth & Co. A/S, est la société mère d’un groupe de sociétés exerçant dans les domaines de l’ingénierie, des activités minières et de la construction. Une de ces sociétés est la société FLS Plast A/S, qui est elle-même l’ancienne société mère de Trioplast Wittenheim SA, laquelle était productrice de sacs industriels, de films et de gaines en plastique à Wittenheim (France).

2        En décembre 1990, FLS Plast a acquis 60 % des actions de Trioplast Wittenheim, à l’époque nommée Silvallac SA. Les 40 % restants des actions ont été acquis par FLS Plast en décembre 1991. La partie vendeuse était la société française Cellulose du Pin, membre du groupe détenu par la Compagnie de Saint-Gobain SA (ci-après « groupe Saint-Gobain »).

3        À son tour, FLS Plast a vendu Silvallac en 1999 à Trioplanex France SA (ci-après « Trioplanex »), une filiale française du groupe suédois Trioplast. Le transfert a pris effet le 1er janvier 1999. En juillet 1999, Silvallac a été renommée Trioplast Wittenheim par sa nouvelle propriétaire.

4        En novembre 2001, la société British Polythene Industries a informé la Commission des communautés européennes de l’existence d’une entente dans le secteur des sacs industriels en plastique (ci-après l’« entente »). Elle a exprimé son souhait de coopérer dans le cadre des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »).

5        Les 26 et 27 juin 2002, la Commission a procédé à des vérifications en application de l’article 14, paragraphes 2 ou 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204). Une de ces vérifications a été effectuée chez Trioplast Wittenheim.

6        Entre le 14 novembre 2002 et le 21 février 2003, la Commission a adressé aux sociétés concernées des demandes de renseignements en vertu de l’article 11 du règlement n° 17. Une de ces demandes était adressée à Trioplast Wittenheim.

7        Par lettre du 19 décembre 2002, complétée par une lettre datée du 16 janvier 2003, Trioplast Wittenheim a indiqué vouloir coopérer à l’enquête de la Commission, dans le cadre de la communication sur la clémence, et a fourni des explications écrites.

8        Le 4 août 2003, la Commission a adressé une demande de renseignements complémentaires à Trioplast Wittenheim.

9        Le 20 avril 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs à l’encontre de plusieurs sociétés, dont, notamment, la requérante et Trioplast Wittenheim. Une audition s’est tenue du 26 au 28 juillet 2004.

10      Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté, sur le fondement du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), la décision C (2005) 4634 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 octobre 2007.

11      L’article 1er, paragraphe 1, sous h), de la décision attaquée dispose que la requérante et FLS Plast ont, du 31 décembre 1990 au 19 janvier 1999, enfreint l’article 81 CE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l’attribution de quotas de vente, l’allocation de clients, d’affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d’offres et l’échange d’informations individualisées.

12      L’article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée impose à Trioplast Wittenheim une amende de 17,85 millions d’euros. Sur ce montant, la requérante et FLS Plast sont tenues pour solidairement responsables à hauteur de 15,30 millions d’euros et Trioplast Industrier est tenue pour responsable à hauteur de 7,73 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2006, la requérante a introduit le présent recours.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée pour autant qu’elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, fixer le montant de l’amende dont elle est tenue pour responsable solidairement en vertu de l’article 2 de la décision attaquée, pour autant qu’elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante invoque deux moyens au soutien de ses conclusions.

17      Son premier moyen, d’ordre principal, est tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en raison de l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction commise par Trioplast Wittenheim.

18      Le deuxième moyen vise à appuyer la demande subsidiaire. La requérante estime que la Commission a commis une erreur de droit en la rendant responsable du paiement de l’amende pour un montant excessif, disproportionné, arbitraire et discriminatoire.

19       La Commission considère que les moyens ne sont pas fondés.

A –  Sur le premier moyen, concernant la responsabilité de la requérante en sa qualité de société mère du groupe auquel appartenait Trioplast Wittenheim

1.     Sur les conditions selon lesquelles une société holding peut être tenue pour responsable du comportement infractionnel d’une filiale

20      Par son premier moyen, la requérante soutient que les conditions définies par le droit de la concurrence de l’Union en matière d’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne sont pas remplies, qui plus est lorsque cette société mère est une holding de dernier rang. Elle estime que, en l’espèce, une présomption de contrôle effectif ne pouvait exister, en particulier eu égard au fait que l’entente existait au moment de l’acquisition de la filiale concernée, en 1990, et a continué après sa cession, en 1999, et qu’il appartenait donc à la Commission de prouver l’absence d’autonomie de Trioplast Wittenheim.

21      Le premier moyen soulevé par la requérante soulève d’abord la question de savoir dans quelles conditions une société holding de dernier rang telle que la requérante peut être tenue pour responsable d’agissements anticoncurrentiels perpétrés par une société appartenant au même groupe de sociétés.

22      Il convient de se référer, à cet égard, à l’arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission (C‑90/09 P, non encore publié au Recueil), selon lequel une société holding peut être tenue pour solidairement responsable des infractions au droit de la concurrence de l’Union commises par une filiale de son groupe dont elle ne détient pas directement le capital social, pour autant que cette société holding exerce une influence déterminante sur ladite filiale, et cela même indirectement par le biais d’une société interposée. Tel est notamment le cas lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché par rapport à cette société interposée, laquelle n’agit pas non plus de façon autonome sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société holding. En effet, dans une telle situation, la société holding, la société interposée et la dernière filiale du groupe font partie d’une même unité économique et, donc, constituent une seule entreprise au sens du droit de la concurrence de l’Union (arrêt General Química e.a./Commission, précité, points 86 et 87).

23      Il en résulte que, dans le cas particulier où une société holding détient 100 % du capital d’une société interposée, qui possède à son tour la totalité du capital d’une filiale de son groupe auteur d’une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société holding exerce une influence déterminante sur le comportement de la société interposée et indirectement, par le biais de cette dernière, également sur le comportement de ladite filiale (arrêt General Química e.a./Commission, point 22 supra, point 88).

24      Partant, dans cette situation spécifique, la Commission est en droit d’obliger la société holding solidairement au paiement de l’amende infligée à la dernière filiale du groupe, à moins que cette société holding ne renverse ladite présomption en démontrant que soit la société interposée, soit ladite filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt General Química e.a./Commission, point 22 supra, point 89).

25      La deuxième question soulevée par le premier moyen de la requérante concerne la circonstance selon laquelle Trioplast Wittenheim était déjà impliquée dans l’entente au moment où elle a été acquise par le groupe dirigé par la requérante, circonstance qui, selon la requérante, obligerait la Commission à démontrer l’existence d’instructions de la société holding à sa filiale lui ordonnant de poursuivre l’infraction.

26      À cet égard, il convient de rappeler que la responsabilité de la société mère du groupe du fait du comportement anticoncurrentiel de sa filiale ne trouve pas son fondement dans une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale, mais dans le fait que les deux sociétés font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt General Quimica e.a./Commission (point 22 supra).

27      Il découle de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en décidant que la présomption de responsabilité tirée de la détention, par une société, de l’entièreté du capital d’une autre société s’applique non seulement dans les cas où il existe une relation directe entre la société mère et sa filiale, mais également dans des cas où, comme en l’espèce, cette relation est indirecte eu égard à l’interposition d’une autre société. C’est, partant, à bon droit que la Commission a estimé que la requérante pouvait être tenue pour solidairement responsable, notamment en raison de sa participation indirecte, à travers FLS Plast, au capital de Trioplast Wittenheim, qu’elle détenait intégralement.

28      Il convient d’observer, toutefois, que la requérante n’a pas contrôlé l’entièreté du capital de Trioplast Wittenheim durant toute la période de huit ans pour laquelle elle est tenue pour responsable de l’infraction commise par celle-ci. En effet, entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991 (ci-après l’« année 1991 »), le groupe dirigé par la requérante ne détenait que 60 % des actions de Trioplast Wittenheim. Les considérations précédentes relatives à la présomption réfragable ne peuvent donc pas concerner l’année 1991, dans la mesure où ces considérations présupposent un contrôle du capital à 100 %. Il convient donc d’examiner ci-après si la Commission a démontré l’existence d’une entité économique constituée par Trioplast Wittenheim et la requérante, tant pour la période allant de 1992 à 1999 que pour l’année 1991.

2.     Sur l’autonomie sur le marché de Trioplast Wittenheim

29      La requérante estime qu’elle a démontré à suffisance de droit que Trioplast Wittenheim se comportait de façon autonome sur le marché. Elle fait valoir, à cet effet, qu’elle n’était pas informée du comportement anticoncurrentiel de sa filiale. S’il est vrai qu’un de ses vice-présidents, M. T., siégeait également dans le conseil d’administration de Trioplast Wittenheim de 1990 à 1999, il n’en demeurerait pas moins qu’il n’avait pas été informé de ces agissements anticoncurrentiels. Cette absence de connaissance serait attestée par une sentence arbitrale particulièrement détaillée rendue dans le litige opposant la requérante à Trioplast Industrier, le nouveau propriétaire de Trioplast Wittenheim. Enfin, la requérante insiste sur le mode d’organisation décentralisée du groupe qu’elle dirige et sur l’importance démesurée que la Commission attache au cumul de fonctions de M. T. Selon elle, la position de M. T. au sein du conseil d’administration de Trioplast Wittenheim ne répondait qu’à des exigences de pure forme.

30      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que le fait que la requérante ait eu connaissance ou non du comportement anticoncurrentiel de sa filiale est dépourvu de pertinence pour déterminer si les deux sociétés constituaient une entité économique unique et, partant, si la Commission pouvait imputer la responsabilité du comportement de la filiale à la société mère. Ainsi qu’il a été observé au point 24 ci-dessus, la seule question pertinente pour déterminer cette responsabilité est celle de savoir si la filiale se comportait de façon autonome sur le marché. Il a également été rappelé que la Commission pouvait présumer l’absence d’autonomie, lorsque la société mère contrôle, directement ou indirectement, 100 % du capital de sa filiale et qu’il incombait à la société mère de réfuter cette présomption.

31      Or, la requérante n’a avancé aucun argument concret permettant de réfuter cette présomption. En supposant que son allégation concernant le mode d’organisation décentralisée du groupe soit fondée, un tel mode d’organisation ne s’oppose pas nécessairement à ce que la société mère influe sur la politique commerciale de sa filiale, par exemple en se tenant informée de l’évolution des activités de sa filiale par la transmission de rapports réguliers.

32      Ensuite, le fait que M. T. cumulait, entre 1994 et 1999, des fonctions de responsabilité au sein des conseils d’administration des deux sociétés démontre que les directions des deux sociétés étaient imbriquées et que la filiale ne pouvait se comporter de façon autonome par rapport à la société mère. Pour autant que la requérante tend à faire valoir que la fonction de M. T. au sein du conseil d’administration de Trioplast Wittenheim était purement formelle et qu’elle n’impliquait pas son influence sur la politique commerciale de cette filiale, elle ne saurait être suivie. L’exercice de la fonction de membre d’un conseil d’administration d’une société entraîne par sa nature même une responsabilité légale pour l’ensemble des activités de cette société, y compris son comportement sur le marché. La thèse soutenue par la requérante, selon laquelle cette fonction ne serait que purement formelle, reviendrait à la vider de sa substance légale. Dès lors que M. T. assumait cette responsabilité, il importe peu qu’il ne se soit pas occupé, en pratique, de la politique commerciale de l’entreprise. Cette circonstance ne saurait donc être avancée pour réfuter la présomption de contrôle effectif.

33      Il s’ensuit que la requérante n’a pas réussi à réfuter la présomption de l’existence d’une entité économique unique entre elle et sa filiale pour la période allant de 1992 à 1999, durant laquelle elle détenait 100 % de ses actions. La Commission pouvait donc la tenir pour responsable du comportement anticoncurrentiel de sa filiale. Contrairement à ce que la requérante affirme, cette approche n’est ni discriminatoire ni arbitraire. En effet, la requérante a été traitée comme les autres sociétés mères de dernier rang concernées par l’entente, conformément à l’énoncé du considérant 585 de la décision attaquée. Il est vrai qu’il en va différemment pour FLS Plast, qui est la société holding intermédiaire du groupe dirigé par la requérante et qui, nonobstant l’annonce faite audit considérant, s’est vu adresser la décision attaquée. Cette circonstance n’affecte cependant pas la requérante, mais FLS Plast. Il convient d’observer, à cet égard, que celle-ci s’est prévalue de cette circonstance dans le recours qu’elle a introduit elle-même contre la décision attaquée.

34      Il est également constant que la décision attaquée ne vise pas le groupe Saint-Gobain, qui était l’ancien propriétaire de Trioplast Wittenheim, avant l’acquisition de cette dernière par la requérante. Cette différence de traitement résulte de l’application des règles de prescription prévues à l’article 25 du règlement n° 1/2003. En effet, dans la mesure où les faits impliquant le groupe Saint-Gobain remontent à 1990, la Commission n’avait plus le pouvoir de le poursuivre lorsqu’elle a débuté son enquête, en 2002.

35      Enfin, il est de jurisprudence constante qu’une entreprise coupable d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d’amende, alors même que le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ce dernier (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 197, et arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 142). Ainsi, l’argumentation de la requérante tirée de ce que d’autres entreprises, placées dans une situation prétendument similaire, ne se sont pas vu infliger d’amende, doit être rejetée.

36      Il résulte de ces considérations que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en tenant la requérante pour responsable du fait du comportement infractionnel de Trioplast Wittenheim durant la période au cours de laquelle elle détenait 100 % du capital de cette filiale, à savoir de 1992 à 1999.

37      En revanche, la Commission ne pouvait se prévaloir de la présomption de l’exercice effectif du pouvoir de contrôle de la requérante sur le comportement commercial de Trioplast Wittenheim pour l’année 1991, durant laquelle elle ne détenait que 60 % de ses actions. Pour cette période, la Commission devait avancer d’autres éléments de preuve démontrant qu’un tel contrôle fut effectivement exercé.

38      Or, le seul élément avancé par la Commission pour cette période concerne le fait que M. T. cumulait les fonctions de vice-président exécutif de la requérante et de membre du conseil d’administration de Trioplast Wittenheim.

39      À cet égard, il y a lieu de constater, d’abord, que la Commission n’a pas donné d’explication quant au pouvoir des représentants du groupe dirigé par la requérante au sein du conseil d’administration de Trioplast Wittenheim. Il n’est donc pas établi qu’ils aient disposé du pouvoir d’imposer un contrôle effectif à l’ensemble du conseil d’administration, notamment durant une phase de transition telle que l’année 1991. Ensuite, il n’est pas établi que MM. T., représentant la requérante, et H., représentant FLS Plast, savaient ou devaient savoir que la filiale récemment acquise était engagée dans des comportements anticoncurrentiels. Enfin et surtout, il convient d’observer que la Commission ne conteste pas que la gestion quotidienne de la filiale relevait de la compétence du directeur général de cette dernière. Or, la requérante a précisé que M. L., un représentant du groupe Saint-Gobain, avait gardé la fonction de directeur général durant l’année 1991.

40      Dans ces conditions, la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que la requérante exerçait un contrôle effectif sur Trioplast Wittenheim durant l’année 1991. Il convient dès lors d’accueillir le premier moyen pour autant qu’il porte sur l’imputabilité de l’infraction à la requérante pour la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991.

B –  Sur le deuxième moyen, relatif au montant de l’amende

1.     Sur la recevabilité

41      Par son deuxième moyen, la requérante conteste le niveau du montant de l’amende au paiement duquel elle est tenue pour solidairement responsable. Elle avance à cet effet une série d’arguments qui concernent tant le calcul de l’amende imposée à Trioplast Wittenheim que la détermination du montant de l’amende que la décision attaquée lui inflige directement.

42      Avant d’examiner ces arguments, il y a lieu d’observer que la décision attaquée doit être traitée comme un faisceau de décisions individuelles constatant l’infraction retenue à la charge de chacune des entreprises à laquelle elle s’adresse et, le cas échéant, infligeant une ou plusieurs amendes. Il s’ensuit que le moyen avancé par la requérante à l’encontre de la décision attaquée n’est recevable que dans la mesure où il se rapporte à la sanction retenue contre elle. Le Tribunal vérifiera la recevabilité des différents arguments soulevés par la requérante à la lumière de ces principes.

2.     Sur la durée de l’infraction au titre de laquelle la responsabilité solidaire de la requérante est engagée

43      Par son premier grief, la requérante fait valoir que l’amende qui lui a été infligée devrait refléter de façon strictement proportionnelle, par rapport à l’amende de sa filiale, le fait que cette société ne lui a appartenu que pendant 8 ans sur une période infractionnelle de 20 ans et qu’elle ne détenait que 60 % des actions de Trioplast Wittenheim durant l’année 1991.

44      À cet égard, il convient d’observer, d’abord, que le montant au paiement duquel la requérante est tenue pour solidairement responsable résulte logiquement de la méthode de calcul suivie par la Commission dans le cas d’espèce. La Commission a attribué à chaque destinataire de la décision attaquée un montant de départ, qui a ensuite été ajusté en fonction des circonstances qui lui sont propres. Selon cette méthode individualisée, les sociétés mères des filiales ayant participé à l’entente, dont la requérante et Trioplast Industrier, se sont vu attribuer le même montant de départ que la filiale avec laquelle elles avaient constitué une entité économique. Ces montants ont été augmentés de 10 % par an, en fonction de la durée durant laquelle la société mère en question contrôlait sa filiale, puis ont été ajustés en fonction de circonstances atténuantes ou aggravantes propres à chaque société mère. Il s’ensuit que chaque destinataire s’est vu imposer une sanction qui lui est propre et dont le montant ne correspond pas nécessairement à l’amende de la filiale ajustée au prorata de la période de contrôle.

45      Il y a lieu de préciser, ensuite, que la requérante n’a pas contesté dans le cadre de ce grief la validité de cette méthode de calcul. Elle n’a aucunement cherché à établir que la Commission aurait, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende infligée à la requérante, violé le règlement n° 1/2003 ou qu’elle se serait départie des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »). En effet, la requérante n’a avancé aucun argument permettant de considérer que la méthode de calcul, en tant que telle, reposerait sur une erreur fondamentale ou serait contraire aux principes consacrés par la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T‑40/06, non encore publié au Recueil, point 70).

46      Le premier grief que la requérante avance au soutien de son second moyen doit donc être rejeté.

3.     Sur le choix du montant de départ

47      Le deuxième grief soulevé par la requérante à l’appui de son second moyen concerne le montant de départ que la Commission a retenu la concernant. Elle estime que la Commission ne pouvait lui imputer le même montant de départ que celui retenu pour Trioplast Wittenheim, car elle n’avait pas connaissance de l’infraction commise par cette dernière. La Commission aurait donc dû prévoir un montant de départ distinct.

48      Sur ce point, il convient de rappeler que la responsabilité de la requérante trouve son fondement dans le fait qu’elle constituait avec Trioplast Wittenheim une seule entité économique au sens du droit de la concurrence de l’Union pour la période allant de 1992 à 1999, et non dans sa connaissance des faits infractionnels (voir point 28 ci-dessus). En outre, la requérante se contente de remarquer que le montant de départ est excessif, sans préciser la règle de droit que la Commission aurait enfreinte en se fondant sur le montant de départ identifié pour Trioplast Wittenheim et sans remettre en cause la validité de la méthode de calcul suivie par la Commission à cet effet.

49      Le deuxième grief ne saurait donc prospérer.

4.     Sur l’égalité de traitement

50      Le troisième grief de la requérante est tiré d’une violation du principe de non-discrimination. Elle fait valoir qu’aucune amende n’a été infligée au groupe Saint-Gobain, dont Trioplast Wittenheim faisait partie depuis 1982, avant de devenir une entité juridique autonome, filiale à 100 % de ce même groupe en 1988.

51      Sur ce point, il convient de se référer au point 34 ci-dessus dont il découle que la Commission ne pouvait poursuivre le groupe Saint-Gobain en raison des règles de prescription prévues à l’article 25 du règlement n° 1/2003 et que la requérante ne saurait échapper à une amende au seul motif que la Commission n’aurait pas sanctionné une entreprise tierce.

52      Le troisième grief doit donc être rejeté.

5.     Sur les circonstances atténuantes

53      Le quatrième grief de la requérante concerne tant l’amende infligée à Trioplast Wittenheim que celle imposée à la requérante. Selon la requérante, la Commission aurait dû reconnaître que l’absence de toute connaissance d’une infraction préexistante constituait une circonstance atténuante. Il pourrait ainsi lui être reproché, tout au plus, de ne pas avoir mis un terme à l’infraction. En outre, la Commission aurait omis de tenir compte du rôle passif joué par Trioplast Wittenheim dans l’entente durant la période où elle était contrôlée par la requérante. En effet, il ressortirait de la note en bas de page n° 848 de la décision attaquée que la participation de Trioplast Wittenheim aux réunions n’était régulière qu’avant 1987. Son taux de participation lors de la période postérieure n’aurait pas dépassé les 40 %. De plus, elle aurait cessé toute participation au sous-groupe « France » en 1996. Enfin, la Commission n’aurait pas tenu compte non plus du fait que les quotas convenus au sein de l’entente n’étaient pas respectés, qu’ils n’étaient assortis d’aucune sanction s’ils venaient à être méconnus et que les autres mesures collusoires avaient une portée limitée.

54      À cet égard, il convient de rappeler que cet argument, qui comporte deux volets, n’est recevable que pour autant qu’il porte sur la contestation du montant au paiement duquel la requérante est tenue pour solidairement responsable (voir points 41et 42 ci-dessus).

55      Le premier volet du grief concerne la situation de la requérante elle-même. Sur ce point, il y a lieu de rappeler que la responsabilité de la requérante du fait de l’infraction commise par son ancienne filiale ne trouve pas son fondement dans la connaissance que la requérante avait ou pouvait avoir de cette infraction, mais dans le fait que les deux sociétés constituaient, au moment de la commission de l’infraction, une seule entreprise. Le fait que la requérante n’ait pas été informée de l’infraction ne saurait donc constituer une circonstance atténuante en sa faveur.

56      Le deuxième volet de l’argument concerne le refus de la Commission de reconnaître que le rôle passif joué par Trioplast Wittenheim devait donner lieu, selon la requérante, à la reconnaissance d’une circonstance atténuante au sens des lignes directrices.

57      Aux termes du point 3, premier tiret, de ces lignes directrices, le « rôle exclusivement passif ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction peut, s’il est établi, constituer une circonstance atténuante. Un rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 167).

58      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peut être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (arrêts du Tribunal Cheil Jedang/Commission, point 57 supra, point 168, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 331).

59      En outre, le Tribunal a déjà précisé que le fait que d’autres entreprises participant à une seule et même entente aient pu être plus actives qu’un participant donné n’implique pas, pour autant, que ce dernier ait eu un rôle exclusivement passif ou suiviste. En fait, seule la passivité totale pourrait entrer en ligne de compte et doit être établie par la partie qui l’invoque (arrêt du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02 et T‑126/02, T‑128/02 et T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 611).

60      En l’espèce, force est de constater que ne saurait être accueilli aucun des arguments qui portent sur le rôle passif et suiviste que Trioplast Wittenheim aurait joué dans le cadre de l’entente.

61      En ce qui concerne l’absence prétendument périodique de Trioplast Wittenheim aux réunions de l’entente, il résulte de l’annexe 1 de la décision attaquée que, sauf à l’exception de la période postérieure à 1999, Trioplast Wittenheim était régulièrement présente aux réunions de Valveplast et qu’elle s’est fait excuser à quelques reprises seulement.

62      Le fait que sa participation au sous-groupe « France » a cessé en 1996 n’affecte pas le constat en vertu duquel la requérante a participé pendant la majeure partie de l’infraction à trois des six sous-groupes et que ce degré d’engagement n’est pas particulièrement faible en comparaison de celui des autres membres de l’entente. En effet, il ressort des considérants 173 à 185 de la décision attaquée que seules les sociétés Wavin et Fardem Packaging assistaient aux réunions de plus de trois sous-groupes. Compte tenu du fait que la requérante a effectivement participé aux trois sous-groupes susmentionnés durant environ les trois quarts de la durée de l’infraction, il n’y a pas lieu de conclure que le retrait desdits sous-groupes ait impliqué un rôle passif de la requérante (arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 45 supra, point 114).

63      Enfin, la circonstance que les parties à l’entente n’aient pas respecté l’ensemble des arrangements collusoires peut éventuellement être un facteur susceptible d’influer sur l’effet que cette entente avait sur le marché, mais ne signifie pas qu’une de ces parties ait joué un rôle passif au sens des lignes directrices.

64      À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième grief de la requérante.

6.     Sur la durée de l’infraction commise par Trioplast Wittenheim

65      Le cinquième grief avancé par la requérante concerne la responsabilité de Trioplast Wittenheim pour la période précédant l’année 1988. La requérante fait valoir, à cet égard, que Trioplast Wittenheim n’avait pas de personnalité juridique avant cette date et que l’amende que la décision attaquée lui a infligée doit donc être réduite, proportionnellement, de 3/10. La Commission conteste la recevabilité de cet argument, dans la mesure où il concerne l’amende infligée à Trioplast Wittenheim et non celle imposée à la requérante.

66      Indépendamment de la question de savoir si l’argument de la requérante est recevable, il convient d’observer que celui-ci ne saurait, en tout état de cause, prospérer. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêt de la Cour du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, C‑437/09, non encore publié au Recueil, point 41) Or, une telle entité consiste en l’organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d’une infraction visée par l’article 81 CE (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 311).

67      Or, en l’espèce, l’ensemble des éléments personnels, matériels et immatériels ayant concouru à la commission de l’infraction résultant de l’entente relève de Trioplast Wittenheim, de sorte qu’il lui appartient de répondre de cette infraction en premier lieu. Il est sans importance que Trioplast Wittenheim n’ait pas disposé de la personnalité juridique durant sa participation à l’entente, dès lors que c’est elle qui est l’auteur de l’infraction au sens de l’article 81 CE.

68      Il y a donc lieu de rejeter le cinquième grief.

7.     Sur le niveau du montant de départ de l’amende

69      En sixième lieu, la requérante estime que la Commission a commis une erreur d’appréciation en prévoyant un montant de départ de l’amende de 8,5 millions d’euros pour la catégorie d’entreprises dans laquelle Trioplast a été classée, alors que sa part de marché n’était que de 2,8 %. En effet, il s’agirait d’un montant exorbitant et sans précédent au regard de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et de la jurisprudence. Le caractère excessif et discriminatoire du montant de départ ressortirait notamment d’une comparaison entre le montant de départ relatif à la cinquième catégorie (8,5 millions d’euros) et celui se rapportant à la sixième catégorie (5,5 millions d’euros). La différence de trois millions serait disproportionnée, compte tenu du petit écart entre les parts de marché respectives des entreprises concernées : 2,8 % pour Trioplast Wittenheim et 2,3 % pour la société Sachsa. La requérante précise, de plus, que Trioplast Wittenheim a cessé sa production de sacs gueule ouverte et de sacs à valve en 1997. Enfin, une majoration du montant de départ de l’amende à raison de 10 % par année de participation à l’infraction serait disproportionnée par rapport à l’intensité de ladite infraction et ne serait assortie d’aucune motivation.

70      À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, que, dans la mesure où une pratique décisionnelle concernant les montants de départ aurait été établie par la Commission à l’époque des décisions visées par la requérante, rien ne s’opposerait à ce que cette pratique puisse être écartée dans la présente affaire ou à ce qu’elle soit modifiée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 233). La Commission n’est donc pas tenue par sa pratique décisionnelle antérieure.

71      En deuxième lieu, il convient de souligner que la méthode de répartition des membres d’une entente en catégories afin d’appliquer un traitement différencié au stade de la fixation des montants de base a été approuvée par le Tribunal, à condition que les catégories soient définies de façon cohérente et objectivement justifiée, afin de respecter le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, points 385 et 416 à 418, et la jurisprudence citée).

72      En l’espèce, le reproche de la requérante concerne la comparaison entre les montants de départ retenus pour Sachsa et pour Trioplast Wittenheim. Le montant de départ concernant Sachsa s’élève à 5,5 millions d’euros, en raison du fait qu’elle a été classée dans la sixième catégorie, alors que le montant de départ concernant Trioplast Wittenheim s’élevait à 8,5 millions d’euros en raison de son placement dans la cinquième catégorie. Cette différence ne correspondrait pas à l’écart de 0,5 % entre la part de marché de Sachsa (à savoir 2,3 %) et celle de Trioplast Wittenheim (à savoir 2,8 %).

73      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, la Commission n’a pas avantagé Sachsa par rapport à Trioplast Wittenheim. La différence de 3 millions d’euros entre le montant de départ de 5,5 millions d’euros retenu pour la sixième catégorie, dans laquelle se trouve Sachsa, et le montant de 8,5 millions d’euros, relatif à la cinquième catégorie à laquelle appartient Trioplast Wittenheim, n’est pas censée refléter la différence spécifique de 0, 5% existant entre la part de marché de Sachsa (2,3 %) et la part de marché de Trioplast Wittenheim (2,8 %), mais la différence entre les catégories dans lesquelles ont été classés les différents groupes de sociétés. Ainsi, l’on constate que les écarts entre les catégories sont effectivement plus importants que les différences à l’intérieur des catégories. Par exemple, la différence au sein de la cinquième catégorie entre l’entreprise disposant de la plus grande part de marché (3,1 %) et celle ayant la plus petite part (2,8 %) se limitait à 0,3 %, ce qui constitue une différence moins importante que l’écart de 0,5 % existant entre les parts de marché de Sachsa et de Trioplast Wittenheim.

74      En troisième lieu, il ressort du considérant 767 de la décision attaquée que cette répartition est fondée sur les parts de marché réalisées par les participants à l’entente en 1996, car cette année correspond à l’année complète de l’infraction la plus récente au cours de laquelle l’ensemble des entreprises destinataires de la décision attaquée étaient encore présentes sur le marché des sacs industriels. La requérante n’a avancé aucun argument permettant de considérer que le choix de l’année 1996 ne constituait pas une indication pertinente des tailles et puissances économiques respectives des membres de l’entente. Au contraire, le fait que la requérante mette en avant la diminution de la part de marché de Trioplast Wittenheim après 1997, en raison de la cessation de la production des sacs gueule ouverte et des sacs à valve, atteste que sa part de marché, en 1996, reflétait mieux sa position sur le marché des sacs industriels tout au long de l’infraction.

75      Il convient de rappeler, en quatrième et dernier lieu, que le point B, troisième tiret, des lignes directrices prévoit une augmentation annuelle de 10 % du montant de départ en cas d’infraction de longue durée, c’est-à-dire au-delà de cinq ans. En l’espèce, la durée de l’infraction était supérieure à cinq ans. Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur en augmentant de 10 % le montant de départ de 8,5 millions d’euros attribué à la requérante. Le fait que la Commission aurait appliqué dans le passé un taux moins élevé n’est pas de nature à remettre en cause cette constatation. À cet égard, il convient de rappeler à nouveau que la Commission n’est pas tenue par sa pratique décisionnelle antérieure.

76      Il s’ensuit que le sixième grief de la requérante doit être rejeté.

8.     Sur le plafond de 10 % prévu à l’article 23 du règlement n° 1/2003

77      Par son septième grief, la requérante reproche à la Commission d’avoir violé le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, dans la mesure où Trioplast Wittenheim, bien qu’identifiée comme un destinataire individuel et à part entière de la décision attaquée, n’a pas vu le montant de son amende être limité en conséquence.

78      Le plafond de 10 % du chiffre d’affaires vise, selon une jurisprudence constante, le chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée, en ce que seul ce chiffre d’affaires donne une indication de l’importance et de l’influence de cette entreprise sur le marché (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 5022, et la jurisprudence citée). Ainsi, le plafond tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d’amende qui pourrait détruire leur substance économique (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 389).

79      Il s’ensuit que l’objectif poursuivi par l’introduction du plafond de 10 % ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l’amende. Ce n’est que s’il s’avère, dans un deuxième temps, que plusieurs destinataires constituent l’« entreprise » au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée, et ce encore à la date d’adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 79 supra, point 390, et du 13 septembre 2010, Trioplast Wittenheim/Commission, T‑26/06, non publié au Recueil, point 113).

80      En l’espèce, Trioplast Wittenheim et la requérante ne constituaient plus, à la date de la décision attaquée, une entreprise au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée. Par voie de conséquence, la Commission n’a pas commis d’erreur en se fondant, dans le cadre de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, sur le chiffre d’affaires du groupe Trioplast Industrier, qui détenait Trioplast Wittenheim au moment de l’adoption de la décision attaquée.

81      Il s’ensuit que le septième grief ne saurait être accueilli.

9.     Sur la coopération

82      La requérante fait valoir, en huitième lieu, que la Commission a refusé à tort de lui accorder une réduction de 30 % au titre de la coopération offerte par Trioplast Wittenheim. En effet, dans la mesure où la requérante et sa sous-filiale étaient censées constituer la même entité économique et où l’amende frappant la requérante est dérivée de celle infligée à son ancienne sous-filiale, la Commission aurait logiquement dû lui concéder la même réduction que celle accordée à Trioplast Wittenheim. En accordant le bénéfice de cette coopération à Trioplast Industrier, la Commission aurait non seulement agi de façon incohérente, mais également de façon discriminatoire. La requérante précise, à cet égard, que la coopération offerte par Trioplast Wittenheim est un fait objectif, dont la pertinence pour l’enquête ne dépend pas de l’appartenance au groupe de Trioplast Industrier ou à celui de la requérante. Enfin, si le Tribunal devait décider que la Commission pouvait lui refuser le bénéfice d’une réduction de 30 % au titre de la coopération offerte par Trioplast Wittenheim, la Commission devait, en tout état de cause, lui offrir une diminution de 10 % du montant de son amende en raison de l’absence de contestation des faits par elle.

83      Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu’elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par les services de cette institution. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur la coopération respective desdites entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 81, et arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 45 supra, point 122).

84      La Commission jouit, à cet égard, d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 83 supra, point 88). Pourtant, elle ne saurait, dans le cadre de cette appréciation, méconnaître le principe d’égalité de traitement (arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, non encore publié au Recueil, point 142).

85      Selon le point D.2, second tiret, de la communication sur la coopération, une entreprise peut bénéficier d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération notamment si, après avoir reçu la communication des griefs, elle informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. Selon la jurisprudence, une entreprise doit, pour bénéficier d’une telle réduction, explicitement informer la Commission de ce qu’elle n’entend pas contester la matérialité des faits, après avoir pris connaissance de la communication des griefs (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. I‑1751, point 309).

86      De plus, pour justifier la réduction du montant d’une amende au titre de la coopération, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de concurrence de l’Union et témoigner d’un véritable esprit de coopération. Il ne suffit pas qu’une entreprise affirme, d’une manière générale, qu’elle ne conteste pas les faits allégués, conformément à cette communication, si, dans les circonstances du cas d’espèce, cette affirmation ne présente pas la moindre utilité pour la Commission (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 193).

87      En l’espèce, la requérante formule, en premier lieu, le reproche que la Commission ne lui a pas accordé une réduction du montant de l’amende de 30 %, alors qu’elle constituait une entité économique avec Trioplast Wittenheim.

88      Comme il a été établi dans le cadre de l’appréciation de ce deuxième moyen, on ne saurait considérer comme illégal le fait que la Commission a imputé le comportement infractionnel de Trioplast Wittenheim à la requérante parce que les deux personnes juridiques avaient constitué une entité économique durant l’infraction, tout en appliquant une méthode de calcul individualisée pour déterminer le montant que la requérante devait payer au titre de la responsabilité solidaire. Dans le prolongement de cette constatation, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel elle aurait dû nécessairement bénéficier de la réduction de 30 % du montant de l’amende accordée à Trioplast Wittenheim, puisqu’il revenait à la Commission d’apprécier la coopération des deux entreprises à l’enquête de façon individuelle.

89      À cet égard, il convient de préciser que la demande déposée par lettre du 19 décembre 2002 par Trioplast Wittenheim, au titre de la communication sur la coopération, ne concernait pas la requérante. Il faut rappeler, en effet, que la requérante et Trioplast Wittenheim sont deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes qui faisaient partie, à la date de la décision attaquée, de deux entreprises distinctes au sens de l’article 81 CE. La demande déposée par Trioplast Wittenheim au titre de la communication sur la coopération ne saurait donc bénéficier qu’à l’entreprise dont cette dernière faisait partie, et non à la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 75).

90      Quant à l’argument selon lequel la Commission aurait enfreint le principe d’égalité de traitement en s’abstenant d’attribuer la réduction de 30 % à la requérante, il importe de rappeler que ledit principe n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 237).

91      À cet égard, la Commission soutient que la requérante ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle de Trioplast Industrier, car cette dernière formait avec Trioplast Wittenheim une seule entreprise au moment de la demande de coopération.

92      L’argument de la Commission ne saurait être accueilli pour les raisons suivantes. Dès lors que la Commission avait décidé de suivre une approche individualisée, elle devait examiner la situation individuelle de chaque destinataire de la future décision, afin de déterminer la sanction qui allait lui être appliquée. C’est ainsi que Trioplast Wittenheim, Trioplast Industrier et la requérante se sont vu, à bon droit, attribuer des montants de départ individuels, montants qui ont ensuite été ajustés en fonction des circonstances qui leur étaient propres.

93      Toutefois, la Commission s’est partiellement écartée de cette méthode dans le cas de Trioplast Industrier. En effet, il ne ressort ni de la décision attaquée ni des écrits produits devant le Tribunal que cette société ait fourni des informations justifiant une réduction de 30 % au titre de la coopération ou qu’elle se soit ralliée à la coopération offerte par Trioplast Wittenheim. La Commission lui a néanmoins octroyé une telle réduction au motif qu’elle constituait avec Trioplast Wittenheim une seule entreprise au moment de l’adoption de la décision attaquée. La Commission a ainsi confondu la question relative au fondement de la responsabilité de Trioplast Industrier du fait des agissements de Trioplast Wittenheim avec la question relative aux modalités de calcul des amendes.

94      Or, dans la mesure où le fondement de la responsabilité de la requérante en raison du comportement de Trioplast Wittenheim est identique à celui de la responsabilité de Trioplast Industrier et où aucune des sociétés mères successives n’a offert des informations utiles à la Commission, celle-ci a traité deux situations comparables de façon différente. Il s’ensuit que la Commission a appliqué à la requérante un traitement discriminatoire par rapport à Trioplast Industrier, en refusant d’accorder à la première le même pourcentage de réduction que celui offert à cette dernière.

95      Toutefois, selon la jurisprudence, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 259).

96      Il s’ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir du fait que la Commission a étendu, à tort, le bénéfice de la coopération offerte par Trioplast Wittenheim à Trioplast Industrier, afin de bénéficier de la même illégalité sous la forme d’une réduction comparable de 30 % du montant de base de l’amende que la décision attaquée lui a infligée.

97      S’agissant du grief tiré de l’absence de contestation de la matérialité des faits retenus à l’encontre de la requérante dans la communication des griefs, il convient de constater que la Commission a estimé, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui est le sien, que cette absence de contestation de la matérialité des faits par la requérante ne l’avait pas aidée à établir l’existence d’une violation de l’article 81 CE. En outre, il y a lieu de noter que la requérante n’a avancé aucun argument permettant d’établir que sa coopération avait facilité la tâche de la Commission, comme cela est exigé par la jurisprudence exposée au point 86 ci-dessus. Ce grief ne saurait donc être accueilli.

98      Il s’ensuit que le neuvième grief de la requérante et, partant le deuxième moyen, doivent être rejetés.

99      Il découle de l’ensemble des considérations précédentes que la Commission a commis une erreur d’appréciation en tenant la requérante pour responsable des agissements anticoncurrentiels de Trioplast Wittenheim pour l’année 1991.

100    Il convient, dès lors, d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous h), de la décision attaquée, pour autant qu’il y est constaté que la requérante a enfreint l’article 81 CE durant la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991, ainsi que l’article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée, pour autant qu’il fixe le montant au paiement duquel est tenue la requérante au titre de la responsabilité solidaire à 15,30 millions d’euros.

101    Eu égard à l’article 31 du règlement n° 1/2003, il incombe au Tribunal de fixer un nouveau montant à concurrence duquel la requérante est tenue pour solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à Trioplast Wittenheim.

102    Il y a donc lieu, en l’espèce, d’ajuster la majoration du montant de départ de 8,5 millions d’euros en fonction de la durée ainsi corrigée. Cette majoration doit se limiter à 70 % au lieu de 80 %, de sorte que le montant de base s’élève à 14,45 millions d’euros.  

 Sur les dépens

103    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

104    Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2005) 4634 de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 ­– Sacs industriels), est annulée pour autant que et dans la mesure où elle tient FLSmidth & Co. A/S pour responsable de l’infraction unique et continue visée à son article 1er, paragraphe 1, durant la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991.

2)      Le montant au paiement duquel FLSmidth & Co. A/S est tenue pour solidairement responsable au titre de l’article 2, sous f), de la décision C (2005) 4634 est fixé à 14,45 millions d’euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission européenne et FLSmidth & Co. supporteront chacune leurs propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.