Language of document : ECLI:EU:C:2010:789

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK,

présentées le 16 décembre 2010 (1)

Affaire C‑29/10

Heiko Koelzsch

contre

Grand-Duché de Luxembourg

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel (Luxembourg)]

«Convention de Rome du 18 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles – Article 6 – Contrats de travail – Dispositions impératives relatives à la protection des travailleurs – Pays dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail – Travailleur qui exerce son activité dans plusieurs pays – Jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles – Pays où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur – Premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome»





Table des matières

I –   Introduction

II – Le cadre juridique

A –   La convention de Rome

B –   La convention de Bruxelles

C –   Le droit de l’Union 

1.     Le règlement Rome I

2.     Le règlement n° 44/2001

D –   Le droit national

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V –   Arguments des parties

A –   Sur la compétence de la Cour

B –   Sur la question préjudicielle

VI – Appréciation de Mme l’avocat général

A –   Introduction

B –   Sur la compétence de la Cour

C –   Sur la question de la base juridique pour la responsabilité de l’État dans la présente affaire

D –   Analyse de la question préjudicielle

1.     Sur la convention de Rome et la protection du travailleur en tant que partie au contrat la plus faible

2.     Sur la jurisprudence de la Cour relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles

3.     Sur la possibilité d’appliquer la jurisprudence relative à la convention de Bruxelles à l’interprétation de la convention de Rome

a)     Interprétation littérale

b)     Interprétation historique

c)     Interprétation systématique

d)     Interprétation téléologique

e)     Limites de l’interprétation parallèle

4.     Critères que le juge national doit prendre en compte

E –   Conclusion

VII – Conclusions

I –    Introduction

1.        La présente affaire concerne l’interprétation de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (ci-après la «convention de Rome») (2). Cette convention a été conclue dans le but d’uniformiser les règles de conflit des États contractants. Elle a accru la sécurité juridique et éliminé l’incertitude quant au droit applicable aux relations contractuelles. La convention de Rome a été remplacée par le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (3) (ci-après le «règlement Rome I») (4). Ce règlement s’applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009 (5). Puisque, dans la présente affaire, le contrat de travail en cause a été conclu en 1998, ce sont les dispositions de la convention de Rome qui s’appliquent à son égard.

2.        La Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la «Cour») est appelée, dans la présente affaire, à répondre à une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 6 de la convention de Rome en liaison avec le droit applicable aux contrats de travail. Cette affaire n’est certes pas la première où la Cour est appelée à interpréter la convention de Rome (6), mais ce sera la première où elle interprétera l’article 6 de cette convention à l’égard du droit applicable aux contrats de travail (7). Dans ce contexte, la Cour devra avant tout examiner si la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32) peut constituer une source d’inspiration pour l’interprétation de l’article 6 de la convention de Rome ou, plus précisément, l’interprétation de la notion de «lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail» contenue dans cet article (8). Elle devra à cette occasion, d’une part, partir du fait que les deux instruments juridiques emploient une terminologie similaire et, d’autre part, tenir compte des limites de l’interprétation parallèle de la convention de Bruxelles et de la convention de Rome.

3.        La question préjudicielle dans cette affaire se pose dans le cadre d’un litige opposant M. Koelzsch, un conducteur de transports internationaux domicilié en Allemagne, au Grand-Duché de Luxembourg et concernant une action en dommages-intérêts en raison de la prétendue application erronée des dispositions de la convention de Rome par les juridictions luxembourgeoises. M. Koelzsch soutient dans le cadre de ce litige que c’est le droit allemand et non le droit luxembourgeois qui s’applique à la question de la résiliation du contrat de travail, invoquant à cet égard les dispositions impératives sur la protection des droits des travailleurs contenues en droit allemand. Les juridictions du travail luxembourgeoises ayant appliqué au litige les dispositions du droit luxembourgeois et non du droit allemand, M. Koelzsch a introduit une action en dommages-intérêts contre l’État luxembourgeois fondée sur une allégation de fonctionnement défectueux de ses juridictions.

II – Le cadre juridique

A –    La convention de Rome

4.        L’article 3 de la convention de Rome, intitulé «Liberté de choix», dispose:

«1.      Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

[…]»

5.        Aux termes de l’article 4 de la convention de Rome, intitulé «Loi applicable à défaut de choix»:

«1.      Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays.

[…]»

6.        En vertu de l’article 6 de la convention de Rome, intitulé «Contrat individuel de travail»:

«1.      Nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.

2.      Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi:

a)      par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou

b)      si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur,

à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.»

7.        Le premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de justice de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (9) (ci-après le «premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome»), dispose en son article 1er:

«La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur l’interprétation:

a)      de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 […];

b)      des conventions relatives à l’adhésion à la convention de Rome des États qui sont devenus membres des Communautés européennes après la date de son ouverture à la signature;

[…]»

8.        L’article 2 du premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome dispose:

«Toute juridiction visée ci-après a la faculté de demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elle et portant sur l’interprétation des dispositions que comportent les instruments mentionnés à l’article 1er, lorsqu’elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement:

[…]

b)      les juridictions des États contractants lorsqu’elles statuent en appel.»

B –    La convention de Bruxelles

9.        La convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après la «convention de Bruxelles») (10) dispose à l’article 5:

«Le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant:

1)      en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée; en matière de contrat individuel de travail, ce lieu est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail; lorsque le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l’employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.» (11)

C –    Le droit de l’Union (12)

1.      Le règlement Rome I

10.      Le règlement Rome I dispose au septième considérant:

«Le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) […]»

11.      Aux termes de l’article 3 du règlement Rome I, intitulé «Liberté de choix»:

«1.      Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

[…]»

12.      En vertu de l’article 8 du règlement Rome I, intitulé «Contrats individuels de travail»:

«1.      Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.

2.      À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

3.      Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur.

4.      S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s’applique.»

2.      Le règlement n° 44/2001

13.      Le règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (13) (ci-après le «règlement n° 44/2001») règle la compétence pour les contrats individuels de travail dans sa section 5. Dans le cadre de cette section, l’article 18 dispose:

«1.      En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 4 et de l’article 5, point 5.

[…]»

14.      L’article 19 du règlement n° 44/2001 dispose:

«Un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait:

1)      devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou

2)      dans un autre État membre:

a)      devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou

b)      lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.»

D –    Le droit national

15.      La loi allemande de protection contre les licenciements (Kündigungsschutzgesetz, ci-après le «KSchG») dispose en son article 15, intitulé «Illégalité du licenciement» («Unzulässigkeit der Kündigung»):

«Le licenciement d’un membre d’un comité d’entreprise […] est illégal, à moins que certains faits n’autorisent l’employeur à procéder au licenciement pour un motif sérieux sans observer de délai de préavis, et que l’autorisation requise en vertu de l’article 103 de la loi sur l’organisation des entreprises [Betriebsverfassungsgesetz] a été donnée ou remplacée par une décision judiciaire. Après l’expiration de la durée du mandat, le licenciement d’un membre d’un comité d’entreprise, […] est illégal pendant une période d’un an […] à moins que certains faits n’autorisent l’employeur à procéder au licenciement pour un motif sérieux sans observer de délai de préavis; ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la cessation de la qualité de membre repose sur une décision judiciaire.

[…]»

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

16.      M. Koelzsch, domicilié à Osnabrück (Allemagne), a été embauché en 1998 comme chauffeur de transport international par la société Gasa Spedition Luxembourg S.A (ci-après «Gasa Spedition»), établie au Luxembourg. À cette fin, M. Koelzsch et Gasa Spedition ont signé le 16 octobre 1998 un contrat de travail en vertu duquel ils se sont entendus sur la compétence exclusive des juridictions luxembourgeoises. Le contrat comportait également une disposition qui contenait un renvoi à la loi luxembourgeoise sur les contrats de travail (14).

17.      Gasa Spedition est la filiale de la société danoise Gasa Odense Blomster A.m.b.a. Son objet est le transport de fleurs et autres plantes d’Odense au Danemark vers différentes destinations, avant tout en Allemagne, mais également dans les autres pays européens. Le transport est effectué grâce à des camions stationnés en trois lieux différents en Allemagne, à savoir Kassel, Neukirchen/Vluyn et Osnabrück. Les camions sont immatriculés au Luxembourg et les chauffeurs sont affiliés à la sécurité sociale luxembourgeoise.

18.      Le 9 novembre 2001, Gasa Spedition a été reprise par la société de droit danois Ove Ostergaard sous la dénomination Ove Ostergaard Lux SA.

19.      Par lettre du 13 mars 2001, le directeur de Gasa Spedition a résilié le contrat de travail de M. Koelzsch avec effet au 15 mai 2001. M. Koelzsch a cependant soutenu avoir été licencié oralement le 23 mars 2001 avec effet immédiat. Il a indiqué qu’il était membre suppléant en Allemagne de la délégation du personnel («Betriebsrat») de Gasa Spedition et que son licenciement n’était pas conforme aux dispositions impératives du droit allemand sur la protection contre les licenciements. Il a souligné que tant les membres effectifs que les membres suppléants qui exercent des fonctions dans cet organe ont droit à cette protection sur la base de ces dispositions. Il a invoqué à cet égard l’article 15, paragraphe 1, du KSchG qui interdit les licenciements des membres de la délégation du personnel ainsi que la jurisprudence du Bundesarbeitsgericht (tribunal fédéral du travail) (Allemagne) en vertu de laquelle cette interdiction des licenciements vaut également pour les membres suppléants de la délégation du personnel (15).

20.      M. Koelzsch a engagé une procédure devant le tribunal du travail de Osnabrück (Allemagne) dans laquelle il a invoqué l’illégalité du licenciement. Cette juridiction s’est déclarée incompétente ratione loci. M. Koelzsch a introduit un recours contre cette décision, mais une fois de plus sans succès.

21.      M. Koelzsch a alors introduit auprès du tribunal du travail (Luxembourg) une action en dommages-intérêts pour licenciement abusif ainsi qu’une demande en paiement des arriérés de salaire. Il a soutenu que le droit luxembourgeois était certes applicable au contrat de travail en général et à ses demandes relatives aux paiements, mais que le droit allemand s’appliquait à la question du licenciement. Il a fondé cette affirmation sur l’argument qu’il était membre suppléant de la délégation du personnel et que, par conséquent, l’article 15, paragraphe 1, du KSchG, qui est une disposition impérative relative à la protection des droits des travailleurs au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de Rome et qui ne saurait donc être exclue, devait s’appliquer à son égard. Il a estimé que le droit applicable au contrat doit donc être déterminé sur la base de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome.

22.      Le tribunal du travail a dit pour droit dans son arrêt du 4 mars 2004 que le droit luxembourgeois s’appliquait au litige dans son ensemble. Il a partiellement déclaré l’action de M. Koelzsch non fondée et l’a partiellement rejetée. Cet arrêt a été confirmé par la cour d’appel (Luxembourg) dans son arrêt du 26 mai 2005, tandis que la Cour de cassation (Luxembourg) a rejeté le pourvoi contre cette décision dans son arrêt du 15 juin 2006.

23.      M. Koelzsch a alors introduit un recours auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg contre le Grand-Duché de Luxembourg, par lequel il a demandé le paiement de 168 301,77 euros de dommages-intérêts avec intérêts légaux de retard en raison du fonctionnement défectueux des juridictions sur le fondement de la loi [luxembourgeoise] du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’État et des collectivités publiques (16). M. Koelzsch a indiqué avoir subi un préjudice du fait des décisions des juridictions luxembourgeoises car elles auraient violé l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la convention de Rome en ce qu’elles n’ont pas tenu compte des dispositions impératives du droit allemand relatif à la protection des membres de la délégation du personnel. Il y aurait eu en outre, selon M. Koelzsch, une violation du droit de l’Union car sa proposition de déférer à la Cour une question préjudicielle a été rejetée. Le tribunal d’arrondissement a, par arrêt du 9 novembre 2007, rejeté le recours comme dépourvu de fondement.

24.      M. Koelzsch a introduit un recours contre ce jugement auprès de la cour d’appel.

25.      La juridiction de renvoi indique que la juridiction de première instance aurait dû déclarer l’action en dommages-intérêts de M. Koelzsch irrecevable dans la mesure où l’arrêt rendu dans le cadre de la première procédure où M. Koelzsch avait invoqué l’illégalité du licenciement est devenu définitif. Selon la juridiction de renvoi, M. Koelzsch, dans cette procédure, conteste en fait avec sa demande de dommages-intérêts ce qui a déjà été définitivement jugé dans la procédure devant les juridictions du travail. La juridiction de renvoi souligne cependant que l’action en dommages-intérêts de M. Koelzsch ne saurait être considérée comme irrecevable, car le Grand-Duché de Luxembourg n’a pas invoqué dans la procédure d’appel l’irrecevabilité de cette action et qu’il ne peut pas la constater d’office. Puisque la juridiction de renvoi en tant que juridiction d’appel est donc tenue par ces constatations de la juridiction de première instance, elle doit statuer sur l’action de M. Koelzsch et elle a donc décidé de déférer à la Cour une question préjudicielle.

26.      Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi a, par ordonnance du 15 janvier 2010, sursis à statuer et a déféré à la Cour, en application du premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome, la question préjudicielle suivante:

«Est-ce que la règle de conflit définie à la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles – l’article 6, paragraphe 2, sous a) – énonçant que le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, doit être interprétée en ce sens que dans l’hypothèse où le travailleur exécuterait la prestation de travail dans plusieurs pays, mais reviendrait systématiquement dans l’un d'entre eux, ce pays doit être considéré comme étant celui où le travailleur accomplit habituellement son travail?»

IV – La procédure devant la Cour

27.      L’ordonnance de renvoi est parvenue à la Cour le 18 janvier 2010. Dans le cadre de la procédure écrite, M. Koelzsch, le gouvernement luxembourgeois, le gouvernement grec et la Commission européenne ont présenté leurs observations. Lors de l’audience du 26 octobre 2010, le représentant de M. Koelzsch, le gouvernement luxembourgeois et la Commission ont présenté des observations orales et ont répondu aux questions de la Cour.

V –    Arguments des parties

A –    Sur la compétence de la Cour

28.      La question de la compétence de la Cour pour répondre à la question préjudicielle n’est traitée que par la Commission dans ses observations écrites, celle-ci estimant que la Cour est bien compétente car la juridiction de renvoi statue dans l’affaire en cause en tant que juridiction d’appel au sens de l’article 2, sous b), du premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome.

B –    Sur la question préjudicielle

29.      M. Koelzsch estime que, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome, le droit applicable à un contrat de travail, à défaut de choix des parties, est le droit du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail. Compte tenu du fait que la notion de pays ou de lieu où le travailleur «accomplit habituellement son travail» est la même dans la convention de Rome et dans la convention de Bruxelles, il convient selon M. Koelzsch d’interpréter cette notion figurant dans la convention de Rome de la même manière que la Cour l’a interprétée dans sa jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles. M. Koelzsch souligne qu’il ressort de la jurisprudence que, dans l’hypothèse où le travailleur accomplit son travail dans plus d’un État contractant, la convention de Bruxelles ne saurait être interprétée en ce sens que les juridictions de chaque État contractant dans lequel le travailleur accomplit son travail seraient compétentes (17). La juridiction compétente serait au contraire la juridiction du lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur, ou du lieu où le travailleur a choisi d’établir le centre de ses activités professionnelles. M. Koelzsch est d’avis que dans le cas du transport international, lorsque le chauffeur passe la plupart de son temps dans un État contractant à partir duquel il organise son activité professionnelle et où il retourne systématiquement, le centre effectif de son activité professionnelle se trouve dans cet État contractant. Il estime que, en application de ces critères, le centre effectif de son activité professionnelle se situe en Allemagne.

30.      Le gouvernement luxembourgeois estime que l’article 6 de la convention de Rome doit être interprété en ce sens que le choix des parties ne saurait priver le travailleur de la protection que lui garantissent les dispositions impératives du droit qui objectivement s’applique. Ce droit peut, en vertu de l’article 6 de la convention de Rome, être le droit du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail [paragraphe 2, sous a)] ou le droit du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur [paragraphe 2, sous b)]. Le gouvernement luxembourgeois soutient que M. Koelzsch n’a pas habituellement accompli son travail dans un seul pays, raison pour laquelle le droit applicable doit être déterminé sur la base de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la convention de Rome. C’est donc le droit luxembourgeois qui s’appliquerait au contrat de travail en cause dans la présente affaire.

31.      Le gouvernement grec souligne, d’une part, que la convention de Rome doit être interprétée en tenant compte des dispositions du règlement Rome I et, d’autre part, qu’il convient, lors de l’interprétation de l’article 6 de la convention de Rome, de tenir compte également de la jurisprudence liée à la convention de Bruxelles. Il souligne sur cette base que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où le travailleur effectue son travail dans plusieurs pays, mais retourne systématiquement dans l’un de ceux-ci, ce pays peut être celui dans lequel ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail, à la condition qu’il s’agisse dans le même temps du pays où il a établi le centre de ses activités professionnelles. Cette appréciation doit, selon le gouvernement grec, être effectuée par le juge national. Le gouvernement grec indique par ailleurs que, dans les cas où il n’est pas possible de déterminer le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, et si le pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur [article 6, paragraphe 2, sous b), de la convention de Rome] n’est pas lié au contrat de travail, le juge national peut appliquer l’article 6, paragraphe 2, dernier alinéa, de la convention de Rome, en vertu duquel le droit de l’État avec lequel le contrat a les liens les plus étroits s’applique à ce dernier.

32.      Selon la Commission, il faut, pour garantir l’uniformité de l’interprétation des notions de la convention de Rome, interpréter celles-ci de manière autonome et indépendamment des notions figurant dans le droit des différents États contractants. La Commission estime en outre que, eu égard au lien étroit entre la convention de Rome, d’une part, et la convention de Bruxelles ainsi que le règlement n° 44/2001, d’autre part, et compte tenu de l’utilisation fréquente des mêmes notions dans ces instruments, il faut en garantir au mieux la cohérence et l’interprétation uniforme. Elle souligne que l’adoption de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, sur la base de laquelle a été incluse la réglementation spéciale de la compétence pour les contrats de travail, est la conséquence de la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de cet article; dans le cadre de cette jurisprudence la Cour a également puisé, entre autres, dans les dispositions sur la protection des travailleurs contenues à l’article 6 de la convention de Rome.

33.      En liaison avec la notion de «lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail», la Commission souligne que la Cour a décidé, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Mulox IBC (18) et dans deux affaires ultérieures, à savoir les affaires ayant donné lieu respectivement aux arrêts Rutten (19) et Weber (20), relatives à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, que, dans l’hypothèse où le travailleur accomplit son travail sur le territoire de plusieurs États contractants, il remplit son obligation contractuelle au lieu où, ou à partir duquel, il s’acquitte principalement de ses obligations contractuelles à l’égard de son employeur. Elle estime donc que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où le travailleur accomplit son travail dans plusieurs États contractants, le lieu où il accomplit habituellement son travail au sens de cette disposition est le lieu où il a établi le centre effectif de ses activités. Elle souligne qu’il faut pour déterminer ce lieu tenir compte avant tout du fait que le travailleur passe la majeure partie de son temps de travail dans un État dans lequel sont stationnés les véhicules destinés à l’exécution de l’activité professionnelle, à partir duquel sont organisés les changements de chauffeurs et dans lequel le travailleur retourne après chaque voyage professionnel à l’étranger.

VI – Appréciation de Mme l’avocat général

A –    Introduction

34.      Signalons en introduction qu’il ressort du préambule de la convention de Rome que celle-ci a été conclue afin que se poursuive l’harmonisation dans le domaine du droit international privé entamée avec l’adoption de la convention de Bruxelles (21). Il ressort en outre également de ce préambule que son objectif est de créer des règles uniformes pour l’application du droit aux obligations contractuelles, indépendamment du lieu où l’arrêt doit être rendu (22). Ainsi qu’il ressort du rapport de MM. Giuliano et Lagarde sur la convention de Rome (23), cette convention a été adoptée dans le but d’écarter les difficultés qui naissent en raison des différentes règles de conflit et d’accroître la sécurité juridique et la protection des droits acquis en droit privé (24).

35.      La présente affaire soulève pour la première fois dans la pratique juridictionnelle de la Cour la question de l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome. L’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome détermine le droit applicable aux contrats de travail dans l’hypothèse où les parties au contrat ne font pas de choix. Cet article peut également s’appliquer si – comme en l’espèce – le choix des parties contractuelles conduit à l’exclusion des dispositions impératives relatives à la protection des droits des travailleurs qui s’appliqueraient en l’absence de choix des parties (article 6, paragraphe 1). Dans le cadre de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome, la règle fondamentale est l’application du droit du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail [point a)], mais on applique à titre subsidiaire le droit du pays où se trouve l’établissement de l’employeur si le travailleur, habituellement, n’accomplit pas son travail dans un unique État membre [point b)]. À titre exceptionnel, on peut également appliquer le droit du pays avec lequel le contrat a les liens les plus étroits (article 6, paragraphe 2, dernier alinéa, de la convention de Rome).

36.      Il faut également souligner – comme l’expose à juste titre la Commission – que les notions de la convention de Rome doivent être interprétées de manière autonome, indépendamment de leur interprétation dans le droit des États contractants. Il faut à cette occasion partir de l’économie et de l’objet de la convention, afin de garantir son application uniforme dans l’ensemble des États contractants. Le principe de l’interprétation autonome a déjà été confirmé à de maintes reprises par la Cour dans le cadre de l’interprétation de la convention de Bruxelles (25) et dans le cadre de l’interprétation du règlement n° 44/2001 (26), mais ce principe vaut selon nous aussi à l’égard de la convention de Rome.

B –    Sur la compétence de la Cour

37.      Dans le cadre de l’analyse de la compétence de la Cour pour statuer sur la question préjudicielle, il convient d’abonder dans le sens de la Commission qui estime que la Cour est compétente. En vertu de l’article 2, sous b), du premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome, entré en vigueur le 1er août 2004, les juridictions des parties contractantes, lorsqu’elles statuent en tant que juridictions d’appel, peuvent demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur une question dans une affaire relative à l’interprétation de la convention de Rome. Puisque la juridiction de renvoi dans la présente affaire statue comme juridiction d’appel, la Cour est compétente pour répondre à la question préjudicielle.

C –    Sur la question de la base juridique pour la responsabilité de l’État dans la présente affaire

38.      Il convient de signaler que la procédure au principal se déroule entre M. Koelzsch et le Grand-Duché de Luxembourg. Il s’agit donc d’un recours d’un particulier contre un État dans le cadre duquel le particulier demande des dommages-intérêts en raison du fonctionnement défectueux des juridictions nationales. Bien que la juridiction de renvoi ne pose pas la question préjudicielle à l’égard de la base juridique d’une telle responsabilité, nous souhaiterions fournir quelques brefs éclaircissements afin d’éviter une éventuellement erreur de compréhension de la problématique.

39.      La juridiction nationale de première instance a invoqué en liaison avec la base juridique de la responsabilité des juridictions nationales pour l’éventuelle mauvaise application des dispositions de la convention de Rome l’arrêt de la Cour dans l’affaire Köbler (27), dans lequel la Cour a décidé que le principe en vertu duquel les États membres sont tenus de réparer le préjudice causé à un particulier par les violations du droit communautaire (désormais de l’Union) dont ils sont responsables s’applique dans une certaine mesure aussi lorsque la violation en cause découle d’une décision d’une juridiction qui statue en dernier ressort si les règles juridiques violées accordent des droits au particulier, si la violation est suffisamment grave et s’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par la personne lésée (28). La juridiction de renvoi, à l’inverse de la juridiction de première instance, estime toutefois que l’arrêt Köbler, précité, ne saurait être appliqué à la présente affaire.

40.      Il convient de souligner que, dans la présente affaire, il n’est pas possible d’invoquer l’arrêt Köbler, et ce pour deux raisons.

41.      Premièrement, la convention de Rome ne fait pas partie du droit de l’Union, mais constitue un traité international conclu par les États contractants (29). Le principe posé par la Cour dans l’arrêt Köbler ne saurait par conséquent, selon nous, être appliqué à la présente espèce car la Cour l’a développé dans le cadre du droit de l’Union.

42.      Deuxièmement, la compétence de la Cour pour l’interprétation des dispositions de la convention de Rome ne repose pas sur le système du renvoi préjudiciel régi par l’article 267 TFUE. Les parties contractantes se sont entendues en ce sens, indépendamment de ce système, par deux protocoles spéciaux ajoutés à la convention de Rome (30). En liaison avec ce dernier point, il convient de souligner que, dans le cadre du premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome, les juridictions nationales ont seulement une possibilité de déférer une question préjudicielle à la Cour, mais pas d’obligation. L’article 2 de ce protocole dispose en effet que les juridictions citées dans cet article «peuvent» solliciter une décision préjudicielle de la Cour (31). Le système des questions préjudicielles dans le cadre de la convention de Rome se distingue par conséquent de manière importante du système applicable en vertu de l’article 267 TFUE dans le cadre du droit de l’Union.

43.      Selon nous, le droit de l’Union n’exige donc pas des États contractants de la convention de Rome qu’ils réparent, à l’égard du particulier, le préjudice subi du fait des violations de cette convention. La convention n’interdit bien entendu pas aux États contractants de régler ce type de responsabilité des juridictions dans leur législation nationale comme l’a fait, par exemple, le Grand-Duché de Luxembourg avec la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’État et des collectivités publiques (32).

D –    Analyse de la question préjudicielle

44.      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être interprété en ce sens que lorsque le travailleur accomplit son travail dans plusieurs pays, mais retourne systématiquement dans l’un d’entre eux, il faut considérer ce pays comme le pays où le travailleur accomplit habituellement son travail.

45.      Comme la Commission le souligne à juste titre dans ses observations écrites (33), cette question doit être comprise en ce sens que la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir s’il est possible pour interpréter l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome de recourir à l’interprétation fournie par la Cour dans sa jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles (34). Dans cette jurisprudence, la Cour a en effet tenu compte non seulement du lieu où le travailleur accomplit son travail, mais aussi du lieu à partir duquel il accomplit son travail. La juridiction de renvoi souhaite par conséquent savoir si, dans le cadre de la convention de Rome aussi, pour la détermination du droit applicable à un contrat de travail, la circonstance que le travailleur retourne systématiquement dans un pays déterminé peut être pertinente. Nous adopterons, dans le cadre de l’analyse des présentes conclusions, le point de vue selon lequel l’application de cette jurisprudence pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome est possible, mais avec une précision partielle de l’interprétation qui a été suggérée par la juridiction de renvoi.

46.      Lors de l’interprétation de la notion de «pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail» de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome, nous suivrons dans les présentes conclusions une analyse graduelle. Nous présenterons tout d’abord brièvement le système introduit par la convention de Rome pour la protection du travailleur en tant que partie au contrat la plus faible. Nous présenterons ensuite la jurisprudence de la Cour en liaison avec l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles et nous argumenterons sur la base des différentes méthodes d’interprétation qu’il est possible d’appliquer cette jurisprudence à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome. Nous traiterons enfin des critères que la juridiction de renvoi doit prendre en compte lors de la détermination du pays où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail.

1.      Sur la convention de Rome et la protection du travailleur en tant que partie au contrat la plus faible

47.      La règle de base posée par la convention de Rome pour la détermination du droit applicable aux obligations contractuelles est l’autonomie de la volonté des parties dans le choix du droit applicable à la relation contractuelle. Cette règle est posée à l’article 3 de la convention de Rome (35). En l’absence de choix des parties, le droit applicable est déterminé sur la base de l’article 4 de ladite convention qui prévoit en tant que critère fondamental l’application du droit de l’État avec lequel le contrat a les liens les plus étroits.

48.      L’article 6 de la convention de Rome qui régit le droit applicable aux contrats de travail est la lex specialis par rapport aux articles 3 et 4 de ladite convention. D’une part, les parties au contrat ne peuvent pas, par leur accord dans le contrat de travail, exclure les dispositions impératives sur la protection des droits des travailleurs en vertu du droit de l’État qui s’appliquent en l’absence de choix des parties (article 6, paragraphe 1, de la convention de Rome) (36). D’autre part, l’article 6, paragraphe 2, de la convention pose des règles spéciales qui s’appliquent en l’absence de choix des parties. Dans ce cas, on applique le droit du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail ou – si le pays d’accomplissement habituel du travail ne peut pas être déterminé – le droit du pays où est installé l’établissement qui a embauché le travailleur. L’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome contient cependant aussi, au dernier alinéa, une clause spéciale en vertu de laquelle aucune de ces dispositions ne s’applique si le contrat a un lien plus étroit avec un autre État – on applique dans ce cas le droit de cet État (37).

49.      Il faut également souligner que la Cour, dans sa jurisprudence – plus précisément en liaison avec la convention de Bruxelles –, a relevé que les contrats de travail se distinguent des autres contrats, notamment des contrats de prestation de services, en ce qu’ils établissent un lien durable qui intègre dans une certaine mesure le travailleur dans le cadre organisationnel de l’employeur. Le travailleur est lié au lieu où s’exercent les activités (38). Il est en outre souligné qu’il faut, lors de l’interprétation des dispositions correspondantes de la convention de Bruxelles, tenir compte de l’exigence de garantir une protection adéquate du travailleur en tant que partie au contrat la plus faible (39). Ces considérations générales en ce qui concerne les contrats de travail sont selon nous également pertinentes pour l’interprétation des dispositions de la convention de Rome.

50.      L’objet de l’article 6 de la convention de Rome est donc la protection du travailleur qui est, socialement et économiquement, la partie au contrat la plus faible (40). Cette protection est assurée en appliquant au contrat le droit du pays avec lequel le contrat de travail a les liens les plus étroits. Il est souligné en doctrine que l’environnement professionnel et politique d’un État donné a une incidence sur les travailleurs du fait de leur activité dans cet État et qu’il faut donc leur garantir la protection que le législateur a adoptée dans cet État, compte tenu de cet environnement (41). De ce point de vue, la convention de Rome suit donc clairement le principe favor laboratoris. Il est donc logique que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome soit interprété de manière étroite afin d’atteindre au mieux l’objectif de la protection du travailleur en tant que partie au contrat la plus faible.

2.      Sur la jurisprudence de la Cour relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles

51.      La Cour, dans sa jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, a déjà plusieurs fois statué sur un cas où le travailleur accomplissait son travail dans plus d’un État contractant. Le développement de cette jurisprudence, et, partant, le développement des critères de détermination du lieu où le travailleur accomplit son travail, a été progressif et nous présenterons ci-dessous la jurisprudence liée à l’interprétation de cet article (42).

52.      En ce qui concerne l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, il faut tout d’abord souligner que, lors de l’interprétation de cet article en liaison avec les contrats de travail, la Cour s’est écartée de son ancienne jurisprudence rendue dans les affaires ayant donné lieu, respectivement, à l’arrêt Industrie Tessili Italiana Como et à l’arrêt De Bloos, relatives à la détermination en général de la compétence pour les contrats (43). La Cour a distingué les contrats de travail des autres contrats et dans la poursuite d’une plus grande protection des travailleurs elle a jugé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ivenel, précité, que, pour déterminer la compétence dans le cadre de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, il convient de tenir compte de l’obligation qui caractérise le contrat (44), et donc de l’obligation d’accomplir le travail.

53.      En ce qui concerne le cas dans lequel le travailleur accomplit son travail dans plus d’un État contractant, la Cour s’est prononcée pour la première fois en 1993 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Mulox IBC, précité (45). Dans cette affaire, la Cour a jugé que l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’un contrat de travail sur la base duquel le travailleur accomplit son travail dans plus d’un État contractant, le lieu d’exécution de l’obligation contractuelle caractéristique est le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte principalement de ses obligations à l’égard de son employeur (46).

54.      Dans l’affaire Rutten, précitée, jugée en 1997, la Cour a estimé que l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles concerne le lieu où le travailleur a établi le centre de ses activités professionnelles (47). Dans son argumentation, la Cour a également souligné qu’il s’agit du lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte en fait de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur (48).

55.      Dans l’arrêt Weber, précité, la Cour a cependant jugé que l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles doit être interprété en ce sens que le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de cet article est le lieu où, ou à partir duquel, compte tenu de toutes les circonstances du cas d’espèce, il s’acquitte en fait de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur (49). Elle a également souligné que, dans l’hypothèse où le travailleur exerce son activité dans plusieurs États contractants, il faut en principe tenir compte de l’ensemble de la durée de la relation de travail pour déterminer le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de cette disposition et que, en l’absence d’autres critères, il s’agit du lieu où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail (50).

56.      Il convient de citer encore l’affaire Pugliese, précitée, qui concernait également l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, mais qui se distinguait des affaires précitées Mulox IBC, Rutten et Weber en ce que le travailleur accomplissait son travail dans un seul État contractant dans lequel un transfert vers un autre employeur lui a été accordé, le lieu d’implantation de cet employeur n’étant pas le lieu déterminé dans le contrat de travail conclu avec le premier employeur (51). Dans le litige entre le travailleur et le premier employeur, la Cour a jugé que le lieu où le travailleur s’est acquitté de ses obligations à l’égard du deuxième employeur peut être le lieu où il a habituellement accompli son travail si le premier employeur avait, au moment de la conclusion du second contrat de travail, un intérêt à ce que le travailleur fournisse les services pour le deuxième employeur au lieu déterminé par ce dernier (52).

57.      Bien que dans cette jurisprudence la Cour ait utilisé une terminologie et des critères en partie différents pour déterminer le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, on peut selon nous retenir que le critère déterminant est le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte pour l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur, et que ce lieu doit être déterminé en tenant compte des circonstances de chaque cas individuel.

3.      Sur la possibilité d’appliquer la jurisprudence relative à la convention de Bruxelles à l’interprétation de la convention de Rome

58.      La présente affaire soulève la question de savoir s’il est possible d’utiliser par analogie l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles fournie par la Cour dans les affaires précitées Mulox IBC, Rutten, Weber et Pugliese, pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome. Il convient selon nous de répondre à cette question par l’affirmative en accord avec la doctrine qui soutient également l’application de cette jurisprudence (53). Nous analyserons la possibilité d’appliquer cette jurisprudence pour la convention de Rome sous l’angle de plusieurs méthodes d’interprétation: littérale, historique, systématique et téléologique. Nous signalerons enfin encore les limites de l’interprétation parallèle de la convention de Bruxelles et de la convention de Rome.

a)      Interprétation littérale

59.      L’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome dispose que, en l’absence de choix des parties au contrat, on applique au contrat de travail la «loi du pays le travailleur […] accomplit habituellement son travail» (54).

60.      Il est certes vrai que, en tenant uniquement compte des termes de cette disposition qui utilise le terme «où», on ne peut pas conclure que le droit du pays «à partir duquel» le travailleur accomplit son travail peut être également pertinent. Nous estimons néanmoins qu’il faut retenir trois arguments en faveur de l’interprétation sur la base de laquelle il peut également être tenu compte du pays «à partir duquel» le travailleur accomplit son travail.

61.      Le premier argument est l’identité des notions objet de l’interprétation dans la convention de Bruxelles et dans la convention de Rome. Il est ainsi question à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, tout comme à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome, du lieu ou du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, mais sans que cette notion ne soit définie (55). La Cour a donc, en ce qui concerne la convention de Bruxelles – indépendamment du libellé qui parle du lieu le travailleur accomplit habituellement son travail –, autorisé aussi la prise en compte du lieu à partir duquel le travailleur accomplit son travail.

62.      Deuxièmement, il convient de tenir compte du fait que les termes mêmes de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome et le fait que cet article renvoie au droit du pays «où» le travailleur accomplit le travail ne viennent pas contredire l’interprétation selon laquelle le travail dans le pays «à partir duquel» le travailleur accomplit son travail est également pertinent. Le travailleur peut en effet accomplir habituellement son travail précisément dans le pays à partir duquel il accomplit ce travail. De ce point de vue, les termes de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome sont selon nous ouverts à l’interprétation.

63.      Troisièmement, il est important de souligner que le simple fait que le travailleur accomplit son travail à partir d’un État contractant déterminé ne suffit pas pour que le droit de cet État s’applique à l’affaire. Si on applique par analogie la jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, on peut constater que la Cour a exigé dans cette jurisprudence que le travailleur s’acquitte effectivement dans un État contractant déterminé ou à partir d’un État contractant déterminé de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur (56). Le critère fondamental pertinent dans le cadre de cette jurisprudence est donc le centre effectif où le travailleur exerce son activité professionnelle. Si, par exemple, un travailleur ne faisait que retourner systématiquement dans un État contractant déterminé, mais s’acquittait de l’essentiel de ses obligations dans un autre État, le premier État ne pourrait selon nous pas être le pays où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail.

64.      L’interprétation littérale de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome ne fait donc, selon nous, pas obstacle à ce que, pour la détermination du droit applicable à un contrat de travail, il soit tenu compte du droit du pays où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail.

b)      Interprétation historique

65.      Dans le cadre de l’interprétation historique, il faut examiner avant tout le rapport Giuliano/Lagarde sur la convention de Rome (57), notamment la partie traitant de la relation entre les points a) et b) de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome. Il est indiqué dans ce rapport que le point a) dudit article 6 s’applique même si le travailleur qui accomplit son travail habituellement dans un pays déterminé l’accomplit temporairement dans un autre pays, tandis que le point b) s’applique si le travailleur n’accomplit pas le travail habituellement dans le même pays (58).

66.      Il n’y a pas selon nous lieu de conclure, sur la base de ce rapport, que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être interprété en ce sens qu’il ouvre la possibilité que le travailleur accomplisse son travail habituellement aussi à partir d’un État contractant déterminé mais, dans le même temps, ce rapport n’exclut pas selon nous une telle interprétation. Ce rapport n’est en effet pas contraignant. Il est au contraire académique et analytique car il a été préparé par un groupe d’experts et ne représente donc pas la volonté législative définitive des États signataires de ladite convention (59).

67.      Il faut signaler qu’il ne ressortait pas du rapport de MM. Almeida Cruz, Desantes Real et Jenard sur la convention de San Sebastián (60), préparé à l’égard de la convention de Bruxelles dans sa version modifiée par la convention de San Sebastián (61), que l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles pouvait être interprété en ce sens que le lieu à partir duquel le travailleur accomplit son travail peut être lui aussi pertinent pour la détermination de la compétence pour les contrats de travail (62). Cela n’a cependant pas empêché la Cour dans l’affaire Mulox IBC, précitée, traitée quelques années seulement après le rapport susmentionné, de reconnaître la possibilité que le lieu à partir duquel le travailleur accomplit son travail peut être lui aussi pertinent (63).

68.      La jurisprudence de la Cour dans les affaires précitées Mulox IBC et Rutten ainsi que dans d’autres affaires relatives à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles démontre par conséquent que la Cour a adopté, à l’égard de l’interprétation de cet article, une autre position que celle adoptée par les experts dans les rapports cités. Un tel résultat est donc selon nous également possible à l’égard de l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome.

69.      On ne saurait par conséquent conclure de l’interprétation historique une possibilité d’appliquer la jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome; l’interprétation historique n’exclut cependant pas non plus, selon nous, l’application de cette jurisprudence.

c)      Interprétation systématique

70.      L’interprétation systématique plaide pour une interprétation parallèle de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome et de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles. Cette interprétation a deux aspects. Il faut, d’une part, tenir compte du fait que dans le passé la formulation de l’article 6 de la convention de Rome a influencé l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, et il faut, d’autre part, tenir compte aussi de la formulation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Rome I adopté ultérieurement.

71.      Lors de son adoption, tout comme à la suite des modifications en 1978 (64) et en 1982 (65), la convention de Bruxelles – contrairement à la convention de Rome – ne contenait pas encore de disposition spéciale relative à la compétence pour les contrats de travail, mais elle disposait au contraire seulement que, dans les affaires liées aux relations contractuelles, un recours pouvait être introduit au lieu d’exécution des obligations contractuelles.

72.      Durant cette période, la Cour a statué dans l’affaire Ivenel, précitée (66), dans laquelle elle devait se prononcer sur la question de savoir quelle obligation doit être prise en compte pour l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles quand un contrat de travail est en cause. Lors de l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, la Cour a renvoyé, dans cette affaire, à l’article 6 de la convention de Rome. Elle a souligné que, en vertu de cet article de la convention de Rome, on applique aux contrats de travail le droit du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, sauf s’il ressort de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays (67). Elle a décidé à cet égard que l’obligation qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles est l’obligation qui caractérise le contrat (68), et elle s’est ainsi écartée à l’égard des contrats de travail de la jurisprudence précédente relative à la compétence pour les litiges découlant des contrats (69).

73.      Cette jurisprudence et indirectement aussi la formulation de l’article 6 de la convention de Rome ont eu pour effet que plus tard, en 1989, l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles a été modifié par la convention de San Sebastián (70) en ce sens qu’une compétence spéciale a été prévue pour les contrats de travail. La convention de Bruxelles a, par là même, elle aussi inclus une réglementation spéciale de la compétence pour les contrats de travail (71).

74.      Dans le cadre de l’interprétation systématique, il convient également de signaler une raison supplémentaire plaidant en faveur de l’application de la jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome, à savoir le fait que le législateur communautaire a tenu compte de cette jurisprudence lors de la procédure d’adoption du règlement Rome I qui a fait suite à la convention de Rome. L’article 8, paragraphe 2, du règlement Rome I dispose en effet que, en l’absence de choix des parties quant au droit applicable au contrat individuel de travail, on applique au contrat le droit du pays où, ou à partir duquel, le travailleur, dans l’exécution du contrat, accomplit habituellement son travail (72).

75.      Selon nous, cette modification législative est importante à deux titres.

76.      Elle est importante, d’une part, parce qu’elle démontre clairement que le législateur a voulu donner à la disposition citée de cet instrument de droit international privé la même signification qu’a – sur la base de la jurisprudence de la Cour – la notion de «lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail» de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles (73). La formulation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement Rome I est certes très différente de celle figurant à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome et également de celle figurant à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, mais il ne s’agit en fait que d’une formulation plus claire voire d’une codification de la jurisprudence existante relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles (74).

77.      Cette modification législative est importante, d’autre part, parce qu’elle démontre que le législateur a voulu que l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement Rome I soit interprété largement et que le droit applicable à un contrat de travail soit déterminé, si possible, sur la base de cet article (75). Selon l’opinion du législateur communautaire, le point b) de cet article s’appliquerait plus rarement (76). Il est par conséquent essentiel de tenir compte du centre des activités du travailleur, même s’il ne fait qu’organiser son activité à partir de ce lieu (77).

78.      L’objectif de la codification des règles de conflit dans le règlement Rome I a été de remplacer la convention de Rome (78) et, dans le même temps, de garantir fondamentalement la continuité avec cette convention (79). Il est donc opportun d’interpréter les dispositions de la convention de Rome de sorte à garantir cette continuité et permettre que le règlement Rome I commence à s’appliquer sans modifications significatives dans l’interprétation.

79.      L’interprétation systématique plaide par conséquent, selon nous, en faveur de l’application de la jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome.

d)      Interprétation téléologique

80.      La raison qui, du point de vue téléologique, plaide en faveur de l’application de la jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome est la recherche de la cohérence entre forum et ius, et donc le souci que la juridiction compétente, pour statuer dans l’affaire, applique le droit de son propre État (80). Dans des circonstances idéales, la règle de compétence désignerait comme compétente la juridiction de l’État dont le droit s’appliquera sur la base des règles de droit international privé. De cette manière, cette juridiction appliquerait le droit qu’elle connaît le mieux, réduisant ainsi les possibilités d’application erronée du droit (étranger) et évitant dans le même temps la constatation du droit étranger qui s’avère être exigeante, tant du point de vue du temps que d’un point de vue financier.

81.      L’interprétation uniforme de la notion de «pays» et de «lieu» «où le travailleur accomplit habituellement son travail», au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome et de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, peut donc participer à la cohérence entre forum et ius car, sur la base d’une telle interprétation uniforme, la juridiction du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail sera en règle générale compétente pour les litiges découlant de contrats de travail, et cette juridiction appliquera dans le même temps son propre droit (lex loci laboris (81)). Nous estimons, par conséquent, que ces notions figurant dans la convention de Bruxelles et dans la convention de Rome doivent être interprétées de manière uniforme.

e)      Limites de l’interprétation parallèle

82.      Nous souhaiterions néanmoins souligner à titre général qu’il convient d’observer une certaine précaution lors de l’interprétation parallèle de notions identiques ou similaires découlant de règles de conflit et de normes destinées à la détermination des compétences internationales car les deux groupes de normes ont des objectifs différents (82). Tandis que l’objectif des règles de conflit est de déterminer le droit applicable à une obligation contractuelle (en l’espèce un contrat de travail), l’objectif des normes de détermination des compétences internationales est de déterminer la juridiction compétente. Les règles de conflit (convention de Rome) conduisent donc, en règle générale, à la détermination du droit d’un unique et même pays, mais, sur la base de l’application des règles de détermination de la juridiction internationalement compétente, le requérant peut cependant avoir la possibilité – du moins dans certains cas – de choisir le forum où il sera attrait (83).

83.      Nous souhaitons par conséquent signaler que dans la présente affaire nous ne plaidons pas pour une uniformité générale de l’interprétation de l’ensemble des notions identiques ou comparables dans les conventions de Rome et de Bruxelles. Il est, selon nous, important de souligner avant tout qu’il n’est pas possible de partir d’une supposition générale que toutes les notions identiques ou comparables doivent être interprétées de manière uniforme. Il faut au contraire toujours traiter la question de l’interprétation uniforme dans le cadre de chaque cas individuel (84). Il faut aussi souligner que les notions parfois entièrement propres à un domaine ne peuvent pas être interprétées de manière uniforme. La Cour a ainsi décidé, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt C (85) dans le domaine de l’interprétation du règlement n° 2201/2003 (86), que la notion d’«affaire civile» de ce règlement a une signification autonome et elle ne s’est pas appuyée à cette occasion sur la définition de cette notion dans la convention de Bruxelles ou dans le règlement n° 44/2001. Il est vrai cependant que, dans les domaines dans lesquels les normes des instruments des deux domaines ont le même objectif de protection (par exemple la protection des travailleurs ou des consommateurs), l’interprétation uniforme sera plus vraisemblable (87).

4.      Critères que le juge national doit prendre en compte

84.      Le critère du pays où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail dépend donc des circonstances de chaque cas individuel.

85.      Dans la présente affaire, le juge national doit donc juger dans quel État contractant ou à partir de quel État le travailleur accomplit habituellement son travail. Dans la procédure préjudicielle qui repose sur une répartition claire des missions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits doit en effet être effectuée par le juge national (88). Dans sa jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles aussi, la Cour a souligné qu’il appartient au juge national de déterminer le lieu ou le pays où le travailleur accomplit habituellement son travail (89). La Cour doit toutefois fournir au juge national des critères clairs sur la base desquels il peut statuer.

86.      On peut constater que la Cour, dans la jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, a pris en compte différents critères pour apprécier si le travailleur accomplit habituellement son travail dans un État contractant déterminé, et ce bien entendu en fonction des faits à la base de l’affaire.

87.      Ainsi, dans l’affaire Mulox IBC, précitée, le travailleur effectuait un travail de direction du marketing international. Il avait un bureau en France, à Aix‑les‑Bains, et il vendait initialement les produits en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, avant de ne plus travailler qu’en France (90). Dans cette affaire, la Cour, pour déterminer le lieu où le travailleur accomplissait habituellement son travail, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, a tenu compte du fait que le travailleur avait un bureau dans un État contractant, qu’il vivait dans cet État, qu’il effectuait son travail à partir de ce lieu, qu’il y retournait après l’accomplissement du travail et que, à la naissance du litige, il n’effectuait son travail que dans cet État (91).

88.      Dans l’affaire Rutten, précitée, le travailleur vivait aux Pays-Bas et était employé auprès de la succursale néerlandaise d’une entreprise britannique (92). Il effectuait les deux tiers de son temps de travail aux Pays-Bas où il avait également un bureau et il effectuait son travail pendant le tiers restant du temps de travail au Royaume-Uni, en Belgique, en Allemagne et aux États-Unis (93). La Cour a retenu dans cette affaire que le travailleur a accompli deux tiers du travail dans un pays, qu’il avait dans ce pays son bureau, organisait à partir de ce pays son travail pour son employeur et y retournait après chaque déplacement professionnel (94).

89.      L’affaire Weber, précitée, concernait quant à elle un travailleur ayant exercé pendant plusieurs années comme cuisinier sur des navires et des installations dans la zone du plateau continental néerlandais, mais également pendant quelques mois sur une grue flottante utilisée dans les eaux territoriales danoises (95). Dans cette affaire, la Cour a souligné que – contrairement aux affaires précitées Mulox IBC et Rutten – le travailleur n’avait pas de bureau dans un État contractant qui aurait pu constituer le centre effectif de ses activités ou à partir duquel il se serait acquitté de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur (96). C’est la raison pour laquelle, selon la Cour, le critère temporel était décisif – la Cour a en effet constaté dans quel pays le travailleur avait effectué la plus grande partie du temps de travail (97).

90.      L’affaire Pugliese, précitée, concernait une ressortissante italienne employée dans une société italienne lui ayant accordé un transfert vers un poste de travail auprès d’une société établie en Allemagne avec laquelle elle a conclu un contrat de travail (98). La Cour a donc dû statuer dans des circonstances dans lesquelles la travailleuse a conclu deux contrats de travail successifs avec deux employeurs différents, le premier employeur ayant été informé de la conclusion du contrat avec le deuxième employeur et ayant marqué son accord pour une suspension temporaire de l’exécution du premier contrat de travail (99). L’affaire a soulevé la question de savoir – dans le but de déterminer la juridiction compétente pour trancher le litige entre la travailleuse et le premier employeur – dans quel pays le travailleur accomplit habituellement son travail. La Cour a estimé que le lieu où la travailleuse s’acquittait de ses obligations à l’égard du deuxième employeur pouvait être le lieu où elle accomplissait habituellement son travail si le premier employeur avait, au moment de la conclusion du deuxième contrat de travail, un intérêt à ce que la travailleuse fournisse les services pour le deuxième employeur en un lieu déterminé par ce dernier (100).

91.      On retrouve également en doctrine différents critères pour la détermination du pays ou du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail. La doctrine cite ainsi, comme critère de distinction entre l’accomplissement habituel et l’accomplissement occasionnel du travail, le temps dont le travailleur a besoin pour accomplir le travail dans un pays déterminé et la signification de l’activité en cause (101). En dépit du fait que le temps est un critère pertinent, il ne s’agirait pas du critère déterminant. L’essentiel serait que le travailleur ait établi dans un pays déterminé le centre effectif de ses activités (102). On relève en doctrine également comme critère pertinent le but des parties contractantes (103). Il est également souligné qu’il faut constater si le cœur de l’exercice de l’activité peut être installé dans un État contractant (104).

92.      Dans la présente affaire également, la Cour doit indiquer au juge national quels critères il doit prendre en compte en appréciant dans quel pays le travailleur accomplit habituellement son travail.

93.      En ce qui concerne les critères éventuellement pertinents, il faut tout d’abord souligner que la nature des activités exercées par M. Koelzsch est différente de celle des activités en cause dans les affaires jugées jusqu’à présent, relatives à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, et en particulier différente de la nature des activités dans les affaires précitées Mulox IBC et Rutten. Il est surtout important de souligner que la nature des activités est telle que M. Koelzsch n’avait pas besoin d’avoir un bureau et, de ce point de vue, la présente affaire est comparable à l’affaire Weber, précitée. La présente affaire concerne en effet une activité de transport. M. Koelzsch transporte des fleurs et d’autres plantes d’Odense au Danemark vers différents lieux en Allemagne et dans d’autres pays. Le juge national doit donc dans la présente affaire tenir compte des particularités de l’activité de transport, tant en ce qui concerne la méthode d’exercice de l’activité qu’en ce qui concerne le type d’instruments de travail.

94.      Ainsi que nous l’avons souligné précédemment (105), il ne suffit pas, pour appliquer le droit d’un État contractant déterminé, que le travailleur retourne systématiquement vers cet État. Il doit également établir dans cet État le centre de ses activités. Le seul fait que le travailleur retourne systématiquement vers un État contractant déterminé ne suffit donc pas pour satisfaire au critère qu’il y accomplit habituellement son travail ou qu’il y établit le centre effectif de ses activités.

95.      Le retour systématique vers un pays n’est cependant pas le seul élément qui peut être pertinent dans la présente affaire. Le juge national doit, lors de la détermination du pays où, ou à partir duquel, M. Koelzsch accomplit habituellement son travail, tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’affaire en cause.

96.      Dans la présente affaire, le juge national doit donc, selon nous, tenir compte surtout des éléments suivants:

–        il doit examiner dans quels pays M. Koelzsch a effectué l’activité de transport et examiner à cet effet avec précision les documents dans lesquels sont notés ses trajets («Kørselsrapport»);

–        dans la détermination des pays dans lesquels M. Koelzsch a effectué l’activité de transport, il doit tenir compte, d’une part, des pays dans lesquels M. Koelzsch a effectué les transports sans que ceux-ci ne soient la destination finale (c’est-à-dire les pays traversés) et, d’autre part, des pays qui étaient la destination finale du transport; en liaison avec ces derniers, il devra vérifier si les destinations finales étaient majoritairement dans un pays ou si elles étaient également réparties sur plusieurs pays différents;

–        il doit vérifier à partir de quel lieu M. Koelzsch a organisé son activité et comment s’est déroulée l’organisation de l’activité;

–        dans le cadre de l’organisation de l’activité, il doit constater où étaient situés les outils de travail; dans la présente affaire, le fait pertinent est donc que les camions étaient stationnés en Allemagne en trois lieux dits «d’attache» («Wechselstandorte») (106) – à savoir Kassel, Neukirchen/Vluyn et Osnabrück – et que le camion de M. Koelzsch était stationné à Osnabrück;

–        dans le cadre de l’organisation de l’activité, il devra, entre autres, constater que les travailleurs, résidant à Osnabrück, s’y sont relayés aux fins du transport;

–        dans le cadre de l’organisation de l’activité, il est également important de constater où M. Koelzsch a reçu les instructions pour l’exécution des transports;

–        en ce qui concerne l’organisation de l’activité, il devra également tenir compte du fait que M. Koelzsch a commencé ses trajets de transport à partir d’Osnabrück et qu’il y est retourné après l’accomplissement des transports.

97.      Le juge national doit donc, lors de la détermination du pays où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail, tenir compte tant du critère matériel que du critère temporel (107).

98.      Il faut souligner à cet égard que, pour la détermination du pays où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail, le fait de savoir si Gasa Spedition avait une infrastructure au Luxembourg ou seulement une boîte à lettres est sans pertinence. Il n’est de même, selon nous, pas important de savoir si M. Koelzsch recevait ses instructions de Gasa Spedition, qui a son siège au Luxembourg, ou indirectement de la société Gasa Odense Blomster Amba, qui a son siège au Danemark. Dans la présente affaire, cela ne contribue en effet pas à établir le lieu où le travailleur accomplit le travail pour son employeur.

E –    Conclusion

99.      La présente affaire est d’une importance décisive pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome dans la mesure où, du fait des exigences quant à un niveau élevé de protection des travailleurs, elle élargit la portée de cet article en ce sens que, pour la détermination du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de cet article, les éléments pertinents ne sont pas seulement le pays où le travailleur accomplit effectivement ce travail, mais également le pays à partir duquel le travailleur accomplit ce travail. Partant, l’interprétation fournie par la Cour dans sa jurisprudence à l’égard de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles s’appliquera par analogie pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome.

100. Eu égard aux constatations effectuées dans les présentes conclusions, nous sommes d’avis qu’il convient de répondre à la question préjudicielle que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être interprété en ce sens que – dans l’hypothèse où le travailleur accomplit son travail dans plusieurs États contractants – le pays où le travailleur, dans l’exécution du contrat, accomplit habituellement son travail au sens de cet article est le pays où, ou à partir duquel, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire en cause, le travailleur s’acquitte effectivement de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur, et que cette appréciation doit être effectuée par le juge national en tenant compte de l’ensemble des éléments de fait.

VII – Conclusions

101. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle de la cour d’appel:

«L’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où le travailleur accomplit son travail dans plusieurs États contractants, le pays où le travailleur, dans l’exécution du contrat, accomplit habituellement son travail au sens de cet article est le pays où, ou à partir duquel, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire en cause, le travailleur s’acquitte effectivement de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur. Le juge national doit effectuer cette appréciation en tenant compte de l’ensemble des éléments de fait de l’affaire.»


1  – Langue originale des conclusions: le slovène. Langue de procédure: le français.


2 – JO L 266, p. 1.


3 – JO L 177, p. 6.


4 – En doctrine, voir, par exemple, Ferrari, F., « From Rome to Rome via Brussels: remarks on the law applicable to contractual obligations absent a choice by the parties » Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht, n° 4/2009, qui souligne que l’objet de ce nouvel instrument juridique n’était pas d’introduire une nouvelle réglementation, mais au contraire de reformuler la convention existante dans le règlement. Voir aussi, par exemple, Lagarde, P., et Tenenbaum, A., «De la convention de Rome au règlement Rome I», Revue critique de droit international privé, n° 4/2008, p. 727 et suivantes.


5 – Voir article 28 du règlement Rome I.


6 – Le premier arrêt dans lequel la Cour a interprété la convention de Rome est l’arrêt du 6 octobre 2009, ICF (C-133/08, Rec. p. I-9687), qui concernait l’interprétation de l’article 4 de ladite convention contenant les règles de détermination du droit applicable à défaut de choix des parties au contrat.


7 – Notons que, dans le cadre de la demande de décision préjudicielle du 29 juillet 2010, la Cour s’est vu soumettre aussi la question de l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la convention de Rome. Il s’agit de l’affaire Voogsgeerd (C-384/10), encore pendante, la Cour n’ayant pas encore statué dans cette affaire à la date de présentation des présentes conclusions (JO 2010, C 317, p. 14). Cette affaire concerne l’interprétation de la notion de «loi du pays où se trouve l’établissement qui l’a embauché», au sens dudit article 6, dans le cas où le travailleur, habituellement, n’accomplit pas son travail dans un seul pays.


8 – Voir arrêts du 13 juillet 1993, Mulox IBC (C-125/92, Rec. p. I-4075); du 9 janvier 1997, Rutten (C-383/95, Rec. p. I-57); du 27 février 2002, Weber (C‑37/00, Rec. p. I-2013), et du 10 avril 2003, Pugliese (C-437/00, Rec. p. I-3573).


9 – JO 1998, C 27, p. 47.


10 – Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (JO L 304, p. 1 et – version modifiée – p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1), par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1) et par la convention du 29 novembre 1996 relative à l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède (JO 1997, C 15, p. 1).


11 –      Soulignons que, dans la version initiale de la convention de Bruxelles, il n’y avait pas de dispositions spéciales sur la compétence pour les contrats de travail. Celles-ci n’ont été incluses qu’en 1989 avec la convention relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise à la convention de Bruxelles (JO 1989, L 285, p. 1, ci-après la «convention de San Sebastián»).


12 – Dans les présentes conclusions, nous emploierons la notion de «droit de l’Union» comme notion commune pour le droit communautaire et le droit de l’Union. Lors de la citation des dispositions du droit primaire, nous citerons celles qui s’appliquent ratione temporis.


13 – JO 2001, L 12, p. 1.


14 – L’article 2 du contrat de travail prévoyait que, si aucune des parties n’a résilié le contrat avant l’expiration de la période d’essai, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée conformément à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail publiée au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, du 5 juin 1989 (Mémorial A 1989, p. 611).


15 – M. Koelzsch invoque l’arrêt du Bundesarbeitsgericht du 17 mars 1988 (2 AZR 576/87).


16 – Mémorial A 1988, p. 1000.


17 – M. Koelzsch invoque, à cet égard, les arrêts Mulox IBC (précité à la note 8, points 21 à 23); Rutten (précité à la note 8, point 18), et Weber (précité à la note 8, point 42).


18 – Précité.


19 – Précité.


20 – Précité.


21 – Voir arrêt ICF (précité à la note 6, point 22).


22 – Voir, également, point 35 des conclusions de M. l’avocat général Y. Bot dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ICF, précité (arrêt du 6 octobre 2009, C-133/08, Rec. p. I-9687, point 35).


23 – Rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles par M. Mario Giuliano, professeur à l'université de Milan, et M. Paul Lagarde, professeur à l'université de Paris I (JO 1980, C 282, p. 1, ci-après le «rapport Giuliano/Lagarde sur la convention de Rome»).


24 – Voir arrêt ICF (précité à la note 6, point 23).


25 – Voir, notamment, arrêts du 21 juin 1978, Bertrand (150/77, Rec. p. 1431, points 14 à 16); du 19 janvier 1993, Shearson Lehman Hutton (C-89/91, Rec. p. I‑139, point 13); du 3 juillet 1997, Benincasa (C-269/95, Rec. p. I-3767, point 12); du 11 juillet 2002, Gabriel (C-96/00, Rec. p. I‑6367, point 37), et du 20 janvier 2005, Engler (C‑27/02, p. I-481, point 33).


26 – Voir, notamment, arrêts du 13 juillet 2006, Reisch Montage (C-103/05, Rec. p. I‑6827, point 29); du 2 octobre 2008, Hassett et Doherty (C-372/07, Rec. p. I‑7403, point 17), ainsi que du 23 avril 2009, Draka NK Cables e.a. (C-167/08, Rec. p. I‑3477, point 19).


27 – Arrêt du 30 septembre 2003, Köbler (C-224/01, Rec. p. I-10239).


28 – Arrêt Köbler (précité à la note 27, point 1 du dispositif).


29 – Voir en doctrine, par exemple, Rigaux, F., «Quelques problèmes d'interprétation de la Convention de Rome», L'européanisation du droit international privé (série de publications de l’Académie de droit européen de Trèves, vol. 8), 1996, p. 33.


30 – Voir le premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome et le deuxième protocole attribuant à la Cour de justice une compétence pour interpréter la convention de 1980 (JO 1998, C 27, p. 52).


31 – En doctrine, ce point est souligné, notamment, par Plender, R., The European Contracts Convention. The Rome Convention on the Choice of Law for Contracts, Sweet & Maxwell, Londres, 1991, p. 42, point 2.25.


32 – Mentionnée au point 23 des présentes conclusions.


33 – Voir point 27 des observations écrites de la Commission.


34 – Voir arrêts précités Mulox IBC, Rutten, Weber et Pugliese.


35 – Voir point 36 des conclusions de M. l’avocat général Y. Bot dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ICF, précité.


36 – Pour plus d’indications sur les dispositions impératives dans la convention de Rome, voir Wojewoda, M., «Mandatory rules in private international law: with special reference to the mandatory system under the Rome Convention on the law applicable to contractual obligations», Maastricht journal of European and comparative law, n° 2/2000, p. 183 et suiv. Cet auteur souligne, en ce qui concerne le renvoi aux dispositions impératives à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de Rome (p. 201), que la procédure d’établissement de l’existence de ce type de dispositions impératives est plutôt compliquée. Le juge national doit tout d’abord établir quel droit s’appliquerait au contrat de travail si les parties n’avaient pas effectué de choix, puis constater si ce droit contient des dispositions impératives de protection des droits des travailleurs et enfin appliquer les dispositions qui sont plus favorables pour le travailleur que les dispositions du droit qu’ont choisi les parties. Voir, également, Fletcher, I. F., Conflict of Laws and European Community Law: With Special Reference to the Community Conventions on private international law, North-Holland, Amsterdam, 1982, p. 168; Morse, R. C. G. J., «Consumer Contracts, Employment Contracts and the Rome Convention», International and Comparative Law Quarterly, n° 1/1992, p. 14 à 16; Salvadori, M. M., «La protezione del contraente debole (consumatori e lavoratori) nella Convenzione di Roma», Sacerdoti, G., et Frigo, M. (édit.), La Convenzione di Roma sul diritto applicabile ai contratti internazionali, Giuffrè Editore, Milan, 1993, p. 62 et 63.


37 – Alors que le règlement Rome I contient une clause comparable à son article 8, paragraphe 4, ni l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, ni l’article 19 du règlement n° 44/2001, ne contient de telle clause. Voir en doctrine, par exemple, Ofner, H., «Neuregelung des internationalen Vertragsrechts: Römisches Schuldvertragsübereinkommen», Recht der Wirtschaft, n° 1/1999, p. 7, qui souligne que, en raison de cette clause, l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome est conçu comme une présomption qui peut être réfutée si le contrat a un lien plus étroit avec un autre État.


38 – Voir arrêt du 15 janvier 1987, Shenavai (266/85, Rec. p. 239, point 16).


39 – Voir arrêts Mulox IBC (précité à la note 8, point 18); Rutten (précité à la note 8, point 22); Weber (précité à la note 8, point 40), et Pugliese (précité à la note 8, point 18). Voir, également, arrêt du 26 mai 1982, Ivenel (133/81, Rec. p. 1891), dans lequel la Cour a invoqué l’article 6 de la convention de Rome pour fonder cet objectif de protection dans le cadre de l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles.


40 – Voir, dans le rapport Giuliano/Lagarde sur la convention de Rome, cité à la note 23, commentaire de l’article 6 de la convention de Rome (point 1). En doctrine, voir, par exemple, Rudisch, B., dans Czernich, D., et Heiss, H., EVÜ. Das Europäische. Schuldvertragsübereinkommen, Orac, Vienne, 1999, p. 155; Plender, R., et Wilderspin, M., The European Contracts Convention. The Rome Convention on the Choice of Law for Contracts, Sweet & Maxwell, Londres, 2001, p. 159, point 8-01; Clerici, R., dans Venturini, G., et Bariatti, S., «Quale favor per il lavoratore nel Regolamento Roma I?», Liber Fausto Pocar, vol. 2, Giuffrè Editore, Milan, 2009, p. 216 et 217; Knez, R., «Rimska konvencija o uporabi prava pri pogodbenih obligacijskih razmerjih in njen pomen za Republiko Slovenijo», Pravnik, nos 1 à 3/1994, p. 52 et 53. Voir également, en ce qui concerne la protection du travailleur en tant que partie la plus faible dans le règlement Rome I, Lein, E., «The New Rome I / Rome II / Brussels I Synergy», Yearbook of Private International Law, 2008, p. 187.


41 – Plender, R., et Wilderspin, M., The European Private International Law of Obligations, Thomson Reuters, Londres, 2009, p. 316, point 11-043.


42 – Pour un commentaire de cette jurisprudence, voir en doctrine, par exemple, Pataut, É., «L’office du juge communautaire dans le contentieux international du travail», Procès du travail, travail du procès, L. G. D. J., Paris, 2008, p. 326 et suiv.; Gaudemet-Tallon, H., «Compétence et exécution des jugements en Europe: Règlement 44/2001, Conventions de Bruxelles (1968) et de Lugano (1988 et 2007)», Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 2010, p. 305 et suiv.


43 – La Cour a développé les règles générales de compétence dans les relations contractuelles dans deux arrêts, à savoir les arrêts du 6 octobre 1976, Industrie Tessili Italiana Como (12/76, Rec. p. 1473) et De Bloos (14/76, Rec. p. 1497). Au point 13 de l’arrêt De Bloos, la Cour a indiqué que la notion d’«obligation» de cet article concerne l’obligation contractuelle qui fait l’objet du recours du requérant, et donc de l’obligation litigieuse qui fait l’objet de la procédure en cours entre les parties au contrat, tandis que, au point 13 de l’arrêt Industrie Tessili Italiana Como, elle a jugé que le lieu d’exécution de l’obligation contractuelle litigieuse est déterminé conformément au droit applicable au rapport contractuel sur la base des règles de conflit de la juridiction qui statue sur le litige.


44 – Arrêt Ivenel (précité à la note 39, point 20 et dispositif).


45 – Notons que la Cour a certes déjà statué en 1989 dans l’arrêt du 15 février 1989, Six Constructions (32/88, Rec. p. 341), sur le cas où le travailleur a accompli son travail dans plusieurs États, mais il ne s’agissait pas d’États contractants de la convention de Bruxelles (point 4 de l’arrêt). Elle a donc jugé que l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles ne s’applique pas, mais qu’il faut au contraire déterminer la compétence sur la base de la règle générale de l’article 2 de ladite convention, et donc du lieu de la résidence permanente de la partie défenderesse (point 2 du dispositif de l’arrêt).


46 – Voir arrêt Mulox IBC (précité à la note 8, dispositif ainsi que points 24 et 26). En français, qui était aussi dans cette affaire la langue de procédure, ce critère était le «lieu […] où ou à partir duquel le travailleur s’acquitte principalement de ses obligations à l’égard de son employeur».


47 – Voir arrêt Rutten (précité à la note 8, dispositif ainsi que points 23, 26 et 27).


48 – Voir arrêt Rutten (précité à la note 8, point 23). Dans la langue de procédure, à savoir le néerlandais, les critères de l’arrêt Rutten sont formulés comme suit: «de plaats waar de werknemer het werkelijke centrum van zijn beroepswerkzaamheden heeft gevestigd en waar of van waaruit hij in feite het belangrijkste deel van zijn verplichtingen jegens zijn werkgever vervult».


49 – Voir arrêt Weber (précité à la note 8, point 2 du dispositif et point 58). Dans la langue de procédure, à savoir le néerlandais, il s’agit du critère «de plaats is waar of van waaruit hij, rekening houdend met alle omstandigheden van het concrete geval, feitelijk het belangrijkste deel van zijn verplichtingen jegens zijn werkgever vervult».


50 – Ibidem.


51 – Voir arrêt Pugliese (précité à la note 8, point 20).


52 – Voir arrêt Pugliese (précité à la note 8, point 1 du dispositif et point 26). Dans la langue de procédure, à savoir l’allemand, il s’agit du critère «der Ort, an dem der Arbeitnehmer seine Verpflichtungen gegenüber einem zweiten Arbeitgeber erfüllt, als der Ort angesehen werden kann, an dem er gewöhnlich seine Arbeit verrichtet, wenn der erste Arbeitgeber […] zum Zeitpunkt des Abschlusses des zweiten Vertrages selbst ein Interesse an der Erfüllung der vom Arbeitnehmer für den zweiten Arbeitgeber an einem von diesem bestimmten Ort zu erbringenden Leistung hatte».


53 – Voir, par exemple, Wurmnest, W., dans Basedow, J., e.a., Handwörterbuch des Europäischen Privatrechts, Band I, Mohr Siebeck, Tübingen, 2009, p. 93, ainsi que Junker, A., «Gewöhnlicher Arbeitsort und vorübergehende Entsendung im internationalen Privatrecht», dans Lorenz, S., Festschrift für Andreas Heldrich zum 70. Geburtstag, Beck, Munich, 2005, p. 722, qui souligne que la convention de Rome a été adoptée en tant qu’acte complémentaire à la convention de Bruxelles et que la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles vaut également pour les règles de conflit relatives aux contrats de travail. Voir aussi, par exemple, Deinert, O., «Neues internationales Arbeitsvertragsrecht», Recht der Arbeit, n° 3/2009, p. 145.


54 – Nous mettons en exergue. Version anglaise de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome: «law of the country in which the employee habitually carries out his work», version allemande: «Recht des Staates, in dem der Arbeitnehmer […] gewöhnlich seine Arbeit verrichtet», version espagnole «país en que el trabajador […] realice habitualmente su trabajo» et version italienne: «paese in cui il lavoratore […] compie abitualmente il suo lavoro».


55 – Il faut souligner que la différence de formulation entre l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome et l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles est que la convention de Rome parle de «pays» et la convention de Bruxelles de «lieu» d’accomplissement habituel du travail, mais cette différence ne saurait selon nous entraîner que la jurisprudence liée à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles ne peut pas être appliquée pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome. En doctrine, voir notamment, en liaison avec cette différence, Junker, A., op. cit., p. 724.


56 – Voir points 53 à 57 des présentes conclusions.


57 – Voir point 34 des présentes conclusions.


58 – Voir commentaire de l’article 6 de la convention de Rome (point 3) dans le rapport Giuliano/Lagarde sur la convention de Rome.


59 – Il faut en outre signaler que l’interprétation d’une disposition soutenue uniquement par une méthode historique ne saurait prévaloir sur une interprétation sur la base d’autres méthodes. Voir, pour l’analogie avec le droit de l’Union, Pechstein, M., et Drechsler, C., «Die Auslegung und Fortbildung des Primärrechts», dans Riesenhuber, K., Europäische Methodenlehre: Handbuch für Ausbildung und Praxis, de Gruyter Recht, Berlin, 2006, p. 172 et 173. En dépit de sa signification moindre alléguée, la Cour n’a pas exclu l’interprétation historique dans sa jurisprudence. Ainsi, dans l’arrêt du 7 octobre 2010, Lassal (C-162/09, non encore publié au Recueil, point 55), elle a utilisé cette méthode d’interprétation.


60 – Rapport sur la convention de San Sebastián préparé par M. Almeida Cruz, M. Desantes Real et P. Jenard (JO 1990, C 189, p. 35).


61 – Mentionnée à la note 11 des présentes conclusions.


62 – A fortiori bien entendu aussi dans le rapport sur la convention de Bruxelles préparé par P. Jenard (JO 1979, C 59, p. 18) – en l’occurrence le premier rapport sur cette convention – en liaison avec l’article 5, paragraphe 1, de ladite convention, cette possibilité d’interprétation n’a pas été prévue car, durant cette période, la convention de Bruxelles ne contenait absolument aucune disposition spéciale pour la détermination de la compétence pour les contrats de travail.


63 – Arrêt Mulox IBC (précité à la note 8, point 26).


64 – Convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à la convention de Bruxelles.


65 – Convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique à la convention de Bruxelles.


66 – Voir arrêt Ivenel, précité.


67 – Voir arrêt Ivenel (précité à la note 44, point 13).


68 – Voir arrêt Ivenel (précité à la note 44, point 20).


69 – Voir point 52 des présentes conclusions.


70 – Voir note 11 des présentes conclusions.


71 – Sur ce développement, voir en doctrine, par exemple, Junker, A., op. cit., p. 722 et 723; Sinay‑Cytermann, A., «La protection de la partie faible en droit international privé: les exemples du salarié et du consommateur», Le droit international privé: mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Dalloz, Paris, 2005, p. 739 et 740. Voir, également, point 23 du rapport de M. Almeida Cruz, M. Desantes Real et P. Jenard sur la convention de San Sebastián, mentionné au point 67 des présentes conclusions, ainsi que Gaudemet-Tallon, H., op. cit., p. 302 et suiv.


72 – En doctrine, voir, par exemple, Mankowski, P., dans Ferrari, F., et Leible, S., Rome I Regulation. The Law Applicable to Contractual Obligations in Europe, Sellier, Munich, 2009, p. 177, qui souligne qu’il s’agit de la modification la plus importante de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome.


73 – Voir proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) [COM(2005) 650 final]. Ce point est souligné en doctrine, par exemple, par Wurmnest, W., op. cit., p. 94; Plender, R., et Wilderspin, M., op. cit., p. 315, point 11-041; Gaudemet-Tallon, H., «Le principe de proximité dans le Règlement Rome I», Revue hellénique de droit international, 2008, p. 195; Marquette, V., «Le Règlement ‘Rome I’ sur la loi applicable aux contrats internationaux», Revue de droit commercial belge, n° 6/2009, p. 532, note 91; Kenfack, H., «Le règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (‘Rome I’), navire stable aux instruments efficaces de navigation?», Journal du droit international, n° 1/2009, p. 65.


74 – En doctrine, voir Magnus, U., «Die Rom I-Verordnung», Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrechts (IPRax), n° 1/2010, p. 40 et 41; Mauer, R., «Die Kündigung komplexer grenzüberschreitender Arbeitsverhältnisse nach der EG-Verordnung ROM I», Recht der internationalen Wirtschaft, n° 2/2007, p. 93; Boskovic, O., «La protection de la partie faible dans le règlement Rome I», Recueil Dalloz, n° 31/2008, p. 2175 et suiv.; Corneloup, S., «La loi applicable aux obligations contractuelles: transformation de la Convention de Rome en règlement communautaire ‘Rome I’», La semaine juridique. Édition générale, n° 44/2008, p. 26, note 34, ainsi que Zilinsky, M., «Rome I en arbeidsovereenkomst», Weekblad voor privaatrecht, notariaat en registratie, n° 6824/2009, p. 1034.


75 – Voir en ce sens, notamment, Boskovic, O., op. cit., p. 2175 et suiv.; Hansen, L. L., «Applicable employment law after Rome I: the draft Rome I Regulation and its importance for employment contracts», European business law review, n° 4/2008, p. 768.


76 – Voir proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) [COM(2005) 650 final],. Voir également, en ce sens, Magnus, U., op. cit., p. 41.


77 – Voir Mankowski, P. (2009), op. cit., p. 177, qui nomme cette règle «base rule», car elle tient compte de la base ou du centre à partir duquel le travailleur exerce son activité.


78 – L’article 24, paragraphe 1, du règlement Rome I dispose que ce règlement remplace la convention de Rome dans les États membres sauf en ce qui concerne les territoires des États membres qui relèvent du champ d’application territorial de ladite convention et pour lesquels le règlement ne s’applique pas.


79 – L’article 24, paragraphe 2, de la convention de Rome dispose en effet que, dans la mesure où le règlement Rome I remplace la convention de Rome, tout renvoi à cette convention doit être compris comme un renvoi audit règlement. Voir également la littérature citée à la note 4 des présentes conclusions.


80 – Sur la cohérence entre forum et ius, voir, par exemple, Esplugues Mota, C., et Palao Moreno, G., dans Magnus, U., et Mankowski, P. (édit.), Brussels I Regulation, Sellier, Munich, 2007, p. 334, point 7; Mankowski, P., dans Rauscher, T. (édit), Europäisches Zivilprozeβrecht. Kommentar, 2e édition, Sellier, European Law Publishers, Munich, 2006, p. 319, point 4. Voir aussi rapport sur la convention de Bruxelles préparé par P. Jenard (p. 24), mentionné dans la note 62 des présentes conclusions, où il est indiqué qu’il est souhaité que, dans les litiges découlant de contrats de travail, dans la mesure du possible, ce soit la juridiction de l’État dont le droit s’applique au contrat qui statue.


81 – Pour l’application de cette notion, voir par exemple Salvadori, M. M., op. cit., p. 66; Gamillscheg, F., «Conflitti di leggi nei contratti di lavoro e nelle relazioni industriali», dans Biagi, M., et Blanpain, R., Diritto del lavoro e relazioni industriali nei paesi industrializzati ad economia di mercato, vol. I, Maggioli Editore, Rimini, 1991, p. 544.


82 – Voir en doctrine, par exemple, Van Eeckhoutte, W., «The Rome Convention on the Law Applicable to Contractual Obligations and Labour Law (1980)», dans Blanpain, R., Freedom of services in the European Union, Kluwer, La Haye, 2006, p. 170.


83 – Voir en ce sens en doctrine, par exemple, Mankowski, P., «Internationale Zuständigkeit und anwendbares Recht: Parallelen und Divergenzen», dans Lorenz, S., Festschrift für Andreas Heldrich zum 70. Geburtstag, Beck, Munich, 2005, p. 868 et 869; Lüttringhaus, J. D., et Weber, J., «Aussonderungsklagen an der Schnittstelle von EuGVVO und EuInsVO», Recht der internationalen Wirtschaft, n° 1-2/2010, p. 49; «Max Planck Institute for Comparative and International Private Law: Comments on the European Commission’s Proposal for a Regulation of the European Parliament and the Council on the law applicable to contractual obligations (Rome I)», Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht, n° 2/2007, p. 238; Lein, E., op. cit., p. 196, ainsi que Kropholler, J., Internationales Privatrecht: einschließlich der Grundbegriffe des internationalen Zivilverfahrensrechts, Mohr Siebeck, Tübingen, 2006, p. 612.


84 – Voir également, par exemple, nos conclusions présentées le 27 janvier 2009 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 avril 2009, Falco Privatstiftung et Rabitsch (C‑533/07, Rec. p. I‑3327), dans lesquelles nous avons signalé les limites d’une interprétation uniforme de concepts dans différents actes juridiques et, plus précisément, la possibilité seulement partielle d’analogie entre la notion de «service» dans le règlement n° 44/2001 et dans le droit primaire (points 60 et suiv.) ainsi que l’impossible analogie entre cette notion dans le règlement n° 44/2001 et dans les dispositions de l’Union européenne dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée.


85 – Arrêt du 27 novembre 2007, C (C-435/06, Rec. p. I-10141).


86 – Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (JO L 338, p. 1).


87 – Voir Lüttringhaus, J., «Der Direktanspruch im vergemeinschafteten IZVR und IPR nach der Entscheidung EuGH VersR 2009, 1512 (Vorarlberger Gebietskrankenkasse)», Versicherungsrecht, n° 4/2010, p. 189. Voir également Lein, E., op. cit. (p. 186 et 187), qui parle de protection de la partie au contrat la plus faible (donc aussi du travailleur) dans le règlement Rome I et le règlement n° 44/2001.


88 – Voir en ce sens, notamment, arrêts du 18 décembre 2007, Laval un Partneri (C‑341/05, Rec. p. I-11767, point 45); du 16 juillet 2009, Gómez-Limón Sánchez-Camacho (C‑537/07, Rec. p. I‑6525, point 24), ainsi que du 22 octobre 2009, Zurita García et Choque Cabrera (C‑261/08 et C-348/08, Rec. p. I-10143, point 34).


89 – Voir arrêts précités Mulox IBC (point 25); Rutten (point 25); Weber (point 55), et Pugliese (point 25). Voir en doctrine, en ce qui concerne l’appréciation de chaque cas individuel en liaison avec la notion comparable de «lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail» du règlement n° 44/2001, Mankowski, P. (2006), op. cit., p. 320, point 4.


90 – Voir arrêt Mulox IBC (précité à la note 8, point 3).


91 – Ibidem (précité à la note 8, point 25).


92 – Voir arrêt Rutten (précité à la note 8, point 2).


93 – Ibidem (précité à la note 8, point 5).


94 – Ibidem (précité à la note 8, point 25).


95 – Voir arrêt Weber (précité à la note 8, points 17 à 21).


96 – Ibidem (précité à la note 8, point 48).


97 – Ibidem (précité à la note 8, point 58).


98 – Voir arrêt Pugliese (précité à la note 8, points 4, 5 et 7).


99 – Ibidem (précité à la note 8, point 13).


100 – Ibidem (précité à la note 8, point 26).


101 – Voir, notamment, Van Eeckhoutte, W., op. cit., p. 169 et 170.


102 – Voir Plender, R., et Wilderspin, M., op. cit., p. 315, point 11-039.


103 – Voir, notamment, Van Eeckhoutte, W., op. cit., p. 170, ainsi que, en liaison avec l’article 8, paragraphe 2, du règlement Rome I, Mankowski, P. (2009), op. cit., p. 178.


104 – Voir Wurmnest, W., op. cit., p. 93.


105 – Voir point 63 des présentes conclusions.


106 – Ainsi qu’il ressort de l’ordonnance de renvoi, trois camions sont stationnés à chacun des trois endroits. Le camion de M. Koelzsch était stationné à Osnabrück.


107 – Ainsi aussi Junker, A., op. cit., p. 733.