Language of document : ECLI:EU:T:2013:130

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

14 mars 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché de la banane – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Notion de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel – Système d’échange d’informations – Obligation de motivation – Droits de la défense – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Gravité de l’infraction »

Dans l’affaire T‑588/08,

Dole Food Company, Inc., établie à Westlake Village, Californie (États-Unis),

Dole Germany OHG, établie à Hambourg (Allemagne),

représentées par Me J.-F. Bellis, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. X. Lewis et M. Kellerbauer, puis par MM. Kellerbauer et P. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 5955 final de la Commission, du 15 octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (affaire COMP/39 188 – Bananes)

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Dole Food Company, Inc. (ci-après « Dole »), est une société américaine productrice de fruits et de légumes frais ainsi que de fruits pré-emballés et surgelés. Dole Germany OHG est une filiale de Dole (ci-après, prises ensemble, les « requérantes »), établie à Hambourg (Allemagne), auparavant dénommée Dole Fresh Fruit Europe OHG (ci-après « DFFE »).

2        Le 8 avril 2005, Chiquita Brands International, Inc. (ci-après « Chiquita ») a déposé une demande d’immunité au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération »).

3        Le 3 mai 2005, après la production par Chiquita de nouvelles déclarations et de documents supplémentaires, la Commission des Communautés européennes lui a accordé une immunité conditionnelle d’amende en application du paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération.

4        Après avoir procédé les 2 et 3 juin 2005, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à des inspections dans les locaux de différentes entreprises et, notamment, de DFFE et envoyé, entre février 2006 et mai 2007, plusieurs demandes de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, la Commission a adressé, le 20 juillet 2007, à Chiquita, Chiquita International Ltd, Chiquita International Services Group NV, Chiquita Banana Company BV, Dole, DFFE, Fresh Del Monte Produce, Inc. (ci-après « Del Monte »), Del Monte Fresh Produce International, Inc., Del Monte (Germany) GmbH, Del Monte (Holland) BV, Fyffes plc (ci-après « Fyffes »), Fyffes International, Fyffes Group Ltd, Fyffes BV, FSL Holdings NV, Firma Leon Van Parys NV (ci-après « Van Parys ») et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. KG (ci-après « Weichert ») une communication des griefs.

5        Les entreprises mentionnées au point 4 ci-dessus ont obtenu un accès au dossier d’enquête de la Commission sous la forme d’une copie sur DVD, à l’exception des enregistrements et des transcriptions des déclarations d’entreprise faites oralement par le demandeur d’immunité et des documents s’y rapportant, lesquels ont été rendus accessibles dans les locaux de la Commission (considérant 49 de la décision attaquée).

6        À la suite de l’audition des entreprises concernées qui a eu lieu du 4 au 6 février 2008, Weichert a transmis à la Commission, le 28 février 2008, une lettre contenant des commentaires et des annexes.

7        Le 15 octobre 2008, la Commission a adopté la décision C (2008) 5955 final relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/39 188 − Bananes) (ci-après la « décision attaquée »), laquelle a été notifiée à DFFE et à Dole les 21 et 22 octobre 2008.

 Décision attaquée

8        La Commission indique que les entreprises destinataires de la décision attaquée ont participé à une pratique concertée consistant à coordonner leurs prix de référence des bananes commercialisées en Europe du Nord, à savoir en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Finlande, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas ainsi qu’en Suède, et ce du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 (1er décembre 2002 pour Chiquita) (considérants 1 à 3 de la décision attaquée).

9        À l’époque des faits, l’importation des bananes dans la Communauté européenne était régie par le règlement (CEE) no 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1), lequel prévoyait un régime basé sur des contingents d’importation et des tarifs. La Commission relève que, si les contingents d’importation de bananes étaient fixés annuellement et alloués sur une base trimestrielle avec une certaine flexibilité limitée entre les trimestres d’une année civile, les expéditions de bananes vers les ports d’Europe du Nord et les quantités commercialisées dans cette région étaient déterminées, chaque semaine, par les décisions de production, d’expédition et de commercialisation prises par les producteurs, les importateurs et les négociants (considérants 36, 131, 135 et 137 de la décision attaquée).

10      L’activité bananière distinguait trois niveaux de marque de banane appelés « tiers » : les bananes de marque Chiquita de premier choix, les bananes du deuxième niveau (de marques Dole et Del Monte) et les bananes de troisième choix (également appelées « tierces »), qui incluaient plusieurs autres marques de bananes. Cette division en fonction des marques se reflétait dans la tarification de la banane (considérant 32 de la décision attaquée).

11      Au cours de la période concernée, le secteur de la banane en Europe du Nord était organisé en cycles hebdomadaires. Le transport par bateau de bananes des ports d’Amérique latine vers l’Europe durait deux semaines environ. Les arrivages de bananes aux ports nord-européens étaient généralement hebdomadaires et s’effectuaient conformément à un calendrier d’expédition régulier (considérant 33 de la décision attaquée).

12      Les bananes étaient expédiées vertes et arrivaient vertes aux ports. Elles étaient ensuite soit livrées directement aux acheteurs (bananes vertes), soit mises à maturation, puis livrées une semaine plus tard environ (bananes jaunes). La maturation pouvait soit être exécutée par l’importateur ou en son nom, soit être organisée par l’acheteur. Les clients des importateurs étaient généralement des mûrisseurs ou des chaînes de détail (considérant 34 de la décision attaquée).

13      Chiquita, Dole et Weichert établissaient leur prix de référence pour leur marque chaque semaine, en l’occurrence le jeudi matin, et l’annonçaient à leurs clients. L’expression « prix de référence » correspondait généralement aux prix de référence pour les bananes vertes, les prix de référence pour les bananes jaunes se composant normalement de l’offre verte majorée d’une redevance de maturation (considérants 104 et 107 de la décision attaquée).

14      Les prix payés par les détaillants et les distributeurs pour les bananes (appelés « prix réels » ou « prix de transaction ») pouvaient résulter soit de négociations ayant lieu sur une base hebdomadaire, en l’occurrence le jeudi après-midi et le vendredi (ou plus tard dans la semaine en cours ou au début de la semaine suivante), soit de la mise en œuvre de contrats de fourniture avec des formules de tarification préétablies mentionnant un prix fixe ou liant le prix à un prix de référence du vendeur ou d’un concurrent, ou un autre prix de référence tel que le « prix Aldi ». La Commission précise que la chaîne de détail Aldi recevait chaque jeudi, entre 11 heures et 11 h 30, des offres de ses fournisseurs et formulait ensuite une contre-proposition, le « prix Aldi », celui payé aux fournisseurs, étant fixé vers 14 heures en général. À compter du second semestre de l’année 2002, le « prix Aldi » a commencé à être de plus en plus utilisé en tant qu’indicateur de calcul du prix de la banane pour un certain nombre d’autres transactions, notamment celles concernant les bananes de marque (considérants 34 et 104 de la décision attaquée).

15      La Commission explique que les entreprises destinataires de la décision attaquée se sont engagées dans des communications bilatérales de prétarification au cours desquelles elles discutaient des facteurs de tarification de la banane, c’est-à-dire des facteurs se rapportant aux prix de référence pour la semaine à venir, ou ont débattu ou révélé les tendances suivies par les prix ou donné des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir. Ces communications ont eu lieu avant que les entreprises concernées n’établissent leur prix de référence, généralement le mercredi, et se rapportaient toutes aux futurs prix de référence (considérants 51 et suivants de la décision attaquée).

16      Dole a, ainsi, communiqué de manière bilatérale tant avec Chiquita qu’avec Weichert. Chiquita avait connaissance des communications de prétarification ou du moins s’attendait à l’existence de telles communications entre Dole et Weichert (considérant 57 de la décision attaquée).

17      Ces communications bilatérales de prétarification visaient à réduire l’incertitude liée au comportement des entreprises en ce qui concerne les prix de référence qu’elles devaient établir dans la matinée du jeudi (considérant 54 de la décision attaquée).

18      La Commission indique que, après l’établissement de leurs prix de référence le jeudi matin, les entreprises concernées se sont échangées leurs prix de référence de manière bilatérale. Cet échange postérieur leur a permis de contrôler les décisions de tarification individuelles au vu des communications de prétarification intervenues auparavant et a renforcé leurs liens de coopération (considérants 198 à 208, 227, 247, 273 et suivants de la décision attaquée).

19      Selon la Commission, les prix de référence servaient, à tout le moins, de signaux, de tendances et/ou d’indications pour le marché en ce qui concerne l’évolution envisagée du prix des bananes et ils étaient importants pour le commerce de la banane et les prix obtenus. En outre, dans certaines transactions, le prix était directement lié aux prix de référence en application de formules basées sur les prix de référence (considérant 115 de la décision attaquée).

20      La Commission considère que les entreprises concernées, qui ont participé à la concertation et qui sont demeurées actives dans le commerce des bananes, ont dû nécessairement prendre en compte les informations reçues des concurrents lors de la définition de leur comportement sur le marché, Chiquita et Dole l’ayant même expressément admis (considérants 228 et 229 de la décision attaquée).

21      La Commission conclut que les communications de prétarification, qui ont eu lieu entre Dole et Chiquita et entre Dole et Weichert, étaient susceptibles d’influer sur les prix pratiqués par les opérateurs et étaient relatives à la fixation des prix et qu’elles ont donné lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 CE (considérants 54 et 271 de la décision attaquée).

22      La Commission estime que tous les accords collusoires décrits dans la décision attaquée constituent une infraction unique et continue ayant pour objet de restreindre la concurrence au sein de la Communauté au sens de l’article 81 CE. Chiquita et Dole ont été tenus pour responsables de l’infraction unique et continue, dans sa globalité, tandis que Weichert n’a été tenue pour responsable que de la partie de l’infraction à laquelle elle a participé, à savoir la partie de l’infraction qui concerne les accords collusoires avec Dole (considérant 258 de la décision attaquée).

23      Compte tenu du fait que le marché de la banane en Europe du Nord se caractérisait par un volume commercial substantiel entre les États membres et que les pratiques collusoires couvraient une partie importante de la Communauté, la Commission considère que lesdits accords ont eu une incidence appréciable sur les échanges entre les États membres (considérants 333 et suivants de la décision attaquée).

24      La Commission indique qu’aucune exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE ne pouvait être accordée en l’absence de toute notification d’accords ou de pratique par les entreprises, condition préalable à l’application de l’article précité au titre de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), et même d’éléments permettant de considérer que les conditions du bénéfice d’une exemption étaient réunies en l’espèce (considérants 339 et suivants de la décision attaquée).

25      La Commission précise que le règlement no 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993), en vigueur à l’époque des faits et qui disposait que l’article 81 CE s’appliquait à tous les accords, décisions et pratiques liés à la production ou au commerce de différents produits incluant les fruits, prévoyait, en son article 2, des exceptions à l’application de l’article 81 CE. Les conditions d’application de ces exceptions n’étant pas réunies en l’espèce, la Commission conclut que la pratique concertée décrite dans la décision attaquée ne pouvait être exemptée au titre de l’article 2 du règlement no 26 (considérants 344 et suivants de la décision attaquée).

26      S’agissant du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, des dispositions des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices ») et de la communication sur la coopération.

27      La Commission a déterminé un montant de base de l’amende à infliger, lequel correspond à un montant compris entre 0 et 30 % de la valeur des ventes concernées de l’entreprise en fonction du degré de gravité de l’infraction, multiplié par le nombre d’années de la participation de l’entreprise à l’infraction, et d’un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes en vue de dissuader les entreprises de s’engager dans des comportements illicites (considérant 448 de la décision attaquée).

28      Ces calculs ont abouti à un montant de base de l’amende à infliger de :

–        208 000 000 euros pour Chiquita ;

–        114 000 000 euros pour Dole ;

–        49 000 000 euros pour Del Monte et Weichert.

29      Le montant de base de l’amende à infliger a été réduit de 60 % pour tous les destinataires de la décision attaquée, compte tenu du régime réglementaire particulier du secteur de la banane et au motif que la coordination portait sur les prix de référence (considérant 467 de la décision attaquée). Une réduction de 10 % a été accordée à Weichert, qui n’était pas informée des communications de prétarification entre Dole et Chiquita (considérant 476 de la décision attaquée).

30      Après ajustement, les montants de base des amendes à infliger s’établissaient comme suit :

–        83 200 000 euros pour Chiquita ;

–        45 600 000 euros pour Dole ;

–        14 700 000 euros pour Del Monte et Weichert.

31      Chiquita a bénéficié de l’immunité d’amendes en vertu de la communication sur la coopération (considérants 483 à 488 de la décision attaquée). Aucun autre ajustement n’a eu lieu pour Dole ni pour Del Monte et Weichert, le montant final de l’amende les concernant correspondant aux montants de base des amendes à infliger visés au point 30 ci-dessus.

32      La décision attaquée comprend, notamment, les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l’article 81 [CE] en participant à une pratique concertée consistant à coordonner les prix de référence pour les bananes :

–        [Chiquita], du 1er janvier 2000 au 1er décembre 2002 ;

–        Chiquita International Ltd, du 1er janvier 2000 au 1er décembre 2002 ;

–        Chiquita International Services Group NV, du 1er janvier 2000 au 1er décembre 2002 ;

–        Chiquita Banana Company BV, du 1er janvier 2000 au 1er décembre 2002 ;

–        [Dole], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;

–        [DFFE], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;

–        [Weichert], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;

–        [Del Monte], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002.

L’infraction couvrait les États membres suivants : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suède.

Article 2

Pour l’infraction à laquelle il est fait référence à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées :

–        [Chiquita], Chiquita International Ltd, Chiquita International Services Group NV et Chiquita Banana Company BV, conjointement et solidairement : 0 euro ;

–        [Dole] et [DFFE], conjointement et solidairement : 45 600 000 euros ;

–        [Weichert] et [Del Monte], conjointement et solidairement : 14 700 000 euros ;

[...] »

 Procédure et conclusions des parties

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la Commission à déposer certains documents.

35      La Commission a déposé, le 10 novembre 2011, les documents sollicités, lesquels ont été notifiés aux requérantes le 18 novembre de la même année. Ces dernières n’ont formulé aucune observation ni par écrit ni oralement.

36      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 25 janvier 2012.

37      Lors de l’audience, les requérantes ont présenté un document et demandé à ce qu’il soit versé au dossier de la procédure, ce à quoi s’est opposée la Commission.

38      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler ou réduire le montant de l’amende infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

I –  Sur la recevabilité du document produit par les requérantes lors de l’audience

40      Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique, cette disposition précisant toutefois qu’elles doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve.

41      Il ressort de la jurisprudence que le dépôt des offres de preuve postérieurement à la duplique reste possible dans le cas où l’auteur de l’offre ne pouvait, avant la clôture de la procédure écrite, disposer des preuves en question ou si les productions tardives de son adversaire justifient que le dossier soit complété de façon à assurer le respect du principe du contradictoire (arrêts du Tribunal du 21 avril 2004, M/Cour de justice, T‑172/01, Rec. p. II‑1075, point 44, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Gaki‑Kakouri/Cour de justice, C‑243/04 P, non publié au Recueil, et du 8 octobre 2008, Agrar-Invest-Tatschl/Commission, T‑51/07, Rec. p. II‑2825, point 57).

42      Ainsi que la Cour l’a jugé, s’agissant d’une exception aux règles régissant le dépôt des offres de preuve, l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure impose aux parties de motiver le retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve. Une telle obligation implique que soit reconnu au juge le pouvoir de contrôler le bien-fondé de la motivation du retard apporté à la production de ces offres de preuve et, selon le cas, le contenu de ces dernières ainsi que, si la demande n’est pas fondée à suffisance de droit, le pouvoir de les écarter. A fortiori il en est de même en ce qui concerne les offres de preuve présentées postérieurement au dépôt de la duplique (arrêt Gaki-Kakouri/Cour de justice, point 41 supra, point 33).

43      En l’espèce, les requérantes ont, lors de l’audience, sollicité que soit versé au dossier de la procédure un document correspondant à des déclarations de Chiquita sur l’approvisionnement d’Aldi par Atlanta, mûrisseur-distributeur, et les conditions, y compris temporelles, dans lesquelles ce détaillant émettait son offre sur le marché de la banane.

44      D’une part, il est constant que ces déclarations de Chiquita ont été recueillies au cours de la procédure administrative et font partie du dossier d’enquête de la Commission.

45      D’autre part, les requérantes se sont contentées d’affirmer que le dépôt du document en cause s’expliquait par la nécessité de répondre au point 49 de la duplique de la Commission concernant la discussion sur la distinction des bananes vertes et des bananes jaunes.

46      Il suffit de constater, à cet égard, que, dans ce point de la duplique, la Commission ne fait que reprendre les termes de la décision attaquée selon lesquels la référence de l’importateur à un prix jaune ou vert dépend de la manière dont il organise les ventes de bananes et mettre en exergue les propres affirmations des requérantes, contenues dans la requête, quant au fait que le « prix Aldi », afférent à l’acquisition de bananes jaunes, constituait un facteur très important pour les ventes de bananes vertes.

47      L’offre de preuve proposée par les requérantes ne porte donc pas sur un quelconque point nouveau, mais a trait à une question posée dès l’origine du litige, par les requérantes, sur la prétendue distinction devant être faite entre bananes vertes et bananes jaunes et l’influence de l’« offre Aldi » sur les prix de transaction.

48      Dans ces circonstances, il y a lieu de déclarer irrecevable le document présenté tardivement par les requérantes lors de l’audience.

II –  Sur les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée

49      Les requérantes ont soulevé un moyen unique, tiré du caractère erroné de la conclusion de la Commission quant à l’existence d’une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel.

50      Il ressort des écritures des requérantes que, dans le cadre dudit moyen, ces dernières invoquent une violation, d’une part, des articles 81 CE et 253 CE et, d’autre part, des droits de la défense et de l’article 253 CE.

A –  Sur la violation des articles 81 CE et 253 CE

1.     Sur la possibilité de qualifier un échange d’informations de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel

51      En premier lieu, les requérantes affirment que le comportement en cause consistait en un simple échange d’informations ne faisant pas partie d’une entente plus large et ne constituait donc pas une restriction de la concurrence par objet. Elles soutiennent que, selon la jurisprudence, le simple fait qu’un échange d’informations puisse potentiellement réduire l’incertitude sur de futures politiques de tarification ne constitue pas un fondement suffisant pour le qualifier de restriction de la concurrence par objet.

52      Elles indiquent que la Commission s’appuie à tort sur plusieurs affaires impliquant des échanges d’informations faisant partie d’accords collusoires plus larges, alors même qu’elle ne soutient pas, ainsi que le montrent différents passages de la décision attaquée, que les entreprises impliquées dans la présente affaire ont participé à un accord ou à une pratique concertée visant à fixer les prix réels, ni à un accord concernant les prix de référence, ni même à un accord ou à une pratique concertée visant à fixer des hausses ou des baisses spécifiques de ces prix.

53      Premièrement, s’agissant de l’infraction visée dans la décision attaquée, il résulte des termes de cette dernière, de manière non équivoque, que la Commission reproche aux requérantes une coordination des prix de référence des bananes par le biais de communications bilatérales de prétarification, situation caractérisant une pratique concertée portant sur la fixation des prix et ayant donc pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 CE (voir, notamment, considérants 1, 54, 261, 263 et 271 de la décision attaquée), ce qui n’est pas incompatible avec le fait que la Commission n’a pas conclu, en l’espèce, à l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée visant à fixer les prix réels, ni d’un accord concernant les prix de référence, ni même d’un accord ou d’une pratique concertée visant à fixer des hausses ou des baisses spécifiques de ces prix.

54      Il apparaît ainsi que l’échange d’informations en cause est constitutif, selon la Commission, d’une entente, laquelle fait l’objet de la qualification juridique spécifique de pratique concertée.

55      À cet égard, il convient de rappeler que les notions d’« accord », de « décisions d’associations d’entreprises » et de « pratique concertée » appréhendent, du point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 131).

56      S’agissant de la définition de la pratique concertée, la Cour a précisé que cette dernière visait une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substituait sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26 ; du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 63, et du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 26).

57      La notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments. À cet égard, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 161 à 163, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 51).

58      En l’espèce, les requérantes ne sauraient exciper de certains passages de la décision attaquée distinguant les notions de pratiques concertées et d’accords pour fonder leurs allégations quant à l’absence de grief, dans ladite décision, concernant la fixation des prix.

59      Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’argument selon lequel un échange d’informations ne peut être constitutif d’une restriction de concurrence par objet que s’il fait « partie d’accords collusoires plus larges, tels que les ententes relatives à la fixation des prix réels ou des parts de marché » est dépourvu de tout fondement en droit.

60      En ce qui concerne l’échange d’informations entre concurrents, il convient de rappeler que les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêts de la Cour Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, point 173 ; du 14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, point 13 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 56 supra, point 63 ; du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, Rec. p. I‑3111, point 86, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 32).

61      Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur ce marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir, en ce sens, arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, point 174 ; Züchner, point 60 supra, point 14 ; Deere/Commission, point 60 supra, point 87, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 33).

62      Il s’ensuit que l’échange d’informations entre concurrents est susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêts de la Cour Deere/Commission, point 60 supra, point 90 ; du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 81, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 35).

63      La Commission considère que les communications bilatérales de prétarification ont réduit l’incertitude entourant les décisions futures des entreprises concernées en ce qui concerne les prix de référence, lesquels constituent des prix annoncés, et ajoute, à juste titre, qu’une concertation sur de tels prix peut aussi constituer une infraction par objet (considérant 284 de la décision attaquée).

64      En effet, en ce qui concerne la possibilité de considérer une pratique concertée comme ayant un objet anticoncurrentiel bien que cette dernière n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation, il y a lieu de relever que le libellé de l’article 81, paragraphe 1, CE ne permet pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux. Au contraire, il ressort dudit article 81, paragraphe 1, sous a), CE qu’une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction » (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, points 36 et 37).

65      En tout état de cause, l’article 81 CE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, points 38 et 39).

66      Indépendamment de la pertinence de la référence, dans la décision attaquée, à certaines décisions jurisprudentielles, il appartient au Tribunal de vérifier si, dans les circonstances de l’espèce, la Commission a pu conclure, à bon droit, que les échanges d’informations intervenues entre, d’une part, Dole et Chiquita et, d’autre part, Dole et Weichert constituaient une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence.

67      En deuxième lieu, les requérantes prétendent que la Commission a conclu, à tort, que les échanges d’informations en cause constituaient une restriction de la concurrence par objet et que, ce faisant, elle s’est soustraite à l’obligation d’examiner s’ils avaient un effet anticoncurrentiel quelconque.

68      S’agissant de la délimitation entre les pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel et celles ayant un effet anticoncurrentiel, il y a lieu de rappeler que l’objet et l’effet anticoncurrentiel ne sont pas des conditions cumulatives, mais alternatives, pour apprécier si une pratique relève de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE. Selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt de la Cour du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337, 359), le caractère alternatif de cette condition, marqué par l’emploi de la conjonction « ou », conduit à la nécessité de considérer en premier lieu l’objet même de la pratique concertée, compte tenu du contexte économique dans lequel elle doit être appliquée. Cependant, dans l’hypothèse où l’analyse de la teneur de la pratique concertée ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait alors d’en examiner les effets et, pour la frapper d’interdiction, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, Rec. p. I‑8637, point 15, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 28).

69      Pour apprécier si une pratique concertée est prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est donc superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496 ; du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, point 125, et Beef Industry Development Society et Barry Brothers, point 68 supra, point 16). La distinction entre « infractions par objet » et « infractions par effet » tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêts Beef Industry Development Society et Barry Brothers, point 68 supra, point 17, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 29).

70      Pour avoir un objet anticoncurrentiel, il suffit que la pratique concertée soit susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence. En d’autres termes, elle doit simplement être concrètement apte, en tenant compte du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché commun. La question de savoir si et dans quelle mesure un tel effet se produit réellement ne peut avoir d’importance que pour calculer le montant des amendes et évaluer les droits à des dommages et intérêts (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 31).

71      En l’espèce, la Commission ayant conclu que les communications de prétarification entre les entreprises concernées avaient donné lieu à une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel, elle n’était pas tenue, conformément à la jurisprudence susmentionnée, d’examiner les effets du comportement incriminé pour pouvoir conclure à une violation de l’article 81 CE.

72      En troisième lieu, les requérantes font valoir que, afin de s’écarter de la jurisprudence selon laquelle les échanges d’informations ne seraient généralement pas « suffisamment nocifs » pour mériter d’être qualifiés de restrictions de la concurrence par objet, même dans les cas où les informations échangées seraient destinées à influencer effectivement la fixation des prix, la Commission a établi, au considérant 315 de la décision attaquée, une distinction artificielle entre les communications de « prétarification » et les échanges d’informations « ex post » et soutenu que la présente affaire portait sur les premières, considérées comme plus graves. Cette distinction ne serait étayée par aucune décision jurisprudentielle et contredirait même la jurisprudence imposant la prise en compte de la structure du marché ainsi que des caractéristiques des communications.

73      Ainsi que l’indique à juste titre la Commission, cet argument des requérantes procède d’une lecture partielle de la décision attaquée, le considérant 315 devant être lu à la lumière de l’ensemble de l’analyse menée par la Commission dans ladite décision.

74      Il importe, à cet égard, de souligner que la Commission utilise l’expression générique « communications de prétarification » pour désigner la pratique concertée portant sur la coordination des prix de référence et ayant pour objet une restriction de la concurrence au sens de l’article 81 CE au terme de l’analyse effectuée aux considérants 259 à 272 de la décision attaquée. Les communications de prétarification sont définies aux considérants 51, 148 et 182 de la décision attaquée comme des échanges au cours desquels les entreprises concernées discutaient des facteurs de tarification de la banane, c’est-à-dire des facteurs se rapportant aux prix de référence pour la semaine à venir, débattaient ou révélaient des tendances suivies par les prix ou donnaient des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir. Ces communications avaient lieu avant que les parties n’établissent leur prix de référence et se rapportaient toutes aux futurs prix de référence.

75      La Commission fait état également des « échanges de prix de référence » dont la teneur est précisée au même considérant 51 de la décision attaquée, de la manière suivante :

« […] Une fois leurs prix de référence fixés le jeudi matin, les parties échangeaient leurs prix sur une base bilatérale ou utilisaient au moins un mécanisme leur permettant d’échanger bilatéralement des informations sur les prix de référence fixés […] »

76      Il résulte des considérants 51, 198, 227, 248, 250 et 257 de la décision attaquée que, pour la Commission, ces échanges de prix de référence constituaient un élément des arrangements collusoires des entreprises, car servant à contrôler les décisions individuelles en matière de fixation des prix prises sur la base des informations échangées dans le cadre des communications de prétarification, et ne constituaient donc pas une infraction distincte, mais un mécanisme de surveillance du résultat contribuant au même objectif.

77      Quant au considérant 315 de la décision attaquée, il a seulement pour objet de répondre à un argument des entreprises destinataires de la communication des griefs selon lequel les communications de prétarification ne sont que de simples échanges d’informations, qui ne peuvent violer l’article 81 CE que si des effets anticoncurrentiels sont établis. La Commission y opère une distinction entre la présente affaire et celle, invoquée par ces entreprises, ayant donné lieu à la décision 92/157/CEE de la Commission, du 17 février 1992, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.370 et 31.446 – UK Agricultural Tractor Registration Exchange) (JO L 68, p. 19), concernant un système d’échange d’informations à l’origine d’une violation de l’article 81 CE en raison de ses effets anticoncurrentiels sur le marché.

78      La Commission se borne à souligner que les communications de prétarification n’étaient pas des échanges d’informations ex post, c’est-à-dire portant sur des transactions déjà réalisées comme dans l’affaire UK Agricultural Tractor Registration Exchange, mais qu’elles ont donné lieu à la divulgation de la ligne de conduite que les concurrents envisageaient d’adopter sur le marché concernant l’établissement futur de leurs prix de référence.

79      Contrairement aux affirmations des requérantes, la Commission n’effectue, à cette occasion, aucune comparaison ni aucun classement des types d’échanges d’informations en termes de nocivité pour la concurrence selon qu’ils aient lieu avant ou après la fixation des prix de transaction et n’affirme pas que les premiers sont les plus graves et permettent de caractériser, sans autres appréciations, une restriction de la concurrence par objet.

80      La seule distinction sur laquelle s’appuie la Commission au considérant 315 de la décision attaquée est celle existant entre les ententes ayant un objet anticoncurrentiel et celles ayant un effet anticoncurrentiel, distinction admise par la jurisprudence.

81      Se référant aux considérants 263 à 271 de la décision attaquée, la Commission précise que la pratique concertée impliquant Dole a pour objet une restriction de la concurrence au sens de l’article 81 CE et que, « par conséquent, il n’est pas nécessaire [qu’elle] analyse la structure du marché » ou « les caractéristiques des communications ou des informations communiquées à la lumière des critères définis dans l’affaire UK Agricultural Tractor Registration Exchange ».

82      Cette dernière mention ne saurait être interprétée, comme le font les requérantes, comme la preuve d’une méconnaissance par la Commission, en l’espèce, des exigences jurisprudentielles en matière d’appréciation de la conformité des échanges d’informations entre concurrents aux règles de la concurrence. Elle n’a, en réalité, d’autre portée que la seule différenciation devant être faite avec une situation où le constat de la violation de l’article 81 CE résultait de la prise en compte des effets restrictifs de la concurrence d’un système d’échange d’informations.

83      La référence expresse aux considérants 263 à 271 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission rappelle certaines caractéristiques du système d’échange d’informations entre les entreprises concernées et sa prise en compte du contexte dans lequel il s’insérait, suffit à contredire l’interprétation des requérantes.

84      En tout état de cause, ainsi qu’il sera exposé ci-après, la Commission a procédé à une évaluation de la pratique en cause en tenant compte de la teneur, de la fréquence et de la durée des communications bilatérales ainsi que du contexte juridique et économique dans lequel ces discussions s’inséraient.

85      Il s’ensuit que l’argument des requérantes mentionné au point 72 ci-dessus doit être rejeté.

2.     Sur l’existence d’une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel

a)     Sur l’absence de crédibilité de Chiquita

86      Les requérantes affirment que la conclusion de la Commission selon laquelle l’échange d’informations en cause constitue une pratique concertée portant sur la fixation des prix, et par conséquent une restriction de la concurrence par objet, est fondée pratiquement exclusivement sur la manière dont Chiquita a décrit ce comportement au cours de la procédure administrative, alors même que ladite entreprise souffre d’une absence totale de crédibilité.

87      Elles excipent, à cet égard, de l’intérêt personnel qu’avait Chiquita à qualifier le comportement en cause d’infraction, du déroulement, très significatif, de la procédure administrative et de l’existence de contradictions manifestes.

88      Il convient de souligner, à titre liminaire, que l’argumentation des requérantes, qui vise à disqualifier de manière générale le témoignage de Chiquita, repose sur une prémisse erronée, en ce sens que les déclarations de Chiquita ne sont que l’un des éléments pris en compte par la Commission pour fonder ses conclusions, en combinaison avec les propres déclarations de Dole et de Weichert et des preuves documentaires, tels que relevés téléphoniques et messages électroniques, tous ces éléments ayant été examinés et confrontés de manière à faire apparaître tant les éléments contradictoires que les éléments concordants tendant à établir l’existence d’une pratique concertée.

89      La spécificité de la pratique en cause, à savoir le fait que les communications bilatérales en cause ont eu lieu oralement et que les parties ont informé la Commission qu’elles n’avaient ni notes ni comptes rendus de ces communications, explique, cependant, l’importance des déclarations faites par les entreprises au cours de la procédure administrative.

90      En premier lieu, s’agissant de l’intérêt personnel qu’avait Chiquita à qualifier le comportement en cause d’infraction, les requérantes indiquent que le dépôt par cette entreprise, le 8 avril 2005, d’une demande d’immunité fondée sur la communication sur la coopération était lié à l’acquisition, annoncée six semaines auparavant, du secteur « Fresh Express » de Performance Food Group. Selon les requérantes, Chiquita ne pouvait finaliser son acquisition du secteur « Fresh Express », qui présentait une importance stratégique considérable pour elle, sans apaiser les inquiétudes émises par les banques finançant l’opération à la suite d’un contrôle préalable de ses activités, et ce n’est que le 28 juin 2005, après l’obtention de l’immunité conditionnelle le 3 mai 2005, que Chiquita a annoncé l’aboutissement de l’opération d’acquisition.

91      Il convient de relever que l’argument des requérantes ne répond pas à la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération. En effet, le fait de demander à bénéficier de l’application de celle-ci en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuves déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70).

92      À supposer exactes les allégations des requérantes quant à la motivation de la demande d’immunité présentée par Chiquita, elles ne sont pas de nature à ôter aux déclarations de cette entreprise toute crédibilité. L’existence d’un intérêt personnel à la dénonciation ne signifie pas nécessairement l’absence de fiabilité de son auteur.

93      Les inquiétudes des opérateurs devant financer l’acquisition de Chiquita et leur souci, à cette fin, de cerner au mieux le risque lié à la situation de l’emprunteur peuvent, tout autant, être considérés comme un indice concret renforçant la force probante des déclarations de Chiquita quant à la réalité d’une entente.

94      En outre et surtout, la présentation uniquement avantageuse de la démarche entreprise par Chiquita le 8 avril 2005 est trompeuse dans la mesure où elle fait abstraction d’une conséquence certaine et potentiellement négative liée à la reconnaissance par elle de sa participation à une entente. En effet, si la demande d’immunité permettait à Chiquita d’espérer échapper à toute sanction de la Commission, la reconnaissance précitée et la décision subséquente de la Commission constatant une violation de l’article 81 CE expose cette entreprise à une action en dommages-intérêts de la part des tiers en réparation du dommage subi du fait du comportement anticoncurrentiel en cause, ce qui peut s’avérer lourd de conséquences sur le plan financier.

95      Cette conclusion est également de nature à relativiser l’allégation des requérantes sur l’attente supposée de Chiquita de voir les entreprises concurrentes supporter un handicap financier au terme de la procédure administrative.

96      En deuxième lieu, les requérantes se réfèrent au déroulement de la procédure administrative, en faisant valoir que la Commission a constaté elle-même que Chiquita manquait de crédibilité, puisqu’elle a rejeté pratiquement toutes les allégations effectuées par cette société au motif qu’elles étaient sans fondement, y compris en ce qui concerne la participation de Fyffes et de Van Parys à l’entente alléguée, et a été contrainte d’organiser une réunion d’« état du dossier » avec Chiquita. Cette dernière n’aurait identifié les communications bilatérales en cause et excipé de leur objet anticoncurrentiel qu’après cette réunion. 

97      Elles rappellent que la demande de clémence de Chiquita du 8 avril 2005 comportait la mention suivante :

« Cette demande porte sur l’activité de distribution et de commercialisation des bananes, ainsi que des ananas et d’autres fruits frais, importés. Les plus grands fournisseurs de bananes en Europe, y compris la Suisse et la Norvège, sont [Chiquita], [Dole], Del Monte, [Fyffes], Ireland et Grupo Noboa SA Ecuador, appelée ci-après Noboa.

Les actions concertées entre les importateurs de bananes violant l’article 81 [CE] ont eu lieu approximativement depuis le début des années 90 (ou plus tôt) jusqu’en avril 2005. Au cours des quatre ou cinq dernières années, Chiquita, Dole, Del Monte, Fyffes et Noboa ont participé à ces actions concertées, et peut être regroupent-elles encore aujourd’hui ou ont-elles compté précédemment d’autres fournisseurs de bananes plus petits tels que Durbeck. Les sociétés susmentionnées ont entamé dans le secteur de la banane un échange régulier d’informations portant sur les volumes et les prix des futures livraisons en Europe, ainsi qu’à leurs clients européens personnels.

Les sociétés ont également entamé des actions concertées portant directement sur les prix, à savoir sur les prix de référence généraux pour l’Europe appliqués à certains clients européens. »

98      Il apparaît ainsi que la demande de clémence visait plus particulièrement les « importateurs de bananes » et leur participation à des actions concertées « au cours des cinq dernières années ».

99      La teneur de la décision attaquée démontre que les déclarations de Chiquita ont été, contrairement aux affirmations des requérantes, largement prises en compte par la Commission. Premièrement, il est constant que, sur les cinq importateurs mentionnés, trois ont été rendus destinataires de la décision attaquée. Deuxièmement, un échange d’informations sur les volumes y a été effectivement constaté sans qu’il soit finalement retenu comme élément constitutif de l’infraction (voir considérants 136 et 272 de la décision attaquée). Troisièmement, un échange d’informations, sous forme de communications de prétarification, afférent aux prix de référence des importateurs et fournisseurs, a été retenu dans la décision attaquée pour caractériser une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel d’une durée de trois ans, incluse dans la période restreinte plus spécifiquement visée dans la demande de clémence.

100    En tout état de cause, le constat selon lequel l’infraction finalement constatée dans la décision attaquée ne correspond pas en tous points avec les indications contenues dans la demande de clémence en ce qui concerne l’objet du comportement infractionnel, sa durée et le nombre d’entreprises concernées et sanctionnées n’est pas de nature à démontrer que l’auteur de ladite demande et ses déclarations, sur lesquelles les conclusions de la Commission de l’existence d’une violation de l’article 81 CE sont partiellement fondées, sont dépourvus de crédibilité.

101    Le résultat de la procédure administrative diligentée par la Commission, mis en exergue par les requérantes, contredit même l’affirmation de ces dernières selon laquelle « la Commission a admis trop facilement l’affirmation de Chiquita selon laquelle il existait une forme d’entente entre les importateurs de bananes en Europe du Nord » et n’a pas procédé à « un examen critique » des déclarations de cette société.

102    La volonté des requérantes de discréditer le témoignage de Chiquita a conduit celles-ci à développer un raisonnement contradictoire visant, tout à la fois, à reprocher à la Commission de s’être quasi exclusivement fondée sur les déclarations de Chiquita, et ce sans précaution ni analyse critique, et à souligner les différences entre ces déclarations et le contenu de la décision attaquée.

103    Il ne saurait, par ailleurs, être déduit d’une lettre de la Commission invitant Chiquita à présenter ses observations sur de « possibles » discordances entre la demande de clémence initiale et des déclarations ultérieures ainsi que de la tenue d’une réunion, le 20 octobre 2006, au cours de laquelle la Commission et Chiquita ont eu un échange de vues sur la confrontation des éléments contenus dans la demande de clémence avec ceux résultant des inspections et des demandes de renseignements, une disqualification globale du témoignage de Chiquita.

104    Il convient de relever que les requérantes, qui ont eu accès au dossier d’enquête, se contentent d’affirmer que Chiquita a fait état des communications de prétarification après la réunion-bilan du 20 octobre 2006 et ne fournissent aucun élément de nature à contredire l’observation de la Commission selon laquelle Chiquita a fait référence à ces communications de prétarification pour la première fois en juillet-août 2005 (déclarations no 11 et 12), soit plus d’un an avant la tenue de cette réunion.

105    Le considérant 149 de la décision attaquée, dans lequel il est indiqué que, « [l]orsque Chiquita a informé la Commission des communications de prétarification qu’elle entretenait avec Dole, elle a invoqué que leurs thèmes avaient été les conditions de vente et de marché et les facteurs de prix ainsi que les offres de prix officiels concernant les bananes », fait référence aux pages 9 227 et suivantes du dossier de la Commission correspondant à la déclaration d’entreprise de Chiquita no 12, du 25 août 2005. En outre, l’annexe A 6 de la requête correspond à la déclaration no 28 de Chiquita, dans laquelle elle apporte des clarifications sur le comportement de son ancien employé, M. B., engagé dans des communications avec des entreprises concurrentes, et rappelle avoir décrit ce qu’elle savait de ces communications dans les déclarations précédentes no 11, du 4 juillet 2005, no 12, du 25 août 2005 et no 13, du 20 janvier 2006.

106    En troisième lieu, Dole relève que le témoignage du salarié de Chiquita, M. B., concernant les communications bilatérales engagées avec un de ses salariés, M. H., présente plusieurs contradictions internes, qui soulèvent des doutes sérieux quant à son exactitude et à sa fiabilité, et se trouve également contredit par celui de son salarié.

107    Premièrement, les requérantes évoquent les variations des déclarations de Chiquita concernant le calendrier des communications, avec allégation d’échanges ayant lieu les lundis et mardis puis les mercredis et jeudis.

108    Cette situation est clairement expliquée aux considérants 71 à 74, et 156 de la décision attaquée, dont il résulte que, après s’être entretenue de manière complémentaire avec d’anciens salariés et ses salariés actuels et après avoir passé en revue les relevés téléphoniques de son ancien salarié, M. B., Chiquita a précisé sa déclaration initiale en indiquant que les appels avaient lieu généralement le mercredi en fin d’après-midi et étaient suivis d’un second appel le jeudi en début de matinée, avant, voire parfois immédiatement avant, l’appel en conférence interne qui précédait sa décision en matière de tarification.

109    Il importe de souligner que Dole a admis, de façon cohérente, dans ses réponses à des demandes de renseignements, que les appels téléphoniques avaient lieu le mercredi après-midi et, bien que très rarement selon elle, le jeudi matin (considérant 73 de la décision attaquée), et que les déclarations des entreprises sont corroborées par les relevés téléphoniques disponibles de M. B. qui montrent les appels téléphoniques passés par ce dernier à M. H., relevés au sujet desquels les requérantes n’ont formulé aucune observation.

110    Deuxièmement, s’agissant de l’origine des appels, les requérantes relèvent une première déclaration de Chiquita selon laquelle « M. H., de Dole, appelait parfois M. B. le premier, et parfois Chiquita appelait Dole la première », puis une seconde selon laquelle « la plupart du temps, M. H. appelait M. B. », cette dernière allégation étant, au demeurant, contestée par M. H.

111    Les déclarations susmentionnées de Chiquita ne font pas apparaître une réelle contradiction, mais une précision sur l’origine majoritaire des appels, et la contestation de Dole sur ce point ne permet pas d’alléguer valablement une absence totale de fiabilité du témoignage de Chiquita, alors même que ce dernier est corroboré par Dole qui a déclaré que ses salariés, MM. H. et G., communiquaient avec M. B. employé de Chiquita et que, « à de rares occasions, il se peut que M. H. ait pris contact avec M. B. le mercredi après-midi si Dole n’avait pas entendu parler de lui le mercredi après-midi et en particulier si une circonstance inhabituelle se produisait dans les développements du marché » (considérants 60 et 61 de la décision attaquée).

112    Sur la base de ces éléments, la Commission a pu justement conclure, sans que cela soit contesté par les requérantes, que Chiquita et Dole avaient bien communiqué, même si les parties ont un souvenir différent en ce qui concerne la personne se trouvant à l’origine « la plupart du temps » des contacts et que les deux parties admettent, en outre, que leurs propres salariés ont également pris contact avec l’autre partie à certaines occasions (considérant 62 de la décision attaquée).

113    Troisièmement, les requérantes font observer que M. B. a soutenu que Dole communiquait « son intention probable [...] quant à la manière dont elle fixerait les prix la semaine suivante », puis, toujours dans la même déclaration, que les appels avaient pour but d’obtenir « une indication finale de la part de Dole sur son intention à propos de la fixation prévue du prix ».

114    Ce même grief a été exposé par Dole dans sa réponse à la communication des griefs, ce qui a entraîné la réponse suivante de la Commission au considérant 169 de la décision attaquée :

« La Commission fait remarquer, d’une manière générale, que, comme ces communications étaient des communications de prétarification, il est clair que les indications ou intentions de prix communiquées aux concurrents ne pouvaient pas avoir été un prix de référence final, puisque celui-ci n’était établi que le lendemain. De plus, Chiquita indique dans sa déclaration d’entreprise que, selon elle, les communications avaient pour objet d’obtenir de Dole une ‘indication finale’ concernant ‘son intention sur le prix escompté’. Ceci montre clairement que Chiquita n’affirmait pas que ce que Dole communiquait était un prix final. Chiquita indique en outre que la recommandation de tarification de M. B. était basée sur ‘l’intention probable de Dole’ dont il avait eu connaissance lors des communications de prétarification avec Dole. La Commission estime que ces déclarations ne sont pas incohérentes et qu’elles montrent clairement la finalité de ces communications pour Chiquita. »

115    Le seul rappel, dans la requête, que M. H. s’est seulement souvenu de discussions portant sur les « tendances indicatives des prix de référence » n’est pas de nature à contredire la conclusion susvisée de la Commission et à justifier les allégations d’incohérence et d’absence de fiabilité subséquente du témoignage de Chiquita.

116    Quatrièmement, en ce qui concerne la discordance entre Chiquita et Dole sur la détermination de la fréquence exacte des échanges, elle ne signifie pas nécessairement, comme l’entendent les requérantes, l’absence de fiabilité du témoignage de Chiquita.

117    La question de la fréquence des communications bilatérales entre Dole et Chiquita est examinée aux considérants 76 à 86 de la décision attaquée et la Commission a pris en compte les réponses de Dole, laquelle a admis que ces communications bilatérales ont eu lieu environ 20 fois par an (considérant 83 de la décision attaquée).

118    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’argumentation des requérantes visant à disqualifier de manière générale le témoignage de Chiquita en raison d’une prétendue absence de crédibilité de celui-ci doit être écartée.

b)     Sur l’incompatibilité des modes d’exploitation de Dole et de Chiquita avec la collusion reprochée

119    Les requérantes prétendent que la thèse de la Commission selon laquelle les communications bilatérales échangées entre les parties avaient pour objectif de coordonner leurs prix de référence est incompatible avec le fait que Chiquita et Dole fixaient des prix de référence pour des produits différents, des clients différents et des semaines différentes du cycle de trois semaines du marché de la banane. Il ne serait donc même pas théoriquement possible de coordonner les prix de référence sur la base des informations échangées, dans la mesure où les produits vendus par Chiquita et par Dole seraient deux produits totalement différents qui ne seraient pas en concurrence sur le même marché.

120    Le prix de référence fixé par Chiquita concernerait les bananes matures qui seraient livrées aux détaillants, alors que le prix de référence fixé par Dole concernerait les bananes immatures livrées aux mûrisseurs-distributeurs. Selon les requérantes, Chiquita fixait son prix de référence jaune pour les bananes arrivées en Europe du Nord la semaine précédente et livrées aux détaillants la semaine suivante, alors que Dole fixait son prix de référence vert pour les bananes qui arrivaient en Europe du Nord la semaine suivante et n’étaient livrées aux détaillants que deux semaines après.

121    Cette situation ne serait pas propre à l’Allemagne, où Chiquita communiquait uniquement à ses clients à des fins externes un prix de référence jaune, en raison de l’exercice par sa filiale Atlanta des activités de mûrisseur-distributeur. En effet, Chiquita aurait indiqué à la Commission que les décisions de fixation des prix prises le jeudi au sujet des pays nordiques concerneraient également les bananes déjà en cours de mûrissement.

122    Les requérantes reprochent enfin à la Commission de ne pas avoir expliqué de façon claire et non équivoque sa position, violant ainsi l’article 253 CE, et ce, notamment, en n’expliquant pas « valablement comment l’échange d’informations sur des éléments prétendument pertinents pour établir les prix de référence des bananes vertes peut avoir une pertinence quelconque pour fixer le prix des bananes jaunes ».

 Sur la violation alléguée de l’article 253 CE

123    Il résulte de la formulation du grief rappelé au point précédent, et plus précisément de l’emploi de l’adverbe « valablement », ainsi que de la teneur de l’argumentation développée par les requérantes, que ce grief ne vise pas, à proprement parler, une violation des formes substantielles au sens de l’article 230 CE. Le grief en cause se confond, en réalité, avec la critique du bien-fondé de la décision attaquée et donc de la légalité au fond de cet acte, lequel serait illégal eu égard à l’absence de démonstration, par la Commission, de l’existence voire de la possibilité même de l’existence d’une coordination illicite entre Dole et Chiquita.

124    Au demeurant, à supposer même que l’allégation d’une violation de l’article 253 CE puisse être retenue, elle serait dépourvue de fondement.

125    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

126    En outre, si, dans la motivation des décisions qu’elle est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, la Commission n’est pas obligée de discuter tous les points de fait et de droit ainsi que les considérations qui l’ont amenée à prendre une telle décision, il n’en reste pas moins qu’elle est tenue, en vertu de l’article 253 CE, de mentionner, à tout le moins, les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, permettant ainsi au juge de l’Union et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 95, et la jurisprudence citée).

127    En l’espèce, la Commission a, aux considérants 4, 5, 32, 34, 104, 141 à 143, 182, 196 et 287 de la décision attaquée, expliqué avec suffisamment de précision et de clarté sa position quant à la nature unique du produit en cause, à savoir la banane fraîche, la spécificité dudit produit, fruit importé vert et offert à la consommation du public une fois devenu jaune, après mûrissement, les modalités d’organisation de la maturation et, subséquemment, de commercialisation des bananes, le processus de négociation commerciale avec les prix de référence et le lien existant entre les prix de référence des bananes vertes et jaunes.

128    Il importe, en outre, de souligner que l’argumentation des requérantes visant à faire constater, en substance, un cloisonnement et une désynchronisation des activités de Dole et de Chiquita rendant impossible une collusion sur les prix de référence par le biais des communications bilatérales n’a pas été soulevée au cours de la procédure administrative.

129    Or, il est constant que la communication des griefs indiquait explicitement que le produit en cause était constitué par la banane (fruit frais) et faisait état de trois pratiques collusoires, à savoir :

–        l’échange d’informations portant sur les volumes des arrivages de bananes en Europe du Nord (échange d’informations sur les volumes) ;

–        des communications bilatérales portant sur les conditions du marché de la banane, les tendances des prix ou l’indication des prix de référence avant que ces prix ne soient fixés ;

–        l’échange d’informations sur les prix de référence des bananes (échange de prix de référence).

130    Au paragraphe 429 de la communication des griefs, la Commission a, de manière non équivoque, conclu que « chaque série d’arrangements bilatéraux » et l’ensemble de ces arrangements constituaient une infraction ayant pour objet de restreindre la concurrence dans la Communauté et dans l’Espace économique européen (EEE) au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE.

131    Dans sa réponse à la communication des griefs, Dole a contesté l’existence de toute infraction, mais elle n’a, à cette fin, aucunement allégué une différence substantielle de mode de commercialisation des bananes par rapport à Chiquita. S’il est indiqué que, contrairement à Dole et au reste du secteur, les prix de référence ont eu certaines utilisations très limitées et discrètes pour Chiquita du fait de la particularité de son activité, cette observation vise uniquement les contrats « Dole plus » où le prix de transaction des bananes de marque Chiquita dépendait en réalité du prix de référence hebdomadaire fixé par Dole.

132    Il est même clairement souligné, dans la réponse à la communication des griefs susmentionnée, la constante rivalité ayant existé entre les importateurs de bananes et, « en particulier, entre Dole et Chiquita », ce dernier opérateur étant qualifié de « plus grand rival » de Dole.

133    Il convient, à ce stade, de rappeler que des explications ou des précisions de nature à éclairer les termes de l’acte attaqué peuvent être fournies en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1960, Präsident e.a./Haute Autorité, 36/59 à 38/59 et 40/59, Rec. p. 857, 892 ; du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C‑310/93 P, Rec. p. I‑865, point 11, et conclusions de l’avocat général M. Léger sous cet arrêt, Rec. p. I‑867, point 24). La Cour a jugé que des précisions apportées par l’auteur d’une décision attaquée, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante, ne relèvent pas à proprement parler du respect de l’obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge de l’Union, en ce qu’elles permettent à l’institution d’expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 61).

134    En l’espèce, les précisions fournies en cours d’instance par la Commission, en réponse au grief spécifique soulevé par les requérantes pour la première fois lors de la procédure contentieuse, ne sont venues qu’expliciter la motivation déjà contenue dans la décision attaquée, laquelle englobe les différents modes de distribution des bananes importées en Europe du Nord, notamment, par Dole et Chiquita.

135    Il s’ensuit qu’aucune violation de l’article 253 CE ne saurait, en tout état de cause, être reprochée à la Commission.

 Sur le fond

136    Il y a lieu de considérer que le grief soulevé par les requérantes ne peut être retenu, en ce qu’il repose sur une prémisse non étayée et erronée, selon laquelle les bananes vertes et jaunes constituent des produits totalement différents relevant de deux marchés distincts sur lesquels opéreraient, de manière exclusive, Dole, d’une part, et Chiquita, d’autre part.

137    La thèse des requérantes ne correspond pas à la réalité du marché concerné telle qu’elle résulte des constatations opérées par la Commission dans la décision attaquée, des déclarations de Dole et de Chiquita formulées au cours de la procédure administrative et des propres écritures des requérantes.

138    Ainsi qu’il résulte des motifs ci-après, ces constatations et déclarations, corroborées par des preuves documentaires, révèlent l’existence d’un marché de la banane (fruit frais) caractérisé par une coexistence et une concomitance des activités de Dole et de Chiquita de ventes de bananes vertes et jaunes, une communication de ces deux entreprises, dans une parfaite compréhension mutuelle, sur le prix des bananes vertes pour l’Europe du Nord et le fait que le prix des bananes vertes était celui à partir duquel était fixé le prix des bananes jaunes.

139    En premier lieu, il importe de souligner que la Commission définit clairement, dans la décision attaquée, le secteur en cause et, notamment, le produit en cause comme étant les bananes fraîches ainsi que le fonctionnement du marché concerné.

140    La Commission précise que tant les bananes immatures (vertes) que les bananes matures (jaunes) sont couvertes par la décision attaquée et que les ventes de bananes fraîches se définissent comme étant les ventes de bananes moins les bananes déshydratées et les bananes plantains (considérant 4 de la décision attaquée).

141    Il ressort de la décision attaquée que les bananes importées en Europe du Nord étaient généralement cultivées dans les Caraïbes, en Amérique centrale et dans certains pays d’Afrique (considérant 5 de la décision attaquée). Au cours de la période concernée, le secteur de la banane en Europe du Nord était organisé en cycles hebdomadaires. Le transport par bateau des bananes des ports d’Amérique latine vers l’Europe durait deux semaines environ. Les arrivages de bananes aux ports nord-européens étaient généralement hebdomadaires et s’effectuaient conformément à un calendrier d’expédition régulier (considérant 33 de la décision attaquée). Les bananes étaient expédiées vertes et arrivaient vertes aux ports. Elles devaient être mises à maturation pour pouvoir être consommées (considérant 34 de la décision attaquée).

142    La Commission indique que les bananes étaient soit livrées directement aux acheteurs (bananes vertes), soit mises à maturation, puis livrées une semaine plus tard environ (bananes jaunes), ce qui traduisait le fait que la maturation pouvait être soit organisée par l’acheteur, soit exécutée par l’importateur ou en son nom (considérant 34 de la décision attaquée).

143    Selon la Commission, Chiquita, Dole et Weichert établissaient leur prix de référence pour leurs bananes de marque chaque semaine, en l’occurrence le jeudi matin, et les communiquaient à leurs clients (considérants 34 et 104 de la décision attaquée). Le terme « prix de référence » faisait généralement référence aux prix de référence pour les bananes vertes (« offre verte »). Les prix de référence pour les bananes jaunes (« offre jaune ») se composaient normalement de l’offre verte majorée d’une redevance de maturation (considérant 104 de la décision attaquée), les prix de référence des bananes vertes déterminant les prix de référence des bananes jaunes (considérant 287 de la décision attaquée).

144    Les prix de référence établis chaque semaine par les parties étaient utiles pour l’Europe du Nord. Chiquita aurait déclaré que « [l]es prix de référence liés à ‘l’Europe du Nord’ étaient liés à l’Allemagne (y compris l’Autriche, la Suède, la Finlande et le Danemark) et aux pays du Benelux » et que, lorsqu’elle parlait avec Dole du « prix vert » allemand, « cela couvrait les prix relatifs aux autres pays [d’]Europe du Nord » (considérants 104 et 141 de la décision attaquée).

145    Les documents découverts chez Dole lors de l’inspection montreraient que cette entreprise avait un prix de référence appelé prix « Europe du Nord de l’UE15 » et des prix différents pour la Norvège, les pays d’« Europe du Nord de l’UE10 », la France, l’Italie et le Royaume-Uni. Dole aurait indiqué, dans sa réponse à la communication des griefs, que ce prix était un prix allemand. Dole aurait également expliqué clairement que ses « ventes vertes [étaient] généralement basées sur un prix hebdomadaire » et que, « en toute hypothèse, tous les concurrents savaient que les prix de référence [discutés lors des communications de prétarification] se référaient aux marchés [information non divulguée] de l’UE15 » (considérants 104, 142 et 143 de la décision attaquée).

146    La Commission précise que le jeudi après-midi et le vendredi (ou plus tard dans la semaine en cours ou au début de la semaine suivante), les importateurs de bananes négociaient les prix de la banane avec les clients lorsque les transactions reposaient sur des prix négociés sur une base hebdomadaire. Les clients des importateurs étaient généralement des mûrisseurs ou des chaînes de détail. Le prix jaune était le prix des bananes matures, tandis que le prix vert était celui des bananes immatures (considérant 34 de la décision attaquée).

147    La Commission explique également qu’il existait un certain niveau de différenciation par préférence de marque. L’activité bananière distinguait trois niveaux de marque de banane appelés « tiers » : les bananes de premier choix de marque Chiquita, les bananes de deuxième choix de marque Dole et Del Monte et les bananes de troisième choix (également appelées « tierces » et qui incluaient plusieurs autres marques de bananes). Cette division en fonction des marques se reflétait dans la tarification de la banane, les bananes Chiquita faisant l’objet du prix le plus élevé, suivies des bananes des marques Dole et Del Monte, les bananes tierces se retrouvant au bas de l’échelle (considérant 32 de la décision attaquée).

148    Selon la Commission, c’est dans le cadre du fonctionnement du marché de la banane ainsi décrit que sont intervenues les diverses communications de prétarification entre Dole et Chiquita, au cours desquelles ces deux entreprises discutaient des conditions de l’offre et de la demande ou, en d’autres termes, des facteurs de tarification, c’est-à-dire des facteurs importants pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir, et discutaient ou révélaient des tendances de prix et des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l’établissement de ces prix de référence (considérants 148, 182 et 196 de la décision attaquée).

149    En deuxième lieu, il convient de relever que, au soutien du grief relatif à l’absence même de possibilité d’une collusion entre Dole et Chiquita concernant les prix de référence et en réponse à celui-ci, les parties ont, respectivement, fourni des précisions sur les modes d’exploitation de ces deux entreprises.

150    Premièrement, s’agissant de Dole, la Commission indique que sa filiale allemande, DFFE, vendait « principalement » des bananes vertes à des détaillants allemands qui disposaient de leur propre capacité de mûrissage et à des mûrisseurs européens (considérant 12 de la décision attaquée).

151    Il ressort du dossier et des mémoires des requérantes que l’activité de Dole avait aussi pour objet la vente de bananes jaunes.

152    Lors de la procédure administrative, Dole a, ainsi, évoqué la situation de détaillants sollicitant de DFFE la communication d’une offre jaune (annexe B 9).

153    Les requérantes ont également expliqué que Dole détenait plusieurs filiales opérant en qualité de mûrisseur-distributeur en Europe du Nord, à savoir les sociétés Kempowski, Saba et VBH. Ces entreprises vendaient des bananes jaunes de la marque Dole, achetées vertes auprès, notamment, de cette dernière, en ce qui concerne les sociétés Saba et VBH. En outre, une petite partie des ventes de bananes jaunes réalisées par Dole en 2002 en Belgique et au Luxembourg l’a été par sa filiale française.

154    Il résulte des données communiquées par les requérantes que les filiales de Dole ont vendu pour 98 177 616 euros de bananes jaunes en 2002, alors que le montant total des ventes de Dole, en 2002, de bananes fraîches s’élevait à 198 331 150 euros, révisé à 190 581 150 euros après soustraction du montant des bananes achetées auprès des autres destinataires de la décision attaquée (considérants 451 à 453 de la décision attaquée).

155    Saba et VBH ont vendu, respectivement, pour 64,4 et 13,9 millions d’euros de bananes en Europe du Nord en 2002, dont 29,4 et 8,3 millions d’euros correspondaient à des bananes de marque Dole. La filiale allemande Kempowski, qui achetait ses bananes à Cobana et non à Dole, a vendu pour un montant de 16,8 millions d’euros de bananes en Europe du Nord en 2002, dont environ 2,9 millions d’euros de bananes de marque Dole. Le total des ventes de bananes de marque Dole, par des filiales de celle-ci agissant en qualité de mûrisseur, en Europe du Nord en 2002 s’élève à 40,6 millions euros, soit un peu moins de la moitié de la valeur des ventes de bananes vertes par DFFE estimée à 99 451 555 euros lors de la procédure administrative puis à 98 997 663 euros dans le cadre de la présente instance.

156    Il y a lieu, au demeurant, de constater que, parmi les griefs formulés par les requérantes à l’égard de la détermination par la Commission de la valeur des ventes aux fins du calcul du montant de l’amende, figure précisément l’importance du volume des ventes de bananes jaunes par Dole.

157    Il résulte des constatations susvisées que, selon le propre raisonnement des requérantes développé à propos du contrôle d’Atlanta par Chiquita, Dole développait une activité de ventes de bananes jaunes au profit de détaillants ne disposant pas de capacité propre de mûrissage et avait un intérêt réel en ce qui concerne ladite activité. Si les documents produits aux débats par les requérantes révèlent une forme d’affiliation concrète d’Atlanta à Chiquita avant 2003, année au cours de laquelle cette dernière a augmenté sa participation initiale de seulement 5 % pour prendre officiellement le contrôle du mûrisseur en cause, la qualité de filiales de Kemposwki, Saba, VBH et Dole France pendant toute la période infractionnelle est dépourvue de toute équivoque, car pleinement admise par les requérantes.

158    Deuxièmement, s’agissant de Chiquita, il ressort du dossier que, selon la propre formule utilisée par les requérantes au point 31 de la requête, l’expression « prix de référence » peut « signifier prix de référence verts ou jaunes ».

159    La Commission a produit aux débats les rapports internes sur les prix de Chiquita intitulés « actualisation du prix européen ».

160    Ces rapports comprennent, pour chaque semaine d’une année civile, des tableaux mentionnant, d’une part, les volumes des arrivages de bananes de Chiquita, ceux cumulés de ses concurrents et des entreprises bananières et, d’autre part, les prix de Chiquita ainsi que ceux de ses concurrents. Ces tableaux permettent également des comparaisons avec des données relatives à la semaine passée et à la même semaine de l’année précédente.

161    S’agissant des prix de Chiquita, les rapports comportent systématiquement la mention « Allemagne (Euro) Jaune » suivi d’un prix puis, sur la même ligne, l’indication d’un autre prix, inférieur de 2 euros et correspondant au « cours européen », formulation succédant à une présentation faisant référence au mark allemand avec mention d’un différentiel de 4 marks allemands (DEM) entre les deux prix.

162    À ces rapports sont souvent annexés des courriels internes reprenant l’essentiel des informations et, notamment, pour une semaine donnée, le « prix vert » et le « prix jaune » de Chiquita évoqués ci-dessus, le second étant systématiquement supérieur de 2 euros au premier.

163    Ces documents illustrent la déclaration de Chiquita selon laquelle « en gros, le prix de référence vert est le prix de référence jaune moins 2 euros » et, par là même, le caractère convertible desdits prix.

164    Dans la déclaration d’entreprise no 1, Chiquita indique ce qui suit :

« Tous les jeudis matins, Chiquita fixait en interne son prix de référence vert pour la semaine suivante. Il est rare que le prix de liste soit le prix réel demandé aux clients de Chiquita. Les prix de référence sont des prix de gros avant remises et rabais. Sur la base de cette décision interne, les responsables nationaux de Chiquita informaient leurs clients de l’offre pour la semaine suivante. »

165    Il convient de relever que, lors de la procédure administrative, Chiquita a déclaré que, « en Europe, le fruit est distribué soit à des grossistes-mûrisseurs comme Atlanta (Allemagne), soit directement à des détaillants (exécutant leur propre mûrissement) ». En ce qui concerne spécifiquement son activité en Allemagne, Chiquita a indiqué qu’elle vendait des bananes à Atlanta, à des grossistes et directement à des détaillants, tout en précisant qu’elle avait commencé à contracter de manière continue avec les détaillants ces dernières années.

166    Il apparaît ainsi que les ventes vertes ne s’opéraient pas qu’au profit d’Atlanta, mûrisseur-distributeur avec lequel Chiquita était étroitement liée, et que Dole et Chiquita partageaient une clientèle commune.

167    Un courriel que M. B. a adressé à M. P. (deux directeurs de Chiquita) le 30 avril 2001, visé au considérant 107 de la décision attaquée, corrobore l’existence de ventes de bananes vertes par Chiquita. Ce courriel est libellé comme suit :

« Il est prouvé que, dès que [Dole/Del Monte/Tuca] atteindront un prix de 36,00 DEM, leurs clients (détaillants) résisteront, car à ce niveau d’offre, le prix au consommateur doit dépasser la barre des 3,00 DEM//kg. Il ne fait aucun doute que ce ‘phénomène’ nous affectera pendant un certain temps. Ceci signifierait que notre offre plafond sera de 40,00 DEM (offre verte). »

168    La teneur explicite du courriel susmentionné démontre que, contrairement aux affirmations des requérantes, le prix vert de Chiquita n’était pas qu’une simple notion théorique destinée à faciliter, en interne, la comparaison avec les offres concurrentes.

169    Les propres déclarations de Dole confirment le fait que Chiquita avait une offre verte pour ses bananes.

170    Il est ainsi précisé dans la requête que la société Saba, la filiale suédoise de Dole opérant en qualité de mûrisseur-distributeur, s’approvisionnait en bananes vertes auprès de différents importateurs, dont Chiquita.

171    Dans sa réponse à la communication des griefs, Dole a critiqué la définition de sa part de marché par la Commission du fait de la prise en compte de la vente de bananes jaunes alors que l’enquête portait sur l’importation de bananes vertes. Dole a ajouté que le problème du double comptage n’était pas limité à sa situation et a souligné que « Chiquita procédait à des ventes vertes avec ses clients détaillants et grossistes aussi bien qu’à des ventes de bananes jaunes distribuées par ses réseaux de mûrisseurs au Benelux, en Allemagne et en Autriche ».

172    Cette déclaration, dans laquelle l’activité de Chiquita de vente de bananes vertes est mise sur le même plan que celle de cession des bananes jaunes, révèle aussi que la distribution des bananes jaunes de Chiquita ne peut être ramenée à la seule intervention d’Atlanta.

173    Il convient de relever, à cet égard, que Chiquita était le plus grand fournisseur de bananes en Europe (considérant 8 de la décision attaquée) et que le montant total de ses ventes de bananes fraîches, en 2001, s’est élevé à 347 631 700 euros (considérants 451 à 453 de la décision attaquée).

174    Il résulte des considérations qui précèdent que toute approche du marché visant à réduire Dole et Chiquita à une monoactivité de commercialisation, pour l’une, de bananes vertes, pour l’autre, de bananes jaunes, avec une relation exclusive entre Chiquita et Atlanta, est dépourvue de fondement.

175    Tant Dole que Chiquita vendaient, d’une part, des bananes vertes à des mûrisseurs et à des détaillants se chargeant eux-mêmes du mûrissage des fruits et, d’autre part, des bananes jaunes par le biais de filiales et d’une société liée ou, s’agissant encore de Chiquita, en organisant le mûrissage et en recourant, à cette fin, à des mûrisseurs externes.

176    Un extrait de l’étude économique du 10 avril 2007, présentée par Dole, confirme la variabilité des arrangements contractuels conclus entre les différents acteurs du marché de la « banane » en indiquant que, « parfois, des bananes vertes sont vendues par les importateurs directement aux supermarchés qui paient ensuite une redevance à un mûrisseur pour le service fourni », que, « dans d’autres cas, les mûrisseurs achètent les bananes vertes aux importateurs de bananes et négocient avec les distributeurs pour leur propre compte » et que, « si certains importateurs possèdent leurs propres mûrisseurs, d’autres font appel à des tiers pour faire mûrir leur produit ». Chiquita a également précisé que, parfois, les importateurs faisaient eux-mêmes mûrir les fruits et « vendaient jaune » et que certains détaillants avaient leurs propres centres de mûrissage et « achetaient vert ».

177    Il apparaît ainsi, comme le fait valoir à juste titre la Commission, que la référence de l’importateur à un prix jaune ou vert dépend simplement de la manière dont il organise les ventes de bananes : s’il les vend vertes aux mûrisseurs ou à des détaillants se chargeant eux-mêmes du mûrissage des fruits, il communiquera un prix de référence vert, s’il organise lui-même le mûrissage en recourant à un mûrisseur externe ou le fait dans les installations de ses filiales ou assimilées puis les vend mûres aux détaillants, il utilisera un prix de référence jaune.

178    Troisièmement, il importe de souligner que l’ensemble des activités susmentionnées s’inscrivait dans un « schéma » temporel unique décrit presque dans les mêmes termes par Dole et Chiquita lors de la procédure administrative.

179    Dole et Chiquita décrivent une chronologie de la commercialisation des bananes correspondant à un cycle de trois semaines se décomposant comme suit :

–        jeudi matin de la première semaine : les importateurs fixent les prix de référence de leurs bananes et les annoncent à leurs clients ;

–        jeudi après-midi de la première semaine jusqu’à la fin de cette semaine, voire jusqu’au lundi de la deuxième semaine : les importateurs négocient les prix de transaction avec les acheteurs ;

–        lundi de la deuxième semaine (parfois fin de la première semaine) : les bateaux arrivent dans les ports européens, les bananes sont déchargées et transportées dans des centres de mûrissage ;

–        début de la troisième semaine (parfois fin de la deuxième semaine) : les bananes mûres sont mises sur le marché aux fins de consommation.

180    Ce calendrier correspond à la constatation opérée par la Commission au considérant 34 de la décision attaquée, selon laquelle les bananes étaient soit livrées directement aux acheteurs (bananes vertes), soit mises à maturation, puis livrées une semaine plus tard environ (bananes jaunes), formulation synthétisant le processus de distribution et mettant en exergue une durée relativement incompressible de maturation pour toutes les bananes.

181    Reproduisant au point 34 de la requête le « schéma » temporel susmentionné, les requérantes ont indiqué que le « marché de la banane » suivait traditionnellement un calendrier hebdomadaire préétabli très strict en ce qui concerne la manière et le moment auquel les négociations entre les « importateurs et leurs clients respectifs » avaient lieu. Outre cette indication à caractère général concernant le fonctionnement d’un marché unique et incluant l’ensemble des importateurs, les requérantes ont précisé la raison objective et impérieuse ayant dicté un tel calendrier, à savoir le fait que les bananes étaient un produit extrêmement périssable, ce qui impliquait une fixation rapide du prix de transaction aux fins d’un déstockage efficace des arrivages de bananes chaque semaine.

182    Il importe de souligner que c’est dans le cadre de ce cycle de trois semaines ainsi décrit qu’intervenait la commercialisation des bananes jaunes de marque Dole et Chiquita par le biais de filiales ou d’une société liée, opérant en qualité de mûrisseurs-distributeurs, au moyen d’un prix de référence jaune annoncé aux détaillants le jeudi matin de la deuxième semaine.

183    Ainsi que cela résulte d’une déclaration de Chiquita figurant à l’annexe C 5 de la réplique, relative à des transactions réalisées dans certains pays nordiques, et de la teneur d’un courriel adressé, le 2 janvier 2003, par un employé d’Atlanta à un salarié de Chiquita, l’établissement de ce prix de référence jaune intervenait alors que les bananes étaient en cours de mûrissement, donc au cours de la deuxième semaine, et ces dernières étaient livrées jaunes aux détaillants dès la semaine suivante, soit au début de la troisième semaine.

184    Selon les propres déclarations de Dole, le « schéma » temporel de distribution des bananes jaunes par Saba et VBH correspondait à celui d’Atlanta (annexe B 9), avec communication aux clients d’un prix jaune le jeudi de la deuxième semaine pour des fruits en cours de mûrissement, achetés verts la semaine précédente, et avec livraison des bananes jaunes aux détaillants au début de la semaine suivante.

185    En troisième lieu, il doit être observé qu’une configuration du marché marquée par une coexistence et une concomitance des activités de vente de bananes vertes et jaunes exercées par Dole et par Chiquita est compatible avec la conclusion de la Commission quant à l’existence d’une collusion illicite de ces deux entreprises.

186    Il y a lieu, à cet égard, d’apprécier les déclarations de Dole, de Chiquita et les preuves documentaires afférentes à l’activité de ces entreprises au regard de deux éléments.

187    Premièrement, il résulte du dossier que Dole et Chiquita discutaient, au cours de leurs diverses communications de prétarification, des conditions de l’offre et de la demande ou, en d’autres termes, des facteurs de tarification, c’est-à-dire des facteurs importants pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir et discutaient ou révélaient des tendances de prix et des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l’établissement de ces prix de référence (considérants 148, 182 et 196 de la décision attaquée).

188    Dans sa déclaration orale no 28, décrivant ses communications avec Dole, Chiquita a indiqué que « Chiquita et Dole faisaient référence aux cours européens, c’est-à-dire au ‘prix officiel’ allemand pour les bananes vertes ». Il convient de rappeler que les rapports internes sur les prix de Chiquita comportent systématiquement la mention « Allemagne (Euro) Jaune » suivi d’un prix puis, sur la même ligne, l’indication d’un autre prix, inférieur de deux euros et correspondant au cours européen, c’est-à-dire au prix vert de Chiquita.

189    Chiquita a ajouté que, lorsqu’elle parlait avec Dole du « prix vert » allemand, « cela couvrait les prix relatifs aux autres pays [d’]Europe du Nord ».

190    La Commission souligne que les documents découverts chez Dole lors de l’inspection montrent qu’elle avait un prix « Europe du Nord de l’UE15 », décrit par cette entreprise comme un prix allemand, ce qui n’est pas en contradiction avec l’explication donnée par Chiquita (considérant 143 de la décision attaquée). Dole indique, en réponse à une demande de renseignements, que, « en toute hypothèse, tous les concurrents savaient que les prix de référence [discutés lors des communications de prétarification] se référaient aux marchés [information non divulguée] de l’UE15 » (considérant 143 de la décision attaquée).

191    Interrogée dans le cadre d’une demande d’informations sur les prix dont Dole et Chiquita discutaient ou qu’elles divulguaient dans les « communications de prétarification », Dole a répondu que « [l]e prix de référence concernait les marchés d’Europe du Nord de l’UE15 ».

192    Il convient de rappeler que Dole a indiqué, à la page 130 de sa réponse à la communication des griefs, que « M. [H.] a expliqué que lui et M. [B.], pouvaient parfois dire qu’ils s’attendaient à ce que les prix montent d’un euro ou de 50 centimes, mais [qu’]aucun accord sur une augmentation de prix n’a jamais existé » et que « tout au plus, les hommes échangeaient leurs vues personnelles sur la manière dont les prix de référence de Chiquita et de Dole pouvaient évoluer » (considérant 158 et considérant 170 de la décision attaquée, note en bas de page no 217).

193    S’agissant des discussions sur des prix de référence indicatifs ou des tendances de prix, Dole elle-même estime que cela « s’est produit lors de la moitié environ des discussions du mercredi après-midi avec Chiquita » (considérant 153 de la décision attaquée).

194    Les déclarations de Dole et de Chiquita ainsi que les constatations effectuées par la Commission révèlent la situation de deux entreprises communiquant, dans une parfaite compréhension mutuelle, sur le prix des bananes vertes pour l’Europe du Nord.

195    Force est de constater que les requérantes ne contestent pas la réalité des discussions bilatérales ainsi que les constatations opérées par la Commission, mais cherchent à réduire la portée des communications incriminées à de simples bavardages sur les conditions générales du marché, ces derniers s’inscrivant eux-mêmes dans le cadre d’un échange permanent d’informations, qualifié communément de « radio banane », entre acteurs dudit marché.

196    La teneur des communications bilatérales, telle que rapportée par Dole elle-même, n’est pas, toutefois, compatible avec cette approche des requérantes, pas plus qu’avec celle d’un marché de la banane caractérisé par le cloisonnement et la désynchronisation des activités de Dole et de Chiquita.

197    Deuxièmement, il résulte du dossier que le prix de référence des bananes vertes est déterminant pour celui des bananes jaunes.

198    Ainsi qu’il résulte des points 157 à 161 ci-dessus, l’examen des rapports internes sur les prix de Chiquita révèle un prix jaune correspondant à l’offre verte majorée d’une redevance de maturation de deux euros.

199    Dole a clairement admis et expliqué le lien entre le prix des bananes vertes et celui des bananes jaunes.

200    D’abord, Dole a précisé, lors de la procédure administrative (annexe B 9), que le prix d’achat vert était à la base de la détermination du prix des bananes jaunes vendues par les sociétés Saba, Kempowski et sa filiale française. Dans le cadre de la description de l’activité de cette dernière, Dole a aussi expliqué que les prix d’achat vert servaient à préparer les prix de référence jaunes envoyés ensuite aux clients par courriels, télécopie ou communiqués par téléphone.

201    Dole a expliqué que sa filiale belge VBH transmettait son prix hebdomadaire à certains clients (Metro, Delhaize, Carrefour) pour les bananes livrées jaunes, un prix qui était basé sur le prix de référence vert transmis par DFFE, majoré du montant spécifié dans le contrat conclu par VBH avec son client. Dole a indiqué que « [c]e prix jaune inclu[ai]t le mûrissement, la fourniture [et la] distribution, l’ensachage et les autres spécifications de produit que chaque client p[ouvai]t demander » et que « le prix vari[ait] donc en fonction du prix vert hebdomadaire et des majorations ». Dole a encore précisé que « les contrats avec les détaillants […] cont[enai]ent une formule de calcul de prix (à savoir prix jaune = prix vert communiqué par DFFE + majorations dues aux spécifications du produit et aux coûts logistiques ‑ ristournes) ».

202    Après avoir soutenu, dans la requête, que les filiales de Dole fixaient le prix des bananes jaunes « sans se référer à la moindre offre verte », les requérantes ont prétendu, dans la réplique (note en bas de page no 5), que, bien qu’il soit exact que VBH ait fixé ses prix pour trois clients de la manière décrite au point précédent, elle ne l’a fait qu’« après » la fin de la prétendue infraction. VBH aurait appliqué ce mode de fixation des prix, notamment, à Delhaize et à Carrefour en 2004 et 2005, et à Metro de 2004 à 2006. Elles ont affirmé que ces contrats étaient mentionnés dans la réponse à la demande de renseignements de la Commission du 10 février 2006 qui couvrait la période intitulée « De 2000 à aujourd’hui ». Lorsque la Commission a décidé de limiter la constatation d’une infraction à la période 2000-2002 dans la décision attaquée, elle n’aurait pas vérifié si les informations fournies concernaient cette période.

203    Force est de constater que l’examen des annexes du mémoire en défense ne révèle aucun indice justifiant les allégations des requérantes quant à l’application ratione temporis du mode de fixation des prix en cause. Les requérantes ne fournissent, par ailleurs, aucun élément concret et objectif de nature à démontrer la véracité de leurs dires et pas même d’indications sur la manière dont VBH aurait déterminé ses prix pour la période allant de 2000 à 2002. Il était clair que, dans la demande de renseignements de la Commission du 10 février 2006, la période visée débutait au 1er janvier 2000. La réponse de Dole ne fournissant aucune précision de nature restrictive quant à la date de mise en œuvre du mode de fixation des prix en cause dans les contrats liant VBH à ses clients Metro, Delhaize et Carrefour, rien ne permet d’écarter le fait que cette réponse puisse couvrir la totalité de la période visée, y compris celle allant de 2000 à 2002.

204    En tout état de cause, indépendamment de toute question d’ordre temporel, ces déclarations de Dole faites au cours de la procédure administrative corroborent celles de Chiquita et les indications fournies par les requérantes elles-mêmes dans la requête sur le lien entre les prix des bananes vertes et jaunes, ces dernières notions étant connues du marché avant, pendant et après la période infractionnelle visée dans la décision attaquée.

205    En effet, les requérantes expliquent, dans la requête (point 41), que DFFE vendait des bananes vertes au moyen d’accords négociés sur une base hebdomadaire ou d’accords d’approvisionnement à long terme appliquant une formule de prix fixe dénommés « contrats Aldi plus ». S’agissant desdits contrats, les requérantes indiquent que, « bien que ces accords concernent la vente de bananes vertes à des mûrisseurs[‑]distributeurs, les prix étaient basés sur le prix d’achat fixé par Aldi pour les bananes jaunes converti en un prix correspondant aux bananes vertes » et que « cette conversion était effectuée en déduisant du prix (jaune) d’Aldi des frais standard de 3,07 euros par caisse représentant les frais de transport des bananes (vertes) du port au centre de maturation, les frais de maturation, les frais de préemballage et les frais de transport de l’installation de maturation jusqu’au centre de distribution d’Aldi ».

206    Il convient, à cet égard, d’observer que les requérantes soutiennent que l’élément déterminant du prix réel des bananes en Europe du Nord était constitué par l’offre faite par Aldi, détaillant très important du marché allemand, le plus gros marché d’Europe du Nord, qui s’approvisionnait uniquement en bananes jaunes sans marques. Les requérantes affirment, au point 47 de la requête, que «‘le prix Aldi’ pour les bananes jaunes servait de référence à tous les acheteurs de bananes, qu’elles soient vertes ou jaunes, en Europe du Nord ». Elles font donc valoir que le « prix Aldi » jaune servait de référence pour la vente de bananes vertes.

207    Il importe enfin de relever que les requérantes ont fait état, dans le cadre de l’argumentation relative à la nécessaire distinction des bananes vertes et jaunes venant à l’appui du grief tiré de l’incompatibilité des modes d’exploitation de Dole et Chiquita avec la collusion reprochée, d’une autonomie de Saba, de Kempowski, de VBH et de Dole France dans la détermination de leur politique tarifaire.

208    Cet argument est dépourvu de pertinence en ce sens que la Commission a constaté que l’infraction à l’article 81 CE a été commise par Dole, la société faîtière du groupe Dole, et que, si cette entreprise a conclu à l’absence de tout comportement anticoncurrentiel, elle n’a, en revanche, pas contesté, dans le cadre de la présente instance, sa responsabilité en tant que société mère du groupe Dole.

209    En outre, les requérantes se sont contentées de communiquer des déclarations des directeurs des seules sociétés Kempowski et Saba, affirmant l’autonomie de ces dernières tout en reconnaissant leur qualité de filiale exclusive de Dole, à partir du 1er janvier 2005 pour la seconde.

210    Il doit être souligné que, lors de la procédure administrative (annexe B 9), Dole a indiqué que toutes les ventes de Dole à Saba étaient gérées par l’équipe commerciale de Dole pour l’Europe du Nord, c’est-à-dire par DFFE, de manière indépendante par rapport aux administrateurs de Dole au sein de Saba. Dole a également précisé que VBH s’approvisionnait en bananes auprès de DFFE et que, chaque jeudi, DFFE communiquait son prix vert (ou prix de référence de Dole) à VBH pour la semaine à venir. Selon Dole, VBH ne jouait aucun rôle dans l’établissement ou la modification du prix vert, puisqu’elle n’agissait pas comme un importateur, mais seulement comme un mûrisseur-distributeur.

211    En tout état de cause, la prétendue autonomie des filiales de Dole n’est pas de nature à contredire le fait que le prix des bananes vertes constituait la base de celui des bananes jaunes.

212    Ensuite, les requérantes ont indiqué, lors de l’audience, que les prix de référence de Dole pour les bananes vertes, établis le jeudi de la première semaine, étaient le reflet des conditions anticipées du marché de détail de la troisième semaine, étant rappelé que, après mûrissement des fruits au cours de la deuxième semaine, les bananes jaunes étaient livrées aux détaillants au début de la troisième semaine.

213    Enfin, cette dernière observation doit être reliée à la teneur des communications de prétarification entre Dole et Chiquita, telle que rapportée par ces entreprises.

214    Chiquita a, notamment, précisé qu’elle évaluait avec Dole « les ventes et les autres facteurs de prix pertinents pour la détermination du prix de la semaine à venir », Chiquita et Dole s’informant « mutuellement des conditions de leurs ventes au détail respectives, à savoir les ventes jaunes » (considérant 149 de la décision attaquée).

215    Dole a confirmé que ses communications avec Chiquita concernaient les « conditions de marché » et que les évaluations de la situation du marché incluaient, notamment, les « stocks jaunes chez les mûrisseurs » (considérant 152 de la décision attaquée).

216    Il convient de relever que, s’agissant de ses communications avec Weichert, dont il n’est pas prétendu qu’elle avait une activité exclusive de vente de bananes jaunes, Dole a indiqué que, le mercredi après-midi, il y avait une discussion sur la façon dont Weichert et elle « voyaient le marché au cours de la semaine actuelle et la façon dont elles pensaient que le marché allait pouvoir se développer au cours de la semaine suivante ». Dole a ajouté que « la demande de marché escomptée était évaluée en discutant de la situation du marché ([c’est-à-dire de la question de] savoir s’il existait des stocks anticipés d’importations excédentaires au niveau des ports ou si les stocks des mûrisseurs de bananes jaunes n’étaient pas commandés par les supermarchés en raison d’une demande à la baisse des consommateurs) » (considérant 183 de la décision attaquée et réponse de Dole à la demande de renseignements du 30 mars 2006).

217    Les considérations qui précèdent démontrent la pertinence du constat portant sur l’existence d’une concertation entre Dole et Chiquita en vue de l’établissement, au cours de la première semaine, du prix des bananes vertes, lequel était annoncé aux mûrisseurs-distributeurs et détaillants se chargeant eux-mêmes du mûrissage des fruits et constituait la base du prix des bananes jaunes, annoncé aux détaillants en première ou en deuxième semaine selon les modalités de distribution des fruits, livrés au début de la troisième semaine.

218    En quatrième lieu, c’est dans le cadre du fonctionnement du marché de la banane, tel qu’il a été exposé ci-dessus, qu’il convient de replacer et d’apprécier les deux principaux documents invoqués par les requérantes pour venir au soutien de l’allégation selon laquelle Chiquita et Dole fixaient des prix de référence pour des produits différents, des clients différents et des semaines différentes du cycle de trois semaines du marché de la banane.

219    Les requérantes invoquent, tout d’abord, une déclaration de Chiquita annexée à la réplique, relative à sa politique tarifaire dans certains pays nordiques et indiquant que, « en règle générale, les décisions de fixation des prix sont prises en semaine A pour la semaine B, c’est-à-dire que le fruit vendu le jeudi sera livré la semaine suivante » et que « le fruit est donc déjà en cours de mûrissement lorsque se déroulent les négociations avec les clients ».

220    Les requérantes font référence, ensuite, à la teneur d’un courriel adressé, le 2 janvier 2003, par un employé d’Atlanta à un salarié de Chiquita et libellé comme suit :

« Bien que je réalise que Chiquita a toujours suivi le prix fixé par Dole au cours des deux dernières semaines (à savoir à la baisse), dans ce cas, la recommandation de Dole ne pouvait pas et n’aurait pas dû être suivie. En effet, le prix fixé par Chiquita est une référence jaune qui s’applique aux livraisons du lundi de la semaine suivante. Le prix de référence de Dole, qui a initialement été augmenté de 0,50 euro ce matin, est par contre une référence verte, qui ne deviendra jaune que dans deux semaines et pas avant. »

221    L’examen de la teneur intégrale du message montre que ce dernier se rapporte à une modification du prix de référence jaune des bananes de marque Chiquita distribuées par Atlanta, déjà communiqué aux clients, à la suite d’une augmentation du prix de référence des bananes vertes de Dole qui s’est produite le matin même de l’envoi dudit message, soit le jeudi 2 janvier 2003. Cette date est immédiatement postérieure à la période infractionnelle et ledit message, qui évoque également les mouvements tarifaires des deux dernières semaines de 2002, demeure donc pertinent comme élément de compréhension du fonctionnement du marché concerné.

222    Ainsi qu’il a été exposé aux points 182 à 184 ci-dessus, les deux documents en cause concernent une des variantes de la commercialisation des bananes, en l’occurrence le cas de figure selon lequel l’importateur vend ses bananes vertes à une filiale ou à une société liée opérant en qualité de mûrisseur-distributeur, laquelle commercialise ensuite, au moyen d’un prix de référence jaune établi le jeudi de la deuxième semaine alors que les fruits sont en cours de mûrissement, ces bananes livrées jaunes aux détaillants au début de la troisième semaine.

223    Contrairement aux affirmations des requérantes, cette situation ne traduit pas un décalage systématique d’une semaine dans le processus de commercialisation des bananes de Dole et de Chiquita aboutissant à une désynchronisation des activités de ces entreprises incompatible avec la coordination illicite reprochée à celles-ci.

224    En effet, la situation susmentionnée s’inscrit nécessairement dans le « schéma » temporel unique décrit par les requérantes elles-mêmes et rappelé au point 179 ci-dessus.

225    Le courriel en cause évoque un mouvement de hausse du prix de référence jaune des bananes de marque Chiquita distribuées par Atlanta, établi et annoncé le jeudi de la deuxième semaine pour des fruits en cours de mûrissement, arrivés verts le lundi de la deuxième semaine et devant être livrés jaunes au début de la troisième semaine, à la suite d’une augmentation du prix de référence des bananes vertes de Dole, fixé et communiqué le même jeudi de la deuxième semaine pour des fruits en voie d’acheminement devant arriver verts le lundi de la troisième semaine et être livrés jaunes deux semaines plus tard, au début de la quatrième semaine.

226    Cette situation doit être appréciée non de manière isolée, mais replacée dans le cadre d’un marché fonctionnant de manière continue avec, chaque début de semaine, un arrivage de bananes vertes dans les ports nord-européens importées par Chiquita et Dole, avec des bananes placées ensuite dans des centres de mûrissage pendant une même durée de sept jours environ puis une mise sur le marché de bananes jaunes des marques Dole et Chiquita. Tant les bananes de marque Dole que celles de la marque Chiquita ont d’abord été vertes avant de devenir jaunes, après mûrissement, et avant de figurer dans les mêmes rayons des supermarchés, ou d’autres détaillants, à destination des consommateurs finaux pendant toute l’année, et ce selon le même « schéma » temporel.

227    Ainsi, les bananes jaunes de Chiquita évoquées dans le courriel du salarié d’Atlanta faisaient partie d’un arrivage de bananes vertes parvenu dans les ports nord-européens au début de la deuxième semaine et pour lesquelles un prix vert avait été établi le jeudi de la première semaine. Dans les mêmes circonstances de temps, étaient intervenus un arrivage de bananes vertes de Dole et la fixation d’un prix de référence pour celles-ci.

228    L’ensemble de ces bananes avait pour destination une mise sur le marché aux fins de consommation dans le même laps de temps, soit une semaine environ après leur déchargement et leur placement dans des centres de mûrissage, selon différentes modalités, et donc au début de la troisième semaine.

229    Cette dernière constatation doit être reliée à une autre observation du salarié d’Atlanta.

230    Dans son courriel du 2 janvier 2003, ledit salarié critique l’augmentation du prix de référence jaune déjà communiqué à la clientèle. Il souligne que cette décision est une erreur commerciale, car « la différence de prix sur le marché a augmenté » et qu’il « sera plus difficile de trouver et de garder des clients pour Chiquita [dans] la semaine à venir ».

231    Cette déclaration atteste, outre de l’importance de la question des écarts de prix entre les différentes bananes de marque, de l’existence d’une offre concurrente pour les bananes jaunes durant la troisième semaine. Or, c’est au même moment que sont mises sur le marché de détail les bananes de marque Dole, arrivées dans les ports au début de la deuxième semaine et distribuées jaunes par des mûrisseurs, entreprises indépendantes ou filiales de Dole.

232    À ces considérations chronologiques, qui résultent de l’analyse du document invoqué par les requérantes, il convient d’ajouter et de rappeler que la première étape de la commercialisation d’un arrivage de bananes pour une semaine donnée était constituée par l’établissement d’un prix vert par tous les importateurs le même jour, le jeudi, lequel représentait, tout à la fois, l’offre pour les bananes vertes adressée à des mûrisseurs-distributeurs ou à des détaillants se chargeant du mûrissage des fruits et la base du prix jaune annoncé à la clientèle de détaillants par l’importateur ou par des mûrisseurs-distributeurs.

233    Il peut enfin être observé que le courriel en cause corrobore également l’existence d’une pluralité d’activités de Chiquita et d’une offre verte de celle-ci. Ainsi, le salarié d’Atlanta expose que la critique émise en cas d’augmentation du prix de référence de Dole n’a pas lieu d’être dans l’hypothèse d’une réduction de prix. Il relève que les réductions de prix sont toujours valables non seulement pour la « semaine à venir verte », mais aussi pour le fruit qui est dans les chambres de mûrissage.

234    En cinquième lieu, il importe de souligner que les requérantes revendiquent le fait que les prix de référence étaient publiés dans la presse professionnelle, ce que la Commission a relevé au considérant 106 de la décision attaquée. L’examen des exemplaires du magazine Sopisco News, qui paraissait chaque samedi avant la conclusion des négociations commerciales selon Dole, concernant deux semaines de l’année 2002, révèle l’existence d’un tableau intitulé « Prix de vente des bananes en euro sur le marché de Hambourg pour livraisons la semaine suivante ».

235    Ce tableau comporte la mention d’un prix de référence par importateur et d’une fourchette de prix réels par importateur, à l’exception de Chiquita, le prix réel maximal correspondant à l’indication du prix de référence. La publication Sopisco News ne fait donc état que d’un seul prix de référence comparable pour tous les importateurs, y compris Dole et Chiquita.

236    Lors de l’audience, les requérantes ont fait valoir que le prix officiel visé dans cette publication concernant Chiquita était un prix jaune et qu’il n’y avait pas d’indication de prix réels de cette entreprise dans la mesure où aucune donnée des ventes de bananes vertes n’était adressée à Sopisco News.

237    Il y a lieu, toutefois, de relever que les prix de référence pour Chiquita figurant dans les deux exemplaires de Sopisco News produits aux débats correspondent aux prix verts de cette entreprise, tels que mentionnés, sous l’expression « semaine actuelle », dans les rapports internes sur les prix de Chiquita actualisés le 27 juin et le 18 juillet 2002, une même correspondance existant aussi avec les prix de référence de Dole et de Del Monte.

238    Le seul fait que des données sur des ventes vertes de Chiquita ne soient pas parvenues à Sopisco News ne peut pas nécessairement conduire à la conclusion de l’inexistence de telles ventes.

239    En outre, il est constant que le tableau figurant dans la publication Sopisco News ne concerne que l’activité des importateurs liée au port de Hambourg (Allemagne) alors que ces opérateurs utilisaient aussi d’autres ports et, notamment, celui d’Anvers (Belgique), de Göteborg (Suède), de Bremerhaven (Allemagne), où se situait le siège d’Atlanta, et de Zeebrugge (Belgique). Il importe de souligner que les deux exemplaires de Sopisco News produits aux débats comportent également des tableaux informatifs sur les transports et arrivages de bananes, avec indication des noms de bateaux, des chargeurs avec le volume transporté et des ports de destination des marchandises. Il en ressort que seul le port de Hambourg, à la différence de ceux de Göteborg et de Bremerhaven, n’était pas utilisé par Chiquita comme point de destination et de déchargement, en Europe du Nord, des bateaux chargés de bananes.

240    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief soulevé par les requérantes tenant à l’impossibilité de toute coordination illicite entre Dole et Chiquita du fait de la différence dans leurs modes d’exploitation est dénué de fondement.

241    Il y a lieu d’ajouter, à cet égard, que, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, Rec. p. I‑13125, point 131).

242    Cette exigence de nature procédurale ne va pas à l’encontre de la règle selon laquelle, s’agissant d’infractions aux règles de concurrence, c’est à la Commission qu’il appartient d’apporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. Ce qui est en effet demandé à un requérant dans le cadre d’un recours juridictionnel, c’est d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt KME Germany e.a./Commission, point 241 supra, point 132).

243    En l’espèce, il y a lieu de considérer que la Commission a démontré à suffisance de droit que, dans le cadre de l’organisation et du fonctionnement du marché de la banane à l’époque des faits, les importateurs-fournisseurs de bananes, dont Dole et Chiquita faisaient partie, pouvaient, par le biais de leurs discussions bilatérales, coordonner de manière illicite les prix de référence pour leurs bananes de marque pour la semaine à venir.

244    Les observations écrites et les pièces soumises au Tribunal par les requérantes sont, en revanche, insuffisantes pour démontrer que les modes d’exploitation respectifs de Dole et de Chiquita étaient incompatibles avec une telle coordination et ont même, pour certaines d’entre elles, corroboré la collusion reprochée à ces deux entreprises.

245    Lors de l’audience, les requérantes ont encore affirmé que Chiquita vendait surtout ses bananes vertes à sa filiale Atlanta. Se référant au fait, constant, que Chiquita disposait de « contrats Dole plus », elles ont argué du caractère très limité des ventes hebdomadaires de bananes vertes par Chiquita. Elles ont aussi allégué que le prix de référence de Chiquita demeurait « jaune » pour les ventes de bananes vertes.

246    Force est de constater que ces affirmations ne sont étayées par aucun élément de preuve concret et objectif et que le seul constat de l’existence avérée de « contrats Dole plus » ne permet pas de fonder de conclusions sur le volume de transaction des bananes vertes de Chiquita.

247    Les déclarations des requérantes sur la vente par Chiquita de bananes vertes au moyen d’une référence jaune ne font, en outre, que souligner la relativité de l’autonomie conceptuelle des prix jaunes et verts, sur laquelle les requérantes fondent leur argumentation, déjà démontrée par le caractère convertible desdits prix.

248    Il s’ensuit que le grief selon lequel les modes d’exploitation respectifs de Dole et de Chiquita étaient incompatibles avec une coordination de leur prix de référence, telle que reprochée par la Commission, doit être rejeté.

c)     Sur la coordination illicite des prix de référence de Dole, de Chiquita et de Weichert

 Sur l’identification des discussions illicites

249    Les requérantes indiquent que la Commission n’a pas identifié de façon claire et non équivoque les différents types d’informations échangées qu’elle a considérées comme illicites.

250    Il résulte de la formulation du grief que ce dernier vise à critiquer le respect par la Commission de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE.

251    La Commission décrit le contenu des communications de prétarification au point 4.4.4 de la décision attaquée. Après avoir souligné que les communications bilatérales en cause ont eu lieu par téléphone et que les entreprises concernées l’ont informée qu’elles n’avaient ni notes ni comptes rendus de ces communications, la Commission précise qu’elle s’est fondée sur les déclarations desdites entreprises et sur des documents datant de l’époque des faits pour décrire avec suffisamment de précision le contenu des communications bilatérales en cause.

252    Elle affirme que Dole et Chiquita, de même que Dole et Weichert, discutaient, au cours de leurs diverses communications de prétarification, des conditions de l’offre et de la demande ou, en d’autres termes, des facteurs de tarification, c’est-à-dire des facteurs importants pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir et discutaient ou révélaient des tendances de prix et des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l’établissement de ces prix de référence (considérants 148, 182 et 196 de la décision attaquée).

253    À l’appui de cette allégation, la Commission mentionne les déclarations pertinentes de Dole et de Chiquita, aux considérants 149 et suivants de la décision attaquée, comme suit :

« (149) Lorsque Chiquita a informé la Commission des communications de prétarification qu’elle entretenait avec Dole, elle a indiqué que leurs thèmes de discussions avaient été les conditions de vente et de marché et les facteurs de prix ainsi que les offres de prix officiels concernant les bananes. Dans ses déclarations d’entreprise ultérieures, Chiquita a développé ses déclarations initiales. Elle indique que de telles communications du mercredi après-midi ‘couvraient en général la situation de marché et d’autres facteurs importants du marché, ainsi que l’intention générale de tarification’ […] Selon Chiquita, lors des communications de prétarification, M. [B.] (Chiquita) et M. [H.] (Dole) ‘évaluaient les ventes et les autres facteurs de prix pertinents pour la détermination du prix de la semaine à venir’. […] ‘En outre, Chiquita et Dole s’informaient mutuellement des conditions de leurs ventes au détail respectives, à savoir les ventes jaunes (Abverkauf)’ […]

(150) Chiquita affirme que “Dole indiquait généralement si, par rapport à Chiquita, ses prix allaient être ‘à la hausse’ (gehen wir hoch), ‘à la baisse’ (gehen wir runter) ou ‘inchangés’ (bleiben wir beim Preis stehen) au cours de la semaine à venir par comparaison avec les prix de la semaine en cours. La réponse de Chiquita pouvait être soit une déclaration du style ‘cela semble raisonnable’ ou ‘nous verrons ce que nous ferons’. Parfois, Chiquita était plus spécifique et précisait ce qu’elle avait l’intention de faire au cours de la semaine à venir”. Selon Chiquita, au cours de pratiquement toutes ces communications, M. [B.] et M. [H.] discutaient des intentions de prix.

(151) Chiquita reconnaît que : ‘[…] les entretiens téléphoniques de M. [B.] avec M. [H.] avaient pour thème ultime d’évaluer les chances d’augmentation des prix au cours de la semaine à venir, autrement dit d’évaluer s’il entrait aussi dans l’intention de l’autre entreprise concernée d’augmenter ses prix. Il était important de savoir s’il restait toujours une marge de manœuvre pour une augmentation de prix’. Chiquita déclare que : “si les informations concernant les changements de prix de la semaine suivante n’étaient pas spécifiques, il était généralement admis que le prix du moment augmenterait ou descendrait de 50 centimes. Parfois cependant, Dole et Chiquita discutaient également du montant duquel elles avaient l’intention de faire monter ou baisser leur prix (par exemple, ‘nous devrions augmenter de 1 euro’)”.

(152) Répondant à une demande de renseignements, Dole affirme que ses communications avec Chiquita concernaient ‘les conditions de marché et, dans ce contexte, parfois des tendances indicatives de prix de référence’. Dole précise que : ‘[…] les évaluations de la situation du marché incluaient les conditions atmosphériques, les stocks jaunes chez les mûrisseurs, les stocks verts estimés dans les ports et d’autres facteurs influençant l’offre par rapport à la demande. En rapport avec cette discussion sur le marché, les prix de référence indicatifs pouvaient également être mentionnés en tant que réflexion afin de déterminer si le marché était à la hausse ou à la baisse’.

[…]

(154) De plus, Dole indique que Chiquita et d’autres concurrents l’appelaient de temps à autre afin de vérifier les revendications des clients en ce qui concerne les développements du marché. ‘Par exemple, […] si Dole allait réellement organiser une promotion dans un pays spécifique’.

[…]

(158) Dole indique, en outre, [à la page 130 de] sa réponse à la communication des griefs que […] ‘M. [H.] a expliqué qu’il pouvait lui arriver de convenir, avec M. [B.], qu’ils s’attendaient à ce que les prix montent d’un euro ou de 50 centimes, mais aucun accord sur une augmentation de prix n’a jamais existé’ […]

(159) Dole indique, dans sa réponse à la communication des griefs, que ni M. [B.] ni M. [H.] ne disposaient de l’autorité absolue de tarification et qu’ils ne faisaient, par conséquent, qu’échanger leurs points de vue personnel [sur la manière dont les prix de référence de Chiquita et de Dole pouvaient évoluer…] »

254    S’agissant des communications bilatérales entre Dole et Weichert, la première entreprise a déclaré, ainsi qu’il résulte du considérant 183 de la décision attaquée et de la réponse de Dole à la demande de renseignements du 30 mars 2006, qu’elles concernaient « une discussion générale des conditions du marché (développements actuels et attendus) et les volumes généraux du marché » et que, le mercredi après-midi, il y avait une discussion sur la façon dont elle et Weichert « voyaient le marché au cours de la semaine actuelle et la façon dont elles pensaient que le marché allait pouvoir se développer au cours de la semaine suivante ». Dole a ajouté ce qui suit :

« La demande de marché escomptée était évaluée en discutant de la situation du marché (telle que savoir s’il existait des stocks anticipés d’importations excédentaires au niveau des ports ou si les stocks des mûrisseurs de bananes jaunes n’étaient pas commandés par les supermarchés en raison d’une demande à la baisse des consommateurs). »

255    La Commission fait également référence à d’autres déclarations pertinentes de Dole et à celles de Weichert aux considérants 184 et suivants de la décision attaquée, comme suit :

« (184) Dole précise que, “sur la base de leurs discussions relatives aux conditions de marché, ils discutaient également de la probabilité d’une augmentation générale sur le marché ou d’une baisse du prix des bananes ou de la question de savoir si les prix restaient généralement inchangés. En plus de ceci, ils pouvaient également discuter de leurs avis sur la façon dont le ‘prix Aldi’ pouvait changer […]”

[…]

(186) Dole déclare que les concurrents l’appelaient de temps à autre afin de tenter de vérifier les revendications des clients en ce qui concerne les développements du marché. ‘Par exemple, […] si Dole allait réellement organiser une promotion dans un pays spécifique’.

(187) Dole admet, dans sa réponse à une demande de renseignements, qu’à certaines occasions elle révélait aussi spécifiquement à Weichert sa ‘tendance possible en matière d’offre’. Dole déclare que lorsque M. [S.] (Dole) communiquait avec ses contacts chez Weichert, ‘Weichert demandait également régulièrement, bien que pas chaque semaine, la tendance possible de l’offre pour la semaine suivante. Si Dole avait déjà une idée de la tendance du prix de référence pour la semaine suivante, Dole répondait’.

(188) Weichert affirme dans sa réponse à une demande de renseignements que les communications bilatérales avec Dole ‘concernant les conditions générales prévalant sur le marché’ étaient des ‘conversations très générales sans ordre du jour organisé ou prédéfini au cours desquelles les discussions peuvent avoir abordé un ou plusieurs des thèmes suivants’ et dresse la liste suivante : perception du marché, tendances du marché, conditions atmosphériques en Europe, conditions atmosphériques dans les pays producteurs des bananes, importations de bananes dans l’EEE, niveau de la demande sur le marché, évolution de la demande sur le marché, situation des ventes au niveau du détail, situation des ventes chez les mûrisseurs, questions réglementaires telles que les modifications potentielles du régime des bananes de la Communauté ou bavardage sur l’industrie en général (départ de salariés ou nouveaux recrutements, coentreprises/acquisitions annoncées, etc.) […]

(189) Weichert déclare en outre que, ‘[à] certaines occasions, Dole appelait Weichert pour échanger des points de vue sur les conditions générales prévalant sur le marché […] et, dans de rares cas, aussi sur l’évolution possible des prix officiels avant la communication des prix officiels entre les importateurs de bananes le jeudi’.

(190) […] Dans sa réponse à la communication des griefs, Dole affirme que parfois Weichert ‘demandait les tendances d’offre possibles pour la semaine suivante en tant que mesure étalon, à partir de laquelle [Weichert] pouvait déterminer la précision de [ses] propres estimations’ […]

[…]

(195)  […] Dole déclare, en réponse à une demande de renseignements, que ‘les contacts avaient pour objet d’échanger des informations afin de permettre à chaque importateur de mieux évaluer les conditions du marché. En utilisant les informations générales ou les avis généraux sur le marché obtenus lors du contact, Dole estimait la demande probable sur le marché, l’offre probable disponible pour répondre à la demande et la concordance de l’idée initiale de prix de Dole avec les conditions réelles du marché’ […] »

256    Il apparaît ainsi que, sur la base des déclarations des entreprises concernées, la Commission a clairement identifié et distingué deux types d’informations échangés, à savoir, d’une part, les facteurs de tarification, c’est-à-dire des facteurs importants pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir, et, d’autre part, les tendances de prix et les indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l’établissement de ces prix de référence.

257    La Commission a regroupé ces échanges de deux types d’informations sous la qualification générique de communications de prétarification, tout en précisant que ces dernières portaient, en certaines occasions, sur les tendances de prix et les indications sur les prix de référence pour la semaine à venir (considérant 266 de la décision attaquée). Une communication de prétarification correspond donc à un échange portant sur l’un ou l’autre des types d’informations en cause et, a fortiori, sur l’un et l’autre.

258    Dans leur critique de la motivation de la décision attaquée, les requérantes se bornent à exciper, premièrement, de l’absence de précision du nombre de communications portant sur les tendances de prix et les indications sur les prix de référence pour la semaine à venir, ce qui revient, d’une part, à admettre le caractère suffisamment explicite et clair de la décision attaquée sur la nature de l’information en cause, et, d’autre part, à isoler artificiellement ce type d’informations et à faire abstraction des contacts portant sur les facteurs de tarification.

259    Outre que la question de la fréquence des communications de prétarification est expressément examinée aux considérants 76 à 92 de la décision attaquée, il importe de relever que la Commission décrit la fréquence des cas dans lesquels les parties ont directement divulgué des intentions des prix. Dole elle-même estime que cela « s’est produit lors de la moitié environ des discussions du mercredi après-midi avec Chiquita » (considérant 153 de la décision attaquée) et, en ce qui concerne les communications entre Dole et Weichert, Dole admet que, dans leurs communications, « ils discutaient également de la probabilité d’une augmentation générale sur le marché ou d’une baisse du prix des bananes ou de la question de savoir si les prix restaient généralement inchangés » (considérants 184 et 187 de la décision attaquée) tandis que Weichert déclare que les discussions « portaient, dans de rares cas, aussi sur l’évolution possible des prix officiels » (considérant 189 de la décision attaquée).

260    Deuxièmement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir indiqué précisément de quels types de « facteurs pertinents pour l’établissement des prix de référence » il était illicite de discuter. Elles soulignent la différence entre la liste de facteurs établie par Weichert, reprise dans la décision attaquée, et celle figurant dans le mémoire en défense ainsi que le fait que ladite liste inclut, notamment, les « importations de bananes dans l’EEE », alors même que la Commission a abandonné tout grief lié à une coordination sur les volumes.

261    Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, il n’appartenait pas à cette dernière d’établir de manière générale, dans la décision attaquée, une liste exhaustive de facteurs devant être considérés a priori comme illicites dans le secteur en cause. Il lui appartenait, en revanche, de qualifier juridiquement avec suffisamment de précision et de clarté le comportement des entreprises concernées au regard des conditions d’application de l’article 81 CE, ce qu’elle a fait, s’agissant de la nature des informations échangées, en reprenant la description faite par les entreprises elles-mêmes des communications bilatérales.

262    La Commission a, notamment, relevé la déclaration de Dole selon laquelle « les évaluations de la situation du marché incluaient les conditions atmosphériques, les stocks jaunes chez les mûrisseurs, les stocks verts estimés dans les ports et d’autres facteurs influençant l’offre par rapport à la demande » (considérant 152 de la décision attaquée concernant les communications avec Chiquita). Dole a également indiqué que ses échanges avec Weichert portaient sur les conditions du marché (développements actuels et attendus), précisant que « la demande de marché escomptée était évaluée en discutant de la situation du marché ([c’est-à-dire de la question de] savoir s’il existait des stocks anticipés d’importations excédentaires au niveau des ports ou si les stocks des mûrisseurs de bananes jaunes n’étaient pas commandés par les supermarchés en raison d’une demande à la baisse des consommateurs) » (considérant 183 de la décision attaquée). La question du développement du marché pouvait aussi se traduire par des discussions de Dole avec Chiquita et Weichert sur l’organisation d’une opération de promotion (considérants 154 et 186 de la décision attaquée).

263    La Commission a également fait référence à la déclaration de Dole qui indiquait que, « sur la base de leurs discussions relatives aux conditions de marché, [les salariés concernés] discutaient également de la probabilité d’une augmentation générale sur le marché ou d’une baisse du prix des bananes ou de la question de savoir si les prix restaient généralement inchangés » et que, « en plus de ceci, ils pouvaient également discuter de leurs avis sur la façon dont le ‘prix Aldi’ pouvait changer […] » (considérant 184 de la décision attaquée). Cette déclaration révèle le lien entre les discussions sur les facteurs de tarification et celles sur les évolutions des prix, ce qui permet à la Commission de relever que les participants à toutes les communications savaient qu’elles pouvaient déboucher sur des discussions ou des divulgations de cette nature et qu’ils ont malgré tout accepté d’y prendre part (considérant 269 de la décision attaquée).

264    Il convient de rappeler, ainsi que cela a été exposé au point 125 ci-dessus, que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment de l’intérêt que les destinataires de l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. En l’espèce, ne saurait valablement être alléguée une absence d’identification claire et non équivoque par la Commission des différents types d’informations échangées qu’elle a considérées comme illicites, et plus particulièrement des facteurs de tarification, alors même que cette dernière expression ne fait que traduire les propres déclarations de Dole, dépourvues de toute ambiguïté, sur l’existence de discussions portant sur des facteurs « influençant l’offre par rapport à la demande » (considérant 152 de la décision attaquée).

265    En outre, il y a lieu de relever que la Commission a clairement précisé, dans la décision attaquée, la question de la prise en compte des volumes d’importation dans les communications de prétarification.

266    Il ressort, en effet, des considérants 136, 149 et 185 de la décision attaquée que les données concernant les volumes d’importation escomptés en Europe du Nord étaient déjà échangées avant que n’aient lieu les communications de prétarification. Le volume des importations individuelles des entreprises n’était donc pas discuté au cours desdites communications, à moins qu’une variation ou une irrégularité importante dans les importations escomptées n’ait été attendue, en raison, notamment, de l’immobilisation d’un navire. Cette constatation de la Commission n’est pas remise en cause par les requérantes.

267    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré d’une absence d’identification claire et non équivoque par la Commission des différents types d’informations échangées considérées comme illicites doit être écarté.

 Sur la nature des informations échangées

268    Les requérantes font valoir que les informations échangées relevaient du domaine public ou étaient susceptibles d’être obtenues par d’autres sources telles que des publications professionnelles, lesquelles contenaient même des informations plus détaillées en ce qui concerne l’orientation des prix prévue dans le secteur en cause.

269    Au soutien de leurs allégations, les requérantes font référence à des périodiques en ligne communiquant prétendument en temps utile des détails complets sur le marché de la banane. Elles précisent elles-mêmes que le magazine Sopisco News indiquait chaque samedi (soit deux jours avant la conclusion par Dole de ses négociations sur la fixation du prix le lundi suivant) l’échelle des prix réels du marché par importateur pour la semaine en cours.

270    Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, cette publication intervenait donc au moins deux jours après la fixation et l’annonce des prix de référence, et non la veille. À ce moment-là, les prix de référence avaient été annoncés et largement diffusés sur le marché (considérant 104 de la décision), ce qui contredit l’allégation des requérantes d’une communication « en temps utile ».

271    S’agissant de la lettre d’informations du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), elle rapportait, selon les requérantes, chaque jeudi, les rumeurs du marché sur la tendance hebdomadaire réelle des prix en Allemagne ainsi que dans d’autres pays de l’Union européenne.

272    Cette indication temporelle ne permet pas de savoir si les informations contenues dans cette publication étaient connues des entreprises avant la tenue de leur réunion, au tout début de la matinée de jeudi, ayant pour objet la fixation de leur prix de référence.

273    Lors de l’audience et en contradiction avec leurs écritures, les requérantes ont même avancé que la publication de la lettre du CIRAD intervenait le mercredi, sans, toutefois, fournir un quelconque élément de preuve au soutien de leur allégation.

274    En tout état de cause, l’examen des exemplaires de cette publication fournis par les requérantes, dont aucun ne correspond à la période infractionnelle retenue dans la décision attaquée, fait apparaître des données chiffrées, sous la forme essentiellement de graphiques, sur les volumes de production et les prix réels ainsi que des commentaires très généraux sur les marchés géographiques concernés et les tendances au regard des données acquises.

275    Il n’est pas allégué par les requérantes qu’il y soit fait mention des prix de référence des importateurs pour la semaine à venir ou même de tendances indicatives des prix de référence pour la semaine à venir. Le périodique de la CIRAD ne comporte aucune indication chiffrée individuelle concernant les importateurs de bananes.

276    Par ailleurs, les requérantes n’ont pas remis en cause leurs déclarations, rapportées par la Commission au titre de la description du contenu des communications, concernant des discussions avec Chiquita sur « les stocks jaunes chez les mûrisseurs, les stocks verts estimés dans les ports » (considérant 152 de la décision attaquée) et avec Weichert relatives à l’existence de « stocks anticipés d’importations excédentaires au niveau des ports » ou sur la question de savoir « si les stocks des mûrisseurs de bananes jaunes n’étaient pas commandés par les supermarchés en raison d’une demande à la baisse des consommateurs » (considérant 183 de la décision attaquée). Les requérantes n’établissent pas que de tels échanges portaient sur des informations disponibles sur le marché.

277    Il en va de même des discussions relatives aux opérations promotionnelles, aux incidents affectant le transport de marchandises à destination des ports d’Europe du Nord ou aux ventes de détail respectives de Dole et de Chiquita, c’est-à-dire les ventes jaunes.

278    En réponse aux observations de Dole et de Weichert, la Commission a, certes, elle-même admis que des informations discutées par les parties « pouvaient être obtenues d’autres sources » (considérants 160 et 189 de la décision attaquée), ce qui peut concerner les conditions météorologiques, évoquées par Dole et Weichert dans le cadre de la description des communications bilatérales.

279    Il n’en demeure pas moins que le point de vue de Dole ou de Weichert sur telle ou telle information importante pour les conditions de l’offre et de la demande, susceptible d’être obtenue autrement que par le biais de discussions avec les entreprises concernées, et son incidence sur l’évolution du marché, ne constitue pas, par définition, une information publique disponible.

280    En tout état de cause, la constatation opérée par la Commission aux considérants 160 et 189 de la décision attaquée n’est pas, à elle seule, incompatible avec sa conclusion quant à l’objet anticoncurrentiel de la pratique en cause, fondée sur une appréciation globale de cette dernière.

 Sur les participants aux échanges

281    Les requérantes soutiennent que les discussions incriminées ne se limitaient pas aux trois fournisseurs destinataires de la décision attaquée et que les importateurs échangeaient les mêmes informations ou des informations similaires avec leurs clients, fait que la Commission ne conteste pas, mais dont elle ne tire pas les conséquences, à savoir la preuve d’une absence d’objectif anticoncurrentiel de ces échanges.

282    S’agissant des autres importateurs, Fyffes aurait admis elle-même qu’elle avait pris part à des communications absolument identiques avec les autres importateurs, et tous les importateurs auraient informé la Commission qu’ils avaient exactement les mêmes communications avec Leon Van Parys (Pacific).

283    Au soutien de cette allégation, les requérantes renvoient aux paragraphes 128 et 129 de la communication des griefs ainsi libellés :

« (128) […] Dole déclare qu’elle avait des communications bilatérales, qui avaient lieu avant la fixation des prix de référence des bananes, avec respectivement Fyffes, Weichert, Pacific, Del Monte et Chiquita. Del Monte déclare que son salarié (le directeur des ventes de bananes) avait du lundi au mercredi des conversations téléphoniques avec les salariés d’autres importateurs de bananes, notamment avec respectivement Chiquita, Dole, Weichert/Fyffes et Pacific. Weichert déclare qu’elle avait des communications bilatérales avec, notamment, respectivement Chiquita, Del Monte, Fyffes et Pacific. Fyffes déclare qu’elle avait des communications avec des importateurs de bananes, et elle cite parmi ces importateurs Chiquita Nederland, Dole, Pacific, Del Monte/Weichert et Del Monte Holland.

(129)  Pacific ne reconnaît pas avoir eu de telles communications avec les autres parties avant la fixation du prix de référence. Chiquita, Dole, Del Monte, Weichert et Fyffes déclarent cependant toutes, séparément, qu’elles avaient ce type de communications bilatérales avec Pacific. Les relevés téléphoniques produits montrent en outre que Pacific avait des conversations téléphoniques avec certaines des autres parties du lundi au mercredi […] »

284    Force est de constater qu’il peut seulement être déduit des points susmentionnés que Fyffes a admis l’existence de communications avec d’autres importateurs, dont Pacific, et que Chiquita, Dole, Del Monte et Weichert ont déclaré avoir également eu des communications bilatérales avec Pacific, sans autres précisions.

285    Il importe de souligner que, après avoir adressé la communication des griefs à Fyffes et à Leon Van Parys (Pacific), la Commission n’a finalement pas retenu d’infraction à l’égard de ces deux entreprises dans la décision attaquée, à la suite des réponses présentées par celles-ci et de son appréciation des éléments de preuve en sa possession.

286    Il résulte, par ailleurs, des considérants 21 et 24 de la décision attaquée que, outre Chiquita, Weichert, Dole, Del Monte (en ce qui concerne ses propres activités de fournisseur de bananes), Fyffes et Leon Van Parys, un grand nombre d’autres entreprises vendant des bananes étaient actives en Europe du Nord. Il n’est ni allégué ni a fortiori démontré que ces entreprises étaient impliquées dans les échanges d’informations incriminés dans la décision attaquée.

287    Il convient enfin de relever que les requérantes ne rapportent pas la preuve du fait que les échanges d’informations incriminés impliquaient aussi les clients.

288    Les requérantes produisent deux lettres de clients de Dole, émanant de Van Wylick OHG et de Metro Group Buying GmbH, dans lesquelles ces deux sociétés n’évoquent pas leur participation à des discussions avec les fournisseurs de bananes sur des facteurs importants pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir ou sur des tendances de prix et des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l’établissement de ces derniers, ni même leur connaissance de l’existence de communications bilatérales entre importateurs et encore moins de la portée exacte de celles-ci. Les deux clients de Dole soulignent essentiellement que cette entreprise leur annonçait son prix de référence le jeudi matin par téléphone. Les requérantes indiquent elles-mêmes que l’élément pertinent de ces lettres est qu’elles démontrent que, pour les clients, le facteur décisif était le « prix Aldi » et non le prix de référence et qu’il est donc « sans importance que les clients connaissent ou non tous les détails des communications de prétarification constatées par la Commission ».

289    Par ailleurs, c’est à tort que les requérantes affirment, en se référant au considérant 325 de la décision attaquée, que la Commission ne conteste pas que les sujets abordés au cours des communications bilatérales étaient également discutés avec les clients.

290    Dans le considérant 325 de la décision attaquée, la Commission rappelle l’argumentation de Dole et de Del Monte relative au concept de « radio banane », selon lequel les informations du marché de la banane étaient rapidement propagées et que, selon elles, « tout le monde » savait que les concurrents parlaient avec « tout le monde ». En réponse à cette assertion, la Commission renvoie expressément à d’autres considérants dans lesquels elle a indiqué, d’une part, que les preuves apportées ou les arguments présentés par les entreprises concernées ne démontrent pas que des institutions publiques, des clients ou des tiers aient été au courant des communications de prétarification et de leur contenu et, d’autre part, que, en tout état de cause, cette argumentation ne modifie pas sa conclusion selon laquelle les discussions entre les entreprises concernées sont anticoncurrentielles.

291    À cet égard, c’est à juste titre que la Commission invoque la nécessaire distinction entre, d’une part, les concurrents qui glanent des informations de façon indépendante ou discutent des prix futurs avec des clients et des tiers et, d’autre part, les concurrents qui discutent des facteurs de tarification et de l’évolution des prix avec d’autres concurrents avant d’établir leurs prix de référence (considérant 305 de la décision).

292    Si le premier comportement ne suscite aucune difficulté au regard de l’exercice d’une concurrence libre et non faussée, il n’en va pas de même du second, qui contredit l’exigence selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun, cette exigence d’autonomie s’opposant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs ayant pour objet ou pour effet soit d’influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on a décidé ou que l’on envisage de tenir soi-même sur le marché (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, points 173 et 174, et arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, Rec. p. II‑5349, point 89).

293    L’appréciation individuelle par un importateur de bananes d’un événement climatique affectant une région de production, information publique et disponible, ne doit pas être confondue avec l’évaluation commune par deux concurrents dudit événement, couplée, le cas échéant, avec une autre information sur l’état du marché, et de son incidence sur l’évolution du secteur, très peu de temps avant la fixation de leurs prix de référence.

294    Il convient de rappeler que Dole a expliqué que, dans ses communications avec Chiquita, « les évaluations de la situation du marché incluaient les conditions atmosphériques, les stocks jaunes chez les mûrisseurs, les stocks verts estimés dans les ports et d’autres facteurs influençant l’offre par rapport à la demande ».

295    C’est dès lors à bon droit que la Commission indique, aux considérants 160 et 189 de la décision attaquée, que, « même si des informations sur divers sujets discutés pouvaient être obtenues d’autres sources […], les points de vue des concurrents à ce sujet, qui étaient échangés lors de discussions bilatérales, ne pouvaient l’être ».

 Sur la prise en compte des caractéristiques essentielles du marché concerné

296    Les requérantes reprochent principalement à la Commission de n’avoir tenu aucun compte des conditions du marché et de n’avoir donc fourni aucune motivation sur ce point ou, en d’autres termes, de ne pas avoir expliqué de façon claire et non équivoque la manière dont elle a tenu compte des conditions du marché pour constater que l’échange d’informations constituait une infraction à l’article 81 CE. De manière générale, les requérantes reprochent également à la Commission une évaluation incorrecte du marché.

–       Sur le cadre réglementaire

297    Les requérantes soulignent que le secteur faisait l’objet d’une réglementation spécifique qui avait pour conséquence que l’approvisionnement était déterminé dans le cadre d’un système de contingents tarifaires.

298    En premier lieu, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation sur ce point, il résulte des considérants 36 à 40, 129 à 137, 278 et 279 de la décision attaquée que la Commission a pris en compte et examiné, de manière suffisante et non équivoque, le cadre réglementaire du secteur de la banane à l’époque des faits lors de son appréciation de la conformité du comportement de Dole à l’article 81, paragraphe 1, CE, à savoir le règlement no 404/93.

299    Il s’ensuit qu’aucune violation de l’article 253 CE concernant le cadre réglementaire des échanges d’informations concernés ne saurait être reprochée à la Commission.

300    En second lieu, s’agissant de la pertinence de l’analyse de la Commission, il importe de souligner que, durant la période concernée, les importations de bananes dans la Communauté étaient couvertes par le régime des licences. La Commission a relevé, au considérant 37 de la décision attaquée, que, lors de l’introduction des demandes de licence, les opérateurs étaient soumis à la constitution d’une garantie et que la grande majorité des quantités sous licence allait aux opérateurs traditionnels, par opposition aux « nouveaux arrivés » ou aux « opérateurs non traditionnels » (à partir du 1er juillet 2001), ce qui révèle l’existence de certaines barrières à l’entrée sur le marché concerné.

301    Les contingents d’importation de bananes étaient fixés annuellement, alloués sur une base trimestrielle avec une certaine flexibilité limitée entre les trimestres d’une année civile. La Commission précise que, compte tenu du régime de contingents, la quantité totale de bananes importées dans l’ensemble de la Communauté au cours d’un trimestre donné pendant la période concernée était donc déterminée, sous réserve d’une certaine flexibilité limitée entre les trimestres, puisque d’importants éléments incitaient les détenteurs de licences à garantir que celles-ci seraient utilisées au cours du trimestre concerné (considérant 134 de la décision).

302    Ainsi que les requérantes l’indiquent, le fait que l’approvisionnement en bananes provenant d’Amérique latine et des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) a été fixé en fait par le règlement no 404/93 pendant toute la période de la prétendue infraction constitue un élément qui présente une importance évidente dans la détermination des prix.

303    L’importance de cette réglementation au regard du niveau de l’offre et le fait qu’elle contribue à une certaine transparence sur le marché permettent de conclure que la formation des prix sur le marché de la banane ne répondait pas complètement au libre jeu de l’offre et de la demande.

304    Cette constatation n’est pas, toutefois, incompatible avec la conclusion de la Commission quant à l’objet anticoncurrentiel de la pratique en cause.

305    Premièrement, la Commission a dûment pris en compte une caractéristique essentielle du secteur de la banane, à savoir son organisation en cycles hebdomadaires.

306    La Commission a souligné, à juste titre, que l’organisation commune des marchés ne déterminait pas à l’avance le nombre de bananes importées et commercialisées au sein de l’Union et encore moins dans la zone géographique en cause au cours d’une semaine donnée.

307    Dans un marché organisé en cycles hebdomadaires, la Commission a ainsi pu constater que les expéditions de bananes vers les ports d’Europe du Nord étaient déterminées, pour une semaine donnée, en fonction des décisions de production et d’expédition prises par les producteurs et les importateurs (considérants 131 à 135 de la décision attaquée), lesquels disposaient donc d’une certaine marge d’appréciation quant au volume disponible sur le marché.

308    Deuxièmement, la Commission a également pris en considération une situation spécifique en ce qui concerne la quantité de bananes disponibles au cours d’une semaine donnée en Europe du Nord, relatée au considérant 136 de la décision attaquée dans les termes suivants :

« Divers documents en la possession de la Commission montrent qu’avant de fixer leurs prix de référence hebdomadaires, du lundi au mercredi, les parties échangeaient des informations sur les arrivages de bananes aux ports [d’]Europe du Nord. Ces échanges relayaient les données concernant les propres volumes de bananes des parties dont l’arrivage était généralement prévu au cours de la semaine à venir. Les parties admettent que de tels échanges ont eu lieu. À titre additionnel ou alternatif, les importateurs se basaient sur les informations concernant les arrivages de bananes qui étaient disponibles auprès de diverses sources publiques et privées par le biais des services d’informations mercuriales. Dès lors, au moment où les parties avaient leurs communications de prétarification, elles étaient normalement toujours au courant des volumes de bananes des concurrents qui allaient arriver plus tard, dans la semaine à venir, aux ports [d’]Europe du Nord […] »

309    La Commission a en outre précisé que, si les entreprises concernées n’avaient pas contesté la constatation faite dans la communication des griefs selon laquelle des échanges de données sur les volumes avaient lieu régulièrement au début de chaque semaine (du lundi au mercredi matin) (note en bas de page no 179 de la décision attaquée), elle avait estimé, à la lumière des arguments présentés par les parties en réponse à la communication des griefs, que les preuves en sa possession ne conduisaient pas à la conclusion que les échanges d’informations sur les volumes traités avaient un objet anticoncurrentiel ou qu’elles faisaient partie intégrante de l’infraction (considérant 272 de la décision attaquée).

310    La Commission a, en revanche, relevé que les participants aux communications de prétarification communiquaient à la lumière d’une incertitude moindre quant à la situation de leurs concurrents en termes de livraisons et que, combiné à la transparence du marché générée par son cadre réglementaire, ce fait traduisait un degré d’incertitude moindre dans l’industrie bananière en Europe du Nord, rendant d’autant plus important le fait de protéger l’incertitude subsistante entourant les décisions futures des concurrents en matière de prix (considérant 272 de la décision attaquée).

311    Si les requérantes reprochent à la Commission une évaluation incorrecte du contexte de la pratique en cause, elles ne présentent aucune argumentation spécifique contredisant les constatations de la Commission sur la marge d’appréciation des entreprises bananières quant au volume disponible sur le marché au cours d’une semaine donnée et à la connaissance par ces entreprises des arrivages de bananes à venir, avant les communications de prétarification.

312    Dans ces circonstances, il convient de relever que c’est à juste titre que la Commission a tenu compte, dans son évaluation du comportement de Dole, d’un degré d’incertitude moindre dans l’industrie bananière en Europe du Nord et de la nécessité corrélative de protéger l’incertitude subsistante entourant les décisions futures des concurrents en matière de prix (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 1088 et 1856).

–       Sur la nature spécifique du produit en cause

313    Outre une absence de motivation de la décision attaquée sur ce point, les requérantes invoquent le fait que, les bananes étant un produit périssable devant être commercialisé rapidement, il était utile et même indispensable pour les importateurs, notamment, de connaître avec exactitude les tendances du marché et ce qu’en pensaient les concurrents, ce qui explique pourquoi il existait tant de communications entre un grand nombre d’importateurs de bananes. Le Conseil de la concurrence français l’aurait d’ailleurs reconnu et aurait pris en considération les caractéristiques particulières des marchés de fruits et de légumes lors d’une évaluation générale des effets d’un échange d’informations.

314    En premier lieu, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il résulte des considérants 278, 279, 290, 300, 303, 341 à 343 de la décision attaquée que la Commission a examiné, de manière suffisante et non équivoque, les arguments des destinataires de celle-ci, dont Dole, se rapportant à la nature spécifique du produit en cause, à savoir son caractère extrêmement périssable.

315    Il s’ensuit qu’aucune violation de l’article 253 CE concernant la nature spécifique du produit en cause ne saurait être reprochée à la Commission.

316    En second lieu, en ce qui concerne le bien-fondé de l’appréciation effectuée par la Commission, il convient de relever que l’argument susvisé des requérantes vise à faire constater que les communications entre importateurs avaient, compte tenu de la nature spécifique du produit en cause, un objet légitime, à savoir un renforcement de l’efficacité du marché.

317    Ainsi que l’indique, à juste titre, la Commission au considérant 303 de la décision attaquée, en expliquant que l’objet des communications était un déstockage efficace du marché pour un produit extrêmement périssable tel que les bananes ou la fixation d’un prix de déstockage du marché, les entreprises destinataires de la décision attaquée reconnaissent de ce fait que leurs communications ont influencé leurs décisions de tarification. Cette dernière constatation confirme l’objet anticoncurrentiel de la pratique en cause.

318    La Commission a ajouté au considérant 303 de la décision attaquée ce qui suit :

« […] une fois établi le but anticoncurrentiel des communications, les parties ne peuvent le justifier en avançant qu’elles visaient une ‘meilleure efficacité’. Pour qu’une pratique anticoncurrentielle concertée soit exempte de l’application de l’article 81 [CE], il est nécessaire de satisfaire aux conditions stipulées à l’article 81, paragraphe 3, [CE] […] De plus, il est insuffisant de n’avoir aucun ‘esprit anticoncurrentiel’ lors de communications avec des concurrents au cours desquelles des intentions tarifaires et des facteurs de tarification étaient dévoilés ou discutés […] »

319    La Commission a, par ailleurs, constaté que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE n’étaient pas réunies (considérants 339 à 343 de la décision attaquée).

320    Les déclarations des requérantes, qui contestent l’existence d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, sur l’utilité pour les importateurs de connaître les points de vue des concurrents sur les tendances du marché, au regard d’un temps de commercialisation très court dicté par la nécessité d’écouler en quelques jours des cargaisons entières de fruits périssables, ne font que corroborer les constatations et les conclusions de la Commission.

321    Sont, en outre, dépourvues de toute pertinence pour la résolution du présent litige les considérations d’ordre général émanant d’une autorité de concurrence nationale saisie d’une demande d’avis relative à l’organisation économique de la filière des fruits et des légumes dans l’État membre concerné.

322    Il convient, enfin, de rappeler que, selon la jurisprudence, il importe peu que les entreprises se soient concertées pour des motifs dont certains étaient légitimes. Ainsi, la Cour a jugé qu’un accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s’il n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres objectifs légitimes (arrêt Beef Industry Development Society et Barry Brothers, point 68 supra, point 21).

323    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont présenté aucun argument de nature à remettre en cause l’appréciation de la Commission quant à la nature spécifique du produit en cause.

–       Sur le caractère variable de la demande

324    Se référant aux considérants 35 et 130 de la décision attaquée, les requérantes font valoir que la demande variait énormément sur le marché en cause et qu’il était impossible pour les importateurs de prédire la demande de manière fiable, ce qui avait pour conséquence que les prix variaient chaque semaine.

325    En premier lieu, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, ainsi que les requérantes le soulignent elles-mêmes dans leurs écritures, la Commission a expressément évoqué la question de la demande sur le marché concerné en indiquant que « [l]es bananes sont perçues dans le commerce comme un produit disponible toute l’année durant, dont la demande est légèrement plus forte au cours du premier semestre de l’année et moindre au cours du second, notamment en été » (considérant 35 de la décision attaquée), ce qui exclut tout manquement à son obligation de motivation sur ce point.

326    En second lieu, en ce qui concerne le bien-fondé de l’appréciation effectuée par la Commission, il convient de relever que la constatation de cette dernière, mentionnée au point 325 ci-dessus, ne saurait être assimilée, comme le font les requérantes, à la constatation d’une impossibilité pour les importateurs de prédire de manière fiable la demande. Cette dernière mention figurant au considérant 130 de la décision attaquée correspond, au demeurant, au seul rappel des déclarations de Del Monte.

327    En outre, d’une part, il convient de relever que la Commission a mis en exergue (considérant 131 de la décision attaquée), sans être contredite par les requérantes, la capacité décisionnelle des importateurs dans la détermination hebdomadaire des volumes d’arrivage de bananes dans les ports d’Europe du Nord et leur répartition entre les différents États membres composant l’Europe du Nord, l’Europe de l’Est et l’AELE, situation caractérisant une adaptabilité et une souplesse du marché en ce qui concerne l’offre.

328    D’autre part, les déclarations des requérantes sur la variabilité de la demande et la conséquence alléguée de celle-ci, à savoir la variabilité hebdomadaire des prix, sont compatibles avec les conclusions de la Commission quant à l’existence d’une pratique concertée ayant pour objet une restriction de la concurrence et confortent même ces conclusions.

329    S’agissant de la teneur des communications bilatérales, c’est à juste titre que la Commission a souligné que les entreprises en cause discutaient des conditions de l’offre et de la demande ou, en d’autres termes, des facteurs de tarification, avec, notamment, une évaluation commune du niveau de la demande. Il convient, à cet égard, de rappeler que Dole a précisé que, dans le cadre de ses discussions avec Weichert, « la demande de marché escomptée était évaluée en discutant de la situation du marché ([c’est-à-dire de la question de] savoir s’il existait des stocks anticipés d’importations excédentaires au niveau des ports ou si les stocks des mûrisseurs de bananes jaunes n’étaient pas commandés par les supermarchés en raison d’une demande à la baisse des consommateurs) » (considérant 183 de la décision attaquée).

330    Dans l’étude économique du 10 avril 2007 présentée par Dole au cours de la procédure administrative, il est indiqué que la demande de bananes variait d’une semaine à l’autre en fonction d’un grand nombre de facteurs prévisibles ou non et que, compte tenu de cette incertitude, DFFE devait trouver un prix idéal lui permettant d’atteindre un point d’équilibre entre son approvisionnement et cette demande fluctuante, tenant compte des risques et des coûts liés au vieillissement de la banane. Il y est encore précisé que le « facteur qui affecte les volumes finaux achetés par le client est le prix, de sorte que la demande est, contrairement à l’offre, élastique par rapport au prix ».

331    Ces considérations de Dole sur la demande, dans le contexte d’un marché également caractérisé par un système d’échanges d’informations entre importateurs sur les volumes des arrivages hebdomadaires de bananes dans les ports, sont de nature à justifier les conclusions de la Commission sur le fait que le prix était un instrument clé de la concurrence dans le secteur en cause (considérant 261 de la décision attaquée) et l’impérative nécessité de protéger, dans le cadre du marché de la banane, l’incertitude subsistante entourant les décisions futures des concurrents en matière de prix (considérant 272 de la décision attaquée).

–       Sur la structure du marché

332    Les requérantes soulignent que l’échange limité d’informations a eu lieu sur un marché qui n’est pas fortement concentré ni oligopolistique. Après avoir indiqué le contraire au paragraphe 406 de la communication des griefs, la Commission considérerait désormais, sans la moindre explication, que ce facteur ne serait pas pertinent (considérant 280 de la décision attaquée), rejetant, ainsi, les preuves accablantes apportées au soutien de la nature concurrentielle du marché concerné. En outre, la prétendue infraction couvrirait moins de la moitié du marché, soit 45 à 50 % en valeur ou 40 à 45 % en volume (considérant 31 de la décision attaquée) selon les chiffres, exagérés, de la Commission, qui n’aurait pas clairement précisé le calcul de cette part de marché, cette dernière étant, en réalité, inférieure à 25 % en Allemagne, le marché le plus important en Europe du Nord. Cette dimension de la part de marché ôterait naturellement tout fondement à la suggestion selon laquelle l’échange d’informations en cause pourrait être utilisé pour soutenir une augmentation des prix au niveau du secteur.

333    En premier lieu, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de constater que la question de la structure du marché et de son caractère concurrentiel a été examinée par la Commission, de manière suffisante et non équivoque, aux considérants 25 à 31, 280, 281 et 324 de la décision attaquée.

334    Cette constatation ne saurait être remise en cause par le fait que, au paragraphe 406 de la communication des griefs, la Commission avait initialement retenu l’existence d’un marché oligopolistique, indication qui ne figure plus dans la décision attaquée.

335    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la décision ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 68). La Commission doit en effet être en mesure de tenir compte, dans sa décision, des réponses des entreprises concernées à la communication des griefs. À cet égard, elle doit pouvoir non seulement accepter ou rejeter les arguments des entreprises concernées, mais aussi procéder à sa propre analyse des faits avancés par celles-ci, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle maintient (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 92 ; voir également, en ce sens, arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, points 437 et 438).

336    La Commission a donc aménagé, comme elle en avait le droit et à la suite des réponses des entreprises à la communication des griefs, son argumentation dans la décision attaquée, laquelle est principalement contenue aux considérants 280 et 281. Dans ces considérants, la Commission fait valoir que :

–        la structure du marché n’est pas un élément pertinent pour établir une infraction en l’espèce, le Tribunal ayant souligné, dans l’arrêt du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission (T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 113), que, dans le cas d’une entente sur les prix, la pertinence de la structure du marché entourant l’infraction est différente de celle des cas de partage de marchés ;

–        en tout état de cause, les parties disposaient d’une part substantielle du marché et étaient les fournisseurs des trois plus grandes marques de bananes ;

–        les parties ne peuvent justifier leur implication dans des arrangements d’entente en déclarant qu’il existe une concurrence sur le marché et qu’il n’est pas nécessaire, pour constituer une infraction par objet, que des arrangements excluent toute concurrence entre les parties.

337    Il résulte des considérations qui précèdent qu’aucune violation de l’article 253 CE ne saurait être reprochée à la Commission en ce qui concerne la question de la structure du marché en cause.

338    En second lieu, s’agissant de la pertinence de l’appréciation de la Commission, les requérantes font observer à juste titre que la position selon laquelle la structure du marché n’est pas un élément pertinent pour établir, dans le cas présent, une infraction procède d’une interprétation erronée de l’arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 336 supra, en ce sens que les passages de cet arrêt cités au considérant 280 de la décision attaquée ne se rapportent pas à l’établissement de l’infraction, mais au montant de l’amende infligée.

339    En effet, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun et que, si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur ce marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, points 32 et 33).

340    Si l’offre sur un marché est fortement concentrée, l’échange de certaines informations peut être, selon notamment le type d’informations échangées, de nature à permettre aux entreprises de connaître la position et la stratégie commerciale de leurs concurrents sur le marché, faussant ainsi la rivalité sur ce marché et augmentant la probabilité d’une collusion, voire facilitant celle-ci. En revanche, si l’offre est atomisée, la diffusion et l’échange d’informations entre concurrents peuvent être neutres, voire positifs, pour la nature compétitive du marché (arrêt de la Cour du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 58).

341    La Cour a également précisé qu’un système d’échange d’informations peut constituer une violation des règles de concurrence même lorsque le marché en cause n’est pas un marché oligopolistique fortement concentré (arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 62 supra, point 86).

342    Il importe de souligner que, dans la décision attaquée, la Commission indique que, outre Chiquita, Weichert et Dole, les sociétés Del Monte (en ce qui concerne ses propres activités de fournisseur de bananes), Fyffes et Leon Van Parys réalisaient d’importantes ventes de bananes en Europe du Nord et que, en plus de ces entreprises, un grand nombre d’autres entreprises vendant des bananes étaient actives en Europe du Nord. La plupart de celles-ci étaient de petites entreprises qui se concentraient sur une zone géographique limitée (en particulier l’Allemagne) (considérants 21 et 24 de la décision attaquée).

343    La Commission précise, cependant, que les parties disposaient d’une part substantielle du marché et étaient les fournisseurs des trois plus grandes marques de bananes.

344    La Commission explique, à cet égard, la manière avec laquelle elle a déterminé la présence combinée des destinataires de la décision attaquée dans l’approvisionnement en bananes aux considérants 25 à 31 de la décision attaquée.

345    Ainsi, la Commission a procédé à une estimation de leurs parts combinées dans les ventes de bananes en valeur, sur la base des informations que lesdits destinataires et les importateurs de bananes Fyffes et LVP ont fournies, ce qui l’a amenée à conclure que la part des ventes en valeur de Chiquita, Dole et Weichert représentaient ensemble en 2002 environ 45 à 50 % des ventes de bananes en Europe du Nord (considérants 26 et 27 de la décision attaquée).

346    Les requérantes soutiennent que les chiffres avancés par la Commission sont considérablement exagérés et ne concordent pas avec une enquête indépendante effectuée auprès des consommateurs, laquelle montrait que la part cumulée de Chiquita, de Dole et de l’entreprise constituée par Del Monte et Weichert, mesurée en volume, était inférieure à 25 % sur le marché le plus important, à savoir en Allemagne.

347    Cet argument a déjà été exposé par Dole au cours de la procédure administrative et a été écarté, à bon droit, par la Commission, au considérant 29 de la décision attaquée, de la manière suivante :

« […] Premièrement, il est important de bien comprendre que l’estimation de la part de marché de l’Allemagne qui a été exposée par la Commission dans la communication des griefs reposait sur les chiffres d’affaires et les estimations des ventes par d’autres fournisseurs de bananes, qui ont été communiqués par les destinataires de la présente décision ainsi que par LVP et Fyffes. L’estimation effectuée par la Commission dans la communication des griefs reposait sur la valeur et non sur le volume. Même si l’estimation du bureau d’étude de marché indépendant était correcte, une grande partie de la différence entre cette estimation et celle de la Commission pourrait s’expliquer par la différence de prix entre les bananes de marque et les bananes sans marque. Deuxièmement, le bureau d’étude de marché recense les bananes consommées en Allemagne, alors que l’estimation de la Commission tient compte des bananes vendues en Allemagne. Or, toutes les bananes livrées en Allemagne par les importateurs ne sont pas nécessairement consommées dans ce pays […] »

348    Il ressort également des extraits de l’enquête en cause repris à la page 42 de la réponse de Dole à la communication des griefs que les données y figurant concernent l’année 2004, alors que la période infractionnelle s’est achevée à la fin de l’année 2002, et uniquement l’Allemagne, où la Commission a précisément constaté la présence de nombreux petits opérateurs. N’est pas davantage pertinent, et pour les mêmes raisons, un tableau montrant les parts de marché de Dole, de Chiquita, de Del Monte et d’autres fournisseurs sur le marché allemand au cours des années 2003 à 2005.

349    Force est de constater que, dans le cadre de la présente instance, les requérantes se contentent de reproduire le même argument, fondé sur les mêmes documents, sans fournir un quelconque élément de nature à contredire la réponse de la Commission quant à son défaut de pertinence. Elles ne produisent aucun élément concret permettant de fonder leur allégation d’un marché fortement concurrentiel en Europe du Nord.

350    La Commission a également apprécié, dans la décision attaquée, la part des ventes en volume des entreprises concernées en Europe du Nord, sur la base des données fournies par celles-ci, au regard de la consommation apparente de bananes en volume résultant des statistiques officielles publiées par Eurostat (office statistique de l’Union européenne) et est parvenue à la conclusion que les ventes de bananes fraîches en 2002 par Chiquita, Dole et Weichert, mesurées en volume, représentaient approximativement 40 à 45 % de la consommation apparente de bananes fraîches en Europe du Nord, cette estimation étant légèrement inférieure à la part en valeur de ces ventes (considérant 31 de la décision attaquée).

351    Les requérantes prétendent que la manière dont la Commission a calculé les parts de marché est peu claire étant donné qu’elle semble additionner les ventes de bananes jaunes et vertes au numérateur, mais utiliser uniquement les bananes vertes (c’est-à-dire les chiffres des importations fournis par Eurostat, qui ne peuvent concerner que les bananes vertes) au dénominateur, ce qui implique que le total cumulé des parts de marché doit être supérieur à 100 %.

352    Cette argumentation doit être écartée en ce qu’elle se fonde sur une prémisse erronée, à savoir la distinction entre bananes jaunes et bananes vertes. Il convient de rappeler que le produit en cause est constitué par la banane fraîche, les requérantes n’ayant pas fourni d’éléments justifiant leur allégation de l’existence de deux produits distincts relevant de deux marchés différents. La décision attaquée concerne toutes les bananes, que celles-ci soient vertes ou jaunes, et la Commission a clairement établi un rapport entre les ventes de bananes fraîches en 2002 par Chiquita, Dole et Weichert et la consommation apparente de ce même produit.

353    Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la Commission a considéré et pris en compte le fait que Dole, Chiquita et Weichert disposaient d’une part substantielle du marché, lequel, s’il ne peut être qualifié d’oligopolistique, ne saurait être caractérisé par une offre présentant un caractère atomisé.

354    Il s’ensuit que les griefs de violation de l’obligation de motivation et d’évaluation incorrecte portant sur la prise en compte des caractéristiques essentielles du marché concerné doivent être rejetés.

 Sur le calendrier et la fréquence des communications

355    Les requérantes indiquent que, selon la jurisprudence, la périodicité d’un échange d’informations est un élément pertinent pour apprécier si un tel échange constitue une restriction de la concurrence par objet et que, en l’espèce, la Commission n’a pas évalué correctement cet élément ni fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’elle a suivi.

356    En premier lieu, s’agissant de la motivation de la décision attaquée relative au calendrier et à la fréquence des communications, il ressort des considérants 70 à 75 de la décision attaquée que les communications de prétarification ont eu lieu entre Dole et Chiquita, de manière générale, le mercredi en fin d’après-midi et, parfois, le jeudi matin tôt et entre Dole et Weichert le mercredi après-midi uniquement, soit peu de temps avant la fixation par ces entreprises de leurs prix de référence.

357    En ce qui concerne les communications entre Dole et Chiquita, cette dernière a indiqué qu’elles avaient lieu presque chaque semaine (à l’exception de la période de vacances et d’autres semaines d’absence). Les relevés téléphoniques disponibles de son salarié, M. B., font état, au minimum, de 55 appels téléphoniques sortants passés à M. H. (mais pas des appels entrants) le mercredi et 53 appels sortants au minimum le jeudi matin entre 2000 et 2002, dont 23 appels (en 19 semaines) ont eu lieu avant 8 h 45, voire avant 8 h 30 (à savoir avant le démarrage de la réunion de tarification de Dole) pour 18 d’entre eux (en 17 semaines) (considérants 76 à 78 de la décision attaquée), ce qui concorde avec les déclarations de Chiquita selon lesquelles elle avait avec Dole des communications de prétarification le jeudi matin.

358    Dole a déclaré que, à partir de 2000 jusqu’aux environs de l’automne 2001, des contacts ont eu lieu entre son salarié M. H. et M. B. (salarié de Chiquita) une vingtaine de fois par an (15 fois le mercredi et 5 fois le jeudi). En outre, Dole a affirmé que, à partir de l’automne 2001 jusqu’aux alentours de 2002-2003, des contacts ont eu lieu entre son salarié, M. G., et ses correspondants, chez Chiquita, à raison peut-être d’une dizaine de fois par an. Selon Dole, il se peut qu’entre l’automne 2001 et décembre 2002 quelques appels téléphoniques de cette nature aient eu lieu entre M. H. et M. B., mais que, toutefois, « M. H. […] n’a aucun souvenir de tels appels pendant cette période » (considérant 79 de la décision attaquée).

359    Dans sa réponse à la communication des griefs, Dole a, sur la base des relevés téléphoniques disponibles, estimé aux nombres de 55 les contacts du mercredi après-midi et de 58 ceux du jeudi matin, indépendamment de la durée d’appel pour ces derniers (considérant 77 et note en bas de page no 92 de la décision attaquée).

360    Il est également indiqué au considérant 153 de la décision attaquée que Dole elle-même a estimé qu’un échange portant sur les tendances indicatives du prix de référence s’est déroulé au cours de la moitié environ des communications avec Chiquita.

361    S’agissant des communications entre Dole et Weichert, pour lesquelles aucun relevé téléphonique n’est disponible, Dole a d’abord indiqué, dans sa réponse à des demandes de renseignements, avoir communiqué avec Weichert « presque chaque semaine », c’est-à-dire une quarantaine de semaines par an, avant de soutenir, dans la réponse à la communication des griefs, que « l’échange relatif aux conditions de marché avait lieu environ une semaine sur deux à cause des déplacements ou [des] autres engagements », motif déjà avancé dans la réponse à des demandes de renseignements pour justifier le nombre de communications allégué (considérants 87 et 88 de la décision attaquée).

362    Dans sa réponse à une demande de renseignements du 15 décembre 2006, Weichert a déclaré que les communications avec Dole n’avaient pas lieu chaque mercredi, mais en moyenne une ou deux fois par mois. Invitée, le 5 février 2007, par la Commission, à préciser un nombre de semaines par an, Weichert a affirmé que ses salariés avaient des communications avec Dole environ 20 à 25 semaines par an (considérant 87 de la décision attaquée).

363    Weichert a ensuite affirmé, dans la réponse à la communication des griefs, que les contacts avec Dole avaient lieu « en moyenne pas plus d’une ou de deux fois par mois », sans revenir explicitement sur l’estimation hebdomadaire initiale, ce qui a conduit la Commission à retenir une fréquence d’environ 20 à 25 semaines par an, compatible avec les déclarations de Dole (considérants 90 et 91 de la décision attaquée).

364    Sur la base des éléments ainsi recueillis, la Commission a conclu que les communications étaient suffisamment cohérentes pour former un « schéma » de communications (considérants 86 et 91 de la décision attaquée).

365    Il résulte des considérations qui précèdent qu’aucune violation de l’obligation de motivation, contenue à l’article 253 CE, ne saurait être reprochée à la Commission.

366    En second lieu, s’agissant du bien-fondé de l’appréciation de la Commission, les requérantes excipent, premièrement, de l’imprécision de la décision attaquée quant à la teneur des communications incriminées et plus particulièrement de la notion de « facteurs de tarification », pour critiquer la pertinence de l’analyse de la Commission quant à la comptabilisation des échanges.

367    Elles soutiennent, tout d’abord, qu’aucun élément de la décision attaquée ne permet à Dole de savoir si une unique discussion portant sur l’un quelconque des sujets abordés constitue une restriction de la concurrence par objet en vertu de l’article 81 CE.

368    Il convient de rappeler que, s’agissant des conditions dans lesquelles une concertation illicite peut être caractérisée au regard de la question du nombre et de la régularité des contacts entre les concurrents, il résulte de la jurisprudence que ce sont tant l’objet de la concertation que les circonstances propres au marché qui expliquent la fréquence, les intervalles et la manière dont les concurrents entrent en contact les uns avec les autres pour aboutir à une concertation de leur comportement sur le marché. En effet, si les entreprises concernées créent une entente avec un système complexe de concertation sur un grand nombre d’aspects de leur comportement sur le marché, elles pourront avoir besoin de contacts réguliers sur une longue période. En revanche, si la concertation est ponctuelle et vise une harmonisation unique du comportement sur le marché concernant un paramètre isolé de la concurrence, une seule prise de contact pourra suffire pour réaliser la finalité anticoncurrentielle recherchée par les entreprises concernées (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 60).

369    La Cour a précisé que ce qui importe n’est pas tant le nombre de réunions entre les entreprises concernées que le fait de savoir si le ou les contacts qui ont eu lieu ont offert à ces dernières la possibilité de tenir compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché considéré et de substituer sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Dès lors qu’il peut être établi que ces entreprises ont abouti à une concertation et qu’elles sont restées actives sur ce marché, il est justifié d’exiger que celles-ci rapportent la preuve que cette concertation n’a pas eu d’influence sur leur comportement sur ledit marché (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 61).

370    En l’espèce, il résulte de la décision attaquée (voir, notamment, les considérants 262, 263, 265 et 269) que la Commission a apprécié une pratique spécifique, à savoir des communications bilatérales de Dole avec Chiquita et Weichert précédant l’établissement de ses prix de référence, au regard de sa teneur concrète, de sa portée et de son contexte juridique et économique. Dans ce cadre, la Commission a analysé la périodicité des échanges et conclu que toutes les communications participaient d’un même « schéma » ou d’un mécanisme uniforme de communications. Sur la base de cette appréciation globale, la Commission a estimé que l’ensemble des communications de prétarification de Dole avec ses deux concurrents constituait une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel.

371    En réponse à des arguments selon lesquels les communications de prétarification étaient sporadiques ou irrégulières, la Commission a ajouté que le fait que ces communications n’aient pas eu lieu de manière systématique ou sur une base régulière n’était, certes, pas déterminant pour conclure à l’existence d’une infraction, en considérant que chaque communication individuelle de cette nature poursuivait un objet anticoncurrentiel (considérant 270 de la décision attaquée).

372    Il convient de relever que, dans la duplique, la Commission fait valoir, à plusieurs reprises et en se référant à l’arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, que, même si l’action concertée est le résultat d’une seule et unique réunion tenue par les entreprises participantes, il peut y avoir infraction et que son appréciation dans la décision attaquée est donc conforme au critère fixé par la jurisprudence.

373    Pour autant que la Commission ait entendu indiquer que, à supposer que ses constatations relatives à la fréquence des communications et sa conclusion quant à un « schéma » cohérent de communications ne soient pas retenues, l’existence d’une seule communication de prétarification entre Dole et ses concurrents pour chacune des années composant la période allant de 2000 à 2002 suffirait à caractériser un comportement collusoire, cette allégation devrait être écartée au regard de l’objet spécifique de la coordination reprochée et de la caractéristique d’un marché organisé en cycles hebdomadaires. Toutefois, il ne saurait, à l’inverse, être exigé de la Commission la preuve de l’existence d’une communication hebdomadaire de prétarification tout au long de la période infractionnelle, la preuve de la réalité d’un certain nombre d’échanges, permettant de caractériser un système de circulation des informations, étant suffisante. Il importe, à cet égard, de souligner que les prix de référence des importateurs ne changeaient pas chaque semaine, ainsi que cela résulte des rapports internes sur les prix de Chiquita.

374    Les requérantes indiquent, ensuite, que la Commission n’a jamais indiqué clairement les thèmes des communications constituant une restriction de la concurrence par objet, alors que cette question est de nature à influer sur la détermination du nombre de communications incriminées. Elles font valoir qu’elles ne savent pas très bien si le calcul des communications prétendument incorrectes ne comprend pas, par erreur, des communications se limitant à la discussion d’informations sur les volumes, aux « bavardages sur l’industrie en général (départ de salariés ou nouveaux recrutements, coentreprises [et] acquisitions annoncées, etc.) » et relèvent que, si les sujets tenant aux conditions météorologiques en Europe étaient exclus, le nombre des communications incriminées serait nécessairement plus réduit.

375    Il convient, tout d’abord, de rappeler que la Commission a distingué deux types d’informations échangés, à savoir, d’une part, les facteurs de tarification, c’est-à-dire des facteurs importants pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir, et, d’autre part, les tendances de prix ou les indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l’établissement de ces prix de référence, la Commission regroupant ces échanges d’informations sous la qualification générique de communications de prétarification.

376    La détermination de la teneur de ces communications repose sur les propres déclarations de Dole, de ses concurrents et des preuves documentaires et il résulte clairement de la décision attaquée (considérants 136, 149 et 185) que, au regard des thèmes visés par les requérantes, seuls les échanges portant sur les volumes des importations n’en font pas partie.

377    Ainsi qu’il a été exposé au point 264 ci-dessus, l’expression « facteurs de tarification » ne fait que traduire les propres déclarations de Dole, dépourvues de toute ambiguïté, sur l’existence de discussions portant sur des facteurs « influençant l’offre par rapport à la demande ». S’agissant des conditions météorologiques, Dole a précisé, dans sa lettre d’accompagnement à sa réponse à une demande d’informations, que « les informations clés pour déterminer le prix de référence de Dole » incluaient, notamment, les volumes du secteur entrant dans l’Union et les volumes des mûrisseurs, ainsi que les conditions atmosphériques.

378    Dans l’étude économique du 10 avril 2007 présentée par Dole au cours de la procédure administrative, il est indiqué que la demande de bananes variait d’une semaine à l’autre en fonction d’un grand nombre de facteurs prévisibles ou non, la « météo » étant expressément citée comme l’un de ces facteurs.

379    En outre, les requérantes admettent, dans leurs écritures, l’existence de communications bilatérales, entre importateurs de bananes, portant sur « les nouvelles générales » ou les « tendances possibles » du marché, ayant eu lieu avant la fixation des prix de référence. Elles indiquent, dans la requête, que, au cours de la période de la prétendue infraction, DFFE tenait tous les jeudis matins une réunion interne au cours de laquelle « toutes les informations que la société avait collectées », regroupées dans un dossier spécifique, étaient évaluées pour tenter d’apprécier les conditions du marché. DFFE fixait ensuite, sur la base de l’ensemble de ces informations, un prix de référence hebdomadaire. Les informations échangées avec les concurrents faisaient donc partie d’un dossier spécifique permettant à Dole de déterminer sa politique tarifaire.

380    S’agissant des communications avec Weichert et en réponse à une demande de renseignements, Dole indique que « les contacts avaient pour objet d’échanger des informations afin de permettre à chaque importateur de mieux évaluer les conditions du marché » et que, « en utilisant les informations générales ou les avis généraux sur le marché obtenus lors du contact, Dole estimait la demande probable sur le marché, l’offre probable disponible pour répondre à la demande et la concordance de l’idée initiale de prix de Dole avec les conditions réelles du marché » (considérant 195 de la décision attaquée).

381    Dans sa réponse à la communication des griefs (p. 215), Dole précise qu’elle « ne nie pas avoir pris en considération les informations obtenues de ses concurrents, conjointement avec de nombreux autres facteurs, dans l’établissement de ses propres prix de référence », cette déclaration de Dole concernant tant ses communications avec Chiquita qu’avec Weichert (considérant 229 de la décision attaquée).

382    L’ensemble des déclarations explicites susmentionnées exclut l’hypothèse d’une discussion bilatérale pouvant se limiter à un unique et simple bavardage sur le secteur en général, même si les employés des entreprises concernées ont pu évoquer, en certaines occasions, en plus des facteurs pertinents pour l’établissement des prix de référence, des tendances de prix ou des indications de prix, un sujet anodin concernant les effectifs des entreprises actives sur le marché.

383    Il importe, ensuite, de souligner que la fréquence des communications de prétarification a été établie par la Commission à partir des relevés téléphoniques de la ligne fixe d’un salarié de Chiquita, révélant uniquement les appels sortants vers Dole, mais aussi des déclarations des entreprises concernées.

384    En ce qui concerne les conditions dans lesquelles Chiquita, Dole et Weichert ont été amenées à formuler une évaluation du nombre de communications bilatérales, il est constant que, outre les déclarations de Chiquita contenues dans sa demande d’immunité et les documents joints, les entreprises en cause ont répondu à des demandes de renseignements ainsi qu’à la communication des griefs adressées par la Commission.

385    Dans la communication des griefs, la Commission a expressément distingué les communications portant sur les volumes de celles relatives « aux conditions du marché, [aux] tendances de prix et [aux] indications sur les prix de référence », les premières ayant eu lieu avant les secondes. Les réponses fournies par les entreprises destinataires de la communication des griefs l’ont donc été sur une base dépourvue d’équivoque.

386    La situation est particulièrement explicite en ce qui concerne Dole et ses relations avec Chiquita, puisque la première a présenté, dans sa réponse à la communication des griefs, son propre calcul des communications de prétarification sur la base des relevés téléphoniques d’un salarié de Chiquita et que la Commission a finalement retenu le nombre reconnu par Dole de 55 contacts le mercredi après-midi et de 53 contacts le jeudi matin sur le total de 58 admis par Dole, et ce après avoir écarté les conversations de très courte durée (considérants 77 et 78 de la décision attaquée).

387    En ce qui concerne les relations entre Dole et Weichert, la Commission a conclu que des communications ont eu lieu environ 20 à 25 semaines par an, ce qui correspondait à l’estimation de Weichert dans sa réponse à la demande de renseignements du 5 février 2007 et était compatible avec celle de Dole, fournie dans la réponse à la communication des griefs, selon laquelle « l’échange relatif aux conditions de marché avait lieu environ une semaine sur deux » (considérant 91 de la décision attaquée).

388    Il y a lieu d’observer, d’une part, que, dans sa réponse à la demande de renseignements du 15 décembre 2006, Weichert établit elle-même une distinction claire entre les communications sur les volumes et celles sur les conditions générales du marché et l’évolution des prix officiels, et, d’autre part, que seules ces dernières discussions étaient spécifiquement visées par la Commission dans sa demande du 5 février 2007 visant à faire préciser par Weichert la fréquence de celles-ci en indiquant un nombre de semaines par an.

389    Deuxièmement, les requérantes allèguent que les chiffres retenus par la Commission ne permettent pas de caractériser une régularité des communications, lesquelles se produisaient de manière fortuite, et de fonder la conclusion subséquente d’une coordination illicite des prix de référence.

390    Elles relèvent, tout d’abord, que la mention par la Commission d’« environ 20 » communications par an avec Chiquita suggère une plus grande régularité que ce n’était le cas, un examen du nombre exact de communications, ventilé sur une base annuelle, révélant que Dole et Chiquita n’ont eu que 7 communications bilatérales le mercredi après-midi en 2000.

391    Au regard de la réponse de Dole à la communication des griefs, il apparaît que cette présentation chiffrée est délibérément partielle, puisqu’elle fait abstraction des communications ayant eu lieu le jeudi matin. Dans cette réponse et sur la base des relevés téléphoniques disponibles, Dole précise qu’il y a eu 7 communications le mercredi après-midi et 10 le jeudi en 2000, 24 communications le mercredi après-midi et 37 le jeudi en 2001, et 24 communications le mercredi après-midi et 11 le jeudi en 2002, soit 55 contacts le mercredi et 58 contacts le jeudi matin (ramenés à 53 par la Commission après exclusion des conversations téléphoniques de très courte durée).

392    Dole ne conteste pas que les relevés téléphoniques montrent que, sur ces 53 appels, 22 l’ont été le jeudi avant 8 h 45, voire avant 8 h 30 pour 18 d’entre eux, étant observé que les réunions internes de tarification de Dole et de Chiquita démarraient en principe, respectivement, à 8 h 30 et à 8 h 45 voire à 9 heures (considérants 78 et 85 de la décision attaquée).

393    Dole reconnaît également qu’il y a eu 20 semaines au cours desquelles elle a communiqué avec Chiquita à la fois le mercredi et le jeudi matin, estimation ramenée à 17 semaines par la Commission après exclusion des courtes conversations (considérant 84 de la décision attaquée).

394    En outre, les données chiffrées susmentionnées proviennent d’une analyse des relevés téléphoniques disponibles de Chiquita dans le dossier de la Commission qui ne font apparaître que les appels sortants et non les appels de Dole à Chiquita. Or, Dole a déclaré, dans ses réponses aux demandes de renseignements du 30 mars 2006 et du 27 février 2007, qu’à certaines occasions, ses salariés ont téléphoné à leurs homologues de Chiquita.

395    Dole a ainsi indiqué que, « à de rares occasions, il se peut que M. [H.] ait pris contact avec M. B. le mercredi après-midi si Dole n’avait pas entendu parler de lui le mercredi après-midi et en particulier si une circonstance inhabituelle se produisait dans les développements du marché » et que « M. [G.] n’initiait un contact avec Chiquita que si cette dernière n’avait pas téléphoné » (considérant 61 de la décision attaquée).

396    La formulation de ces réponses révèle une initiative majoritaire de Chiquita dans la prise de contact, mais aussi une certaine continuité dans la relation téléphonique entre salariés des entreprises concernées, les employés de Dole suppléant leurs correspondants chez Chiquita dans l’initiative du contact collusoire en cas de silence de ces derniers.

397    Les appels de Dole à Chiquita doivent, dès lors, être pris en compte pour apprécier la fréquence des communications bilatérales, étant observé que Dole n’a pas fourni, comme cela lui avait été demandé par la Commission, de relevés concernant les lignes téléphoniques fixes de ses salariés impliqués dans les communications bilatérales (note en bas de page no 64 de la décision attaquée).

398    Les requérantes font observer, ensuite, que 156 réunions hebdomadaires de fixation des prix de référence ont eu lieu au cours de la période de prétendue infraction et qu’il est donc difficile de comprendre comment les échanges d’informations, tels que comptabilisés par la Commission dans la décision attaquée (55 communications entre Dole et Chiquita et entre 60 et 75 communications entre Dole et l’entreprise constituée par Del Monte et Weichert), ont pu avoir l’importance que leur accorde la Commission lorsque, dans près de deux tiers des cas, les prix de référence hebdomadaires ont été fixés sans la moindre communication de ce type.

399    Cette argumentation procède, de nouveau, d’une présentation tronquée des communications avec Chiquita, pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 391 à 397 ci-dessus.

400    Par ailleurs, l’approche purement arithmétique de Dole, fondée sur le seul rapprochement entre le nombre total de réunions hebdomadaires de fixation des prix de référence et celui des communications bilatérales, n’est pas de nature à contredire la conclusion de la Commission quant au fait que les communications en cause étaient suffisamment cohérentes pour constituer un mécanisme établi de circulation d’informations.

401    Le nombre significatif des communications reconnu par Dole, Chiquita et Weichert, la teneur semblable de celles-ci, le fait qu’elles impliquaient régulièrement les mêmes personnes avec un modus operandi quasi identique en termes de calendrier et de moyen de communication, le fait qu’elles se sont poursuivies pendant, au moins, trois ans, sans qu’aucune entreprise n’invoque une quelconque interruption des échanges, les déclarations de Dole sur sa prise de contact avec le salarié de Chiquita lorsqu’elle « n’avait pas entendu parler de lui le mercredi après-midi », les déclarations de Dole et de Chiquita sur l’importance des informations échangées pour la fixation des prix de référence et le message électronique interne de Chiquita, daté du 8 août 2002 (considérants 172 et suivants de la décision attaquée), révélateur du caractère inhabituel d’une décision de tarification de Dole prise sans consultation préalable de Chiquita, permettent de conclure que c’est à bon droit que la Commission a retenu l’existence d’un « schéma » ou d’un système de communications auquel les entreprises concernées ont pu faire appel en fonction de leur besoins.

402    Ce mécanisme a permis de créer un climat de certitude mutuelle quant à leurs politiques futures de prix (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 336 supra, point 60), encore renforcé par les échanges postérieurs des prix de référence, une fois ceux-ci arrêtés le jeudi matin.

403    Si certaines informations échangées pouvaient être obtenues d’autres sources, le système d’échanges mis en place a permis aux entreprises concernées d’avoir connaissance de ces informations de façon plus simple, rapide et directe (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 336 supra, point 60) et d’en faire une évaluation commune actualisée.

404    Il y a lieu de considérer que les données échangées présentaient en elles-mêmes un intérêt stratégique suffisant par leur grande actualité et la périodicité rapprochée des communications sur une longue période.

405    Cette mise en commun régulière et rapprochée d’informations se rapportant aux futurs prix de référence a eu pour effet d’augmenter, de manière artificielle, la transparence sur un marché où, ainsi qu’il a été exposé au point 310 ci-dessus, la concurrence était déjà atténuée au regard d’un contexte réglementaire spécifique et d’échanges d’informations préalables sur les volumes des arrivages de bananes en Europe du Nord (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 281).

406    Troisièmement, les requérantes font valoir que, si les communications avaient pour objectif de coordonner les prix de référence hebdomadaires des trois importateurs, il aurait fallu que la même communication ait lieu entre les mêmes importateurs au cours de la même semaine.

407    Cet argument apparaît dépourvu de pertinence au regard du fait que la Commission reproche à Dole d’avoir participé à une pratique concertée par le biais de communications bilatérales avec Chiquita, d’une part, et Weichert, d’autre part, que toutes ces communications portaient sur des facteurs de tarification, c’est-à-dire des facteurs pertinents pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir, et/ou des tendances de prix et des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir, et que l’ensemble de ces communications caractérisait un système de circulation d’informations auquel les entreprises avaient recours en fonction de leurs besoins.

408    Dans ces circonstances, l’argumentation des requérantes quant à l’existence d’une appréciation erronée de la fréquence des communications doit être rejetée.

 Sur la finalité des communications bilatérales

409    Les requérantes prétendent que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant, sur la base de l’« intention subjective » de Chiquita, que les communications bilatérales avaient pour objectif de coordonner les prix de référence. Le seul document datant de la période de la prétendue infraction auquel la Commission ferait référence dans la décision attaquée, en l’occurrence un courriel interne de Chiquita, serait dépourvu de toute force probatoire. Se référant au considérant 302 de la décision attaquée, les requérantes soutiennent que la décision de la Commission de rejeter les explications fournies par les destinataires de la communication des griefs, qui ont exprimé une opinion contraire à celle de Chiquita en ce qui concerne l’objectif des échanges d’informations, et les clients, mais d’accepter celles fournies par la société qui a demandé la clémence, Chiquita, n’est pas suffisamment motivée.

410    Cette argumentation, développée à l’appui de l’allégation d’une erreur commise par la Commission et qui vise à critiquer le bien-fondé de la décision attaquée et donc la légalité au fond de cet acte, doit être rejetée.

411    En premier lieu, il importe de souligner que la Commission ne s’est pas fondée sur une intention anticoncurrentielle de Chiquita pour conclure à une violation de l’article 81 CE par ces entreprises.

412    La Commission a estimé, à juste titre, que, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de la pratique en cause a été constaté, elle n’était pas dans l’obligation d’établir l’intention subjective des participants aux échanges d’informations incriminés (considérant 235 de la décision attaquée).

413    Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’une pratique concertée, mais que rien n’interdit à la Commission ou aux juridictions de l’Union d’en tenir compte (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 27).

414    En second lieu, la Commission a considéré que toutes les communications de prétarification participaient d’un même « schéma » et avaient le même objectif anticoncurrentiel, la coordination dans l’établissement des prix de référence. Par le biais des communications de prétarification, Dole, Chiquita et Weichert ont dévoilé la ligne de conduite qu’elles envisageaient d’adopter ou, à tout le moins, permis à chacun des participants d’évaluer le comportement futur de concurrents et d’anticiper sur la ligne de conduite qu’ils se proposaient de suivre en ce qui concerne l’établissement des prix de référence. Ces communications ont donc réduit l’incertitude entourant les décisions futures des concurrents pour ce qui est des prix de référence, les entreprises coordonnant ainsi l’établissement desdits prix et le message destiné au marché au lieu de décider de leur politique tarifaire en toute indépendance (considérants 263 à 272 de la décision attaquée).

415    La Commission conclut que, par leur nature même, les pratiques horizontales relatives aux prix ont pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (considérants 261 et 263 de la décision attaquée).

416    Pour parvenir à cette conclusion, la Commission a procédé à une évaluation de la pratique en cause en tenant compte de la teneur, de la fréquence des communications bilatérales ainsi que du contexte juridique et économique dans lequel ces discussions s’inséraient. Elle s’est s’appuyée sur les déclarations de Chiquita, mais aussi sur celles de Dole et de Weichert, ainsi que sur des preuves documentaires tels que des relevés téléphoniques et des courriers électroniques.

417    Premièrement, s’agissant des déclarations des entreprises concernées, il est constant que la description de la teneur des communications bilatérales de prétarification, figurant dans la décision attaquée, résulte essentiellement de ces déclarations.

418    Il importe de souligner que Chiquita a déclaré que « les entretiens téléphoniques [de M. B.] avec M. [H.] avaient pour thème ultime d’évaluer les chances d’augmentation des prix au cours de la semaine à venir, autrement dit d’évaluer s’il entrait aussi dans l’intention de l’autre entreprise concernée d’augmenter ses prix », qu’« il était important de savoir s’il restait toujours une marge de manœuvre pour une augmentation de prix » et que « cet échange d’intentions de tarification […] servait à supprimer l’incertitude qui entour[ait] la tarification » (considérants 151 et 164 de la décision attaquée).

419    Chiquita a également précisé que son salarié et celui de Dole étaient conscients du fait que les intentions de tarification communiquées faisaient partie de la compréhension du marché sur la base de laquelle les décisions de tarification étaient prises (considérant 167 de la décision attaquée).

420    Ces déclarations sur l’objectif des communications de prétarification sont corroborées par celles de Dole, laquelle a elle-même admis le fait que ces communications avaient influencé ses décisions en matière de prix.

421    Il convient de relever que Dole a indiqué :

–        dans sa réponse à une demande de renseignements, qu’il était clair pour elle que le prix indicatif du mercredi de Chiquita serait confirmé le jeudi (considérant 170 de la décision attaquée) ;

–        dans sa lettre d’accompagnement à sa réponse à une demande d’informations, que « les informations clés pour déterminer le prix de référence de Dole » incluaient, notamment, les volumes du secteur entrant dans l’UE et les volumes des mûrisseurs, ainsi que les conditions atmosphériques ;

–        s’agissant des communications avec Weichert et en réponse à une demande de renseignements, que « les contacts avaient pour objet d’échanger des informations afin de permettre à chaque importateur de mieux évaluer les conditions du marché » et que, « en utilisant les informations générales ou les avis généraux sur le marché obtenus lors du contact, Dole estimait la demande probable sur le marché, l’offre probable disponible pour répondre à la demande et la concordance de l’idée initiale de prix de Dole avec les conditions réelles du marché » (considérant 195 de la décision attaquée) ;

–        dans sa réponse à la communication des griefs (p. 130), que « M. [H., employé de Dole,] a expliqué que lui et M. [B.], employé de Chiquita,] pouvaient parfois dire qu’ils s’attendaient à ce que les prix augmentent de 1 euro ou de 50 centimes » (considérant 170 de la décision attaquée, note en bas de page no 217) ;

–        dans sa réponse à la communication des griefs (p. 215), qu’elle « ne nie pas avoir pris en considération les informations obtenues de ses concurrents, conjointement avec de nombreux autres facteurs, dans l’établissement de ses propres prix de référence », cette déclaration de Dole concernant tant ses communications avec Chiquita qu’avec Weichert (considérant 229 de la décision attaquée) ;

–        lors de l’audition, que son « objectif était d’utiliser les échanges bilatéraux, ainsi que d’autres renseignements sur le marché, pour trouver plus rapidement les prix d’équilibre (c’est-à-dire adapter l’approvisionnement hebdomadaire fixe en bananes à une demande fluctuante) qui permettraient à Dole de déstocker efficacement ses bananes en marchandant le moins possible ».

422    En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 379 ci-dessus, les requérantes admettent, dans leurs écritures, l’existence de communications bilatérales, entre importateurs de bananes, portant sur les « tendances possibles » du marché et ayant eu lieu avant la fixation des prix de référence. Elles indiquent que, au cours de la période de la prétendue infraction, DFFE tenait tous les jeudis matins une réunion interne au cours de laquelle « toutes les informations que la société avait collectées », regroupées dans un dossier spécifique, étaient évaluées pour tenter d’apprécier les conditions du marché. DFFE fixait ensuite, sur la base de l’ensemble de ces informations, un prix de référence hebdomadaire. Les informations échangées avec les concurrents faisaient donc partie d’un dossier spécifique permettant à Dole de déterminer sa politique tarifaire.

423    Deuxièmement, la Commission se réfère à des preuves documentaires et, notamment, à un courriel interne de Chiquita, daté du 8 août 2002, adressé à M. P. (président-directeur général de Chiquita), par M. K., lequel fait part de ses réflexions à la suite d’une augmentation par Dole de son prix de référence de 2 euros (considérants 111 et 172 et suivants de la décision attaquée).

424    Le salarié de Chiquita indique ce qui suit :

« Pourquoi n’avons-nous bougé que de 1,5, alors que Dole a bougé de 2,0 ?

Hier, nous avions l’impression que le marché s’échauffait légèrement, mais plus aux alentours de 1,00 euro.

Ce matin, Dole n’a pas pris mon appel et sans nous consulter a annoncé 2,00 (par l’intermédiaire de J, ce qui permettait d’éviter les questions). Quelle pourrait être leur motivation ?

1) […] la promotion Edeka : Edeka fait une promotion d’une semaine sur les marques de 3e catégorie ‘en-dessous du prix Aldi’ (normalement leur assortiment est constitué de 60 Dole, 30 CB, 20 DM plus quelques 3e catégorie). Ils ont forcé leurs fournisseurs à les aider, Edeka a accepté avec Dole d’acheter 80K de boîtes au ‘prix Aldi’. En augmentant le prix du marché et celui d’Aldi, ils [Dole] obtiennent d’abord un meilleur prix pour les 80K […] Dans la mesure où nous participons avec 50K CS, il est possible que nous en tirions quelques bénéfices.

2) Dole sait que nous [Chiquita] avons beaucoup d’affaires Dole plus et utilise ceci de plus en plus pour pousser nos prix réels à la hausse, alors qu’ils restent beaucoup plus bas.

Plus tard, Dole m’a téléphoné, a répété son mouvement et a indiqué : “et le ‘prix Aldi’ évoluera certainement aussi de 2”.

Grâce à Weichert […], nous savons qu’ils trouvaient que la progression de Dole était légèrement exagérée.

Tout me donne à penser que Dole gonfle la situation et qu’elle a ses propres motifs. Comme il ne faudrait pas donner l’impression que nous ne sommes que trop heureux de suivre, nous avons opté pour 1,50, laissant ainsi l’écart à 2 avec Dole et [à] 4,50/5,00 avec les tiers. »

425    Les requérantes soutiennent que ce message montre uniquement que Chiquita n’a pas suivi le mouvement de Dole et donc qu’elle agissait de manière indépendante. Ce courriel ne contiendrait aucun élément étayant l’affirmation de la Commission selon laquelle la référence à « ce matin » signifie qu’il était inhabituel pour Dole d’annoncer un prix de référence sans consulter Chiquita.

426    Ainsi que le souligne à juste titre la Commission (considérants 173 et 174 de la décision attaquée), ce message ne montre pas simplement que M. K. ne pouvait pas joindre Dole ce matin-là, mais bien que Dole annonçait son prix de référence « sans consulter » Chiquita et que celle-ci était surprise, car elle s’attendait à ce que Dole la consulte avant de prendre sa décision de fixation du prix de référence. En outre, le document indique que, après avoir initialement communiqué avec une employée de moindre niveau chez Chiquita afin d’éviter des questions, Dole a effectivement repris contact avec Chiquita pour l’informer de cette évolution des prix, l’encourager à suivre le mouvement en lui indiquant que le « prix Aldi » allait « certainement » progresser de 2 euros aussi. Le fait que Dole a appelé Chiquita et lui a fourni des explications contredit l’allégation d’un comportement autonome des entreprises.

427    Troisièmement, il convient d’observer que la Commission s’appuie sur une jurisprudence constante selon laquelle, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, il y a lieu de présumer que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 51, et arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, points 132 et 133). Au considérant 302 de la décision attaquée, la Commission constate que cette exigence de preuve contraire n’est pas satisfaite en l’espèce. Il résulte des déclarations de Chiquita et de Dole, rappelées aux points 418, 419 et 421 ci-dessus, que ces entreprises ont reconnu avoir tenu compte des informations obtenues des concurrents dans l’établissement de leurs prix de référence, ce que la Commission souligne au considérant 229 de la décision attaquée.

428    De manière plus générale, la Commission indique, au considérant 302 de la décision attaquée, que les entreprises destinataires de la communication des griefs n’ont pas apporté de preuves de nature à réfuter les constatations sur lesquelles elle fonde ses conclusions relatives à l’objet anticoncurrentiel des communications de prétarification. Elle relève, à cet égard, qu’elle ne peut « accepter comme preuve suffisante des lettres émanant du grand public ou de clients, en particulier lorsqu’il n’existe aucune indication que ces personnes étaient au courant de la nature des communications de prétarification » entre les entreprises concernées.

429    Les indications fournies par les requérantes dans le cadre de la présente instance ne permettent pas d’infirmer les conclusions de la Commission mentionnées au point 427 ci-dessus.

430    Il résulte des considérations qui précèdent que le grief selon lequel la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant que les communications bilatérales avaient un objectif anticoncurrentiel tenant à la coordination des prix de référence doit être rejeté.

 Sur la pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane

431    Les requérantes prétendent que la Commission n’a pas expliqué de façon claire et non équivoque la manière dont l’échange des différents types d’informations s’avérait important pour fixer les prix réels des bananes vertes.

432    Elles font valoir que des discussions sporadiques et fortuites sur des sujets très éloignés des prix réels ne peuvent être considérées comme suffisamment nocives pour la concurrence pour caractériser une infraction par objet. Elles affirment, à cet égard, que les prix de référence n’ont aucun rapport avec la fixation des prix de transaction dans le secteur de la banane, à la différence du prix fixé par le détaillant Aldi, le plus gros acheteur de bananes en Europe du Nord, et dont l’annonce, le jeudi après-midi, marque le point de départ des négociations commerciales. L’ensemble des acteurs du marché admettrait que le prix fixé par Aldi pour les bananes jaunes constituerait la référence et l’élément déterminant pour la négociation des prix réels. La Commission reconnaîtrait elle-même que les prix de référence ne sont pas étroitement liés aux prix réels (considérant 352 de la décision attaquée).

433    Dole prétend que la Commission a présenté de manière totalement erronée sa position et qu’il est clair qu’elle a, comme ses économistes, tous les autres importateurs et ses clients, toujours soutenu que les prix de référence étaient sans pertinence pour la négociation des prix réels.

434    S’agissant de la motivation de la décision attaquée, il convient de rappeler que la Commission a décrit à suffisance de droit, aux considérants 146 à 197 de la décision attaquée, la teneur des communications bilatérales de prétarification, lesquelles se rapportaient toutes aux prix de référence.

435    Il résulte, en outre, des considérants 102 à 128 de la décision attaquée que la Commission a examiné, avec suffisamment de précision et de clarté, la question de l’établissement et de la pertinence du prix de référence dans le secteur de la banane.

436    Il est constant que Chiquita, Dole et Weichert établissaient leur prix de référence pour leur marque chaque semaine, en l’occurrence le jeudi matin, et l’annonçaient à leurs clients. Les importateurs ont indiqué que les prix de référence circulaient rapidement dans l’ensemble du secteur et étaient ensuite communiqués à la presse professionnelle (considérants 34, 104 et 106 de la décision attaquée).

437    La Commission explique que les prix de transaction étaient soit négociés sur une base hebdomadaire, soit déterminés sur la base d’une formule de tarification préétablie avec mention d’un prix fixe ou avec des clauses liant le prix à un prix de référence du vendeur ou d’un concurrent ou à un autre indicateur tel que le « prix Aldi ». Chiquita avait en particulier des contrats qui étaient basés sur la « formule Dole plus » où le prix de transaction dépendait en réalité du prix de référence hebdomadaire fixé par Dole ou sur ses propres prix de référence. Pour les clients concernés, un lien direct existait entre les prix payés et les prix de référence (considérants 104 et 105 de la décision attaquée).

438    Elle précise encore ce qui suit au considérant 104 de la décision attaquée :

« […] Les fournisseurs de bananes vendant à Aldi soumettaient habituellement leur proposition à Aldi le jeudi matin. Vers 14 heures, en général, le ‘prix Aldi’ était fixé. Le ‘prix Aldi’ était le prix payé par Aldi à ses fournisseurs de bananes. Aldi explique que chaque jeudi, entre 11 heures et 11 h 30, elle recevait des offres de ses fournisseurs. Aldi explique que sa décision concernant son offre hebdomadaire à ses fournisseurs se fondait sur les offres reçues, les prix de la semaine précédente et le prix de la même semaine l’année précédente. Environ 30 minutes après les offres de ses fournisseurs, Aldi envoie une contre-offre qui est normalement la même pour tous les fournisseurs. Aldi déclare ne pas connaître l’existence d’un ‘prix Aldi’ et qu’elle n’est donc pas en mesure d’évaluer l’importance de son prix pour les transactions des tiers. À compter du second semestre 2002, le ‘prix Aldi’ a commencé à être de plus en plus utilisé en tant qu’indicateur de calcul du prix de la banane pour un certain nombre d’autres transactions, notamment celles concernant les bananes de marque. »

439    La Commission fait référence à des preuves documentaires (considérants 107, 110 à 113 de la décision attaquée) ainsi qu’à des déclarations de Dole (considérants 114, 116, 117 et 122 de la décision attaquée) et de Del Monte (considérant 120 de la décision attaquée) pour démontrer la pertinence des prix de référence dans le secteur en cause.

440    La Commission conclut que les prix de référence ont servi au minimum de signaux, de tendances ou d’indications pour le marché en ce qui concerne le développement envisagé des prix de la banane et qu’ils étaient importants pour le commerce de la banane et les prix obtenus. De plus, dans certaines transactions, les prix réels étaient directement liés aux prix de référence. La Commission estime qu’il existait un nombre suffisant de moyens pour atteindre l’objet anticoncurrentiel (considérants 115 et 128 de la décision attaquée).

441    Dans ces circonstances, les allégations des requérantes relatives à une violation par la Commission de son obligation de motivation doivent être rejetées.

442    En premier lieu, en ce qui concerne le bien-fondé de l’appréciation de la Commission, il convient de relever que Dole a elle-même formulé, au cours de la procédure administrative, des déclarations traduisant la pertinence des prix de référence dans le marché concerné. Les requérantes reprochent, toutefois, à la Commission une présentation erronée de leur position sur le rôle des prix de référence du fait d’un détournement contextuel desdites déclarations.

443    S’agissant, des déclarations de Dole retenues par la Commission, premièrement, il convient de relever que Dole a clairement admis que ses prix de référence étaient transmis à tous ses clients (considérant 106 de la décision attaquée, p. 4 de l’étude économique du 10 avril 2007 présentée par Dole), ce qu’elle a confirmé dans la requête.

444    Dole a indiqué que, « [d]’une manière très modeste, [les prix de référence] aid[ai]ent les importateurs et les clients à évaluer l’état actuel du marché et la façon dont il p[ouvai]t évoluer » et que « le prix de référence servait simplement d’indicateur du marché, qui avait pour but de faire évoluer les négociations vers le prix réel » (considérants 116 et 117 de la décision attaquée).

445    Dole a présenté plusieurs déclarations explicites révélant que les clients considéraient que les prix de référence étaient pertinents pour les négociations commerciales. Dole a déclaré que :

–        des informations sur les prix de référence des importateurs pouvaient être obtenues auprès de différentes sources et, en particulier, des « clients qui cherchaient à négocier pour obtenir la meilleure offre en comparant publiquement le prix des offres concurrentes » (considérant 114 de la décision attaquée, p. 222 de la réponse à la communication des griefs) ;

–        « [l]e jeudi, lorsque Dole communiquait ses prix de référence aux clients, ces derniers se plaignaient parfois que les prix de Dole étaient trop élevés », qu’« un employé de Dole, [M. H.], vérifiait alors en prenant contact avec le concurrent concerné (avec lequel le prix de Dole avait été comparé par le client) » et que « cette pratique permettait à Dole de vérifier que ses clients importants ne la trompaient pas » ;

–        « le marché est caractérisé par des clients exigeants qui détiennent une puissance d’achat considérable, beaucoup d’entre eux étant des détaillants en position dominante qui n’hésitent pas à changer de fournisseurs » (page 38 de la réponse à la communication des griefs) ;

–        « les clients (mûrisseurs, grossistes, détaillants et autres) n’hésitent pas à diffuser les offres des différents importateurs » (p. 39 de la réponse à la communication des griefs) ;

–        les supermarchés clients de Dole prenaient ouvertement en compte les « offres des fournisseurs concurrents comme un moyen d’obtenir la transaction la plus intéressante » (p. 97 de la réponse à la communication des griefs).

446    Il apparaît ainsi que les clients s’attendaient à ce que des prix de référence plus élevés entraînent des prix de transaction supérieurs et que, détenant une position forte sur le marché, ils s’en servaient comme instruments de négociation pour la fixation des prix réels, ce qui démontre l’intérêt d’une concertation des importateurs sur ces prix de référence. Ces déclarations précises, répétées et concordantes de Dole, fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion ont une forte valeur probatoire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, Rec. p. II‑7583, point 104) en ce qui concerne le rôle des prix de référence en tant que première demande de prix des importateurs et leur importance dans les négociations commerciales.

447    Au cours de la procédure administrative, Dole a produit des études économiques, dont l’une datée du 10 avril 2007, dans laquelle il est indiqué que les deux caractéristiques essentielles du marché sont constituées par le fait que les bananes sont un produit périssable et que la formation des prix implique d’intenses discussions informelles entre les acteurs du marché.

448    Cette étude avance une explication économique du processus de formation des prix en évoquant, tout d’abord, les échanges d’informations entre les acteurs du marché, autres que les discussions entre entreprises bananières.

449    Cette étude indique ce qui suit :

« [Ces échanges] cherchaient à mettre un terme à l’incertitude concernant le prix d’équilibre dans les jours précédant l’arrivée des expéditions hebdomadaires de bananes vers l’Europe du Nord […] La volonté des mûrisseurs d’accepter les conditions particulières d’Aldi dépendait dans une certaine mesure du prix de référence initial qu’ils recevaient des importateurs et ceux-ci dépendaient à leur tour de la facilité avec laquelle les importateurs pensaient écouler le volume déchargé cette semaine-là […D]e meilleures informations sur le prix d’équilibre probable parmi les acteurs du marché aboutissent à des transactions efficaces. […L]es négociations entre les fournisseurs et les clients duraient moins longtemps […] avec un risque moindre que les bananes se gâtent […] Si toutes les parties ont des points de vue moins divergents sur le prix d’équilibre, elles s’accorderont plus facilement sur un prix auquel elles seront prêtes à négocier […] D’autre part, les vendeurs pourraient vendre par erreur trop de bananes à un prix trop bas, sans savoir qu’un autre acheteur […] était peut-être disposé à payer davantage. »

450    En ce qui concerne les échanges entre entreprises bananières, l’étude économique du 10 avril 2007 indique que ces échanges « étaient un moyen supplémentaire de rassembler différentes sources d’information du marché pour aboutir à une vision commune du prix d’équilibre » et que « l’échange d’informations signifiait que les prix de référence des entreprises bananières reflétaient les informations recueillies sur l’offre et la demande pour cette semaine et pas uniquement les informations individuelles d’un fournisseur ».

451    Il est encore indiqué, à la page 3 de l’étude économique du 10 avril 2007, que « la demande hebdomadaire de bananes de DFFE est incertaine » et que « DFFE doit ‘découvrir’ le prix qui équilibrera son offre et cette demande variable au prix le plus favorable, compte tenu des risques et des coûts du mûrissement des bananes ». De plus, il est indiqué à la page 5 de ladite étude que « le prix de référence final de DFFE révélait à ses clients le point de vue de DFFE sur l’étanchéité du marché et, partant, sur la valeur de ses bananes sur le marché ».

452    Ces différents extraits de l’étude économique du 10 avril 2007 démontrent la pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane, étant observé que la distinction évoquée au sein de l’ensemble constitué par les échanges d’informations entre les acteurs du marché de la banane est purement théorique dans la mesure où il résulte tant de l’étude elle-même que des déclarations de Dole (p. 215 de la réponse à la communication des griefs et considérant 229 de la décision attaquée) que les informations collectées auprès des entreprises bananières et d’autres acteurs étaient agrégées et servaient de base pour l’établissement des prix de référence de cette entreprise.

453    Il importe encore de souligner que Dole a admis que certaines de ses transactions étaient directement basées sur ses prix de référence.

454    Selon Dole, sa filiale belge, VBH, transmettait son prix hebdomadaire à certains clients (Metro, Delhaize, Carrefour) pour les bananes livrées jaunes, un prix qui se basait sur le prix de référence vert transmis par DFFE, majoré du montant spécifié dans le contrat conclu par VBH avec son client.

455    Dole a ainsi déclaré que « [c]e prix jaune inclu[ai]t le mûrissement, la fourniture [et la] distribution, l’ensachage et les autres spécifications de produit que chaque client peut demander », que « le prix vari[ait] donc en fonction du prix vert hebdomadaire et des majorations » et que « les contrats avec les détaillants […] cont[enai]ent une formule de calcul de prix (à savoir prix jaune = prix vert communiqué par DFFE + majorations dues aux spécifications du produit et aux coûts logistiques ‑ ristournes) ». Il convient, en outre, de relever que seules les majorations et les ristournes étaient négociées une fois par an dans le cadre d’un contrat valable pour une année.

456    Ainsi qu’il a été exposé au point 202 ci-dessus, les requérantes prétendent que ce mode de fixation des prix n’est intervenu qu’après la période infractionnelle et que la Commission n’a pas vérifié si les informations sur ces contrats de VBH, lesquels étaient mentionnés dans la réponse à la demande de renseignements de la Commission du 10 février 2006 qui couvrait la période intitulée « De 2000 à aujourd’hui », concernaient cette période restreinte allant de 2000 à 2002, finalement retenue dans la décision attaquée.

457    Il convient de rappeler (voir point 203 ci-dessus) que l’examen des annexes pertinentes du mémoire en défense ne révèle aucun indice justifiant les allégations des requérantes quant à l’application ratione temporis du mode de fixation des prix en cause, lesquelles ne fournissent, par ailleurs, aucun élément concret et objectif de nature à démontrer la véracité de leurs dires et pas même d’indications sur la manière avec laquelle VBH aurait déterminé ses prix pour la période allant de 2000 à 2002. Il était clair que, dans la demande de renseignements de la Commission du 10 février 2006, la période visée débutait au 1er janvier 2000. En ne fournissant aucune précision restrictive quant à la date de mise en œuvre du mode de fixation des prix en cause dans les contrats liant VBH à ses clients, Metro, Delhaize et Carrefour, la réponse de Dole couvrait nécessairement la totalité de la période visée, y compris celle allant de 2000 à 2002. Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes tiré de l’inapplication ratione temporis du mode de fixation des prix en cause.

458    Les requérantes indiquent encore que DFFE vendait également des bananes vertes de la marque Dole à quelques très petits clients à un prix égal au prix de référence, à savoir à deux clients en 2002, qui ont représenté 1 072 840 euros ou 1 % du total de son chiffre d’affaires, aucune pièce ne venant, toutefois, justifier ces données chiffrées.

459    Deuxièmement, Dole soutient que les citations de ses déclarations initiales effectuées par la Commission sont isolées de leur contexte, « ainsi que l’explique l’annexe C.7 ».

460    La Commission conclut à l’irrecevabilité de l’annexe C 7 de la réplique sur le fondement de la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

461    Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui (arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, point 166, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C‑202/07 P, Rec. p. I‑2369).

462    Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête (arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C‑52/90, Rec. p. I‑2187, point 17 ; ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec. p. II‑1267, point 21, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49). Les annexes ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou arguments expressément invoqués par les parties requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 99).

463     En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 34, et du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 154). Les annexes ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci (arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, point 461 supra, point 167, confirmé sur pourvoi par arrêt du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, point 461 supra).

464    Cette interprétation de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal vise également les moyens et griefs développés dans les mémoires (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, point 461 supra, point 166, confirmé sur pourvoi par arrêt du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, point 461 supra).

465    En l’espèce, à l’appui du grief tiré d’un détournement contextuel des déclarations formulées par Dole au cours de la procédure administrative, les requérantes font état, dans la réplique, d’un passage de la réponse à la communication des griefs ainsi libellé :

« Il est tout simplement absurde de penser que les échanges de prix de référence permettaient aux importateurs de bananes de prévoir, d’une manière quelconque, les prix définitifs facturés aux clients. Aldi achète des bananes à des mûrisseurs qui sont approvisionnés par les divers importateurs de bananes. Les mûrisseurs proposent à Aldi des offres de prix par kilogramme. Aldi compare ensuite les offres de prix proposées en prenant en compte sa propre appréciation de la réponse du consommateur dans ses différents magasins de détail, puis décide chez quels mûrisseurs elle achètera. Les prix proposés sont confidentiels et n’ont aucun rapport avec les prix de référence des importateurs de bananes. »

466    Les requérantes citent également un passage de l’analyse économique du 20 novembre 2007 dans lequel il est indiqué ce qui suit :

« Contrairement au ‘prix Aldi’ [...] les prix de référence initiaux des sociétés vendeuses de bananes ne jouaient aucun rôle direct dans la détermination des prix réels que les clients payaient pour les bananes. »

467    Il y a lieu de constater que les requérantes n’ont fourni aucune explication quant à la portée de ces deux citations alors même que la première évoque les échanges des prix de référence, effectivement constatés par la Commission dans la décision attaquée, mais postérieurs aux communications de prétarification, et que la seconde fait état d’une absence de rôle « direct » des prix de référence initiaux. Les requérantes n’ont pas davantage opéré une quelconque confrontation entre ces citations et les déclarations de Dole mises en exergue par la Commission pour appuyer sa conclusion quant à la pertinence des prix de référence.

468    Il apparaît, dans ces conditions, que les requérantes se contentent de présenter deux citations, extraites de la réponse à la communication des griefs et d’une étude économique, sans autres précisions, ainsi qu’un renvoi global à l’annexe C 7 de la réplique au soutien de leur grief tiré du détournement contextuel par la Commission des déclarations initiales de Dole. Une formulation aussi laconique du grief ne saurait permettre au Tribunal de se prononcer, le cas échéant, sans autres informations à l’appui et il serait contraire à la fonction purement probatoire et instrumentale des annexes que celles-ci puissent servir à faire la démonstration détaillée d’une allégation présentée de manière insuffisamment claire et précise dans la requête (arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, point 461 supra, point 204).

469    Cette conclusion s’impose d’autant plus en l’espèce que les requérantes ont improprement qualifié d’annexe des observations écrites supplémentaires de leur part, qui ne constituent qu’une simple prolongation des mémoires, ce qui n’est pas compatible avec la caractéristique définissant une annexe, à savoir sa fonction purement probatoire et instrumentale.

470    Il y a donc lieu d’écarter, comme irrecevable, l’annexe C 7 de la réplique et le grief que les requérantes entendent tirer de la prise en considération par la Commission, hors de leur contexte, des déclarations de Dole au cours de la procédure administrative sur le rôle du prix de référence.

471    En deuxième lieu, s’agissant des preuves documentaires contenues dans le dossier, il convient de relever que la Commission se réfère à différents documents et, principalement, à des courriels pour appuyer sa conclusion quant à l’importance des prix de référence pour le marché de la banane.

472    Premièrement, elle fait état d’un courriel que M. B. a adressé à M. P. (deux directeurs de Chiquita) le 30 avril 2001 (considérant 107 de la décision attaquée) ainsi libellé :

« Il est prouvé que dès que [Dole/Del Monte/Tuca] atteindront un prix de 36,00 DEM, leurs clients (détaillants) résisteront, car à ce niveau d’offre, le prix au consommateur doit dépasser la barre des 3,00 DEM/kg. Il ne fait aucun doute que ce ‘phénomène’ nous affectera pendant un certain temps. [Cela] signifierait que notre offre plafond sera de 40,00 DEM (offre verte). »

473    Ainsi que l’indique la Commission à juste titre, ce document montre que les prix réels dépendaient des prix de référence et que les clients suivaient leur évolution. Il démontre que les clients réagissaient lorsque les prix de référence atteignaient certains niveaux, mais aussi qu’ils avaient compris qu’il existait un lien entre ces prix de référence et les prix réels. Le document indique ainsi clairement que, si les offres émanant de Dole/Del Monte/Tuca atteignaient un niveau de « 36,00 DEM », « le prix au consommateur [devait] dépasser la barre des 3,00 DEM/kg ». Il est également révélateur de l’existence d’une certaine interdépendance des prix de référence des bananes de marques Chiquita, Dole et Del Monte et des limites dans les écarts qui étaient supportables.

474    Il importe de souligner que Weichert a elle-même fait remarquer, dans sa réponse à la communication des griefs, que le courriel en cause prouvait indirectement que les détaillants étaient sensibles aux prix de référence (considérant 108 de la décision attaquée).

475    Deuxièmement, la Commission mentionne un courriel du directeur général pour l’Europe de Chiquita (considérant 113 de la décision attaquée), daté du 21 juin 2000, adressé à plusieurs collègues et commentant une diminution du prix de référence de Chiquita consécutive à celle du prix de Dole de 2 DEM qui indique que, « avec une différence de prix qui aurait atteint 9 DEM par rapport à Dole, [il] n’av[ait] pas d’autre choix » et qu’« il s’agit manifestement d’un choc, car les chances d’augmenter les prix en été dans des conditions de production et de marché ordinaires sont faibles, voire inexistantes ». Dans le même courriel, M. P. écrit encore que « c’est la raison pour laquelle [il leur] demande, une fois de plus, d’examiner toute possibilité d’augmenter les volumes » et que « l’augmentation en volumes ne compensera pas 100 % de la réduction de prix », mais qu’il a « besoin de toute boîte supplémentaire, aussi longtemps que cela n’a pas d’impact négatif sur [eux] à long terme. »

476    Ce courriel contredit manifestement l’affirmation des requérantes selon laquelle il n’existe aucun lien entre les prix de référence, ou, tout au moins leur évolution, et l’évolution des prix sur le marché. Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, ce courriel montre à quel point Chiquita était préoccupée par une révision à la baisse des prix de référence, qualifiée de « choc », dans la mesure où il y avait « peu [ou] pas de chance que les prix augmentent au cours de l’été » et par la recherche d’une solution pour pallier les conséquences négatives de cette situation sur le niveau des prix, en l’occurrence en agissant par le biais des volumes. Il démontre, de nouveau, l’importance de la question des écarts entre les prix de référence des importateurs et des limites acceptables ou supportables dans ces différences.

477    Troisièmement, la Commission se réfère à un courriel interne de Chiquita, daté du 8 août 2002 (considérants 111 et 172 et suivants de la décision attaquée), dont le contenu a été rapporté au point 424 ci-dessus.

478    Le courriel daté du 8 août 2002 prouve l’importance du prix de référence de Dole pour le marché, y compris pour les prix réels obtenus par Dole lui-même. Il confirme que Chiquita avait des « marchés Dole plus », c’est-à-dire des arrangements contractuels avec des prix réels directement liés aux prix de référence hebdomadaires de Dole et montre clairement l’importance du prix de référence de Dole pour les prix réels de Chiquita. De plus, le prix de référence de Dole influençait en l’espèce le prix de référence de Chiquita. Ce courriel indique que Chiquita envisageait la veille un mouvement à la hausse « d’environ 1 euro », mais qu’elle avait décidé, ce matin-là, d’augmenter son prix de référence de 1,5 euro. En effet, dans sa déclaration d’entreprise, Chiquita avance que, à la lumière de l’augmentation de Dole de son prix de référence de 2 euros, elle a modifié son prix de référence en l’augmentant de 1,5 euro « au lieu d’appliquer uniquement l’augmentation de 1 euro qui avait été envisagé la veille » (considérant 111 de la décision attaquée).

479    Quatrièmement, la Commission fait état d’une correspondance entre Atlanta (mûrisseur-distributeur) et Chiquita et des courriels internes de Chiquita, datés des 2 et 6 janvier 2003 (considérants 110 et 176 de la décision attaquée).

480    Le jeudi 2 janvier 2003, un salarié d’Atlanta a adressé à deux responsables de Chiquita, M. P. et M. K., un courriel qui faisait référence à une décision prise par Chiquita d’augmenter son prix de référence, déjà communiquée aux clients, de 0,5 euro, et ce à la suite d’une augmentation du prix de référence de Dole qui s’était produite le matin même de l’envoi dudit message. Dans ce courriel, le salarié d’Atlanta a adressé aux dirigeants de Chiquita une « remarque très critique » concernant une telle décision de tarification. M. K. y a répondu, le 6 janvier 2003, en ces termes : « C’est ma faute, j’ai été pris par surprise par le changement intervenu chez Dole. Nous pensions que cela mettrait fin à la progression vers le haut si nous restions au même niveau et remettrait en question l’évolution au cours des semaines suivantes. » Le 2 janvier 2003, en ce qui concerne la même question, un salarié de Chiquita a écrit à M. K. qu’il rencontrait des problèmes à cause de cette révision à la hausse alors que le prix avait déjà été annoncé aux clients. M. K. a répondu à cette remarque, le 6 janvier :

« [M. P.] ne voulait pas que Dole et Del Monte aient l’impression que nous les laissions tomber en maintenant le statu quo. Je comprends. »

481    Les requérantes font valoir, d’une part, que le fait que le dirigeant de Chiquita a été « pris par surprise » par le changement intervenu chez Dole ne peut qu’indiquer que cette dernière agissait sans la moindre information de la part de Chiquita et, d’autre part, que la Commission ne peut pas utiliser ces documents pour étayer sa thèse étant donné qu’ils sont postérieurs à la période de la prétendue infraction.

482    Il est, certes, constant que les documents remontent à janvier 2003 et sont immédiatement postérieurs à la période infractionnelle. Il n’en demeure pas moins que, si ces documents ne sont pas de nature, à eux seuls, à établir la réalité du comportement anticoncurrentiel reproché, ils constituent un indice sérieux venant corroborer les éléments de preuve recueillis par la Commission sur la finalité des communications de prétarification.

483    Il y a lieu de relever, à cet égard, que la seule mention de la surprise de Chiquita ne permet pas de conclure nécessairement à l’autonomie du comportement de Dole, mais peut traduire un décalage dans la compréhension par Chiquita de la position de Dole au cours d’une discussion bilatérale préalable et le mouvement opéré par cette dernière.

484    En outre, même si un participant à un comportement collusoire peut chercher à l’exploiter à ses propres fins, ou même tricher, cela ne diminue pas pour autant sa responsabilité dans sa participation à ce comportement. Selon une jurisprudence constante, une entreprise qui, malgré une entente avec ses concurrents, suit une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente pour son bénéfice propre (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 230 ; du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, Rec. p. II‑3627, point 189 ; voir, également, arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ international Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82 Rec. p. 3369, point 25).

485    S’agissant de la question de la pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane, les messages susvisés montrent que les clients pensaient clairement que le changement de prix de référence avait une importance pour les prix qu’ils pouvaient s’attendre à payer ou à recevoir. Ils révèlent aussi, ainsi que le fait observer à juste titre la Commission, le fort intérêt des entreprises concernées pour la coordination de l’établissement des prix de référence et la réelle préoccupation de Chiquita pour soutenir les augmentations des prix de référence de ses principaux concurrents, au besoin en entreprenant la démarche très inhabituelle de revoir à la hausse un prix déjà annoncé en dépit des difficultés que cette démarche créerait auprès de la clientèle, étant motivée en cela par la perspective de ne pas compromettre une évolution à la hausse des prix au cours des semaines à venir (considérants 177 à 179 de la décision attaquée).

486    Force est de constater, par ailleurs, que les requérantes n’ont formulé aucune observation dans leurs mémoires sur la force probatoire de tous les courriels susmentionnés concernant la question de la pertinence des prix de référence pour le marché concerné, excepté en ce qui concerne la postériorité de ceux remontant à janvier 2003 par rapport à la période infractionnelle.

487    Lors de l’audience, les requérantes se sont contentées de souligner le caractère interne à Chiquita des communications en cause et le fait qu’elles ne pouvaient, dès lors, traduire la position de Dole quant au rôle des prix de référence sur le marché de la banane.

488    Cette seule allégation n’est pas suffisante pour contredire la force probatoire de courriels émanant d’un opérateur commercialisant des produits venant en concurrence avec ceux de Dole sur le marché de la banane, faisant référence à des situations concrètes et précises visant les prix de référence de Dole et révélant l’importance de ces prix pour les importateurs et leur clientèle avec, notamment, la mise en exergue d’une interdépendance des prix de référence des bananes de marque Chiquita, Dole et Del Monte.

489    Cinquièmement, la Commission invoque une lettre que le Deutscher Fruchthandelsverband eV (DFHV, fédération du commerce allemande) a adressée à un membre de la Commission le 21 janvier 2005, par laquelle il déclare, notamment, que « ces prix ‘officiels’ ne sont que le reflet de la position de départ des différents opérateurs pour leurs négociations de prix hebdomadaires » et qu’« ils sont jusqu’à 50 % supérieurs aux prix réellement convenus » (considérants 112 et 119 de la décision attaquée).

490    Si ce document est postérieur à l’expiration de la période infractionnelle et ne peut suffire à prouver l’infraction reprochée, il révèle que, trois ans après celle-ci et alors qu’aucune modification de l’organisation du marché de la banane n’est alléguée ni démontrée, les prix de référence étaient considérés, de manière générale, comme un point de départ pour les négociations des prix hebdomadaires.

491    Il importe enfin de souligner que les requérantes ont joint à leurs écritures un exemplaire du dossier de la réunion sur la fixation du prix des bananes, réunion qui se tenait tous les jeudis matins et au cours de laquelle toutes les informations que Dole avait collectées, regroupées dans ledit dossier, étaient évaluées pour tenter « d’apprécier les conditions du marché » et de fixer un prix de référence hebdomadaire.

492    Selon les requérantes, ce dossier comprenait, notamment, un graphique intitulé « Prix vert des bananes en Europe du Nord » qui analysait, sur la base des dix semaines précédentes, les prix de référence de Dole et de ceux de ses principaux concurrents, ce qui montre clairement que les prix de référence des concurrents étaient des informations importantes pour l’établissement des prix de Dole et, de manière plus générale, la pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane.

493    En troisième lieu, s’agissant du rôle joué par le « prix Aldi » dans le secteur de la banane, il convient de relever que la Commission indique que ledit prix a été moins important durant la période infractionnelle allant de 2000 à 2002 que par la suite, ce que contestent les requérantes qui prétendent que l’« offre Aldi » constituait la seule référence pertinente pour toutes les transactions dans le secteur de la banane, y compris pendant la période susvisée.

494    Premièrement, s’agissant du mode de distribution des bananes de Dole, les requérantes mettent en exergue l’importance quantitative des transactions réalisées dans le cadre d’« accords Aldi plus », accords d’approvisionnement à long terme appliquant une formule de prix fixe, basé sur le prix d’achat fixé par Aldi pour les bananes jaunes converti en un prix correspondant aux bananes vertes.

495    Dole aurait réalisé, en 2000, environ 50 % de ses ventes de bananes vertes dans le cadre d’« accords Aldi plus », ce chiffre s’élevant à près de 80 % en 2005. Les requérantes évoquent aussi dans leurs écritures un chiffre de 66 % des ventes de bananes de marque Dole en 2002, tout en soulignant que le rapport économique figurant à l’annexe 3 de la réponse de Dole à la communication des griefs de la Commission a constaté que les ventes réalisées dans le cadre d’« accords Aldi plus » représentaient précisément 49 % du total des ventes de Dole, la différence pouvant s’expliquer par le fait que ledit rapport a calculé le pourcentage sur la base des chiffres concernant l’Union, composée alors de quinze membres, et non l’Europe du Nord uniquement.

496    Au-delà d’une certaine discordance dans la présentation chiffrée de l’argumentation des requérantes, il convient d’observer que l’examen du rapport économique figurant à l’annexe 3 de la réponse à la communication des griefs révèle une absence de donnée chiffrée concernant l’année 2000 et les indications suivantes pour les années ultérieures : 58 % en 2001, 49 % en 2002, 60 % en 2003, 68 % en 2004 et 79 % en 2005, ce qui traduit une importance croissante continue des « contrats Aldi plus » à partir de 2003.

497    Par ailleurs, Dole a adressé à la Commission, le 2 octobre 2008, une lettre dans laquelle elle indique que les chiffres communiqués dans sa réponse à la communication des griefs étaient trop élevés et fournit un tableau contenant les données suivantes en ce qui concerne les pourcentages de chiffre d’affaires de Dole correspondant uniquement aux ventes de bananes vertes par le biais des « contrats Aldi plus » : 50 % en 2000, 48 % en 2001, 38 % en 2002, 51 % en 2003, 61 % en 2004.

498    Dole a précisé, dans la lettre en cause, que le chiffre de 2000 est une « estimation », étant donné que le rapport des économistes ne comprenait pas d’indication pour l’exercice en question. Il convient, en outre, de relever que le chiffre de 2001 s’élève à 48 %, chute à 38 % en 2002, avant d’augmenter à partir de 2003, ce qui ne traduit pas une progression constante. Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, l’analyse des données relatives aux transactions de Dole confirme la constatation selon laquelle le « prix Aldi » était moins lié aux prix réels de Dole au cours de la période allant de 2000 à 2002 que par la suite.

499    Deuxièmement, au soutien de l’allégation selon laquelle les prix de référence n’avaient aucune importance pour les négociations des prix de transaction, à l’inverse du « prix Aldi », les requérantes expliquent que, lorsque Aldi annonçait le prix qu’elle avait l’intention de payer pour les bananes jaunes à ses fournisseurs (c’est-à-dire aux mûrisseurs-distributeurs), ceux-ci en rendaient compte aux importateurs de bananes.

500    Outre que cette dernière assertion n’est aucunement étayée, il y a lieu de constater que les requérantes ont indiqué que, au cours de la période en cause, c’est-à-dire de 2000 à 2002, Dole ne publiait qu’un seul prix de référence, qui était annoncé avant qu’Aldi n’annonce le sien, et que cette pratique a changé « entre 2002 et 2008 », période au cours de laquelle Dole faisait suivre son prix de référence initial du jeudi matin de l’adoption d’un « prix de référence définitif » qu’elle communiquait à ses clients après l’annonce du « prix Aldi » le jeudi après-midi.

501    Dans la décision attaquée, la Commission a rappelé que Dole avait expliqué, en réponse à une demande de renseignements du 15 décembre 2006, que « DFFE […] a[vait] décidé qu’à partir de décembre 2002 les prix de référence de Dole seraient dorénavant réajustés […] en fonction du ‘prix Aldi’ » (note en bas de page no 163 de la décision attaquée) et que quelques ajustements des prix de référence de Dole et de Weichert avaient eu lieu entre octobre et décembre 2002 (considérant 123 de la décision attaquée).

502    Il apparaît ainsi que Dole a, dans un premier temps, fixé un seul prix de référence, communiqué à ses clients avant l’annonce du « prix Aldi » puis, dans un second temps, a scindé ce prix de référence unique en deux afin de créer un prix de référence définitif, postérieur à l’annonce du « prix Aldi » et prenant en compte celui-ci.

503    Les considérations qui précèdent non seulement corroborent l’indication d’une importance croissante du « prix Aldi », mais révèlent aussi et surtout que Dole n’a pas supprimé les prix de référence lors de la modification de son processus de fixation des prix et les a, au contraire, maintenus, y compris le prix de référence du jeudi matin, antérieur à l’« offre Aldi ». Ce constat ne fait, en outre, que renforcer la pertinence du prix de référence unique du jeudi matin, antérieur à l’« offre Aldi », avant sa scission par Dole. Il importe également de souligner que Dole a continué d’établir des prix de référence alors même qu’elle les revoyait après l’annonce du « prix Aldi ».

504    Les requérantes n’ont fourni, dans leurs mémoires, aucune explication plausible quant au maintien des prix de référence qui ne présentaient pourtant, selon elles, aucune importance dans le secteur de la banane.

505    Dans la réplique, les requérantes indiquent qu’« aucun importateur (y compris Dole) n’utilise les prix de référence actuellement », que « Dole pense que l’utilisation de ces prix était tout simplement une pratique vestige des ventes aux enchères publiques de bananes qui se déroulaient à Hambourg plusieurs décennies auparavant » et que « le fait que Dole ait continué à publier des prix de référence constituait donc simplement une pratique historique formelle ».

506    Il est particulièrement douteux que la détermination de la politique tarifaire d’un opérateur économique puisse correspondre au seul respect d’une tradition historique désuète et non d’un critère objectif de stricte utilité, spécialement dans le contexte d’un marché caractérisé, selon les propres dires des requérantes, par un temps de commercialisation très court, compte tenu de la nature périssable du produit en cause, et une recherche d’efficacité commerciale maximale.

507    Les déclarations des requérantes visant à réduire l’établissement de prix de référence et l’annonce de ceux-ci aux clients chaque jeudi matin pendant trois ans à une simple « pratique historique formelle » ne sont pas compatibles avec la propre description de Dole de sa politique tarifaire et, plus particulièrement, de l’investissement mis en œuvre pour fixer hebdomadairement lesdits prix.

508    Dans l’étude économique du 20 novembre 2007, produite par Dole, il est précisé que « les prix de référence [initiaux], qui reflétaient des efforts considérables de collecte d’informations, […] fournissaient des informations plus précises et de meilleure qualité sur la situation du marché ». Dans la requête, il est mentionné que le dossier de la réunion interne du jeudi matin pour la fixation des prix de référence « contenait des informations très variées sur le marché de la banane, y compris le volume des bananes vertes expédiées au cours de cette semaine, des informations sur les volumes spécifiques livrés aux clients et aux États membres, des informations historiques et compilées sur le volume, la tarification appliquée par Dole à des clients spécifiques et à un niveau géographique plus large, et le tableau de Dole intitulé ‘Prix vert des bananes en Europe du Nord’ ». Ce dernier document correspondait à un graphique analysant, sur la base des dix semaines précédentes, les prix de référence de Dole et ceux de ses principaux concurrents.

509    Lors de l’audience, les requérantes ont souligné la nécessité de distinguer deux périodes, celle de la période infractionnelle allant de 2000 à 2002 avec fixation d’un prix de référence unique n’ayant aucune relation véritable avec le marché et celle postérieure à 2002 avec un prix de référence définitif, fixé après l’annonce du « prix Aldi », qui était encore une base de négociations, mais plus proche de la réalité du marché éclairée par le « prix Aldi », en tous cas plus près de cette réalité que ne l’était le prix de référence antérieur qui n’était jamais révisé.

510    Par ces déclarations, les requérantes expriment la simple évolution dans le temps d’un instrument constant de leur politique tarifaire, jusqu’en 2008, que Dole a estimé utile de devoir modifier seulement en décembre 2002, et ce pour l’adapter à l’importance croissante du « prix Aldi » et en assurer une meilleure efficacité. Le fait que le prix de référence révisé le jeudi après-midi après l’annonce de l’« offre Aldi » soit censé refléter de manière plus fidèle la réalité du marché n’est pas de nature à exclure toute utilité du prix de référence établi le matin du même jour pour la période allant de 2000 à 2002, étant rappelé que Dole a maintenu ce dernier élément en le qualifiant de prix de référence initial.

511    Il importe encore de constater que les requérantes font valoir que les prix de référence étaient publiés dans la presse professionnelle. Il résulte de l’examen du magazine Sopisco News, qui paraissait chaque samedi, avant la conclusion des négociations commerciales, que ce dernier comporte la mention des prix de référence par importateur et d’une fourchette des prix réels par importateur pour la semaine en cours, le prix réel maximal correspondant à l’indication du prix de référence.

512    Les requérantes ne contestent pas la constatation par la Commission du fait que les entreprises concernées échangeaient leurs prix de référence, une fois fixés, le jeudi matin, avant l’annonce du « prix Aldi ». La Commission indique que l’échange des prix de référence constituait un élément des arrangements collusoires des parties et a, en particulier, permis aux parties de vérifier directement entre elles les prix que les autres participants avaient arrêtés et de renforcer les liens de coopération qui s’étaient tissés entre elles dans le cadre des communications de prétarification (considérant 198 de la décision attaquée).

513    Les deux constats précités contredisent à l’évidence l’allégation des requérantes quant à l’absence de pertinence des prix de référence.

514    Troisièmement, les requérantes prétendent que les autres importateurs ont confirmé les déclarations de Dole.

515    Elles font état des déclarations suivantes de Fyffes, faites lors de l’audition des 4 et 6 février 2008, qui indiquent que :

–        les prix de référence « sont sans utilité pour les négociations du prix réel » et que « la fixation du prix par le biais de la ‘coordination’ des prix [de référence] officiels est impossible » ;

–        les prix de référence « ne constituent pas un point de référence, ni un point de départ ou tout autre point pertinent » ;

–        les prix réels des autres importateurs ne sont « jamais fixés par rapport au prix [de référence] officiel de Fyffes » et que le « facteur le plus important influençant les négociations hebdomadaires est le ‘prix Aldi’, qui est annoncé chaque jeudi à midi ».

516    Il importe de souligner qu’il n’est ni allégué ni a fortiori démontré que Fyffes ne communiquait pas à ses clients son prix de référence le jeudi matin et que les déclarations de cette entreprise doivent être appréciées au regard de leur contexte, à savoir celui d’une entreprise destinataire de la communication des griefs et contestant le comportement anticoncurrentiel reproché.

517    S’agissant de Chiquita, les requérantes prétendent que cette dernière a reconnu, dans sa demande de clémence, que le « prix Aldi » était la référence en matière de tarification des bananes vertes et jaunes à travers toute l’Europe.

518    Il importe, cependant, de relever que les requérantes font référence à des déclarations de Chiquita relatives à la fourniture par Atlanta de bananes à Aldi et à l’activité d’Atlanta dans la commercialisation des bananes de troisième choix.

519    Outre le contexte spécifique des déclarations en cause, l’examen du document concerné montre, en tout état de cause, que l’allégation des requérantes procède d’une lecture partielle de celui-ci, en ce sens que Chiquita y déclare que le « prix Aldi » est « devenu » la référence pour le commerce des bananes dans beaucoup de pays de l’Union, formulation exprimant l’idée d’une importance croissante retenue par la Commission au considérant 104 de la décision attaquée et évoquée par Chiquita dans la déclaration d’entreprise no 13, mentionnée dans ledit considérant.

520    En ce qui concerne Weichert et Del Monte, la Commission relève, sans être contredite par Dole, que, au cours de la période concernée, les prix de référence de la banane pour Dole et Del Monte (les bananes de cette dernière étaient commercialisées par Weichert) étaient quasi identiques. Afin d’étayer ce constat, la Commission rappelle, dans la note en bas de page no 138 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Weichert explique, en réponse à une demande de renseignements, que ‘si Del Monte ne lui a pas officiellement donné pour instruction d’adopter le même prix officiel que Dole, elle attendait de Weichert qu’elle ait un prix officiel au minimum aussi élevé que celui de Dole’ (voir page 38 533 du dossier, réponse de Weichert à la demande de renseignements du 15 décembre 2006). Dole déclare, en réponse à une demande de renseignements du 15 décembre 2006, pour la période comprenant les années 2000 à 2002, que ‘[…] Del Monte positionnait ses bananes de marque à un niveau comparable à celui des bananes de marque Dole, et il était généralement admis dans le secteur que Del Monte voyait le prix de référence de Dole comme un moyen de promouvoir cette similarité auprès des clients’ […] »

521    Il apparaît ainsi que le prix de référence de Dole était considéré comme un instrument commercial permettant à Del Monte d’obtenir, pour ses bananes, le même positionnement tarifaire que celui de Dole.

522    Del Monte a fait valoir, dans sa réponse à la communication des griefs, que les prix de référence n’ont eu aucune influence sur les prix réels, mais a également indiqué que l’échange d’informations sur les prix de référence représentait une manière, pour les importateurs, « de rassembler les informations pertinentes concernant la demande, les volumes d’arrivage et tous les stocks dans un ‘message’ intelligible pour le marché » (considérant 122 de la décision attaquée) et que « les importateurs pouvaient, au pire, coordonner un signal ‘commun’ à adresser au marché (sous la forme de prix officiels coordonnés) » (considérant 120 de la décision attaquée).

523    Des preuves documentaires révèlent que Del Monte accordait beaucoup d’importance aux prix de référence de Weichert.

524    Weichert a communiqué à la Commission les rapports hebdomadaires concernant la situation sur le marché de la banane pendant la période infractionnelle transmis à Del Monte, sur la demande de cette dernière, lesdits rapports faisant mention des prix officiels, mais aussi des estimations des prix réels pour la semaine concernée sous la forme, notamment, d’une fourchette pour les bananes de marque Del Monte (commercialisées par Weichert) et des produits des concurrents (considérant 392 de la décision attaquée).

525    La Commission fait état d’une télécopie du 28 janvier 2000, par laquelle M. J.-P. B., employé de Del Monte, a demandé à M. W. de lui fournir une explication sur la différence entre le « prix final » et le « prix escompté » en ces termes : « Pour aggraver les choses, j’ai parlé à deux reprises avec la personne de votre entreprise qui est chargée de la commercialisation des bananes afin de discuter des conditions et des prix sur le marché … J’ai appris qu’Interfrucht [Weichert] maintiendra ses prix ‘très près’ du prix officiel !!! (…). » Ce message montre clairement que Del Monte s’attendait à ce que Weichert obtienne un prix final qui serait très proche des prix de référence ou prix officiels (considérants 112, 126 et 389 de la décision attaquée).

526    Ces documents, contemporains de la période infractionnelle, démontrent l’importance des prix de référence dans le secteur de la banane dont Weichert était, avec Dole et Chiquita, l’un des acteurs. Il importe de souligner que l’infraction porte sur un produit unique, la banane fraîche, qui se décline en trois niveaux de qualité avec des distinctions de prix corrélatives, relevant d’un seul marché caractérisé par un processus de fixation des prix comportant l’annonce chaque jeudi matin des prix de référence de Dole, de Chiquita et de Weichert à leur clientèle, premier message destiné au marché sur l’attente des importateurs en matière de prix. Quand bien même lesdits prix de référence ne concernaient que les bananes de première et de deuxième catégorie vendues par ces entreprises, il existait un lien entre ces prix et ceux des marques tierces ou ceux des bananes sans marque, dans la mesure où s’opérait nécessairement, chaque semaine, un positionnement tarifaire des différentes qualités de bananes les unes par rapport aux autres. L’existence d’une certaine interdépendance des prix de référence des bananes de marques Chiquita, Dole et Del Monte est illustrée par les courriels internes de Chiquita du 30 avril 2001 (considérant 107 de la décision attaquée) et du 8 août 2002 (considérants 111, 172 et suivants de la décision attaquée).

527    Quatrièmement, les requérantes invoquent les déclarations de clients confirmant leur position qui indiquent :

« [L]es prix de référence de Dole relatifs aux bananes avaient peu d’utilité pour les négociations du prix réel et définitif qui nous était facturé [Van Wylick, OHG] […]

Les prix de référence de Dole sont la première offre de prix que Dole nous propose, en notre qualité d’acheteur, mais nous ne l’acceptons pratiquement jamais. En tant qu’acheteur de bananes de Dole, nous prenons comme point de référence le prix des bananes de troisième choix et nous négocions avec Dole sur cette base le prix des bananes de cette dernière pour la semaine concernée [Metro Group Buying GmbH]. »

528    L’examen de ces attestations, émanant de clients de Dole, révèle que les requérantes en font une citation partielle et partiale.

529    Sous l’expression « prix de référence de Dole », Van Wylick vise et mentionne expressément « ceux du jeudi matin » et « ceux éventuellement ajustés après la fixation du prix dans le segment du discount », ce qui évoque une situation remontant à la fin de l’année 2002 avec l’apparition des prix de référence initial et définitif, époque à compter de laquelle la Commission admet que le « prix Aldi » a commencé à être de plus en plus utilisé en tant qu’indicateur de calcul du prix de la banane (considérant 104 de la décision attaquée). L’attestation de Van Wylick ne fait pas mention, en tout état de cause, d’une absence totale d’utilité desdits prix, comme l’affirment les requérantes.

530    Ce témoignage de Van Wylick doit aussi être lu en combinaison avec l’attestation de Metro qui confirme que les prix de référence de Dole constituaient la première offre commerciale de cette entreprise à destination de sa clientèle et que leur communication marquait bien le début des négociations commerciales. Metro précise s’être référée au prix des bananes de troisième choix pour négocier avec Dole (ce qui correspond à la démarche classique d’un client entrant en négociation avec un vendeur dont le point de départ est lui constitué par l’objectif de prix annoncé) et que « le résultat des négociations se situe régulièrement entre le prix de référence de Dole et le prix des tiers ». En outre, Metro indique qu’elle n’acceptait « pratiquement » jamais les prix de référence de Dole, ce qui signifie, a contrario, que cela a pu être parfois le cas.

531    Contrairement aux affirmations des requérantes ces deux attestations ne confirment pas leur allégation d’absence de pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane, mais démontrent même le contraire s’agissant du témoignage de Metro. Alors que les requérantes prétendent que les lettres de ces deux clients démontrent que le facteur décisif pour les négociations commerciales était le « prix Aldi », les documents en cause ne comportent pas même la mention d’un tel prix et d’un quelconque rôle de celui-ci dans les négociations commerciales.

532    Lors de l’audience, les requérantes ont soutenu que le prix de référence visé dans le témoignage de Metro était celui qualifié de définitif, établi après l’annonce de l’« offre Aldi », lequel pouvait servir de point de départ pour les négociations. À l’appui de cette allégation, les requérantes invoquent le fait que l’attestation de Metro remonte à l’année 2008.

533    Outre l’absence de lien automatique entre l’année de rédaction de l’attestation en cause et la nature du prix de référence évoqué dans celle-ci, il y a lieu de constater que, comme le révèle l’intitulé de l’annexe A 10 de la requête, la lettre de Metro n’est pas datée. En tout état de cause, la formulation à caractère général de ladite lettre ne permet pas l’interprétation qu’en ont donnée les requérantes, pour la première fois, à l’audience.

534    Les requérantes font état également du témoignage d’un client de Dole contenu dans un message électronique envoyé le 13 juin 2007 au membre de la Commission chargé de la concurrence, ainsi que de celui d’un ancien employé d’Atlanta contenue dans une lettre adressée à Dole le 19 novembre 2007, ce qui suggère l’existence de deux témoins différents.

535    Force est, toutefois, de constater que les déclarations concernées émanent de la même personne, M. W., lequel confirme, dans sa lettre du 19 novembre 2007, avoir transmis un courriel au membre de la Commission chargé de la concurrence le 13 juin 2007.

536    Le témoin a, certes, qualifié de « ridicule » toute suggestion selon laquelle les fournisseurs de bananes auraient participé à une entente sur la fixation des prix, mais pour des raisons tenant au contexte réglementaire du marché et au régime des licences, assurant audit marché une grande transparence. M. W. a également indiqué que le marché de la banane était dominé par plusieurs acheteurs puissants, et que « le prix de référence sur l’ensemble du marché européen de la banane était en fin de compte fixé unilatéralement par Aldi ».

537    Cette déclaration péremptoire et générale n’est pas de nature, à elle seule, à contredire la force probatoire des différents éléments de preuve recueillis par la Commission et démontrant la pertinence des prix de référence. Il y a lieu, également, de rappeler que la Commission a effectivement pris en compte le contexte réglementaire spécifique du marché concerné dans son analyse globale de la pratique concertée.

538    Il importe, en revanche, de souligner que, dans son courriel du 13 juin 2007 adressé à la Commission, M. W. indique que, « [s]i, pour le client, le prix ne paraissait pas correspondre au marché, il aurait informé son fournisseur des offres concurrentes » et que « c’est une procédure qui se répète tous les jeudis et qui est plus ou moins standard dans le secteur ». Cette déclaration sur un fait concret et précis confirme les déclarations de Dole, formulées au cours de la procédure administrative, révélant le fait que les clients se servaient des prix de référence comme d’instruments de négociation pour la fixation des prix réels (voir point 446 ci-dessus).

539    Cinquièmement, les requérantes font état d’une analyse économique des transactions réalisées par Dole (rapports du 20 novembre 2007 et du 19 décembre 2008) ainsi que d’un document interne révélant que les prix payés par les clients étaient beaucoup plus étroitement liés au « prix Aldi » qu’aux prix de référence de Dole et que le comportement incriminé n’a eu aucun effet sur les prix réels. Il en irait de même pour Chiquita au regard d’un tableau produit par Fyffes au cours de la procédure administrative et de déclarations de Chiquita sur le fait que les prix de référence sont « très éloignés de la réalité » ou « n’ont pas de corrélation » avec les prix réels. La Commission aurait finalement admis ce constat, comme en attesterait la mention, figurant au considérant 352 de la décision attaquée, selon laquelle « la Commission n’affirme pas que les prix réels et les prix de référence sont étroitement liés ».

540    Cette argumentation doit être écartée, en ce qu’elle se fonde sur une conception erronée des exigences de preuve d’une pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

541    D’une part, comme cela résulte des termes mêmes de cet article, la notion de pratique concertée implique, outre une concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments. Toutefois, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, il y a lieu de présumer que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 55 supra, point 118 ; Hüls/Commission, point 57 supra, point 161, et T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, point 51).

542    En l’espèce, il est constant que les entreprises qui ont participé à la concertation illicite sont demeurées actives dans le commerce des bananes et que Dole a reconnu avoir tenu compte des informations obtenues des concurrents dans l’établissement de ses prix de référence.

543    D’autre part, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement sur le marché, elle n’implique pas nécessairement que ce comportement produise l’effet concret de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 55 supra, points 122 à 124 ; Hüls/Commission, point 57 supra, points 163 à 165, et du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 123 à 125).

544    Ainsi qu’il a été précédemment rappelé au point 68 ci-dessus, l’objet anticoncurrentiel et l’effet anticoncurrentiel ne sont pas des conditions cumulatives, mais alternatives, pour appliquer l’interdiction énoncée à l’article 81 CE. Pour apprécier si une pratique concertée est prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est donc superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

545    Il y a lieu de rappeler que, pour avoir un objet anticoncurrentiel, il suffit que la pratique concertée soit susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence et que l’échange d’informations entre concurrents est susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises. En outre, l’article 81 CE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 56 supra, points 31, 35 et 38).

546    En particulier, le fait qu’une pratique concertée n’a pas d’incidence directe sur le niveau des prix n’empêche pas de constater qu’elle a limité la concurrence entre les entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 140).

547    Il convient, à cet égard, de relever que les prix effectivement pratiqués sur un marché sont susceptibles d’être influencés par des facteurs externes, hors du contrôle des membres d’une entente, tels que l’évolution de l’économie en général, l’évolution de la demande dans ce secteur particulier ou le pouvoir de négociations des clients.

548    En l’espèce, il résulte des points 443 à 537 ci-dessus que la Commission a établi à suffisance de droit la pertinence des prix de référence dans le commerce de la banane, élément qui, combiné aux autres circonstances de l’espèce prises en compte par la Commission, permet de caractériser l’existence d’une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel.

549    Il importe peu, dès lors, de savoir si le prix de référence était le facteur le plus déterminant du prix réel de Dole et de Chiquita ou dans quelle mesure les prix de référence et les prix réels de ces entreprises étaient liés, étant rappelé que les prix de référence sont des prix annoncés dont il n’est pas soutenu qu’ils pouvaient être obtenus dans le cadre des négociations hebdomadaires ni même qu’ils pouvaient servir de base de calcul des prix finaux facturés.

550    Le seul fait que les prix réels et les prix de référence ne soient pas « étroitement » liés, comme indiqué au considérant 352 de la décision attaquée, ne suffit pas pour remettre en cause la force probatoire des éléments fournis par la Commission et lui ayant permis de conclure que les prix de référence servaient à tout le moins de signaux, de tendances ou d’indications pour le marché en ce qui concerne l’évolution envisagée du prix des bananes, et qu’ils étaient importants pour le commerce de la banane et les prix obtenus.

551    Le constat d’un écart entre les prix de référence, objet de la concertation illicite, et les prix de transaction ne signifie nullement que les premiers n’étaient pas susceptibles d’avoir une influence sur le niveau des seconds. La vocation des prix de référence est de tirer les prix du marché vers le haut, quand bien même ces derniers resteraient, in fine, inférieurs aux prix annoncés. Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que le Tribunal a pris en compte le fait que les tarifs conseillés d’une entreprise étaient supérieurs au prix du marché pour considérer que le système de prix de celle-ci avait pour objet de faire monter les tarifs sur le marché (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 163).

552    En outre, il est constant que, dans certaines transactions, le prix était directement lié aux prix de référence par le biais de formules tarification préétablies.

553    La Commission était donc en droit de conclure à l’illicéité des communications bilatérales entre les entreprises concernées, qui avaient pour objet d’aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché, comme permettant de réduire, pour chacun des participants, l’incertitude quant au comportement envisageable des concurrents (voir, en ce sens, arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, 312 supra, point 1908).

554    En tout état de cause, il y a lieu également de souligner que l’analyse et le document mentionnés au point 539 ci-dessus ne concernent que les prix facturés par Dole ou Chiquita, alors que le comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise est sans pertinence aux fins de l’évaluation de l’impact de l’entente sur le marché, seuls devant être pris en compte les effets de l’entente dans son ensemble (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 55 supra, points 150 et 152).

555    S’agissant, tout d’abord, des transactions de Chiquita, le tableau produit par Fyffes au cours de la procédure administrative apparaît dépourvu de réelle force probante dans la mesure où les données collectées se réfèrent à une période commençant seulement au deuxième trimestre de 2002, sans qu’il soit également possible de déterminer avec certitude si lesdites données concernent bien l’ensemble du marché géographique en cause.

556    En outre, les déclarations de Chiquita sur le fait que les prix de référence sont « très éloignés de la réalité » sont contenues dans un courriel daté du 26 juin 2004 et donc postérieur à la période infractionnelle. Il peut, toutefois, être relevé que, dans ce courriel, une salariée de Chiquita répond à l’interrogation d’une collègue s’étonnant du niveau du prix de référence des bananes de marque Del Monte, plus important que celui de Dole. L’auteur du courriel indique que, depuis que Del Monte avait pris directement en charge la distribution de ses bananes, elle avait une stratégie consistant à se positionner le plus près possible de Chiquita et que le nouveau responsable de Del Monte étant un ancien employé de Chiquita, il connaissait les astuces de la politique tarifaire de cette dernière entreprise et donc l’écart entre les prix de référence et les prix réels.

557    Quant à la brève et vague déclaration selon laquelle les prix de référence « n’ont pas de corrélation » avec les prix réels, elle n’est aucunement étayée par des preuves documentaires objectives relatives à la période infractionnelle allant de 2000 à 2002 et au marché géographique concerné. Elle ne peut, en tout état de cause, être lue de manière isolée, indépendamment des déclarations explicites de Chiquita sur la finalité des communications de prétarification et des preuves documentaires recueillies par la Commission, notamment, des courriels émanant de Chiquita, démontrant l’importance des prix de référence dans le secteur de la banane.

558    Il convient, ensuite, de relever que l’analyse économique et le document mentionnés au point 539 ci-dessus, relatifs au comportement tarifaire de Dole, ne permettent pas de conclure à une absence de corrélation entre les prix réels et les prix de référence, mais à une corrélation moins élevée de ces deux prix que celle existant entre les prix réels et le « prix Aldi ». De surcroît, les graphiques figurant à l’annexe A 18 de la requête, pour autant qu’ils puissent être retenus comme se référant à des données relatives uniquement à des transactions en Allemagne, font apparaître que la corrélation entre le « prix Aldi » et le prix réel de Dole était sensiblement supérieure en 2006-2007 qu’entre 2000 et 2002, ce qui corrobore l’idée d’une importance croissante du « prix Aldi ».

559    Les requérantes se concentrent sur la corrélation entre le « prix Aldi », détaillant acquéreur de bananes jaunes auprès de mûrisseurs, et le prix réel de Dole alors que la pertinence de cette relation doit être relativisée du fait de la chronologie de la commercialisation des bananes, dans le cadre du processus de négociations hebdomadaires, en ce sens qu’il est constant que Chiquita, Dole et Weichert annonçaient leur prix de référence à tous leurs clients, mûrisseurs et détaillants, le jeudi en début de matinée, avant l’émission de l’« offre Aldi », ce qui montre que, d’un point de vue chronologique, l’annonce des prix de référence marquait le point de départ des négociations commerciales. Les déclarations de Dole, présentées au cours de la procédure administrative, sur les comportements des clients au sujet des offres formulées par les importateurs confirment la réalité de cette observation (voir point 445 ci-dessus)

560    Il apparaît ainsi que les importateurs définissaient et annonçaient d’abord leurs prix de référence signalant l’évolution prévue du prix de la banane, puis les mûrisseurs se formaient une opinion sur l’évolution du marché et soumettaient leurs offres à Aldi et, seulement à ce moment, le « prix Aldi » était fixé.

561    Les requérantes font valoir qu’il ne saurait être considéré que les prix de référence pourraient être pertinents parce qu’ils pourraient avoir influencé d’une manière quelconque le « prix Aldi » et soulignent, à cet égard, qu’Aldi achète des bananes tierces (et non des bananes commercialisées sous les marques Chiquita, Dole et Del Monte) de sorte que les prix de référence, qui ne concernent pas les bananes tierces, n’auraient aucune utilité pour Aldi.

562    Cet argument contredit totalement l’affirmation de Dole selon laquelle le « prix Aldi » lui-même était pertinent pour la totalité des transactions (sans différenciation selon la marque, y compris ses propres ventes de bananes de marque). Il convient d’ajouter que les prix de référence font partie d’un processus de fixation des prix d’un produit, la banane, qui se décline en trois niveaux de qualité, ce qui implique un positionnement tarifaire des trois types de bananes les uns par rapport aux autres et une forme d’interdépendance des prix.

563    Par ailleurs, les requérantes déclarent que les fournisseurs d’Aldi ne tenaient pas compte des prix de référence et renvoient à la lettre de leur client, Van Wylick, et à une déclaration de Chiquita sur les conditions dans lesquelles Atlanta émettait ses offres à Aldi.

564    Dans sa lettre (voir point 527 ci-dessus), Van Wylick indique que les prix de référence de Dole relatifs aux bananes avaient peu d’utilité pour les négociations du prix réel et définitif « qui [lui] était facturé », cette dernière mention démontrant que l’auteur de la lettre fait référence à sa relation commerciale avec Dole et non avec Aldi.

565    La déclaration de Chiquita est libellée comme suit :

« Ainsi que nous l’avons déjà indiqué plus haut, les prix de référence annoncés à Atlanta le jeudi concernaient uniquement les marques de premier choix de Chiquita, Dole et Del Monte. En conséquence, Atlanta ne fondait pas son offre à Aldi sur un ‘prix de référence des [bananes de] marques de troisième choix’. Ainsi que nous l’avons expliqué plus haut, ces offres étaient fondées sur les informations collectées par M. [C.] [et] et M. [N.] lors de leurs appels aux fournisseurs des marques de troisième choix précédant la fixation des prix, appels qu’ils effectuaient le mercredi (M. [N.]) ou le jeudi (M. [C.]). Lors de ces appels, les fournisseurs de marques de troisième choix essayaient toujours de convaincre Atlanta de leurs prévisions en matière de prix. Ces prévisions n’étaient pas identiques, et comprenaient souvent des différences de l’ordre de 0,50 à 1 euro par caisse. »

566    Cette déclaration concernant le comportement d’Atlanta indique que, lorsqu’elle établissait son offre de prix destinée à Aldi, Atlanta tenait compte des informations collectées auprès des fournisseurs de bananes de troisième choix, mais qu’elle connaissait, à ce moment, les attentes des importateurs en matière de prix par le biais de l’annonce préalable des prix de référence ainsi que le révèle le début de la déclaration.

567    Les décisions tarifaires d’Atlanta pour un type de banane, comme celles de tous les autres opérateurs, y compris Aldi, intervenant sur le marché, étaient nécessairement prises dans le cadre d’un marché recouvrant trois niveaux de qualité avec des différences corrélatives de prix.

568    Il importe de souligner que l’analyse économique des transactions réalisées par Dole (rapports du 20 novembre 2007 et du 19 décembre 2008) révèle une corrélation moyenne élevée entre le « prix Aldi » et les prix de référence au cours de la période allant de 2000 à 2005, laquelle indique que l’évolution du « prix Aldi » était effectivement étroitement liée à l’évolution du prix de référence.

569    À cet égard, la Commission a mis en exergue, au considérant 122 de la décision attaquée, les déclarations suivantes de Dole :

« […] les prix de référence initiaux que certaines sociétés font connaître sur le marché le jeudi matin après leurs réunions de fixation des prix, représentent une tendance – le fait qu’elles s’attendent à ce que le marché augmente de 1 euro, de 50 centimes (toujours par carton, par carton de 18 kg) et […] que les mûrisseurs, qui sont essentiels pour la fourniture de bananes jaunes, donnent leurs prix à Aldi (le plus gros acheteur de bananes) pendant la matinée du jeudi et que les mûrisseurs se forment une opinion sur la manière dont le prix du marché est susceptible d’évoluer pendant la matinée, à un moment donné entre [9 heures et 11 heures], puis ils faxent leur offre à Aldi et Aldi répond un peu après [13 heures] ; ce qui arrive souvent, c’est que les mûrisseurs espèrent que le prix d’un carton de bananes augmente d’1 euro, et Aldi revient en disant ‘Bon, le marché va mieux, l’écoulement chez nos détaillants évolue de manière positive, mais nous ne pouvons pas accepter une augmentation d’un euro, nous acceptons une augmentation de 36 centimes’ […] Alors […] les importateurs ne voient que le marché, ils voient une tendance du marché se dégager et ils pensent que le prix peut monter jusqu’à 1 euro (c’est ce qu’ils font savoir sur le marché), mais en fait, l’essentiel, c’est ce que pense Aldi […] »

570    Cette dernière appréciation de Dole, entreprise qui a toujours contesté avoir commis une infraction à l’article 81 CE, ne remet pas en cause la pertinence de la description du processus caractérisant le déroulement de la journée du jeudi et la mise en évidence d’un lien entre les prix de référence et l’« offre Aldi ».

571    Dole a également indiqué, par le biais d’études économiques produites au cours de la procédure administrative, que « les prix de référence [initiaux], qui reflétaient des efforts considérables de collecte d’informations, […] fournissaient des informations plus précises et de meilleure qualité sur la situation du marché qu’en l’absence de ces échanges » et que « ces prix de référence initiaux étaient connus des mûrisseurs lorsqu’ils soumettaient leurs offres à Aldi, de sorte que de meilleurs prix de référence initiaux auraient probablement conduit Aldi à fixer des prix reflétant plus précisément l’état de l’offre et de la demande pour la semaine suivante » (p. 5 de l’étude économique du 20 novembre 2007). Il est encore précisé que « la volonté des mûrisseurs d’accepter les conditions particulières d’Aldi dépendait, dans une certaine mesure, du prix de référence initial qu’ils recevaient des importateurs (bien que ces prix ne soient pas contraignants) », que « [ces prix de référence] dépendaient eux-mêmes de la facilité avec laquelle l’importateur pensait écouler le volume déchargé cette semaine-là » et que « l’échange signifiait que les prix de référence des entreprises bananières reflétaient chacun les informations regroupées sur l’offre et la demande au cours de cette semaine et pas uniquement les informations individuelles d’un fournisseur » (p. 7 et 9 de l’étude économique du 10 avril 2007).

572    Ces déclarations, particulièrement explicites s’agissant du lien entre les prix de référence et l’« offre Aldi », concordent avec la teneur d’un courriel interne de Chiquita, daté du 8 août 2002, dans lequel un employé de cette entreprise fait part de ses réflexions à la suite d’une augmentation de 2 euros par Dole de son prix de référence (considérants 111, 172 et suivants de la décision attaquée) en ces termes : « En augmentant le prix du marché et celui d’Aldi, ils [Dole…] obtiennent […] un meilleur prix […] »

573    Répondant à une demande de renseignements de la Commission, Aldi a précisé que sa décision concernant son offre hebdomadaire à ses fournisseurs se fondait sur les offres reçues, les prix de la semaine précédente et le prix de la même semaine l’année précédente. Aldi a ajouté que « les prix mentionnés par les fournisseurs de bananes dans leurs offres initiales laissent transparaître au moins une tendance quant à l’évolution des prix, à laquelle la formulation de la contre-offre ne d[eva]it, toutefois, pas toujours correspondre » (considérant 116 de la décision attaquée et note en bas de page no 150).

574    Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que la Commission a conclu à la pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane, en relevant, d’une part, qu’ils servaient à tout le moins de signaux, de tendances ou d’indications pour le marché sur l’évolution prévue des prix de la banane et qu’ils étaient importants pour le commerce de la banane et les prix obtenus et, d’autre part, que, dans certaines transactions, les prix réels étaient directement liés aux prix de référence.

575    Il convient également de souligner, ainsi que le fait à juste titre la Commission, que l’importance alléguée du prix d’achat d’Aldi n’exclut pas la pertinence des prix de référence, telle qu’établie dans la décision attaquée.

576    Il résulte des considérations qui précèdent que le grief tiré de l’absence de pertinence des prix de référence dans la négociation des prix réels dans le secteur de la banane doit être rejeté.

 Sur la responsabilité des salariés de Dole impliqués dans les communications bilatérales

577    Les requérantes font valoir que, à supposer qu’il ait existé un lien étroit entre les prix de référence et les prix réels, les échanges d’informations incriminés ne comprenaient même pas la divulgation des prix de référence réels, adoptés lors de la réunion du jeudi, et relèvent, à cet égard, que le salarié de Dole impliqué dans les communications bilatérales en cause, M. H., n’était pas responsable de la fixation des prix de référence réels, cette décision étant prise par le directeur général de DFFE.

578    Il convient de rappeler que la Commission reproche à Dole d’avoir participé, sur une base bilatérale, à des communications avec Chiquita et Weichert portant sur des facteurs de tarification, c’est-à-dire des facteurs importants pour l’établissement des prix de référence pour la semaine à venir, et sur des tendances de prix et indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l’établissement de ces prix de référence le jeudi matin.

579    La Commission a également constaté, sans être contredite par les requérantes, que Dole a échangé bilatéralement avec les entreprises susvisées les prix de référence, une fois fixés, ledit échange ayant permis de surveiller les suites des communications de prétarification et de renforcer la coopération entre les entreprises.

580    Les communications de prétarification impliquaient MM. H. et G., respectivement directeur régional et responsable des ventes chez Dole, lesquels participaient aux réunions internes de tarification (considérant 63 de la décision attaquée). Les requérantes ne remettent pas en cause ces constatations de la Commission.

581    Il convient de rappeler, en outre, que, selon la jurisprudence, l’imputation à une entreprise d’une infraction à l’article 81 CE ne suppose pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée par cette infraction, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Brugg Rohrsysteme/Commission, T‑15/99, Rec. p. II‑1613, point 58), capacité qui n’est pas contestée par les requérantes en ce qui concerne leurs salariés impliqués dans les communications de prétarification.

582    Dans ces circonstances, l’argument des requérantes selon lequel les salariés impliqués dans les communications de prétarification n’étaient pas investis de la responsabilité finale d’établissement des prix de référence est dépourvu de pertinence et doit être rejeté.

583    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que Dole, Chiquita et Weichert se sont engagées, sur une base bilatérale, dans des communications de prétarification au cours desquelles elles discutaient des facteurs de tarification de la banane, c’est-à-dire des facteurs se rapportant aux prix de référence pour la semaine à venir, ou ont débattu ou révélé les tendances des prix ou donné des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir (considérants 148, 182 et 196 de la décision attaquée).

584    Par le biais des communications de prétarification, Dole, Chiquita et Weichert ont coordonné la fixation de leurs prix de référence au lieu de les déterminer en toute indépendance. Au cours de ces discussions bilatérales, les entreprises ont dévoilé la ligne de conduite qu’elles envisageaient d’adopter ou, à tout le moins, permis aux participants d’évaluer le comportement futur de concurrents en ce qui concerne l’établissement des prix de référence et d’anticiper sur la ligne de conduite qu’ils se proposaient de suivre. Elles ont donc réduit l’incertitude entourant les décisions futures des concurrents en ce qui concerne les prix de référence, avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (considérants 263 à 272 de la décision attaquée).

585    C’est donc à juste titre que la Commission a conclu que les communications de prétarification, qui ont eu lieu entre Dole et Chiquita et entre Dole et Weichert, étaient relatives à la fixation des prix et qu’elles ont donné lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 CE.

B –  Sur la violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation

586    En premier lieu, les requérantes font valoir que, sur les trois pratiques constituant, selon la communication des griefs, un ensemble d’arrangements collusoires bilatéraux étroitement liés et une infraction par objet à l’article 81 CE, la Commission en a finalement écarté deux, dont celle, relative à l’échange d’informations sur les volumes, considérée par Chiquita comme la plus grave. Elles relèvent également que la Commission n’a pas sanctionné Fyffes et Van Parys, pourtant impliquées dans les mêmes communications bilatérales prétendument collusoires.

587    Ce faisant, la Commission a, selon les requérantes, changé radicalement sa thèse relative à l’infraction dans la décision attaquée, sans leur donner préalablement la possibilité d’être entendues sur cette modification, violant ainsi l’article 27, paragraphe 1, du règlement 1/2003 et leurs droits de la défense.

588    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la décision ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs (arrêt van Landewyck e.a./Commission, point 335 supra, point 68). La Commission doit en effet être en mesure de tenir compte, dans sa décision, des réponses des entreprises concernées à la communication des griefs. À cet égard, elle doit pouvoir non seulement accepter ou rejeter les arguments des entreprises concernées, mais aussi procéder à sa propre analyse des faits avancés par celles-ci, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle maintient (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, point 335 supra, point 92 ; voir également, en ce sens, arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, points 437 et 438). Aussi, ce n’est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu’une violation des droits de la défense devra être constatée (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, point 335 supra, point 94 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T‑39/92 et T‑40/92, Rec. p. II‑49, points 49 à 52).

589    Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision finale ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises concernées s’étaient déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 103).

590    Il est constant, en effet, que la communication des griefs en son paragraphe 60 faisait état de trois pratiques collusoires, à savoir :

–        l’échange d’informations portant sur les volumes des arrivages de bananes en Europe du Nord (échange d’informations sur les volumes) ;

–        des communications bilatérales portant sur les conditions du marché de la banane, les tendances des prix ou l’indication des prix de référence avant que ces prix ne soient fixés ;

–        l’échange d’informations sur les prix de référence des bananes (échange de prix de référence).

591    Au paragraphe 429 de la communication des griefs, la Commission a, de manière non équivoque, conclu que « chaque série d’arrangements bilatéraux » et l’ensemble de ces arrangements constituaient une infraction ayant pour objet de restreindre la concurrence dans la Communauté et dans l’EEE au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE.

592    Cette conclusion faisait suite à un examen séparé de chacun des comportements incriminés, notamment, aux paragraphes 404, 412 à 416 de la communication des griefs, dans lesquels la Commission a évoqué « un ensemble de communications bilatérales sur la situation du marché de la banane, les tendances des prix ou des indications sur les prix de référence avant l’établissement de ceux-ci, par lequel les parties ont influencé l’établissement des prix, ce qui équivaut en fin de compte à une fixation des prix » et déclaré que « ces arrangements collusoires avaient un objet anticoncurrentiel ».

593    Ainsi que le souligne la Commission, les requérantes ont manifestement compris la portée de la communication des griefs, comme cela ressort de la réponse du 21 novembre 2007 à ladite communication, dans laquelle Dole se défend spécifiquement contre l’allégation selon laquelle les communications bilatérales portant sur les conditions du marché constituaient une infraction par objet.

594    Les requérantes se réfèrent pour l’essentiel, dans leurs écritures, au paragraphe 395 de la communication des griefs qui concerne la notion d’infraction complexe unique et continue, la Commission considérant, initialement, que les trois pratiques anticoncurrentielles incriminées aboutissaient à une infraction unique et continue plus large.

595    Dans la décision attaquée, après analyse des réponses à la communication des griefs et des déclarations des entreprises concernées formulées lors de leur audition, la Commission a finalement abandonné, d’une part, ses griefs liés aux échanges d’informations sur les volumes et ceux tenant aux échanges des prix de référence pour ne retenir que la seule pratique concertée liée à ce qu’elle a dénommé les communications de prétarification et, d’autre part, les griefs adressés à Fyffes et Van Parys.

596    Les requérantes ne sauraient, dans ces circonstances, valablement invoquer une violation des droits de la défense, tels que reconnus par l’article 27, paragraphe 1, du règlement 1/2003, indépendamment de la perception par Chiquita de la gravité des griefs visés dans la communication des griefs, telle qu’alléguée par les requérantes.

597    En second lieu, dans le cadre du grief tiré de la violation des droits de la défense, d’une part, les requérantes font valoir une violation par la Commission de son obligation de motivation en ce que la décision attaquée ne préciserait pas, de façon claire et non équivoque, quelles sont les communications portant sur des facteurs pertinents pour fixer les prix de référence qui peuvent ou ne peuvent pas avoir lieu entre les importateurs de bananes dans le cadre de l’article 81 CE.

598    Cette allégation des requérantes a déjà été examinée et rejetée pour les motifs indiqués aux points 261, 262 et 264 ci-dessus.

599    D’autre part, la décision attaquée ne préciserait pas davantage les caractéristiques des communications impliquant Fyffes et Van Parys qui expliqueraient que lesdites communications n’ont pas été considérées comme ayant un objet anticoncurrentiel.

600    Pour autant que Dole prétend que la décision attaquée est illégale pour une insuffisance de motivation ou un défaut de clarté de celle-ci se rapportant au traitement réservé à Fyffes et à Van Parys, qui n’ont pas été destinataires de la décision attaquée et n’ont donc pas été sanctionnées, il convient de relever que Dole n’est pas fondée à tirer argument d’une telle circonstance pour échapper elle-même à la sanction qui lui est infligée pour violation de l’article 81 CE, alors même que la juridiction n’est pas saisie de la situation de ces deux autres entreprises (voir arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, Rec. p. II‑1887, point 62, et la jurisprudence citée).

601    Il résulte des considérations qui précèdent que le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE doit être rejeté.

III –  Sur les conclusions visant à l’annulation ou à la réduction de l’amende

602    Les requérantes ont soulevé un moyen unique tiré du caractère injustifié et disproportionné de l’amende, dans le cadre duquel elles ont reproché à la Commission d’avoir déterminé le montant de base de celle-ci en tenant compte de la vente de produits n’ayant aucun lien avec l’infraction, en considérant que le comportement incriminé avait pour objet la fixation des prix et en refusant de prendre en considération la situation financière précaire de Dole.

A –  Observations liminaires

603    Il est constant que, pour fixer le montant de l’amende infligée à Dole, la Commission a fait application des lignes directrices (considérant 446 de la décision attaquée), lesquelles ont défini une méthode de calcul comportant deux étapes.

604    Les lignes directrices prévoient, au titre d’une première étape de calcul, la détermination par la Commission d’un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises concernée et comprennent, à cet égard, les dispositions suivantes :

« 12. Le montant de base sera fixé par référence à la valeur des ventes selon la méthodologie suivante.

[…]

13. En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE. La Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction.

[…]

19. Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

20. L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.

21. En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.

22. Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

23. Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle.

24. Afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes (voir les points 20 à 23 ci-dessus) sera multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction. Les périodes de moins d’un semestre seront comptées comme une demi-année ; les périodes de plus de six mois, mais de moins d’un an seront comptées comme une année complète.

25. En outre, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes telle que définie à la section A ci-dessus, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. La Commission peut également appliquer un tel montant additionnel dans le cas d’autres infractions. En vue de décider la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au point 22. »

605    Selon la note en bas de page no 2 des lignes directrices, l’expression « accords horizontaux de fixation de prix », figurant au paragraphe 23 des lignes directrices, inclut les pratiques concertées au sens de l’article 81 CE.

606    Les lignes directrices prévoient, au titre d’une seconde étape de calcul, que la Commission pourra ajuster le montant de base, à la hausse ou à la baisse, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes (points 11 et 27).

607    Au titre de ces circonstances, le paragraphe 35 des lignes directrices mentionne la capacité contributive d’une entreprise dans les termes suivants :

« Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier. Aucune réduction d’amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire. Une réduction ne pourrait être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les présentes lignes directrices, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur. »

B –  Sur le caractère prétendument disproportionné du montant de base de l’amende en ce qu’il est fondé sur la valeur des ventes de produits qui n’ont aucun lien avec l’infraction et la violation de l’obligation de motivation

608    Les requérantes soutiennent que la Commission a appliqué de manière erronée les lignes directrices lorsqu’elle a calculé le montant de base de l’amende, parce qu’elle s’est fondée sur la valeur des ventes de produits qui n’ont aucun lien avec la prétendue infraction, à savoir les ventes de bananes vertes autres que les bananes de marque Dole, les ventes de bananes vertes de marque Dole vendues dans le cadre d’accords contractuels non fondés sur les prix de référence et les ventes de bananes jaunes. Elles invoquent également une motivation insuffisante de la décision attaquée sur l’inclusion des transactions portant sur ces bananes dans la base de calcul du montant de l’amende.

609    Il convient de relever que les requérantes réitèrent les critiques formulées dans le cadre de la contestation de l’existence de l’infraction.

610    En premier lieu, il en va ainsi de la distinction opérée par les requérantes entre les bananes vertes et jaunes, considérées comme deux produits différents relevant de deux marchés distincts, ce qui sous-tend l’argument selon lequel la Commission n’explique pas, dans la décision attaquée, comment une prétendue coordination des prix de référence des bananes vertes vendues par DFFE pendant la semaine en cours peut avoir exercé une influence sur la fixation du prix des bananes jaunes vendues par Saba, Kempowski, VBH et Dole France, opérée en toute indépendance et sans référence à une offre verte.

611    Premièrement, en ce qui concerne l’allégation d’une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de relever, ainsi qu’il a été exposé au point 127 ci-dessus, que la Commission a, aux considérants 4, 5, 32, 34, 104, 141 à 143, 182, 196 et 287 de la décision attaquée, expliqué avec suffisamment de précision et de clarté sa position quant à la nature unique du produit en cause, à savoir la banane fraîche, la spécificité dudit produit, fruit importé vert et offert à la consommation du public une fois devenu jaune, après mûrissement, les modalités d’organisation de la maturation et, subséquemment, de commercialisation des bananes, le processus de négociation commerciale avec les prix de référence et le lien existant entre les prix de référence des bananes vertes et jaunes.

612    Dans la décision attaquée, la valeur des ventes de bananes fraîches réalisées par Dole en 2002 est estimée à 198 331 150 euros, chiffre comprenant les transactions effectuées par DFFE, les filiales VBH, Saba, Kempowski et Dole France en Belgique et au Luxembourg, révisé à 190 581 150 euros après soustraction du montant des bananes achetées auprès des autres destinataires de la décision attaquée (considérants 451 à 453 de la décision attaquée).

613    Dans ces circonstances, aucune violation de l’article 253 CE ne saurait être reprochée à la Commission en ce qui concerne l’inclusion dans la valeur des ventes des transactions portant sur les bananes vertes et jaunes.

614    Deuxièmement, en ce qui concerne le bien-fondé de l’appréciation de la Commission, il y a lieu de rappeler que l’argument des requérantes fondé sur la distinction des bananes vertes et des bananes jaunes a déjà été avancé à l’appui du grief selon lequel les modes d’exploitation respectifs de Dole et de Chiquita étaient incompatibles avec la coordination illicite reprochée à ces entreprises.

615    Ce grief a été rejeté comme étant non fondé (voir point 248 ci-dessus). C’est à juste titre que la Commission a considéré que les bananes vertes et jaunes étaient un même produit, que le prix de référence (qu’il soit vert ou jaune) concernait le même produit, les bananes fraîches, et que les prix de référence jaunes étaient liés aux prix de référence verts. Les caractéristiques spécifiques de la banane, fruit importé vert et offert à la consommation du public une fois devenu jaune, après mûrissement, ainsi que les modes de commercialisation de celui-ci ne peuvent avoir d’incidence sur la nature unique du produit en cause et valablement fonder l’allégation de l’existence de deux produits différents relevant de deux marchés distincts.

616    Il s’ensuit que les requérantes restent en défaut de démontrer une quelconque application erronée des lignes directrices par la Commission du fait de l’inclusion dans la valeur des ventes des transactions portant sur les bananes jaunes.

617    Il doit être encore relevé que, au-delà du produit en lui-même, les requérantes excipent du fait que les bananes jaunes étaient vendues par Saba, Kempowski, VBH et Dole France, lesquelles n’ont pas été destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée, ni impliquées dans le comportement anticoncurrentiel reproché, en ce sens qu’elles ont fixé leurs prix de manière indépendante de DFFE et sans se référer à son prix de référence.

618    Cet argument ne peut être retenu.

619    Il est constant que, à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’infraction à l’article 81 CE a été commise par Dole, société faîtière du groupe Dole, lequel est impliqué dans la vente et la commercialisation de bananes en Europe par le biais de nombreuses filiales.

620    Si Dole a conclu à l’absence de tout comportement anticoncurrentiel, elle n’a, en revanche, pas contesté, dans le cadre de la présente instance, sa responsabilité en tant que société mère du groupe Dole, étant rappelé que la décision attaquée vise clairement une pratique anticoncurrentielle portant sur les bananes fraîches, qu’elles soient vertes ou jaunes.

621    L’allégation de l’autonomie des filiales de Dole s’inscrit uniquement dans l’argumentation relative à la nécessaire distinction des bananes vertes et jaunes venant à l’appui du grief tiré de l’incompatibilité des modes d’exploitation de Dole et de Chiquita avec la collusion reprochée et de la revendication d’une diminution de la valeur des ventes retenue par la Commission pour déterminer le montant de l’amende.

622    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte, pour déterminer la valeur des ventes de biens ou de services, « réalisées par l’entreprise » conformément au paragraphe 13 des lignes directrices, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, le montant des ventes de bananes jaunes réalisées par des sociétés du groupe dont Dole est la société faîtière.

623    Les déclarations des requérantes sur la prétendue autonomie de Saba, de Kempowski, de VBH et de Dole France sont, dès lors, dépourvues de pertinence et sont, en tout état de cause, non justifiées ainsi qu’il a été exposé aux points 209 et 210 ci-dessus.

624    Troisièmement, les requérantes font valoir, de manière plus spécifique, que le montant des transactions relatives aux bananes jaunes que Saba a achetées à Chiquita et revendues par la suite ne peut pas non plus être utilisé dans le calcul du montant de l’amende. Selon les requérantes, la Commission a estimé que ces transactions devaient être considérées comme des recettes de Dole, et non de Chiquita, afin d’éviter le double comptage de ces bananes (considérant 452 de la décision attaquée), objectif qui pouvait être atteint en incluant ces bananes dans les recettes de Chiquita. Cette approche aurait d’ailleurs été la plus appropriée étant donné que le prix de ces bananes spécifiques avait été déterminé uniquement par Chiquita et un autre actionnaire de la société Saba.

625    Dans le considérant 452 de la décision attaquée, la Commission déduit, afin d’éviter un double comptage, des chiffres de ventes des entreprises destinataires de la décision attaquée la valeur des bananes fraîches vendues à d’autres destinataires, qui étaient ensuite vendues en Europe du Nord.

626    Il est constant que Saba est une filiale de Dole et qu’elle a revendu des bananes jaunes achetées vertes à Chiquita pour un montant de 18 168 309 euros selon le considérant susmentionné, ce qui justifiait la déduction opérée par la Commission.

627    Il convient de relever que, selon les propres écritures des requérantes, Dole a également bénéficié de cette volonté de la Commission d’éviter un double comptage, puisque la Commission a déduit un montant de 7 750 000 euros correspondant aux ventes de bananes de Dole réalisées par le mûrisseur-distributeur Atlanta, lié à Chiquita.

628    L’allégation selon laquelle le prix des bananes en cause était fixé par Chiquita et un autre actionnaire de ladite société n’est aucunement étayée et contredit même l’affirmation préalable des requérantes quant à l’autonomie de Saba dans la détermination de sa politique tarifaire. Il convient, dans ces circonstances, d’écarter l’argument des requérantes visant à exclure de la valeur des ventes les transactions portant sur les bananes achetées par Saba à Chiquita et revendues en Europe du Nord.

629    Les requérantes font encore état d’un double comptage en ce qui concerne les ventes par DFFE de bananes vertes à Cobana, prises en compte dans le montant des transactions déclaré par DFFE en 2002, achetées ensuite par Kempowski pour un montant estimé à 2,6 millions d’euros et revendues sous la forme de bananes jaunes pour un montant toujours estimé à 2,9 millions d’euros.

630    Outre que les montants indiqués procèdent d’une simple estimation, force est de constater que cette allégation des requérantes n’est aucunement étayée et que la situation décrite ne relève pas du cas de figure décrit dans le considérant 452 de la décision attaquée, Cobana ne faisant pas partie des entreprises destinataires de la décision attaquée.

631    En second lieu, les requérantes réitèrent leur argumentation concernant l’absence d’importance des prix de référence dans le secteur de la banane.

632    Elles font valoir, d’une part, que les prix de référence de Dole concernaient uniquement les bananes vertes de la marque Dole et non les bananes vertes de troisième choix vendues par DFFE, ces dernières n’ayant donc pas de relation avec l’infraction, et, d’autre part, que les bananes vertes de la marque Dole vendues dans le cadre d’accords contractuels non fondés sur les prix de référence ne sont pas des produits liés à ladite infraction, en l’occurrence les bananes vertes vendues dans le cadre des « contrats annuels Aldi plus » et lors de négociations hebdomadaires au cours desquelles les prix de référence de Dole ne constituaient pas le point de départ des négociations commerciales.

633    Premièrement, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de relever que, après avoir indiqué que le produit en cause était constitué par la banane fraîche, la Commission a précisé les trois niveaux de marque de banane appelés « tiers », existant sur le marché concerné, ainsi que la tarification différenciée corrélative (considérants 4 et 32 de la décision attaquée).

634    Selon la Commission et ainsi qu’il a été mentionné au point 14 ci-dessus, les prix payés par les détaillants et les distributeurs pour les bananes (appelés « prix réels » ou prix de transaction) pouvaient résulter soit de négociations ayant lieu sur une base hebdomadaire, en l’occurrence le jeudi après-midi et le vendredi (ou plus tard dans la semaine en cours ou au début de la semaine suivante), soit de la mise en œuvre de contrats de fourniture avec des formules de tarification préétablies mentionnant un prix fixe ou liant le prix à un prix de référence du vendeur ou d’un concurrent ou à un autre prix de référence tel que le « prix Aldi » (considérant 34 de la décision attaquée).

635    La Commission a examiné aux considérants 102 à 128 de la décision attaquée, avec suffisamment de précision et de clarté, la question de l’établissement et de la pertinence du prix de référence dans le secteur de la banane, tout en précisant la chronologie du processus de fixation des prix au regard de l’annonce du « prix Aldi » (considérant 104 de la décision attaquée).

636    En outre, la Commission a ajouté, au considérant 287 de la décision attaquée, que, « bien que les prix de référence [aient été] établis pour différentes marques des parties, une relation existait entre les prix de ces marques et ceux des marques tierces ou ceux des bananes sans marque » et que, « en réalité, Dole et Weichert [avaient] toutes deux déclaré que même le prix payé par Aldi (pour des bananes sans marque) était important dans l’établissement des prix réels des bananes de marque ».

637    Dans ces circonstances, aucune violation de l’article 253 CE ne saurait être reprochée à la Commission en ce qui concerne l’inclusion dans la valeur des ventes des transactions portant sur les bananes vertes autres que celles de la marque Dole et sur les ventes de bananes vertes de la marque Dole réalisées dans le cadre des « contrats Aldi plus » ou lors des négociations hebdomadaires.

638    Deuxièmement, s’agissant du bien-fondé du présent grief, il y a lieu de rappeler que c’est à bon droit que la Commission a conclu à la pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane, en relevant, d’une part, qu’ils servaient à tout le moins de signaux, de tendances ou d’indications pour le marché sur l’évolution prévue des prix de la banane et qu’ils étaient importants pour le commerce de la banane et les prix obtenus et, d’autre part, que, dans certaines transactions, les prix réels étaient directement liés aux prix de référence.

639    Il importe de souligner, ainsi qu’il a été relevé au point 526 ci-dessus, que l’infraction porte sur un produit unique, la banane fraîche, qui se décline en trois niveaux de qualité avec des distinctions de prix corrélatives, relevant d’un seul marché caractérisé par un processus de fixation des prix comportant l’annonce chaque jeudi matin des prix de référence de Dole, de Chiquita et de Weichert, premier message destiné au marché sur l’attente des importateurs en matière de prix. Quand bien même lesdits prix de référence ne concernaient que les bananes de première et de deuxième catégorie vendues par ces entreprises, il existait un lien entre ces prix et ceux des marques tierces ou ceux des bananes sans marque, dans la mesure où s’opérait nécessairement, chaque semaine, un positionnement tarifaire des différentes qualités de bananes les unes par rapport aux autres. L’existence d’une certaine interdépendance des prix de référence des bananes de marques Chiquita, Dole et Del Monte, cette dernière marque étant distribuée par Weichert, est illustrée par les courriels internes de Chiquita du 30 avril 2001 (considérant 107 de la décision attaquée) et du 8 août 2002 (considérants 111, 172 et suivants de la décision attaquée).

640    Comme le relève à juste titre la Commission, les requérantes font valoir elles-mêmes que le « prix Aldi », relatif à l’acquisition de bananes tierces, était pertinent pour la fixation des prix de transaction de toutes les bananes, y compris les bananes de marque Dole, Chiquita et Del Monte.

641    S’agissant des transactions réalisées dans le cadre des « contrats Aldi plus », avec un prix réel fixé par référence au « prix Aldi », l’influence indirecte des prix de référence sur le « prix Aldi » a été démontrée aux points 559 à 573 ci-dessus.

642    Il résulte des considérations qui précèdent que les requérantes restent en défaut de démontrer une quelconque application erronée des lignes directrices par la Commission du fait de l’inclusion dans la valeur des ventes des transactions portant sur les bananes vertes autres que celles de la marque Dole et sur les ventes de bananes vertes de la marque Dole réalisées dans le cadre des « contrats Aldi plus » ou lors des négociations hebdomadaires, étant rappelé que le paragraphe 13 des lignes directrices fait état d’une prise en compte par la Commission, aux fins de la détermination du montant de base, de la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise, se rapportant de façon directe ou indirecte à l’infraction.

643    Il y a lieu, enfin, de souligner que l’allégation des requérantes selon laquelle une erreur a été commise au cours de la procédure administrative en ce qui concerne le chiffrage du montant total net des ventes de DFFE de bananes vertes en 2002 (hors ventes internes à Saba et à VBH), qui s’élèverait en fait à 98 997 693 euros et non à 99 451 555, n’est aucunement étayée et qu’aucune prétention visant à la réduction du montant de base de l’amende retenu par la Commission n’est spécifiquement fondée sur ladite allégation.

644    Il s’ensuit que le grief tenant au caractère prétendument disproportionné du montant de base de l’amende en ce qu’il est fondé sur la valeur des ventes de produits n’ayant aucun lien avec l’infraction doit être rejeté.

C –  Sur le caractère prétendument disproportionné du montant de base de l’amende en ce qu’il est fondé sur la conclusion erronée que le comportement « était relati[f] à la fixation des prix » et la violation de l’obligation de motivation

645    Les requérantes affirment que la conclusion selon laquelle le comportement incriminé « était relati[f] à la fixation des prix », figurant au considérant 456 de la décision attaquée, est incompatible avec les constatations préalables de la Commission selon lesquelles « les parties n’ont pas convenu ou ne se sont pas concertées sur les prix réels » (considérant 237 de la décision attaquée) et le fait que la présente affaire concerne un simple échange d’informations qui ne fait pas partie d’un accord plus large de fixation des prix. Cette erreur de la Commission l’aurait conduite à retenir, au titre du paragraphe 19 des lignes directrices, une grande proportion des ventes (soit 15 %) pour fixer le montant de base de l’amende, et à majorer ce montant, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices, d’un « droit d’entrée » supplémentaire de 15 % en invoquant uniquement les « conditions spécifiques de l’affaire », motivation manifestement insuffisante et, en tout état de cause, erronée, pour autant que ladite mention signifie que la présente affaire porte sur une « fixation des prix ».

646    Les requérantes font également valoir que l’application, au titre du paragraphe 19 des lignes directrices, d’un pourcentage aussi élevé que celui de 15 % est manifestement disproportionnée au regard du pourcentage retenu, en l’occurrence 18 %, dans deux décisions d’application de l’article 81 CE datées des 27 et 28 novembre 2007, relatives à des accords de fixation des prix réels couvrant l’EEE et conclus par des entreprises détenant une part de marché cumulée supérieure à 85 %, dans la première affaire, et de 80 % dans la seconde.

647    En premier lieu, en ce qui concerne le grief tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, outre la jurisprudence mentionnée aux points 125 et 126 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la fixation d’amendes au titre de la violation du droit de la concurrence, la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu’elle indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction commise, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693, points 38 à 47, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 1532).

648    En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a, conformément aux paragraphes 20 et 22 des lignes directrices, examiné et pris en compte pour fixer la proportion de la valeur des ventes, en fonction du degré de gravité de l’infraction, divers facteurs tenant à la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les entreprises concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre de l’infraction, ainsi que cela résulte des considérants 454 à 459 de la décision attaquée. Afin de déterminer le montant additionnel prévu par le paragraphe 25 des lignes directrices, la Commission s’est référée, par un renvoi explicite au point 8.3.1.1 de la décision attaquée, à son appréciation desdits facteurs, comme le révèle le considérant 464 de la décision attaquée.

649    Il convient, à cet égard, de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices prévoit que, pour déterminer la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs dont, en particulier, ceux mentionnés au paragraphe 22 des lignes directrices.

650    Dans ces circonstances, ne saurait être alléguée une quelconque violation de l’obligation de motivation de la Commission quant au montant de 15 % retenu au titre de l’application du paragraphe 25 des lignes directrices.

651    En second lieu, s’agissant du bien-fondé du grief tenant au caractère disproportionné du montant de base de l’amende et plus particulièrement des pourcentages de la valeur des ventes retenus au titre de l’application des paragraphes 19 et 25 des lignes directrices, premièrement, il convient de constater que l’argumentation développée par les requérantes, à cet effet, est, pour partie, identique à celle soutenue dans le cadre de la contestation de l’existence de l’infraction, laquelle a été précédemment écartée.

652    Cette argumentation procède d’une lecture partielle et partiale de la décision attaquée, dans laquelle il est clairement précisé que l’infraction reprochée ne porte pas sur la coordination des prix réels, mais sur celle des prix de référence (voir, notamment, considérant 237 de la décision attaquée), lesquels étaient des prix annoncés à la clientèle par Dole, Chiquita et Weichert.

653    Ainsi qu’il a été exposé aux points 59 à 62 ci-dessus, il n’est pas nécessaire qu’un échange d’informations soit le support ou fasse partie d’une entente plus large pour pouvoir être incriminé. Il peut être analysé, de manière autonome, comme une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel si celle-ci consiste à fixer de façon directe ou même « indirecte » les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction comme le prévoit l’article 81, paragraphe 1, sous a), CE.

654    En l’espèce, la Commission a pu, à bon droit, conclure que les communications de prétarification, qui ont eu lieu entre Dole et Chiquita et entre Dole et Weichert, étaient relatives à la fixation des prix et qu’elles ont donné lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 CE (voir point 585 ci-dessus).

655    Il convient de relever que le paragraphe 23 des lignes directrices, selon lequel les « accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production » comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves, renvoie à la note en bas de page no 2, laquelle précise que la notion d’accords inclut les « pratiques concertées » au sens de l’article 81 CE.

656    De même, le paragraphe 25 des lignes directrices prévoit que le montant de base inclura une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes afin de dissuader les entreprises de participer à des « accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production », expression identique à celle figurant au point 23 qui renvoie à la note en bas de page susmentionnée. Une interprétation systématique et cohérente des lignes directrices permet de considérer que la précision de la note en bas de page no 2 concerne tout autant la même notion d’« accords » employée au paragraphe 25 des lignes directrices.

657    Deuxièmement, il importe de souligner que, en retenant un montant de 15 % de la valeur des ventes de Dole, la Commission a appliqué une proportion inférieure de moitié à celle qui peut généralement être retenue dans les accords horizontaux ou pratiques concertées de fixation des prix, lesquels comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves et doivent être « sévèrement sanctionnés », selon les paragraphes 21 et 23 des lignes directrices. Le paragraphe 23 des lignes directrices indique clairement que la proportion à retenir pour les accords horizontaux ou pratiques concertées de fixation de prix se situera généralement « en haut de l’échelle », le taux de 15 % retenu par la Commission se situant dans la partie inférieure du « haut de l’échelle ».

658    S’agissant du montant additionnel prévu au paragraphe 25 des lignes directrices, force est de constater que la Commission a retenu le taux minimal de 15 % qui y est mentionné.

659    La nature propre de l’infraction, la mise en œuvre de la pratique en cause et le fait que cette dernière concernait huit États membres, soit une partie significative de l’Union composée de quinze États membres à l’époque des faits, dont la République fédérale d’Allemagne qui constitue, selon les propres déclarations de Dole, le plus grand marché de la banane en Europe du Nord, constituent des éléments pris en considération par la Commission et qui justifient le montant intermédiaire de 15 % de la valeur des ventes de Dole retenu au titre des paragraphes 21 et 25 des lignes directrices.

660    Troisièmement, il convient de rappeler que la Cour a itérativement jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ont un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, point 205). Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient invoquer la politique décisionnelle de la Commission devant le juge de l’Union (arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 123).

661    Il y a lieu, en outre, de constater que la Commission a retenu une part des ventes, en considération du degré de gravité de l’infraction, inférieure à celle appliquée dans les deux décisions auxquelles les requérantes font référence, relatives à des produits distincts, ce qui révèle un traitement différencié des affaires en cause.

662    À supposer même que le montant de 15 % retenu dans la décision attaquée puisse caractériser une augmentation de la part des ventes prise en compte par la Commission au titre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, il convient de rappeler que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127). Le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait donc la priver de la possibilité d’élever, à tout moment, ce niveau pour assurer la mise en œuvre de la politique européenne de concurrence (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 581 supra, point 109).

663    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il n’est pas démontré que Dole a fait l’objet d’un traitement disproportionné ou discriminatoire.

D –  Sur le caractère prétendument disproportionné du montant de l’amende en ce que la Commission a écarté à tort l’argument de Dole selon lequel elle aurait dû tenir compte de sa situation financière précaire

664    Les requérantes affirment que la Commission a commis une erreur d’appréciation en refusant de prendre en compte la situation financière précaire de Dole au seul motif que cette prise en compte aboutirait à lui accorder un « avantage concurrentiel injustifié » (considérant 491 de la décision attaquée). Cette appréciation de la Commission priverait de tout effet utile le paragraphe 35 des lignes directrices et reposerait sur une contradiction fondamentale, au regard de l’abandon inexplicable par la Commission de toute action contre Fyffes et Van Parys.

665    Elles soutiennent également que l’appréciation de la Commission est insuffisante et que, dans le mémoire en défense, cette dernière avance un nouveau motif pour expliquer son rejet en violation de l’article 253 CE. Lors de l’audience, les requérantes ont précisé qu’elles invoquaient également, dans leurs écritures, une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

666    En premier lieu, s’agissant de la motivation de la décision attaquée, il convient de relever que, après avoir cité l’intégralité du paragraphe 35 des lignes directrices (considérant 489 de la décision attaquée), rappelé les échanges ayant eu lieu avec Dole en vue de la détermination de sa situation financière (considérant 490 de la décision attaquée), la Commission a conclu de la manière suivante au considérant 491 de la décision attaquée :

« Après avoir examiné la situation financière de Dole sur la base des données soumises, la Commission conclut qu’il n’est pas adéquat d’ajuster le montant de l’amende dans le cas de Dole. Bien que les informations financières fournies par Dole montrent que cette dernière subi[t] de sérieuses contraintes financières, la prise en compte de la situation financière négative d’une entreprise reviendrait à accorder un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins bien adaptées aux conditions du marché. »

667    Il apparaît ainsi que la Commission a fait application de la méthode définie dans les lignes directrices et a exprimé son refus d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre des circonstances exceptionnelles tirées d’une absence de capacité contributive au regard d’un examen s’achevant par le seul constat de « sérieuses contraintes financières » ou d’une « situation financière négative ».

668    Ces motifs doivent être lus en combinaison avec les termes du paragraphe 35 des lignes directrices, rappelés au considérant 489 de la décision attaquée, et définissant les conditions d’octroi d’une réduction du montant l’amende au titre des circonstances susmentionnées.

669    Il résulte clairement du paragraphe 35 des lignes directrices que, pour bénéficier d’une telle réduction, l’entreprise concernée doit établir que l’imposition de l’amende « mettrait irrémédiablement en danger [s]a viabilité économique » et « conduirait à priver ses actifs de toute valeur », aucune réduction du montant de l’amende n’étant accordée « sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire », cette dernière mention correspondant à la motivation retenue par la Commission à l’égard de Dole.

670    Les requérantes prétendent que, dans son mémoire en défense, la Commission avance un nouveau motif pour expliquer son rejet de prise en compte de la situation financière en déclarant qu’elle a agi ainsi à la suite d’une « analyse approfondie de la situation de Dole, fondée sur les informations reçues », cette motivation nouvelle n’étant pas recevable.

671    Il suffit de constater que cette explication est déjà contenue dans le considérant 491 de la décision attaquée, la Commission ne faisant que rappeler, dans son mémoire en défense, qu’elle a analysé la situation financière de Dole sur la base des informations reçues et conclu que les conditions d’une réduction du montant de l’amende n’étaient pas réunies.

672    Il s’ensuit qu’aucune violation de l’article 253 CE ne saurait être reprochée à la Commission, qu’il s’agisse d’une insuffisance ou d’une contradiction dans la motivation de la décision attaquée.

673    En second lieu, s’agissant du bien-fondé de l’appréciation de la Commission, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 370, et la jurisprudence citée).

674    La formulation du paragraphe 35 des lignes directrices reflète la prise en compte de cette jurisprudence par la Commission dans la définition de la méthode de calcul des amendes.

675    Force est de constater que les requérantes n’allèguent ni a fortiori ne justifient le fait que l’imposition d’une amende était de nature à mettre irrémédiablement en danger leur viabilité économique et conduirait à priver leurs actifs de toute valeur.

676    Il apparaît ainsi que la Commission a fait application de la méthode définie dans les lignes directrices et que son refus d’accorder une réduction du montant de l’amende au regard du seul constat d’une « situation financière négative » est conforme à la jurisprudence visée au point 673 ci-dessus.

677    S’agissant de l’allégation par les requérantes d’une « contradiction fondamentale » dans la conduite de la Commission, du fait du traitement réservé à Fyffes et à Van Parys, bénéficiaires d’un avantage concurrentiel provenant de l’abandon « inexplicable » de toute action à leur égard, il y a lieu de relever que l’analyse comparative des requérantes est dépourvue de toute pertinence.

678    Il convient de rappeler que, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 81 CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’un ou deux autres opérateurs économiques ne se seraient pas vu infliger d’amende, alors même que le Tribunal n’est pas saisi de la situation desdits opérateurs (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 56 supra, point 197).

679    En tout état de cause, ainsi qu’il a été exposé, la Commission doit être en mesure de tenir compte, dans sa décision, des réponses des entreprises concernées à la communication des griefs et doit pouvoir non seulement accepter ou rejeter les arguments des entreprises concernées, mais aussi procéder à sa propre analyse des faits avancés par celles-ci, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle maintient. La Commission a, en l’espèce, abandonné les griefs initialement retenus contre Fyffes et Van Parys, estimant les éléments de preuve les concernant insuffisants.

680    Cette situation n’est, en aucune manière, comparable avec celle de Dole, destinataire de la décision attaquée et à qui la Commission a refusé d’accorder une réduction du montant de l’amende au regard de la situation financière de celle-ci et ne révèle donc aucune contradiction ou discrimination au préjudice de Dole.

681    Dans ces circonstances, l’allégation selon laquelle la Commission a écarté à tort la demande de Dole de prise en compte de sa situation financière précaire doit être rejetée.

682    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande des requérantes tendant à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende doit être rejetée.

683    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

684    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dole Food Company, Inc. et Dole Germany OHG sont condamnées aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mars 2013.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur la recevabilité du document produit par les requérantes lors de l’audience

II –  Sur les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée

A –  Sur la violation des articles 81 CE et 253 CE

1.  Sur la possibilité de qualifier un échange d’informations de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel

2.  Sur l’existence d’une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel

a)  Sur l’absence de crédibilité de Chiquita

b)  Sur l’incompatibilité des modes d’exploitation de Dole et de Chiquita avec la collusion reprochée

Sur la violation alléguée de l’article 253 CE

Sur le fond

c)  Sur la coordination illicite des prix de référence de Dole, de Chiquita et de Weichert

Sur l’identification des discussions illicites

Sur la nature des informations échangées

Sur les participants aux échanges

Sur la prise en compte des caractéristiques essentielles du marché concerné

–  Sur le cadre réglementaire

–  Sur la nature spécifique du produit en cause

–  Sur le caractère variable de la demande

–  Sur la structure du marché

Sur le calendrier et la fréquence des communications

Sur la finalité des communications bilatérales

Sur la pertinence des prix de référence dans le secteur de la banane

Sur la responsabilité des salariés de Dole impliqués dans les communications bilatérales

B –  Sur la violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation

III –  Sur les conclusions visant à l’annulation ou à la réduction de l’amende

A –  Observations liminaires

B –  Sur le caractère prétendument disproportionné du montant de base de l’amende en ce qu’il est fondé sur la valeur des ventes de produits qui n’ont aucun lien avec l’infraction et la violation de l’obligation de motivation

C –  Sur le caractère prétendument disproportionné du montant de base de l’amende en ce qu’il est fondé sur la conclusion erronée que le comportement « était relati[f] à la fixation des prix » et la violation de l’obligation de motivation

D –  Sur le caractère prétendument disproportionné du montant de l’amende en ce que la Commission a écarté à tort l’argument de Dole selon lequel elle aurait dû tenir compte de sa situation financière précaire

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.