Language of document : ECLI:EU:T:2018:284

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 mai 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale tèespresso – Marques internationales figurative antérieure TPresso et verbale antérieure TPRESSO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑67/17,

Italytrade Srl, établie à Bari (Italie), représentée par Me N. Clemente, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Tpresso SA, établie à Zürich (Suisse), représentée par Mes L. Biglia et R. Spagnolli, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 29 novembre 2016 (affaire R 959/2016-4), relative à une procédure d’opposition entre Tpresso et Italytrade,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich et P. G. Xuereb (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 1er février 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 31 juillet 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2017,

à la suite de l’audience du 8 février 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 décembre 2014, la requérante, Italytrade Srl, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal tèespresso.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Café, thés, cacao et leurs succédanés ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2014/241, du 22 décembre 2014.

5        Le 19 mars 2015, l’intervenante, Tpresso SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants (ci-après les « marques antérieures ») :

–        l’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1205427 de la marque verbale TPRESSO, enregistrée le 13 février 2014, visant les produits relevant des classes 11 et 30 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 11 : « Machines pour la préparation de boissons chaudes, notamment machines à injection d’eau chaude et de vapeur sous pression pour la préparation, à partir de capsules, de thés et infusions non médicinales » ;

–        classe 30 : « Thés et infusions non médicinales en capsules » ;

–        l’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1077699 de la marque figurative, reproduite ci-après, enregistrée le 15 décembre 2010, visant les produits relevant des classes 11 et 30 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 11 : « Machines pour la préparation de boissons chaudes ; machines pour la préparation de boissons chaudes, notamment machines à injection d’eau chaude et de vapeur d’eau sous pression pour la préparation, à partir de capsules, de thés et infusions non médicinales » ;

–        classe 30 : « Thés, tisanes et infusions non médicinales ; extraits de thé ; préparations et boissons à base de thé ; thés, tisanes et infusions non médicinales en capsules, préparations et boissons à base de thé en capsules ».

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenus articles 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 2 mai 2016, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

9        Le 26 mai 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 29 novembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Premièrement, elle a confirmé que le territoire pertinent était celui de l’Union européenne et que le public pertinent était composé du grand public doté d’un niveau d’attention moyen. Deuxièmement, elle a considéré que les produits visés par la marque demandée et ceux couverts par les marques antérieures étaient en partie identiques et en partie similaires. Troisièmement, elle a estimé que les signes en conflit présentaient, sur le plan visuel, un degré de similitude supérieur à la moyenne, que lesdits signes présentaient, en substance, sur le plan phonétique, un degré de similitude élevé et que, sur le plan conceptuel, la comparaison était neutre. Quatrièmement, elle a précisé que le caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures était normal.

11      Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, elle a considéré qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Dans la mesure où elle accueillait l’opposition sur le fondement du motif d’opposition prévu à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner le motif d’opposition prévu à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 invoqué par l’intervenante.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter définitivement et intégralement l’opposition contre l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 30 ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés dans la procédure devant la chambre de recours et devant la division d’opposition.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée et refuser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux exposés dans la procédure devant la chambre de recours.

15      La requérante ayant informé le Tribunal qu’elle n’assisterait pas à l’audience de plaidoiries, celle-ci s’est déroulée en l’absence de cette partie, en application de l’article 108, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

 En droit

16      À titre liminaire, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 serait dénuée de fondement, il suffit de relever, à l’instar de l’EUIPO, que la chambre de recours a accueilli l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, formée par l’intervenante, sur la base des marques antérieures sans examiner l’autre motif invoqué, tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Dans la mesure où un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009 (devenu article 72 du règlement 2017/1001) (arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 123), celui-ci ne saurait examiner l’argumentation de la requérante relative à la renommée des marques antérieures sur laquelle la chambre de recours ne s’est pas prononcée. Une telle argumentation est donc irrecevable.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), iv), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), iv), du règlement 2017/1001], il convient d’entendre par marques antérieures, les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits et des services désignés [voir arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, points 16, 17 et 29 et jurisprudence citée, et du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit ainsi qu’une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

20      Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste ni l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le territoire pertinent est celui de l’Union ni celle selon laquelle le public pertinent se compose du grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. La requérante ne conteste pas non plus l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les produits en conflit sont identiques ou similaires.

21      En revanche, la requérante réfute les appréciations de la chambre de recours relatives à la similitude des signes en conflit et à l’existence d’un risque de confusion.

 Sur la comparaison des signes en conflit

22      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, sont en cause, d’une part, la marque verbale demandée tèespresso et, d’autre part, la marque verbale antérieure TPRESSO ainsi que la marque figurative antérieure composée du même élément verbal « tpresso » représenté de façon stylisée (voir point 6 ci-dessus).

 Sur la similitude visuelle

24      Dans un premier temps, la chambre de recours a relevé qu’il était indifférent que les éléments verbaux des marques en conflit eussent été écrits en majuscules ou en minuscules. S’agissant de la marque figurative antérieure, elle a ajouté que la lettre « t » de l’élément « tpresso » était représentée de façon stylisée avec une barre ondulée et surmontée d’une fine ligne, mais que ladite lettre restait reconnaissable et que, en outre, les lettres restantes étaient représentées dans une police de caractères assez ordinaire.

25      Dans un second temps, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit coïncidaient en leurs lettres « t », placées au début de ceux-ci, ainsi qu’en leurs groupes de lettres « presso » constituant leurs parties finales et qu’ils se distinguaient par le groupe de lettres supplémentaires « èes » figurant dans la marque demandée. La chambre de recours a conclu que les signes en conflit présentaient un degré de similitude visuelle supérieur à la moyenne.

26      La requérante estime que les signes en conflit sont visuellement différents. En ce qui concerne la comparaison entre la marque demandée et la marque verbale antérieure, premièrement, la chambre de recours n’aurait pas pris en considération le fait que la marque demandée est composée de dix lettres alors que la marque verbale antérieure n’en contient que sept. Deuxièmement, la chambre de recours n’aurait pas pris en compte le fait que la marque demandée est composée de lettres minuscules, alors que la marque verbale antérieure est composée de lettres majuscules, cette différence de graphie revêtant une grande importance en ce qui concerne l’impression visuelle d’ensemble des signes en conflit. Troisièmement, la présence du groupe de trois lettres supplémentaires « èes » dans la marque demandée confèrerait à cette marque un caractère visuel complétement différent de celui de la marque verbale antérieure. À cet égard, l’accent sur le « e » au sein de la marque demandée renforcerait la différence entre les signes en conflit. En ce qui concerne la comparaison entre la marque demandée et la marque figurative antérieure, la requérante ajoute que l’impression visuelle d’ensemble de celle-ci est marquée par la lettre « t » représentée de façon stylisée. En outre, le groupe de lettres « presso » aurait été enregistré dans une police de caractères non ordinaire.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

28      Selon une jurisprudence constante, s’agissant d’une marque contenant des éléments verbaux, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin. Néanmoins, il doit être relevé que cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et qu’elle ne saurait remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces marques, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, Migros-Genossenschafts-Bund/EUIPO – Luigi Lavazza (CReMESPRESSO), T‑189/16, non publié, EU:T:2017:488, point 48 et jurisprudence citée].

29      Par ailleurs, la présence dans chacune des marques en conflit de plusieurs lettres dans le même ordre peut revêtir une certaine importance dans l’appréciation des similitudes visuelles entre ces marques [voir arrêt du 6 avril 2017, Azanta/EUIPO – Novartis (NIMORAL), T‑49/16, non publié, EU:T:2017:259, point 38 et jurisprudence citée].

30      En l’espèce, s’agissant, premièrement, de la comparaison entre la marque demandée et la marque verbale antérieure, il y a lieu de constater que les signes en conflit présentent la même structure en ce qu’ils se composent d’un élément verbal unique. Ceux-ci ont en commun la lettre « t », qui marque leurs débuts respectifs, et partagent la même terminaison, à savoir le groupe de six lettres « presso ». En outre, force est de constater que l’intégralité des lettres de la marque antérieure figure dans la marque demandée. L’ensemble de ces éléments est, au vu de la jurisprudence citée aux points 28 et 29 ci-dessus, de nature à créer une similitude visuelle.

31      De surcroît, il convient d’observer que la différence entre les marques en cause est limitée à la présence de trois lettres supplémentaires, « è », « e » et « s », dans la partie centrale de la marque demandée. Or, contrairement à ce que prétend la requérante, la présence de ces lettres supplémentaires dans la marque demandée n’est pas suffisante pour exclure toute similitude entre les signes en conflit. Tel est le cas quand bien même l’une de ces lettres serait marquée d’un accent, ce dernier n’étant, en effet, que peu perceptible dans l’impression d’ensemble que produit le signe à l’égard d’un consommateur moyen.

32      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû tenir compte de l’écriture en majuscules et en minuscules des signes verbaux en conflit, il suffit de constater, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que, selon une jurisprudence constante, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou d’associations de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique. Par conséquent, la protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir [voir arrêt du 3 décembre 2015, TrekStor/OHMI – Scanlab (iDrive), T‑105/14, non publié, EU:T:2015:924, point 59 et jurisprudence citée]. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée, qu’il était sans importance que les signes verbaux en conflit s’écrivassent en majuscules ou en minuscules aux fins de leur comparaison.

33      S’agissant, deuxièmement, de la comparaison entre la marque demandée et la marque figurative antérieure, il suffit de relever que cette dernière est composée du même élément verbal que la marque verbale antérieure, de sorte que les considérations exposées aux points 30 et 31 ci-dessus sont également applicables. À cet égard, d’une part, la stylisation de la lettre « t », si elle est susceptible d’attirer l’attention du consommateur, n’est cependant pas de nature à empêcher l’identification de ladite lettre, ainsi que le soutient l’EUIPO. D’autre part, il ne saurait être souscrit à l’argument de la requérante, au demeurant non étayé, selon lequel la police de caractères de l’élément « presso » n’est pas ordinaire. Il suffit de constater que le groupe de lettres « presso » est lisible et aisément reconnaissable par les consommateurs. Dès lors, ces éléments stylistiques ne sauraient remettre en cause la similitude entre les signes en conflit, telle qu’elle découle de la similitude de leurs éléments verbaux.

34      Il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à un degré de similitude visuelle supérieur à la moyenne entre les signes en conflit.

 Sur la similitude phonétique

35      Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, en fonction de la langue utilisée, la marque demandée se prononcerait « tè-espresso », « tès-presso » ou « tees-presso » et, les marques antérieures, « tee-presso » ou « tè-presso ». Le degré de similitude sur le plan phonétique varierait d’élevé à pratiquement identique, comme en allemand ou en néerlandais.

36      La requérante soutient que l’appréciation de la similitude phonétique effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée est erronée. Tout d’abord, elle avance que l’impression phonétique d’un signe serait particulièrement influencée par le nombre et la suite de syllabes qui le composent. Or, les signes en cause présenteraient un nombre différent de syllabes et de lettres. À cet égard, elle soutient que la référence aux consommateurs allemands et néerlandais est dépourvue de tout fondement et que, en tout état de cause, les consommateurs allemands ou néerlandais décomposent la marque demandée en quatre syllabes et les marques antérieures en seulement deux ou trois syllabes. D’ailleurs, le consommateur néerlandais ne prononcerait pas la lettre « t ».

37      Ensuite, la requérante soutient que les marques en conflit diffèrent par la présence du groupe de consonnes « tpr » placé au début de l’élément verbal des marques antérieures. D’ailleurs, les différences entre les parties initiales des signes en conflit seraient décisives dans la mesure où les consommateurs tendraient à concentrer leur attention sur la partie initiale d’un signe.

38      Enfin, la requérante avance que, dans la marque demandée, les deux premières lettres évoquent le mot « thé », tandis que le reste des lettres évoque le mot italien « espresso ». La déduction desdits mots conduirait à une perception phonétique particulière de la marque demandée qui ne rappellerait nullement les marques antérieures.

39      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

40      À cet égard, il y a lieu de comparer la marque demandée avec l’élément « tpresso » constituant la marque verbale antérieure et l’élément verbal de la marque figurative antérieure. Tout d’abord, il convient de relever que toutes les lettres constituant l’élément verbal des marques antérieures sont incluses dans la marque demandée. De plus, ces lettres occupent la même place au sein des marques en cause. En effet, la lettre « t » est la première lettre de chacun des signes en conflit et les six lettres, « p », « r », « e », « s », « s », « o », placées dans le même ordre, forment leur partie finale.

41      Ensuite, d’une part, il y a lieu de constater que les prononciations de la partie initiale « tè » de la marque demandée et de la première lettre « t » des marques antérieures, si elles ne sont pas identiques, restent fortement similaires pour une large partie des consommateurs de l’Union, y compris pour les consommateurs allemands et néerlandais, mais également pour, notamment, les consommateurs français, italiens ou espagnols, ainsi que le souligne l’intervenante.

42      D’autre part, il doit être observé que l’élément verbal « presso » se retrouve, à l’identique, dans chacune des parties finales des signes en conflit et sera prononcé de la même manière par le public pertinent.

43      Certes, la marque demandée présente, contrairement aux marques antérieures, trois lettres supplémentaires, à savoir les lettres « è », « e » et « s », dans sa partie centrale induisant, généralement, la prononciation d’une syllabe supplémentaire.

44      Toutefois, il convient de relever que cette différence dans la structure syllabique des signes en conflit n’a pas une incidence telle qu’elle permettrait d’écarter la forte similitude phonétique présentée par les marques en conflit, celle-ci devant être appréciée sur le fondement de l’impression d’ensemble produite par leur prononciation complète [voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, EU:T:2004:79, point 85].

45      Par ailleurs, s’agissant de l’argument tiré de l’impression phonétique du groupe de consonnes « tpr » que la requérante identifie dans les marques antérieures, force est de relever, à l’instar de l’EUIPO, que ce groupe de consonnes ne sera pas prononcé naturellement par les consommateurs et ne peut être considéré comme formant un ensemble syllabique pertinent pour l’appréciation de l’impression phonétique des signes en conflit. Au demeurant, cet argument de la requérante contredit, d’une part, son observation selon laquelle, en néerlandais, les marques antérieures se décomposent en deux syllabes, « pre » et « sso », sans que la lettre « t » soit prononcée et, d’autre part, son observation concernant la structure syllabique des signes en conflit en allemand, dont il découle que les consommateurs allemands ne prononcent pas le groupe de consonnes « tpr », en tant que tel, mais le décomposent en deux syllabes.

46      Enfin, s’agissant de l’argument tiré de l’identification des termes « thé » et « espresso » au sein de la marque demandée, il suffit de relever que la requérante n’explique pas en quoi l’identification de ces termes conduirait le public pertinent à prononcer ladite marque d’une façon particulière. En outre, c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 26 de la décision attaquée, a examiné l’impression phonétique des signes en conflit dans leur ensemble.

47      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu, aux points 26 et 33 de la décision attaquée, que la similitude phonétique entre les signes en conflit était élevée pour le public pertinent.

 Sur la similitude conceptuelle

48      Au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, les marques en conflit n’ayant pas de signification dans un quelconque État membre de l’Union, la comparaison conceptuelle était neutre. Le fait que lesdites marques puissent dériver des concepts de « thé » et d’« espresso » ne modifierait pas cette conclusion.

49      La requérante soutient que la marque demandée a bien une signification dans les États membres de l’Union en ce qu’elle évoque les concepts de « thé » et d’« espresso ». En effet, ladite marque s’inspirerait de l’espresso, désignant communément les cafés italiens ainsi que leur méthode de production, associé au thé. Au contraire, l’élément verbal « tpresso » des marques antérieures serait fantaisiste et n’aurait aucun lien avec les produits susmentionnés de sorte qu’il ne saurait lui être donné une signification susceptible de renvoyer aux mêmes concepts que ceux associés à la marque demandée.

50      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et avancent que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’aucune des marques en conflit n’avait de signification claire pour le public pertinent et que la comparaison conceptuelle restait neutre.

51      L’EUIPO soutient également que, à supposer que la comparaison conceptuelle soit possible, il devrait être considéré que les marques antérieures possèdent une signification identique ou partiellement identique à la marque demandée, étant donné que l’élément « presso » qui constitue le milieu et la fin du mot « espresso », représente une partie importante tant de la marque demandée que des marques antérieures.

52      Selon l’intervenante, ainsi qu’elle l’a fait valoir, notamment, lors de l’audience, la marque demandée est descriptive d’une partie des produits de la classe 30 pour lesquels son enregistrement a été demandé. En revanche, les marques antérieures seraient fantaisistes et ne renverraient pas auxdits produits.

53      Il convient de relever que si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît. En outre, le consommateur pertinent décomposera le signe verbal même si seul un de ses éléments lui est familier [voir arrêt du 19 septembre 2012, TeamBank/OHMI – Fercredit Servizi Finanziari (f@ir Credit), T‑220/11, non publié, EU:T:2012:444, point 38 et jurisprudence citée].

54      À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi que le fait valoir la requérante, que les consommateurs sont susceptibles de reconnaître, au sein de la marque demandée, un mot, d’usage courant et facilement compréhensible pour une large partie du public pertinent, à savoir le mot italien « espresso ». Cela est d’autant plus vrai pour les consommateurs qui seront en mesure d’identifier l’accolement au mot « espresso » du mot « thé » dans la partie initiale de ladite marque, en particulier, les consommateurs italiens, pour lesquels ce mot s’écrit « tè ». Il y a également lieu de constater que le mot « espresso » est utilisé couramment sur l’ensemble du territoire de l’Union pour désigner, de manière générale, une boisson à base de café et, en particulier, ainsi que le relève la requérante, un café court et corsé, exécuté selon la méthode italienne.

55      Or, il convient de relever que les marques antérieures présentent la composante « presso », laquelle est susceptible d’évoquer, également, dans l’esprit du consommateur moyen, l’idée d’un « espresso » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 juillet 2017, CReMESPRESSO, T‑189/16, non publié, EU:T:2017:488, point 73).

56      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu, les signes en conflit sont susceptibles d’avoir une signification pour le public pertinent capable de déduire le terme « espresso » de ceux-ci et, dès lors, de converger, partiellement, par leur évocation à un café express, court et corsé.

57      Toutefois, il convient de préciser que cette erreur de la chambre de recours dans la décision attaquée n’est pas susceptible de remettre en cause l’appréciation relative à la similitude entre les signes en conflit dès lors que, au lieu de considérer la comparaison conceptuelle des signes comme neutre, il convient de relever l’existence d’une similitude conceptuelle d’un degré moyen.

 Sur le risque de confusion

58      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

59      Au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, les marques antérieures étant dépourvues de toute signification au regard des produits visés, leur caractère distinctif intrinsèque était normal.

60      Au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 compte tenu de l’identité et de la similitude des produits en cause, de la similitude visuelle supérieure à la moyenne et de la similitude phonétique élevée des signes en conflit, du caractère distinctif intrinsèque normal des marques antérieures ainsi que du niveau d’attention moyen du public pertinent.

61      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours n’a pas suffisamment motivé sa conclusion relative à l’existence d’un risque de confusion, car elle n’a pas pris en considération tous les éléments utiles à la comparaison. À cet égard, elle se limite à réitérer, d’une part, que les degrés de similitude visuelle et phonétique ne sont pas, respectivement, supérieur à la moyenne et élevé et, d’autre part, que les marques antérieures n’évoquent aucun concept. Elle avance encore que les produits désignés par les marques en cause sont essentiellement vendus selon des modalités permettant à l’acheteur de voir celles-ci, à savoir, dans les supermarchés et sur l’internet, de sorte que les éventuelles similitudes phonétiques ne seraient pas pertinentes. Elle ajoute, dans le cadre des arguments contestant la renommée des marques antérieures, que ces dernières ont, en réalité, une capacité distinctive intrinsèque faible.

62      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

63      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à ce qui a été relevé au point 20 ci-dessus, il existe une identité ou une similitude entre les produits en cause.

64      Tout d’abord, concernant les allégations de la requérante selon lesquelles la chambre de recours n’aurait pas pris en compte tous les éléments composant les marques en cause pour effectuer leur comparaison, il convient de relever que celles-ci ne sont aucunement étayées. En tout état de cause, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort des points 31 à 33 de la décision attaquée, que la chambre de recours a bien effectué une appréciation globale des éléments pertinents avant de conclure à l’existence d’un risque de confusion.

65      En ce que ces allégations peuvent être interprétées comme visant, en substance, à contester les conclusions auxquelles est parvenue la chambre de recours concernant la similitude des signes en cause, il y a lieu de les rejeter. En effet, au vu des considérations déjà exposées aux points 34 et 47 ci-dessus, il existe une similitude visuelle supérieure à la moyenne et une similitude phonétique élevée entre les signes en conflit. En outre, ainsi qu’il a été précisé aux points 53 à 56 ci-dessus, il existe une similitude conceptuelle d’un degré moyen entre lesdits signes.

66      Ensuite, concernant l’argument, au demeurant non étayé par la requérante, relatif au caractère distinctif prétendument faible des marques antérieures, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré, à tort, que ces dernières n’avaient aucune signification. Toutefois, le fait que le consommateur moyen soit susceptible d’identifier le terme « espresso » dans les marques antérieures n’a pas, au regard des produits visés par les marques antérieures que sont, en substance, le thé, les tisanes et les infusions ainsi que les machines pour la préparation de boissons chaudes, en particulier, de thé et d’infusions, d’incidence sur la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours, à savoir que le caractère distinctif des marques antérieures était normal.

67      En tout état de cause, même à supposer qu’il y ait lieu de qualifier de faible le caractère distinctif des marques antérieures, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres, intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée], ce qui est le cas en l’espèce, ainsi qu’il a été souligné aux points 63 et 65 ci-dessus.

68      Enfin, ne saurait prospérer l’argument de la requérante tiré des modalités de vente des produits en cause. En effet, selon la jurisprudence, l’importance des éléments de similitude ou de différence entre les signes en conflit peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que ceux-ci désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance [arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:T:2004:293, point 49].

69      À cet égard, il doit être admis que les produits en cause, relevant des classes 11 et 30, tels que rappelés au point 6 ci-dessus, sont vendus généralement dans des magasins, de sorte que la similitude visuelle des signes en conflit peut revêtir une plus grande importance, en vertu de la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus. Néanmoins, la requérante fait une lecture erronée de cette jurisprudence lorsqu’elle en déduit que, corollairement, l’aspect phonétique n’est que peu, voire pas, pertinent dans ce contexte. Au demeurant, l’argument de la requérante est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle les signes en conflit sont visuellement différents, dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au point 34 ci-dessus, il existait une similitude visuelle d’un degré supérieur à la moyenne entre eux. L’argument de la requérante doit donc en tout état de cause être écarté.

70      À la lumière de tout ce qui précède, il convient de relever que, c’est à bon droit, que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen.

71      Il s’ensuit que le moyen invoqué par la requérante et tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, doit être rejeté.

72      Étant donné que le moyen invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions tant en annulation qu’en réformation n’est pas fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

75      S’agissant de la demande de l’intervenante tendant à ce que la requérante soit condamnée aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 2 du dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Italytrade Srl est condamnée aux dépens.

Gratsias

Dittrich

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.