Language of document : ECLI:EU:T:2016:379

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

30 juin 2016 (*)

« Concurrence – Décision d’association d’entreprises – Marché de l’émission des cartes de paiement en France – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Mesures tarifaires applicables aux “nouveaux entrants” – Droit d’adhésion et mécanismes dits de “régulation de la fonction acquéreur” et de “réveil des dormants” – Marché pertinent − Restriction de la concurrence par effet – Article 81, paragraphe 3, CE − Erreurs manifestes d’appréciation – Principe de bonne administration − Proportionnalité − Sécurité juridique »

Dans l’affaire T‑491/07 RENV,

Groupement des cartes bancaires (CB), établi à Paris (France), représenté par Mes F. Pradelles et J. Ruiz Calzado, avocats,

partie requérante,

soutenu par

BNP Paribas, établie à Paris, représentée par Mes O. de Juvigny et J. Caminati, avocats,

par

BPCE, anciennement Caisse nationale des Caisses d’épargne et de prévoyance (CNCEP), établie à Paris, représentée par Mes A. Choffel et S. Hautbourg, avocats,

et par

Société générale, établie à Paris, représentée par Mes P. Guibert et P. Patat, avocats,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et B. Mongin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2007) 5060 final de la Commission, du 17 octobre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (COMP/D1/38606 – Groupement des cartes bancaires « CB »),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 octobre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le Groupement des cartes bancaires (CB) (ci-après le « requérant » ou le « Groupement ») est un groupement d’intérêt économique de droit français, créé en 1984 par les principaux établissements bancaires français. Il a été créé afin de réaliser l’interopérabilité des systèmes de paiement et de retrait par cartes bancaires émises par ses membres (ci-après les « cartes CB »). Cette interopérabilité se traduit en pratique par le fait qu’une carte CB émise par un membre du Groupement peut être utilisée pour effectuer des paiements auprès de tous les commerçants affiliés au système mis en place (ci-après le « système CB ») par l’intermédiaire de n’importe quel autre membre du Groupement ou peut être utilisée pour effectuer des retraits dans les distributeurs automatiques de billets (DAB) exploités par tous les autres membres du Groupement.

2        Les organes et les principes de fonctionnement du Groupement sont décrits dans son contrat constitutif et dans son règlement intérieur.

3        Le 29 juin 2007, le Groupement comptait 148 membres. Ceux-ci sont soit des établissements dits « chefs de file », soit des établissements rattachés à l’un des chefs de file. En vertu du contrat constitutif du Groupement, les onze chefs de file sont les suivants : la Banque fédérale des banques populaires (représentant le groupe Banque populaire, Natexis et ses filiales et établissements affiliés), La Banque postale, BNP Paribas, la BPCE [anciennement Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance (CNCEP)] (représentant l’ensemble des caisses d’épargne et de prévoyance), la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) (représentant l’ensemble des Fédérations régionales et des caisses de crédit mutuel), le Crédit agricole et la Fédération nationale du Crédit agricole (FNCA) (représentant conjointement les Caisses régionales et les Caisses locales du crédit agricole), le Crédit du nord, le Crédit industriel et commercial (CIC), le Crédit Lyonnais, la HSBC France (anciennement CCF) et la Société générale.

4        L’assemblée générale des membres du Groupement comprend l’ensemble des membres du Groupement. Au sein de cette assemblée, chaque membre dispose d’une voix et, en outre, d’un nombre de voix égal à la somme des opérations initiées par les cartes CB qui lui sont attribuées (article 23.3 du contrat constitutif). L’assemblée générale extraordinaire est notamment compétente pour modifier le contrat constitutif du Groupement.

5        Le conseil de direction du Groupement (ci-après le « conseil de direction ») est composé des chefs de file. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les décisions définissant les grandes options du Groupement, sous réserve de ceux attribués aux assemblées générales des membres du Groupement et à l’administrateur du Groupement.

6        L’administrateur du Groupement est un organe d’exécution subordonné au conseil de direction.

7        À ces organes statutaires du Groupement est adjointe une instance informelle, sans pouvoir de décision, dénommée « Comité d’orientation monétique » (ci-après le « COM »). Le COM est composé de [confidentiel] (1) du Groupement et de [confidentiel] des chefs de file, à l’exception de la HSBC France.

 Procédure devant la Commission

8        Le 10 décembre 2002, le Groupement a notifié à la Commission des Communautés européennes, en vertu du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), différentes nouvelles règles envisagées pour le système CB, consistant, d’une part, en trois mesures tarifaires qui avaient été adoptées par le conseil de direction les 8 et 29 novembre 2002 et, d’autre part, en des modifications du contrat constitutif qui allaient être adoptées par l’assemblée générale du Groupement le 20 décembre 2002 (ci-après la « notification »). Ces nouvelles règles devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2003.

9        Le 7 mai 2003, la Commission a adopté la décision C(2003) 1524/9 ordonnant au Groupement et à ses filiales de se soumettre à une vérification en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Par arrêt du 12 juillet 2007, CB/Commission (T‑266/03, non publié, EU:T:2007:223), le Tribunal a rejeté le recours en annulation qui avait été introduit par le Groupement à l’encontre de cette décision. Les 20 et 21 mai 2003, des vérifications ont été effectuées dans les locaux du Groupement et de plusieurs membres de son conseil de direction.

10      Le 8 juin 2004, le conseil de direction a décidé de suspendre les mesures tarifaires notifiées jusqu’à une éventuelle décision de la Commission sur leur compatibilité avec le droit de la concurrence. Cette décision a été communiquée à la Commission par lettre du 10 juin 2004.

11      Le 6 juillet 2004, la Commission a adopté une première communication des griefs, adressée au Groupement et aux chefs de file ayant fait l’objet de vérifications. Elle leur faisait grief d’avoir conclu un « accord secret anticoncurrentiel » ayant « globalement pour objet de limiter la concurrence entre les banques parties à l’accord ainsi que de freiner de manière concertée la concurrence des nouveaux entrants (notamment la grande distribution, les banques en ligne et les banques étrangères) sur le marché de l’émission de cartes bancaires ». Elle a estimé que « la notification [avait] été faite dans le but de dissimuler le véritable contenu de l’accord anticoncurrentiel ». Elle envisageait de priver de tout effet la notification et d’infliger une amende aux destinataires de cette communication des griefs. Le Groupement a répondu à cette communication des griefs le 8 novembre 2004 et une audition s’est tenue les 16 et 17 décembre 2004.

12      Le 17 juillet 2006, la Commission a adopté une seconde communication des griefs, adressée uniquement au Groupement. Elle y indiquait que la première communication des griefs devait être considérée comme retirée. Cette seconde communication des griefs portait sur une décision d’association d’entreprises instituant une série de mesures tarifaires ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel.

13      Le Groupement a répondu à cette seconde communication des griefs le 19 octobre 2006 et une audition s’est tenue le 13 novembre 2006.

14      Des discussions se sont ensuite déroulées entre le Groupement et les services de la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission, concernant la possibilité pour le Groupement de soumettre à la Commission une proposition d’engagements en vertu de l’article 9 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Après avoir soumis de manière informelle quatre versions de propositions d’engagements, le Groupement a formellement présenté une proposition d’engagements le 20 juillet 2007.

15      Par lettre du 31 juillet 2007, le directeur général de la DG de la concurrence de la Commission a informé le Groupement que, eu égard au stade actuel de la procédure, cette offre lui apparaissait tardive et également insatisfaisante. Il y indiquait en outre que l’issue de l’affaire serait décidée par le collège des commissaires.

 Décision attaquée

16      Le 17 octobre 2007, la Commission a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, adopté la décision C(2007) 5060 final relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (COMP/D1/38606 − Groupement des cartes bancaires « CB ») (ci-après la « décision attaquée »).

17      Dans la décision attaquée, la Commission a décrit les mesures tarifaires qui lui ont été notifiées.

18      La première mesure tarifaire notifiée consistait en l’instauration d’un dispositif dénommé « mécanisme de régulation de la fonction acquéreur » (ci-après le « MERFA »). Sont soumises au MERFA les banques dont l’activité relative d’acquisition est notablement inférieure (moins de 50 %) à leur activité relative d’émission (considérant 141 de la décision attaquée). L’activité relative d’une banque donnée, tant d’acquisition que d’émission, est le rapport entre son activité propre et celle de l’ensemble des membres du Groupement.

19      La formule du MERFA est reproduite au considérant 142 de la décision attaquée. Dans le cadre du MERFA, la notion de banque est définie comme tout groupe constitué par un membre du Groupement et les filiales dont il détient au moins 51 % du capital (« Groupe CIP ») (considérant 140 de la décision attaquée).

20      L’activité d’acquisition au sens du MERFA comprend, d’une part, l’« activité d’acquisition de commerçants » [correspondant à l’affiliation de commerçants ayant un numéro attribué par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dans le cadre du « Système d’identification du répertoire des entreprises » (SIREN) servant à identifier une entreprise, une personne physique ou une personne morale] et, d’autre part, l’« activité retrait » (correspondant à l’exploitation de DAB dans lesquels les cartes CB peuvent être utilisées). L’activité d’émission désigne la délivrance par une banque de cartes CB de paiement ou de retrait à un porteur.

21      Les banques soumises au MERFA étaient redevables d’un montant annuel variant, selon les cas, de 0 à 11 euros par carte CB de paiement et de retrait active et de 0 à 3 euros par carte CB de retrait active, une carte CB étant considérée comme « active » lorsqu’elle a été utilisée au moins une fois au cours de l’année (considérant 143 de la décision attaquée).

22      Les sommes perçues au titre du MERFA devaient être réparties entre les membres du Groupement qui n’étaient redevables d’aucune somme au même titre, au prorata de leur contribution à l’activité d’acquisition. Ces membres pouvaient utiliser librement les sommes perçues à ce titre (considérant 144 de la décision attaquée).

23      Le MERFA devant être mis en place le 1er janvier 2003, il était prévu que les sommes dues au titre de celui-ci soient versées en 2004, sur la base des données constatées en 2003 (considérant 157 de la décision attaquée).

24      La deuxième mesure tarifaire notifiée consistait en une réforme du droit d’adhésion au Groupement. Le nouveau droit d’adhésion, qui devait s’appliquer à tout membre du Groupement à compter du 1er janvier 2003, comprenait :

–        un droit d’adhésion proprement dit, consistant en un droit fixe de 50 000 euros hors taxes, perçu au moment de l’adhésion (ci-après le « droit fixe d’adhésion »), et en un droit de 12 euros hors taxes par carte CB émise et active pendant les trois années suivant l’adhésion au Groupement, assis sur la différence entre le stock de cartes CB détenu par ce membre à la fin de l’exercice concerné et celui détenu au début de celui-ci (ci-après le « droit d’adhésion par carte ») ;

–        le cas échéant, un droit complémentaire d’adhésion applicable aux membres dont le nombre de cartes CB en stock au cours ou à la fin de la sixième année suivant leur adhésion excédait le triple de leur nombre de cartes CB en stock à la fin de la troisième année suivant leur adhésion, fixé à 12 euros hors taxes par « nouvelle » carte CB et assis sur le tiers de la différence entre le stock de cartes CB à la fin de la sixième année et le stock de cartes CB à la fin de la troisième année (considérant 146 de la décision attaquée).

25      La troisième mesure tarifaire notifiée consistait en l’instauration d’un dispositif dénommé « réveil des dormants » (ci-après le « droit de réveil des dormants »). La formule du droit de réveil des dormants est décrite aux considérants 147 à 150 de la décision attaquée. Elle a été modifiée en janvier 2003.

26      Le droit de réveil des dormants, selon sa formule modifiée, devait être calculé sur la base des positions relatives d’un membre du Groupement en tant qu’émetteur, à savoir son nombre total de cartes CB divisé par le nombre total de cartes CB du Groupement, en tant qu’acquéreur, à savoir son nombre de SIREN actifs divisé par le nombre total de SIREN actifs du Groupement, et en tant que gestionnaire de DAB, à savoir son nombre de DAB actifs divisé par le nombre total de DAB actifs du Groupement à la fin des années 2000, 2001 et 2002. Le meilleur de ces indices devait être retenu. Si, à la fin de l’exercice 2003, de l’exercice 2004 ou de l’exercice 2005, le ratio de cartes CB émises par ce membre par rapport au nombre total de cartes CB du Groupement excédait trois fois l’indice retenu, il était prévu que ce membre paye 12 euros par carte CB en surnombre (considérant 157 de la décision attaquée).

27      Les membres ayant adhéré au Groupement en 2002 pouvaient choisir d’être considérés comme de nouveaux membres ou comme des membres dormants (considérant 158 de la décision attaquée).

28      Les nouveaux membres ou les membres dormants (ci-après, pris ensemble, les « nouveaux entrants ») sont susceptibles d’être assujettis aux mesures tarifaires suivantes : le MERFA, plus soit le droit d’adhésion par carte et le droit complémentaire d’adhésion, soit le droit de réveil des dormants (ci-après, prises ensemble, les « mesures en cause »). Le droit fixe d’adhésion n’est pas visé par la décision attaquée parmi les mesures considérées comme contraires à l’article 81 CE (article 1er et considérants 192 et 505 de la décision attaquée).

29      Après une présentation des systèmes de paiement par carte en France (considérants 16 à 27 de la décision attaquée), du fonctionnement du Groupement (considérants 28 à 47 de la décision attaquée) et du système des commissions interbancaires en France (considérants 48 à 56 de la décision attaquée), la Commission a détaillé les travaux qui se sont déroulés au sein du Groupement, et plus particulièrement ceux du COM, et qui ont précédé l’adoption des mesures en cause.

30      La Commission a relevé que les premières réflexions relatives aux mesures en cause avaient débuté en 2001, dans le cadre du projet CS 2002, conçu au sein du COM, qui avait notamment pour objectif la mise en place d’une tarification pour éviter la baisse de la cotisation, payée par les porteurs de cartes CB, déclenchée par l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché de l’émission des cartes bancaires en France. Ces nouveaux entrants étaient principalement des banques de la grande distribution et des banques en ligne (considérants 1 et 59 de la décision attaquée). Dans le cadre de ce projet, la possibilité de création d’une société industrielle et commerciale (SIC) qui deviendrait propriétaire du système CB avait notamment été envisagée. Cette possibilité avait par la suite été abandonnée au vu de son « éventuelle irrecevabilité […] au regard du droit de la concurrence » (considérants 88 et 90 de la décision attaquée). À la suite de cet abandon, les mesures en cause ont finalement été adoptées par le COM le 11 octobre 2002, puis formellement adoptées par le conseil de direction par décisions des 8 et 29 novembre 2002 (considérants 131 et 134 de la décision attaquée).

31      Aux fins de son analyse, la Commission a défini le marché en cause comme étant celui de l’émission des cartes de paiement en France et a considéré qu’il n’était pas nécessaire de préciser si le marché se limitait aux seules cartes CB ou s’il comprenait également d’autres cartes telles que les cartes privatives ou accréditives (considérants 162 à 189 de la décision attaquée).

32      La Commission a considéré que les mesures en cause constituaient une décision d’association d’entreprises (considérants 191 et 192 de la décision attaquée).

33      La Commission a conclu que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel (considérant 251 de la décision attaquée).

34      De plus, la Commission a conclu que les mesures en cause avaient un effet restrictif de concurrence. D’une part, elle a analysé les effets qu’auraient déployés les mesures en cause si elles avaient été appliquées (effets potentiels). À cet égard, elle a considéré que l’application des mesures en cause aurait conduit à une réduction importante de l’attractivité de l’offre des nouveaux entrants du fait du surcoût qui leur aurait été imposé et les aurait pénalisés, tout en ayant des effets positifs pour les grandes banques ayant participé au COM, du fait des critères retenus dans les formules de ces mesures. Elle a également considéré que les mesures en cause auraient eu un effet sur le prix des cartes CB, un effet inhibiteur sur le volume des plans d’émission des nouveaux entrants et des effets bénéfiques pour les participants au COM, notamment la préservation de leurs revenus (considérants 252 à 309 de la décision attaquée).

35      D’autre part, la Commission a analysé les effets effectivement produits sur le marché par les mesures en cause (effets réels). Elle a considéré que, entre le 1er janvier 2003 et le 8 juin 2004, à savoir la période d’application des mesures en cause, ces dernières avaient conduit à la réduction des plans d’émission de cartes CB des nouveaux entrants et à la prévention de la baisse du prix des cartes CB, tant des nouveaux entrants que des chefs de file, et que, après la suspension des mesures en cause, le 8 juin 2004, elles avaient également produit des effets sur les plans d’émission des cartes CB, dont la réduction avait été maintenue même après la suspension des mesures en cause, ainsi que sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants et des chefs de file (considérants 310 à 356 de la décision attaquée).

36      La Commission a estimé que les mesures en cause n’échappaient pas au champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. En particulier, ces mesures ne pouvaient pas être considérées comme des restrictions accessoires. Elle a également considéré que les mesures en cause créaient une restriction appréciable de la concurrence, étant donné que les cartes CB représentaient, en 2004, plus de 78 % du marché (en valeur) des cartes de paiement en France. Enfin, elle a indiqué que le commerce entre États membres était affecté de manière appréciable, les mesures en cause produisant notamment un effet, au moins potentiel, de cloisonnement du marché des cartes de paiement français, et que cela n’avait pas été contesté par le Groupement dans sa notification. Elle en a conclu que les mesures en cause étaient contraires à l’article 81, paragraphe 1, CE (considérants 20 et 359 à 374 de la décision attaquée).

37      S’agissant de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, en premier lieu, la Commission a analysé l’argumentation du Groupement selon laquelle les mesures en cause contribuaient au progrès technique ou économique en luttant contre le parasitisme du système CB. Elle a relevé que, selon le Groupement, en l’absence des mesures en cause, le système CB serait parasité, d’une part, parce que les nouveaux entrants accèderaient à ce système sans rémunération appropriée (première source de parasitisme) et, d’autre part, parce qu’ils privilégieraient l’émission, qui produirait moins d’externalités positives que l’acquisition (seconde source de parasitisme). Elle a considéré que le Groupement n’avait démontré ni que les mesures en cause étaient justifiées par une nécessité de rémunérer la valeur d’usage du système CB ou les investissements consentis pour le développement de ce système (considérants 375 à 429 de la décision attaquée) ni qu’elles étaient justifiées par une fonction de régulation des activités d’émission et d’acquisition (considérants 430 à 468 de la décision attaquée). Elle a ajouté que, en tout état de cause, il n’existait pas de parasitisme du système CB (considérants 469 à 470 de la décision attaquée). Elle en a conclu que le requérant n’avait pas démontré que les mesures en cause contribuaient au progrès technique ou économique (considérant 472 de la décision attaquée). Par ailleurs, elle a relevé que les mesures en cause avaient des effets économiques négatifs (considérants 473 à 477 de la décision attaquée).

38      En deuxième lieu, la Commission a considéré que, en l’absence de contribution au progrès technique ou économique, il n’y avait pas de part équitable du profit d’un tel progrès qui puisse être réservée aux utilisateurs − porteurs de cartes CB et commerçants − et que, au contraire, les utilisateurs subissaient des effets anticoncurrentiels sur les prix, le volume et les fonctionnalités des cartes CB. Dès lors, elle en a conclu que la deuxième condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE n’était pas satisfaite (considérants 478 à 485 de la décision attaquée).

39      En troisième lieu, la Commission a considéré que les mesures en cause constituaient des restrictions qui n’étaient pas indispensables, en particulier pour lutter contre le parasitisme, dans la mesure où ce phénomène n’existait pas dans le système CB. Elle a également indiqué que le MERFA n’était pas indispensable pour équilibrer les activités d’émission et d’acquisition et que le Groupement n’avait pas démontré dans quelle mesure, parmi toutes les solutions envisageables pour satisfaire les objectifs invoqués, tels que le suivi du rythme des innovations, l’émergence d’un espace de paiement européen et de nouvelles exigences de sécurité, les mesures en cause étaient les moins restrictives. Elle en a conclu que la troisième condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE n’était pas non plus satisfaite (considérants 486 à 501 de la décision attaquée).

40      En quatrième lieu, la Commission a considéré qu’il n’était pas nécessaire, au vu de ses précédentes constatations sur l’absence de satisfaction des trois premières conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, de vérifier si la quatrième condition (ne pas rendre possible l’élimination de la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause) était également remplie (considérant 502 de la décision attaquée).

41      En conclusion, la Commission a constaté que l’article 81, paragraphe 3, CE n’était pas applicable aux mesures en cause, que la décision du Groupement concernant ces mesures était contraire aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE et nulle de plein droit en application de l’article 81, paragraphe 2, CE (considérant 503 de la décision attaquée).

42      La décision attaquée dispose ce qui suit :

« Article premier

Les mesures tarifaires adoptées par le [Groupement] par décisions des 8 et 29 novembre 2002 [du conseil de direction], à savoir le [MERFA], le droit d’adhésion par carte et le droit complémentaire d’adhésion, ainsi que le [droit de réveil des dormants] applicable aux membres du Groupement qui n’ont pas développé d’activité “CB” significative depuis leur adhésion sont contraires à l’article 81 [CE].

Article 2

Le Groupement met fin immédiatement à l’infraction visée à l’article 1er en retirant les mesures tarifaires notifiées visées audit article, dans la mesure où il ne l’a pas déjà fait.

Le Groupement s’abstient, à l’avenir, de toute mesure ou [de] tout comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

43      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2007, le requérant a introduit le présent recours.

44      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 17, le 18 et le 22 avril 2008, les intervenantes, BNP Paribas, la BPCE et la Société générale, ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du requérant. Par ordonnances du 16 juillet 2008, le président de la première chambre du Tribunal a admis ces interventions. Les intervenantes ont déposé leurs mémoires en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

45      Le 30 mai 2008, le requérant et la Commission ont chacun déposé une demande de traitement confidentiel, à l’égard des intervenantes, de certaines données figurant, respectivement, dans la requête et dans le mémoire en défense ainsi que dans leurs annexes.

46      Le 17 juillet 2008, le requérant a déposé une demande de traitement confidentiel, à l’égard des intervenantes, de certaines données figurant dans le mémoire en défense et dans la réplique et dans leurs annexes.

47      Le 10 novembre 2008, le requérant a déposé une demande de traitement confidentiel, à l’égard des intervenantes, de certaines données figurant dans la duplique.

48      Le requérant et la Commission s’étant entendus sur l’étendue de la confidentialité qu’il convenait d’accorder à ces différentes pièces et les intervenantes n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre de ces demandes de traitement confidentiel, des versions non confidentielles des mémoires du requérant et de la Commission et de leurs annexes ont été notifiées aux intervenantes.

49      Le 4 décembre 2008, la BPCE a déposé une demande de traitement confidentiel, à l’égard de BNP Paribas et de la Société générale, de certaines données figurant dans son mémoire en intervention et dans une des annexes de ce mémoire. Les autres intervenantes n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre de cette demande de traitement confidentiel, une version non confidentielle du mémoire en intervention de la BPCE et de l’une des annexes de ce mémoire a été notifiée à BNP Paribas et à la Société générale.

50      Le 6 mai 2009, le requérant a présenté une demande de traitement confidentiel, à l’égard des intervenantes et du public, de certaines données figurant dans les observations de la Commission sur les mémoires en intervention et dans les annexes de ces observations. Les intervenantes n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre de cette demande de traitement confidentiel, une version non confidentielle des observations de la Commission sur les mémoires en intervention et des annexes de ces observations leur a été notifiée.

51      Par arrêt du 29 novembre 2012, CB/Commission (T‑491/07, non publié, EU:T:2012:633), le Tribunal a rejeté le recours.

52      Par requête en date du 8 février 2013, le requérant a introduit un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal.

53      Par arrêt sur pourvoi du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), la Cour a annulé l’arrêt du 29 novembre 2012, CB/Commission (T‑491/07, non publié, EU:T:2012:633), au motif que le Tribunal, en jugeant que les mesures en cause avaient pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, avait commis des erreurs de droit et avait méconnu le degré de contrôle juridictionnel exigé par la jurisprudence. Elle a, en outre, renvoyé l’affaire devant le Tribunal et a réservé les dépens.

54      L’affaire a été attribuée à la septième chambre du Tribunal.

55      Conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, les parties ont déposé, dans les délais impartis, leurs mémoires en observations écrites concernant les suites à donner à l’arrêt de la Cour dans la présente procédure.

56      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 28 octobre 2015.

 Conclusions présentées par les parties à l’instance après renvoi

57      Le requérant, soutenu par les intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

58      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

59      À l’appui du recours, le requérant, soutenu par les intervenantes, soulève six moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 81 CE en raison d’erreurs dans la méthode d’analyse des mesures en cause et des marchés retenus, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’objet des mesures en cause. Le troisième moyen est tiré d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des effets des mesures en cause. Le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’applicabilité de cette disposition aux mesures en cause. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration. Le sixième moyen est tiré de violations des principes de proportionnalité et de sécurité juridique.

60      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Cour, dans l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), a accueilli le pourvoi introduit par le requérant et a annulé l’arrêt du Tribunal. Elle a considéré que le Tribunal avait commis des erreurs de droit en jugeant que les mesures en cause avaient pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 92).

61      La Cour a également constaté que les motifs qui justifiaient l’annulation de l’arrêt du Tribunal n’étaient pas de nature à entraîner l’annulation totale de la décision attaquée et que, en effet, ces motifs n’impliquaient l’annulation de cette décision qu’en ce qu’elle constatait que les mesures en cause avaient pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 96). La Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal afin qu’il détermine si, ainsi que la Commission l’avait considéré dans la décision attaquée, les mesures en cause avaient « pour effet » de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 97).

62      En conséquence de l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’objet des mesures en cause.

63      Cependant, comme l’a relevé la Cour, ce constat n’est pas suffisant pour annuler la décision attaquée dans son intégralité, la Commission ayant également constaté, dans la décision attaquée, que les mesures en cause étaient contraires à l’article 81 CE en raison de leurs effets anticoncurrentiels.

64      Partant, il convient d’examiner les autres moyens soulevés par le requérant.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE en raison d’erreurs dans la méthode d’analyse des mesures en cause et des marchés retenus, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation

65      Par le premier moyen, le requérant conteste la méthode d’analyse des mesures en cause de la Commission au regard de l’objet et des effets des mesures en cause.

66      À titre liminaire, il convient de relever que, le deuxième moyen ayant été accueilli, l’examen du premier moyen se limitera aux arguments du requérant et des intervenantes relatifs à la contestation de la méthode utilisée par la Commission pour analyser les effets des mesures en cause.

67      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 81 CE prévoit explicitement, dans son paragraphe 3, la possibilité de ne pas appliquer l’interdiction qui est énoncée dans son paragraphe 2 à des accords restrictifs de concurrence lorsque ceux-ci satisfont à un certain nombre de conditions, notamment lorsqu’ils sont indispensables à la réalisation de certains objectifs et ne donnent pas à des entreprises la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Selon une jurisprudence constante, ce n’est que dans le cadre précis de cette disposition qu’une mise en balance des aspects pro- et anticoncurrentiels d’une restriction de concurrence peut avoir lieu. L’article 81, paragraphe 3, CE perdrait en grande partie son effet utile si un tel examen devait déjà être effectué dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE (voir arrêts du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T‑112/99, EU:T:2001:215, point 74 et jurisprudence citée, et du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, EU:T:2003:281, point 107 et jurisprudence citée).

68      Il est vrai que, dans un certain nombre d’arrêts, la Cour et le Tribunal se sont exprimés en faveur d’une lecture plus souple de l’interdiction édictée à l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38 ; du 28 janvier 1986, Pronuptia, 161/84, EU:C:1986:41 ; du 15 décembre 1994, DLG, C‑250/92, EU:C:1994:413, points 31 à 35 ; du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a., C‑399/93, EU:C:1995:434, et du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, EU:T:1998:198). Le requérant ne manque d’ailleurs pas de s’y référer.

69      Cependant, selon la jurisprudence, les arrêts visés au point 68 ci-dessus ne sauraient être interprétés comme consacrant l’existence d’une règle de raison en droit communautaire de la concurrence. Ils s’inscrivent plutôt dans un courant jurisprudentiel plus large selon lequel il n’y a pas lieu de considérer, de manière complètement abstraite et indistincte, que tout accord restreignant la liberté d’action des parties ou de l’une d’entre elles tombe nécessairement sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 81, paragraphe 1, CE. Il incombe, en effet, aux fins de l’analyse de l’applicabilité de cette disposition à un accord, de tenir compte du cadre concret dans lequel il déploie ses effets, et notamment du contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, de la nature des produits ou des services visés par cet accord ainsi que des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché (voir arrêt du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T‑112/99, EU:T:2001:215, point 76 et jurisprudence citée).

70      Cette interprétation permet, tout en respectant la structure normative de l’article 81 CE et, en particulier, l’effet utile de son paragraphe 3, d’éviter que l’interdiction prévue au paragraphe 1 de cette disposition ne s’étende, de manière complètement abstraite et indistincte, à tous les accords ayant pour effet de restreindre la liberté d’action des parties ou de l’une d’entre elles. Il y a pourtant lieu de souligner qu’une telle approche n’implique pas une mise en balance des effets pro- et anticoncurrentiels d’un accord aux fins de déterminer l’applicabilité de l’interdiction éditée à l’article 81, paragraphe 1, CE. Cette mise en balance doit en effet être effectuée dans le cadre du paragraphe 3 de cet article (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T‑112/99, EU:T:2001:215, points 77 et 78).

71      En l’espèce, le requérant reproche à la Commission de s’être abstenue, lors de son analyse des mesures en cause, de prendre en compte le cadre concret dans lequel ces mesures déploient leurs effets. Il lui reproche, premièrement, la non-prise en compte de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause, deuxièmement, la non-prise en compte de l’interdépendance des activités d’émission et d’acquisition et, troisièmement, une contradiction, dans la décision attaquée, entre la définition des marchés concernés et leur analyse. Ce moyen se divise ainsi en trois branches. Il convient d’examiner tout d’abord la deuxième branche.

 Sur la deuxième branche, tirée de la non-prise en compte de l’interdépendance des activités d’émission et d’acquisition

72      Le requérant et les intervenantes font valoir que, bien que la Commission ait admis la nature « biface » du système de paiement par carte, elle n’en a pas tiré de conséquences lors de l’analyse des marchés en cause et des effets des mesures en cause dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE. En appliquant cette disposition, la Commission n’aurait fait aucune référence aux exigences d’équilibre au sein d’un système de paiement entre les activités d’émission et les activités d’acquisition. Selon une « doctrine économique unanime », il conviendrait d’analyser de façon interdépendante et globale les deux faces d’un marché biface pour établir une restriction de concurrence.

73      Dans leurs observations sur l’arrêt de renvoi, le requérant et les intervenantes soutiennent qu’il résulte des arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 179) et CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), que la nature biface d’un système de paiement relève du contexte qu’il y a lieu de prendre en compte dans l’analyse des effets anticoncurrentiels au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE, dès lors qu’il est constant qu’il existe des interactions entre les deux faces de ce système. Ils font valoir que la Commission a ignoré la nature biface du système CB et, partant, n’a pas analysé, au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE, les effets des mesures en cause dans leur cadre réel et concret. Le requérant ajoute qu’il avait produit, devant la Commission, la consultation d’un économiste selon lequel, « en présence d’un marché biface, il [était] impossible d’examiner l’un des deux volets sans considérer l’autre ».

74      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’appréciation des effets d’une coordination entre entreprises au regard de l’article 81 CE implique la nécessité de prendre en considération le cadre concret dans lequel le dispositif de coordination en cause s’insère, notamment le contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 165 et jurisprudence citée).

75      La Cour a indiqué que, pour apprécier si une coordination entre entreprises doit être considérée comme interdite en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il convient de prendre en compte tout élément pertinent, compte tenu, notamment, de la nature des services en cause ainsi que des conditions réelles du fonctionnement et de la structure des marchés, relatif au contexte économique ou juridique dans lequel ladite coordination s’insère, sans qu’il importe qu’un tel élément relève ou non du marché pertinent (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 177).

76      La Cour a également jugé que tel devait être le cas, en particulier, lorsque cet élément consistait précisément dans la prise en compte de l’existence d’interactions entre le marché pertinent et un marché connexe distinct et, à plus forte raison, lorsqu’il existait, comme en l’occurrence, des interactions entre les deux volets d’un système biface (voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 79 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 179).

77      Premièrement, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission, en définissant le marché pertinent, a pris en compte le caractère biface du système CB.

78      Ainsi, la Commission a indiqué, au considérant 180 de la décision attaquée, que, s’agissant d’éventuelles interdépendances entre les activités d’émission et d’acquisition, qui généreraient chacune des externalités positives envers l’autre (nature « bifaciale » du système de paiement par carte), elle ne contestait nullement que le paiement par carte présentait deux « faces » liées par l’existence d’effets de réseau. Elle a également indiqué que les activités d’émission et d’acquisition étaient indispensables l’une à l’autre et au fonctionnement du système de paiement par carte en général, étant donné que, d’une part, les commerçants n’accepteraient pas de rejoindre le système de paiement par carte si le nombre de porteurs de cartes était insuffisant et que, d’autre part, les consommateurs ne souhaiteraient pas posséder une carte si celle-ci n’était pas utilisable auprès d’un nombre suffisant de commerçants. Cependant, elle a estimé que le caractère « bifacial » d’une activité économique n’impliquait pas que ce système de paiement par carte constituât un seul marché. Un tel caractère n’exclurait en rien que l’émission, l’acquisition et le système de paiement puissent constituer des marchés distincts. En effet, la possibilité de rendre compte d’une interdépendance entre les activités d’acquisition et les activités d’émission (de même qu’entre ces activités et les activités du système de paiement) n’impliquerait nullement que l’émission et l’acquisition constitueraient une partie d’un seul marché plus large.

79      À cet égard, tout d’abord, la Commission s’est référée, au considérant 181 de la décision attaquée, à sa pratique antérieure, notamment à sa décision 2002/914/CE, du 24 juillet 2002 (Affaire COMP/29.373 – Visa International – Commission multilatérale d’interchange) (JO 2002, L 318, p. 17, ci-après la « décision Visa 2002 »), dans laquelle elle avait distingué le marché des systèmes de paiement ou « marché intersystèmes » des marchés de l’émission et de l’acquisition ou « marchés intrasystèmes ». Elle a relevé que, dans cette dernière décision, elle avait admis que, si la demande des commerçants et celle des titulaires de cartes étaient interdépendantes, il n’y avait pas de fourniture en commun d’un seul et même produit, que les émetteurs de cartes Visa et les acquéreurs offraient chacun un service distinct à une clientèle distincte et que l’émission et l’acquisition étaient des activités fondamentalement différentes, nécessitant des spécialisations et entraînant des coûts différents. Ensuite, au considérant 185 de la décision attaquée, elle a indiqué que, au regard des critères distinctifs d’un marché (caractéristiques des produits et des services vendus, identification des offreurs et des demandeurs, tarification des produits et des services), l’émission de cartes, l’acquisition de commerçants et la mise à disposition d’un système de cartes de paiement se distinguaient chacune clairement comme autant de marchés distincts. Enfin, au considérant 189 de la décision attaquée, elle a indiqué que le marché en cause était le marché de l’émission des cartes de paiement.

80      Le fait que le marché de l’émission des cartes de paiement en France soit un des volets du marché des systèmes de paiement n’empêche pas qu’il puisse être considéré comme un marché distinct pour l’analyse des effets des mesures en cause. Certes, il existe des interactions entre le volet « émission » et le volet « acquisition » d’un système de paiement et les activités d’émission et d’acquisition sont complémentaires et produisent des effets de réseau indirects au sein d’un système de paiement, en ce sens que l’importance de l’acceptation des cartes par les commerçants et le nombre de cartes en circulation influent l’un sur l’autre. Toutefois, il convient de souligner que, en dépit de cette complémentarité, d’une part, les services fournis aux titulaires de cartes et aux commerçants sont différents et que, d’autre part, les titulaires de cartes et les commerçants exercent des pressions concurrentielles séparées sur, respectivement, les banques d’émission et les banques d’acquisition. La Commission pouvait, dès lors, valablement constater l’existence d’un marché distinct de l’émission de cartes de paiement.

81      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans d’autres affaires concernant également des systèmes de paiement par carte, la Commission n’a pas examiné la situation de la concurrence sur le marché intersystèmes, mais a pris en compte, comme en l’espèce, la situation de la concurrence sur les marchés intrasystèmes et a constaté l’existence de restrictions par effets sur un des marchés situé en aval (celui de l’émission ou celui de l’acquisition) (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, et du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181).

82      Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus que, dans le cadre d’un système biface, un des volets de ce système peut constituer le marché pertinent aux fins de l’analyse des effets anticoncurrentiels (en l’espèce, le marché de l’émission) et que l’autre volet de ce système peut être considéré comme un marché connexe distinct (en l’espèce, le marché de l’acquisition). L’existence d’interactions entre le marché pertinent et un marché connexe distinct est un élément de contexte à prendre en compte dans l’analyse des effets anticoncurrentiels sur le marché pertinent, à savoir, en l’espèce, celui de l’émission.

83      Il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, conformément à la jurisprudence citée aux points 75 et 76 ci-dessus, la Commission, afin d’établir l’existence des effets anticoncurrentiels des mesures en cause, a pris en compte la situation de la concurrence sur le marché de l’acquisition en France et l’existence d’interactions entre le marché pertinent, à savoir celui de l’émission, et le marché connexe, à savoir celui de l’acquisition.

84      Ainsi, la Commission a estimé que les mesures en cause avaient pour effet de faire peser sur les nouveaux entrants des coûts supplémentaires et qu’il n’était pas aisé d’échapper à ces frais additionnels (considérant 255 de la décision attaquée). Elle a renvoyé à son analyse figurant dans les considérants 201 et suivants de la décision attaquée, relatifs aux obstacles rendant très difficile, dans la pratique, le développement de l’acquisition pour un nouvel entrant. À cet égard, au considérant 203 de la décision attaquée, elle a relevé que le développement de l’acquisition par un nouvel entrant était rendu très difficile en pratique du fait que ce marché était quasi exclusivement détenu par les chefs de file, du fait de l’importance capitale d’une organisation en réseau de proximité permettant de développer avec les commerçants une relation globale, individualisée et suivie et du fait que les secteurs de commerçants et les zones à équiper en DAB les plus rentables étaient, selon toute vraisemblance, déjà acquis par les chefs de file.

85      Dans le cadre de son analyse des effets anticoncurrentiels des mesures en cause, la Commission, après avoir établi le montant du surcoût imposé aux nouveaux entrants du fait de ces mesures (considérants 265 à 277 de la décision attaquée), a considéré que ce surcoût n’était pas facilement évitable. À cet égard, elle a relevé, au considérant 278 de la décision attaquée, qu’aucun membre du système CB n’était en mesure de prévoir avec certitude les efforts d’acquisition nécessaires pour ne pas être redevable du MERFA, que l’installation de DAB entraînait des coûts supplémentaires significatifs pour les nouveaux entrants, sans qu’ils aient la certitude qu’une telle situation les exonère du MERFA, et que, en ce qui concerne l’acquisition paiements, il était difficile pour une petite ou moyenne banque d’accéder au marché de l’acquisition ou de renforcer sa présence sur ce marché.

86      La Commission a également relevé, d’une part, que les mesures en cause n’étaient pas des instruments appropriés pour encourager l’acquisition (considérants 214 à 222 de la décision attaquée) et, d’autre part, que la fonction, prétendument régulatrice du MERFA, d’incitation au développement de l’acquisition était contredite, notamment, par certaines commissions interbancaires (considérants 223 à 232 de la décision attaquée). Partant, le requérant et les intervenantes ne sauraient valablement reprocher à la Commission d’avoir ignoré, dans son analyse des effets des mesures en cause au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, le contexte économique ou juridique de ces mesures découlant du caractère biface du système CB.

87      Par ailleurs, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’analyse des exigences d’équilibre entre les activités d’émission et d’acquisition au sein du système de paiement aurait dû être effectuée dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE, le requérant invoque, dans ses observations sur l’arrêt de renvoi, l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 76).

88      À cet égard, il y a lieu de relever que, certes, la Cour a jugé que le Tribunal avait considéré à tort (arrêt du 29 novembre 2012, CB/Commission, T‑491/07, non publié, EU:T:2012:633, point 105) que l’analyse des exigences d’équilibre entre les activités d’émission et d’acquisition au sein du système de paiement ne pouvait être effectuée dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE, dès lors que le marché pertinent était non pas celui des systèmes de paiement en France, mais le marché, situé en aval, de l’émission de cartes de paiement dans cet État membre (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 76).

89      Toutefois, il convient de constater que la Cour en a conclu que, ce faisant, le Tribunal avait confondu la question de la définition du marché pertinent et celle du contexte qu’il y a lieu de prendre en compte pour déterminer si la teneur d’un accord ou d’une décision d’association d’entreprises révèle l’existence d’une restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 77).

90      Or, la Cour a ajouté qu’il ne pouvait être exclu que les mesures en cause entravaient la concurrence émanant des nouveaux entrants, compte tenu de la difficulté, créée par ces mesures, d’accroître l’activité d’acquisition de ces nouveaux entrants, voire conduisaient à l’exclusion de ces derniers du système, en fonction du niveau des redevances exigées en application desdites mesures. Elle a indiqué que cette constatation relèverait d’un examen des effets des mesures en cause sur la concurrence et non de leur objet [arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 80 et 81)]. La Cour a estimé que, en concluant que « le MERFA laissait en pratique deux options aux banques y étant soumises : le paiement d’une redevance ou la limitation de l’émission des cartes CB », le Tribunal avait en réalité apprécié les effets potentiels des mesures en cause, en procédant à l’analyse des difficultés pour les banques de développer l’acquisition sur la base de données de marché, de déclarations de certaines banques et de documents saisis lors des vérifications (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 82).

91      Dès lors, comme le relève la Commission dans ses observations sur l’arrêt de renvoi, aucune conséquence ne saurait être tirée du point 76 de l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), au regard de l’analyse de la restriction de concurrence par effet.

92      En outre, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas ignoré les exigences d’équilibre entre les activités d’émission et d’acquisition dans son analyse au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE. Elle a considéré, aux considérants 214 à 217 de la décision attaquée, que les mesures en cause n’avaient pas pour effet d’établir un tel équilibre. Elle a constaté que le MERFA n’incitait pas chaque membre du Groupement à se rapprocher d’un équilibre émission/acquisition de référence qui serait optimal pour le système, mais qu’il imposait à chaque membre de se rapprocher de la répartition émission/acquisition prévalente (celle des chefs de file) sans garantir aucunement que celle-ci soit dans l’intérêt du système.

93      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la Commission a violé le principe d’égalité de traitement et l’obligation de motivation en adoptant une solution différente de celle retenue dans la décision 2001/782/CE, du 9 août 2001 (Affaire COMP/29.373 − Visa International) (JO 2001, L 293, p. 24, ci-après la « décision Visa 2001 ») et la décision Visa 2002, dans lesquelles elle avait analysé de façon interdépendante les deux faces d’un marché biface, il y a lieu de relever que les situations examinées dans ces deux décisions ne sont pas comparables avec la situation examinée dans la décision attaquée.

94      Au considérant 65 de la décision Visa 2001, invoqué par le requérant, la Commission a fait référence à l’interdépendance entre acquisition et émission et au fait que l’obligation d’émettre des cartes pouvait être de nature à favoriser le développement du système de cartes Visa en garantissant un nombre élevé de cartes en circulation et en rendant donc le système plus attrayant pour les commerçants. La règle subordonnant l’acquisition à l’émission a été considérée comme ne constituant pas en soi un obstacle important à l’entrée sur le marché de l’acquisition. Cependant, il convient de rappeler que, dans cette décision, le marché en cause pour l’analyse concurrentielle était celui des systèmes de cartes de paiement, et non le seul marché de l’acquisition.

95      Au considérant 65 de la décision Visa 2002, invoqué par le requérant, la Commission a, certes, admis qu’un système de paiement quadripartite était caractérisé par des externalités et que la demande des commerçants et celle des titulaires des cartes étaient interdépendantes. Toutefois, elle a relevé que l’émission et l’acquisition étaient des activités fondamentalement différentes et a conclu, au considérant 66 de cette décision, que la commission multilatérale d’interchange (ci-après la « CMI ») faussait les conditions de concurrence sur les marchés de l’émission et de l’acquisition. Au considérant 69 de cette décision, également invoqué par le requérant, elle a considéré que, sur le marché des systèmes de cartes de paiement, la CMI n’avait pas pour objet de restreindre la concurrence étant donné que, dans le cadre d’un système de paiement quadripartite tel que celui de Visa, un objet de ce type avait pour objectif d’accroître la stabilité et l’efficacité de fonctionnement du système de paiement et ainsi de renforcer indirectement la concurrence entre systèmes de paiement. Il convient également de rappeler que le considérant 69 de la décision Visa 2002 concerne l’analyse de l’objet de la CMI et n’est donc pas pertinent s’agissant de la méthode d’analyse des effets des mesures en cause.

96      En outre, dans les décisions Visa 2001 (considérant 36) et Visa 2002 (considérant 46), la Commission a pris en compte l’interdépendance entre les activités d’acquisition et d’émission dans sa définition du marché des systèmes de paiement. Cette analyse n’est pas comparable avec celle qui consiste à examiner la situation concurrentielle des membres du Groupement sur le marché de l’émission.

97      Il s’ensuit que c’est à tort que le requérant fait valoir une violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation au motif que la Commission aurait adopté dans la décision attaquée une méthode d’analyse différente de celle retenue dans les décisions Visa 2001 et Visa 2002.

98      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la Commission a ignoré la note préparée par l’économiste du Groupement selon lequel, conformément à la doctrine économique, il convient d’analyser de façon interdépendante les deux faces d’un marché biface pour établir une restriction de concurrence, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que l’auteur de cette note analyse l’objet et les effets des mesures en cause sur le marché des systèmes de paiement, qui n’est pas le marché qui a été retenu par la Commission comme le marché en cause en l’espèce. En effet, la Commission a analysé, dans la décision attaquée, les effets des mesures en cause sur la concurrence intrasystème, plus précisément sur le marché sur lequel ils se produisent, à savoir celui de l’émission. Le contenu de cette note n’est donc pas pertinent concernant la méthodologie suivie par la Commission dans la décision attaquée.

99      En tout état de cause, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des points 84 à 86 ci-dessus que la Commission a tenu compte de la situation de la concurrence sur le marché de l’acquisition en France dans son analyse des effets des mesures en cause.

100    Par ailleurs, il convient de relever que, lors de l’audience, le requérant n’a pas été en mesure d’expliquer précisément ce qu’il entendait par la prise en compte du caractère biface du système CB comme élément de contexte. En outre, dans ses observations sous l’arrêt de renvoi, le requérant fait valoir que la Commission a ignoré la nature biface du système CB en ne prenant pas en considération l’objectif pro-concurrentiel des mesures en cause dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que les éventuels avantages économiques qui pourraient résulter des mesures ne sont pertinents que dans le cadre de l’analyse effectuée au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 181). Or, si, par cet argument, le requérant entendait faire valoir que les mesures en cause avaient des effets proconcurrentiels sur l’autre volet du marché biface, que la Commission aurait dû prendre en compte, il suffit de relever qu’une telle mise en balance ne peut être effectuée que dans l’analyse au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

101    Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la première branche, tirée de la non-prise en compte de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause

102    En premier lieu, le requérant reproche à la Commission de s’être dispensée, dans la décision attaquée, d’analyser la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause sous deux aspects essentiels : en ne prenant en compte ni le risque de parasitisme subi par le système CB, ni la situation de la concurrence sur le marché des systèmes de paiement en l’absence de ces mesures.

103    D’une part, le requérant affirme que la Commission aurait dû examiner si, en l’absence des mesures en cause, le Groupement ne mettait pas à la disposition de certains de ses membres une infrastructure sans que ceux-ci participent de façon appropriée aux coûts de fonctionnement et d’équilibre du système CB. Selon lui, la Commission aurait dû examiner si ces mesures étaient nécessaires pour éviter le parasitisme du système CB ou pour prévenir le risque d’affaiblissement de ce système. En effet, seul un tel examen aurait permis à la Commission de s’assurer que, en l’absence des mesures en cause, les membres du Groupement potentiellement redevables de ces mesures ne bénéficiaient pas d’un avantage anticoncurrentiel du fait de leur accès quasi gratuit à une ressource mutualisée et ne livraient pas ainsi aux autres membres du Groupement une concurrence déloyale. En s’abstenant de toute analyse de la contrepartie liée à l’accès au système et à son utilisation, la Commission n’aurait pas pu déterminer si les membres qui seraient redevables des mesures en cause bénéficiaient d’un avantage en leur absence.

104    D’autre part, le requérant fait valoir que la Commission n’a pas répondu à son argument soulevé lors de la procédure administrative, selon lequel, en l’absence des mesures en cause, le système CB risquait de s’affaiblir durablement sur le marché des systèmes de paiement et selon lequel sa survie même était menacée. Selon lui, la Commission aurait dû examiner la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause sur le seul marché où le Groupement était présent, à savoir le marché des systèmes de paiement. Il ajoute que le fait que le Groupement ait continué ses opérations après la suspension des mesures en cause est sans pertinence, dans la mesure où il n’est pas requis que le Groupement disparaisse à court terme pour que cette justification soit considérée comme objectivement nécessaire. Selon la jurisprudence (arrêt du 15 décembre 1994, DLG, C‑250/92, EU:C:1994:413), il suffirait que les mesures en cause soient nécessaires au bon fonctionnement du système, et non à sa survie.

105    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, en reprochant à la Commission de ne pas avoir pris en compte, dans son analyse au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, le fait que les mesures en cause étaient nécessaires pour lutter contre le parasitisme du système CB et pour lutter contre le risque d’affaiblissement du système CB sur le marché des systèmes de paiement, le requérant semble soutenir que la Commission aurait dû examiner les effets des mesures en cause au regard de la théorie des restrictions accessoires. Il invoque notamment la jurisprudence relative à cette théorie, en particulier les arrêts du 28 janvier 1986, Pronuptia (161/84, EU:C:1986:41), et du 15 décembre 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413).

106    Or, lors de l’audience, le requérant, d’une part, a indiqué que, par cette argumentation, il n’invoquait pas la théorie des restrictions accessoires et, d’autre part, a admis que cette théorie n’était pas applicable en l’espèce.

107    La théorie des restrictions accessoires n’étant pas invoquée par le requérant, il y a lieu de considérer qu’il soutient que le risque de parasitisme du système CB et le risque d’affaiblissement de ce système sur le marché des systèmes de paiement devaient être pris en compte en tant qu’éléments du contexte dans lequel la Commission devait apprécier la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause. En effet, selon lui, si la Commission avait pris en compte ces risques dans son analyse de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause, elle aurait dû constater l’absence d’effets restrictifs de ces mesures au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

108    Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord litigieux (voir arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 72 et jurisprudence citée, et du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 161 et jurisprudence citée).

109    Cette méthode d’analyse, s’agissant en particulier de la prise en considération de la situation de la concurrence qui existerait en l’absence d’accord, ne revient pas à effectuer un bilan des effets pro- et anticoncurrentiels de l’accord et à appliquer de la sorte une règle de raison, dont le juge de l’Union européenne n’a pas admis qu’elle avait sa place dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE [voir arrêt du 2 mai 2006, O2 (Germany)/Commission, T‑328/03, EU:T:2006:116, point 69 et jurisprudence citée].

110    L’examen requis au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE consiste essentiellement à prendre en considération l’impact de l’accord sur la concurrence actuelle et potentielle et la situation de la concurrence à défaut d’accord, ces deux aspects étant intrinsèquement liés [arrêt du 2 mai 2006, O2 (Germany)/Commission, T‑328/03, EU:T:2006:116, point 71].

111    En l’espèce, l’analyse de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause vise à déterminer si les mesures restreignent la concurrence qui aurait existé en leur absence. Il s’agit notamment de déterminer si, en l’absence des mesures en cause, la situation de la concurrence aurait été différente sur le marché pertinent, c’est-à-dire si les restrictions de concurrence se seraient ou non produites sur ce marché.

112    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que les mesures en cause étaient des mesures tarifaires induisant un surcoût pour les nouveaux entrants et qu’elles avaient des effets restrictifs de concurrence sur le marché de l’émission, en imposant aux nouveaux entrants soit de limiter l’activité d’émission, soit d’augmenter le prix de leurs cartes. Il découle de ces constats que, en l’absence des mesures en cause, les nouveaux entrants ne seraient pas soumis au surcoût induit par ces mesures et que les effets restrictifs sur le marché de l’émission ne se produiraient pas.

113    À cet égard, la Commission a notamment pris en compte les déclarations de certaines banques indiquant que les mesures en cause les conduisaient à réduire leurs plans d’émission de cartes CB, montrant ainsi que ces plans d’émission auraient été différents en l’absence des mesures en cause (considérant 320 de la décision attaquée). Elle a indiqué, au considérant 358 de la décision attaquée, que, en l’absence des mesures en cause, les nouveaux entrants auraient émis plus de cartes à des prix plus compétitifs permettant de concurrencer les grandes banques chefs de file, qui auraient alors dû émettre des cartes à des prix résultant du libre jeu de la concurrence.

114    Ainsi, la Commission, en déterminant les effets des mesures en cause sur le marché de l’émission, aux considérants 252 à 358 de la décision attaquée, a nécessairement effectué une comparaison avec la situation sur ce marché en l’absence de ces mesures.

115    Il en ressort que la Commission a procédé, pour analyser les effets des mesures en cause, à une comparaison entre la situation de la concurrence induite par les mesures et celle qui prévaudrait en leur absence.

116    Il convient de relever que le requérant, tout en contestant la méthode suivie par la Commission pour analyser la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause, ne conteste pas que, en l’absence de ces mesures, les nouveaux entrants ne seraient pas soumis à un surcoût.

117    D’une part, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la Commission aurait dû examiner si les mesures en cause avaient pour objectif de lutter contre un risque de parasitisme du système CB, il y a lieu de relever qu’il n’explique pas en quoi un tel objectif serait susceptible de remettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle ces mesures produisent des effets anticoncurrentiels sur le marché de l’émission. En toute hypothèse, s’il y a lieu de comprendre que, par cet argument, le requérant fait valoir que les mesures en cause constituent une contrepartie, il sera examiné dans le cadre du troisième moyen.

118    D’autre part, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la Commission aurait dû examiner la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause « sur le seul marché où le Groupement est lui-même présent, à savoir le marché des systèmes de paiement » et ainsi prendre en compte le risque d’affaiblissement du système CB sur ce marché en l’absence des mesures en cause, il y a lieu de relever que, par cet argument, le requérant ne reproche pas à la Commission d’avoir effectué une analyse erronée de la situation de la concurrence sur le marché de l’émission en l’absence des mesures en cause en ne prenant pas en compte le contexte découlant de la situation sur un autre marché, à savoir le marché des systèmes de paiement. Il lui reproche, en réalité, de ne pas avoir analysé la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause sur un autre marché que le marché pertinent, à savoir sur le marché des systèmes de paiement.

119    Or, l’examen du jeu de la concurrence en l’absence des mesures en cause doit être effectué sur le même marché que celui sur lequel la Commission a constaté l’existence d’effets restrictifs de concurrence.

120    Ainsi, le requérant ne saurait faire valoir que le marché pertinent est celui sur lequel est présent le Groupement et sur lequel s’exerce une concurrence entre les différents systèmes de paiement, la Commission ayant constaté l’existence d’effets restrictifs de concurrence entre les membres du Groupement à l’intérieur du système CB, à savoir sur le marché de l’émission.

121    Par ailleurs, si, par cet argument, le requérant entendait invoquer la situation sur le marché des systèmes de paiement en tant qu’élément de contexte pour apprécier le jeu de la concurrence en l’absence des mesures en cause sur le marché de l’émission, il y a lieu de relever qu’il n’explique pas en quoi la prise en compte de la situation concurrentielle du système CB sur le marché des systèmes de paiement (concurrence intersystèmes) serait susceptible de remettre en cause l’analyse de la Commission concernant la situation de la concurrence sur le marché de l’émission en l’absence de ces mesures (concurrence intrasystème).

122    En tout état de cause, il convient de constater que, dans la partie de la décision attaquée relative à l’analyse de la restriction de la concurrence par effet, la Commission a répondu aux arguments du Groupement selon lesquels les mesures en cause n’auraient aucun effet restrictif de concurrence sur le marché des systèmes de paiement et, notamment, à l’argument selon lequel un système de paiement tel que le système CB ne pourrait fonctionner durablement que si les fonctions d’émission et d’acquisition étaient assurées de façon équilibrée (considérant 360 de la décision attaquée). La Commission a estimé, au considérant 368 de la décision attaquée, que, « en l’espèce, ni la création ni la survie d’un système de paiement par carte tel que le système CB [n’étaient] compromises par l’absence des mesures en cause, comme le démontr[ai]ent tant le succès et le développement soutenu du système CB depuis plus de vingt-deux ans que le fait qu’il a[vait] continué ses opérations alors même que les mesures [avaient] été suspendues depuis le 8 juin 2004 et que d’autres systèmes en Europe [opéraient] sans mesures semblables au MERFA ».

123    Il en ressort que le requérant ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en considération la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause sur le marché des systèmes de paiement lors de l’analyse des effets de ces mesures au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE.

124    Enfin, le requérant, en faisant valoir que la Commission aurait dû tenir compte du fait que, en l’absence des mesures en cause, la situation concurrentielle du système CB sur le marché des systèmes de paiement risquait de s’affaiblir, soutient, en substance, qu’elle aurait dû prendre en compte le fait que les mesures visaient à renforcer la position concurrentielle du système CB par rapport à ses concurrents sur le marché des systèmes de paiement. Il y a lieu de considérer que le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir procédé à un bilan des effets pro- et anticoncurrentiels des mesures en cause lors de son analyse de la situation en l’absence des mesures en cause au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

125    Or, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 109 ci-dessus, la prise en considération de la situation de la concurrence qui aurait existé en l’absence d’accord ne revient pas à effectuer un bilan des effets pro- et anticoncurrentiels de l’accord.

126    La question de savoir si les effets restrictifs des mesures sur le marché de l’émission seraient contrebalancés par de prétendus effets restrictifs pour la concurrence sur le marché des systèmes de paiement qui se produiraient en leur absence relève de l’analyse au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. À cet égard, au considérant 368 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’argument du Groupement relatif au caractère indispensable des mesures pour la survie du système CB serait examiné dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

127    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans sa pratique décisionnelle antérieure, à savoir au considérant 59 de la décision Visa 2002, la Commission avait considéré que l’argument de Visa selon lequel, en l’absence de la CMI, l’ampleur des activités Visa et, partant, leur impact concurrentiel seraient fortement réduits devait être examiné au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE et non de l’article 81 , paragraphe 1, CE pour lequel la question qui se posait était de savoir si une clause était techniquement nécessaire au fonctionnement du système de paiement Visa.

128    Il ressort de tout ce qui précède que c’est à tort que le requérant reproche à la Commission une erreur méthodologique dans son analyse de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause.

129    En second lieu, dans le cadre de la présente branche, le requérant soulève plusieurs arguments relatifs à la méthode utilisée par la Commission pour déterminer les effets des mesures en cause.

130    Premièrement, le requérant, en invoquant les décisions Visa 2001 et Visa 2002, fait valoir que la Commission aurait dû prendre en compte la situation concurrentielle du système CB sur le marché des systèmes de paiement. Il reproche à la Commission d’avoir analysé uniquement les effets des mesures en cause sur le marché de l’émission des cartes bancaires et de ne pas avoir examiné si les mesures en cause étaient de nature à produire sur le marché des systèmes de paiement des effets proconcurrentiels supérieurs aux effets éventuellement restrictifs qu’elles pourraient avoir sur le volet de l’émission, notamment dans la perspective de la mise en place du SEPA (Single Euro Payments Area, Espace unique de paiement en euros). Il soutient que, dans la décision Visa 2002, la Commission avait conclu que, bien que la CMI soit susceptible d’entraîner une restriction de concurrence sur les marchés de l’acquisition et de l’émission, elle ne tombait pas dans le champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE compte tenu des effets de renforcement concurrentiel sur le marché des systèmes de paiement. Il soutient que cette même approche a également été suivie par la Commission dans la décision Visa 2001. Il estime que la Commission, ayant adopté, dans la décision attaquée, une approche radicalement différente de celle suivie dans ces deux décisions, a commis une erreur de droit, a violé le principe d’égalité de traitement et a manqué à son obligation de motivation.

131    Il y a lieu de constater que cet argument repose sur une interprétation erronée des décisions Visa 2002 et Visa 2001.

132    S’agissant de la décision Visa 2002, le requérant se réfère au considérant 69 de cette décision qui concerne l’objet de la CMI, notifiée par Visa, et non ses effets et qui n’est donc pas pertinent s’agissant de l’analyse des effets des mesures en cause. De plus, concernant les effets de la CMI, dans cette décision, la Commission a conclu à l’existence d’effets restrictifs de concurrence sur les marchés de l’émission et de l’acquisition. Contrairement à ce que soutient le requérant, dans cette décision, la Commission n’a pas estimé que les effets restrictifs sur la concurrence intrasystème étaient compensés par des effets proconcurrentiels sur le marché des systèmes de paiement, permettant de faire échapper la CMI à l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Ce n’est que dans le cadre de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE que la Commission a examiné si la CMI contribuait à l’optimisation du système Visa et a pris en compte les effets bénéfiques de la CMI sur le marché des systèmes de paiement.

133    S’agissant de la décision Visa 2001, la Commission a considéré que la NAWIR (No Acquiring Without Issuing Rule, règle « pas d’acquisition sans émission »), notifiée par Visa, ne constituait pas en soi un obstacle important à l’entrée sur le marché de l’acquisition. Si la Commission fait effectivement référence au fait que l’obligation d’émettre des cartes peut être de nature à favoriser le développement du système Visa, elle n’a cependant pas procédé à une mise en balance avec les effets restrictifs de cette règle sur un autre marché. En effet, la Commission a considéré que cette règle ne relevait pas du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, parce qu’elle ne restreignait pas en soi la concurrence d’une manière sensible. N’ayant pas constaté d’effets restrictifs de concurrence, elle n’a donc pas procédé, contrairement à ce que soutient le requérant, à une mise en balance avec des effets bénéfiques sur le marché des systèmes de paiement.

134    Il en ressort que, ni dans la décision Visa 2001, ni dans la décision Visa 2002, la Commission n’a examiné si des effets proconcurrentiels produits par les règles concernées sur le marché des systèmes de paiement étaient de nature à compenser les effets restrictifs de ces règles sur un marché en aval (émission ou acquisition) leur permettant d’échapper à l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE. Partant, dans les décisions Visa 2001 et Visa 2002, la Commission n’a pas procédé à l’approche invoquée par le requérant. Dès lors, les arguments du requérant relatifs à une erreur de droit, à une violation du principe d’égalité de traitement et à une violation de l’obligation de motivation, s’appuyant sur le fait que la Commission aurait suivi dans la décision attaquée une approche différente de sa pratique décisionnelle, doivent être rejetés.

135    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, en soutenant que la Commission devait examiner si les mesures en cause étaient de nature à produire sur le marché des systèmes de paiement des effets proconcurrentiels supérieurs aux effets éventuellement restrictifs qu’elles pourraient avoir sur le volet de l’émission, le requérant soutient, une fois encore, que la Commission aurait dû procéder à une mise en balance des effets pro- et anticoncurrentiels dans son analyse des effets des mesures en cause au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE. Cet argument doit être rejeté. En effet, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus, une telle mise en balance doit être effectuée dans le cadre du paragraphe 3 de cet article.

136    Deuxièmement, le requérant fait valoir que le refus de la Commission de prendre en compte la situation concurrentielle sur le marché des systèmes de paiement est dû à une définition implicite et erronée de la dimension géographique du marché des systèmes de paiement, dimension considérée comme étant nationale. La Commission en aurait déduit, au considérant 170 de la décision attaquée, que la position concurrentielle du système CB était tellement forte qu’aucune mesure restrictive de concurrence sur les marchés en aval ne pouvait être justifiée dans l’intérêt du système. Or, dans la décision Visa 2002, la Commission aurait défini le marché des systèmes de paiement comme étant de dimension européenne. La décision attaquée ne contiendrait aucune motivation de la dimension géographique du marché des systèmes de paiement.

137    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les effets restrictifs des mesures en cause se produisaient sur le marché de l’émission des cartes de paiement qu’elle a défini comme étant de dimension nationale. La Commission n’ayant pas estimé que les mesures en cause produisaient des effets restrictifs sur le marché des systèmes de paiement, elle ne l’a pas retenu comme étant le marché pertinent en l’espèce et elle n’avait donc pas à en définir la dimension géographique.

138    Ensuite, il convient de relever que, dans la décision Visa 2002 comme dans la décision Visa 2001, la Commission avait estimé que les règles notifiées par Visa affectaient à la fois la concurrence sur le marché intersystèmes et celle sur le marché intrasystème. Cependant, dans la décision Visa 2002, contrairement à ce que soutient le requérant, elle n’a pas défini le marché des systèmes de paiement comme étant de dimension européenne. Elle a rappelé que, comme elle l’avait indiqué dans la décision Visa 2001, le marché géographique à prendre en considération pour apprécier les aspects concurrentiels des systèmes de cartes de paiement était encore principalement national. Tout en relevant que, concernant la concurrence intersystèmes, le marché géographique pouvait s’étendre au-delà des frontières nationales, elle a néanmoins laissé ouverte la question de la définition précise du marché géographique.

139    Il convient également de rappeler que le système Visa est un système de dimension internationale, alors que le système CB est spécifique au marché des cartes de paiement français. En outre, les mesures en cause ont une portée différente des règles examinées dans les décisions Visa 2001 et Visa 2002.

140    Partant, le requérant ne saurait valablement invoquer la définition géographique des marchés effectuée dans les décisions Visa 2001 et Visa 2002.

141    Enfin, le requérant procède à une interprétation erronée du considérant 170 de la décision attaquée. Dans ce considérant, la Commission a seulement constaté que plus la position d’un système était forte dans la concurrence intersystèmes, plus un affaiblissement de la concurrence intrasystème était grave. Elle a relevé que les cartes CB servaient à payer plus de 78 % de la valeur totale des transactions de paiement par carte en France et que les sytèmes Visa et MasterCard n’exerçaient pas de pression concurrentielle significative en France. Ce considérant concerne uniquement le constat de la Commission selon lequel la concurrence intersystèmes en France était faible. Ce considérant ne saurait être interprété, comme le fait le requérant, comme signifiant que la Commission a estimé que la position concurrentielle du système CB était tellement forte qu’aucune mesure restrictive de concurrence sur les marchés en aval ne pouvait être justifiée dans l’intérêt du système.

142    Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de la contradiction entre la définition des marchés concernés et leur analyse

143    Le requérant soutient que la décision attaquée contient une contradiction entre la définition des « marchés » concernés et leur analyse. Alors que la Commission aurait reconnu l’importance d’une relation globale de proximité avec le commerçant pour pratiquer l’acquisition, elle aurait refusé de définir un marché des services bancaires de proximité. Cette contradiction révélerait l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition des marchés retenue. Le requérant fait valoir que la Commission, dans la partie de la décision attaquée relative à la définition du marché pertinent, n’a pas démontré que les services bancaires de proximité pour les commerçants et les particuliers ne constituaient pas un seul et même marché et n’a donc pas suffisamment motivé la définition du marché qu’elle a retenue. Ainsi, la Commission n’aurait pas répondu aux arguments soulevés par le Groupement lors de la procédure administrative, relatifs à l’importance d’un service bancaire complet pour les particuliers et les commerçants, et n’aurait pas analysé précisément la substituabilité des services bancaires de proximité.

144    Selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Toutefois, l’auteur d’un tel acte n’est pas tenu de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, points 166 et 167 et jurisprudence citée).

145    En l’espèce, s’agissant de la définition du marché pertinent, la Commission a constaté que les montants dus au titre des mesures en cause devaient être acquittés lorsque certains seuils étaient franchis par un membre du Groupement procédant à l’émission de cartes CB (considérant 162 de la décision attaquée). Elle a indiqué qu’il convenait de distinguer, d’une part, la concurrence intersystèmes, à savoir la concurrence s’exerçant entre les systèmes de cartes de paiement, et, d’autre part, la concurrence intrasystème, à savoir la concurrence entre banques s’exerçant à l’intérieur d’un système et concernant l’émission des cartes de paiement et l’acquisition des opérations de paiement ou de retrait (considérants 163 à 168 de la décision attaquée). Elle a observé que, en raison de l’importance du système CB en France, la concurrence entre les banques françaises avait lieu principalement à l’intérieur du système CB (considérants 169 et 170 de la décision attaquée).

146    La Commission a considéré que le marché de produit concerné était le marché de l’émission sur lequel se produisaient les effets anticoncurrentiels à examiner et qu’il constituait un marché distinct de celui de l’acquisition et du marché des systèmes de paiement (considérants 179 à 185 de la décision attaquée). Elle a relevé, au considérant 185 de la décision attaquée, que, au regard des différents critères distinctifs d’un marché (caractéristiques des produits et des services vendus, identification des offreurs et des demandeurs, tarification des produits et des services), tels que définis dans sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), l’émission de cartes, l’acquisition de commerçants et la mise à disposition d’un système de cartes de paiement se distinguaient chacun clairement comme autant de marchés distincts.

147    En outre, la Commission a indiqué que, les cartes CB étant émises essentiellement à destination des porteurs domiciliés en France qui les utilisaient principalement en France, le marché géographique était celui de la France (considérants 186 à 188 de la décision attaquée). Elle a donc défini le marché sur lequel se produisaient les effets anticoncurrentiels comme étant celui de l’émission des cartes de paiement en France (considérant 189 de la décision attaquée).

148    Plus particulièrement, en réponse aux arguments du Groupement avancés au cours de la procédure administrative et relatifs à l’importance des services bancaires de proximité, la Commission a estimé, aux considérants 183 et 184 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas un seul service global qui serait celui du « service bancaire et de proximité » offert indistinctement à l’ensemble des clients des banques, qu’ils soient porteurs de cartes, commerçants ou autres, et qui constituerait un seul marché. Elle a relevé qu’il existait de nombreux produits bancaires distincts, non interchangeables ni substituables, faisant l’objet d’une offre et d’une demande distinctes. Elle a ajouté qu’il ne saurait être sérieusement soutenu que la demande, par un futur porteur, d’une carte de paiement (avec les services qui lui sont rattachés) était identique à celle du commerçant demandant que lui soit fourni le service permettant d’accepter les paiements par carte dans son magasin, ou encore à celle d’un prêt hypothécaire. Elle a également indiqué que, par ailleurs, la fourniture de l’un de ces services n’emportait pas automatiquement avec elle celle de l’ensemble des autres services bancaires pouvant exister, qu’elle ne leur était pas substituable, que les demandes de ces différents services étaient distinctes et que le client ne sollicitait ni ne considérait tous ces services comme interchangeables ou substituables.

149    Il en ressort que la Commission a indiqué que les services de l’émission et ceux de l’acquisition étaient des services différents, qui n’étaient pas substituables et qui ne s’adressaient pas aux mêmes clients des banques (les porteurs de cartes et les commerçants). Elle a relevé qu’il n’existait pas un « service bancaire de proximité » uniforme qui s’adresserait à l’ensemble des clients des banques, mais des services bancaires distincts s’adressant à des clientèles différentes. Il y a lieu de considérer, contrairement à ce que soutient le requérant, que la Commission a ainsi suffisamment expliqué pour quel motif elle n’avait pas considéré un marché des « services bancaires de proximité » comme étant le marché pertinent.

150    Par ailleurs, le requérant ne saurait reprocher à la Commission une contradiction dans la motivation de la décision attaquée, au motif qu’elle a refusé de prendre en compte le marché des « services bancaires de proximité ». En effet, le requérant renvoie aux considérants 206 à 209 et 463 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission s’est référée à l’importance des réseaux de proximité pour illustrer la difficulté de développer l’activité d’acquisition. Or, selon la Commission, le développement de cette activité est difficile, notamment, parce que, pour exercer une telle activité, il faut disposer d’un nombre significatif d’agences bancaires, c’est-à-dire d’un réseau de proximité, permettant de développer avec les commerçants une relation globale, individualisée et suivie. Certes, la Commission reconnaît ainsi que l’activité d’acquisition, pour être entreprise avec succès, doit s’insérer dans une relation bancaire globale de proximité avec les commerçants. Toutefois, cela ne signifie pas que les « services bancaires de proximité » constituent un marché distinct. Le requérant n’explique d’ailleurs pas quels seraient les principaux éléments d’un tel marché, à savoir les offreurs et les demandeurs et les produits et les services offerts sur ce marché. Partant, le fait de reconnaître l’importance d’une relation globale de proximité avec les commerçants pour exercer une activité d’acquisition n’implique pas nécessairement l’existence d’un marché de « services bancaires de proximité ».

151    Dans son mémoire en intervention, la BPCE fait valoir que la Commission n’a pas pris en compte dans son analyse la concurrence qui s’opère entre les différents moyens de paiement. La Commission aurait constaté à tort un degré limité de substituabilité entre les différents moyens de paiement, pour exclure du marché en cause les moyens de paiement autres que les cartes de paiement. La Commission aurait ignoré qu’il existe un degré de substituabilité entre la monnaie fiduciaire et les cartes de paiement.

152    Il y a lieu de relever que, aux considérants 171 à 173 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le marché en cause n’incluait pas les moyens de paiement autres que les cartes de paiement, en se fondant sur leur absence de substituabilité. Elle a indiqué que le chèque n’était pas substituable aux cartes de paiement, ce que la BPCE ne conteste pas. S’agissant de la monnaie fiduciaire, la Commission a relevé que son usage était très peu sûr par rapport à celui des cartes, qu’elle ne permettait pas d’effectuer des paiements à distance et qu’il n’existait pas de relevé automatique des opérations de paiement en monnaie fiduciaire contrairement aux paiements par carte.

153    La BPCE ne soulève aucun argument de nature à remettre en cause l’analyse de la Commission concernant l’absence de substituabilité entre la monnaie fiduciaire et les cartes de paiement. Comme le souligne la Commission, l’argument de la BPCE selon lequel le coût des paiements en monnaie fiduciaire serait élevé, à l’instar des paiements par chèque, ne fait que confirmer la différence entre la monnaie fiduciaire et les cartes de paiement.

154    Par ailleurs, il convient de relever que l’exclusion des autres moyens de paiement du marché en cause est conforme à la pratique décisionnelle de la Commission. Ainsi, dans les considérants 38 et 39 de la décision Visa 2001 et dans les considérants 48 à 50 de la décision Visa 2002, la Commission avait également estimé que ni l’argent liquide ni les chèques ne pouvaient être considérés comme substituables aux cartes de paiement, que ce soit du point de vue des consommateurs ou de celui des commerçants.

155    Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

156    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des effets des mesures en cause

157    Le requérant fait valoir que la démonstration par la Commission de l’existence d’effets anticoncurrentiels repose, s’agissant des effets réels, sur des constats factuels erronés ou mal interprétés et, s’agissant des effets potentiels, sur des hypothèses qui ne reflètent pas la réalité. Il soutient que, pour chacun des effets allégués, la Commission s’est dispensée de toute démonstration, d’une part, du lien de causalité entre ce qu’elle qualifie d’effets et les mesures en cause et, d’autre part, du caractère anticoncurrentiel des effets dont les mesures en cause sont présumées être la cause.

158    Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il est saisi, conformément à l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit de manière générale exercer, sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, un contrôle complet sur la question de savoir si les conditions d’application de cette disposition se trouvent ou non réunies. Le Tribunal doit également vérifier si la Commission a motivé sa décision (voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 44 et jurisprudence citée).

159    Lors de ce contrôle, le Tribunal ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission en vertu du rôle qui lui est assigné en matière de politique de la concurrence par les traités UE et FUE pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 45 et jurisprudence citée).

160    En particulier, s’il est vrai que la Commission dispose, en vertu de ce rôle, d’une marge d’appréciation en matière économique, notamment dans le cadre d’appréciations économiques complexes, cela n’implique pas que le Tribunal doive s’abstenir de contrôler la qualification juridique, par la Commission, de données de nature économique. En effet, bien qu’il n’appartienne pas à ce dernier de substituer sa propre appréciation économique à celle de la Commission, laquelle en a la compétence institutionnelle, il ressort d’une jurisprudence désormais bien établie que le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46 et jurisprudence citée).

161    Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que les mesures en cause faisaient peser sur les nouveaux entrants des coûts additionnels auxquels il était difficile d’échapper et qui les pénalisaient. Partant, elle a estimé que ces mesures avaient pour effets actuels et potentiels d’obliger les nouveaux entrants à offrir des cartes CB à un prix plus élevé sauf s’ils limitaient leur émission de cartes CB et que, dans les deux cas, il en aurait résulté une moindre pression concurrentielle sur les prix pratiqués par les chefs de file. Ainsi, elle a considéré que les mesures en cause étaient anticoncurrentielles en tant qu’elles avaient pour effets actuels ou potentiels de limiter l’érosion des revenus des chefs de file et du prix de leurs cartes CB, de limiter le développement technique et de cloisonner le marché de l’émission de cartes bancaires français. Par ailleurs, elle a relevé que les mesures en cause avaient également d’autres effets.

162    Le présent moyen se divise en six branches. La première branche est tirée d’erreurs relatives à l’effet de limitation du développement technique des cartes CB. La deuxième branche est tirée d’erreurs relatives à l’effet de cloisonnement du marché de l’émission de cartes bancaires français. La troisième branche est tirée d’erreurs relatives à l’effet sur les prix des cartes CB émises par les nouveaux entrants. La quatrième branche est tirée d’erreurs relatives aux effets sur la réduction des volumes d’émission de cartes CB par les nouveaux entrants. La cinquième branche est tirée d’erreurs relatives aux effets sur la préservation des revenus des chefs de file et sur le prix de leurs cartes CB. La sixième branche est tirée d’erreurs relatives aux autres effets.

163    Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, la troisième branche, puis les quatrième, cinquième, première, deuxième et sixième branches.

 Sur la troisième branche, tirée d’erreurs relatives à l’effet sur le prix des cartes CB émises par les nouveaux entrants

164    Le requérant fait valoir que la Commission s’est fondée sur des éléments factuels erronés pour considérer, d’une part, que le surcoût que les mesures en cause prévoyaient à la charge des nouveaux entrants avait pour effet potentiel de leur imposer de pratiquer des prix plus élevés pour les cartes CB qu’ils émettaient que ceux qu’ils auraient pu pratiquer en l’absence de ces mesures et, d’autre part, que les mesures en cause avaient eu pour effet réel, durant leur période d’application, d’empêcher les nouveaux entrants de pratiquer les prix réduits qu’ils envisageaient de pratiquer. Il reproche à la Commission d’avoir affirmé, sans le démontrer, que, du fait d’un surcoût, les mesures en cause produisaient des effets anticoncurrentiels.

165    Dans cette branche, le requérant soulève six griefs, tirés, respectivement, d’erreurs relatives au montant du surcoût, d’erreurs relatives au caractère peu évitable du surcoût, d’erreurs relatives à la pénalisation des nouveaux entrants, d’erreurs relatives au paramétrage des critères utilisés dans les formules des mesures en cause, d’erreurs relatives aux effets potentiels sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants et d’erreurs relatives aux effets réels sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants.

–       Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives au montant du surcoût

166    Le requérant fait valoir que le surcoût moyen annuel au cours des trois années suivant l’adhésion au Groupement (15 euros par carte CB émise et active), calculé par la Commission, est le montant cumulé maximal susceptible d’être dû au titre des mesures en cause. Ce surcoût, reposant sur l’hypothèse d’un nouvel entrant qui ne pratique que l’émission et ne développe aucune activité d’acquisition pendant trois ans, ne serait pas représentatif. Le requérant fait valoir que l’existence d’un surcoût ne suffit pas pour établir un effet anticoncurrentiel.

167    Dans la décision attaquée, la Commission a calculé le surcoût susceptible d’être dû au titre des mesures en cause, à savoir le MERFA, plus soit le droit d’adhésion (à l’exclusion du droit fixe d’adhésion) et le droit complémentaire d’adhésion, soit le droit de réveil des dormants, en prenant en compte la situation des nouveaux entrants « émetteurs purs », c’est-à-dire qui ne pratiquent pas l’acquisition.

168    La Commission a relevé que, selon les données fournies par le Groupement lui-même, [confidentiel] membres du Groupement sur les [confidentiel] membres assujettis au MERFA devaient acquitter le montant maximal du MERFA de 11 euros par carte CB, ce qui représentait plus de 65 % de ces derniers.

169    S’agissant, d’une part, de l’argument du requérant selon lequel ces chiffres ne sont pas représentatifs dans la mesure où il serait plus significatif de constater que ces [confidentiel] membres ne représentent que [confidentiel] % du nombre total des membres du Groupement, il suffit de constater que l’objectif du calcul effectué par la Commission était de déterminer si les nouveaux entrants subissaient un surcoût du fait des mesures en cause, si elles étaient appliquées. En établissant qu’un pourcentage significatif des membres assujettis au MERFA (65 %) devraient acquitter le montant maximal du MERFA, la Commission a établi que l’hypothèse d’un « émetteur pur » était représentative des membres du Groupement soumis aux mesures en cause. Un pourcentage calculé par rapport à l’ensemble des membres du Groupement parmi lesquels figurent ceux qui ne sont pas des nouveaux entrants et qui ne sont donc pas soumis aux mesures en cause serait sans pertinence.

170    S’agissant, d’autre part, de l’argument du requérant selon lequel ces chiffres ne sont pas représentatifs dans la mesure où certains nouveaux entrants étaient redevables de montants inférieurs au montant maximal de 11 euros par carte CB ou même étaient dispensés du paiement du MERFA, il suffit de rappeler que ce montant maximal concerne 65 % des membres assujettis au MERFA, ce que le requérant ne conteste pas. Il en découle que 35 % de ces derniers sont nécessairement assujettis à un montant inférieur. La Commission n’ayant pas conclu que l’ensemble des nouveaux entrants étaient redevables du montant maximal du MERFA, l’argument du requérant est inopérant.

171    En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission n’avait pas à démontrer que l’ensemble des nouveaux entrants seraient assujettis au montant maximal du MERFA, le calcul effectué par la Commission visant à établir si les mesures en cause étaient génératrices d’un surcoût. Le requérant n’explique pas dans quelle mesure le constat de la Commission selon lequel ceux qui ne sont pas soumis au montant maximal subissent néanmoins un surcoût important serait erroné.

172    Enfin, l’argument du requérant selon lequel l’imposition d’un surcoût ne constitue pas à elle seule la preuve de l’existence d’un effet anticoncurrentiel repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, le requérant isole la partie de la décision attaquée relative à la constatation de l’existence d’un surcoût lié aux mesures en cause du reste de la démonstration de la Commission relative à l’existence d’effets anticoncurrentiels. Or, la Commission a pris en compte le contexte entourant l’imposition de ce surcoût, notamment le fait qu’aucun des participants au COM n’y est assujetti et l’importance du montant de ce surcoût par rapport au prix des cartes, et elle a analysé les conséquences de ce surcoût sur le prix des cartes des nouveaux entrants, sur leur activité d’émission ou sur les différentes fonctionnalités des cartes qu’ils émettent pour établir l’existence d’effets anticoncurrentiels. Contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission n’a pas déduit l’effet anticoncurrentiel des mesures en cause du seul constat de l’existence d’un surcoût.

173    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief.

–       Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs relatives au caractère peu évitable du surcoût

174    Le requérant fait valoir que l’affirmation de la Commission, dans la décision attaquée, relative au caractère peu évitable du surcoût imposé aux nouveaux entrants repose sur plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

175    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que le surcoût imposé aux nouveaux entrants par les mesures en cause n’était pas facilement évitable pour quatre motifs. Premièrement, elle a relevé que le surcoût de 12 euros induit par le droit d’adhésion n’était pas évitable. Deuxièmement, concernant le MERFA, elle a estimé qu’aucun membre du système CB n’était en mesure de prévoir avec certitude les efforts d’acquisition nécessaires pour ne pas en être redevable. En effet, l’identification des membres assujettis au MERFA était effectuée en fin d’année sur la base d’un rapport entre leurs activités d’acquisition et d’émission et celles de l’ensemble des membres du Groupement. Troisièmement, la Commission a relevé que l’installation de DAB entraînait des coûts supplémentaires significatifs pour les nouveaux entrants, sans qu’ils aient la certitude qu’une telle situation les exonère du MERFA, et que cette installation était d’autant plus difficile que les endroits les plus rentables étaient déjà desservis par des DAB. Quatrièmement, concernant l’activité d’acquisition paiements, elle a rappelé qu’il était difficile pour une petite ou moyenne banque d’accéder au marché de l’acquisition ou de renforcer sa présence sur ce marché, en raison des coûts fixes d’investissement élevés. De plus, elle a estimé qu’il était peu probable que les nouveaux entrants réussissent à acquérir des SIREN que les grands groupes bancaires n’avaient pas réussi à obtenir et qu’il était vraisemblable que les nouveaux SIREN soient acquis par les chefs de file qui pouvaient offrir aux commerçants des services de proximité (considérant 278 de la décision attaquée).

176    À titre liminaire, il convient d’écarter l’argument du requérant selon lequel la Commission a qualifié à tort les nouveaux entrants de petites ou moyennes banques, alors qu’ils comprennent Citigroup, qui est le premier groupe bancaire américain, ainsi qu’Auchan et Carrefour, qui sont des grands groupes de la grande distribution français. En effet, il suffit de relever que cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée, la Commission s’étant contentée de relever que de petites ou moyennes banques auraient des difficultés pour accéder au marché de l’acquisition et pour y renforcer leur présence, mais n’ayant pas qualifié tous les nouveaux entrants de petites ou moyennes banques.

177    En premier lieu, le requérant, soutenu par BNP Paribas, fait valoir que le fait que le coût résultant du droit d’adhésion au système CB pour tout nouvel entrant ne soit pas évitable ne saurait être considéré comme entraînant des effets anticoncurrentiels en l’absence d’examen de la contrepartie de ce droit. Il soutient également que, s’agissant de l’activité d’acquisition paiements, la Commission se contredit en affirmant, d’une part, que les membres du système CB qui contribuent le plus à l’activité d’acquisition supportent des coûts fixes importants dont le rendement est incertain (considérant 206 de la décision attaquée) et, d’autre part, que la perception d’une redevance au titre de l’utilisation du système par des établissements exclusivement émetteurs produit des effets anticoncurrentiels potentiels, sans même tenter de prouver que la contrepartie obtenue en échange est excessive. La BPCE fait également valoir que l’accès au système CB impliquait le paiement d’une redevance par les banques purement émettrices en contrepartie du bénéfice qu’elles retiraient en accédant au réseau de commerçants et de DAB affiliés au système CB, développé par les autres membres du Groupement, et que ce paiement n’est pas suffisant pour établir l’existence d’un effet anticoncurrentiel.

178    L’argumentation selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte, dans son analyse au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, de la contrepartie des mesures en cause est soulevée à plusieurs reprises par le requérant dans le troisième moyen. Ainsi, dans le cadre du cinquième grief de la présente branche, le requérant soutient que, même à supposer que le surcoût résultant de l’application des mesures en cause soit répercuté sur le prix des cartes CB, il est impossible de déterminer si cette répercussion constitue un effet anticoncurrentiel potentiel en l’absence de toute évaluation de la contrepartie de ce surcoût. Dans le cadre de la deuxième branche, il fait valoir que la démonstration de la Commission repose à nouveau sur l’existence d’un surcoût dont il ne serait démontré ni qu’il ne correspondrait pas à une contrepartie justifiée d’un point de vue concurrentiel ni qu’il ne pourrait pas être évité. Dans le cadre de la cinquième branche, il soutient que la diminution de la pression concurrentielle sur le prix des cartes CB des chefs de file, du fait des mesures en cause, à la supposer établie, ne démontre pas un effet anticoncurrentiel, en l’absence de prise en compte de la nature « biface » du système CB et de la valeur de la contrepartie du surcoût. Il soutient également que, en l’absence de toute évaluation par la Commission de la valeur de la contribution de l’activité d’acquisition des chefs de file au système CB, il serait impossible de déterminer dans quelle mesure le surcoût éventuellement payé par certains membres du Groupement constituerait une contrepartie inappropriée d’un point de vue concurrentiel.

179    Par cette argumentation, le requérant soutient, en substance, que la Commission ne pouvait constater l’existence d’effets anticoncurrentiels liés au surcoût résultant des mesures en cause, dans le cadre de son analyse au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, sans tenir compte de la contrepartie obtenue par les nouveaux entrants en échange de ce surcoût. Ainsi, selon le requérant, ce surcoût correspondrait à une rémunération de l’accès au système CB ou à une redevance pour son utilisation.

180    D’une part, il y a lieu de constater que le paramétrage des mesures en cause ne permet pas de les considérer comme visant à rémunérer l’accès ou l’utilisation du système CB. En effet, le droit d’adhésion par carte et le droit complémentaire d’adhésion dépendent uniquement du nombre de cartes émises par un membre du Groupement (voir considérant 146 de la décision attaquée). De plus, à l’issue d’un calcul selon les formules décrites aux considérants 142 et 157 de la décision attaquée, les membres redevables du MERFA doivent acquitter un montant par carte émise et ceux redevables du droit de réveil des dormants doivent acquitter un montant par carte émise en surnombre.

181    Il ressort des formules des mesures en cause que le montant dû à leur titre n’est pas déterminé en fonction de l’utilisation par les membres du Groupement des infrastructures existantes et que ces mesures ne peuvent être assimilées à des redevances.

182    D’autre part, il convient de tenir compte du fait que des mesures ayant pour contreparties l’accès et l’utilisation du système CB existent déjà.

183    En effet, s’agissant de l’accès au système CB, il suffit de constater que les membres, qui ont adhéré après 2003, sont soumis au paiement d’un droit fixe d’adhésion qui n’a pas été remis en cause par la Commission dans la décision attaquée.

184    S’agissant de l’utilisation du système CB, il y a lieu de relever qu’il existe déjà une contrepartie sous la forme des commissions interbancaires.

185    Il ressort de la décision attaquée que ces commissions interbancaires consistent, d’une part, en une commission interbancaire de paiement (CIP) versée par la banque du commerçant auprès duquel est effectué un paiement (banque acquéreur) à la banque ayant émis la carte (banque émettrice) et, d’autre part, en une commission interbancaire de retrait (CIR) versée par la banque ayant émis la carte à la banque gestionnaire du DAB où le retrait s’est effectué (considérant 48 de la décision attaquée). La CIP rémunère ainsi les services rendus par la banque émettrice à la banque acquéreur (considérant 50 de la décision attaquée). La CIR est composée de plusieurs éléments, à savoir d’un montant forfaitaire appelé « avance de trésorerie », dû par la banque émettrice, qui rémunère le service rendu à cette dernière par la banque délivrant les billets au porteur de la carte, et soit d’une commission de service retrait (CSR) payée uniquement par les banques dont l’activité d’émission excède dans une certaine mesure l’activité d’acquisition, c’est-à-dire par des banques émettrices disposant de peu de DAB ou n’en disposant pas, soit d’une commission de services cartes (CSC) payée uniquement par les banques dont l’activité d’acquisition excède dans une certaine mesure l’activité d’émission, c’est-à-dire par des banques gestionnaires de DAB (banques acquéreurs) émettant peu de cartes ou n’en émettant pas (considérants 52 et 53 de la décision attaquée).

186    Ainsi, la CIP et la CIR ont pour objectif de rémunérer les services que les banques se rendent entre elles au titre de chaque opération de paiement et de retrait. À cet égard, la Commission a relevé que, « en usant du système CB, chaque membre contribue au fonctionnement du système et bénéficie en même temps d’un certain nombre de prestations, qu’il rémunère par le paiement des commissions interbancaires au titre de chaque transaction : le traitement de la transaction de paiement, les mesures collectives de sécurité, la garantie de paiement et l’immobilisation des fonds versés au porteur effectuant un retrait constituent autant de prestations liées à l’usage du système CB déjà rétribuées par les commissions interbancaires » (considérant 402 de la décision attaquée).

187    Il ressort de ce qui précède que, les mesures en cause ne pouvant être considérées comme une contrepartie à l’accès ou à l’utilisation du système CB, la Commission n’avait pas à en tenir compte dans son appréciation des effets des mesures au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

188    En deuxième lieu, le requérant fait valoir que, la Commission n’ayant pas démontré que le développement de l’activité d’acquisition était impossible ou indûment difficile, elle n’a pas démontré que le paiement du MERFA ne pouvait être évité.

189    Il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé qu’il était très difficile de développer l’activité d’acquisition en raison de trois obstacles : le fait que le marché de l’acquisition était quasi exclusivement détenu par les chefs de file, le fait qu’il était d’une importance capitale d’avoir une organisation en réseau de proximité permettant de développer avec les commerçants une relation globale, individualisée et suivie et le fait que, selon toute vraisemblance, les secteurs de commerçants et les zones à équiper en DAB les plus rentables étaient déjà acquis par les chefs de file (considérants 202 à 213 de la décision attaquée).

190    Premièrement, le requérant soutient qu’il existe, dans la décision attaquée, une contradiction entre l’affirmation de la Commission selon laquelle le développement de l’acquisition est très difficile et celle selon laquelle « la concurrence est vive sur le marché de l’acquisition, comme en témoigne le nombre élevé d’établissements acquéreurs en France » (considérant 491 de la décision attaquée).

191    Il convient de relever que le requérant ne conteste pas la constatation de la Commission, figurant au considérant 205 de la décision attaquée, selon laquelle le marché de l’acquisition est quasi exclusivement détenu par les chefs de file (plus de [confidentiel] %), les quelque 80 banques acquéreurs non chefs de file se partageant les [confidentiel] % restants. Ainsi, la concurrence entre de nombreuses banques non chefs de file ne s’exerçant que sur une très faible partie du marché, il leur est difficile de développer leur activité d’acquisition. Ce constat est renforcé par le fait que l’activité d’acquisition nécessite l’organisation d’un réseau de proximité avec les commerçants, ce qui constitue une barrière à l’entrée sur le marché de l’acquisition pour les banques exerçant des activités toutes différentes de l’acquisition de commerçants (notamment les banques par Internet et les banques de la grande distribution). Il n’existe donc aucune contradiction entre l’affirmation de la Commission selon laquelle la concurrence est vive sur le marché de l’acquisition en raison du nombre élevé d’établissements acquéreurs en France et celle selon laquelle le développement de l’acquisition pour un nouvel entrant est très difficile.

192    Deuxièmement, le requérant conteste l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 206 de la décision attaquée, selon laquelle il serait nécessaire d’acquérir entre [confidentiel] et [confidentiel] SIREN pour ne pas être redevable du MERFA.

193    À cet égard, il y a lieu de constater que cette affirmation ne concerne qu’Axa Banque et la banque Egg et que la Commission n’a pas affirmé, dans la décision attaquée, qu’il était nécessaire pour chaque nouvel entrant d’acquérir autant de SIREN.

194    Troisièmement, le requérant, soutenu par BNP Paribas, fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte du fait que, parmi les [confidentiel] banques qui auraient été assujetties au MERFA au titre de l’année 2003, plus de la moitié y auraient échappé en affiliant moins de dix SIREN, du fait que [confidentiel] nouveaux SIREN « apparaissent » chaque année et du fait que la puissance financière de certaines banques potentiellement redevables du MERFA leur permettrait de développer l’activité d’acquisition requise pour y échapper.

195    Il convient de relever que, même si, parmi les [confidentiel] banques qui auraient été assujetties au MERFA au titre de l’année 2003, plus de la moitié y auraient échappé en affiliant moins de dix SIREN, il n’en demeure pas moins, comme l’indique la Commission, que [confidentiel] de ces [confidentiel] banques, soit [confidentiel] %, auraient dû acquérir plus de dix SIREN.

196    En outre, il y a lieu de relever que, selon la Commission, la difficulté d’acquérir des SIREN n’est pas due à la rareté des SIREN à affilier, mais au fait qu’il est capital de disposer d’un réseau de proximité et d’être en mesure d’offrir aux commerçants un service bancaire global et que les coûts fixes d’investissement dans l’infrastructure nécessaire pour offrir un tel service sont très élevés (voir, notamment, considérant 206 de la décision attaquée). Cela n’est pas contesté par le requérant.

197    Quatrièmement, le requérant fait valoir que l’affirmation de la Commission selon laquelle l’installation de nouveaux DAB était difficile parce que les zones les plus rentables étaient déjà acquises (considérant 210 de la décision attaquée) est fondée sur une seule déclaration de la banque Cofidis, qui aurait été produite in tempore suspecto et dont la crédibilité serait douteuse.

198    Il y a lieu de relever que la déclaration de Cofidis, citée au considérant 210 de la décision attaquée, ne saurait être considérée comme ayant été faite in tempore suspecto, étant donné qu’elle a été faite le 20 mars 2003, soit à peine trois mois après l’adoption des mesures en cause et avant l’adoption de la décision de la Commission ordonnant une vérification, mentionnée au point 9 ci-dessus.

199    Il y a lieu de relever, en outre, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission ne s’est pas fondée sur la déclaration d’une seule banque pour estimer que l’installation de nouveaux DAB était difficile. En effet, il ressort de la note en bas de page n° 630 de la décision attaquée que la Commission s’est appuyée sur des déclarations concordantes d’autres nouveaux entrants, tels qu’Egg, Capital One et Groupama Banque, qui font état d’une surcapacité en DAB et d’une quasi-saturation du marché français. Elle a également mentionné, dans la note en bas de page n° 363 de la décision attaquée, des déclarations de nouveaux entrants, tels que S2P, la Banque Accord et Groupama Banque, qui soulignent que, des DAB étant déjà installés dans les endroits les plus rentables, l’installation de nouveaux DAB ne serait pas rentable.

200    Le fait que ces déclarations émanent de banques susceptibles d’être soumises aux mesures en cause ne suffit pas à les rejeter. Ces déclarations sont nombreuses et concordantes et corroborées par des documents qui n’émanent pas des nouveaux entrants et qui ont été saisis par la Commission lors des vérifications. Ainsi, dans une note relative au projet CS 2002, il est indiqué que « le Groupement constate (contrairement aux études et justifications produites dans le cadre de la[dite] affaire) que l’acquisition est déjà très développée en France, relevant la “taille surcritique” du parc de DAB » (considérant 438 de la décision attaquée). De plus, il ressort d’un courriel interne de la Société générale que « les investissements en DAB n’ont plus lieu d’être, puisque le territoire est assez largement équipé » (considérant 438 de la décision attaquée).

201    Cinquièmement, le requérant soutient que de nombreux nouveaux entrants excluent le développement de l’activité d’acquisition pour des raisons de stratégie commerciale et qu’ils ne sauraient imposer leur modèle commercial au système CB et à ses membres. À cet égard, il suffit de relever que, même si certains membres du Groupement n’ont pas l’intention de développer l’activité d’acquisition, cela ne remet pas en cause la conclusion de la Commission selon laquelle le développement de l’activité d’acquisition est difficile.

202    Sixièmement, le requérant soutient que la Commission se contredit en affirmant, d’une part, que l’installation de nouveaux DAB dans des zones déjà équipées par les chefs de file entraînera une baisse des revenus de ces derniers et, d’autre part, que ce sont les nouveaux entrants qui seront pénalisés.

203    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a estimé que les nouveaux entrants étaient pénalisés par les mesures en cause dans la mesure où il leur était difficile d’échapper au paiement du MERFA en développant l’acquisition, en raison notamment de la difficulté d’installation de DAB. Elle a relevé que, les zones rentables étant déjà pourvues en DAB, les nouveaux entrants devraient installer des DAB soit dans des zones pas ou peu rentables, soit dans des zones déjà équipées par les chefs de file (considérant 210 de la décision attaquée). Il en ressort que, dans les deux hypothèses, les nouveaux entrants seraient dissuadés d’installer des DAB en raison des faibles perspectives de rentabilité (voir les déclarations des nouveaux entrants mentionnées dans la note en bas de page n° 363 de la décision attaquée) et que, en raison des difficultés pour développer l’acquisition, ils seraient ainsi pénalisés par les mesures en cause. Cela n’est pas en contradiction avec le constat selon lequel, dans l’hypothèse où un nouvel entrant, malgré les faibles perspectives de rentabilité, choisirait d’installer un DAB dans une zone déjà équipée par les chefs de file, cela entraînerait une baisse de rentabilité pour les chefs de file.

204    Par ailleurs, il convient de constater que la Commission n’a pas conclu qu’il était impossible d’échapper au paiement du MERFA, mais seulement que le surcoût qui découlait des mesures en cause était difficilement évitable, notamment en raison de la difficulté pour les nouveaux entrants de développer leur activité d’acquisition. Le requérant n’explique pas pour quelle raison il serait nécessaire de démontrer que le développement de l’acquisition était impossible ou indûment difficile pour pouvoir conclure à l’existence d’effets anticoncurrentiels.

205    En troisième lieu, le requérant fait valoir que la Commission, en indiquant que les nouveaux entrants ne peuvent prévoir avec certitude les efforts d’acquisition nécessaires pour ne pas être redevables du MERFA, semble soutenir qu’ils sont découragés par avance de développer leur activité d’acquisition, alors que les membres du Groupement auraient toujours intérêt à développer leur activité d’acquisition.

206    Il ressort de la formule du MERFA, telle que décrite au point 18 ci-dessus, que sont soumises au MERFA les banques dont l’activité relative d’acquisition est inférieure de moins de 50 % à leur activité relative d’émission. Pour déterminer l’activité relative d’acquisition d’une banque, il convient de tenir compte de deux ratios définissant sa contribution aux activités d’acquisition et calculés chaque année, à savoir la part de cette banque dans l’activité d’acquisition retrait de l’ensemble du système et sa part dans l’activité d’acquisition de commerçants de l’ensemble du système.

207    Il en découle que cette formule établit un certain seuil de référence qui doit être respecté, sous peine de devoir payer le MERFA. Toutefois, le fait pour une banque d’être redevable du MERFA dépendant notamment de l’activité d’acquisition de l’ensemble des membres du Groupement, la Commission a estimé à juste titre qu’il était difficile pour un nouvel entrant de déterminer quel serait son effort d’acquisition nécessaire pour respecter ce seuil et donc pour ne pas en être redevable.

208    Contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission n’a pas déduit de l’incertitude des efforts d’acquisition nécessaires pour ne pas être redevables du MERFA le fait que les nouveaux entrants seraient découragés de développer l’acquisition, mais seulement le fait que cette incertitude constituait un élément permettant d’établir que le paiement du MERFA était difficilement évitable pour les nouveaux entrants.

209    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième grief.

–       Sur le troisième grief, tiré d’erreurs relatives à la pénalisation des nouveaux entrants

210    Le requérant fait valoir que la Commission ne pouvait conclure que les mesures en cause avaient pour effet potentiel de pénaliser les nouveaux entrants en s’appuyant sur des propos des chefs de file du Groupement qui n’engageaient pas ce dernier et qui avaient été dénaturés, sur des propos de certains nouveaux entrants qui n’étaient pas crédibles et sur des déclarations d’associations de consommateurs qui étaient contredites par les faits.

211    Il ressort des considérants 279 à 281 de la décision attaquée relatifs à la pénalisation des nouveaux entrants que la Commission a pris en compte des déclarations concordantes émanant de trois sources différentes, les chefs de file, des nouveaux entrants et des associations de consommateurs, afin de confirmer ce qu’elle avait déduit des mesures en cause, à savoir que, si ces mesures devaient être appliquées, elles entraîneraient un surcoût peu évitable pour les nouveaux entrants.

212    S’agissant, premièrement, des propos des chefs de file, d’une part, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission n’a pas déclaré que ces propos engageaient le Groupement.

213    D’autre part, le requérant ne saurait soutenir que les propos des chefs de file ont été dénaturés. Au considérant 280 de la décision attaquée, la Commission renvoie aux considérants 125 et 136 de cette décision dans lesquels figurent des extraits de notes internes de certains chefs de file, dont le requérant ne conteste pas l’authenticité. Or, il ressort de ces notes internes que, par exemple, la BPCE a indiqué que les mesures en cause « ne pourr[aient] que freiner l’arrivée des nouveaux entrants » et que la Société générale a fait référence à « un mécanisme complexe, mais indispensable, pénalisant les membres actuels dormants qui entreprendraient d’émettre massivement » (considérant 125 de la décision attaquée). De même, un représentant de BNP Paribas a indiqué qu’il confirmait « qu’Egg devrait bien être pénalisé[e] par les nouvelles règles CB » (considérant 136 de la décision attaquée). Ainsi, comme l’indique la Commission dans le mémoire en défense, ces documents révèlent notamment que les chefs de file avaient anticipé une pénalisation des nouveaux entrants.

214    Quant aux arguments concernant la dénaturation des propos des chefs de file soulevés dans le cadre du deuxième moyen relatif à la restriction de concurrence par objet, visant à démontrer que les propos des chefs de file expriment l’intention de ces derniers de lutter contre le parasitisme, il suffit de relever que cette intention n’est pas pertinente s’agissant de l’appréciation des effets potentiels des mesures en cause. Ces propos, qui révèlent l’intention des chefs de file, ont été utilisés par la Commission comme un élément du contexte dans lequel les mesures en cause avaient été adoptées. En outre, en soutenant que les chefs de file ont pu vouloir désavantager certains nouveaux entrants qui ne développaient pas l’acquisition et « pénaliser certains comportements jugés parasitaires », le requérant semble admettre que les mesures en cause sont susceptibles d’avoir des effets pénalisants pour les nouveaux entrants.

215    S’agissant, deuxièmement, des propos des nouveaux entrants, il y a lieu d’observer que, dans les propos cités dans les notes en bas de page nos 364 et 365 de la décision attaquée, certains nouveaux entrants ont mentionné que le surcoût lié aux mesures en cause les pénalisait. Par exemple, GE Money Bank a indiqué que ce coût « port[ait] atteinte à la rentabilité de la banque et p[ouvai]t se traduire par une augmentation du coût du service des cartes », Groupama Banque a relevé que les mesures en cause « pénalis[ai]ent gravement [son] compte d’exploitation prévisionnel » et la Banque Accord a considéré que ces mesures l’auraient obligée à « supprimer ou [à] rendre payants des services qui [étaie]nt aujourd’hui gratuits » ou à « augmenter le prix de la carte ». Contrairement à ce que soutient le requérant, le seul fait que ces propos émanent des membres du Groupement qui sont visés par les mesures en cause ne saurait leur ôter toute crédibilité, dans la mesure où ils corroborent les propos des chefs de file.

216    S’agissant, troisièmement, des déclarations des associations de consommateurs, il y a lieu de relever qu’elles viennent également confirmer des propos des chefs de file et des nouveaux entrants. Dans la décision attaquée (note en bas de page n° 366 de la décision attaquée), la Commission a notamment fait référence à des déclarations selon lesquelles les mesures en cause rendaient particulièrement difficile pour les nouveaux entrants le maintien de leur offre actuelle et entraînaient un risque d’éviction des nouveaux entrants ou tout au moins une limitation de la concurrence et du choix offert aux consommateurs. Ces déclarations relatives à la situation de tous les nouveaux entrants ne sont pas remises en cause par l’argument du requérant qui se contente de citer l’exemple de la banque Egg qui, selon lui, se serait retirée du marché français pour des motifs étrangers aux mesures en cause.

217    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième grief.

–       Sur le quatrième grief, tiré d’erreurs relatives au paramétrage des critères utilisés dans les formules des mesures en cause

218    Le requérant soutient que les trois critères retenus dans la formule des mesures en cause, à savoir le critère du nombre de SIREN (ci-après le « critère SIREN »), le critère du nombre de DAB (ci-après le « critère DAB ») et le critère du « Groupe CIP » (ou critère du « Groupe des banques »), n’ont aucun effet, potentiel ou réel, pénalisant les banques liées à la grande distribution ou les nouveaux entrants.

219    À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans la décision attaquée, la Commission a relevé que la pénalisation des nouveaux entrants et les effets positifs pour les chefs de file ayant participé au COM étaient notamment dus au paramétrage opéré lors de la préparation des mesures en cause, c’est-à-dire au choix des critères retenus dans les formules de ces mesures (considérant 282 de la décision attaquée).

220    La Commission a estimé que le choix du critère SIREN utilisé dans la formule du MERFA et dans le mécanisme de « réveil des dormants », plutôt que celui du critère du nombre de SIRET (« Système d’identification du répertoire des établissements », ci-après le « critère SIRET »), avait pour effet de pénaliser les nouveaux entrants. Elle a relevé que, selon la réglementation française, un numéro SIREN était attribué à chaque entreprise et un numéro SIRET à chaque établissement, de sorte que le commerçant dont l’entreprise se composait de plusieurs établissements se voyait attribuer un seul numéro SIREN, mais plusieurs numéros SIRET. Elle a considéré que le choix du nombre de SIREN, plutôt que de SIRET (ou du nombre de transactions de paiement), avait pour effet de minorer la part des nouveaux entrants issus de la grande distribution dans l’activité acquisition de l’ensemble du système qui était prise en compte pour le calcul du MERFA (considérant 285 de la décision attaquée).

221    Selon la Commission, l’effet pénalisant pour les nouveaux entrants de la prise en compte des DAB dans la formule du MERFA avait été prévu par les chefs de file participant au COM. Elle s’est appuyée sur des déclarations des chefs de file qui ont constaté que l’introduction du critère DAB dans le calcul du MERFA serait un facteur d’inertie pour les nouveaux entrants, dans la mesure où ces derniers auraient de grandes difficultés à installer des DAB afin d’échapper au MERFA (considérant 291 de la décision attaquée).

222    Enfin, la Commission a relevé que le groupe de banques pris en compte pour les besoins du calcul du MERFA était le « Groupe CIP », qui désigne « le groupe de banques composé d’un membre du Groupement (chef de groupe CIP) et ceux de ces établissements qu’il contrôle à au moins 51 % qui le souhaitent » (considérant 292 de la décision attaquée). Elle a estimé que ce critère permettait aux chefs de file d’éviter que certaines de leurs filiales très émettrices mais peu acquéreuses soient redevables du MERFA, par une dilution de leurs activités émission/acquisition dans celles du « Groupe CIP » auquel elles appartiennent. Ce critère pénaliserait les nouveaux entrants essentiellement émetteurs, en ne leur permettant pas, contrairement aux filiales des chefs de file, d’échapper au paiement du MERFA (considérant 293 de la décision attaquée).

223    S’agissant de l’utilisation du critère SIREN dans la formule du MERFA, premièrement, le requérant fait valoir que la Commission aurait indiqué, au considérant 285 de la décision attaquée, que les banques liées à la grande distribution auraient vocation à n’affilier que les points d’acceptation exploités par les enseignes auxquelles elles appartiennent et que cette indication est sans pertinence dans la mesure où cela résulterait de leur politique commerciale et non d’une impossibilité ou d’une difficulté de développer l’activité d’acquisition.

224    À cet égard, il suffit de relever que cet argument résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la Commission, en estimant, au considérant 285 de la décision attaquée, que « les activités d’acquisition des nouveaux entrants liés à la grande distribution porteraient naturellement sur des opérations de paiement auprès de grandes entreprises, chacune constituée d’un grand nombre d’établissements », n’a pas considéré que ces banques limiteraient leur activité d’acquisition aux seuls établissements du groupe auquel elles appartenaient.

225    En outre, il y a lieu de considérer que le choix du critère SIREN pénalise les banques liées à la grande distribution, dans la mesure où ces banques ont vocation à affilier les entreprises de la grande distribution auxquelles elles sont liées. Cette pénalisation résulte du fait que le critère SIREN conduit à minorer l’activité d’acquisition d’une banque liée à la grande distribution.

226    En effet, les entreprises de grande distribution disposent en général d’un petit nombre de SIREN alors qu’elles représentent un grand nombre d’établissements et donc un grand nombre de SIRET. L’application du critère SIREN conduit ainsi à donner la même importance, en termes d’acquisition, à une entreprise de la grande distribution qu’à un commerçant unique ayant un seul établissement. Ce critère ne reflète pas la réalité de l’activité économique des banques de la grande distribution.

227    Il y a lieu de relever que la Commission a estimé que le choix, dans la formule du MERFA, du critère SIRET ou du nombre de transactions serait plus proche de l’activité d’acquisition réelle d’une banque liée à la grande distribution que le critère SIREN (considérant 286 de la décision attaquée). Elle a confirmé cette appréciation en s’appuyant sur des déclarations des chefs de file et de nouveaux entrants, non contestées par le requérant, qui soulignent l’effet pénalisant du choix du critère SIREN pour les banques liées à la grande distribution (considérants 287 à 289 de la décision attaquée).

228    Deuxièmement, le requérant conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle les entreprises de la grande distribution seraient constituées d’un grand nombre d’établissements. Selon lui, de nombreux groupes de la grande distribution disposent d’un grand nombre de SIREN, parce qu’ils sont structurés en filiales ou en franchises et non en établissements et il cite à titre d’exemple les groupes Carrefour, Casino, Intermarché ou Leclerc.

229    À cet égard, il suffit de relever qu’il résulte d’un tableau fourni par le requérant en réponse à une question du Tribunal que la différence entre le nombre de SIREN et le nombre de SIRET des entreprises de la grande distribution est significative, même pour les groupes de grande distribution donnés comme exemple par le requérant. Ainsi, selon ce tableau, le ratio « nombre de SIRET sur nombre de SIREN » est pour Leclerc de 1,9, pour Carrefour de 3,05, pour Casino de 3,76. Ce ratio est encore plus significatif pour Auchan, pour lequel il est de 11,65. L’activité d’acquisition d’une banque liée à la grande distribution est donc, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 286 de la décision attaquée, largement minorée lorsque le critère SIREN est pris comme critère de référence à la place du critère SIRET.

230    Le requérant ajoute que, selon les études économiques produites par le Groupement, le choix du critère SIREN plutôt que du critère SIRET pour le calcul du MERFA viserait à augmenter l’incitation à affilier des commerçants.

231    Cet argument ne saurait remettre en cause le constat selon lequel le critère SIREN minimise la contribution des banques liées à la grande distribution dans l’activité d’acquisition du Groupement en ne prenant pas en compte tous les établissements de ces groupes qui constituent autant de points d’acceptation des cartes CB. Par ailleurs, il y a lieu de constater que la volonté d’inciter les nouveaux entrants à développer l’activité d’acquisition se heurte au constat selon lequel ce développement était très difficile.

232    Ce constat n’est pas non plus remis en cause par l’exemple du groupe Carrefour cité par le requérant, qui indique que le groupe Carrefour détient un grand nombre de SIREN, soit 1550, si sont prises en compte toutes les enseignes détenues par ce groupe. En effet, il convient de relever que les 221 hypermarchés Carrefour ne comptent que pour deux SIREN, ce que le requérant admet, ce qui a pour conséquence que ces établissements ne sont pas pris en compte dans le calcul du MERFA et donc dans l’activité d’acquisition de la banque liée à Carrefour.

233    S’agissant de l’utilisation du critère DAB dans la formule du MERFA, le requérant soutient que la Commission a ignoré le cas de la banque S2P, une filiale de Carrefour, dont la déclaration est reproduite au considérant 320, sous c), de la décision attaquée, qui avait déclaré être en mesure d’émettre jusqu’à 500 000 cartes sans être redevable du MERFA, grâce à son parc de DAB, alors qu’elle n’aurait pu émettre que 150 000 cartes. Selon lui, cela démontrerait que ce critère n’a pas eu pour effet de pénaliser les banques liées à la grande distribution.

234    Il y a lieu de constater que l’argument du requérant repose sur une lecture erronée de cette déclaration. En effet, il ne ressort pas de cette dernière que la banque S2P était en mesure d’émettre seulement 150 000 cartes, alors que, grâce à son parc de DAB, elle aurait pu en émettre jusqu’à 500 000 sans payer le MERFA, et que, donc, l’inclusion de ce critère dans la formule du MERFA n’aurait aucun effet négatif pour cette banque. Au contraire, la banque S2P affirme que l’introduction du MERFA l’a conduite à revoir de façon substantielle à la baisse ses plans d’émission des cartes et que, afin d’éviter de payer le MERFA, elle avait décidé de rester sous le seuil de 500 000 cartes. Le requérant ne saurait donc s’appuyer sur cette déclaration pour étayer son argument selon lequel le critère DAB n’a pas eu pour effet de pénaliser les nouveaux entrants.

235    En outre, il convient de rappeler qu’il ressort de l’analyse du deuxième grief que la Commission a établi les difficultés d’installation des DAB pour les nouveaux entrants en raison notamment du fait que les endroits les plus rentables étaient déjà occupés par les chefs de file et de la situation de saturation du marché français. Le seul exemple donné par le requérant, la banque S2P, n’est pas de nature à remettre en cause le constat selon lequel, les difficultés d’installation des DAB pour les nouveaux entrants étant établies, la prise en compte de ce critère dans la formule du MERFA a pour effet de les pénaliser.

236    S’agissant de l’utilisation du critère Groupe CIP (ou Groupe des banques) dans la formule du MERFA, le requérant soutient qu’est inopérante l’affirmation de la Commission selon laquelle ce critère permettrait aux chefs de file d’éviter que certaines de leurs filiales soient redevables du MERFA. Selon lui, les sommes dont une filiale serait redevable au titre du MERFA si elle n’était pas intégrée dans un Groupe CIP sont en réalité payées par sa société mère dont le rapport émission/acquisition sera nécessairement affecté par la forte activité de sa filiale.

237    L’argument du requérant ne saurait prospérer. En effet, l’activité d’une filiale qui n’est pas intégrée dans un Groupe CIP n’est pas de nature à affecter le rapport émission/acquisition de l’activité de sa société mère.

238    La Commission a relevé (considérant 293 de la décision attaquée) que le critère du Groupe CIP, permettant de compenser les activités d’émission et d’acquisition au sein d’un groupe de banques composé d’un membre du Groupement et de ses filiales détenues à plus de 51 %, favorisait les filiales des chefs de file par rapport aux nouveaux entrants qui étaient essentiellement émetteurs et étaient en concurrence directe avec ces filiales.

239    Il y a lieu de relever que cette compensation permet en effet aux filiales des chefs de file d’être fortement émettrices sans pour autant être redevables du MERFA grâce à une forte activité d’acquisition des chefs de file. C’est donc à juste titre que la Commission a conclu que ce critère pénalisait les nouveaux entrants qui n’étaient pas en mesure de procéder à une telle compensation. Le requérant ne soulève aucun argument de nature à remettre en cause cette conclusion.

240    Enfin, le requérant soutient que le critère du Groupe CIP serait également pénalisant pour les chefs de file, dans la mesure où le montant correspondant au MERFA qu’aurait dû payer une filiale intégrée à un groupe CIP vient en diminution du montant qu’aurait dû recevoir ce groupe si cette filiale n’y avait pas été intégrée. À cet égard, il suffit de constater que le fait que le montant redistribué aux chefs de file soit diminué en raison des filiales appartenant à un groupe CIP qui ne paient pas le MERFA est sans pertinence s’agissant de la constatation selon laquelle ce critère permet à certaines filiales des chefs de file de ne pas être soumises au MERFA grâce à l’activité d’acquisition de leur société mère et que cette possibilité est exclue pour les nouveaux entrants.

241    Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième grief.

–       Sur le cinquième grief, tiré d’erreurs relatives aux effets potentiels sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants

242    Le requérant fait valoir que la Commission n’aurait pas démontré, aux considérants 294 à 298 de la décision attaquée, que les mesures en cause produisent des effets potentiels anticoncurrentiels sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants.

243    Il ressort de la décision attaquée que la Commission a considéré que le surcoût subi par les nouveaux entrants si les mesures en cause étaient appliquées aurait des répercussions sur les prix. En effet, selon elle, tant dans le cas où les nouveaux entrants augmentent le prix de leurs cartes CB que dans le cas où ils restent sous les seuils d’émission qui déclenchent l’application des mesures à leur égard, il en résulterait une pression concurrentielle moindre sur les prix pratiqués par les chefs de file.

244    À titre liminaire, il convient de relever que le requérant, dans la requête, isole l’effet des mesures en cause sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants de l’effet concernant la limitation de l’émission, alors qu’il s’agit d’une alternative, et qu’il ignore ainsi la conclusion de la Commission selon laquelle ces deux options conduisaient à limiter la pression concurrentielle sur les prix pratiqués par les chefs de file (considérants 257, 294 et 295 de la décision attaquée).

245    Premièrement, le requérant fait valoir que le paiement des coûts liés aux mesures en cause pouvait être évité grâce au développement de l’acquisition dont la Commission n’aurait pas démontré qu’il était impossible ou indûment difficile. Il suffit de rappeler que cet argument a déjà été rejeté dans le cadre de l’analyse du deuxième grief de la présente branche (voir points 188 à 204 ci-dessus).

246    Deuxièmement, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir envisagé la possibilité que les nouveaux entrants puissent décider de ne pas répercuter le surcoût lié à l’application des mesures en cause sur le prix de leurs cartes CB pour des motifs liés à leur stratégie commerciale et à la nature des cartes CB qu’ils commercialisent.

247    Il y a lieu de rappeler que, si les mesures en cause étaient appliquées, il en résulterait un surcoût pour les nouveaux entrants, augmentant proportionnellement au nombre de cartes émises, qui serait peu évitable notamment du fait de la difficulté de développer l’acquisition. Contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission n’a pas considéré que l’application des mesures en cause entraînerait nécessairement une augmentation du prix des cartes CB des nouveaux entrants, mais que ces derniers pouvaient choisir de limiter leurs volumes d’émission de cartes afin d’éviter ce surcoût. Or, dans ces deux hypothèses, la pression concurrentielle sur le prix des cartes des chefs de file diminuerait, ce qui produirait des effets anticoncurrentiels.

248    Il y a lieu de rappeler que, si les mesures en cause étaient appliquées, les nouveaux entrants se verraient imposer des frais supplémentaires significatifs en fonction du nombre de cartes CB émises. Le surcoût moyen annuel a été estimé à 15 euros par carte CB émise pendant une période de trois ans à compter de l’adhésion du nouvel entrant. La « cotisation porteur » moyenne proposée par les nouveaux entrants assujettis au MERFA a été estimée à 28,5 euros. Le surcoût moyen annuel de 15 euros représente ainsi 53 % de cette « cotisation porteur ».

249    Prenant en compte que ce surcoût est dû pour chaque carte CB émise par les nouveaux entrants et qu’il représente un pourcentage significatif des prix des cartes CB pratiqués par les nouveaux entrants, c’est à juste titre que la Commission a considéré que ce surcoût aurait des répercussions sur le prix des cartes CB. Même dans l’hypothèse où les nouveaux entrants choisiraient de ne pas augmenter le prix de leurs cartes, le surcoût aura pour conséquence de diminuer leur marge proportionnellement à leur activité d’émission en les conduisant à ne pas procéder aux baisses de prix envisagées.

250    En outre, il y a lieu de relever que, pour conclure que le paiement du surcoût lié à l’application des mesures en cause entraînerait une augmentation du prix des cartes CB des nouveaux entrants ou à tout le moins une réduction de la baisse envisagée du prix de ces cartes CB, la Commission s’est appuyée sur des déclarations concordantes émanant des chefs de file, des nouveaux entrants et d’associations de consommateurs (considérants 297 et 298 de la décision attaquée).

251    La Commission renvoie notamment à une note interne de BNP Paribas [considérant 101, sous b), de la décision attaquée] indiquant que le MERFA « pèserait positivement sur la fixation de la cotisation de[s] cartes [d’un émetteur pur] » ainsi qu’à une note interne de la BPCE [considérant 110, sous a), de la décision attaquée] constatant que les mesures en cause réduisent les gains escomptés par les grands distributeurs et que « [c]ette réduction des gains escomptés réduirait l’effet discount sur les prix de ces nouveaux entrants ». Dans la note en bas de page n° 384 de la décision attaquée, elle mentionne plusieurs déclarations de nouveaux entrants indiquant que le surcoût lié aux mesures en cause affectera le prix de leurs cartes CB. Ainsi, la banque COVEFI, la Banque Accord, Cofidis, GE Capital bank, Egg et S2P ont souligné qu’elles seraient dans l’obligation de répercuter le coût lié au MERFA par une augmentation du prix de la carte CB ou d’autres services attachés à cette carte.

252    À cet égard, pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 211 à 216 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argumentation du requérant selon laquelle les déclarations des chefs de file n’engageaient pas le Groupement et avaient été dénaturées et selon laquelle la valeur probante des déclarations de nouveaux entrants et des associations de consommateurs était contestable.

253    Il en ressort que, dans les cas où les nouveaux entrants choisiraient de ne pas limiter le volume d’émission de cartes CB, le surcoût lié à l’application des mesures en cause les conduira à augmenter le prix de leurs cartes CB ou à ne pas procéder aux baisses de prix envisagées ou à facturer les services attachés à ces cartes. Cela les empêchera de proposer des cartes CB à des prix nettement plus bas que ceux des chefs de file et ainsi de réduire la différence entre les prix pratiqués par eux et ceux pratiqués par les chefs de file. Il en résultera une moindre pression concurrentielle sur les prix pratiqués par les chefs de file qui ne sont pas soumis au MERFA, avec pour conséquence de permettre à ces derniers de maintenir ou d’augmenter le prix de leurs cartes CB. Il en découle que la Commission a considéré à bon droit que les mesures en cause avaient des effets potentiels anticoncurrentiels.

254    Par ailleurs, quand bien même les nouveaux entrants choisiraient de ne pas répercuter l’ensemble du surcoût sur les prix de leurs cartes CB, soit pour des raisons de stratégie commerciale, soit, comme l’a soutenu BNP Paribas lors de l’audience, en raison de la pression concurrentielle exercée par les banques non soumises aux mesures en cause, il n’en demeure pas moins que les mesures en cause entraînent une augmentation sensible des coûts d’émission de chaque carte CB qui pèse sur les coûts d’exploitation des nouveaux entrants.

255    En toute hypothèse, le surcoût lié à l’application des mesures en cause prive les nouveaux entrants de la possibilité de baisser les prix de leurs cartes CB. Le niveau des prix des cartes CB reste donc à un niveau supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence des mesures en cause et ce surcoût conduit donc à une baisse de la pression concurrentielle sur les chefs de file qui n’y sont pas soumis.

256    Troisièmement, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte la variété des services offerts par les émetteurs de cartes CB, lesquels seraient déterminants dans le choix d’un consommateur d’une carte CB plutôt qu’une autre. La Commission se serait limitée à considérer que la concurrence entre les cartes CB était une « concurrence par les prix », sans tenir compte du fait que le coût d’une carte de crédit est déterminé majoritairement par le coût du crédit et non par le coût de la carte.

257    Il y a lieu de relever que ces arguments ont déjà été soulevés par le requérant dans le cadre de la procédure administrative et qu’ils sont présentés aux considérants 340, sous e), et 341 de la décision attaquée.

258    Les réponses à ces arguments figurent aux considérants 342, sous e), et 343 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a indiqué :

« [342] e) […] S’agissant enfin de l’argument du Groupement selon lequel le prix pratiqué par les banques traditionnelles serait très compétitif au regard des services attachés à leurs cartes, tandis que celui des nouveaux entrants ne le serait pas puisque leurs cartes CB seraient essentiellement des cartes de crédit dont le coût réel pour le porteur inclut surtout le coût très élevé du crédit, il convient de rappeler :

–        que le surcoût généré par les mesures constitue en soi un handicap, indépendamment de la question de savoir si les prix pratiqués par chaque type de banque (banques traditionnelles/nouveaux entrants) sont compétitifs ou non ;

–        que les banques traditionnelles émettent elles aussi des cartes de crédit ;

–        que l’octroi de crédit représente aussi un coût pour la banque et un service pour le porteur (qui n’utilise pas nécessairement la facilité de crédit attachée à la carte) ;

–        que l’argument du Groupement est une simple affirmation de sa part, le Groupement ne donnant aucune précision quant à la nature des services “qui varient d’un émetteur à l’autre” (services autres que ceux propres à la valeur ajoutée CB, communs à toutes les cartes CB, qui sont également attachés aux cartes CB des nouveaux entrants, telles l’interbancarité, l’universalité et la sécurité) ;

–        que le Groupement ne démontre pas en quoi, au regard de ces services, le prix des cartes des banques traditionnelles serait “très compétitif”.

–        […]

[343] Il est faux de prétendre que la Commission conclut à l’existence d’effets restrictifs de la concurrence sur la seule base de l’impact des mesures en matière de prix des cartes et qu’elle présume que les consommateurs ne seraient sensibles qu’à ce seul facteur de différenciation des produits offerts. La Commission se réfère à d’autres effets que l’impact en matière de prix de cartes résultant du surcoût imposé aux nouveaux entrants par les mesures en cause. Elle met notamment en évidence l’effet inhibiteur des mesures sur le volume des plans d’émission de cartes des nouveaux entrants et indique que ces cartes émises par des banques par Internet et/ou liées à la grande distribution sont dotées de fonctionnalités nouvelles ou spécifiques, telles que le cumul de cartes de paiement et de fidélité ou le “cash-back”, dont les consommateurs vont par conséquent se trouver privés (soit directement parce que le nombre de ces cartes a dû être revu à la baisse, soit indirectement parce que le surcoût qu’induisent les mesures et la nécessité de constituer des provisions affectent la capacité à investir dans les autres facteurs de concurrence que constituent les fonctionnalités et services attachés aux cartes). »

259    Force est de constater que le requérant ne soulève aucun nouvel argument susceptible de remettre en cause ces réponses de la Commission.

260     Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième grief.

–       Sur le sixième grief, tiré d’erreurs relatives aux effets réels sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants

261    Le requérant fait valoir que la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures en cause ont eu pour effets réels d’empêcher les nouveaux entrants de réduire le prix de leurs cartes CB à 15 ou à 20 euros durant leur période d’application, voire d’augmenter leurs prix après la suspension des mesures repose sur plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

262    Dans la décision attaquée, la Commission a examiné les effets réalisés sur le marché en distinguant deux périodes : une première période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 8 juin 2004 pendant laquelle les mesures en cause ont été appliquées et une seconde période, à compter du 8 juin 2004, faisant suite à la suspension des mesures en cause par le conseil de direction.

263    S’agissant de la première période, la Commission a estimé, d’une part, que l’adoption des mesures en cause avait permis aux chefs de file de ne pas réduire le prix de leurs cartes CB, comme ils craignaient de devoir le faire en l’absence de ces mesures, mais, au contraire, de l’augmenter ou de le maintenir et, d’autre part, que les nouveaux entrants n’avaient pas pu pratiquer des prix réduits compris entre 15 et 20 euros, mais avaient, au contraire, maintenu, voire augmenté leurs prix (considérant 339 de la décision attaquée).

264    S’agissant de la seconde période, la Commission a considéré que les mesures en cause avaient continué de produire des effets après leur suspension dans la mesure où celle-ci pouvait être levée. Elle a estimé que, par mesure de prudence, les nouveaux entrants émettaient moins de cartes CB qu’ils ne l’auraient fait s’ils avaient eu la certitude d’une annulation définitive des mesures et qu’ils constituaient des provisions, les empêchant de consacrer ces ressources à des activités leur permettant de concurrencer les chefs de file et de pratiquer des prix aussi bas que possible. Elle a également estimé que, par un effet d’inertie des mesures en cause, la décision, prise avant la suspension de ces mesures, de réduire le volume d’émission des cartes CB et de ne pas pratiquer des prix aussi bas que souhaité continuait de produire des effets (considérant 345 de la décision attaquée). Elle a donc conclu que les chefs de file avaient pu maintenir (voire augmenter) le prix de leurs cartes CB après la suspension des mesures en cause (considérant 356 de la décision attaquée).

265    À titre liminaire, il y a lieu de considérer que ne saurait prospérer l’argument du requérant et des intervenantes selon lequel la Commission n’a pas pu établir l’existence d’effets réels des mesures en cause étant donné que celles-ci n’ont jamais été mises en œuvre, c’est-à-dire que les montants correspondant à ces mesures n’ont jamais été perçus. En effet, les mesures en cause ont été effectivement applicables du 1er janvier 2003 au 8 juin 2004 et les nouveaux entrants se sont comportés comme si les montants correspondants devaient être effectivement perçus. Les nouveaux entrants ne pouvaient prévoir que ces montants ne seraient pas perçus du fait de la suspension de l’application des mesures dans l’attente de la décision de la Commission.

266    En premier lieu, le requérant fait valoir que la Commission a fondé toute sa démonstration sur les estimations, produites par certains chefs de file, relatives au prix auquel les nouveaux entrants auraient envisagé de vendre leurs cartes CB, à savoir de 15 à 20 euros. La Commission aurait conclu que les mesures en cause avaient eu pour effet d’empêcher la diminution du prix des cartes CB des nouveaux entrants au motif que ce prix était resté supérieur aux estimations des chefs de file. Or, selon le requérant, ces estimations n’engageaient pas le Groupement et ne pouvaient être considérées comme un prix concurrentiel de référence. Selon le requérant et BNP Paribas, la Commission n’a ni produit la preuve d’un projet d’un nouvel entrant visant à commercialiser des cartes à ce prix ni envisagé la possibilité que ces estimations auraient pu être erronées.

267    Il y a lieu de relever qu’il ressort des documents de préparation des mesures en cause que des représentants du Groupement ont exprimé à plusieurs reprises leurs craintes que les nouveaux entrants n’émettent des cartes CB à des prix nettement inférieurs à ceux pratiqués par les chefs de file (voir les notes citées aux considérants 63, 66, 120 et 121 de la décision attaquée) et qu’ils ont perçu ce risque comme une menace pour les revenus de ces derniers. Ce risque de « discount » sur les prix des cartes est également mentionné dans des notes de certains membres du Groupement (voir, par exemple, la note interne de la FNCA du 11 février 2002 citée au considérant 75 de la décision attaquée, la note interne de la BPCE du 4 avril 2002 citée au considérant 85 de la décision attaquée et la note interne de BNP Paribas du 13 août 2002 citée au considérant 117 de la décision attaquée).

268    En outre, il découle de documents du COM et de certains chefs de file que ceux-ci ont considéré que cette menace aurait un effet dit de « contagion » sur les prix des cartes des chefs de file et, partant, sur leurs revenus. Par exemple, la présentation du document « Projet CS 2002. Comité de pilotage », réalisée en décembre 2001 par le cabinet de consultants du Groupement (citée au considérant 71 de la décision attaquée), indique que le « discount à l’émission » provoquerait une baisse des revenus et souligne l’effet de « contamination » ou de « contagion » sur les banques traditionnelles des prix sensiblement inférieurs des nouveaux entrants (voir également la note de synthèse générale du 25 septembre 2002 citée au considérant 121 de la décision attaquée).

269    Enfin, plusieurs déclarations des chefs de file et du COM datant de la préparation des mesures en cause indiquent que l’adoption de ces mesures aurait pour effet de limiter la baisse des prix des cartes CB des nouveaux entrants et donc de maintenir les prix des cartes des chefs de file, en empêchant cet effet de contagion. Ainsi, dans une note interne de la BPCE de juillet 2002 [citée au considérant 110, sous a), de la décision attaquée], il est indiqué qu’« [u]ne étude d’impact de ces mesures montre que les nouveaux droits d’entrée et le [MERFA] réduisent de 25 % les gains escomptés par les grands distributeurs, au travers de l’émission de cartes » et que « [c]ette réduction des gains escomptés réduirait l’effet discount sur les prix de ces nouveaux entrants et, par voie de conséquence, la contamination sur nos propres prix » (voir également la note interne de Natexis-Banques Populaires du 8 octobre 2002 citée au considérant 124 de la décision attaquée).

270    Dans le cadre de la mise en place des mesures en cause, dans divers documents, les chefs de file ont estimé entre 15 et 20 euros le prix auquel les nouveaux entrants émettraient leurs cartes CB en l’absence des mesures en cause, compte tenu des niveaux de cotisations applicables (voir, notamment, le document « Projet CS 2002 : Stratégie d’émission de cartes CB par la grande distribution » du 22 mai 2002, cité aux considérants 87 et 333 de la décision attaquée, le document « Projet CS 2002 : Stratégie d’émission de cartes CB par la grande distribution » du 17 septembre 2002, cité au considérant 120 de la décision attaquée).

271    L’argument du requérant et de BNP Paribas selon lequel ces estimations pourraient être erronées et ne reposeraient pas sur une volonté établie des nouveaux entrants de pratiquer de tels prix ne saurait prospérer.

272    Le requérant ne saurait valablement contester la pertinence de ces estimations. En effet, le prix de 15 à 20 euros résulte de plusieurs estimations faites par des chefs de file qui ont évalué la situation du marché en l’absence des mesures en cause et ont considéré que ce prix représentait le risque auquel les nouveaux entrants pourraient proposer leurs cartes compte tenu des cotisations en vigueur avant l’adoption des mesures en cause. Ce prix a ainsi servi de base au Groupement pour déterminer le paramétrage des mesures en cause.

273    Le requérant ne saurait non plus valablement reprocher à la Commission d’avoir tenu compte de ces estimations dans son analyse des effets des mesures en cause, dans la mesure où, les chefs de file étant les principaux acteurs du marché et en ayant une très bonne connaissance, ils étaient les mieux à même d’évaluer quelle pouvait être la tarification à laquelle une carte CB pouvait être proposée sur le marché. La Commission n’avait aucune raison de mettre en doute ces estimations.

274    En deuxième lieu, le requérant, soutenu par BNP Paribas, reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération la variété des services offerts par les différents émetteurs de cartes CB, ce qui l’a empêché de comparer adéquatement les prix pratiqués par les différents membres du Groupement.

275    Cet argument ne saurait prospérer. En effet, il y a lieu de relever que les différentes déclarations des chefs de file relatives aux prix des cartes CB des nouveaux entrants ou des chefs de file ne font pas de distinction en fonction des différents services attachés à ces cartes. De même, s’agissant des mesures en cause, toutes les cartes CB émises sont équivalentes, quels que soient les services attachés, et la formule du MERFA ne contient pas de variable pour tenir compte de ces différents services.

276    De plus, le constat de la Commission selon lequel le surcoût avait un effet sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants est indépendant des différents services qui seraient attachés à ces cartes. Elle n’a pas conclu à l’existence d’un effet anticoncurrentiel sur le fondement d’une comparaison des prix des cartes CB des nouveaux entrants et de celles des chefs de file.

277    En outre, comme l’a souligné la Commission lors de l’audience, la comparaison pertinente n’est pas celle entre les différentes cartes CB selon qu’elles offrent plus ou moins de services, mais celle entre les mêmes cartes, quels que soient les services attachés, avant et après l’imposition du surcoût lié aux mesures en cause.

278    En troisième lieu, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir apporté la preuve d’un lien de causalité entre les mesures en cause et les prix pratiqués par les nouveaux entrants. Elle se serait contentée de juxtaposer le constat de l’existence des mesures en cause, les estimations des chefs de file et la supériorité des prix des cartes CB des nouveaux entrants par rapport à ces estimations.

279    Il suffit de rappeler que les mesures en cause conduisent à l’application d’un surcoût par carte CB émise difficilement évitable pour les nouveaux entrants qui ont dû répercuter le coût lié au MERFA en augmentant le prix de leur carte CB ou en ne procédant pas à des baisses de prix. Du fait de l’application des mesures en cause, l’arrivée de nouveaux entrants et l’émission de cartes CB par ceux-ci n’ont pas eu l’effet, qui avait été anticipé par les chefs de file, de permettre aux nouveaux entrants de proposer des cartes CB à des prix nettement plus bas que ceux des chefs de file. Ainsi, du fait de ces mesures, l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché n’a pas contraint les chefs de file à diminuer, par un effet de contagion, les prix de leurs propres cartes. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a établi un lien de causalité entre les mesures en cause et l’existence d’un effet anticoncurrentiel.

280    Partant, il y a lieu de rejeter le sixième grief.

281    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la troisième branche doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche, tirée d’erreurs relatives aux effets sur la réduction des volumes d’émission de cartes CB par les nouveaux entrants

282    Le requérant fait valoir que la Commission n’a pas suffisamment démontré que les mesures en cause avaient pour effets potentiels et réels de limiter les émissions de cartes CB par les nouveaux entrants. Elle se serait fondée sur des déclarations de certains nouveaux entrants dont la crédibilité serait contestable.

283    En premier lieu, s’agissant de l’effet potentiel de limitation du volume des plans d’émission des nouveaux entrants, tout d’abord, la Commission, dans la décision attaquée, a rappelé que, si les mesures en cause étaient appliquées, les nouveaux entrants subiraient des coûts additionnels lors de l’émission des cartes, augmentant proportionnellement au volume de cartes CB émises (considérant 299 de la décision attaquée). Ensuite, elle a relevé que, afin de limiter l’augmentation et le cumul des coûts liés à l’application des mesures en cause, les nouveaux entrants avaient la possibilité de maintenir l’émission sous les seuils qui, dans chaque cas particulier, déclenchaient l’application des mesures en cause. À cet égard, elle mentionne certaines déclarations de nouveaux entrants concernant l’effet d’inhibition des plans d’émission que les mesures auraient si elles étaient mises en œuvre (considérant 300 et note en bas de page n° 387 de la décision attaquée). Elle indique que cette option de réduction des plans d’émission a effectivement été mise en pratique par les nouveaux entrants durant la période où les mesures en cause ont été appliquées. Enfin, elle s’est appuyée sur des déclarations émanant de chefs de file (BNP Paribas et Caisses d’épargne) montrant que ces derniers avaient prévu que les mesures en cause auraient pour effet une limitation des cartes des nouveaux entrants (considérant 301 de la décision attaquée).

284    Le requérant conteste la démarche de la Commission qui, pour démontrer l’existence d’effets potentiels, fait référence à des déclarations des nouveaux entrants dont la crédibilité est réduite et, « pour le reste[,] renvoie à son analyse des effets prétendument réalisés ».

285    Or, il ressort de la décision attaquée que la Commission a déduit des mesures en cause, et non des seules déclarations de certains nouveaux entrants, l’effet potentiel de limitation des volumes d’émission des cartes CB des nouveaux entrants. Pour éviter de payer un surcoût dépendant du volume d’émission des cartes CB, les nouveaux entrants avaient la possibilité de réduire l’émission.

286    Contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission ne s’est pas fondée uniquement sur des déclarations des nouveaux entrants pour établir les effets potentiels des mesures en cause sur les volumes d’émission des nouveaux entrants. Ces déclarations concordantes des nouveaux entrants, qui cadrent avec celles de BNP Paribas et des Caisses d’épargne, ne viennent au soutien que de sa démonstration reposant sur l’analyse des formules des mesures en cause.

287    S’agissant de l’affirmation du requérant selon laquelle les déclarations des nouveaux entrants ont une crédibilité réduite, il suffit de constater que cet argument a déjà été rejeté dans le cadre de l’analyse de la troisième branche (point 215 ci-dessus).

288    En outre, s’agissant de l’argument du requérant contestant la démarche de la Commission qui aurait consisté à renvoyer à son analyse des effets réels pour appuyer sa démonstration sur les effets potentiels, il suffit de constater qu’il repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, au considérant 300 de la décision attaquée, la Commission se contente de mentionner qu’elle exposera plus loin, dans la partie de la décision attaquée relative aux effets réels, que l’option de limitation de l’émission a été effectivement mise en pratique par les nouveaux entrants pendant la période d’application des mesures en cause.

289    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel les deux déclarations des chefs de file sur lesquelles la Commission s’est appuyée font uniquement état d’une possible modification du « business plan » d’Egg, mais ne mentionnent pas une réduction de ses plans d’émission, il suffit de constater que cet argument repose sur une dénaturation de la portée de ces déclarations.

290    En effet, dans ces déclarations concordantes, deux chefs de file (BNP Paribas et Caisses d’épargne) indiquent que les mesures en cause devraient avoir potentiellement un effet pénalisant sur les plans d’émission d’Egg, ce qui l’obligerait à modifier son « business plan ». Ce constat n’est pas remis en cause par l’affirmation d’Egg, dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission, selon laquelle l’introduction des mesures en cause n’a pas eu d’impact sur ses plans d’émission. Dans cette réponse, Egg indique également qu’elle a dû revoir son « business plan » initial en réduisant de moitié le nombre de clients qu’elle envisageait d’acquérir et souligne que l’enjeu des mesures en cause reste considérable et qu’elles augmentent ses coûts d’exploitation.

291    En outre, contrairement à ce que soutient BNP Paribas, la Commission ne s’est pas appuyée sur les réponses d’Egg s’agissant des effets des mesures en cause sur les plans d’émission, mais de leurs effets sur les prix (considérant 298 de la décision attaquée).

292    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel le choix entre la limitation de l’émission, le développement de l’acquisition et le paiement d’un surcoût relèverait de la stratégie commerciale de chaque établissement, il suffit de rappeler qu’il ressort de l’analyse du deuxième grief de la troisième branche que la Commission a démontré que le développement de l’acquisition était très difficile pour les nouveaux entrants, ce qui ne leur laissait que la possibilité soit de payer un surcoût et de le répercuter sur le prix de leurs cartes, soit de limiter l’émission. Si le choix entre ces deux options relève effectivement du nouvel entrant, il n’en demeure pas moins que, dans les deux cas, les mesures en cause avaient pour effet anticoncurrentiel de diminuer la pression concurrentielle sur les prix pratiqués par les chefs de file.

293    En second lieu, s’agissant de l’effet réel de limitation du volume des plans d’émission des nouveaux entrants, la Commission a relevé que, pendant la période d’application des mesures en cause, ces dernières avaient eu pour effet de réduire l’ampleur des plans d’émission des cartes des nouveaux entrants, voire de remettre en cause leur projet d’émettre de nouvelles cartes. Elle s’est appuyée notamment sur les déclarations de la Banque Accord, de S2P, de Cofidis, de la Banque Casino et de GE Money Bank faisant état d’un impact négatif des mesures en cause en matière d’émission (considérants 320, 346 et 347 de la décision attaquée).

294    Le requérant conteste la valeur probante des déclarations des nouveaux entrants, citées aux considérants 320 et 330 de la décision attaquée, en indiquant que ces déclarations faites par des banques « potentiellement » redevables du MERFA ne sont pas étayées et ont été produites in tempore suspecto.

295    À cet égard, il y a lieu de constater que les déclarations des nouveaux entrants citées par la Commission aux considérants 320 et 330 de la décision attaquée sont toutes postérieures à la mise en place des mesures en cause le 1er janvier 2003 et ne concernent donc pas, contrairement à ce que soutient le requérant, des banques « potentiellement » redevables du MERFA.

296    Les déclarations citées au considérant 320 de la décision attaquée constituent des réponses à des demandes de renseignements de la Commission visant à établir les effets réels des mesures en cause et elles sont concordantes en ce qu’elles font état de la révision des plans d’émission des nouveaux entrants du fait de la mise en place des mesures en cause.

297    À titre d’exemple, dans sa réponse du 10 novembre 2003, la Banque Accord a indiqué qu’« [elle avait] réduit [ses] volumes d’émission de cartes CB, puisque le MERFA sanctionn[ait] l’activité d’émission » et que « [l]’introduction à fin décembre 2002 par le Groupement […] des frais MERFA a[vait] eu un impact très important sur [le] plan d’émission de cartes CB ». Dans sa réponse du 24 novembre 2003, GE Money Bank a relevé que « l’introduction de nouveaux frais (y compris le MERFA) [l’avait conduit] à revoir sa stratégie d’émission des cartes CB ». Dans sa réponse du 6 octobre 2003, la Banque Casino a indiqué que « [l]es surcoûts liés au MERFA [la conduiraient indiscutablement] à reconsidérer ses projets CB » et que, « [e]n particulier, tout programme d’émission de volumes importants de CB [lui semblait] désormais économiquement difficile à mettre en œuvre ».

298    Ces déclarations, relatives aux effets des mesures en cause qui se sont produits, sont nécessairement postérieures à l’adoption des mesures en cause et le requérant n’explique pas dans quelle mesure elles auraient été produites in tempore suspecto. De plus, ainsi que le relève la Commission, ces déclarations ayant été faites dans le cadre d’une demande de renseignements, ces entreprises s’exposaient à une amende, qui pouvait leur être infligée en vertu de l’article 23, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1/2003, si elles fournissaient des renseignements inexacts ou dénaturés. Le requérant ne saurait donc valablement remettre en cause leur fiabilité.

299    En outre, s’agissant de l’argument du requérant, déjà soulevé lors de la procédure administrative, selon lequel des déclarations de certains nouveaux entrants, tels que S2P, AGF et la Banque Accord, montrent que les réductions des plans d’émission de ces banques avaient d’autres causes que l’application du MERFA, à savoir la situation du marché ou le caractère irréaliste de leurs plans d’émission, il y a lieu de relever que, en réponse à cet argument, la Commission a cité, au considérant 330 de la décision attaquée, les déclarations de S2P, de la Banque Accord et d’AGF, dont il ressort qu’elles ne viennent pas au soutien de l’argumentation du requérant.

300    Premièrement, dans sa déclaration du 26 juillet 2005 [citée aux considérants 320, sous c), 330, sous d), et 346 de la décision attaquée], S2P a indiqué que, « compte tenu des nouveaux frais MERFA, [elle avait] effectivement été [tenue] de revoir [son] plan d’émission de cartes CB ». S2P a expliqué que, à l’origine, elle prévoyait de convertir massivement son parc de cartes privatives (3 millions de porteurs) en cartes CB et qu’elle ambitionnait d’avoir 1 million de clients à la fin de 2004, mais qu’elle avait choisi de privilégier la promotion d’un programme de cartes de fidélité (4,4 millions d’adhérents depuis avril 2004) contre un développement de son programme d’émission de cartes CB de 150 000 porteurs. Il en ressort que le requérant ne saurait valablement soutenir que la réduction du plan d’émission de S2P était dictée par d’autres causes que l’adoption du MERFA.

301    Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent le requérant et la BPCE, le fait que S2P a affirmé qu’elle n’aurait été redevable du MERFA qu’à partir de 450 000 ou 500 000 cartes ne signifie pas que la limitation de son émission à 150 000 cartes est étrangère aux mesures en cause, mais résulte, au contraire, de sa volonté de rester en dessous des seuils d’application du MERFA. Ce seuil de 450 000 à 500 000 cartes n’a pu être calculé que de façon approximative par S2P, en tenant compte de la formule du MERFA et de son parc de DAB, sur la base des données relatives à un exercice passé. Le requérant et la BPCE ne sauraient non plus valablement soutenir que le plan d’émission de S2P de 1 million de cartes CB était irréaliste dans la mesure où S2P indique avoir affilié 4,4 millions d’adhérents à sa carte de fidélité en 2004 et où elle relève également que sa filiale espagnole a émis dans le même temps, en moins de deux ans, [x,x] millions de cartes bancaires [considérant 320, sous c), de la décision attaquée].

302    Deuxièmement, le requérant fait valoir que la Commission a ignoré la portée de la déclaration de la Banque Accord de juin 2005, selon laquelle « le marché n’avait pas répondu à ses attentes » [considérant 330, sous e), de la décision attaquée], qui relativise la déclaration de novembre 2003 indiquant que la mise en place du MERFA l’amènerait à réduire ses volumes d’émission [considérant 320, sous a), de la décision attaquée].

303    Il y a lieu de relever que le requérant procède à une lecture partielle des déclarations de la Banque Accord citées au considérant 320, sous a), de la décision attaquée. Dans sa déclaration du 10 novembre 2003, la Banque Accord a indiqué que, à la suite de la mise en place des mesures en cause et de la saisine de la Commission, elle n’avait pas répercuté les nouveaux frais sur ses clients, que, « [c]ependant, [elle] av[ait] réduit [se]s volumes d’émission de cartes CB, puisque le MERFA sanctionn[ait] l’activité d’émission » et qu’elle « transform[ait] moins de cartes privatives en cartes CB ». Elle a également relevé dans cette déclaration que « [l]’introduction à fin décembre 2002 par le Groupement […] des frais MERFA a[vait] eu un impact très important sur [son] plan d’émission de cartes CB » et que, « eu égard à [son] niveau de résultat, [elle avait] réduit [ses] ambitions d’émission de cartes bancaires afin de pouvoir supporter le coût du MERFA ». En outre, la Commission a relevé que cette banque avait émis seulement 48 % des cartes prévues. Elle a également précisé que cette déclaration ainsi qu’une autre déclaration de 2005 confirmaient la déclaration de la Banque Accord datant du 20 mars 2003, selon laquelle « [l]a nouvelle tarification [l’]amènera[it] à modifier l’offre actuelle qui était viable économiquement avant l’annonce de cette décision, voire à la supprimer ».

304    Le requérant ne saurait non plus prétendre que l’affirmation de la Banque Accord de 2005, selon laquelle le marché n’a pas répondu à ses attentes, est en contradiction avec la déclaration de cette banque du 20 mars 2003 concernant les prévisions faites par cette dernière, en ignorant la déclaration de la même banque du 10 novembre 2003 qui concerne les effets réels des mesures en cause après leur application.

305    Il y a lieu également de relever que le requérant avait déjà soulevé ce même argument lors de la procédure administrative [considérant 322, sous d), de la décision attaquée]. La Commission, au considérant 330, sous e), de la décision attaquée, a relevé que, dans sa déclaration de 2005, la Banque Accord avait également indiqué que la baisse de l’émission de cartes CB en 2003 et en 2004 était également due au fait que « [ses] actionnaires [lui avaient] demandé d’être prudent[e], compte tenu de l’impact des mesures prises par le [Groupement] sur le business de cette activité » et qu’« [elle avait] donc réduit [ses] actions marketing de prospection de 20 % environ ». Contrairement à ce que soutient le requérant, cette déclaration ne contredit pas celle de novembre 2003 dans laquelle la Banque Accord indiquait également qu’elle renonçait à ses projets de prospection dans les magasins Auchan.

306    Troisièmement, la déclaration d’AGF du 13 octobre 2005 n’est pas citée au considérant 320 de la décision attaquée parmi les déclarations de nouveaux entrants venant à l’appui de la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures en cause ont eu pour effet de réduire l’ampleur de leurs plans d’émission de cartes CB, mais cette déclaration est uniquement citée au considérant 330, sous c), de la décision attaquée, en réponse à l’argument du requérant soulevé pendant la procédure administrative.

307    En outre, il ressort de cette déclaration que, si AGF a effectivement indiqué que c’était pour des raisons commerciales qu’elle n’avait pas pu atteindre le nombre de cartes émises prévu, elle a également affirmé que, une mise en œuvre du MERFA « induisant une modification des critères d’équilibre financier », elle devra « revoir son business plan et réétudier sa stratégie commerciale en matière d’émission de cartes CB ». Contrairement à ce que prétend le requérant, il ne s’agit pas ici uniquement des effets potentiels des mesures en cause, AGF n’indiquant pas qu’elle « devrait » revoir son plan d’émission « si le MERFA devait être mis en œuvre », mais que, du fait de l’application du MERFA, elle devra revoir ce plan.

308    Partant, il y a lieu de constater que les déclarations concordantes de S2P, de la Banque Accord et d’AGF confirment la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures en cause ont eu des effets sur les plans d’émission des nouveaux entrants. Le fait que d’autres causes aient pu les conduire également à réviser ces plans ne modifie pas ce constat.

309    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la quatrième branche doit être rejetée.

 Sur la cinquième branche, tirée d’erreurs relatives aux effets sur la préservation des revenus des chefs de file et sur le prix de leurs cartes CB

310    Le requérant, soutenu par BNP Paribas, fait valoir que la Commission a considéré à tort que, en raison des mesures en cause qui imposaient aux nouveaux entrants un surcoût ou une limitation de l’émission de cartes CB, les chefs de file subissaient une pression concurrentielle moindre sur le prix de leurs cartes CB.

311    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que les mesures en cause permettaient aux chefs de file de limiter significativement l’érosion de leurs revenus qu’ils subiraient du fait de l’émission par les nouveaux entrants d’un nombre significatif de cartes CB à des prix sensiblement inférieurs aux leurs (considérants 302 et 333 de la décision attaquée). Elle a également constaté que les mesures en cause avaient permis aux chefs de file d’augmenter ou, tout au moins, de maintenir le prix de leurs cartes CB durant la période d’application des mesures en cause et après leur suspension (considérants 338 et 353 de la décision attaquée).

312    Premièrement, le requérant fait valoir que le surcoût lié aux mesures en cause est évitable et que, par conséquent, les nouveaux entrants ne doivent pas nécessairement augmenter le prix de leurs cartes CB ou limiter leurs volumes d’émission de cartes CB. En outre, la répercussion du surcoût sur le prix des cartes CB constituerait une option commerciale et non une nécessité.

313    Ces arguments ont déjà été rejetés dans le cadre de l’analyse des deuxième et cinquième griefs de la troisième branche (voir points 188 à 204 et points 247 à 253 ci-dessus).

314    Deuxièmement, le requérant fait valoir que la Commission n’a pas démontré que les nouveaux entrants, en l’absence des mesures en cause, auraient vendu leurs cartes CB à des prix sensiblement inférieurs à ceux qu’ils pratiquent. En outre, la Commission n’aurait pas démontré l’existence d’un lien de causalité entre les mesures en cause et les prix pratiqués par les chefs de file.

315    Il ressort de l’analyse de la troisième branche que le surcoût imposé par les mesures en cause est tel, notamment au regard du prix des cartes CB, que les nouveaux entrants répercuteront tout ou partie de ce surcoût sur le prix de leurs cartes CB ou qu’ils devront supporter des frais supplémentaires qui les conduiront à ne pas diminuer le prix de ces cartes. Le requérant ne saurait contester que, en l’absence des mesures en cause, ces coûts additionnels liés à chaque carte émise n’existaient pas. En considérant, dans la décision attaquée, que l’imposition de frais additionnels conduit à ce que les nouveaux entrants doivent notamment augmenter le prix de leurs cartes ou réduire leurs plans d’émission, ce qui a pour effet de diminuer la pression concurrentielle sur les prix pratiqués par les chefs de file, la Commission a suffisamment établi l’existence d’un lien de causalité entre les mesures en cause et les prix des cartes des chefs de file. À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de plusieurs déclarations des chefs de file et du Groupement qu’ils avaient eux-mêmes anticipé un effet de contagion entre les prix qui seraient pratiqués par les nouveaux entrants et les prix de leurs propres cartes CB.

316    Troisièmement, selon le requérant, c’est à tort que la Commission n’a pas pris en compte la variété des fonctionnalités attachées aux cartes, qui sont variables d’une banque à l’autre.

317    Il suffit de relever que cet argument a déjà été rejeté dans le cadre de l’analyse du sixième grief de la troisième branche (voir points 275 à 277 ci-dessus).

318    Quatrièmement, le requérant soutient que la Commission a suggéré à tort que les mesures en cause bénéficiaient aux seuls chefs de file alors qu’il avait démontré, lors de la procédure administrative, que certaines banques étrangères ou de la grande distribution, telles Edel, S2P, Revillon et Sygma, n’étaient pas redevables du MERFA car leur activité portait non seulement sur l’émission mais aussi sur l’acquisition.

319    À cet égard, il suffit de relever que ce n’est pas parce que ces banques ne sont pas redevables du MERFA qu’elles bénéficient des mesures en cause. En effet, le fait qu’elles ne paient pas le MERFA peut résulter du fait qu’elles ont limité leurs volumes d’émission de cartes CB.

320    Par ailleurs, BNP Paribas soutient que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs. Elle indique que, parmi les principales banques que la Commission a présentées comme pénalisées par le MERFA, figurent S2P, COVEFI et Cofidis dont elle détient respectivement 40 %, 34 % et 15 % du capital. Selon elle, la Commission ne pouvait donc soutenir sans se contredire, d’une part, que les chefs de file, tels que BNP Paribas, qui ont voté en faveur du MERFA, étaient « épargnés » par sa formule et, d’autre part, que ces trois banques étaient ciblées par le MERFA.

321    À cet égard, il y a lieu de relever, comme le fait la Commission dans ses observations sur l’arrêt de renvoi, que la participation de BNP Paribas dans le capital de S2P, de COVEFI et de Cofidis est minoritaire. BNP Paribas et chacune de ces trois banques ne forment donc pas une seule et même entreprise mais deux entreprises distinctes. Il n’est donc pas contradictoire d’affirmer, d’une part, que BNP Paribas est épargnée par le MERFA et, d’autre part, que ces trois banques sont ciblées par le MERFA. Par ailleurs, il convient de rappeler que le critère du Groupe CIP, retenu dans la formule du MERFA, favorise les filiales détenues à plus de 51 % par les chefs de file (voir point 238 ci-dessus). Or, BNP Paribas se prévaut de ses trois filiales qui sont soumises au MERFA sans jamais indiquer combien de ses filiales échappaient au MERFA du fait de l’application de ce critère.

322    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la cinquième branche doit être rejetée.

 Sur la première branche, tirée d’erreurs relatives à l’effet de limitation du développement technique des cartes CB

323    Le requérant fait valoir que la Commission a considéré à tort que les mesures en cause limitaient le développement technique des cartes CB.

324    Il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas consacré de développements à la démonstration que les mesures en cause avaient des effets sur le développement technique. Elle n’a abordé cette question qu’au titre d’un effet secondaire découlant du surcoût imposé aux nouveaux entrants par les mesures en cause.

325    Ainsi, s’agissant des effets potentiels, la Commission a constaté que plusieurs nouveaux entrants avaient fait valoir qu’ils avaient effectivement été pénalisés et que le développement technique des cartes s’en était trouvé limité, l’offre de nouvelles fonctionnalités ayant été réduite (considérant 281 de la décision attaquée). Par exemple, la Commission a souligné que la Banque Accord avait déclaré, en mars 2003, que les nouvelles tarifications allaient l’obliger à « supprimer ou [à] rendre payants des services qui [étaient] aujourd’hui gratuits », à « réduire, ou éventuellement à supprimer [sa] prime de fidélité versée à chaque opération de paiement » et avait indiqué qu’elle envisageait une réduction ou la suppression du « cash-back » offert sur ses cartes Visa (note en bas de page n° 365 de la décision attaquée).

326    S’agissant des effets réels, la Commission a constaté ce qui suit au considérant 317 de la décision attaquée :

« Pendant la période d’application des mesures, ces dernières ont donc imposé des frais supplémentaires aux nouveaux entrants tout en épargnant les chefs de file. Par conséquent, les mesures en cause ont empêché l’offre de cartes à des prix sensiblement inférieurs à ceux des grandes banques ou d’autres services liés aux cartes offertes gratuitement ou à des prix inférieurs et, de ce fait, elles contribuent au maintien du statu quo (préservation des revenus et des parts de marché). Les mesures en cause ont également eu pour effet de décourager l’émission de cartes par les nouveaux entrants (plus ils émettent de cartes, plus le montant à payer est élevé) et, de ce fait, ont limité la production de cartes bancaires. De plus, dans la mesure où les nouveaux entrants allaient émettre des cartes dotées de nouvelles fonctionnalités, les mesures en cause ont limité le développement technique des cartes bancaires. »

327    Il y a lieu de relever que cette constatation est confirmée par des déclarations de nouveaux entrants qui indiquent que le surcoût induit par les mesures en cause conduira à une augmentation du prix des cartes ou des services attachés à ces cartes, ou encore à une réduction de ces services. Par exemple, COVEFI a déclaré le 19 mars 2003 qu’« [elle serait] dans l’obligation d’en répercuter les coûts [sur] [ses] clients au travers du prix des services ou de limitations d’utilisations » [considérant 330, sous b), de la décision attaquée]. Dans une déclaration de novembre 2003, GE Capital bank a indiqué qu’elle « envisage[ait] de mettre en place plusieurs actions pour lui permettre d’assurer la rentabilité liée à l’émission de ses cartes CB : […] supprimer un des services inclusifs à ses cartes CB » [note en bas de page n° 384, sous d), de la décision attaquée].

328    Premièrement, le requérant soutient que l’effet de limitation du développement technique ne constitue qu’une conséquence secondaire de l’effet de réduction des plans d’émission des nouveaux entrants, lequel n’aurait pas été établi.

329    À cet égard, il suffit de constater que cet argument résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée. La Commission a en effet constaté que la limitation des services offerts par les nouveaux entrants résultait du surcoût imposé par les mesures en cause et non de la réduction des plans d’émission.

330    Deuxièmement, le requérant soutient que le raisonnement de la Commission suppose que les nouveaux entrants ne puissent proposer des cartes dotées de nouvelles fonctionnalités qu’au sein du système CB. Cependant, le système CB ne constituerait pas une facilité essentielle, ce que la Commission aurait elle-même reconnu. Partant, les nouveaux entrants pourraient émettre des cartes dotées de nouvelles fonctionnalités sans passer par ce système, ainsi que le démontrerait le développement, en France, des cartes American Express et Diners Club et des cartes privatives qui sont dotées des fonctionnalités les plus diverses.

331    À cet égard, il convient de relever que le requérant ne conteste pas le fait que le niveau d’acceptation des cartes CB en France est extrêmement élevé et que la part de marché des cartes CB en valeur des transactions en France est de 78 % (considérants 17 et 20 de la décision attaquée). Il ne conteste pas non plus le fait que le retrait avec une carte American Express ou Diners Club n’est possible que dans un nombre limité de banques (considérants 25 et 26 de la décision attaquée) et que l’usage de cartes privatives ou d’enseignes qui portent la marque de magasins ou d’enseignes privés est souvent limité au paiement dans ces magasins ou enseignes et chez leurs partenaires (considérant 24 de la décision attaquée). Ainsi, si un nouvel entrant peut émettre des cartes dotées de nouvelles fonctionnalités en France sans passer par le système CB, il n’en demeure pas moins que, s’il souhaite proposer une carte bénéficiant d’un certain niveau d’interbancarité, il peut difficilement faire l’économie d’une affiliation au système CB.

332    Partant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que les mesures en cause limitant la concurrence que certains membres du système CB pourraient exercer sur d’autres membres de ce système (notamment en termes d’offres de fonctionnalités attachées aux cartes CB) devaient être considérées comme anticoncurrentielles.

333    Troisièmement, le requérant fait valoir que les fonctionnalités offertes par les nouveaux entrants ne sont ni nouvelles ni originales. De nombreuses cartes CB les proposeraient en complément des fonctions de paiement et de retrait, ainsi que cela ressortirait d’un tableau comparant les fonctionnalités de différentes cartes CB présenté par le requérant en annexe de la requête et de la réplique.

334    À cet égard, il suffit de constater que la Commission a estimé dans la décision attaquée que le surcoût lié aux mesures en cause pouvait conduire les nouveaux entrants à réduire les fonctionnalités existantes de leurs cartes CB ou les empêcher d’en proposer de nouvelles. Le fait que certaines de ces fonctionnalités soient éventuellement également proposées par les chefs de file n’est pas pertinent.

335    Quatrièmement, le requérant soutient que c’est l’absence des mesures en cause qui a produit un effet de limitation du développement technique. En effet, sans celles-ci, les membres du système CB ne pourraient qu’être découragés de consacrer des ressources importantes à son développement et à son amélioration technique si son accès et son utilisation étaient ouverts à des conditions financières inappropriées.

336    Cet argument doit être rejeté, dans la mesure où le requérant n’indique pas quelle est la partie du raisonnement de la Commission qui serait entachée d’une erreur à cet égard et où il ne fait pas référence au développement technique des cartes CB, mais au développement technique du système CB. En tout état de cause, il convient de relever que cet argument est contredit par le fait, non contesté par le requérant, que, malgré la suspension des mesures en cause, les membres du système CB ont continué à investir dans ce système (considérant 421 de la décision attaquée).

337    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la première branche doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs relatives à l’effet de cloisonnement du marché de l’émission de cartes bancaires français

338    Le requérant soutient que la démonstration de la Commission, relative à l’effet potentiel de cloisonnement du marché de l’émission de cartes bancaires français, est entachée de plusieurs erreurs.

339    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la situation concurrentielle des banques étrangères était peu favorable, parce que, si ces banques souhaitaient émettre des cartes de paiement en France, elles devaient en pratique s’affilier au système CB et que les règles du Groupement limitaient l’émission transfrontalière. Elle a ajouté que cette situation serait rendue encore plus difficile du fait du surcoût engendré par les mesures en cause, les banques étrangères étant mal placées pour éviter leur application en établissant un réseau d’acquisition de commerçants en France ou un réseau de DAB. Elle a également souligné que son analyse était partagée par des banques étrangères et des systèmes de paiement par carte. À cet égard, elle a cité une déclaration de Citibank et une déclaration de Visa. En outre, elle a relevé qu’il ressortait de la notification des mesures en cause que le Groupement avait prévu que la plupart des nouvelles demandes d’adhésion au système CB seraient introduites par des banques étrangères. Elle a conclu que, en pénalisant et en entravant la concurrence de la part des banques étrangères, les mesures en cause avaient pour effet de cloisonner le marché de l’émission de cartes bancaires français (considérants 304 à 306 et 309 de la décision attaquée).

340    Premièrement, le requérant fait valoir que la démonstration de la Commission s’appuie sur la déclaration d’une seule banque étrangère, qui a tout intérêt à ne pas s’acquitter des mesures en cause, et sur celle d’un concurrent du Groupement, le système Visa. Ainsi, ces déclarations ne sauraient être considérées comme étant revêtues d’une valeur probante suffisante pour démontrer des effets potentiels.

341    À cet égard, il convient de rappeler que la valeur probante de ces déclarations ne saurait être remise en cause en raison de la seule qualité de leurs auteurs. En effet, les acteurs du marché, tels que les concurrents et les autres membres du Groupement, sont une source d’information importante pour la Commission et il ne saurait lui être reproché ni de se tourner vers ceux-ci aux fins de recueillir leurs déclarations concernant les mesures en cause, ni de fonder ses observations sur ces déclarations lorsqu’elles sont convergentes.

342    En outre, la démonstration par la Commission du fait que les mesures en cause avaient pour effet de cloisonner le marché de l’émission de cartes bancaires français ne s’appuie pas uniquement sur ces deux déclarations.

343    À cet égard, il y a lieu de relever que les banques étrangères subissent le même surcoût engendré par les mesures en cause que les autres nouveaux entrants. Leur situation, par rapport à celle des nouveaux entrants établis en France, est toutefois aggravée, étant donné qu’il est encore plus difficile pour les banques étrangères d’éviter ce surcoût. En effet, d’une part, la difficulté pour ces banques d’affilier des commerçants et donc de développer l’acquisition est accrue en raison de la nécessité d’établir un réseau de proximité en France où elles ne sont pas établies. D’autre part, il est d’autant plus difficile pour ces banques d’émettre des cartes bancaires en France sans être membres du système CB que, en vertu des règles du Groupement adoptées en 1995 et modifiées en 2000, les cartes Visa ou Mastercard émises hors de France sont rendues inutilisables si elles sont utilisées principalement dans le système CB sans que l’établissement émetteur y adhère.

344    Deuxièmement, le requérant soutient que les références faites aux retraits des deux banques étrangères du marché français, Egg et Capital One, aux considérants 307 et 476 de la décision attaquée, sont tendancieuses, la Commission ayant elle-même reconnu qu’aucun lien de causalité ne pouvait être constaté entre les mesures en cause et ces retraits.

345    Il suffit de constater que cet argument est inopérant, le requérant reconnaissant lui-même que la Commission n’a tiré aucune conclusion du constat selon lequel ces deux banques étrangères s’étaient retirées du marché après l’adoption des mesures en cause.

346    Troisièmement, le requérant soutient que la Commission n’a pas démontré que les mesures en cause produisaient un effet de « cloisonnement réel et significatif ». Il fait valoir que, l’adhésion au système CB n’étant pas un préalable nécessaire pour émettre des cartes en France, un haut niveau de preuve était exigé pour démontrer un tel effet de cloisonnement.

347    Il y a lieu de constater que, la partie de la décision attaquée relative au cloisonnement du marché de l’émission des cartes bancaires français (considérants 304 à 309 de la décision attaquée), contestée par le requérant, concernant les effets potentiels des mesures en cause, la Commission n’était pas tenue d’établir l’existence d’effets réels.

348    En outre, le requérant n’explique pas à quoi correspond un cloisonnement considéré comme « significatif », ni pour quelle raison l’effet de cloisonnement devrait être significatif.

349    Enfin, le requérant n’explique pas pour quelle raison un niveau de preuve élevé serait exigé pour démontrer un effet de cloisonnement du marché de l’émission des cartes bancaires français. Par ailleurs, s’agissant de son affirmation selon laquelle l’adhésion au système CB n’est pas un préalable nécessaire pour émettre des cartes en France, il suffit de rappeler qu’un nouvel entrant qui souhaite émettre en France des cartes bénéficiant d’un certain niveau d’interbancarité peut difficilement faire l’économie d’une affiliation au système CB (voir point 331 ci-dessus).

350    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la deuxième branche doit être rejetée.

 Sur la sixième branche, tirée d’erreurs relatives aux autres effets

351    Le requérant fait valoir, s’agissant des effets des mesures en cause autres que ceux sur les prix et sur les volumes d’émission des cartes CB, que la Commission s’est appuyée, à nouveau, uniquement sur des déclarations faites par des établissements qui auraient tout intérêt à ne pas voir les mesures en cause appliquées et qu’elle s’est dispensée de toute démonstration du caractère anticoncurrentiel de ces autres effets.

352    Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que les mesures en cause n’avaient pas eu pour seuls effets la réduction des volumes d’émission de cartes CB et le maintien (voire l’augmentation) des prix des cartes CB des nouveaux entrants et des chefs de file, mais qu’elles avaient également eu pour effet d’obliger les banques assujetties à celles-ci à constituer des provisions, à revoir leurs plans marketing et de communication, à renoncer à des programmes de fidélité, à renoncer à commercialiser leurs cartes dans leurs hypermarchés et à émettre des cartes de retrait plutôt que des cartes de paiement et de retrait (considérant 357 de la décision attaquée).

353    D’une part, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la valeur probante des déclarations des nouveaux entrants est limitée, il convient de rappeler que la valeur probante de ces déclarations ne saurait être remise en cause en raison de la seule qualité de leur auteur (voir point 341 ci-dessus).

354    D’autre part, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la Commission se dispense de toute démonstration du caractère anticoncurrentiel de ces autres effets, il est inopérant. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a démontré que les mesures en cause avaient notamment des effets sur les prix et sur les volumes d’émission des cartes CB des nouveaux entrants, ce qui conduisait à une baisse de la pression concurrentielle sur les prix des cartes CB des chefs de file. Cette démonstration était suffisante pour conclure que les mesures en cause avaient des effets anticoncurrentiels. La Commission n’a indiqué l’existence des autres effets, qui découlent des effets des mesures en cause sur les prix et sur les volumes d’émission de cartes CB, qu’à titre additionnel.

355    Il résulte de ce qui précède que la sixième branche doit être rejetée.

356    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les mesures en cause entraînaient l’imposition d’un surcoût pour les nouveaux entrants ayant pour effets actuels ou potentiels soit de les contraindre à augmenter le prix de leurs cartes CB soit de limiter leur activité d’émission. Dans les deux cas, il en a résulté une moindre pression concurrentielle sur les chefs de file qui ont pu maintenir leurs revenus et le prix de leurs cartes CB.

357    Par ailleurs, étant donné que les chefs de file détenaient [confidentiel] % du marché de l’émission de cartes CB et que ces cartes représentaient (en valeur des transactions) 78 % du marché de l’émission des cartes en France, la Commission a considéré à juste titre que les mesures en cause avaient des effets restrictifs appréciables sur le marché de l’émission de cartes en France.

358    De plus, prenant en compte que les mesures en cause produisaient un effet de cloisonnement du marché des cartes de paiement français, que tout émetteur de cartes bancaires ayant vocation à être utilisées principalement dans le cadre du système CB est obligé de devenir membre du système CB et que plusieurs banques étrangères sont déjà membres du système CB ou ont vocation à y adhérer, la Commission a considéré à juste titre que le commerce entre États membres était affecté de manière sensible.

359    Dès lors, la Commission a conclu à bon droit que les mesures en cause avaient des effets restrictifs de concurrence et étaient contraires à l’article 81, paragraphe 1, CE.

360    Partant, le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’applicabilité de cette disposition aux mesures en cause

361    Par le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire, le requérant, soutenu par les intervenantes, fait valoir que la Commission a commis plusieurs erreurs lors de son examen de l’applicabilité de chacune des quatre conditions pour bénéficier d’une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Ce moyen se divise en quatre branches correspondant à chacune des quatre conditions d’application de cette disposition.

362    Selon la jurisprudence, toute décision d’association d’entreprises restreignant la concurrence, que ce soit par ses effets ou par son objet, peut en principe bénéficier d’une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 233 et jurisprudence citée).

363    Afin d’obtenir une exemption sur le fondement de l’article 81, paragraphe 3, CE, un requérant doit démontrer que les mesures notifiées remplissent les quatre conditions énumérées dans cet article, à savoir, premièrement, que l’accord concerné contribue à améliorer la production ou la distribution des produits en cause ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement, qu’une partie équitable du profit qui en résulte soit réservée aux utilisateurs, troisièmement, qu’il n’impose aucune restriction non indispensable aux entreprises participantes et, quatrièmement, qu’il ne leur donne pas la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause (voir arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 234 et jurisprudence citée).

364    Il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce paragraphe sont remplies. En conséquence, la personne qui se prévaut de l’article 81, paragraphe 3, CE doit démontrer que ces conditions sont réunies, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants (voir arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 235 et jurisprudence citée).

365    Pour sa part, la Commission doit examiner adéquatement ces arguments et ces éléments de preuve, c’est-à-dire déterminer s’ils démontrent que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE sont réunies. Dans certains cas, ces arguments et ces éléments de preuve peuvent être de nature à l’obliger à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve incombant à la personne se prévalant de l’article 81, paragraphe 3, CE a été satisfaite. La Commission doit, en pareil cas, réfuter ces arguments et ces éléments de preuve (voir arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 236 et jurisprudence citée).

366    En l’espèce, le requérant conteste notamment l’examen par la Commission de la condition relative à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique. Il fait valoir que, conformément à la pratique décisionnelle constante de la Commission selon laquelle les mesures qui renforcent les systèmes de paiement remplissent la première condition de l’article 81, paragraphe 3, CE, le Groupement a démontré, lors de la procédure administrative, que les mesures en cause étaient nécessaires pour éviter deux sortes de comportement, à savoir, d’une part, l’accès au système CB sans rémunération appropriée et, d’autre part, l’usage de ce système par des banques qui ne développent pas leur activité d’acquisition dans une mesure proportionnée à leur activité d’émission. Ces deux comportements seraient susceptibles de nuire gravement au maintien et au développement du système CB. La Commission aurait illégalement rejeté ces deux justifications.

367    Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que le Groupement avait soutenu, lors de la procédure administrative, que les mesures en cause contribuaient au progrès économique ou technique dans la mesure où, en leur absence, le système CB serait menacé de parasitisme. Le Groupement aurait soutenu que ce parasitisme découlerait d’une première source résultant du profit que les nouveaux entrants tireraient des investissements consentis par les autres membres ou de la valeur du système CB et d’une seconde source résultant de ce que les nouveaux entrants, essentiellement émetteurs, profiteraient des externalités positives générées par les activités d’acquisition. Ainsi, le Groupement aurait soutenu que les mesures en cause visaient à répondre à ces deux sources de parasitisme en ce qu’elles consistent en un montant versé en contrepartie de la valeur du système et en tant que mécanisme d’équilibrage entre les fonctions d’acquisition et d’émission (considérants 380 à 388 de la décision attaquée).

368    S’agissant de la première source de parasitisme, la Commission a considéré que le Groupement n’avait pas démontré en quoi consistait ce parasitisme des investissements ou de la valeur du système (considérants 389 à 403 de la décision attaquée) et que plusieurs raisons s’opposaient à une justification des mesures en cause par une nécessité de rémunérer les investissements (considérants 404 à 429 de la décision attaquée). S’agissant de la seconde source de parasitisme, elle a estimé que le MERFA ne pouvait être justifié par la nécessité de réguler les activités d’émission et d’acquisition (considérants 430 à 468 de la décision attaquée). Elle a donc considéré que le Groupement n’avait pas démontré l’existence d’un parasitisme du système CB et que, en tout état de cause, un tel parasitisme n’existait pas (considérants 469 à 470 de la décision attaquée). Elle en a conclu que le requérant n’avait pas démontré que les mesures en cause contribuaient au progrès technique ou économique (considérant 472 de la décision attaquée). Par ailleurs, elle a relevé que les mesures en cause avaient des effets économiques négatifs (considérants 473 à 477 de la décision attaquée).

369    À l’appui de son argumentation relative à l’examen par la Commission de la condition relative à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique, le requérant soulève quatre griefs. Le requérant reproche à la Commission d’avoir illégalement rejeté les deux justifications des mesures en cause relatives à la nécessité d’une rémunération de l’accès au système CB (premier grief) et à la nécessité d’une régulation de l’activité d’acquisition (deuxième grief). Il fait valoir que la Commission a commis des erreurs en concluant qu’il n’existait pas de parasitisme (troisième grief) et que les mesures en cause avaient des effets économiques négatifs (quatrième grief).

 Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à la nécessité d’une rémunération de l’accès au système CB

370    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que le Groupement n’avait pas démontré l’existence d’un parasitisme des investissements ou de la « valeur d’usage » du système CB (première source de parasitisme).

371    En premier lieu, la Commission a estimé que le Groupement n’avait pas été en mesure de déterminer la valeur des investissements passés prétendument parasités, ni de définir ou de calculer la valeur « d’usage » du système CB (considérants 390 à 403 de la décision attaquée). D’une part, elle a considéré que le Groupement n’indiquait pas réellement la valeur des investissements prétendument parasités en les distinguant des coûts dont les banques qui ont réalisé ces investissements ont bénéficié directement et qu’il n’avait pas précisé quelles étaient les données ni quelle était la méthode utilisée pour parvenir à une estimation de 4 milliards d’euros (considérant 393 de la décision attaquée). D’autre part, elle a relevé que le Groupement, en ne définissant pas ce que recouvrait la notion d’usage du système, en n’indiquant aucune méthodologie pour en déterminer la valeur et en ne procédant à aucune estimation de cette valeur, n’avait pas établi l’existence d’un parasitisme dont cette valeur « d’usage » ferait l’objet et n’avait pas établi que les prestations déjà rémunérées par les commissions interbancaires (qui ne sauraient donc être parasitées) avaient été exclues de la valeur « d’usage » (considérant 403 de la décision attaquée).

372    En second lieu, la Commission a considéré que plusieurs raisons s’opposaient à une justification des mesures en cause par une nécessité de rémunérer les investissements (considérants 404 à 427 de la décision attaquée).

373    Ainsi, premièrement, la Commission a estimé que le Groupement ne pouvait justifier les mesures en cause par des coûts excédant largement ceux supportés dans l’intérêt du système. Elle a indiqué que, outre les coûts rattachables à la constitution du système CB proprement dit, le Groupement avait inclus d’autres coûts dans la notion d’investissements parasités, tels que le coût des agents informatiques dans les banques, les coûts d’installation des DAB, de fabrication des cartes, des terminaux de paiement électronique, de maîtrise des taux de fraude et de la garantie des paiements au bénéfice des commerçants (considérant 406 de la décision attaquée). Le Groupement, dans son estimation des coûts d’investissement dans le système CB à 4 milliards d’euros, aurait tenu compte de coûts qui recouvraient des activités dont seules les banques qui les supporteraient tireraient profit (considérant 407 de la décision attaquée) et de coûts supportés par les commerçants eux-mêmes (considérant 408 de la décision attaquée) et aurait ignoré les investissements effectués par les nouveaux entrants qui contribuaient aux frais de fonctionnement du système CB (considérant 409 de la décision attaquée). Elle a également relevé que cette estimation tenait compte d’investissements passés dont certains étaient déjà amortis, puisque déjà remplacés, obsolètes ou usés, et qui n’étaient donc plus utilisables par de nouveaux entrants (considérant 411 de la décision attaquée).

374    Deuxièmement, la Commission a rejeté les arguments du Groupement soulevés lors de la procédure administrative concernant la nécessité de rémunérer les investissements passés en relevant que le Groupement n’avait pas démontré lesquels de ces investissements passés il conviendrait de rémunérer par les mesures en cause, alors que bon nombre de ces investissements avaient perdu tout ou partie de leur valeur pour les nouveaux entrants, du fait de leur remplacement, de leur obsolescence ou de leur usure (considérant 415 de la décision attaquée). Elle a ajouté que le Groupement n’avait pas démontré que les investissements des membres « traditionnels » du système CB n’avaient pas déjà été rémunérés, ni que ces membres auraient davantage contribué au système CB que les nouveaux entrants, alors même qu’il reconnaissait qu’une partie des investissements des membres « traditionnels » avait servi au développement de leur propre activité (considérant 416 de la décision attaquée).

375    Troisièmement, la Commission a rejeté les arguments du Groupement concernant la protection des investissements futurs et le risque d’éclatement du système CB en relevant que le Groupement n’avait pas apporté la preuve de ce risque, mais se contentait d’invoquer l’existence d’un risque de parasitisme des nouveaux entrants qui inciterait les chefs de file à quitter le Groupement (considérant 422 de la décision attaquée). Elle a également rejeté l’argumentation du Groupement selon laquelle la mise en place du SEPA, associée à l’existence du parasitisme, serait de nature à inciter les membres du Groupement à quitter le système CB. Elle a relevé, notamment, que, tous les membres du Groupement étant membres des systèmes Visa ou MasterCard, dont les services sont conformes aux règles du SEPA, ils n’avaient pas besoin de quitter le système CB pour offrir des services conformes au SEPA. Elle a ajouté que, « pour autant qu’une hypothétique incapacité du Groupement à se conformer aux règles [du] SEPA dans les délais [était] la cause potentielle de retraits du Groupement, ces retraits ne seraient pas dus à un prétendu phénomène de parasitisme (au demeurant, le Groupement ne démontre ni l’existence de ce parasitisme ni que les mesures en cause [sont] à même de le pallier), mais à la non-conformité aux règles [du] SEPA » (considérant 425 de la décision attaquée).

376    Quatrièmement, la Commission a estimé que, les montants à payer au titre des mesures en cause augmentant en fonction du nombre de cartes émises, l’assiette de ces mesures était incompatible avec une justification fondée sur une nécessaire rémunération des investissements, en l’absence de laquelle ces derniers seraient parasités (considérant 427 de la décision attaquée).

377    À titre liminaire, il convient de relever que le requérant ne soulève aucun argument visant à contester la conclusion de la Commission selon laquelle il n’aurait pas été en mesure de définir clairement la valeur des investissements qui auraient été parasités, ni les motifs pour lesquels elle avait considéré que l’estimation de 4 milliards d’euros ne pouvait être retenue. Il ne conteste pas non plus la conclusion de la Commission selon laquelle certains des coûts inclus dans la valeur des investissements ne sont pas des coûts supportés dans l’intérêt du système CB et donc selon laquelle les mesures en cause ne peuvent être justifiées par une nécessité de rémunérer les investissements passés.

378    Il en ressort que le requérant ne conteste pas la conclusion de la Commission selon laquelle le Groupement n’aurait pas démontré l’existence d’un parasitisme des investissements passés. Il se contente de soulever des arguments relatifs à la valeur « d’usage » du système CB, à son risque d’éclatement et à l’assiette des mesures en cause.

–       Sur la valeur « d’usage » du système CB

379    Premièrement, le requérant conteste l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 419 de la décision attaquée, selon laquelle elle se serait contentée d’une estimation suffisamment sérieuse de la valeur dont bénéficient les membres du système CB et d’une explication sur ce à quoi les chefs de file contribuent déjà par rapport aux nouveaux entrants pour mettre en évidence l’existence d’un parasitisme de la part de ces derniers. Il soutient qu’il a démontré, lors de la phase administrative, la valeur que les nouveaux entrants reconnaissent au système CB en doublant ou en triplant le prix de leur carte privative lorsqu’ils la transforment en carte CB et que cette valeur n’était pas rémunérée par les commissions interbancaires.

380    Par cet argument, le requérant se contente de répéter les observations qu’il avait présentées, lors de la procédure administrative, concernant le parasitisme de la valeur « d’usage » du système CB. Dans sa réponse à la seconde communication des griefs, le Groupement avait soutenu que la valeur d’usage du système CB correspondait à la valeur du système « aux yeux de ceux qui souhait[ai]ent y accéder » et serait au minimum égale à la différence entre le prix de la carte CB d’une banque et celui de sa carte privative (considérants 391 et 396 de la décision attaquée). Il y avait également indiqué (points 149 à 155 de sa réponse à la seconde communication des griefs) que les commissions interbancaires payées au titre de chaque opération n’étaient pas de nature à rémunérer la valeur « d’usage » du système (considérant 401 de la décision attaquée).

381    À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que le Groupement n’avait pas défini clairement ce qu’il entendait par la valeur « d’usage » du système CB. Elle a relevé que rien ne permettait d’affirmer que la différence entre le prix d’une carte privative et celui d’une carte CB d’une même banque correspondait à la différence entre une valeur « d’usage » et la prétendue valeur moindre de la contribution de certains membres. Elle a indiqué que le Groupement n’avait ni calculé la valeur « d’usage », ni défini la valeur moindre des contributions de certains membres et qu’il n’avait pas non plus démontré en quoi cette dernière était inférieure à la valeur « d’usage ». Elle a ajouté que le Groupement n’avait pas expliqué pour quel motif et de quelle manière la valeur « d’usage » variait d’un membre du Groupement à l’autre. Ainsi, elle a constaté que le Groupement n’expliquait pas pourquoi cette valeur dépendait, pour une banque donnée, de la préexistence ou non d’un parc de cartes privatives et de leur prix, ni comment la différence de prix entre une carte privative et une carte CB pouvait refléter la valeur « d’usage » du système CB, alors même que l’appartenance au système CB entraînait des coûts vraisemblablement supérieurs à ceux d’un système de cartes privatives (considérant 398 de la décision attaquée).

382    D’autre part, la Commission a indiqué que, en usant du système CB, chaque membre du Groupement contribuait à son fonctionnement et bénéficiait d’un certain nombre de prestations qu’il rémunérait par le paiement des commissions interbancaires au titre de chaque transaction. À cet égard, elle a énuméré un certain nombre de prestations liées à l’usage du système CB qui étaient déjà rémunérées par les commissions interbancaires (considérant 402 de la décision attaquée).

383    Force est de constater que le requérant ne soulève aucun nouvel argument susceptible de remettre en cause ces appréciations de la Commission.

384    Deuxièmement, le requérant fait valoir que, contrairement à ce qu’estime la Commission, aux considérants 415 et 419 de la décision attaquée, le simple droit de pouvoir faire rémunérer l’accès à un actif, quand bien même il serait amorti, contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, sans qu’il soit nécessaire d’établir la valeur de cet actif à partir des investissements utilisés pour le financer. Il soutient que, la valeur du système CB étant principalement immatérielle, le recours de la Commission à la notion d’amortissement ainsi que la référence aux investissements qui ont perdu toute valeur du fait de leur remplacement, de leur obsolescence ou de leur usure seraient inappropriés.

385    Il y a lieu de considérer que cet argument procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. La Commission a eu recours à la notion d’investissements qui avaient été amortis afin de rejeter les arguments du Groupement visant à démontrer que les mesures en cause étaient justifiées par la nécessité de rémunérer les investissements passés, et non afin de rejeter les arguments relatifs au prétendu parasitisme de la valeur « d’usage » du système CB, que le Groupement avait lui-même défini comme correspondant à la différence entre le prix des cartes privatives et celui des cartes CB.

386    Ainsi, la Commission, dans la décision attaquée, a considéré que le montant de 4 milliards d’euros, correspondant aux investissements passés qui, selon le Groupement, seraient parasités, incluait l’ensemble des coûts supportés par le système depuis sa création. Ce montant incluant notamment des coûts correspondant à des investissements déjà remplacés ou obsolètes, leur montant ne saurait être inclus dans l’estimation d’investissements dont profiteraient les nouveaux entrants (considérants 411, 415 et 419 de la décision attaquée).

387    En outre, la Commission, au considérant 419 de la décision attaquée, a seulement constaté que l’estimation fournie par le Groupement incluait des investissements remplacés ou obsolètes, tout en indiquant qu’elle ne prétendait pas que des investissements amortis au sens comptable étaient dépourvus de toute valeur économique. Elle a ajouté qu’elle aurait accepté une autre estimation de la valeur du système CB que celle proposée par le Groupement qui serait plus fiable qu’une estimation prenant en compte, par le recours à la notion d’amortissement comptable, l’usure et l’obsolescence des investissements.

388    Il en ressort, contrairement à ce que soutiennent le requérant et la BPCE, que la Commission n’a pas considéré que les investissements amortis n’avaient plus aucune valeur pour le système CB.

389    Par ailleurs, l’argument de la BPCE selon lequel la Commission a considéré à tort qu’il était impossible à la BPCE de calculer les sommes investies dans l’intérêt du système CB doit être rejeté.

390    En effet, il y a lieu de relever que, au considérant 394 de la décision attaquée, la Commission n’a pas affirmé qu’il était impossible à la BPCE de procéder à ce calcul. Elle a seulement indiqué que, en réponse à une demande de renseignements, certaines banques avaient déclaré être dans l’impossibilité de fournir des données et que d’autres avaient souligné le caractère estimatif de leurs données. En outre, la BPCE, dans son mémoire en intervention, reconnaît que son étude interne concernant l’année 2007 prend en compte des dépenses qui ne bénéficient pas uniquement au système CB, mais visent également à compenser un surcoût qu’elle subit elle-même.

391    En tout état de cause, cet argument est inopérant. En effet, la circonstance qu’un seul membre du Groupement aurait été en mesure de calculer ses investissements dans l’intérêt du système CB n’est pas susceptible de remettre en cause le constat de la Commission selon lequel l’estimation fournie par le Groupement ne permettait pas de distinguer les investissements réalisés par l’ensemble des membres du Groupement dans l’intérêt du système CB des coûts dont ces membres ont bénéficié directement (considérant 393 de la décision attaquée).

–       Sur le risque d’éclatement du système CB

392    Premièrement, le requérant soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en affirmant, au considérant 421 de la décision attaquée, que le fait que les membres continuent d’investir dans le Groupement atteste l’absence de symptômes de parasitisme. Une telle affirmation signifierait que le parasitisme ne peut être prouvé qu’à la condition que le propriétaire du bien affecté ait d’ores et déjà cessé tout investissement dans ce bien. En outre, selon le requérant, le fait que les membres du Groupement continuent d’investir dans le système CB n’atteste pas qu’il n’existe pas de parasitisme.

393    Il suffit de constater que cet argument procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la Commission a rejeté les arguments du Groupement, soulevés lors de la procédure administrative, concernant la protection des investissements futurs et le risque d’éclatement du système CB en relevant que le Groupement s’était contenté d’alléguer l’existence de ce risque sans apporter aucun élément au soutien de cette allégation. Au considérant 421 de la décision attaquée, elle a par ailleurs relevé que le fait que les membres continuent d’investir dans le Groupement ne venait pas au soutien de l’allégation du Groupement, mais au contraire indiquait l’absence de symptômes de parasitisme.

394    Deuxièmement, le requérant soutient que la Commission a rejeté à tort, aux considérants 424 à 426 de la décision attaquée, son argumentation selon laquelle la mise en place du SEPA incitait certains des membres du Groupement à le quitter, au profit des systèmes internationaux Visa et MasterCard. Le risque de disparition des systèmes nationaux serait aggravé s’agissant du système CB si les membres ayant le plus contribué à son fonctionnement étaient contraints de le quitter en raison du parasitisme des nouveaux entrants.

395    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission (considérant 425 de la décision attaquée), que, dès lors que tous les membres du Groupement sont membres des systèmes Visa ou MasterCard, dont les services sont conformes aux règles du SEPA, ils n’ont pas besoin de quitter le système CB pour offrir des services conformes au SEPA. Ensuite, il y a lieu de rappeler que le Groupement n’a pas été en mesure d’établir l’existence d’un parasitisme. Enfin, le Groupement n’explique pas quel serait le lien entre les mesures en cause et la mise en place du SEPA et dans quelle mesure elles permettraient d’éviter le départ de certains membres du Groupement du fait du SEPA.

–       Sur l’assiette des mesures en cause

396    Le requérant soutient que la Commission a estimé à tort, au considérant 427 de la décision attaquée, que l’assiette des mesures en cause, dépendant du nombre de cartes CB émises, était incompatible avec une rémunération des investissements. Cela signifierait que, pour la Commission, ces mesures ne seraient justifiées que si leur assiette était fondée sur la valeur comptable du système CB. Or, le droit, pour un opérateur, de facturer l’accès à son bien, indépendamment de sa valeur comptable et en fonction de l’utilisation qui en est faite, contribuerait à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique.

397    Il y a lieu de relever qu’il découle des formules des mesures en cause que leur assiette est déterminée en fonction du nombre de cartes émises par une banque et non pas en fonction de l’usage que cette banque ferait du système CB. Partant, la Commission a estimé à juste titre que les mesures en cause dont l’assiette dépend du nombre de cartes émises ne pouvaient être considérées comme visant à rémunérer des investissements passés. Le requérant ne saurait déduire de cette simple appréciation en l’espèce que la Commission a considéré que seules des mesures fondées sur la valeur comptable du système CB pourraient être justifiées.

398    Partant, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs relatives à la nécessité d’une régulation de l’activité d’acquisition

399    Le requérant fait valoir que la Commission a commis des erreurs concernant les études économiques produites par le Groupement, la fonction régulatrice du MERFA ainsi que la contradiction entre cette fonction et la fonction des commissions interbancaires.

400    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, lors de la procédure administrative, le Groupement a fait valoir que l’adoption du MERFA répondait à la nécessité d’inciter les membres du Groupement davantage émetteurs à développer leur activité d’acquisition afin d’assurer l’équilibre du système CB et de lutter contre la seconde source de parasitisme (voir point 368 ci-dessus). À cet égard, le Groupement avait présenté, en mars 2003, une étude économique réalisée par son consultant, portant sur les externalités de réseau dans le système CB, qui a été complétée par une seconde étude du même consultant, en octobre 2004, intitulée « Compléments économiques sur les externalités dans le système CB et les effets du mécanisme de régulation de la fonction acquéreur » (ci-après les « études du consultant du Groupement »). Ces études visaient à démontrer que, l’activité d’acquisition exerçant davantage d’externalités positives que l’activité d’émission, le MERFA était justifié.

401    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que le MERFA ne pouvait être justifié en tant que remède à la seconde source de parasitisme, à savoir en tant que mécanisme d’équilibrage entre les activités d’acquisition et d’émission (considérants 430 à 468 de la décision attaquée).

402    En premier lieu, la Commission a considéré que les conclusions des études du consultant du Groupement, présentées pour justifier le MERFA, selon lesquelles les externalités positives liées à l’activité d’acquisition étaient supérieures à celles liées à l’activité d’émission, n’étaient pas valables. À cet égard, elle a considéré que ces études s’appuyaient sur des données contestables (considérants 434 à 438 de la décision attaquée), qu’elles étaient entachées d’erreurs méthodologiques (considérant 439 de la décision attaquée) et que, dès lors, elles parvenaient à des conclusions également contestables (considérants 440 à 443 de la décision attaquée). Elle a également indiqué que les négociations au sein du COM ayant conduit à l’adoption du MERFA étaient fondées sur d’autres considérations que celles contenues dans les études du consultant du Groupement, qui ne pouvaient donc être vues comme le fondement de l’adoption du MERFA (considérants 444 et 445 de la décision attaquée). En outre, elle a estimé que les études économiques produites par le Groupement, en novembre 2006, en réponse à la seconde communication des griefs (ci-après les « études supplémentaires ») confirmaient qu’il ne saurait être conclu que l’externalité générée par l’activité d’acquisition était plus importante que celle générée par l’activité d’émission et ne remettaient pas en cause sa conclusion selon laquelle les études du consultant du Groupement ne justifiaient pas le MERFA (considérants 446 à 449 de la décision attaquée).

403    En second lieu, la Commission a considéré que le MERFA ne pouvait pas être justifié par une fonction régulatrice des activités d’émission et d’acquisition. D’une part, elle a estimé que le MERFA n’avait pas de fonction régulatrice. Tout d’abord, elle a relevé que, même à supposer que la fonction d’acquisition générerait davantage d’externalités positives que la fonction d’émission, le MERFA, par sa formule même, ne pouvait conduire à un équilibre global émission/acquisition optimal pour le système CB. À cet égard, elle a indiqué que la proportion de l’activité d’émission par rapport à l’activité d’acquisition de référence était celle des chefs de file et non celle d’un équilibre optimal pour le système CB, que le Groupement ne démontrait pas que les critères retenus aux fins du calcul du MERFA, à savoir le critère SIREN, le critère DAB et le critère du nombre de cartes CB, conduisaient à un optimum pour ce système et qu’il ne démontrait pas davantage que l’équilibre optimal pour l’ensemble du système en cause imposait la convergence de chacun des membres vers un même seuil de référence (considérants 453 à 462 de la décision attaquée). Ensuite, elle a estimé que le MERFA n’incitait pas, en pratique, les établissements essentiellement émetteurs à exercer davantage d’activités d’acquisition dans les zones et les secteurs définis par le Groupement comme étant dans l’intérêt du système concerné (considérants 463 à 465 de la décision attaquée). Enfin, elle a relevé que les sommes versées au titre du MERFA n’étaient pas affectées à des fins satisfaisant à la première condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE (considérants 466 et 467 de la décision attaquée). D’autre part, la Commission a relevé que la prétendue fonction régulatrice du MERFA était en contradiction avec la fonction de commissions interbancaires pénalisant l’acquisition (la CIP et la CSC) (considérant 468 de la décision attaquée).

404    Il y a lieu de relever que le requérant ne soulève aucun argument visant à contester les appréciations de la Commission indiquant, aux considérants 433 à 443 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle estimait que les conclusions des études du consultant du Groupement n’étaient pas valables.

405    Le requérant se contente de soutenir que ses études supplémentaires montraient que la contre-expertise économique de la Commission, qui contestait les études du consultant du Groupement, était erronée et insuffisante pour démontrer l’illégalité du MERFA. La Commission, aux considérants 446 à 449 de la décision attaquée, se serait abstenue de toute analyse au fond des études supplémentaires. En affirmant que sa contre-expertise demeurait pertinente et en ne répondant pas aux critiques formulées dans les études supplémentaires, la Commission aurait violé son obligation de motivation.

406    Il y a lieu de relever que les études supplémentaires, produites par le Groupement, contenaient une évaluation et une critique de la contre-expertise de la Commission, laquelle remettait en cause les constatations des études du consultant du Groupement selon lesquelles la fonction d’acquisition exerçait davantage d’externalités positives que la fonction d’émission. Dans la décision attaquée, la Commission a mentionné ces études supplémentaires, non dans le but de les critiquer ni de valider sa propre contre-expertise, mais pour montrer qu’elles confirmaient que les études du consultant du Groupement étaient entachées d’erreurs.

407    Ainsi, au considérant 447 de la décision attaquée, la Commission a mentionné des extraits de la première étude supplémentaire ainsi que des extraits de la présentation de l’auteur de cette étude lors de l’audition du 13 novembre 2006 (ci-après la « présentation de 2006 »), indiquant qu’il était extrêmement difficile d’estimer les externalités générées par les activités d’acquisition et d’émission, car cela supposerait d’examiner un modèle structurel complet et de disposer de données très détaillées non encore disponibles. Au considérant 448 de la décision attaquée, elle a souligné que la seconde étude supplémentaire reconnaissait que les études du consultant du Groupement étaient entachées d’un certain nombre d’erreurs méthodologiques et notamment que le modèle économique utilisé par le consultant du Groupement était incomplet.

408    Ainsi, il y a lieu de relever que, dans les considérants 446 à 449 de la décision attaquée, la Commission a mentionné les études supplémentaires uniquement dans le but de constater que, ces études confirmant que les études du consultant du Groupement étaient entachées d’erreurs méthodologiques, il n’était pas possible d’en approuver la conclusion selon laquelle l’activité d’acquisition générait des externalités positives supérieures à celles générées par l’activité d’émission. Elle en a conclu que sa mise en cause des études du consultant du Groupement demeurait valable après examen des études supplémentaires et qu’elles ne permettaient pas de justifier le MERFA.

409    Par conséquent, il n’était pas nécessaire que la Commission présente une analyse approfondie des études supplémentaires en ce qu’elles critiquaient sa contre-expertise, ni qu’elle justifie sa contre-expertise au regard des critiques formulées dans ces études. Il s’ensuit que les arguments du requérant relatifs au défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne les études supplémentaires doivent être rejetés.

410    Par ailleurs, le requérant fait valoir que la Commission a dénaturé le contenu et la portée des études supplémentaires. Cet argument du requérant est précisé dans le cadre du cinquième moyen relatif à une violation du principe de bonne administration. Ainsi, le requérant fait valoir que la Commission, au considérant 447 de la décision attaquée, a dénaturé les propos de l’auteur de la première étude supplémentaire. La Commission ne saurait affirmer qu’il découlait de cette étude supplémentaire que cette dernière « confirm[ait] qu’[il] ne saurait [être conclu] que l’externalité générée par l’acquisition [était] plus importante que celle générée par l’émission », l’auteur de cette étude ayant exprimé une opinion contraire. Le requérant soutient que la Commission, dans sa présentation de la seconde étude supplémentaire au considérant 448 de la décision attaquée, a ignoré les conclusions de cette étude critiquant la contre-expertise de la Commission. Cette présentation incomplète de la seconde étude en dénaturerait le contenu.

411    Or, il convient de relever que le requérant ne conteste pas que les études supplémentaires faisaient état d’erreurs méthodologiques figurant dans les études du consultant du Groupement.

412    À cet égard, il y a lieu de constater que la première étude supplémentaire mentionne qu’« [i]l est extrêmement difficile d’estimer [les] externalités car cela demanderait un modèle structurel du système CB et des données très détaillées au niveau de chaque banque » et qu’« [i]l n’y a aucune raison a priori de croire qu’une externalité est systématiquement plus grande qu’une autre ». La seconde étude supplémentaire souligne que, « [confidentiel] le modèle [du consultant du Groupement] est incomplet (sur l’aspect paiement), [confidentiel] » et que « [l]e modèle [du consultant du Groupement] est effectivement un modèle partiel en ce qui concerne l’aspect paiement ».

413    Il ressort ainsi des études supplémentaires que, faute de disposer de données suffisantes, il n’était pas possible de mesurer les externalités générées par les activités d’acquisition et d’émission.

414    La Commission pouvait donc, sans dénaturer le contenu des études supplémentaires, considérer qu’elles confirmaient la conclusion de sa propre contre-expertise selon laquelle il n’était pas possible, sur la base des études du consultant du Groupement, de conclure que l’externalité générée par l’activité d’acquisition était supérieure à celle générée par l’émission.

415    Or, il convient de rappeler que c’est précisément sur le fondement de la supériorité des externalités positives générées par l’activité d’acquisition par rapport à celles générées par l’activité d’émission, censée avoir été établie par les études du consultant du Groupement, que le Groupement a justifié le MERFA comme étant un mécanisme de régulation visant à favoriser l’acquisition.

416    Le fait pour la Commission d’avoir extrait des études supplémentaires des passages indiquant que les études du consultant du Groupement contenaient des erreurs méthodologiques ne saurait constituer une dénaturation de leur contenu, dès lors que le requérant ne conteste pas que ces passages y figuraient.

417    Le requérant soutient également que la Commission a dénaturé les propos de l’auteur de la présentation de 2006 en lui attribuant, au considérant 447 de la décision attaquée, la phrase selon laquelle « le besoin d’encourager l’acquisition plus que l’émission n’[avait] pas été établi ». Cette phrase serait en réalité une citation de la contre-expertise de la Commission dont l’auteur de la présentation de 2006 aurait démontré qu’elle n’était pas pertinente.

418    Certes, cette phrase est une citation de la contre-expertise de la Commission à laquelle la présentation de 2006 fait référence. Toutefois, au considérant 447 de la décision attaquée, cette phrase est suivie d’un extrait de cette présentation, qui indique, en réponse à cette citation de la contre-expertise de la Commission, que, « [c]omme il a été relevé de façon pertinente par [la Commission], mesurer ces externalités nécessiterait d’examiner un modèle structurel complet » et que « [c]ela impliquerait de disposer de données nombreuses et riches non encore disponibles ». Le requérant ne conteste pas l’authenticité de cet extrait.

419    Partant, dans la mesure où le requérant ne conteste pas que les études supplémentaires ont effectivement relevé des insuffisances méthodologiques dans les études du consultant du Groupement, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait en déduire à juste titre que les études du consultant du Groupement ne permettaient pas d’établir que l’activité d’acquisition générait plus d’externalités positives que l’émission et que la nécessité d’encourager l’activité d’acquisition n’avait pas été démontrée par ces études.

420    Dès lors, la citation de la contre-expertise de la Commission figurant au considérant 447 de la décision attaquée ne saurait constituer à elle seule une dénaturation des propos de l’auteur de la présentation.

421    Dans la mesure où la justification du MERFA, en tant que mécanisme d’équilibrage entre les activités d’acquisition et d’émission, repose sur la prémisse selon laquelle l’activité d’acquisition générerait des externalités positives supérieures à celles générées par l’activité d’émission et où il ressort de la décision attaquée que le Groupement n’a pas été en mesure de démontrer que cette prémisse était correcte, force est de constater que la Commission a conclu à juste titre que le Groupement n’avait pas démontré la nécessité d’encourager l’acquisition plus que l’émission. Partant, il n’a donc pas démontré que le MERFA était justifié en tant que remède à la seconde source de parasitisme.

422    Il y a lieu de relever que ce n’est qu’à titre surabondant que la Commission a analysé la fonction régulatrice du MERFA.

423    En effet, la Commission a indiqué, au considérant 452 de la décision attaquée, que, même à supposer que l’activité d’acquisition exerce davantage d’externalités positives que l’activité d’émission, le MERFA n’avait pas de fonction régulatrice des activités d’acquisition et d’émission. Ce n’est qu’à titre surabondant que la Commission a estimé, premièrement, que le MERFA, par sa formule même, ne pouvait conduire à un équilibre global émission/acquisition optimal pour le système CB (considérants 453 à 462 de la décision attaquée), deuxièmement, qu’il n’incitait pas, en pratique, les établissements essentiellement émetteurs à exercer davantage d’activités d’acquisition dans les zones et les secteurs définis par le Groupement comme étant dans l’intérêt du système concerné (considérants 463 à 465 de la décision attaquée) et, troisièmement, que les sommes versées au titre du MERFA n’étaient pas affectées à des fins satisfaisant à la première condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE (considérants 466 et 467 de la décision attaquée).

424    Les arguments du requérant, relatifs aux erreurs qu’aurait commises la Commission dans cette partie de la décision attaquée relative à l’analyse de la fonction régulatrice du MERFA, sont donc inopérants.

425    Enfin, il y a lieu de relever que la Commission a analysé également à titre surabondant la contradiction entre le MERFA et les commissions interbancaires. En effet, elle a indiqué, au considérant 468 de la décision attaquée, que, quand bien même le MERFA aurait la fonction régulatrice que lui prête le Groupement, celle-ci était en contradiction avec la fonction des commissions interbancaires. Les arguments du requérant visant à contester cette appréciation doivent donc être rejetés comme inopérants.

426    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré d’erreurs relatives à l’absence de parasitisme

427    Le requérant soutient que la démonstration de la Commission, figurant aux considérants 469 et 470 de la décision attaquée, selon laquelle il n’existe pas de parasitisme du système CB, est fondée sur plusieurs considérations erronées.

428    Il convient de relever que, au considérant 469 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que le Groupement n’avait pas été en mesure de démontrer l’existence d’un parasitisme. Ce n’est qu’à titre surabondant qu’elle a ajouté, au considérant 470 de la décision attaquée, que, « en tout état de cause, il n’exist[ait] pas de parasitisme » pour plusieurs motifs.

429    Il ressort de l’examen des premier et deuxième griefs que la Commission a considéré à juste titre que le Groupement n’avait pas été en mesure de démontrer l’existence d’un parasitisme, alors que la preuve lui en incombait en application de l’article 81, paragraphe 3, CE. Partant, le troisième grief du requérant visant à contester les raisons pour lesquelles la Commission a estimé, à titre surabondant, qu’il n’existait pas de parasitisme doit être rejeté comme inopérant.

 Sur le quatrième grief, tiré d’erreurs s’agissant des effets économiques négatifs des mesures en cause

430    Le requérant soutient en substance que la Commission a commis des erreurs en considérant que les mesures en cause avaient des effets économiques négatifs, en prenant en compte, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, des éléments déjà avancés pour prouver que ces mesures avaient des effets anticoncurrentiels (tels que la limitation de l’offre de cartes CB, les effets négatifs sur les prix des cartes et une moindre offre de cartes dotées de nouvelles fonctionnalités), ce qui priverait cette disposition de toute portée et constituerait une erreur de droit.

431    Il convient de relever que le rappel effectué par la Commission aux considérants 473 à 476 de la décision attaquée, du fait que les mesures en cause ont des effets économiques négatifs, intervient après la conclusion, figurant au considérant 472 de la décision attaquée, selon laquelle le Groupement n’avait pas démontré que les mesures en cause contribuaient au progrès technique et économique (considérant 472 de la décision attaquée).

432    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, les effets économiques négatifs des mesures en cause n’ont pas été pris en compte aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE et n’ont été rappelés par la Commission qu’à titre surabondant. Partant, le quatrième grief doit être rejeté comme inopérant.

433    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que le Groupement n’avait pas démontré que les mesures en cause contribuaient au progrès économique ou technique.

434    Il s’ensuit que l’argumentation du requérant relative à l’examen par la Commission de la condition relative à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique doit être rejetée.

435    Il y a lieu de rappeler que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE sont cumulatives, de telle sorte qu’il suffit que l’une des quatre conditions fasse défaut pour rendre cette disposition inapplicable (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, EU:T:1994:89, point 104). L’argumentation du requérant relative à la première condition d’application de cette disposition étant rejetée, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments du requérant relatifs aux autres conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

436    Le requérant, soutenu par les intervenantes, fait valoir que, en vertu du principe de bonne administration consacré par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. Le présent moyen se divise en deux branches, tirées, d’une part, de l’absence d’impartialité de la Commission et, d’autre part, de ce que cette dernière n’a pas instruit le dossier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration.

437    À titre liminaire, il convient de rappeler que parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, EU:T:1992:5, point 86, et du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, non publié, EU:T:2011:477, point 182).

 Sur la première branche, tirée de l’absence d’impartialité de la Commission

438    En premier lieu, le requérant reproche à la Commission d’avoir passé sous silence des déclarations des banques CaixaBank, ING Direct et Fortis qui indiquaient clairement que les mesures en cause n’avaient pas les effets constatés dans la décision attaquée et de ne pas avoir répondu à certains arguments qu’il avait avancés au cours de la procédure administrative relatifs à la sélection arbitraire des banques destinataires des demandes de renseignements en 2005.

439    À cet égard, il suffit de relever que la Commission a tenu compte, aux considérants 342 et 351 de la décision attaquée, des déclarations de ces trois banques pour illustrer sa conclusion concernant les effets des mesures en cause sur le prix des cartes (voir les notes en bas de page nos 487, 496 et 535 de la décision attaquée).

440    En deuxième lieu, le requérant allègue que la Commission a exploité des demandes de renseignements d’Egg et de GE Money Bank, alors qu’il avait démontré, lors de la procédure administrative, que la Commission les avait incitées à modifier leur réponses en les invitant à reconsidérer la confidentialité des informations envoyées.

441    Il y a lieu de relever que le requérant n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation. Or, il ressort des pièces produites par le Groupement que la Commission s’est limitée à proposer à Egg et à GE Money Bank de rendre publics certains passages de leurs réponses aux demandes de renseignements du 27 octobre 2003, sans suggérer d’en modifier la substance. Il ressort des courriers électroniques annexés à la requête que la Commission s’est adressée à GE Money Bank et à Egg pour leur demander de reconsidérer la confidentialité de certaines informations, reproduites dans le courrier électronique, dont ces banques avaient demandé la confidentialité.

442    En troisième lieu, le requérant soutient que la Commission a effectué des comparaisons parcellaires et inexactes entre le système CB et les autres systèmes de paiement européens, en se limitant, au considérant 443 de la décision attaquée, à une comparaison avec la situation au Royaume-Uni.

443    Or, il ressort de ce considérant que la Commission a justifié la comparaison entre la situation de la France et celle du Royaume-Uni par le fait que la population, le nombre et la valeur des paiements effectués par cartes étaient comparables dans ces deux pays. Il suffit de constater que le requérant ne démontre pas que cette comparaison n’était pas pertinente, ni dans quelle mesure cela pourrait constituer un manque d’impartialité de la Commission.

444    En quatrième lieu, le requérant reproche à la Commission d’avoir dénaturé certains de ses arguments présentés au cours de la procédure administrative.

445    S’agissant des arguments relatifs à la dénaturation du contenu des études supplémentaires, il suffit de constater qu’il y a été répondu dans le cadre du quatrième moyen (voir points 410 et 420 ci-dessus).

446    S’agissant de l’argument relatif à la dénaturation par la Commission, au considérant 250 de la décision attaquée, d’un argument du Groupement, soulevé lors de la procédure administrative, relatif à l’objet des mesures en cause, il suffit de relever que, le deuxième moyen ayant été accueilli, il n’est pas nécessaire d’y répondre.

447    S’agissant de l’argument relatif à la dénaturation par la Commission, au considérant 188 de la décision attaquée, de la position du Groupement en ce qu’elle a affirmé que ce dernier partageait sa conclusion selon laquelle le marché géographique serait limité à la France, le requérant fait valoir qu’il s’agit d’une citation tronquée. Le Groupement aurait indiqué que, du fait d’une concurrence croissante entre le système CB et les systèmes Visa et MasterCard et de la mise en place imminente du SEPA, le marché géographique serait étendu au territoire européen. L’analyse de la Commission aux considérants 424 et 425 de la décision attaquée serait dès lors partiale.

448    Il suffit de constater que, aux considérants 424 et 425 de la décision attaquée, la Commission a analysé les arguments du Groupement relatifs au risque d’éclatement du système CB en raison de la mise en place du SEPA. Or, cette analyse est indépendante de la définition du marché géographique. Partant, le requérant n’expliquant pas dans quelle mesure la prétendue dénaturation de la position du Groupement concernant la définition du marché géographique pourrait conduire à une absence d’impartialité de la Commission dans cette analyse, cet argument ne peut pas prospérer.

449    Il s’ensuit que la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée de l’absence d’instruction du dossier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration

450    En premier lieu, le requérant fait valoir que la décision attaquée contient, d’une part, un certain nombre d’erreurs factuelles concernant la date de suspension des mesures en cause, la présentation des pouvoirs du conseil de direction et la description du statut des chefs de file et, d’autre part, une citation tronquée du Groupement, dans la note en bas de page n° 73, présentant de manière erronée le mécanisme de la CSC.

451    S’agissant de la date erronée de l’adoption de la décision de suspension des mesures en cause, indiquée par la Commission au considérant 344 de la décision attaquée, il suffit de constater qu’il s’agit d’une simple erreur de plume, la date exacte de l’adoption de cette décision étant correctement indiquée dans d’autres considérants de la décision attaquée.

452    S’agissant des allégations du requérant relatives à des imprécisions concernant la description des instances du Groupement ou du mécanisme de la CSC, elles concernent des éléments purement factuels dont le requérant n’explique pas la pertinence pour l’analyse des mesures en cause et dont l’omission ne saurait attester d’un manque de soin ou de sérieux de la Commission dans l’instruction du dossier.

453    En outre, il est de jurisprudence constante que des irrégularités telles que celles alléguées par le requérant peuvent entraîner l’annulation de la décision en cause s’il est établi que, en leur absence, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, EU:T:1994:79, point 29, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 283).

454    En l’espèce, le requérant n’établit pas que, en l’absence des imprécisions alléguées, l’analyse par la Commission des mesures en cause au regard de l’article 81 CE aurait été différente.

455    Partant, ces arguments ne pouvant entraîner l’annulation de la décision attaquée, ils doivent être rejetés.

456    En second lieu, le requérant soutient que l’instruction de la Commission manquait de soin et de rigueur en ce qu’elle n’a pas pris en compte les résultats de l’enquête sectorielle relative à la banque de détail menée par la Commission parallèlement à l’instruction de l’affaire en cause (Communication de la Commission – Enquête par secteur menée en vertu de l’article 17 du règlement n° 1/2003 sur la banque de détail, rapport final du 31 janvier 2007). À cet égard, il fait valoir que la Commission a ignoré les éléments de cette enquête sectorielle relatifs à l’existence d’un marché des systèmes de paiement, les autres moyens de paiement dans sa définition du marché des produits ainsi que l’importance de la fourniture d’un service bancaire complet et d’une organisation en réseau de proximité pour développer une activité d’émission.

457    Il suffit de relever que ces arguments sont, en substance, identiques à ceux que le requérant a déjà soulevés lorsqu’il a fait valoir une contradiction entre la définition des marchés concernés et leur analyse par la Commission et qu’ils ont déjà été rejetés dans le cadre de la troisième branche du premier moyen (voir points 143 à 155 ci-dessus).

458    Par ailleurs, comme l’indique la Commission, le requérant ne renvoie à aucun élément précis figurant dans cette enquête sectorielle qui viendrait au soutien de sa position. Dans ces circonstances, l’absence de prise en compte, et même l’absence de mention, dans la décision attaquée, des résultats de cette enquête sectorielle ne permet pas d’établir une violation par la Commission du principe de bonne administration.

459    Dans son mémoire en intervention, BNP Paribas fait valoir que la Commission a violé le principe de bonne administration en agissant avec une vigueur et une suspicion exagérées, alors qu’elle aurait dû privilégier une solution négociée par voie d’engagements. Il serait contraire au principe de bonne administration que des mesures dûment notifiées, qui n’ont pu avoir le moindre effet anticoncurrentiel en l’absence de toute mise en œuvre, aboutissent à des visites et des saisies et à un communiqué de presse du 8 juillet 2004 injustement accusateur, alors même que la seconde communication des griefs a ensuite reconnu l’inexistence de l’accord secret et anticoncurrentiel invoqué dans ce communiqué de presse.

460    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que c’est à tort que BNP Paribas soutient que les mesures en cause n’ont pas été mises en œuvre. Ces mesures ont été effectivement adoptées les 8 et 29 novembre 2002 et ont été applicables du 1er janvier 2003 au 8 juin 2004, date à laquelle elles ont été suspendues dans l’attente de la décision de la Commission.

461    Ensuite, s’agissant de l’absence de solution négociée avec le Groupement, il suffit de constater que, conformément à l’article 9 du règlement n° 1/2003, lorsque les engagements offerts par les entreprises concernées ne sont pas manifestement propres à résoudre les problèmes de concurrence que la Commission a identifiés, elle a le droit de les refuser. En l’espèce, la Commission n’a pas excédé sa marge d’appréciation en décidant, après avoir examiné les propositions d’engagements du Groupement, de constater et d’interdire l’infraction. Le fait que les mesures en cause aient été notifiées n’est pas pertinent à cet égard. Partant, l’adoption de la décision attaquée ne saurait constituer une violation du principe de bonne administration.

462    Enfin, s’agissant des visites et des saisies, il y a lieu de relever que la notification des mesures en cause n’empêchait pas la Commission d’exercer les pouvoirs d’enquête dont elle était investie au titre de l’article 14 du règlement n° 17, auquel correspond l’article 20 du règlement n° 1/2003 (arrêt du 12 juillet 2007, CB/Commission, T‑266/03, non publié, EU:T:2007:223, point 48). S’agissant du communiqué de presse du 8 juillet 2004, il se contentait d’annoncer l’envoi par la Commission de la première communication des griefs et contenait une description des principaux griefs formulés à l’encontre du Groupement. Il indiquait expressément que « [l]es griefs reflét[ai]ent la position préliminaire de la Commission quant à des violations des règles de concurrence » et que « [l]eurs destinataires [avaie]nt trois mois pour répondre et demander à être entendus lors d’une audition ». Force est donc de constater que le contenu de ce communiqué de presse n’allait pas au-delà d’une information sur l’activité de la Commission et ne comportait pas d’accusation injustifiée à l’égard du Groupement. Par ailleurs, le fait que la Commission ait modifié son analyse des mesures en cause et adopté une seconde communication des griefs s’explique par une évolution dans l’analyse de la Commission, due à la prise en compte des réponses écrites des entreprises destinataires de la première communication des griefs et des résultats de l’audition. Cette seconde communication des griefs a également fait l’objet d’un communiqué de presse informant des changements dans l’analyse de la Commission.

463    Dès lors, BNP Paribas ne démontre pas que la Commission a violé le principe de bonne administration.

464    Il s’ensuit que la seconde branche du cinquième moyen doit être rejetée.

465    Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré de violations des principes de proportionnalité et de sécurité juridique

466    Le sixième moyen se divise en deux branches, tirées respectivement d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’injonction figurant au premier alinéa de l’article 2 de la décision attaquée et d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique du fait de l’injonction figurant au second alinéa de cet article.

 Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’injonction, figurant à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, de mettre fin à l’infraction en retirant les mesures illégales

467    Le requérant souligne que, en vertu du principe de proportionnalité tel qu’interprété par la jurisprudence, l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante. En l’espèce, la Commission, après avoir initié des discussions avec le requérant en vue de lui permettre de soumettre une proposition d’engagements en vertu de l’article 9 du règlement n° 1/2003, n’aurait formulé aucun désaccord sur le nouveau dispositif de calcul du droit d’adhésion présenté par le Groupement dans ses propositions d’engagements des 25 mai et 20 juillet 2007, ces propositions ayant été rejetées pour un motif étranger à ce dispositif. Il en résulterait qu’il existe d’autres mesures appropriées et moins contraignantes (comme le nouveau dispositif de calcul du droit d’adhésion proposé par le Groupement) qu’une interdiction de l’intégralité des mesures en cause. Dès lors, l’interdiction de l’intégralité des mesures en cause figurant à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée ne pouvant être considérée comme appropriée et nécessaire à la réalisation des objectifs assignés à l’article 81 CE, elle serait contraire au principe de proportionnalité.

468    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, EU:C:1998:192, point 96, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié, EU:T:2007:267, point 223).

469    En l’espèce, il y a lieu de relever que la procédure d’engagements initiée par la Commission n’a pas abouti. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne peut être considéré que la Commission a validé le nouveau dispositif de calcul du droit d’adhésion présenté par le Groupement dans ses propositions d’engagements des 25 mai et 20 juillet 2007. Les engagements proposés par le requérant dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9 du règlement n° 1/2003 ne peuvent donc pas servir de point de référence pour apprécier la proportionnalité de l’injonction figurant au premier alinéa de l’article 2 de la décision attaquée. Par conséquent, l’ensemble des arguments que le requérant fonde sur ses discussions avec la Commission dans le cadre de cette procédure, de leur caractère prétendument avancé ou encore du prétendu accord de principe de la Commission s’agissant d’une nouvelle méthode de calcul du droit d’adhésion doivent être rejetés.

470    Par ailleurs, il résulte des termes du règlement n° 1/2003 que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans le choix d’adopter une décision fondée sur l’article 7 ou sur l’article 9 de ce règlement et il résulte des termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement en question que, si la Commission constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 CE, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction. Or, l’injonction imposée à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée se limite à imposer au Groupement de mettre fin à l’infraction constatée à l’article 1er de cette même décision en retirant les mesures en cause. Partant, cette injonction ne peut être considérée comme contraire au principe de proportionnalité.

471    BNP Paribas ajoute que, bien que, lors de l’audition du 13 novembre 2006, elle ait souligné la nécessité de discuter à l’amiable de mesures permettant au Groupement de lutter contre le parasitisme afin d’assurer la pérennité du système CB, la Commission n’a pas voulu envisager une amélioration des mesures en cause.

472    Cette argumentation revient à contester le fait que la Commission a adopté une décision fondée sur l’article 7 plutôt que sur l’article 9 du règlement n° 1/2003. Or, il a déjà été constaté, au point 470 ci-dessus, que la Commission était en droit d’adopter une décision fondée sur l’article 7 de ce règlement.

473    Il s’ensuit que la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique du fait de l’injonction figurant à l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée

474    Le requérant, soutenu par les intervenantes, conteste l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée selon lequel « [l]e Groupement s’abstient, à l’avenir, de toute mesure ou [de] tout comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire » et fait valoir deux griefs, tirés, respectivement, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation du principe de sécurité juridique.

475    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), le requérant soutient que, dès lors que la Cour a jugé que l’objet des mesures en cause n’était pas établi, l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée doit être annulé en ce qu’il impose au Groupement de s’abstenir, à l’avenir, de toute mesure ou de tout comportement ayant un « objet identique ou similaire ».

476    La Commission soutient que l’interdiction, contenue dans l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée, est indépendante de la question de savoir si l’infraction identifiée dans le passé était anticoncurrentielle par objet ou par effet. En outre, cette injonction viserait simplement à ce que le requérant n’adopte pas une nouvelle mesure contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE.

477    Il y a lieu de relever que la Commission peut uniquement interdire au requérant de mettre en place, à l’avenir, des mesures anticoncurrentielles. Or, il ressort de l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 75), que l’objet des mesures en cause n’est pas anticoncurrentiel. L’injonction faite au Groupement de s’abstenir, à l’avenir, de toute mesure ou de tout comportement ayant un « objet identique ou similaire » à celui des mesures en cause ne peut donc être maintenue.

478    En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, cette injonction ne vise pas simplement à interdire au requérant d’adopter une nouvelle mesure contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE. Tel serait le cas seulement si la Commission s’était contentée d’enjoindre au Groupement de s’abstenir, à l’avenir, de toute mesure ou de tout comportement ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel. Or, l’injonction se rapporte aux mesures en cause et à leur objet et à leurs effets qui ont été identifiés dans la décision attaquée.

479    Partant, l’injonction figurant à l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée, selon laquelle le requérant s’abstient, à l’avenir, de toute mesure ou de tout comportement ayant un « objet identique ou similaire » à celui des mesures en cause, doit être annulée.

480    Les deux griefs soulevés par le requérant ne seront donc examinés qu’en ce qu’ils visent à contester l’injonction selon laquelle le requérant s’abstient, à l’avenir, de toute mesure ou de tout comportement ayant un « effet identique ou similaire ».

481    Par son premier grief, le requérant fait valoir, en substance, que cette injonction impose une mesure corrective comportementale qui n’est ni proportionnée à l’infraction ni nécessaire pour la faire cesser, dans la mesure où le Groupement a déjà procédé au retrait des mesures en cause. Le requérant et les intervenantes soulignent en particulier que le terme « similaire » utilisé par la Commission est indéterminé. Partant, l’interdiction d’adopter des « mesures similaires » irait au-delà d’une interdiction des seuls comportements visés dans la décision attaquée.

482    Selon la jurisprudence relative à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, applicable, par analogie, à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, dans la mesure où l’application de cette disposition doit se faire en fonction de l’infraction constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l’étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin qu’il soit mis fin à ladite infraction (arrêt du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, EU:T:1998:92, point 165).

483    Certes, comme le fait valoir le requérant, de telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues (arrêt du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P et C‑242/91 P, EU:C:1995:98, point 93 ; voir, également, arrêt du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, EU:T:1998:92, point 165 et jurisprudence citée).

484    Toutefois, il a déjà été jugé qu’une interdiction consistant pour les entreprises en cause à s’abstenir à l’avenir de tout accord ou de toute pratique concertée susceptible d’avoir un objet ou un effet identique ou analogue à ceux des infractions constatées dans la décision en cause vise uniquement à ce que les entreprises soient empêchées de répéter les comportements dont l’illégalité a été constatée et que, par conséquent, la Commission, en adoptant une telle interdiction, n’a pas outrepassé les pouvoirs que lui confère l’article 3 du règlement n° 17 (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, EU:T:1998:92, point 167). Partant, une telle interdiction ne peut être considérée comme étant contraire au principe de proportionnalité.

485    Il doit en aller de même en l’espèce, l’injonction en cause visant simplement à empêcher que le Groupement n’adopte à nouveau des mesures telles que celles dont l’illégalité a été constatée dans la décision attaquée. Il en va d’autant plus ainsi que le dispositif d’une décision doit être interprété à la lumière de ses motifs (voir arrêt du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, EU:T:1998:92, point 172 et jurisprudence citée), lesquels limitent ainsi clairement la portée de l’injonction en cause. L’utilisation du terme « similaire » ne permet donc pas d’établir le caractère disproportionné de cette injonction, dans la mesure où l’utilisation de ce terme n’a nullement pour effet, contrairement à ce que le requérant et les intervenantes font valoir, d’interdire au Groupement d’adopter à l’avenir toute mesure qui viserait à garantir les « équilibres fondamentaux » du Groupement et la position concurrentielle du système CB. En effet, une mesure ayant un tel objet n’est interdite que si elle a des effets identiques ou analogues à ceux des mesures en cause qui sont décrits dans la décision attaquée.

486    Partant, le premier grief doit être rejeté.

487    Par le second grief, le requérant, soutenu par les intervenantes, fait valoir que, du fait de son caractère ambigu et imprécis, l’injonction selon laquelle le requérant s’abstient, à l’avenir, de toute mesure ou de tout comportement ayant un « effet identique ou similaire » entraîne une insécurité juridique, dans la mesure où l’étendue des mesures interdites pourrait largement excéder les mesures visées par l’article 1er de la décision attaquée et englober toute mesure de rééquilibrage qui serait à l’avenir jugée nécessaire pour renforcer la position concurrentielle du système CB ou assurer son développement.

488    Il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêts du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, EU:T:1997:155, point 113). L’impératif de sécurité juridique exige ainsi qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (arrêt du 11 décembre 2007, Skoma-Lux, C‑161/06, EU:C:2007:773, point 38).

489    Bien qu’il s’agisse en l’espèce d’une décision individuelle, et non d’une réglementation ou d’un acte de portée générale, cela ne saurait exonérer la Commission de son obligation de respecter le principe de sécurité juridique notamment lorsqu’elle enjoint à des entreprises de ne pas adopter un comportement donné.

490    Toutefois, ainsi que cela a été indiqué au point 485 ci-dessus, l’injonction en cause doit être lue à la lumière des considérants de la décision attaquée, qui en définissent donc clairement la portée et les limites. Le requérant et les intervenantes ne sont donc pas fondés à affirmer que cette injonction viole le principe de sécurité juridique, car elle est ambiguë et ne leur permet pas de déterminer l’étendue des obligations qu’elle impose au Groupement.

491    De plus, il résulte également de la jurisprudence rappelée au point 484 ci-dessus que la Commission est en droit d’interdire à des entreprises condamnées pour infraction à l’article 81 CE d’adopter à l’avenir des comportements similaires, sans que cela soit contraire à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003. Contrairement à ce que soutient le requérant, le fait que cette jurisprudence a été adoptée avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1/2003 qui a supprimé le système de notification n’a eu aucune conséquence sur la possibilité pour la Commission d’interdire certains comportements, ainsi qu’il résulte d’une comparaison des libellés de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003.

492    L’insécurité juridique alléguée n’étant pas établie, elle ne peut pas être aggravée par le refus de la Commission d’admettre la réserve proposée par le Groupement dans le cadre des négociations sur les engagements, aux termes de laquelle il se réservait la possibilité de prendre « toute mesure nécessaire pour préserver les équilibres fondamentaux et renforcer la position concurrentielle du système CB ». En tout état de cause, il est manifeste que l’injonction en cause, si elle doit être lue à la lumière des considérants de la décision attaquée, ne peut nullement être interprétée au regard de discussions qui se sont tenues lors de négociations des entreprises dans le cadre de la procédure d’engagements prévue à l’article 9 du règlement n° 1/2003.

493    Il en va de même du risque de se voir sanctionner pour récidive, invoqué par le requérant, lequel ne peut pas davantage aggraver une insécurité juridique qui n’a pas été établie.

494    En outre, les arguments supplémentaires de la BPCE selon lesquels, d’une part, l’incertitude créée par la décision attaquée serait d’autant plus préoccupante que d’autres initiatives de la Commission limitent la marge de manœuvre des acteurs du paiement par carte (notamment la remise en cause des commissions multilatérales d’interchange dans le cadre du projet SEPA ou le « contentieux MasterCard ») et, d’autre part, la Commission ne pouvait pas s’appuyer sur d’autres systèmes de paiement par carte pour démontrer l’illégalité du MERFA sont dénués de pertinence pour l’appréciation de la conformité de l’injonction en cause avec le principe de sécurité juridique. Il y a donc lieu de les rejeter.

495    Partant, le second grief doit être rejeté.

496    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir partiellement la seconde branche du sixième moyen.

497    Par suite, il y a lieu d’accueillir partiellement le sixième moyen.

498    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit partiellement au recours et d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a enjoint au Groupement, dans l’article 2 de la décision attaquée, « de s’abstenir, à l’avenir, de toute mesure ou [de] tout comportement ayant un objet identique ou similaire ».

 Sur les dépens

499    Dans son arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 219 du règlement de procédure du Tribunal.

500    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. En l’espèce, le recours ayant été partiellement accueilli, il y a lieu de décider que le requérant et la Commission supporteront leurs propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la Cour.

501    En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, BNP Paribas, la BPCE et la Société générale supporteront leurs propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la Cour.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2007) 5060 final de la Commission, du 17 octobre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (COMP/D1/38606 – Groupement des cartes bancaires « CB ») est annulée en ce que la Commission européenne a enjoint au Groupement, dans l’article 2, « de s’abstenir, à l’avenir, de toute mesure ou [de] tout comportement ayant un objet identique ou similaire ».

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Groupement des cartes bancaires (CB) et la Commission supporteront leurs propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la Cour.

4)      BNP Paribas, la BPCE et la Société générale supporteront leurs propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la Cour.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2016.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure devant la Commission

Décision attaquée

Procédure devant le Tribunal et la Cour

Conclusions présentées par les parties à l’instance après renvoi

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE en raison d’erreurs dans la méthode d’analyse des mesures en cause et des marchés retenus, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation

Sur la deuxième branche, tirée de la non-prise en compte de l’interdépendance des activités d’émission et d’acquisition

Sur la première branche, tirée de la non-prise en compte de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause

Sur la troisième branche, tirée de la contradiction entre la définition des marchés concernés et leur analyse

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des effets des mesures en cause

Sur la troisième branche, tirée d’erreurs relatives à l’effet sur le prix des cartes CB émises par les nouveaux entrants

– Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives au montant du surcoût

– Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs relatives au caractère peu évitable du surcoût

– Sur le troisième grief, tiré d’erreurs relatives à la pénalisation des nouveaux entrants

– Sur le quatrième grief, tiré d’erreurs relatives au paramétrage des critères utilisés dans les formules des mesures en cause

– Sur le cinquième grief, tiré d’erreurs relatives aux effets potentiels sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants

– Sur le sixième grief, tiré d’erreurs relatives aux effets réels sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants

Sur la quatrième branche, tirée d’erreurs relatives aux effets sur la réduction des volumes d’émission de cartes CB par les nouveaux entrants

Sur la cinquième branche, tirée d’erreurs relatives aux effets sur la préservation des revenus des chefs de file et sur le prix de leurs cartes CB

Sur la première branche, tirée d’erreurs relatives à l’effet de limitation du développement technique des cartes CB

Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs relatives à l’effet de cloisonnement du marché de l’émission de cartes bancaires français

Sur la sixième branche, tirée d’erreurs relatives aux autres effets

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’applicabilité de cette disposition aux mesures en cause

Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à la nécessité d’une rémunération de l’accès au système CB

– Sur la valeur « d’usage » du système CB

– Sur le risque d’éclatement du système CB

– Sur l’assiette des mesures en cause

Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs relatives à la nécessité d’une régulation de l’activité d’acquisition

Sur le troisième grief, tiré d’erreurs relatives à l’absence de parasitisme

Sur le quatrième grief, tiré d’erreurs s’agissant des effets économiques négatifs des mesures en cause

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

Sur la première branche, tirée de l’absence d’impartialité de la Commission

Sur la seconde branche, tirée de l’absence d’instruction du dossier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration

Sur le sixième moyen, tiré de violations des principes de proportionnalité et de sécurité juridique

Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’injonction, figurant à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, de mettre fin à l’infraction en retirant les mesures illégales

Sur la seconde branche, tirée d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique du fait de l’injonction figurant à l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.


1      « Données confidentielles occultées »