Language of document : ECLI:EU:C:2012:690

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 novembre 2012 (*)

«Manquement d’État – Transports – Développement de chemins de fer communautaires – Directive 2001/14/CE – Articles 6, paragraphes 2 à 5, et 11 – Capacités et tarifications des infrastructures ferroviaires – Organisme de contrôle – Non- transposition dans le délai prescrit»

Dans l’affaire C‑528/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 15 novembre 2010,

Commission européenne, représentée par MM. G. Zavvos et H. Støvlbæk, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par Mme S. Chala, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par:

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek et T. Müller ainsi que par Mme J. Očková, en qualité d’agents,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avoccato dello Stato,

parties intervenantes,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. E. Levits et M. Safjan, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’adoptant pas, dans le délai prescrit, les mesures nécessaires, notamment en ce qui concerne les unités de tarification de l’infrastructure et l’organisme de contrôle dans le secteur des chemins de fer, visées aux articles 6, paragraphes 2 à 5, 11 ainsi que l’article 30, paragraphes 1, 4 et 5, de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (JO L 75, p. 29), telle que modifiée par la directive 2007/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007 (JO L 315, p. 44, ci-après la «directive 2001/14»), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces articles.

2        Par lettre du 18 octobre 2012, la Commission a annoncé qu’elle considérait que la République hellénique s’est mise partiellement en conformité en ce qui concerne les griefs relatifs à la violation de l’article 30, paragraphes 1, 4 et 5 de la directive 2001/14 et que par conséquent elle demandait le désistement partiel pour ce griefs.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Trois directives ont été adoptées, au cours de l’année 2001, par le Parlement européen et le Conseil en vue de redynamiser le transport ferroviaire, en l’ouvrant progressivement à la concurrence au niveau européen, à savoir la directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires (JO L 75, p. 1), la directive 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires (JO L 75, p. 26), et la directive 2001/14 (ci-après, prises ensemble, le «premier paquet ferroviaire»).

4        L’article 6 de la directive 2001/14, intitulé «Coût de l’infrastructure et comptabilité», dispose:

«[...]

2.      Le gestionnaire de l’infrastructure est, tout en respectant les exigences en matière de sécurité, et en maintenant et en améliorant la qualité de service de l’infrastructure, encouragé par des mesures d’incitation à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès.

3.      Les États membres veillent à ce que la disposition prévue au paragraphe 2 soit mise en œuvre soit dans le cadre d’un contrat conclu, pour une durée minimale de trois ans, entre l’autorité compétente et le gestionnaire de l’infrastructure et prévoyant le financement par l’État, soit par l’établissement de mesures réglementaires appropriées, prévoyant les pouvoirs nécessaires.

4.      Lorsqu’un contrat est conclu, ses modalités et la structure des versements destinés à procurer des moyens financiers au gestionnaire de l’infrastructure sont convenues à l’avance et couvrent toute la durée du contrat.

5.      Une méthode d’imputation des coûts est élaborée. Les États membres peuvent la soumettre à approbation préalable. Il convient de mettre à jour cette méthode de temps à autre en fonction des meilleures pratiques internationales.»

5        L’article 11, paragraphe 1, de cette directive, intitulé «Système d’amélioration des performances», prévoit ce qui suit:

«Par l’établissement d’un système d’amélioration des performances, les systèmes de tarification de l’infrastructure encouragent les entreprises ferroviaires et le gestionnaire de l’infrastructure à réduire au minimum les défaillances et à améliorer les performances du réseau ferroviaire. Ce système peut comporter des sanctions en cas d’actes à l’origine de défaillances du réseau, des compensations pour les entreprises qui sont victimes de ces défaillances et des primes en cas de bonnes performances dépassant les prévisions.»

 La procédure précontentieuse

6        Par lettre du 26 juin 2008, la Commission a mis en demeure les autorités grecques de rendre la législation de cet État membre relative aux transports ferroviaires conforme au premier paquet ferroviaire. Les principaux manquements reprochés à la République hellénique concernaient l’indépendance des fonctions essentielles, le système de tarification de l’infrastructure et l’organisme de contrôle dans le secteur ferroviaire.

7        Les autorités grecques ont répondu à cette mise en demeure par lettre du 21 août 2008. Elles y faisaient valoir des éléments relatifs à la conformité de la législation grecque avec le premier paquet ferroviaire.

8        Par lettre du 22 juillet 2009, en réponse au courrier adressé par la Commission le 9 juin 2009, les autorités grecques ont apporté de nouvelles précisions concernant la mise en œuvre des mesures qui avaient été annoncées dans leur réponse à la lettre de mise en demeure.

9        Toutefois, considérant que la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire présentait encore certaines lacunes, le 8 octobre 2009, la Commission a émis un avis motivé constatant que la République hellénique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 6, paragraphes 2 à 5, 11 ainsi que 30, paragraphes 1, 4 et 5, de la directive 2001/14 et a invité cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

10      Les autorités grecques ont répondu à cet avis motivé le 8 décembre 2009.

11      N’étant pas satisfaite de la réponse des autorités grecques, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

12      Dans sa requête, la Commission reproche à la République hellénique de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le premier paquet ferroviaire. Elle invoque, à cet égard, un grief relatif à la tarification de l’infrastructure. La requête de la Commission vise la loi grecque en vigueur au moment de l’envoi de l’avis motivé et les réponses obtenues du gouvernement grec dans ce contexte précis.

13      Dans son mémoire en défense, la République hellénique fait état de nouvelles dispositions légales adoptées par le législateur à la suite de l’avis motivé et de ce que cet État membre avait indiqué qu’il ferait, en réponse à la mise en demeure de la Commission.

14      La République hellénique fait valoir que, au travers, en particulier, de la loi 3891/10, du 4 novembre 2010, portant restructuration, assainissement et développement du groupe OSE et de la société Trainose et autres dispositions concernant le secteur ferroviaire, (FEK A’ 188/4.11.2010, ci-après la «loi 3891/10»), elle a désormais adopté les mesures nécessaires pour répondre aux griefs formulés par la Commission, tels qu’ils figurent dans sa requête, notamment en ce qui concerne le système de tarification des redevances d’infrastructure et l’organisme de contrôle dans le secteur des chemins de fer.

15      Selon cet État membre, il résulte de la date de dépôt de la requête et de celle de la publication de la loi 3891/10 que, lorsqu’elle a rédigé sa requête, la Commission n’avait pas connaissance de ce nouveau cadre législatif. De ce fait, la République hellénique estime que les griefs avancés par la Commission concernaient le régime juridique préexistant, tel qu’il était applicable sur la base du décret présidentiel 41/2005 (FEK A’ 60/7.3.2005) et de la loi 3710/2008 (FEK A’ 216/23.10.2008), avant que cette dernière ne soit amendée par la loi 3891/10.

16      La République hellénique soutient que, si elle avait, dans le cadre de la procédure précontentieuse, admis le caractère fondé des griefs de la Commission, elle s’est à présent pleinement conformée, en adoptant la loi 3891/10, aux demandes de la Commission. Dès lors, elle considère que les griefs de cette dernière, à la lumière de ce changement législatif, sont désormais dépourvus d’objet.

17      Par sa réplique, la Commission expose qu’elle a examiné la nouvelle loi 3891/10 par laquelle la République hellénique affirme s’être conformée aux exigences de la directive 2001/14. La Commission estime que cet État membre n’a cependant pas encore pris les mesures d’exécution en vue d’assurer l’application effective de ladite loi et que, par conséquent, elle n’a pas transposé cette directive dans son droit national.

18      En ce qui concerne la deuxième partie du premier grief formulé dans sa requête, relatif au défaut d’établissement et de mise en œuvre d’un système intégré d’amélioration des performances tel que prévu à l’article 11 de la directive 2001/14, la Commission observe que, en dépit des affirmations de la République hellénique à ce propos, les modifications apportées au décret présidentiel 41/2005 par la loi 3891/10 ne constituent même pas un projet d’un tel système, dans la mesure où ces modifications se limitent à préciser les titres des futures annexes relatives au système en question et ne mentionnent nullement les modalités d’application et d’entrée en vigueur de ce prétendu projet. En conséquence, selon la Commission, celui-ci ne saurait être considéré comme un système existant et opérationnel d’amélioration des performances.

 L’argumentation des parties intervenantes

19      Selon les termes de son mémoire en intervention, la République italienne expose que les griefs formulés par la Commission font référence à la législation hellénique existant à la date à laquelle l’avis motivé a été émis. Il en découlerait que, bien que la République hellénique aurait, au cours de la phase précontentieuse, admis que les griefs soulevés par la Commission étaient fondés, ces derniers se révéleraient dépourvus d’objet à la lumière des modifications introduites dans la législation hellénique.

20      Le gouvernement italien précise que son intérêt à intervenir à la procédure se justifiait exclusivement sur la base du grief avancé par la Commission relatif au défaut d’indépendance de l’organisme de contrôle ainsi qu’à l’attribution à celui-ci de pouvoirs d’inspection et de sanction significatifs, cet État membre souhaitant faire prévaloir le fait que la législation italienne est conforme aux dispositions de la directive 2001/14 et en particulier à l’article 30 de celle-ci, cette conformité ayant été mise en cause par la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction n° 2008/2097.

21      Néanmoins, à la lumière de la position adoptée par la Commission dans son mémoire en réplique, aux termes de laquelle cette institution ne critique pas la création, par le législateur grec, en réponse à ce grief particulier, d’un organisme de contrôle compétent en matière de transport et l’attribution à ce dernier de pouvoirs d’inspection et de sanction efficaces, le gouvernement italien estime qu’il ne sera plus nécessaire que la Cour fournisse une interprétation de l’article 30 de la directive 2001/14, de sorte que l’intérêt de la République italienne à intervenir à la procédure disparaît.

22      C’est dans ces conditions que le gouvernement italien déclare se désister de son intervention.

23      La République tchèque explique qu’elle rejoint les arguments avancés par la République hellénique à l’encontre de l’ensemble des griefs opposés par la Commission, tirés d’une transposition prétendument incorrecte des dispositions du droit de l’Union en cause, ces griefs correspondant à ceux soulevés à son encontre par cette institution dans l’affaire Commission/République tchèque (C-545/10), pendante devant la Cour.

24      La République tchèque demande à la Cour de rejeter le recours et de condamner la Commission aux dépens.

 Appréciation de la Cour

25      Le gouvernement grec avance des arguments basés sur des modifications apportées à la législation nationale intervenues à la suite de la réponse fournie le 8 décembre 2008 par les autorités helléniques à l’avis motivé de la Commission. Dans ce contexte, le gouvernement grec soutient que la Commission n’avait pas connaissance de ce nouveau cadre législatif à la date de dépôt de la requête.

26      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 11 octobre 2001, Commission/Autriche, C-111/00, Rec. p. I-7555, point 13, et du 26 avril 2007, Commission/Italie, C-135/05, Rec. p. I-3475, point 36).

27      Il importe également de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive (voir arrêts du 15 juin 2000, Commission/Grèce, C‑470/98, Rec. p. I-4657, point 11, et du 7 décembre 2000, Commission/Italie, C‑423/99, Rec. p. I-11167, point 10).

28      En l’espèce, il est constant que les mesures nécessaires pour assurer la transposition complète de la directive 2001/14 n’avaient pas été adoptées à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé.

29      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours introduit par la Commission comme fondé.

30      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’adoptant pas, dans le délai prescrit, les mesures nécessaires, notamment en ce qui concerne les unités de tarification de l’infrastructure dans le secteur des chemins de fer, visées aux articles 6, paragraphes 2 à 5, 11, de la directive 2001/14, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces articles.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

32      Conformément au paragraphe 4, premier alinéa, dudit article 69, la République tchèque et la République italienne, qui sont intervenues au litige, supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’adoptant pas, dans le délai prescrit, les mesures nécessaires, notamment en ce qui concerne les unités de tarification de l’infrastructure dans le secteur des chemins de fer, visées aux articles 6, paragraphes 2 à 5, 11, de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité, telle que modifiée par la directive 2007/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces articles.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

3)      La République tchèque et la République italienne supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.